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Article de revue

Marie-Françoise Collière – 1930 – 2005. Une infirmière, Une historienne, Une auteure, Une pédagogue, Une conceptrice des soins, et... Une femme

Pages 7 à 22

Notes

  • [1]
    Nous avions l’habitude de l’appeler ainsi, bien que l’Ecole internationale d’enseignement infirmier supérieur (l’EIEIS) soit devenue le Département d’enseignement infirmier supérieur (DEIS) depuis 1978.
  • [2]
    Représentation qui a été transmise par un échange de courrier, écrit en août 2011 par l’auteure de l’article à Bernadette Collière, reçu en retour le 9 septembre 2011, daté du 5 septembre 2011.
  • [3]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [4]
    Sur son portrait, il est noté 7 ans, Revue Soins 1992.
  • [5]
    Elle l’évoque une fois avec l’auteure de l’article dans les années 1982/1984.
  • [6]
    Messages d’adieu lus lors de la cérémonie d’inhumation.
  • [7]
    ibid.
  • [8]
    C’est l’auteure qui associe les deux sœurs puisqu’elles y étaient ensemble.
  • [9]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [10]
    Entretien avec Marie-Christine Pouchelle, août 2009.
  • [11]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Entretien réalisé auprès de MF. Collière par Marie-Christine Pouchelle à Lyon, 1994.
  • [14]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [15]
    Terme repris dans son message d’adieu à sa famille et ses amis.
  • [16]
    Message d’adieu à sa famille et ses amis lors de sa cérémonie d’inhumation.
  • [17]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [18]
    Mais des portes se sont entrouvertes en septembre 2011 à l’occasion d’un courrier.
  • [19]
    Message d’adieu à sa famille et ses amis lors de sa cérémonie d’inhumation.
  • [20]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [21]
    Message d’adieu à sa famille et ses amis lors de sa cérémonie d’inhumation.
  • [22]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009
  • [23]
    Ses témoignages lus lors de la cérémonie de l’inhumation.
  • [24]
    Tout son enseignement et ses écrits sont très clairement explicites là-dessus.
  • [25]
    L’auteure de l’article reprend ici les mots que Marie-Françoise Collière aimait à utiliser.
  • [26]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009 ; sur son portrait, ses voyages sont situés vers 25 ans [4].
  • [27]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Propos tenus par Marie-Françoise Collière lors d’un échange avec l’auteure de l’article dans les années 1982/85.
  • [30]
    L’EIEIS est crée en 1965 aux Hospices Civils de Lyon (HCL) sous l’égide de l’OMS, elle donne accès au Diplôme Universitaire d’Enseignement Infirmier Supérieur. Elle est remplacée en 1978 par l’Institut International supérieur de formations des cadres de santé dans lequel le Département d’Enseignement Infirmier Supérieur délivre une Maîtrise en Sciences et Techniques Sanitaires et Sociales (MSTSS) option Soins infirmiers. Marie-Françoise Collière sera à la création de l’EIEIS en 1965 et à la fermeture du DEIS en 1994.
  • [31]
    CV remis par Annie Deneyrolles à l’auteure de l’article en septembre 2009.
  • [32]
    René Magnon a connue Marie-Françoise Collière comme enseignante en tant qu’étudiant, puis collègue et comme membre de l’équipe du Département d’Enseignement Infirmier Supérieur dont il a été directeur sept ans.
  • [33]
    A propos de La peur en Occident de Jean Delhumeau.
  • [34]
    Le programme de 1972 réoriente les études des soins infirmiers vers ses deux fonctions initiales, celle d’entretien et de celle de réparation.
  • [35]
    Témoignage de René Magnon lors de la cérémonie de reconnaissance à Lyon le 21 mars 2005.
  • [36]
    Il deviendra en 1994 le Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres (CEFIEC).
  • [37]
    CV de Marie-Françoise Collière.
  • [38]
    Terme impropre très maladroit dont nous ne sommes pas encore près de sortir trente ans après.
  • [39]
    Organisme de radiophonie et de télévision français.
  • [40]
    Institut national des statistiques et des études économiques.
  • [41]
    Ce courant de pensée est aussi amorcé dans les années 1965-1970 par des infirmières pionnières de la Croix Rouge Française, comme Marie-Louise Badouaille (Collière, 2001, 433) [4], Mireille Desrez et Annick Favel.
  • [42]
    L’auteure de l’article s’est inspirée de ces séminaires durant la formation des infirmières cadres de santé publique dont elle a la responsabilité de 1988 à 1995 à l’Ecole de cadres de Pau. Il s’agissait de développer l’appropriation des pratiques soignantes en santé à partir de divers terrains extrahospitaliers. Cf. la référence bibliographique [7].
  • [43]
    Terme utilisé par René Magnon lors de la cérémonie de reconnaissance du 21 mars 2005.
  • [44]
    La composition du groupe de recherche initié par M.F. Collière : 24 infirmières/ers, une sage-femme, une documentaliste, ainsi que Michèle Perrot, historienne de Paris VII, chargée du séminaire « Histoire des femmes » et 5 historiennes appartenant à ce séminaire, d’Yves Lequin et de 8 historiens de Lyon II et du Centre Pierre Léon et de 8 membres du Centre Lyonnais d’Etudes Féministes, et d’Yvonne Knibielher, historienne de l’Université d’Aix en Provence.
  • [45]
    CV de MF. Collière, annoté par elle.
  • [46]
    René Magnon a été un de ses élèves et ses séminaires ont été à l’origine de vocations d’historien de la profession.
  • [47]
    AMIEC : « Les AMIs de l’Ecole internationale d’enseignement infirmier supérieur ».
  • [48]
    Lettre de témoignage d’Annie Denaryolles datée de février 2005.
  • [49]
    Témoignage de René Magnon, lors de l’hommage de 21 mars 2005.
  • [50]
    Ibid.
  • [51]
    Ibid.
  • [52]
    CV de MF. Collière.
  • [53]
    Hommage de René Magnon le 21 mars 2005.
  • [54]
    Lors de la cérémonie du 21 mars 2005.
  • [55]
    Information donnée par Bernadette Collière sur une carte écrite le 5 septembre 2011 et reçue au domicile de l’auteure de l’article le 9 septembre 2011.
  • [56]
    Hommage de René Magnon le 21 mars 2005.
  • [57]
    Ibid.
  • [58]
    Témoignage de Jocalyn Lawler lu lors de la cérémonie du 21 mars 2005.
  • [59]
    Hommage de René Magnon le 21 mars 2005.
  • [60]
    Expression empruntée à Clémence Dallaire.
  • [61]
    L’auteure a été responsable de la formation « Infirmière cadre de santé publique » à l’Ecole de cadres de Pau de 1988 à 1995. Cf la référence bibliographique [7]. Elle assura également une fonction orientée sur le développement de la recherche clinique infirmière de 2000 à 2005 à l’École Supérieure Montsouris/Université Paris12 Créteil Val de Marne.
  • [62]
    Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales/Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales.
  • [63]
    Propos de René Magnon lors du témoignage du 21 mars 2005. Le terme « de compétence » est mis entre guillemets par l’auteure de l’article car le terme n’est pas exact. Certes, le titre est relatif à l’exercice infirmier mais le décret décrit le contenu détaillé des « actes » professionnels autorisés avec ou sans médecin et non des compétences requises pour accomplir la fonction infirmière. Actes et compétences ne sauraient être équivalents.
  • [64]
    Allocution de Madeleine Farhat lors de la « Journée de reconnaissance » à Marie-Françoise Collière du 21 mars 2005.
  • [65]
    Témoignage d’Annie Denayrolles écrit et lors d’une conversation téléphonique en août 2009.
  • [66]
    Propos de René Magnon lors du témoignage du 21 mars 2005.
  • [67]
    Lors d’un entretien avec l’auteur de l’article, août 2009.
  • [68]
    Témoignage d’une ancienne étudiante du DEIS des années 80, et amie de l’auteure de l’article.
  • [69]
    Lors de divers témoignages et lors de l’hommage qui lui a été rendu le 21 mars 2005,
  • [70]
    La confrontation de plusieurs sources entre divers témoignages de sa sœur, d’amies proches et sur ce qu’elle dit ou écrit d’elle.
  • [71]
    Souvenirs de l’auteure.
  • [72]
    Elle appréciait les cartes de nouvel an représentant des œuvres de tableaux de l’époux artiste-peintre de l’auteure.
  • [73]
    Elle s’est brouillée avec ou éloignée de plusieurs amies plus anciennes.
  • [74]
    En fait cette double amitié ce n’est pas un hasard. D’une part parce que c’est par Françoise Loux que Marie-Christine Pouchelle rencontre Marie-Françoise Collière, d’autre part parce que Marie-Françoise tenait beaucoup à l’anthropologie, comme il l’a été montré tout au long de sa vie.
  • [75]
    Françoise Loux l’évoquera dans son témoignage lors de la journée de reconnaissance du 21 mars 2005.
  • [76]
    Marie-Christine Pouchelle en a fait part à l’auteure de l’article qui l’a entretenue à cette fin, en août 2009.
  • [77]
    Dans ses adieux ultimes lus lors des ses funérailles.
  • [78]
    Entretien avec Marie-Christine Pouchelle en août 2009. M.C. Pouchelle reprend ici des notes prises par téléphone au hasard de journées de cet enfer : les 25 octobre, 28 octobre, 30 octobre, 12 novembre, et 30 novembre 2004.
  • [79]
    Entretien de Marie-Christine Pouchelle en août 2009.
  • [80]
    Témoignages d’Annie Denayrolles (témoignage personnel remis à l’auteure), de Jocalyn Lawler et d’autres… lors de la cérémonie de reconnaissance du 21 mars 2005 à Lyon.
  • [81]
    Mot emprunté à René Magnon lors de l’hommage rendu à MF. Collière le 21 mars 2005 à Lyon.

Prologue

1Que savons-nous de cette « Grande Dame » de la profession infirmière ?

2Savons-nous qu’elle est à l’origine de la dénomination des « soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie » inscrite dans la définition de l’exercice infirmier (Art. R. 4311-3, L.1, ch.1 du Code de la santé publique).

3Qu’elle est à l’initiative, en France, du « prendre soin » (Collière, 1982) [1].

4Qu’elle contribua en 1980 à l’élaboration de la loi (n° 80-527 du 12 juillet 1980 relative à l’exercice de la profession infirmière) et du décret d’application n° 81-539 du 12 mai 1981 qui permirent une réelle avancée sur la définition de la profession, hélas sans réussir à faire adopter le terme de « fonction infirmière » à la place de celui inapproprié de « rôle propre ». Un grand dommage pour l’avenir de la profession toujours engluée dans « son » rôle paramédical et « son » rôle social idéalisé.

