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Article de revue

La sécurité culturelle : une analyse du concept

Pages 22 à 35

Introduction

1La sécurité culturelle est un concept que l’on retrouve de plus en plus dans la littérature qui porte sur la dimension culturelle des soins infirmiers. Les écrits proviennent en grande majorité des pays anglo-saxons et le concept n’est pas utilisé dans le contexte culturel actuel des pays européens francophones. Depuis 1992, la capacité d’offrir des soins assurant la sécurité culturelle des patients est une condition d’entrée dans la profession en Nouvelle-Zélande. Toutefois, ce concept est peu compris par les patients, les infirmières et les étudiants (Gibbs, 2005) [1] ; (Johnstone, Kanitsaki, 2007a) [2]. La littérature sur la sécurité culturelle traite autant de la formation et de la pratique infirmière que de la recherche auprès de populations vulnérables et de l’organisation des services de santé. Les enjeux qui y sont reliés présentent donc une importance pour tous les secteurs d’activités des soins de santé.

2Une analyse conceptuelle de la sécurité culturelle a été réalisée selon la méthode évolutionniste modifiée de Rodgers, 2000 [3] afin de clarifier ce concept. Le choix du concept et la méthode utilisée seront d’abord présentés. Suivront les résultats et une discussion des limites de l’analyse, des réflexions critiques et des implications pour le développement futur du concept de sécurité culturelle.

Choix du concept

3Dans la formation infirmière, deux concepts se font concurrence actuellement puisque tous deux visent la formation d’infirmières ayant les capacités d’offrir des soins culturellement congruents. Il s’agit de la compétence culturelle et de la sécurité culturelle. La compétence culturelle est définie comme étant le « processus par lequel l’infirmière s’efforce d’atteindre la capacité d’offrir des soins tenant compte du contexte culturel d’un individu, d’une famille ou d’une communauté » [traduction libre] (Campinha-Bacote, 1999, 203) [4]. Ce concept bénéficie depuis la fin des années 80 de l’attention des chercheurs tant pour la pratique infirmière que pour la formation. Plusieurs modèles décrivent cette compétence et les différents concepts qui y sont associés (Campinha-Bacote, 2002) [5] ; (Giger, Davidhizar, 2002) [6] ; (Leininger, 1991) [7] ; (Purnell, 2002) [8] ; (Suh, 2004) [9]. Il existe à ce jour trois analyses conceptuelles de la compétence culturelle (Burchum, 2002) [10] ; (Smith, 1998) [11] ; (Suh, 2004) [9].

4La sécurité culturelle, quant à elle, a encore peu d’écho hors du contexte de la Nouvelle-Zélande, où elle a vu le jour en 1988. Après une revue exhaustive de la littérature, Jonhstone et Kanitsaki, 2007b, 249, [12] soulignent que « le concept de sécurité culturelle continue d’être problématique du fait qu’il est peu transparent et demeure l’objet de nombreuses interprétations, ce qui rend difficile sa compréhension et son application pratique » [traduction libre]. Browne, Varcoe, Smye, Kirkham, Lynam, Wong, 2009, [13] ajoutent qu’il existe des ambigüités considérables dans son interprétation. Une analyse du concept de la sécurité culturelle pourrait ainsi être utile afin de le clarifier et servir de base pour sa mise en application dans les différents secteurs d’activités en sciences infirmières et dans divers pays.

Méthode d’analyse

L’analyse de concept selon Rodgers (2000)

5Un concept est considéré comme étant lié à son contexte disciplinaire, culturel ou théorique. Un concept est aussi dynamique puisqu’il évolue avec le temps et les situations et possède une utilité pragmatique. Les fondements philosophiques de la méthode d’analyse conceptuelle évolutionniste de Rodgers, 2000, [3] correspondent à cette vision non essentialiste des concepts. L’auteure soutient que « la réalité, les êtres humains et les phénomènes en soins infirmiers sont en changement continuel, comprennent plusieurs éléments interreliés et se chevauchent, ils peuvent être interprétés seulement à la lumière de multiples facteurs contextuels » [traduction libre] (Rodgers, 2000, 77) [3]. Ainsi, plutôt que de proposer des attributs essentialistes aux concepts, la méthode évolutionniste cherche à faire ressortir leur nature dynamique. Le développement de concept est ainsi vu comme étant un cycle continu à travers le temps et dans un contexte particulier (Rodgers, 2000) [3]. Les phases de la méthode évolutionniste d’analyse de concept de Rodgers, 2000, 85, [3] suivies pour l’examen du concept de sécurité culturelle sont les suivantes :

  1. Identifier le concept et les expressions associées.
  2. Identifier et choisir un domaine approprié pour la collecte des données.
  3. Effectuer la collecte des données afin d’identifier :
    1. Les attributs du concept ;
    2. La base contextuelle du concept, incluant les variations interdisciplinaires, socioculturelles et temporelles (antécédents et conséquences).
  4. Analyser les données selon les caractéristiques mentionnées.
  5. Identifier, si approprié, un cas exemplaire du concept.
  6. Déterminer les hypothèses et implications pour le développement futur du concept [traduction libre].
Une perspective ontologique relativiste a guidé les choix effectués en cours de processus d’analyse, centrée sur l’identification, par une approche inductive, de ce qui est commun dans l’usage du concept. Les résultats ne démontrent pas ce qu’est ou ce que n’est pas la sécurité culturelle. La clarification du concept permet plutôt d’offrir une base pour la mise en application dans la pratique, les recherches futures et son développement continu. Bien que la méthode évolutionniste de Rodgers, 2000, [3] présente certaines caractéristiques du relativisme, des modifications ont dû être apportées au processus afin de respecter la perspective ontologique choisie pour cette analyse. Par exemple, la sélection des documents à analyser sur la base d’un choix aléatoire de même que la création de cas exemplaires non liés au contexte tels que suggérés par Rodgers ne suivent pas cette perspective. De tels cas spécifiques minimisent la relation entre le contexte et le concept et situent la méthode davantage dans une perspective réaliste (Duncan, Cloutier, Bailey, 2007) [14]. Il aurait été possible d’utiliser un cas exemplaire tiré de la littérature en le situant dans son contexte particulier pour contourner cette critique. Toutefois, aucun cas n’a pu être identifié dans les écrits recensés. Rodgers, 2000, 96, [3] mentionne que « parce que la méthode évolutionniste est une technique inductive, les cas devraient être identifiés plutôt que construits par l’investigateur » [traduction libre]. Il aurait aussi été prématuré, considérant l’état des connaissances au sujet de la sécurité culturelle, de proposer un cas exemplaire construit.

Collecte des données

6Une recherche documentaire a été effectuée pour les années 1988 à 2012. L’année 1988 a été sélectionnée comme point de départ puisqu’elle correspond à l’année de formalisation du concept (Papps, Ramsden, 1996) [15]. La période choisie permettait de recueillir des données concernant l’émergence du concept et ses changements dans le temps. L’expression avec troncatures « cultur* safe* » a été cherchée dans les mots-clés des bases de données CINAHL, PsycINFO, MEDLINE, EMBASE, ERIC et Sociological Abstracts. Le choix d’utiliser l’expression intégrale plutôt que les termes séparés « culture » et « safety » est basé sur une recherche préliminaire démontrant que les résultats obtenus n’étaient pas en lien avec le concept à l’étude. La consultation de ces bases de données permettait de rejoindre les différentes disciplines susceptibles d’utiliser le concept de sécurité culturelle. Rodgers, 2000, [3] souligne l’apport important des comparaisons interdisciplinaires dans l’analyse d’un concept. Cette recherche dont les langues sélectionnées étaient le français et l’anglais a généré 348 documents. Ici, contrairement à la méthode de Rodgers, 2000, [3] qui suggère d’effectuer un choix aléatoire des articles à retenir, chaque document retenu a été choisi pour sa pertinence conceptuelle, c’est-à-dire, sa capacité de répondre au but de la recherche et de favoriser une meilleure compréhension du concept et de ses contextes d’application. Ce processus de sélection des articles vise à éviter le risque d’omettre des documents appropriés pour l’analyse conceptuelle (Penrod, Hupcey, 2005) [16].

7La pertinence conceptuelle a d’abord été évaluée en consultant les titres et les résumés des 348 articles. Lorsque le résumé n’était pas disponible, le document était conservé afin d’éviter de retrancher à l’aveugle des écrits pertinents. Ainsi, 207 documents dont l’apport conceptuel a été jugé limité ont été exclus. Ensuite, une lecture en diagonale a permis de comprendre le ton de l’article et les principaux thèmes traités. Suivant le même critère de pertinence conceptuelle, 59 textes au total ont été retenus pour l’analyse dont 49 appartenaient aux sciences infirmières et dix aux autres disciplines : trois en médecine (Nguyen, 2008) [17] ; (Walker et al., 2009) [18] ; (Walker et al., 2010) [19], trois en ergothérapie (Gray, McPherson, 2005) [20] ; (Nelson, 2009) [21] ; (Stedman, Thomas, 2011) [22], un en physiothérapie (Main, McCallin, Smith, 2006) [23], deux en travail social (Fulcher, 2001, 2002) [24] ; [25] et un en anthropologie et sociologie (Brascoupé, Waters, 2009) [26].

8Après une première lecture analytique, des travaux ont été ajoutés puisque fréquemment cités par les auteurs (AIIAC et al, 2009a, 2009b) [27] ; [28] ; (ANMC, 2007) [29] ; (CII, 2009) [30] ; (CNO, 2009) [31] ; (CRNBC, 2009) [32] ; (ONSA, 2008) [33] ; (NCNZ, 2011) [34]). La thèse doctorale de Ramsden (2002) [35], l’infirmière maorie qui a donné naissance au concept de sécurité culturelle, a aussi été incluse puisqu’elle a grandement marqué le développement du concept. Bien que le concept de sécurité culturelle ait été fortement couvert par les médias en Nouvelle-Zélande entre 1992 et 1995, la littérature populaire n’a pas été retenue pour cette analyse puisqu’elle n’amène pas une meilleure compréhension du concept. Au total, 68 documents ont été analysés en profondeur. Leurs caractéristiques sont présentées aux Annexes 1 et 2.

Analyse des données

9Dans un premier temps, les 59 textes tirés de la recherche informatisée ont été lus en entier afin d’en dégager l’utilisation du concept faite par les auteurs. Par la suite, une analyse inductive similaire à l’analyse de contenu a été réalisée pour les 68 documents. Les mots, les phrases et les thèmes nommés par les auteurs en lien avec la sécurité culturelle ont été surlignés puis copiés dans un tableau comprenant les titres suivants : définition, attributs, antécédents, conséquences, contexte et temps, application ainsi que concepts voisins. Chacune de ces catégories de données était ensuite examinée séparément afin d’identifier les thèmes majeurs présentés dans les écrits tels que suggérés par Rodgers, 2000 [3].

Résultats

10L’analyse en profondeur des 68 documents recensés a permis de mettre en évidence le contexte d’émergence de la sécurité culturelle et sa définition. Elle a aussi fait ressortir les attributs, les antécédents et les conséquences du concept, dont le sommaire est illustré par la Figure 1. Enfin, l’évolution du concept est présentée en faisant ressortir les changements dans la définition, de même que dans les contextes et domaines d’application.

Figure 1

Sommaire des attributs, antécédents et conséquences de la sécurité culturelle

Figure 1

Sommaire des attributs, antécédents et conséquences de la sécurité culturelle

Contexte d’émergence

11Le concept de sécurité culturelle a été formalisé en 1988 lors de la conférence annuelle des infirmières maories en Nouvelle-Zélande. L’état de santé des Maoris, comparativement au reste de la population, de même que l’absence d’attention portée à la dimension culturelle dans les programmes de formation inquiétaient les professionnels de la santé issus de ce groupe culturel (Wepa, 2003) [36]. C’est donc lors de cette rencontre que le concept de sécurité culturelle a été identifié et discuté. Pour faire suite à la conférence et aux recommandations formulées par l’une de ces infirmières (Ramsden, 1990) [37], le Nursing Council of New Zealand (NCNZ), qui régit la formation et la pratique infirmière, a intégré la sécurité culturelle dans les programmes de formation et dans l’examen d’entrée dans la profession dans ce pays en 1992.

Définition du concept

12Depuis l’émergence du concept en 1988, les auteurs utilisent en majorité la définition de la sécurité culturelle présentée dans les lignes directrices formulées par le NCNZ une première fois en 1992, puis en 2002. Le document de 2002 fut amendé en 2005, 2006, 2009 et 2011. Ainsi, selon la version la plus récente, la sécurité culturelle est :

13La pratique infirmière ou sage-femme efficace, auprès d’une personne ou d’une famille d’une autre culture, est déterminée par cette personne ou cette famille. La culture comprend, mais ne se limite pas, à l’âge ou la génération, le genre, l’orientation sexuelle, le métier ou le statut socioéconomique, l’origine ethnique ou l’expérience migratoire, les croyances religieuses et spirituelles ainsi que les handicaps.