5Qu’elle initia la modélisation de la représentation de parenté dans les situations de soins (cf. ci-dessous) à partir des écrits de Claude Levi-Strauss (« Structures élémentaires de la parenté », 1949) (Collière, 1982, 1986) [1] [2].

6Qu’elle introduisit le terme de « situation » pour parler des situations de soins au lieu du terme de « cas » du malade par le biais de documents transmis au Ministère par l’intermédiaire de personnes, comme Michèle Guyon, avec lesquelles elle travaillait et qui participaient à des travaux au Ministère (Guide du service infirmier, 1986) [3].

7Qui était-elle ? Une femme avant tout, mais nous essayerons de la découvrir enfant et adolescente pour entrer alors dans sa vie professionnelle très riche et très active au service des soins infirmiers et nous aborderons la femme passionnée qu’elle était… jusqu’à ses derniers instants ?

D’où parle l’auteure

8Elève de Marie-Françoise Collière à « l’Ecole internationale » [1] de 1982 à 1984 à Lyon, puis habitant Lyon jusqu’en 1988, je la rencontrais régulièrement. En 1988, je quitte Lyon pour prendre la responsabilité de la formation des infirmières cadres de santé publique à l’Ecole de cadres de Pau. Je correspondais tous les ans avec Marie-Françoise. Elle me répondait toujours et assez longuement. La dernière année, j’apprenais son décès alors que je m’apprêtais à poster la lettre qui lui était destinée. Je connaissais Marie-Françoise Collière mais n’étais pas une amie proche.

9J’avais 33 ans lors de ma première rencontre avec Marie-Françoise Collière. Je revenais d’Afrique, après avoir passé quatre ans à Abidjan en Côte d’Ivoire. La promotion 1982/1984 comptait onze étudiants surtout des lyonnais, une collègue arrivait aussi d’Afrique et deux collègues africains, un nigérien et un tchadien. Le premier enseignement nous plongeait dans une commune de l’est lyonnais pour la séquence santé publique « Santé et milieu de vie » (Collière, 1982, 177) [1] sous la responsabilité de Marie-Françoise Collière. Cet enseignement a été capital pour moi pour reprendre pied avec les réalités françaises et celles de son système de santé à un nouveau moment de son histoire politique. Je découvrais aussi la ville de Lyon et sa région, nouvelles pour moi. Ayant appréhendé intuitivement la santé publique dans les quartiers et faubourgs d’Abidjan, je pouvais mettre des mots et mieux comprendre ce que j’avais entrepris en Côte d’Ivoire avec des collègues africains dont certains étaient formés en santé publique. Le choix du séminaire de première année à « l’Ecole Internationale » s’était obligatoirement porté sur celui de Marie-Françoise Collière en santé publique/santé communautaire.

10Membre de l’ARSI (Association de Recherche en Soins Infirmiers) ayant connu Marie-Françoise Collière, je suis sollicitée au premier semestre 2009 pour écrire un article biographique dans la revue Recherche en Soins Infirmiers. J’avais pris des contacts en ces temps, mais n’ai pu qu’ébaucher l’article à cette période. Profitant du thème envisagé sur « le prendre soin » pour une revue en 2011, il m’importait donc de le réaliser pour l’insérer dans cette revue.

11Souhaitant retracer sa vie d’enfant et d’adolescente, je me suis mise à la recherche de ses proches.

12Quelques fragments de son histoire me sont transmis par sa sœur Bernadette lors d’une conversation téléphonique en août 2009. Mais les échanges n’ont pu se poursuivre. Néanmoins, un échange de courrier a eu lieu entre août et septembre 2011 entre Bernadette Collière et moi-même afin de confirmer la véracité de la représentation de la famille. Connaissant Marie-Christine Pouchelle, j’ai pu alors m’entretenir avec elle sur sa relation amicale avec Marie-Françoise Collière, durant une heure trente à son domicile en août 2009.

13J’ai consulté par ailleurs des documents qui n’ont été remis par son amie Annie Denayrolles, notamment son Curriculum Vitae complété de sa main, les textes de ses funérailles du 1er février 2005 en l’église d’Eclassan en Ardèche et des hommages qui lui ont été rendus lors de la cérémonie de reconnaissance du 21 mars 2005 qui lui fut consacrée à Lyon (témoignages entre autres de René Magnon, de Françoise Loux, de Madeleine Farhat). Annie Denayrolles m’a aussi transmis son témoignage/hommage écrit en février 2005. J’ai des souvenirs de conversations avec Marie-Françoise Collière et d’anciennes de l’Ecole devenues amies. Je me suis aussi servi d’un court article biographique où elle parle d’elle (publié dans la rubrique « Portait » par la rédaction de la revue Soins). J’ai consulté l’ensemble de ses ouvrages et certains articles en français et en anglais (Cf. bibliographie complémentaire).

Représentation de la famille de Marie-Françoise COLIERE[2]

figure im1

Représentation de la famille de Marie-Françoise COLIERE[2]

*Les personnes inscrites en caractères gras sont citées dans l’article

14En confrontant mes diverses sources par rapport à sa vie d’enfant, d’adolescente et de femme, je me suis souvent trouvée devant des contradictions et des incohérences troublantes qui laissent entrevoir une femme vulnérable et énigmatique.

L’enfance et sa jeunesse [3]

15Marie-Françoise Collière est née le 6 avril 1930 à Oran en Algérie.

16Ses parents sont nés en France, son père Emile Collière est originaire des Ardennes (Sedan), sa mère Henriette née Potier est originaire de l’Ile-de-France (Fontenay s/Bois).

17Marie-Françoise est l’aînée d’une fratrie de quatre enfants, tous nés en Algérie : Guy 1931, Bernadette 1933 et Jean-Marie 1935.

18Aïn Temouchent où vit la famille jusqu’en 1939, est une petite ville de la côte oranaise ouverte sur la Méditerranée. Eblouie et baignée par le soleil, le bleu du ciel et de la mer tranchant sur l’ocre de la terre et la chaux blanche des maisons, Aïn Témouchent lui fait d’entrée aimer la vie et lui donne le goût des couleurs chamarrées et chatoyantes et celui des bijoux anciens en argent.

19Marie-Françoise vit les neuf [4] premières années de son enfance à Aïn Temouchent. Elle y découvre la vie de diverses communautés où se côtoient et s’entremêlent différentes cultures et ainsi, se confronte à deux modèles de civilisations qui ouvrent son regard sur des vérités premières vécues différemment.

20

« Toute jeune, j’ai eu le sentiment d’appartenir à deux mondes différents. La France d’où mes parents étaient nés et l’Algérie où je suis née. Très vite, j’ai conscience des façons de faire tout à fait différentes suivant que j’étais dans un endroit ou un autre, ou en regardant s’amuser les enfants d’Aïn Temouchent. J’ai senti que ce qui était correct dans un endroit pouvait être condamné ailleurs et vice-versa. J’ai compris qu’il y avait une grande variété de façons de vivre, et qu’il existait, non pas une, mais plusieurs vérités… et cela m’a ouvert des horizons pour toujours. »
(Collière, 1992, 35-36) [4]

21De ces années algériennes qu’elle évoque assez rarement [5], elle garde un souvenir lumineux et plein de tendresse d’autant plus qu’elle n’est jamais retournée sur cette terre natale qui l’a néanmoins profondément marquée comme elle l’écrit dans deux messages d’adieu ultimes :

22

« Je ne peux vous quitter sans avoir une pensée de tendresse pour l’Algérie, Al Djaza’ir, ma terre natale… Terre de mon enfance où s’embrasent le ciel et le terre. Terre qui m’a fait découvrir les dimensions du monde, la diversité des cultures et qui m’a appris pour toujours qu’il n’existait nulle part de vérité unique mais des façons de vivre, de se représenter le monde et d’interroger son mystère. Algérie, terre brûlante, terre burinée par les civilisations, terre de toutes les déchirures, puisses-tu panser tes plaies, construire ton avenir, et permettre à nos cœurs de s’ouvrir d’un bord à l’autre de la Méditerranée, notre mare nostra. »[6]
« Je dois à l’Algérie ma terre natale, de m’avoir ouverte à une vision cosmique du monde. C’est ce message cosmique que je voudrais vous laisser pour qu’il embrase vos cœurs du souffle de vie, de poésie et d’amour créateur. »[7]

23En 1939 à la veille de la seconde guerre mondiale, Marie-Françoise a 9 ans, la famille rentre en France et s’installe dans une campagne de la région parisienne à Moret sur Loing en Seine et Marne, auprès des grands parents maternels jusqu’aux années 1950.

24Marie-Françoise et sa jeune sœur sont alors très tôt placées (à 9 et 6 ans) en pension chez les Sœurs de Saint Augustin au couvent « Notre Dame des Oiseaux » à Verneuil sur Seine en Yvelines. L’école est réservée aux jeunes filles de « bonnes familles », on y respecte l’observance de la règle de l’Ordre de Saint Augustin. Elles y trouvent cependant un lieu d’accueil où les jeunes sœurs [8] « [mettront] en veilleuse les émotions de [leurs] premiers chagrins » (Collière, 1992, 557, 35-36) [4] et Marie-Françoise découvre « le parc domanial du château pour y conforter ses besoins de rêve dans de grands espaces » (Collière, ibid.) [4]. Marie-Françoise tire partie de tout ce que les religieuses font découvrir aux élèves au-delà du travail scolaire : ateliers de peinture, de chant, de reliure, de musique, sports… associés au développement des capacités d’autogestion (Collière, ibid.) [4]. Durant la deuxième guerre mondiale, les deux sœurs suivent les religieuses augustines dans leur « retraite d’exode » [9] en Bretagne, les éloignant un peu plus de leur famille. Cette éducation stricte, catholique pour jeunes filles bien élevées, la dote d’un tempérament bien trempé et fier, d’une grande rigueur pour elle-même avec parfois à son insu une pointe d’intransigeance, elle la marque aussi de « l’obsession du secret » [10] et d’une pudeur exacerbée qui la retient. Cette éducation religieuse nourrit aussi une sourde révolte qu’elle manifestera plus tard contre le pouvoir et le savoir institués des Hommes de robe (Hommes d’Eglise, Hommes de Science, Hommes de Droit,…), contre leur pensée orientée et leur savoir encadré à visée totalisante excluant, notamment, les femmes.