14L’infirmière qui dispense les soins a entrepris un processus de réflexion sur sa propre identité culturelle et reconnaît l’impact de sa culture sur sa pratique professionnelle. Une pratique non sécuritaire culturellement comprend toute action qui porte atteinte à l’identité culturelle et au bien-être d’un individu [traduction libre] (NCNZ, 2011, 7) [34].

15Dans cette définition, il est essentiellement question de la pratique infirmière ou sage-femme. La relation entre le professionnel et la personne y est centrale. Bien qu’elle détermine l’issue sécuritaire ou non des soins reçus du point de vue de la culture, la personne recevant les soins y est peu présente. La culture est considérée selon sa définition la plus large, dépassant les questions d’ethnicité. La sécurité culturelle est aussi définie par la négative, c’est-à-dire par ce qu’est une pratique non sécuritaire culturellement.

16Aucun terme, substitut de sécurité culturelle n’a été retrouvé dans les écrits. Il existe par contre certains concepts voisins tels que la compétence culturelle et les soins culturellement congruents. Vu leurs origines philosophiques divergentes, il semble qu’il y ait peu de confusion dans l’utilisation de ces concepts. La sécurité culturelle, en proposant une réflexion critique sur les théories culturalistes, se démarque des concepts émergeant jusqu’à ce jour de ces théories.

17La Figure 1 illustre les attributs, les antécédents et les conséquences du concept de sécurité culturelle de même que les liens entre ces éléments.

Attributs

18Selon Rodgers, 2000, [3], un concept est constitué d’un groupe d’attributs qui permettent de l’identifier et de le distinguer d’autres concepts. Il semble y avoir un consensus chez les auteurs quant aux caractéristiques définissant la sécurité culturelle. Elle se caractérise par un partenariat égalitaire, une participation active des personnes ainsi que la protection de l’identité culturelle et du bien-être. Les attributs proposés ressortent actuellement des écrits, mais demeurent dynamiques et peuvent changer avec le temps.

19La sécurité culturelle implique un partenariat égalitaire entre deux personnes de cultures différentes fondé sur le respect mutuel. Ce partenariat permet de reconnaître les forces et capacités de chacun dans la détermination des priorités de soins et des stratégies adoptées (Woods, 2010) [38]. Il peut aussi s’établir entre une personne et une structure organisationnelle. Le partenariat implique la création d’un espace de dialogue entre les deux parties (Wilson, Neville, 2009) [39]. Cet espace relationnel est le point de départ pour une prise de conscience des jeux de pouvoir dans le système de santé à des niveaux micro, méso et macroscopiques (Bourque Bearskin, 2011) [40]. Le respect mutuel et le dialogue amènent ainsi un partage du pouvoir en vue d’une action commune. Tous s’entendent dans les écrits pour dire que la sécurité culturelle est déterminée par la personne ou le groupe vivant une potentielle insécurité. Dans la pratique infirmière, il s’agit du patient dans la majorité des situations. Toutefois, dans le cas où l’infirmière fait partie d’une population vulnérable, sa sécurité culturelle peut être menacée autant que celle du patient (Anderson, Perry, Blue, Browne, Henderson, Khan et al., 2003) [41]. En recherche, ce sont les participants qui évaluent la sécurité culturelle et, dans la formation, ce sont les étudiants issus de groupes culturels minoritaires.

20La participation active des personnes fait référence à l’utilisation des habiletés et des connaissances de chacun pour les bénéfices des deux parties. La sécurité culturelle suppose un engagement sincère de chacun aux plans cognitif, affectif et comportemental à toutes les étapes du soin, de la formation, de la recherche, ou à plus grande échelle, à toutes les étapes menant à un choix organisationnel ou politique. Dans l’espace partagé, les deux parties peuvent poser un regard commun sur la situation (Bourque Bearskin, 2011) [40] ; (Thomas, 2008) [42].

21La protection de l’identité culturelle et du bien-être amène une dimension morale à la sécurité culturelle en faisant état d’un souci de justice sociale. Il s’agit de minimiser le potentiel d’exploitation ou de dangers résultant d’une approche stéréotypée de la culture (Wilson, Neville, 2009) [39] par la réflexion critique sur les fondements éthiques des relations et l’action reflétant cette prise de conscience à tous les niveaux, tant individuels qu’organisationnels. La sécurité culturelle implique une éthique qui considère les individus comme étant des êtres socialement et culturellement interreliés à l’intérieur d’une culture environnementale plus large reliée à la santé (Woods, 2010) [38]. La protection met ainsi en relief le rôle d’advocacy de l’infirmière visant l’autodétermination de la personne soignée.

22Les mots partenariat, participation et protection ne sont pas toujours explicitement nommés par les auteurs recensés. Toutefois, les caractéristiques présentées concordent avec ces catégories définies par Wood et Schwass, 1993, [43], Johnstone et Kantsaki, 2007b, [12], Thomas, 2008, [42], Wilson et Neville, 2009, [39] ainsi que Doutrich, Arcus, Dekker, Spuck et Pollock-Robinson, 2012, [44]. Le fait de retrouver les notions de partenariat, de participation et de protection chez la plupart des auteurs exprimés de façon directe ou indirecte n’est probablement pas étranger au fait qu’il s’agisse des trois principes mentionnés dans le Traité de Waitangi signé entre les Maoris et les représentants de la Couronne en 1840. Les caractéristiques de la sécurité culturelle traitées dans les écrits semblent donc ancrées dans ses origines.

Antécédents

23Les antécédents sont les situations précédant le concept (Rodgers, 2000) [3]. La rencontre, la conscience et la sensibilité culturelle de même que les connaissances font partie de ces situations. La rencontre culturelle implique que toute relation possède une dimension culturelle et qu’il est essentiel d’établir une relation de confiance avant de pouvoir envisager la sécurité culturelle (Bourque Bearskin, 2011) [40] ; (Mackay, Harding, Jurlina, Scobie, Khan, 2011) [45]. La conscience culturelle, quant à elle, suppose une reconnaissance de l’existence et de la légitimité des différences dans les contextes sociaux, économiques et politiques dans lesquels évoluent les personnes. La sensibilité culturelle se centre davantage sur la personne qui met en application la sécurité culturelle dans les soins, la compréhension de sa propre culture et des impacts qu’elle peut avoir sur les autres. Elle est essentielle à la redéfinition des relations de pouvoirs présentes dans l’espace créé entre les deux parties. On considère nécessaire d’avoir des connaissances sur les inégalités sociales et de santé, les inégalités de pouvoir, les injustices dans les processus sociaux, économiques et politiques et leurs impacts sur la santé. Ces connaissances ne se réfère pas à des contenus ethnospécifiques, mais bien à la compréhension des contextes influençant l’état de santé des populations et les inégalités sociales et de santé. Ainsi, cet antécédent implique le développement d’un savoir « qui dépasse les strictes notions de connaissances des coutumes culturelles des populations qui forment la mosaïque culturelle de leur pays, pour identifier les causes historiques, sociales, culturelles, politiques et économiques des inégalités de santé et de soins » (Racine, 2003, 11) [46].

24Plusieurs auteurs mentionnent que les antécédents peuvent être rencontrés par la formation et l’éducation (Cooney, 1994) [47] ; (Johnstone, Kanitsaki, 2007b) [12] ; (Ramsden, 1990) [37] ; (Richardson, Carryer, 2005) [48]. Bien qu’il soit davantage question du niveau personnel dans les écrits, ces antécédents sont aussi présents aux niveaux social et systémique (Anderson et al., 2003) [41] ; (Kirkham, Smye, Tang, Anderson, Blue, Browne, et al., 2002) [49] ; (Ogilvie, Burgess-Pinto, Caufield, 2008) [50] ; (Polaschek, 1998) [51] ; (Racine, 2003) [46] ; (Richardson, 2004) [52].

Conséquences

25Aucune donnée empirique n’appuie actuellement les effets de la sécurité culturelle. Les conséquences nommées par les auteurs représentent donc des idéaux à atteindre plutôt que la réalité dans l’utilisation du concept. Il a tout de même été possible d’identifier trois conséquences mentionnées par la majorité des auteurs. Il s’agit de l’émancipation, de l’efficacité et la qualité des soins ainsi que de l’égalité et la justice sociale.

26L’émancipation de la personne ou du groupe faisant partie de la population vulnérable, son autonomisation par rapport à ses besoins et à ses droits fait consensus. La sécurité culturelle favoriserait un affranchissement des préjugés et de l’autorité en permettant, par exemple dans le domaine de la pratique infirmière, d’offrir des soins qui soutiennent l’identité de la personne et son autodétermination. Pour ce qui est du système de santé, on vise l’efficacité et la qualité des soins. Ainsi, l’égalité d’accès aux soins de même que les résultats de santé équivalents chez les différents groupes formant la population sont considérés comme des conséquences du concept. En ce qui a trait à la société, la sécurité culturelle aurait le potentiel d’amener l’égalité et la justice sociale en raison de la réflexion critique qu’elle soulève sur la discrimination institutionnelle et les discours culturalistes, de même que par la transformation sociale visée.

Évolution de la sécurité culturelle comme concept

27Depuis son émergence dans la littérature en sciences infirmières en Nouvelle-Zélande, le concept de sécurité culturelle a évolué sur différents aspects. Il est possible de constater son évolution par les changements opérés dans sa définition, par la modification des contextes socioculturel et politique, par la diversification de ses domaines d’application et par l’utilisation qu’en font les autres disciplines.

Changements dans la définition

28Jusqu’en 1992, la sécurité culturelle était définie uniquement selon ce qu’est une pratique non sécuritaire culturellement. Ramsden, 1990, 18, [37] suggère qu’une pratique est culturellement non sécuritaire lorsque les « Maoris perçoivent les services de santé comme étrangers à eux et ne répondant pas à leurs besoins dans le traitement offert ou dans l’attitude » [Traduction libre]. En 1992, le NCNZ propose une définition référant au biculturalisme qui prend ensuite une approche multiculturelle lors de sa révision en 2002. La sécurité culturelle s’intéresse alors à la diversité à l’intérieur même des groupes culturels en incluant dans la définition la diversité sociale, économique et religieuse de même que de genre. La définition proposée en 2002 est demeurée la même depuis ce temps (NCNZ, 2011) [34]. Toutefois, la pratique auprès de ces groupes n’est pas clarifiée et demeure théorique.

Modification des contextes socioculturel et politique

29Des modifications dans les contextes socioculturel et politique d’application du concept ont favorisé son évolution. Dans les écrits recensés provenant de la Nouvelle-Zélande, le contexte de biculturalisme est central lorsqu’il est question de la sécurité culturelle. Le biculturalisme y est un concept important puisqu’il assure que les Maoris soient légitimement reconnus comme peuple autochtone et que les obligations du Traité de Waitangi soient respectées (Cooney, 1994) [47]. Ce Traité, signé en 1840 par les colonisateurs anglais et les Maoris, est le document de fondation de la Nouvelle-Zélande et contient certaines promesses pour les Maoris basés sur les principes de partenariat, de participation, de protection et d’équité. Il assure que les Maoris et les colonisateurs de la Nouvelle-Zélande occupent tous deux une place égalitaire dans la société (Cooney, 1994) [47]. Au départ, ce biculturalisme faisait état de la relation entre les colonisateurs ou descendants européens et les Maoris seulement. Par la suite, Wood et Schwass, 1993, [43] proposent d’élargir le biculturalisme à toute relation entre personnes provenant de cultures différentes. La culture est alors traitée dans la plupart des écrits en rapport à l’ethnicité. Papps et Ramsden, 1996, [15] utilisent une définition plus large de la culture qui inclut les variations à l’intérieur même des groupes telles que l’âge, le genre, le statut socioéconomique et l’orientation sexuelle.

30Au Canada, Smye et Browne, 2002, [53] soulignent que les conséquences sur la santé des processus de colonisation et de marginalisation transcendent les frontières géographiques et politiques. Ainsi, ces auteurs envisagent positivement l’importation du concept de sécurité culturelle au Canada. Ils demeurent toutefois critiques quant au biculturalisme qui tend, selon eux, à catégoriser les groupes. On parle alors de multiculturalisme et on y inclut toute forme d’oppression et de discrimination, pas seulement en lien avec les politiques raciales. Malgré cette inclusion et bien que la définition de la sécurité culturelle introduise une conception élargie de la culture, l’utilisation du concept de sécurité culturelle en sciences infirmières demeure centrée majoritairement sur l’ethnicité et les peuples autochtones. De plus, l’utilisation du terme multiculturalisme ne fait pas l’unanimité. Polaschek, 1998, [51] considère que le multiculturalisme, en voulant reconnaître la valeur égale des diverses cultures, occulte les relations de pouvoir existant entre ces groupes et affectant leur fonctionnement en société.