25De sa vie d’enfant et d’adolescence, de la vie dans sa famille, nous n’avons que ces quelques faits évoqués par sa sœur Bernadette Collière lors d’une unique conversation téléphonique en août 2009 [11] et par son portait dans la revue Soins. De sa vie avec sa petite sœur en pensionnat en pleine guerre éloignée des leurs, ou avec ses frères ou ses parents, elle ne parle pas, elle garde les souvenirs enfouis dans une mémoire lointaine rendue peu accessible à son entourage professionnel, comme des souffrances cachées. Nous verrons que mêmes des amies très proches ont de très vagues notions de son enfance et sa jeunesse.

26Dans son portait, il est dit d’elle qu’elle acquiert très tôt le sens des responsabilités en tant qu’aînée appelée à seconder « une mère fragilisée par la vie » (Collière, 1992, 36) [4]. Parfois indulgente avec sa mère comme ici et ci-dessous révoltée et méprisante !

27Evoquant les relations entre Marie-Françoise et leur mère, Bernadette dira qu’elles se ressemblaient beaucoup, qu’elles étaient très volontaires et d’une grande froideur toutes les deux. Mais sa sœur n’imagine pas comment Marie-Françoise, de nombreuses années plus tard, traduit ces liens [12].

28C’est en illustrant des écrits anthropologiques sur « la crise de foie » que Marie-Christine Pouchelle, anthropologue et amie proche, nous relate les propos de ce vécu difficile situé dans les années 1940 :

29

« Une mère indigeste »… Hervé Bazin nous entraîne ici dans les âcres royaumes du refus et de la haine. C’est pourquoi son récit m’a été spontanément et passionnément cité[13] par une femme d’une soixantaine d’années qui y avait retrouvé le portrait de sa propre mère, détestée et en proie comme le narrateur à d’impressionnantes « crises de foie ». Au moment de la puberté, mon interlocutrice s’était souvenue du ton sur lequel sa mère lui avait dit pendant toute son enfance : « tu verras, la crise de foie ! ». Sentant alors venir la nausée, la jeune adolescente avait serré les dents et, ne voulant pas ressembler à une mère qui ne l’avait guère aimée, s’abstint pour la vie de tout malaise « hépatique »… Mais elle ne devint pas non plus mère, à son grand regret (en revanche, infirmière militante, elle est reconnue pour ses ouvrages sur le soin). »
(Pouchelle, 2007, 151) [5]

30De son père, rien n’est dit et l’auteure n’a aucun élément.

31Elle s’entend peu avec Guy [14], son frère cadet. Elle entretient cependant des liens réguliers avec certains de ses neveux et nièces. Certains habitent Lyon et sont à proximité d’elle. Marie-Christine, l’épouse de son neveu Laurent, est très proche d’elle et lui amènera régulièrement à son chevet ses « adorables » [15] petites nièces. Son frère Guy accompagné de son épouse Mireille seront présents à son inhumation [16].

32Sa sœur Bernadette, de 3 ans sa cadette la suit de près et lui emboîte le pas. Elles n’ont que 9 et 6 ans, quand elles sont précocement éloignées du milieu familial et placées ensemble en pension religieuse. Ainsi vivent-elles ensemble l’exode de la seconde guerre mondiale en Bretagne loin des parents. Bernadette suit sa scolarité au couvent « Notre Dame des Oiseaux » avec sa sœur et fait ensuite ses études d’infirmière dans la même école que Marie-Françoise. Elle s’oriente comme elle dans un secteur de santé publique, devient infirmière en secteur scolaire dans la région parisienne et terminera sa carrière comme infirmière conseillère auprès d’une académie d’Ile-de-France. Elles ne s’entendent pas sur leur conception de la fonction infirmière et échangent peu [17]. Cette jeune sœur, sans doute éclipsée par l’ombre de son aînée et peut-être aussi meurtrie par celle qui, chérie et admirée, ne la reconnaît pas, n’a pu s’autoriser à revivre cette relation sororale difficile lors d’un entretien prévu avec l’auteure de l’article, et qui n’eut pas lieu [18]. De cette sœur infirmière, beaucoup d’entre nous professionnels infirmiers n’en connaissions pas l’existence. Mais cette sœur sera là auprès d’elle lors des jours si douloureux de la fin de sa vie [19].

33Son plus jeune frère Jean-Marie dont elle est distante [20], est prêtre. Il incarne sans doute pour elle l’image d’un pouvoir ecclésiastique qu’elle refuse et combat, mais elle lui saura gré de sa présence discrète et d’avoir respecté ses croyances [21]. Il lui témoignera son affection en officiant sa cérémonie d’inhumation et en l’accompagnant lui-même jusque dans sa dernière demeure.

34Bien qu’elle taise à sa famille les 9 ans de sa maladie [22], Marie-Françoise s’en rapproche dans la phase finale et lors de son inhumation sont lus les témoignages d’affection qu’elle laissera à chacun d’eux malgré l’éloignement et les mésententes antérieures [23].

35Ainsi, celle pour qui il est fondamental de repérer les fracas d’une vie pour en comprendre les incidences sur la vie même et décrypter les signes ténus et essentiels de vie au travers de l’histoire des personnes [24], passe sous silence les premières années qui l’ont forgée et construite, celles de son enfance et de sa jeunesse. Elle gomme ce qui a motivée et motive sa propre existence et lui donne ce vigoureux élan d’énergie vitale et créatrice [25]. Mais c’est sans doute sans compter chez elle, sur l’acquis de ce sens « inné » qui va au-delà de l’intériorisation de sa propre expérience, engendrer entre autres, la construction de sa pensée.

36A l’issue de sa terminale de philosophie, sans l’obtention du baccalauréat, elle part seule un an en Angleterre, puis un an en Italie [26] (Collière, 1992, 35) [4]. Cette période reste assez floue entre la fin de sa scolarité vers 17/18 ans, ses voyages, l’obtention de son baccalauréat et l’entrée en Université, elle se cherche. Il n’est pas question de vocation infirmière, elle cherche à subvenir seule à ses besoins pour financer ses études universitaires. Elle s’inscrit en « propédeutique » [27].

37La visibilité et la lisibilité de sa vie commencent autour de l’âge de 21 ans quand elle engage des choix et qu’elle se dote de capacités à agir par elle même. A cette époque, où l’âge légal de la majorité est 21 ans, il est alors possible pour elle d’accéder à une indépendance choisie.

L’entrée dans la vie professionnelle

38De 1951 à 1953 après le baccalauréat, la voie de l’Université est ouverte. Elle suit des études universitaires en psychologie et en anthropologie à la Sorbonne. Faire des études universitaires tout en travaillant est tout à fait exceptionnel à cette époque, a fortiori pour une femme.

39C’est une période qui la nourrit intensément. « C’est le temps où les couloirs de la Sorbonne résonnent encore de la pensée de Bergson, où Bachelard réconcilie la poétique, la science et la philosophie tandis que l’on commence à prononcer le nom de Merleau-Ponty. C’est à cette époque que, suivant à la fois le renouveau apporté par le courant existentialiste (Jean-Paul Sartre,…), elle se passionne également pour les travaux de paléo-anthropologie qui confirment la genèse de l’humanité, rendant définitivement caduques les images bibliques dénaturées de leur sens symbolique. Depuis toujours intéressée par l’histoire, cette interrogation sur la façon dont se tisse l’histoire des hommes dans différents milieux demeurera constamment un vecteur dans tout ce qu’elle entreprendra. » (Collière, 1992, 35) [4].

40En 1954, elle rentre dans une école professionnelle La Croix Saint Simon (Paris 20ème) qui prépare aux diplômes d’infirmière et d’assistante sociale. La directrice de l’époque est Mademoiselle Aribat [28]. En 1956, elle obtient le diplôme d’Etat d’infirmière, en 1958 celui d’assistante sociale.

41Ces deux diplômes doivent lui permettre de vivre et de s’assumer tout en continuant ses études universitaires en anthropologie à la Sorbonne [29]. Elle a l’esprit vif et curieux et une volonté farouche d’apprendre. Mais elle découvre par ces métiers ce qu’est la vie quotidienne et les conditions de vie et de travail d’hommes, de femmes et de familles. Elle voit alors très vite les liens qu’elle peut tisser entre ses connaissances théoriques, l’intuition acquise de son expérience et l’analyse des situations de vie auxquelles elle est confrontée dans ces activités professionnelles.

42Elle débute par le métier d’assistante sociale et continue par celui d’infirmière qu’elle choisit d’investir. C’est dans le secteur extrahospitalier médico-social et préventif qu’elle trouve naturellement sa voie pour explorer les notions de vie et de santé sur lesquelles elle travaille. Impensable à l’époque : on est infirmière à l’hôpital ou assistante sociale pour s’occuper des cas sociaux. Marie-Françoise Collière arpente les faubourgs de la banlieue parisienne ou ceux de Marseille dans les services de PMI (Protection Maternelle et Infantile), de soins à domicile, de santé au travail en entreprise (à la Compagnie Générale Transatlantique au moment du lancement du paquebot France), d’hygiène scolaire. Elle abandonne provisoirement les études universitaires qu’elle reprendra en 1965 dans un autre parcours que celui initialement envisagé. Elle est infirmière en santé publique (Collière, 1992, 35) [4].

43En 1962, elle obtient son certificat d’infirmière cadre à l’école des cadres de l’Union Nationale des Congrégations Sociales. Elle privilégie la fonction pédagogique et exerce en école d’infirmières à Paris et à Chartres. Elle a très tôt le souci de transmettre l’expérience tirée de ses observations construites autour des liens qu’elle tisse et qu’elle initie dans les soins infirmiers entre les besoins des personnes, leur vie quotidienne et leur environnement, et la notion de santé. Elle est ainsi pionnière dans l’apprentissage des soins infirmiers comme « acte de vie », son véritable « acte de foi » militant dans les soins infirmiers.

Les années lyonnaises : l’Ecole Internationale d’Enseignement Infirmier Supérieur (EIEIS) - 1965/1978 et le Département d’Enseignement Infirmier Supérieur (DEIS) - 1978/1994 [30]

44Pour cette partie, l’auteure de l’article s’inspire du Curriculum Vitae rédigé et annoté de la main de Marie-Françoise Collière [31] et de ses écrits [1] et [6] et de deux textes écrits et lus respectivement par René Magnon et Madaleine Farhat lors de l’hommage qui lui est rendu le 21 mars 2005 [32].

Etudes et formations complémentaires

45Le choix qu’elle fait en 1965, en posant sa candidature pour un poste d’enseignante à dimension internationale lors de la création à Lyon de l’Ecole Internationale d’Enseignement Infirmier Supérieur, augure de son ambition intellectuelle et politique pour les soins infirmiers.

46Sélectionnée par le Ministère de la Santé et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avec la mission de développer l’enseignement des soins infirmiers de santé publique, elle participe à l’ouverture de l’Ecole. Une bourse d’études de l’OMS lui est allouée afin de se préparer à ses nouvelles fonctions.