Domaines d’application du concept

31En sciences infirmières, la sécurité culturelle est surtout utilisée dans les domaines de la formation et de la pratique clinique. La formation infirmière vise à ce que les étudiants développent leur sensibilité et leur conscience culturelle afin qu’ils puissent offrir des soins culturellement congruents et sécuritaires. Différentes stratégies pédagogiques allant du cours magistral à l’immersion dans une autre culture sont traitées dans les écrits (Greenwood, Wright, Nielsen, 2006) [54] ; (Hart, Hall, Henwood, 2002) [55] ; (Mkandawire-Valhmu, Doering, 2012) [56] ; (Ramsden, 1992) [57] ; (Richardson, Carryer, 2005) [48]. Il est aussi question de la sécurité culturelle des étudiants provenant de groupes culturels minoritaires (Ramsden, 1990) [37] ; (Cooney, 1994) [47] ; (Mackay et al, 2011) [45] ; (Rigby Duffy, Manners, Latham, Lyons, Crawford et al, 2011) [58]. On souhaite qu’ils évoluent dans un environnement d’apprentissage tenant compte de leurs caractéristiques et de leurs besoins. La compréhension du concept est également étudiée selon la perspective des étudiants (Warren, 2003) [59].

32Dans la pratique infirmière, la sécurité culturelle est vue sous l’angle du patient et sa famille, mais aussi de l’infirmière. Les aspects de la relation entre l’infirmière et le patient sont ainsi mis de l’avant afin d’assurer le respect mutuel. La plupart des articles recensés sont fondés sur des réflexions théoriques de la pratique infirmière culturellement sécuritaire (Kruske, Kildea, Barclay, 2006) [60]. Quelques études empiriques mettent en relation la sécurité culturelle et le contexte migratoire (Baker, 2007) [61] ; (Bray, Goodyear-Smith, 2007) [62]. Plusieurs associations professionnelles qui régissent la pratique et la formation infirmière ont formulé des lignes directrices pour l’intégration de la sécurité culturelle dans les programmes de formation et pour l’examen d’entrée dans la profession notamment en Australie (ANMC, 2007) [29] et au Canada (AIIAC et al, 2009a, 2009b) [27] ; [28] ; (ONSA, 2008) [33] ; (CNO, 2009) [31] ; (CRNBC, 2009) [32] en plus de la Nouvelle-Zélande (NCNZ, 2011) [34]. Au niveau international, le Conseil international des infirmières, 2009 [30] recommande l’utilisation du concept lorsqu’il est question des soins spécifiques aux peuples autochtones dans tous les programmes de formation en sciences infirmières.

33Quelques écrits concernent l’application de la sécurité culturelle à la recherche (Anderson et al., 2003) [41] ; (Dyck, Kearns, 1995) [63] ; (Ogilvie et al., 2008) [50] ; (Kirkham et al., 2002) [49] ; (Dion-stout, Downey, 2006) [64] ; (Wilson, Neville, 2009) [39]. On y mentionne que la recherche assurant la sécurité culturelle des personnes devrait être réalisée « avec » les populations marginalisées plutôt que « sur » elles. Browne et al. (2009) [13] discutent aussi des présuppositions sociales dominantes qui influencent l’interprétation des infirmières en recherche. McCleland, 2011, [65] propose l’utilisation d’une méthodologie autochtone dans la recherche afin de rendre les études portant sur les populations autochtones culturellement sécuritaires.

34Smye et Browne, 2002, [53] utilisent le concept pour analyser les politiques de santé des populations autochtones du Canada. Les auteurs suggèrent un processus consultatif pour faire entendre la voix des autochtones lorsqu’il est question de politiques de santé. Browne et al., 2009, [13] considèrent que la sécurité culturelle offre un cadre de référence pour comprendre comment les politiques de santé et la pratique créent des situations à risque pour les populations vulnérables. Johnstone et Kanitsaki (2007b) [12] vont plus loin en soulignant que la sécurité culturelle doit être prise en compte au niveau national si on souhaite diminuer les inégalités sociales et de santé. Ils affirment qu’une approche compréhensive qui implique un cadre législatif, des politiques et directives claires développées à partir de ce cadre ainsi que des stratégies concrètes sont nécessaires afin d’inclure la sécurité culturelle à tous les niveaux du système de santé.

Autres disciplines

35Bien qu’il soit impossible d’établir un consensus à partir du nombre restreint d’écrits recensés dans les autres disciplines de la santé, quelques faits sont tout de même intéressants à soulever quant à l’usage de la sécurité culturelle. Les définitions utilisées par les auteurs sont les mêmes que celles utilisées en sciences infirmières et proviennent en majorité de Ramsden, 1990, 1993, [37] ; [66] et du NCNZ, 2002, 2005 [67] ; [68]. Leur application est quelque peu modifiée étant donné les contextes différents.

36En ergothérapie, le changement d’attitude est central à la sécurité culturelle et fait l’objet d’une étude qualitative portant sur l’attitude et les connaissances relatives à la sécurité culturelle des ergothérapeutes en Nouvelle-Zélande (Gray, McPherson, 2005) [20]. On y mentionne aussi qu’il existe une confusion conceptuelle autour du biculturalisme et de la sécurité culturelle. En Australie, un article théorique de Nelson, 2009, [21] discute des enjeux de la pratique de soins culturellement sécuritaires. Il place le pouvoir au centre de la sécurité culturelle, mais aucune définition n’est proposée. Stedman et Thomas, 2011, [22] soulignent l’importance d’adapter leurs soins aux populations autochtones. Dans ces écrits, la sécurité culturelle est traitée comme le résultat d’une pratique culturellement congruente auprès des autochtones et est centrée sur la relation entre les personnes.

37En physiothérapie, Main, McCallin et Smith, 2006, [23] soutiennent que le concept et son application pratique sont peu compris. Ils affirment que l’application de la sécurité culturelle est nécessaire pour qu’un professionnel soit considéré compétent culturellement. En sciences infirmières, la sécurité culturelle est davantage vue comme étant le résultat d’une pratique compétente culturellement et non l’inverse (Johnstone et Kanitsaki, 2007b) [12].

38Comme le mentionnent Main et al., 2006, [23], en travail social, la sécurité culturelle est aussi traitée comme un précurseur de la compétence culturelle. Fulcher, 2001, 2002, [24] ; [25] discute des possibilités qu’amène le concept de sécurité culturelle dans la pratique pédiatrique en Nouvelle-Zélande. Il souligne que l’inclusion du concept dans la pratique en travail social permet d’améliorer la compétence culturelle des travailleurs sociaux en vue d’offrir des soins de qualité.

39En médecine, Walker et al., 2009, [18] présentent un modèle linéaire du continuum de la sécurité culturelle du client allant de la discrimination à la congruence et l’intégration culturelle. Les auteurs considèrent la sécurité culturelle comme étant une zone de sécurité dans les relations entre le client et le professionnel de la santé plutôt que comme un processus ou un résultat. Elle est ancrée dans une pratique centrée sur le patient. Elle est aussi mise en lien avec la théorie et la pratique concernant la sécurité et la gestion des risques dans le domaine de la santé (Walker et al., 2010) [19]. Nguyen, 2008, [17], dans un article théorique de l’Australie, compare la compétence culturelle et la sécurité culturelle. Il mentionne que la sécurité culturelle est présente au niveau individuel et est spécifique à la santé des autochtones. Selon l’auteur, la compétence culturelle est plus générale et est présente aux niveaux individuel, professionnel, organisationnel et systémique.

40En anthropologie et sociologie, Brascoupé et Waters, 2009, [26] reprennent la définition et les composantes de la sécurité culturelle proposées dans les écrits en sciences infirmières. Toutefois, les auteurs vont au-delà des relations entre les individus et traitent du concept au niveau politique et organisationnel en explorant ses implications pratiques pour les programmes et politiques destinés à améliorer la santé des autochtones au Canada.

41Ainsi, le concept de sécurité culturelle qui a émergé des sciences infirmières en Nouvelle-Zélande suscite l’intérêt des autres disciplines de la santé dans ce pays, mais aussi en Australie et au Canada. Le concept est souvent mis en relation avec la compétence culturelle et s’applique principalement à la pratique auprès de populations autochtones.

Discussion

Limites de l’analyse

42Cette analyse conceptuelle présente des limites. Seule l’expression « cultural safety » avec et sans troncatures a été utilisée dans la recherche documentaire. La recherche a seulement tenu compte des articles en français ou en anglais, mais aucun article en français n’a été repéré. Certains documents ont ainsi pu être omis dans les résultats de recherche ce qui pourrait expliquer le nombre peu élevé d’écrits obtenus en lien avec les autres disciplines. Paley, 1996, [69] souligne que le choix des caractéristiques du concept étudié basé sur la fréquence d’apparition dans la littérature de ces caractéristiques n’offre pas nécessairement de clarification conceptuelle et tend à faire ressortir seulement le point de vue dominant dans une discipline. Les résultats de cette analyse sont issus des documents analysés et il est possible qu’ils omettent certains questionnements et des réflexions qui pourraient apporter une contribution au développement et à la compréhension du concept. Différentes critiques seront donc intégrées à la discussion qui suit afin de stimuler la réflexion en lien avec les résultats obtenus et le développement futur du concept.

Réflexion critique et implications pour le développement futur du concept

43Le concept de sécurité culturelle, en positionnant la marginalisation et ses effets au centre des préoccupations, remet en perspective le mandat social des infirmières souvent occulté par leurs conditions de travail de plus en plus complexes. Cet apport considérable aux sciences infirmières mérite d’être souligné et devrait inspirer le développement futur de ce concept. En plus de cette contribution, le concept de sécurité culturelle présente quelques limites à considérer pour son développement futur. Il sera ici question des limites reliées à sa définition, son application, son exportation à d’autres contextes ainsi que son opérationnalisation.

Définitions et applications du concept

44Les écrits recensés reprennent souvent les mêmes définitions de la sécurité culturelle, ce qui peut être positif en soi. Par contre, ces définitions utilisées majoritairement par les auteurs restent abstraites et laissent une grande liberté quant à l’interprétation et aux utilisations possibles du concept. En plus de ce manque de précision, elles sont centrées sur l’infirmière et son apprentissage et traitent peu du patient. Si la sécurité culturelle est considérée comme étant déterminée par la personne en situation potentielle d’insécurité, son point de vue ne devrait-il pas constituer la majeure partie des définitions ? Il serait donc profitable de les revoir afin de recentrer la définition de la sécurité culturelle sur son principal point d’intérêt.

45Cette remarque est aussi vraie pour ce qui est de son application. En formation infirmière, lorsqu’il est question d’évaluer l’efficacité des interventions des étudiants du point de vue de la sécurité culturelle, le patient n’est pas consulté. Il semble toutefois plus présent dans le domaine de la recherche et de l’organisation des soins. Kirkham et al., 2002, [49] et Ogilvie et al., 2008, [50] soutiennent qu’il est essentiel d’assurer la participation active des populations marginalisées à toutes les étapes du processus de la recherche. Du côté de l’organisation des soins de santé, Smye et Brown, 2002, [53] utilisent le concept de sécurité culturelle pour analyser les politiques de santé des populations autochtones du Canada et suggèrent un processus consultatif pour faire entendre la voix des autochtones lorsqu’il est question de politiques de santé. Il est important de mettre un « bémol » sur cette participation puisqu’il semble s’agir davantage d’un souhait que d’une pratique bien implantée. Afin de favoriser l’application de la sécurité culturelle dans les différents domaines qu’elle touche, il serait donc important de se pencher sur les moyens à prendre, en tenant compte des contraintes actuelles, afin que les populations vulnérables représentent le noyau de la définition du concept et soient au centre de son application.

46Malgré la volonté d’inclure des enjeux collectifs d’inégalités entre les différents groupes formant la société, l’aspect relationnel entre les individus est central au concept de sécurité culturelle dans sa définition et son application. Est-ce suffisant de s’attarder à l’aspect relationnel de la culture et aux relations inégales de pouvoir entre individus pour produire un changement social ? La sécurité culturelle ne devrait-elle pas faire partie d’un ensemble plus grand de mesures sociétales afin d’avoir de réels effets sur les groupes dominants ? Certes, elle permet d’examiner non seulement les inégalités de santé, mais aussi la longue histoire de dépendance économique, sociale et politique des populations marginalisées qui contribue aux conditions sociales de santé actuelles (Kirkham et al., 2002) [49]. Toutefois, jusqu’à maintenant, aucune recherche ne fait état de l’impact réel de la sécurité culturelle. Cette question mériterait d’être explorée afin de saisir la portée de ce concept.