47Elle part la même année aux Etats Unis et obtient un Master of science « Teaching Public Health Nursing » avec option anthropologie et sociologie des religions, délivré par la Wayne State University de Détroit dans le Michigan. Fidèle à elle-même, elle poursuit ses premiers choix universitaires en anthropologie enrichis par la sociologie des religions, un domaine qui ne lui est pas inconnu depuis sa scolarité et sa formation professionnelle mais qui la questionne fortement (L’auteure a eu l’occasion d’échanger avec elle suite à la lecture d’ouvrages de Jean Delumeau [33]). Sa note de recherche, travail terminal de ses études, sera consacrée à l’histoire des soins et de la profession infirmière. Elle découvre et approfondit à cette occasion les écrits de Florence Nightingale « Notes on Nursing » et la thèse de doctorat de médecine d’Anna Hamilton sur les infirmières et l’enseignement des soins (1902). Elle poursuit sa formation par un voyage d’études dans quatre pays européens, au Royaume Uni, en Belgique, en Suède et en Finlande. Elle devient membre de Sigma Theta Tau Chapter Lambda, Société Nationale d’Honneur des Infirmières Américaines.

48A son retour en France, son port d’attache est désormais Lyon. Elle s’installera à Bron, une commune voisine non loin de l’Ecole dans l’est lyonnais.

49De 1968 à 1970, elle complète sa formation en Sciences humaines et sociales à Lyon par un cycle de formation à la communication et à l’entretien (sous la responsabilité de Mesdames Avron et Margot-Duclos).

50En 1982, elle obtient un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) d’Histoire des Civilisations à l’Université Diderot Paris VII sous la direction de Michelle Perrot.

51Marie-Françoise Collière prend alors tout son essor. Elle se réalise en déployant toutes ses capacités au service des soins infirmiers, elle s’emploiera sans cesse à les développer et à nourrir la fonction infirmière pour la faire reconnaître dans sa vraie et propre valeur. Elle déploiera toute son aura, tissera tout son réseau international, européen et national à partir de cette école lyonnaise à laquelle son nom est particulièrement attaché.

L’émergence d’une personnalité professionnelle

52Comme le relate René Magnon, elle a un rôle prépondérant au sein de la réflexion de l’EIEIS : « Dans les années 1970 [elle] est parmi celles et ceux qui défendront la réforme des études d’infirmières et d’infirmiers que l’Europe nous offrait [34]. Avec les pionniers de la formation universitaire des cadres de direction au sein de l’École internationale d’enseignement infirmier supérieur, Huguette Bachelot, Catherine Mordacq, Elisabeth Stussi, Sanky Raine, André Montésinos, elle participa à faire émerger un courant de pensée pour renouveler en France la pratique et l’enseignement des soins infirmiers. [35] »

53Dès 1969, elle s’inscrit dans une dimension nationale. Elle participe au Conseil de Perfectionnement jusqu’à sa dissolution en 1975 et à son remplacement par le Conseil Supérieur des Professions Paramédicales, dont la commission infirmière traite des questions concernant la profession. Elle se bat dans ce conseil pour faire valoir la représentativité infirmière au-delà du tiers proportionnel, compte-tenu du nombre d’infirmières en exercice. Elle est partie prenante dans les débats sur les écoles d’infirmières, sur le poste de conseillère pédagogique au sein des Instances administratives de l’Etat et lors de la création de la formation universitaire de Bobigny avec sa filière pour les infirmières.

54En 1970, avec Marie-Thérèse Bonsart (Collière, 2001, 432-433) [6], Directrice de l’Ecole d’infirmières de Pontoise et Présidente du Comité d’entente des écoles d’infirmières et des écoles de cadres (CEEIEC) [36], elles ont créés le Comité infirmier permanent de liaison et d’études (CIPLE), regroupant (déjà à cette période !) les représentants de tous les organismes représentatifs de la profession infirmière (associations et syndicats) pour s’opposer à de nouvelles stratifications d’emploi d’aides-soignantes sans l’existence d’un service infirmier à domicile. Ce service de soins infirmiers à domicile se concrétisera dix ans plus tard par le décret du 31 mai 1981. Engagée dans le CIPLE aux côtés de Marie-Thérèse Bonsart, elle livre divers combats dont celui d’empêcher la création de chambres disciplinaires pour les infirmières alors qu’aucune loi ne définit la profession. Le combat [37] pour la loi du 12 juillet 1980 concernant la définition de la profession et son décret d’application, est de haute lutte mais elle ne peut faire adopter le terme de « fonction infirmière » à la place de « rôle propre » [38] dans le texte du décret contrairement à la Suisse où Nicole Exchaquet réussit à partir de la fonction infirmière à établir les conditions nécessaires pour l’accomplir.

55De 1971 à 1975 elle prend des responsabilités nationales au CEEIEC comme Vice-présidente et prend en charge la rédaction des feuillets de l’Infirmière enseignante - Bulletin d’information et de pédagogie (dénommé le BIP par les écoles), créée un an plus tôt par Marie-Thérèse Bonsart et reprise plus tard par Odile Radenac. Elle rédige ainsi les éditoriaux et fait passer sa vision novatrice des soins infirmiers auprès des écoles. En 1973 elle organise avec Odile Radenac et Yvonne Sibiril dans le cadre du CEEIEC un grand congrès « Au-delà de l’écran, la santé des hommes » en s’appuyant sur des films grand public avec la participation de metteurs en scène connus (Charles Bellemont, Yannick Bellon) et de l’ORTF [39], et des sessions de formation « Information Communication ». Elle organise le Bureau d’études du CEEIEC, dont celui de l’Etude démographique des infirmières en lien avec l’INSEE [40] de Nantes est confiée à Marie-Josée Aumont, alors Directrice de l’Ecole de cadres d’Angers.

56Suite à ses nombreuses rencontres avec les écoles d’infirmières, elle crée en 1975 une formation des directrices d’écoles d’infirmières et elle passe le relai à Huguette Bachelot, alors Directrice de l’EIEIS.

Ses orientations de travail à l’Ecole Internationale d’Enseignement Infirmier Supérieur (EIEIS) et au Département d’Enseignement Infirmier Supérieur (DEIS)

Les soins infirmiers : émergence d’un nouveau courant de pensée ouvert sur la santé [41]

57Durant la trentaine d’années de 1965 à 1994 passées à l’EIEIS/DEIS, Marie-Françoise Collière s’attache à développer parallèlement deux programmes de formation, l’un universitaire (Diplôme Universitaire 1966/78 et Maîtrise en Sciences et Techniques sanitaires et sociales 1978/94), l’autre de formation continue, essentiellement pour des soignants exerçant en milieu extrahospitalier qui jusqu’à là n’accèdent pas à une formation post-basique.

58Dans le cadre du Diplôme universitaire puis de la Maîtrise en sciences et techniques, elle met à profit ses acquis universitaires sans cesse nourris de nombreuses lectures. Elle développe le séminaire de soins infirmiers en liens avec des terrains extrahospitaliers pour aider à décentrer les soins du modèle biomédical. Elle travaille « les phénomènes de vie et de mort », les notions de « santé et maladie » (Collière, 1982, 251-254) [1] et les facteurs pouvant les influencer, et elle étudie les questions de culture dans les soins, ceci afin d’apprendre aux étudiants à discerner les perturbations et les significations de ce qui est vécu, les points de rupture et de continuité dans les situations de vie et ainsi comprendre les situations de soins. Elle interroge les notions et les domaines de santé publique et ouvre sur la santé communautaire et l’« action concertée » (Collière, 2001, 241-245) [6] à laquelle elle donne une place prépondérante. Elle mène aussi dans ces séminaires une réflexion sur l’histoire des institutions sanitaires dans « leur genèse, leur développement, leur vieillissement et leur mort » pour aider les étudiants à mieux se repérer dans le système de santé et à situer leurs positionnements sur un plan professionnel dans leurs différents statuts d’exercice, leurs diverses fonctions et leurs multiples rôles. Elle resitue les soins dans les besoins de la vie quotidienne des gens où ils vivent, travaillent,…, vieillissent et finissent leur vie. Elle engage la réflexion sur les ressources à investir et à mobiliser dans et autour des soins, elle met l’accent sur la concertation entre la personne malade, la famille et l’action des intervenants professionnels. Ces séminaires sont pour les étudiants des espaces de respiration privilégiés qui sont aussi alimentés par leur expérience professionnelle, selon les souhaits de Marie-Françoise Collière [42]. Pour ceux qui font le choix de son enseignement et qui lui font confiance, elle s’ingénie à les mener, par des chemins de traverse, vers d’autres rivages inconnus d’eux pour mieux les décentrer, notamment de l’hôpital (Collière, 2001, 432) [6] et voir les choses sous un angle et un éclairage différents. Ces séminaires sont ainsi « le creuset d’une réflexion »[43] constamment nourrie par une approche de l’ethnohistoire, resituée dans un contexte économique et sociologique contemporain.

59En formation continue, elle lance, dès le début en association avec des services de Protection Maternelle et Infantile, des journées et une session sur l’« Approche de l’action sanitaire et sociale en milieu familial : Analyse de situations » pour des infirmières puéricultrices et des assistantes sociales. Elle crée en 1972 la session « Santé et milieux de vie » (Collière, 1982, 177) [1] pour tout public sanitaire et social qu’elle élargira aux étudiants universitaires, et de 1980 à 1991 elle monte les sessions sur l’« Approche des soins de santé primaires et santé communautaire ». Ces cycles de formation sont des moments-clés pour intégrer les différentes notions de besoins d’une population vivant sur un territoire donné. En 1974-75, elle entreprend ses premiers travaux avec les premiers centres de soins - Saint Chamond avec Rose Ville, Mâcon avec Marie-Jean et Jeanne Répécaud et Grenoble. Puis elle lance à la suite de ces travaux les premières sessions sur l’« Approche des soins infirmiers à domicile » avec Michèle Barrot (1978-1984), puis Michèle Guyon (1980-1988) et Michèle Pohier (1988-1994). Les sessions sont initialement ouvertes aux infirmières des centres de soins congréganistes et associatifs puis à toute infirmière de soins à domicile y compris les infirmières libérales. Elle passe une convention avec la Fédération Nationale des Infirmières (FNI).

L’histoire des soins, des pratiques soignantes et de la profession infirmière

60En 1978, elle investit la recherche en histoire et initie un groupe de recherche en Histoire composé d’universitaires et de professionnels [44].