47L’application de la sécurité culturelle en sciences infirmières demeure aussi axée sur l’ethnicité et les peuples autochtones malgré une définition de la culture englobant tous les groupes marginalisés. Comme le mentionnent Anderson et al., 2003, [41] et Racine, 2008, [70], il serait possible d’explorer les questions entourant la sécurité culturelle sous l’angle postcolonial féministe. Cette perspective, en ajoutant les dimensions complexes des relations sociales dans un contexte non seulement postcolonial, mais aussi de mondialisation, pourrait ouvrir la porte à des usages plus diversifiés du concept.

Exportation du concept

48Jusqu’en 2002, les textes recensés ne proviennent que de la Nouvelle-Zélande. En se basant sur l’utilisation actuelle du concept de sécurité culturelle, il y a lieu de se questionner sur la possibilité d’exporter l’usage de ce concept à d’autres contextes que ceux qui sont présents en Nouvelle-Zélande entre les Maoris et les descendants européens. Le choix d’utiliser les termes sécurité et protection est-il étroitement lié au contexte particulier des premières nations ayant occupé un territoire ? Est-ce que les gens provenant d’autres cultures en lien avec l’ethnicité, l’âge ou l’orientation sexuelle ressentent aussi de l’insécurité ? L’exportation du concept au contexte canadien a été jugée possible par Kirkham et al., 2002, [49] pour ce qui est des groupes d’immigrants représentant des minorités visibles. Le principal argument des auteurs réside dans le fait que, « malgré le fait que l’histoire des Maoris soit distincte, les processus de colonialisme et de marginalisation traversent les frontières géographiques et politiques » [Traduction libre] (Kirkham et al., 2002, 226) [49]. Il est possible que ces processus soient effectivement exportables. Toutefois, le vécu des populations immigrantes est-il comparable à celui des Maoris ? Ramsden, 2002, [35] soutient que les peuples autochtones ne devraient pas être traités comme un groupe culturel ou ethnique parmi d’autres. Ils devraient plutôt être considérés comme une nation fondatrice aux mêmes égards et avec les mêmes droits que les peuples colonisateurs. Ainsi, la question de la sécurité culturelle se pose-t-elle dans les pays européens où la présence autochtone est moindre, mais où l’immigration est en croissance ? Mortensen, 2010, [71] pose un regard critique sur l’application de la sécurité culturelle aux groupes présentant une diversité culturelle et linguistique. L’auteure soutient que l’application du concept à ces groupes demande une base théorique claire et appuyée par des recherches empiriques ce qui n’est pas le cas présentement. De plus, aucune recherche ne permet de comprendre comment l’expérience de la marginalisation et celle de la colonisation en lien avec la sécurité culturelle sont vécues chez différentes populations. Que signifie « sécurité » pour les Maoris ? Pour les Premières Nations du Canada ? Pour les personnes vivant une expérience migratoire ? Quelle importance la sécurité culturelle a-t-elle en lien avec la promotion de la santé et les expériences de santé ? Les réponses à ces questions pourraient permettre de comprendre la sécurité culturelle selon la perspective des personnes pouvant vivre une insécurité relative à leur culture, incluant leurs habitudes de vie et de soins. Elles pourraient aussi nous éclairer quant à la possibilité d’exportation de ce concept.

Opérationnalisation du concept

49Johnstone et Kanitsaki, 2007a, [2] soutiennent que la compréhension de la sécurité culturelle et son opérationnalisation sont limitées chez les patients et les professionnels de la santé. Richardson, Williams, Finlay et Farrell, 2009, [72] ajoutent que l’application à la pratique clinique est difficile étant donné le niveau d’abstraction du concept. La grande majorité des écrits traitant de la sécurité culturelle font état de réflexions théoriques ou présentent les lignes directrices d’organisations gouvernementales. Les directives proposées afin d’intégrer la sécurité culturelle à la pratique et à la formation sont peu opérationnelles et laissent place à l’interprétation. Peu d’études empiriques ont été réalisées jusqu’à maintenant. Des auteurs soulignent aussi la difficulté de l’évaluer tant chez les étudiants (Coup, 1996) [73] que chez les infirmières (Hughes, Farrow, 2006) [74].

50Cette difficulté dans l’opérationnalisation du concept pourrait provenir du fait que la sécurité culturelle est considérée comme étant à la fois un résultat et un processus. Comme le mentionnent Brascoupé et Waters, 2009, 9 [26] « en tant que concept, il apparaît comme un changement de paradigme distinct du concept de compétence culturelle, mais comme un outil pratique, il apparaît moins comme un changement de direction, mais plutôt comme une étape supplémentaire sur un continuum de considération de la culture dans les soins par les praticiens. ». Plusieurs auteurs considèrent l’ensemble des antécédents, attributs et conséquences de la sécurité culturelle identifiés plus tôt comme étant un processus cognitif, affectif et comportemental tant au niveau personnel que systémique et sociétal et visant un changement d’attitude (Duke, Connor, McEldowney, 2009) [75] ; Johnstone, Kanitsaki, (2007a) [12] ; (Smith et al., 2010) [76] ; (Wepa, 2003) [77] ; (Wood, Schwass, 1993) [43].

51Johnstone et Kanitsaki, 2007b, [12] de même que Brascoupé et Waters, 2009, [26] suggèrent que pour favoriser son opérationnalisation, la sécurité culturelle devrait être considérée comme étant le résultat du processus de la compétence culturelle. Cette affirmation ne fait toutefois pas l’unanimité puisque, le discours moral et le souci de justice sociale, que porte le concept de la sécurité culturelle, le démarque des théories culturalistes dont le concept de compétence culturelle fait partie. Ce point de vue est partagé par plusieurs auteurs ayant analysé et discuté de la relation entre la sécurité culturelle, les soins transculturels et la compétence culturelle (Coup, 1996) [73] ; (Cooney, 1994) [47], (Cortis, 2008) [78] ; (DeSouza, 2008) [79] ; (Ramsden, O’Brien, 2000) [80]. Selon Browne et al., 2009, [13], le culturalisme se traduit en pratiques et idéologies utilisant les représentations populaires et stéréotypées de la culture afin de comprendre les différences présumées entre les groupes formant la société.