61Ce groupe s’attellera à la préparation de la première journée de rencontre nationale autour de l’histoire de la profession. Le 12 mai 1980 donc, « à l’occasion du 150ème anniversaire de la naissance de Florence Nightingale, [elle] lance [cette] 1ère journée […] après vingt-cinq années de différents contacts professionnels et universitaires pour retrouver les sources de l’histoire de la profession et trouver des partenaires universitaires qui n’assimilent pas notre histoire à celle des médecins »[45].

62Parallèlement elle s’inscrit dans le séminaire « L’histoire des femmes » dirigée par Michèle Perrot, pour préparer son DEA. En 1982, elle passe son DEA en Histoire des civilisations. L’histoire, et notamment celle des femmes est sa seconde passion. Reliant en son sein ses deux passions – les soins et la femme -, elle s’intéresse à l’histoire des soins, des pratiques soignantes et des femmes soignantes.

63Elle donne de nombreuses conférences sur ce thème dans toute la France, elle participe à l’exposition sur la profession infirmière le 10 juin 1989 à l’Hôtel-Dieu de Lyon.

64De 1980 à 1984, elle organise avec Evelyne Diébolt, historienne à Paris VII, un séminaire (12 et 14 septembre 1980, 17 et 18 novembre 1983, 26 et 27 septembre 1984) visant à former des infirmières à la recherche en histoire [46]. Ce travail aboutira à la publication en 1985 du Cahier de l’AMIEC [47] n° 10 « Pour une histoire des soins et des professions soignantes » [8]. Travail de longue haleine qui la mène aussi à la co-écriture du livre « L’univers de la profession infirmière » qui paraît en 1991/1992.

65Après avoir quitté l’Ecole en 1994, et malgré la survenue de sa maladie en 1998 elle continue à donner des cours sur l’histoire des soins jusqu’en 2002, en licence et maîtrise à l’Université d’Aix-en-Provence, à Lyon à l’Ecole de Cadres Infirmiers du Vinatier et à l’Institut de Formation des Cadres de Direction de l’Action Sociale.

66La fin de cette « Ecole » et du Département d’Enseignement Infirmier Supérieur en 1995 affecte terriblement Marie-Françoise Collière. Son amie Annie Denayrolles écrit : « La fermeture de cette structure a été un énorme traumatisme pour Marie-Françoise […] qui en a éprouvé un immense chagrin et je pense que cette peine a quelque part contribué à ses problèmes de santé. [48]. Et René Magnon témoigne dans ce sens : « Son engagement permanent pour la défense de l’École internationale d’enseignement infirmier supérieur, ses prises de position fermes et sans appel avec tous ceux qui s’engagèrent dans ce combat pour que la France conserve cette formation universitaire furent vaines. Son amère déception ne fut pas étrangère, au cours de ses dernières années professionnelles, à l’aggravation de son état de santé » [49].

Son influence internationale

67A partir des années 1969, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) la sollicite pour intégrer des comités ou des séminaires en soins infirmiers de santé publique. En 1973, Marie-Françoise Collière est nommée « expert en soins infirmiers » de santé publique. Elle est inscrite au tableau permanent des experts en soins infirmiers de l’Organisation mondiale de la santé, et y est reconduite jusqu’en 1996. Avec l’OMS, c’est une longue collaboration d’expertise qui s’installe. Elle est régulièrement consultée, elle participe et collabore à différents rapports relatifs aux soins de santé, au développement de la santé communautaire et des soins de santé primaires, à l’étude de leur mise en place et des obstacles à leur développement et au « leader » infirmier en la matière. On peut affirmer avec René Magnon que Marie-Françoise Collière est en effet dans ces années 1965 à 1995 « en France, le défenseur des soins infirmiers de santé publique [et] le révélateur des soins de santé primaires et de l’approche communautaire » [50].

68« L’Infirmière Enseignante », dont elle est rédactrice, lui procure une « tribune » pour se faire l’écho d’évènements internationaux. Elle signe son premier éditorial sur l’annonce d’une étape cruciale dans l’évolution des soins infirmiers, la refonte du code de déontologie international des infirmières lors du Congrès du Conseil international des infirmières (CII) à Mexico du 13 au 18 mai 1973. Par la suite, nombre de pays qui n’en sont pas encore dotés, dont la France, s’en inspirent [51]. Tout au long de ces années à l’Ecole et au-delà jusqu’en 2000, elle s’engage dans un « militantisme » international professionnel fort au travers de divers congrès, notamment ceux de l’OMS et du CII. Ainsi, elle participe à plus d’une vingtaine de congrès mondiaux et communique chaque fois sur les soins infirmiers et leur histoire. Elle promeut et défend ses conceptions très novatrices sur les soins comme « acte de vie » au plus près des populations. Elle touche au plus profond d’elles-mêmes nombre d’infirmières de toute culture et de tous pays de par le monde. Elle est plus reconnue par ses consœurs étrangères qui lui reconnaissent un véritable statut de « leadership » que par ses pairs françaises. Lors d’un de ces congrès internationaux à Lausanne en juin 1997, elle débat avec Madeleine Leininger [52], la théoricienne américaine des soins transculturels dont elle connaît les écrits depuis les années 1971 (Collière, 1982, 385) [1] [9]. Compte tenu de leurs écrits respectifs, elles ont dû enrichir réciproquement leurs réflexions (Marie-Françoise Collière se réfère de façon permanente à une approche anthropologique des soins [1], [6] et Madeleine Leininger a travaillé plus de trente ans autour de la théorie des soins transculturels. (Cf. les références bibliographiques dans Kérouac et al, 2003, 200-201) [10]). L’auteure de l’article n’a malheureusement pas assisté à ce débat et n’en eût pas d’échos. Dommage que, par ailleurs, Marie-Françoise Collière, la « conceptrice » du « prendre soin » français [1], [6] n’ait pas rencontré Jean Watson, la théoricienne américaine du « caring » [11] car les débats auraient été certainement âprement discutés et argumentés sur certains attributs du concept tant d’un point de vue scientifique que théorique.

69Elle participe en octobre 1987 au séminaire « Soins de santé et formation des infirmières au XXIe siècle » de la Commission des Communautés Européennes.

70Elle anime durant de nombreuses années des formations en soins infirmiers de santé publique et communautaires à Genève et Lausanne en Suisse.

71Elle communique sur les soins infirmiers de santé publique lors du XIIIe congrès médico-social protestant à Lyon en septembre 1982.

72Elle organise trois séminaires sur « Soigner… un défi entre ce qui fait vivre et ce qui fait mourir. Caractéristiques des grands phénomènes de la vie et de la mort » à Londres (Angleterre) en 1982, à Sheffield (Angleterre) en 1984 et à l’Université de Laval au Québec (Canada) en 1986.

73Autour de l’histoire de la profession infirmière, elle intervient au Congrès de l’Association de l’Histoire des infirmières canadiennes au Québec en 1989 et en Espagne aux IIe et IIIe Journées nationales d’Histoire de la profession infirmière à Albacete en 1993 et à Malaga en 1995. Autour des droits des femmes, elle donne une conférence au Colloque International (préparant l’Année Internationale des Femmes de 1985) sur la « Valeur du Travail des Femmes » à Salzbourg en 1984. Elle participe comme conférencière à des colloques universitaires d’Histoire et d’Anthropologie : à Aix-en-Provence sur l’Histoire orale en 1980, en Anthropologie à Paris en 1987 et « Soins infirmiers et Travail social » au Havre en 1989 et d’Histoire interdisciplinaire « Soins et soignants entre médecine et société » à Sion (Suisse) en 1991.

74Par ailleurs, elle est déléguée pour le DEIS de 1978 à 1982 à la Commission européenne des Ecoles supérieures en langue française et du gouvernement français au Comité d’experts du Conseil de l’Europe pour « L’automédication et l’autotraitement » entre 1978 et 1979.

75Invitée dans de nombreux pays d’Europe (Ouest/Est), d’Amérique du nord et d’Amérique centrale, d’Afrique du nord et d’Asie,… « elle y donne des conférences sur la santé, la maladie et le fondement culturel des soins infirmiers, l’histoire des femmes soignantes et de la profession infirmière ». [53]

76Pour toute sa carrière nationale et internationale, Marie-Françoise Collière est élevée au grade de chevalier dans l’ordre des Palmes Académiques en 1995. Elle est promue Docteur Honoris Causa de l’Université de Las Palmas (Espagne) en 2005.

77En sa mémoire, l’amphithéâtre du site Lacassagne à Lyon, le lieu où elle exerça est baptisé Marie-Françoise Collière – 1930-2005 [54]

78Aujourd’hui en son hommage, à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de Perpignan, la Promotion 2011/2014 a pris le nom de Marie-Françoise Collière. [55]

Son œuvre et sa contribution à la pensée infirmière

79A partir de 1975, elle promeut sa conception des soins infirmiers reliant sans cesse « Vie » et « Santé » qu’elle met au centre des préoccupations du métier de soigner [56]. Ses travaux sur l’histoire des pratiques soignantes et de la profession infirmière l’engagent dans un combat permanent pour faire connaître et reconnaître la place des infirmières dans le monde de la santé. Elle participe à de nombreux congrès nationaux (dont les congrès annuels des centres de soins) et internationaux (OMS, CII, cf. Son influence internationale, ci-dessus). Elle écrit de nombreux articles dans des journaux et revues s’adressant au grand public et dans des revues professionnelles françaises et étrangères.

80Outre donc de nombreux articles, elle est l’auteure d’un ouvrage phare « Promouvoir la vie. De la pratique des femmes soignantes aux soins infirmiers » [1], paru en 1982 aux éditions InterEditions avec une réédition en 1996 aux éditions Masson ; il est traduit en portugais, espagnol et italien. Suit en 1988 l’ouvrage collectif en co-direction avec Evelyne Diebolt sur l’histoire « Pour une histoire des soins et des professions soignantes » publié par l’AMIEC [8] où elle signe trois articles. Elle est co-auteure de « Univers de la profession infirmière » aux Presses de Lutèce en 1991/92. Elle participe en 1993 à l’ouvrage d’art « De blanc vêtue » de Thierry Colin. Puis en 1994, elle nous donne à lire ou relire l’œuvre et la pensée de Virginia Henderson en complétant la publication de « La nature des soins infirmiers » par une analyse [12]. Son dernier ouvrage d’auteure « Soigner… le premier art de la vie » en 1996 (aux éditions InterEditions) et réédité en 2001 (aux éditions Masson) [6], est « une œuvre composée de ses nombreux articles et conférences écrits à la lumière des enseignements du programme universitaire de maîtrise des sciences et techniques sanitaires et sociales de l’université Lyon II qu’elle développa sans cesse et de son approche anthropologique des soins » [57]. En 2001, elle préface l’œuvre de Jocalyn Lawler « La face cachée des soins » aux éditions Seli Arslan [13]. Elle rencontre l’auteure en France en 1995 et l’aide avec Lidy Arslan à traduire et publier son œuvre. Elle fait connaître son travail de théorisation sur une approche infirmière autour de l’intimité des corps. [58]

81Elle sera aussi l’auteure de critiques et présentations d’ouvrages dans des revues professionnelles et dans la revue d’Ethnologie Française.

82Elle commence avec René Magnon un travail sur les biographies des personnages et personnalités de la profession de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle qu’ils n’ont pu malheureusement achever ensemble [59].

83Dans l’ouvrage collectif québécois de Suzanne Kerouac « La pensée infirmière » (Kerouac 2003, 17, 72-73) [10], Marie-Françoise Collière est citée par deux fois. Sa pensée est répertoriée comme ouverte sur le monde dans une orientation « promotion de la santé ». Concernant la discipline, le centre d’intérêt est énoncé sur le « soin » comme « acte de vie ».

84Dans un deuxième ouvrage collectif québécois plus récent, de Clémence Dallaire, « Le savoir infirmier. Au cœur de la discipline et de la profession » (Dallaire, 2008) [14], il est fait mention des travaux d’ethnohistoire de Marie-Françoise Collière et ses écrits servent la discussion sur l’émergence des fondements des soins infirmiers. Si C. Dallaire reconnaît à Marie-Françoise Collière son apport fondamental dans la construction du savoir infirmier, puisé au cœur de la vie, de l’histoire des soins et de celle des femmes, et tissé à partir des liens de continuité qu’elle établit entre les savoirs profanes, domestiques et les principes des soins infirmiers (Dallaire, 2008, 57-59) [14], elle lui reproche ses doutes sur l’existence d’une science infirmière (Collière, 2001, 20) [6], liés, selon C. Dallaire, à une conception « caricaturée » [60] de la science (Dallaire, 2008, 11) [14]. En fait, elle critique vivement la science médicale expérimentale et ses méthodes objectivantes qui produisent de son point de vue une technologie déshumanisante. C’est surtout la puissante force de frappe de la docte autorité médicale qu’elle exècre. C’est dans une même logique contre la médecine savante que malade, elle a refusée en pleine conscience tout traitement oncologique mutilant et agressif. Elle ne rejette aucunement les savoirs scientifiques essentiels pour éclairer la pratique des soins comme le reconnaît par ailleurs Clémence Dallaire. Marie-Françoise Collière est, en France, l’initiatrice d’un raisonnement clinique infirmier qui prend racine dans l’être humain et son histoire. Elle possède des connaissances cliniques et un raisonnement clinique pertinent mais refuse pour les soins la démarche scientifique expérimentale dont l’objet n’inclut pas une relation à un sujet vivant. Elle se réfère constamment à des connaissances historiques et scientifiques dans son enseignement et dans la lecture des situations de soins qu’elle expose. Elle se sert également de l’épidémiologique descriptive qu’elle nomme « épidémiologie de terrain » dans son approche communautaire pour caractériser les populations qu’elle étudie (Collière, 2001, 437) [6]. La pensée de Marie-Françoise Collière relève avant tout du paradigme herméneutique, elle milite pour une science des soins ouverte sur une approche compréhensive, sur le sens des soins par rapport à ce que vivent les êtres humains (Collière, 2001, 13) [6] et reste relativement opposée à une approche positiviste explicative causale considérée par elle trop linéaire et normative. Et à ce titre elle a de fortes réticences vis-à-vis de toute démarche objectivable méprisant le « sujet » en situation de vie. Elle vit la pratique des soins comme un art et une science des soins non exclusivement réservés aux seules infirmières (Collière, 2001, 13) [6]. D’où ses doutes pour affirmer une science infirmière.

85Nourrie par les enseignements de Marie-Françoise Collière, l’auteure de cet article a dû, sans rien renier de cette approche, pour compléter son propre enseignement des soins infirmiers en santé publique se sensibiliser à d’autres approches méthodologiques plus positivistes telles que les méthodes statistiques probabilistes (démographie, épidémiologie analytique et évaluative) toutes aussi fondamentales pour appréhender les problèmes de santé des populations pour des infirmières de santé publique, et plus tard dans une autre fonction, l’auteure aborda les méthodologies de la recherche clinique médicale [61]. Une démarche que Marie-Françoise Collière respecta mais hésita à approuver.

86Au-delà de ses positions affirmées, il faut lui reconnaître des apports majeurs. Notamment, Marie-Françoise Collière a la finesse de par sa lecture des grands philosophes (cf. ses premières années universitaires à la Sorbonne), et grâce à sa sensibilité intellectuelle et à sa formation franco-anglophone, de mettre très tôt en lumière, dès 1982 en langue française [1], la double signification sémantique du terme anglais « care » (traduit par elle par « prendre soin de la vie », « se préoccuper de » et qu’elle relie à soigner) dans la fonction des soins infirmiers (Nursing), à savoir :

  • les liens moraux, en terme de responsabilité envers autrui, souci des autres et sollicitude ;
  • les liens vitaux, en terme de nécessité, ressource(s) pour rester en vie et vivre au quotidien dans le temps (Collière, 1982, 243) [1], (2001, 331) [6]. Et ceci bien avant que ce terme ne soit introduit en France sous l’expression « L’éthique du soin » dans les années 2000 par des philosophes et des psychosociologues français qui ne la citent jamais dans leurs travaux.
Elle ne formalise pas la fonction de soigner en terme de comportement comme attendu dans un rôle, mais en terme de « capacité de continuer à être en éveil, à être à l’écoute des possibilités de développement et d’épanouissement à partir des ressources existantes, pour savoir les mobiliser et s’en servir. » (Collière, 2001, 25) [6]. Elle s’appuie sur deux auteurs historiques Florence Nightingale et ses écrits « Notes on nursing » reprises par Anna Hamilton pour redéfinir la fonction infirmière (cf. sa note de recherche aux USA). Pour étayer la propre vision de Marie-Françoise Collière et mieux en rendre compte, l’auteure lui substitue ce qu’elle dit d’Anna Hamilton (qui correspond en vérité à des propos datant d’un siècle, mais étonnamment d’actualité factuelle et sémantique un siècle plus tard) concernant la fonction infirmière : « Outre les soins médicaux prescrits par le médecin, [elle] associe comme domaine propre du champ de compétence infirmière, tous les soins qui peuvent stimuler le malade à retrouver goût à la vie, et aider à compenser les troubles procurés par la maladie. [Elle] réintroduit les soins de stimulation visant à mobiliser les forces du malade. Pour [elle], ces soins font l’objet de la décision infirmière. » (Collière, 2001, 39) [6]. Cette pensée répond ici clairement à la question du pouvoir réel des infirmières et infirmiers, question qu’elle ne cessera de poser et d’argumenter. Mais elle bataillera sans cesse pour faire entendre cette voix tant auprès des élites même des infirmières françaises (celles qui sont à des postes-clés de direction et/ou de conseil dans les grandes administrations de la santé) qu’auprès de ces mêmes administrations (Sécurité Sociale, DRASS/DDASS [62], ministère) régies essentiellement (mais pas seulement) par des autorités médicales. Cette voix a aussi beaucoup de difficultés à se faire entendre dans les écoles d’infirmières/IFSI et écoles de cadres/IFCS et dans les services cliniques et de prévention hospitaliers et extrahospitaliers.

87

Ce qu’elle pense de la situation des infirmières en 1992 est très sévère : Leur situation « est critique. Très proche de celle de la fin du dix-neuvième siècle. Elle demeure fondée sur un malentendu entretenu : la valorisation outrancière de celui qui prescrit aux dépens de celles et de ceux qui assurent les soins ; le refus de reconnaître l’apport irremplaçable des soins, ainsi que de reconnaître le champ de décision qui appartient à celles et ceux qui prodiguent les soins. Mais ceci demande aux infirmières de faire apparaître les effets de leur travail, or elles n’y ont pas été du tout préparées. […] Une société qui refuse de reconnaître l’indispensabilité des soins (ce qui dépasse de beaucoup les traitements) et les conditions nécessaires aux soignants pour les réaliser est une société qui s’autodétruit. »
(Collière, 1992, 36) [4]

88Enfin, René Magnon souligne les quelques victoires que la force de sa pensée et de son action en faveur des soins infirmiers font entrer dans le langage moderne des soignants à savoir trois nouveaux termes. « Les deux premiers : action concertée et milieu de vie, qu’elle [utilise] dans l’enseignement de la santé publique. Le troisième, soins de continuité et d’entretien de la vie [est] reconnu et introduit dans le premier décret [dit] « de compétence » des infirmières et infirmiers en 1981 » [63]. Une bataille de haute lutte qu’elle-même et Marie-Thérèse Bonsart (avec le CIPLE) ont partiellement gagnée, vu qu’elles n’ont pu réussir à faire passer le terme de « fonction infirmière » (champ que Marie-Françoise Collière qualifie comme relevant de l’initiative et de la décision infirmière) à la place du terme impropre de « rôle propre ». (Collière, 1982, 319-325) [1], (Collière, 2001, 213-225 et cf. note 2) [6].

89Lors de la journée de reconnaissance du 21 mars 2005, Madeleine Farhat [64] retrace certains repères de la pensée de Marie-Françoise Collière à partir d’un article phare « Réflexion sur le service infirmier. Contribution à l’identification du service offert : les soins infirmiers » (Soins, janvier, février 1978, 2, 3, 4) [15] remontant ainsi 28 ans en arrière. Elle souligne à cette occasion la forte conviction de Marie-Françoise Collière dans un service offert par une profession infirmière capable de décrypter ingénieusement les informations nécessaires pour soigner.