52Le fait que la sécurité culturelle soit souvent discutée par les auteurs sans utiliser de cadre théorique particulier pourrait expliquer ce flou autour de sa conceptualisation et de son opérationnalisation. Ramsden, 1990, 2002, [37] ; [35] suggère de situer la sécurité culturelle dans un cadre conceptuel dont l’élément principal est le « Modèle de partenariat égalitaire et négocié ». Toutefois, il est peu question de ce cadre dans les écrits recensés. Seul Coup, 1996, [73] le reprend afin de comparer le concept aux soins transculturels de Leininger. Le développement du concept serait davantage envisageable si on explorait ses liens avec les théories de justice sociale ou d’éthique sociale qui suivent l’idéologie associée à la sécurité culturelle. Ainsi, quelques propositions ont déjà été avancées par les auteurs afin de lier la sécurité culturelle à un contexte théorique (Browne et al., 2009) [13] ; (Spence, 2005) [81] ; (Racine, 2003) [46] ; (Racine, 2008) [70] ; (Kirkham et al., 2002) [49]. Il n’existe toutefois pas de consensus sur la façon de l’articuler. Le modèle théorique le plus développé dans la littérature recensée est celui de McEldowney et Connor, 2011, [82]. Selon une perspective postmoderne, les auteurs proposent un modèle de la sécurité culturelle centré sur l’éthique du soin se déroulant au sein d’un processus praxéologique façonné par son contexte. Cette proposition et son application dans les différents domaines de soins infirmiers ne fait pas encore l’objet de discussions chez d’autres auteurs. Selon Paley, 1996, [69], un concept est toujours associé à une théorie. Il ne peut être défini sans contexte et encore moins opérationnalisé. L’auteur mentionne que la théorie nous donne des indications sur la façon de le mesurer. Si les significations d’un concept sont effectivement déterminées par la théorie comme le stipule Paley, 1996, [69], alors il devient primordial d’intégrer la sécurité culturelle dans un contexte théorique afin de favoriser son développement. En faisant ressortir la nature morale et évolutive du concept et en respectant ses fondements ontologiques, le modèle de McEldowney et Connor, 2011, [82] semble prometteur pour l’évolution conceptuelle de la sécurité culturelle. Il serait intéressant de se pencher sur son application tant dans les soins auprès de populations autochtones qu’auprès des immigrants puisque ce modèle théorique est encore une fois issu de la Nouvelle-Zélande.

Conclusion

53En somme, le concept de sécurité culturelle devra être développé et intégré dans un contexte théorique afin d’atteindre une clarté conceptuelle et de faciliter son opérationnalisation. Les attributs, antécédents et conséquences proposés ne représentent qu’un résultat provisoire et peuvent être modifiés avec le temps et selon les contextes. Cette analyse conceptuelle a permis davantage de faire un état des connaissances relatives à la sécurité culturelle qu’à clarifier le concept. Quelques pistes de recherche ont été identifiées afin de poursuivre son développement en lien avec sa définition, ses applications et son opérationnalisation en gardant toutefois à l’esprit qu’il n’est pas possible d’exporter un concept dans tous les contextes. Cette analyse se veut donc un point de départ pour de plus amples recherches sur le concept de sécurité culturelle.

Financement

54La première auteure tient à remercier le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) et le Ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports du Québec (MELS) pour leur financement.

Conflit d’intérêt

55Les auteures déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts relatifs au contenu et à la publication de cet article.


Annexe 1 - Tableau 1

Caractéristiques des écrits recensés : sciences infirmières

Tableau 1
Discipline Pays d’origine du premier auteur Angleterre Australie Canada États-Unis Nouvelle-Zélande Sciences infirmières Hart, Hall et Henwood (2003)[55] Kruske, Kildea et Barclay (2006)[60] Cortis (2008) [78] Johnstone et Kanitsaki (2007a)[2] Johnstone et Kanitsaki (2007b)[12] ANMC (2007) Rigby et al (2011)[58] Reimer-Kirkham et al. (2002)[49] Smye et Brown (2002)[53] Anderson et al. (2003)[41] Racine (2003) [46] Dion-Stout et Downey (2006)[64] Baker (2007) Ogilvie, Burgess-Pinto et Caufield (2008)[50] Racine (2008)[70] ONSA (2008)[33] Browne et al. (2009)[13] CNO (2009)[31] CRNBC (2009)[32] AIIAC et al (2009a[27], 2009b[28]) Smith et al. (2010)[76] Bourque Bearskin (2011)[40] Leininger (1996) Leininger (1997) Doutrich et al. (2012)[44] Mkandawire-Valhmu et Doering (2012)[56] Ramsden (1990)[37] Ramsden (1992)[57] Ramsden (1993)[66] Wood et Schwass (1993)[43] Cooney (1994)[47] Dyck et Kearns (1995)[63] Coup (1996)[73] Papps et Ramsden (1996)[15] Polaschek (1998)[51] Ramsden et O’Brien (2000)[80] Ramsden (2002)[35] NCNZ (2002)[67] Warren (2003)[59] Wepa (2003)[77] Richardson (2004)[52] Gibbs (2005)[1] Spence (2005)[81] NCNZ (2005) [68] Richardson et Carryer (2005)[48] Greenwood,Wright et Nielsen (2006)[54] Hughes et Farrow (2006)[74] Bray et Goodyear-Smith (2007)[62] DeSouza (2008)[79] Thomas (2008)[42] Duke, Connor et McEldowney (2009)[75] Richardson,Williams, Finlay et Far-rell (2009)[72] Wilson et Neville (2009)[39] NCNZ (2009)[83] Mortensen (2010)[71] Woods (2010)[38] Mackay et al. (2011)[45] McCleland (2011)[65] McEldowney et Connor (2011) [82] NCNZ (2011)[34]

Caractéristiques des écrits recensés : sciences infirmières

Annexe 2 - Tableau 2

Caractéristiques des écrits recensés : autres disciplines

Tableau 2
Discipline Pays d’origine du premier auteur Angleterre Australie Canada États-Unis Nouvelle-Zélande Médecine Nguyen Walker et al. (2009)[18] (2008)[17] Walker et al. (2010)[19] Ergothérapie Nelson Gray et McPherson (2009)[21] (2005)[20] Stedman et Thomas (2011)[22] Physiothérapie Main, McCallin et Smith (2006)[23] Travail social Fulcher (2001)[24] Fulcher (2002)[25] Anthropologie Brascoupé et et sociologie Waters (2009)[26]

Caractéristiques des écrits recensés : autres disciplines

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Mots-clés éditeurs : sécurité culturelle, soins infirmiers, analyse conceptuelle évolutionniste

Mise en ligne 11/01/2014

https://doi.org/10.3917/rsi.111.0022

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