90Pour Marie-Françoise Collière « soigner », comme nous l’avons déjà transcrit, est « un acte de vie » (Collière, 1982, 241) [1]. Chez elle, « soigner » est défini comme un processus de discernement des besoins sanitaires nécessaires à la vie de quelqu’un ou d’un groupe et l’action qu’il faut mettre en œuvre pour y répondre. Le terme « discerner » la nature des soins (Collière, 1982, 243, 251) [1], (Collière, 2001, 330-337) [6], est la première étape capitale du processus pour analyser, comprendre et répondre à une situation de soin. Pour reprendre sa formule célèbre « discerner la nature des soins qui relèvent des soins coutumiers et habituels correspondant au terme anglais « care » liés aux fonctions d’entretien, de maintien de la vie, des soins de réparation correspondant au terme anglais « cure » liés aux besoins de réparer ce qui fait obstacle à la vie. » et qu’elle ne sépare jamais de l’ensemble de la fonction. (Collière, 1982, 241-247) [1]. Elle met clairement l’accent sur le fait que « soigner n’est pas traiter », assimilant « traiter » à la fonction médicale. Sans en faire le monopole de la profession, elle emploie le terme de « soigner » pour spécifier la fonction infirmière, dans laquelle elle insère sans les opposer les soins relevant de l’initiative et de la décision infirmières et les traitements relevant de la décision et la prescription médicales :

  • les soins de compensation et d’entretien de la vie, comprenant les soins de compensation et suppléance, d’entretien et de maintien, de stimulation, de confortation, du paraître, d’apaisement, les soins remédiables pour éviter de passer le seuil de non retour, et
  • les soins de réparation comprenant des soins réparateurs (nettoyer, panser, reconstituer), des soins curatifs sur prescription liés aux soins d’investigation et des traitements médicaux relevant des décisions et prescriptions médicales. Seuls ces derniers (soins curatifs liés aux soins d’investigation et traitements médicaux) ne relèvent pas de l’initiative et de la décision infirmière mais relèvent de sa fonction d’application, exécutée avec discernement. (Collière, 1982, 294-295) [1], (Collière, 2001, 213-225) [6].
Lors de son témoignage, Madeleine Farhat évoque ses lectures, notamment celle d’Edgard Morin, pour étayer ses réflexions sur le manque de questionnement dans les soins autour des éléments fondamentaux de la vie. Madeleine Farhat rappelle les sources et ressources clés (Collière, 1982, 251-259) [1] permettant d’identifier les différents processus de soins :
  • les connaissances : celles de la personne sujet et objet des soins, les connaissances cliniques et celles relevant de différentes sciences connexes (médicales et sciences humaines), celles intériorisées (professionnelles et personnelles) ;
  • les outils : en premier le corps, la concertation avec les différents intervenants avec/autour de la personne soignée, les technologies de l’information et les technologies de soins en veillant à en requestionner la convivialité ;
  • les croyances et valeurs : sur le processus de vie/mort, l’importance d’éléments fondamentaux comme l’énergie, l’espace, le temps, les rites de passages, les notions de seuil, les phénomènes de stress, de crises, de dépossession et de perte,…
Tant sur le plan économique que social (Collière, 1982, 329-356) [1], sa pensée se pose et s’argumente dans une fine critique à contre-pied des évolutions actuelles imposées par des choix de société qui « maltraitent » les hommes et les rendent vulnérables et dépendants. Elle n’a de cesse de proclamer que les soins officiellement les plus cotés ne sont pas ceux qui sont les plus porteurs et libérateurs d’énergie pour les soignés comme pour les soignants, et que les soins infirmiers n’ont de sens que s’ils s’insèrent dans une texture sociale sur laquelle ils influent et qui les conditionne en retour.

91Pour continuer le travail qu’elle a entrepris tout au long de ses années professionnelles, elle charge une amie très proche, qui l’a accompagnée jusqu’à la fin, de poursuivre ses travaux de recherche après sa mort. Elle lui a remis son héritage professionnel, ses travaux et sa bibliothèque [65].

La femme

92Marie-Françoise Collière est une femme d’aspect plutôt menue, réservée et de sociabilité agréable. Elle a des cheveux châtains, une peau claire, des yeux d’un bleu limpide. D’allure fine et soignée, toujours très coquette et vêtue de camaïeux bleus diversifiés agrémentés des bijoux, elle aime à porter des châles et des foulards. Elle a un charme rétro discret.

93Femme fière, intelligente et cultivée, elle est raffinée dans ses choix esthétiques, qui rappellent son origine bourgeoise, origine qu’elle n’aime pas mettre en avant.

94Son regard bleu, sensible et profond, frappe d’entrée et ne laisse pas indifférent. Toujours en retrait mais vif, ce regard est observant, observateur, questionnant, mais invitant au contact. Il est aussi séducteur, il touche l’intimité des personnes et peut fortement déranger, voire irriter. Pour celui qui est séduit, il engage une forme d’adhésion confiante et admirative sans condition. A l’inverse, par le jeu d’une relation déséquilibrée qu’elle instaure dans cette relation de séduction, elle peut induire réserve, méfiance voire hostilité. Elle peut aussi laisser les gens dans l’entre-deux, à mi-distance. René Magnon dira d’elle « … Marie-Françoise cumulait les défauts de ses qualités. Elle séduisait les uns, mais irritait les autres. Son intelligence, ses idées, ses concepts faisaient l’admiration de beaucoup mais sa foi, la détermination dans ce qu’elle avançait la faisait apparaître, hélas ! trop souvent, comme intransigeante et parfois un peu dogmatique. Sa rigueur, son caractère aussi un peu abrupt et rebelle alors que ses qualités humaines étaient immenses, ses exigences en toutes choses, son opiniâtreté, ne lui firent pas que des amis » [66].

95Rebelle, Marie-Françoise Collière l’est et l’est restée jusqu’à la fin de sa vie. Ecorchée et blessée, par le mépris d’une mère hautaine, elle acquiert sa capacité de résistance dans son enfance. Puis durant son adolescence, éduquée dans une pension religieuse où les émotions ne peuvent se montrer, où les sentiments ne peuvent se vivre que cachés ou à l’intérieur de soi, et où les personnalités ne peuvent s’exposer, elle s’est forgée une citadelle intérieure protectrice pour survivre. Face à la maladie qui la touche au plus profond de son être de femme, elle mènera sa dernière révolte. Elle refuse les traitements oncologiques et s’oppose aux médecins spécialistes et hospitaliers, Hommes de Sciences qui ne lui prescrivent que des soins lourds qui ne sont pas même de réparation car destructeurs de tout ce qui est en vie et reste à vivre en elle ; elle veut avoir foi en ses capacités de résilience qui l’ont construite et soutenue jusqu’à là.

96Humaine, Marie-Françoise Collière l’est par sa grande vulnérabilité, et c’est là qu’elle nous touche le plus ! Meurtrie dans son enfance et sa jeunesse, « elle ne s’est pas remise de son enfance » comme le soulignera Marie-Christine Pouchelle [67] qui l’a longuement accompagnée durant sa maladie en relais avec Françoise Loux.

97Volontaire, en ce sens où elle ne s’autorise ni indulgence ni « lâcher prise ». Pouvant être en grande contradiction dans ses comportements, prise entre son désir d’authenticité malgré sa grande pudeur et celui d’être en représentation mais aussi en observation, elle est toujours en tension. Un jour une ancienne étudiante, la rencontrant dans la rue au bras d’un homme, est fort étonnée de la voir se séparer brutalement de cet homme pour venir la saluer, seule. [68]

98Très proche au fond d’elle-même de ses puissants souvenirs d’enfant, elle observe les enfants, leur émerveillement fabuleux et leur curiosité (Collière, 1992, 36) [4]. Très ouverte, attentive et sensible à l’expérience et aux vécus des autres, comme en témoignent Françoise Loux et nombre de ces amies proches [69], elle ne dévoile paradoxalement rien d’elle, ni de ses sentiments, ni de son vécu qui ont construit sa force, sa personnalité et sa volonté. Elle brouille même parfois les pistes en omettant de préciser des dates-clés rendant ainsi floue la chronologie de faits passés dans son enfance ou sa jeunesse [70].

99Chez Marie-Françoise Collière, on remarque une femme brillante, d’une acuité intellectuelle remarquable, consciente de ses valeurs et de ses compétences. Elle s’est forgée sa propre intelligence d’infinis savoirs décodés, disséqués, recombinés, construits et reconstruits au fil du temps, de ses lectures nombreuses et variées, de ses connaissances intériorisées et de l’écoute fine sans cesse renouvelée de l’expérience des autres. Elle était ouverte aux différentes cultures et civilisations, étonnamment curieuse et à l’éveil de tout ce qui touche au développement des connaissances et des processus de vie des humains. Très fréquemment quand sa disponibilité le lui permettait elle se nourrissait « Des Chemins de la connaissance » en écoutant France Culture, le matin de 7h30 à 8h30, avant de se rendre à l’Ecole [71].

100Elle affectionne les marches et les grandes randonnées, elle aime arpenter la France, s’imprégner des lieux d’histoire et à se ressourcer au cœur des grandes civilisations : Bassin méditerranéen, Sahara, Chine. (Collière, 1992, 36) [4]. Elle est très sensible à toutes formes d’art [72] : peintures chinoise et japonaise, musiques persane, africaine et japonaise.

101Dotée d’une part de grande rigueur et d’honnêteté intellectuelle, et d’autre part de grandes capacités de pensée et d’écriture, elle apprécie l’échange, de développer ses idées et les partager en groupes restreints d’amis ou d’étudiants réunis autour d’elle. En grande assemblée elle capte l’attention plus par le contenu de ses propos que par sa voix curieusement monocorde, douée qu’elle est de ce sens inné de transposer les liens qu’elle construit entre ses connaissances et le terrain. Très attentive aux moindres témoignages de reconnaissance, d’amitié ou d’affection discrète, elle semble priser ces instants comme autant de signes de revanche… sur son enfance et… son adolescence.

La femme meurtrie, l’expérience de la maladie, les dernières souffrances

102Depuis le début de sa maladie, Marie-Françoise Collière refuse, comme il a déjà été dit, de se traiter par traitements antimitotiques et s’oppose à toute technique invasive. Elle fait un choix lucide avec elle-même et décide de se soigner par les médecines douces.

103Au terme de sa vie, « recluse » sur elle-même, elle se confectionne un cocon protecteur pour vivre sa souffrance entre les membres de sa famille auxquelles elle s’est re-liée et quelques amies très proches plutôt rencontrées sur les dernières années de sa vie [73].

104Elle demande à deux amies de plus longue date, étrangement toutes les deux anthropologues [74], Françoise Loux [75] et Marie-Christine Pouchelle [76] de témoigner de ses rudes et difficiles épreuves vécues lors de son hospitalisation durant les quatre derniers mois de sa vie. Françoise et Marie-Christine se sont ainsi relayées à son écoute, à tour de rôle, en l’appelant par téléphone pratiquement chaque soir.

105Les derniers mois elle accepte d’être hospitalisée dans un service de soins palliatifs. Cela se passe mal, elle n’a jamais vu le chef de service, deux médecins sont en conflit, les infirmières fuient, il y a de nombreuses infirmières intérimaires. Les jeunes infirmières ne savent pas la soigner…. Les soins sont inadaptés. Sa maladie la fait terriblement souffrir, elle se nourrit à peine, elle est sous perfusion parentérale et n’est pas soulagée par les traitements analgésiques et morphiniques. Elle reste digne, toujours coquette et bien coiffée, précise Marie-Christine Pouchelle.

106Mais elle se dit « abandonnée », « pas soutenue ». Pourtant quelques soignants, infirmières et médecins, sauront agir avec bienveillance et compassion auprès d’elle, ce pourquoi elle leur rendra hommage [77]. Mais cela ne suffit pas à apaiser son amertume. Elle, qui milita tant pour le respect de la dignité dans les soins, elle crie ici l’horreur dans les soins et l’enfer de ce qu’elle a vécu [78] :

107

« Je ne dois pas me laisser aller, elles n’ont pas la moindre jugeote on me met des tartines d’« aloplastine ».… ça me cuit la peau… « Ne vous inquiétez pas, c’est prévu »… « Ne vous faites pas de soucis »… Cela vous la boucle… !!!!

108

« De 2h à 7h, ce ne sont que douleurs !!… Le plus jeune,… te regarde avec un air narquois et arrogant… Le malade doit cesser d’exister… Il n’y a plus de spontanéité !!…On ne vous répond pas, j’ai attendu trois heures durant… sans soins… !!! On te frotte comme si c’était des carreaux de cuisine !! Quelle humiliation !!…C’est une horreur visuelle !!… Je dois rester en « vigie »… Ce qui me soucie, ce n’est pas de mourir, c’est le « comment » !!!… »

109Ces mêmes plaintes, Marie-Christine Pouchelle et Françoise Loux les écoutent durant quatre mois. Consciente et lucide, Marie-Françoise Collière observe… et pointe ici la maltraitance « ordinaire », les stratégies défensives des soignants. … « je le soupçonnais depuis toujours que je vivrai ça !… La naissance est un déploiement, la mort est un repli !.…Je vais partir comme un chien abandonné !… ». Ces dernières phrases sont très dures comme le sera le texte ci-dessous qu’elle a transmis à Annie Denayrolles pour être adressé après sa mort à tous les soignants.

110« Etrange personnalité, si contradictoire,… elle a vécu une mort contradictoire » note Marie-Christine Pouchelle lors de l’entretien [79]..

111Ces propos poignants, livrés chaque soir sans réserve à Françoise Loux et Marie-Christine Pouchelle, trahissent maladroitement, chez cette femme attachante mais indépendante et fière, un besoin immense de reconnaissance, un appel plein de désarroi mais qui est un appel en retour d’affection chaleureuse. Plusieurs de ses amis diront quel bonheur, cette femme pudique et réservée tirait d’un élan de cœur « gratuit » et spontané et combien elle était vive, vivante et rayonnante. [80]

112Le 27 janvier 2005 au petit matin, Marie-Françoise Collière dépose sa besace pleine de souffrances dans un hôpital lyonnais au terme d’un long chemin douloureux. Elle quitte « le monde de la vie » [81] dans sa 75ème année.

Message aux infirmiers, infirmières, étudiants infirmiers

113

« Sachez que j’ai pu par mon expérience de vie me conduisant jusqu’à la mort, constater qu’il suffit d’une rupture comportementale ou gestuelle dans la continuité des soins, pour que toute la qualité du travail d’une équipe soit détruite.
Il suffit d’un « mouton noir » pour que la fragilité de celui qui quitte la vie soit confrontée au désarroi, voire au désespoir le plus abrupt.
Les meilleures compétences techniques professionnelles sont annulées par la rupture du respect interpersonnel et prive la personne soignée de parole pour se défendre, car apparaissent alors les réalités des représailles et de la persécution dans les soins.
A chacun je demande de se centrer sur les forces de vie, sur la mobilisation des ressources vitales, dans le respect de l’individu et de l’humanité, pour promouvoir les soins et promouvoir la vie. ».
Marie Françoise COLLIERE (sa parole écrite par Annie Denayrolles le 22 Janvier 2005)

Remerciements

Je remercie chaleureusement et particulièrement Bernadette Collière, sœur de Marie-Françoise Collière, infirmière, conseillère académique (Education Nationale), Marie-Christine Pouchelle amie de Marie-Françoise, anthropologue, et Annie Denayrolles, amie de Marie-Françoise, infirmière, directrice d’un institut de formation en soins infirmiers (IFSI), pour m’avoir permis d’entreprendre et d’accomplir ce travail d’écriture biographique sur Marie-Françoise Collière. Tous mes remerciements également à toutes les personnes qui, par leurs témoignages, ont contribué à la réalisation de cet article biographique.

Bibliographie

Références bibliographiques

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  • Bibliographie complémentaire consultée. Marie Françoise COLLIERE

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    • Compte-rendu du congrès de l’Union Nationale des Associations des Centres de Soins (UNACS) sur la démarche communautaire à Reims les 3 et 4 juin 1978.
    • Une démarche communautaire à partir de soins infirmiers par J. SAGOT, MF. COLLIERE, E. MAUREL. Revue internationale d’action sociale. La prise en charge de la santé. Editée par les éditions coopératives Albert Saint Martin, Québec, Printemps 1979 ; 67-70.
    • Les soins de santé primaires… Une expression à la mode ?… ou une option sociale, économique et politique ? Revue Ouvertures, 4ème trimestre 1980 ; 20 : 1-9.
    • Formation-action des infirmières de santé publique. Revue française de santé publique, 1987 ; 38 : 20-26.
    • Une histoire usurpée… L’Histoire des Femmes Soignantes. Cahiers de L’AMIEC, 1988 ; 10 : 23-45.
    • Les soins à domicile ; du pain aux pauvres honteux… à la pénicilline. Cahiers de L’AMIEC, 1988 ; 10 : 187-299.
    • Bibliographie d’intérêt général et professionnel. Cahiers de L’AMIEC, 1988 ; 10 : 271-299.
    • Vers un exercice infirmier reconnu. Les dossiers de l’Infirmière Magazine, septembre 1990 ; 42 : Dossier n° 33, I-XVI.
    • Marie-Françoise Collière. Special Feature. Nursing Inquiry, 1998 ; 5 : 124-125.
    • Using anthropology to analyse healthcare situations. Special Feature. Nursing Inquiry, 1998, 5, 126-139.
    • Marie-Françoise Collière - nurse and ethnohistotian : a conversation about nursing and invisibility of care. Conversation between Marie-Françoise Collière and Jocalyn Lawler. Nursing Inquiry, 1998 ; 5 : 140-145.
  • Documents non publiés transmis à l’auteure

    • Curriculum Vitae de Marie-Françoise COLLIERE, annoté de sa main.
    • Funérailles de Marie-Françoise COLLIERE – Mardi 1er Février 2005 en l’église d’Eclassan (Ardèche). Message d’adieu à sa famille et ses amis. Accueil par Jean-Marie COLLIERE, prêtre. Cérémonie de Lumière. Temps de réflexion et de recueillement.
    • Cérémonie de reconnaissance à Marie-Françoise COLLIERE. Le 21 mars 2005. Hôtel-Dieu « Grand Réfectoire » Hospices Civils de Lyon. Nombreux témoignages dont ceux de René MAGNON, de Madeleine FARHAT et de Jocalyn LAWLER.
    • In memorian en español para Txaro ULIARTE LARRIKETA.
    • Entretien de 1h30 avec Marie-Christine POUCHELLE en août 2009.
    • Conversation téléphonique avec Bernadette COLLIERE, août 2009.
    • Echanges de courrier MA. VIGIL-RIPOCHE/B. COLLIÈRE entre août et septembre 2011.
    • Témoignage écrit d’Annie DENAYROLLES remis à Marie-André VIGIL-RIPOCHE.

Mots-clés éditeurs : Collière, soins infirmiers, biographie, soigner, prendre soin, soin d'entretien et de continuité de la vie, santé, fonction infirmière

Mise en ligne 10/01/2014

https://doi.org/10.3917/rsi.107.0007

Notes

  • [1]
    Nous avions l’habitude de l’appeler ainsi, bien que l’Ecole internationale d’enseignement infirmier supérieur (l’EIEIS) soit devenue le Département d’enseignement infirmier supérieur (DEIS) depuis 1978.
  • [2]
    Représentation qui a été transmise par un échange de courrier, écrit en août 2011 par l’auteure de l’article à Bernadette Collière, reçu en retour le 9 septembre 2011, daté du 5 septembre 2011.
  • [3]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [4]
    Sur son portrait, il est noté 7 ans, Revue Soins 1992.
  • [5]
    Elle l’évoque une fois avec l’auteure de l’article dans les années 1982/1984.
  • [6]
    Messages d’adieu lus lors de la cérémonie d’inhumation.
  • [7]
    ibid.
  • [8]
    C’est l’auteure qui associe les deux sœurs puisqu’elles y étaient ensemble.
  • [9]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [10]
    Entretien avec Marie-Christine Pouchelle, août 2009.
  • [11]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    Entretien réalisé auprès de MF. Collière par Marie-Christine Pouchelle à Lyon, 1994.
  • [14]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [15]
    Terme repris dans son message d’adieu à sa famille et ses amis.
  • [16]
    Message d’adieu à sa famille et ses amis lors de sa cérémonie d’inhumation.
  • [17]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [18]
    Mais des portes se sont entrouvertes en septembre 2011 à l’occasion d’un courrier.
  • [19]
    Message d’adieu à sa famille et ses amis lors de sa cérémonie d’inhumation.
  • [20]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [21]
    Message d’adieu à sa famille et ses amis lors de sa cérémonie d’inhumation.
  • [22]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009
  • [23]
    Ses témoignages lus lors de la cérémonie de l’inhumation.
  • [24]
    Tout son enseignement et ses écrits sont très clairement explicites là-dessus.
  • [25]
    L’auteure de l’article reprend ici les mots que Marie-Françoise Collière aimait à utiliser.
  • [26]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009 ; sur son portrait, ses voyages sont situés vers 25 ans [4].
  • [27]
    Entretien téléphonique avec Bernadette Collière, août 2009.
  • [28]
    Ibid.
  • [29]
    Propos tenus par Marie-Françoise Collière lors d’un échange avec l’auteure de l’article dans les années 1982/85.
  • [30]
    L’EIEIS est crée en 1965 aux Hospices Civils de Lyon (HCL) sous l’égide de l’OMS, elle donne accès au Diplôme Universitaire d’Enseignement Infirmier Supérieur. Elle est remplacée en 1978 par l’Institut International supérieur de formations des cadres de santé dans lequel le Département d’Enseignement Infirmier Supérieur délivre une Maîtrise en Sciences et Techniques Sanitaires et Sociales (MSTSS) option Soins infirmiers. Marie-Françoise Collière sera à la création de l’EIEIS en 1965 et à la fermeture du DEIS en 1994.
  • [31]
    CV remis par Annie Deneyrolles à l’auteure de l’article en septembre 2009.
  • [32]
    René Magnon a connue Marie-Françoise Collière comme enseignante en tant qu’étudiant, puis collègue et comme membre de l’équipe du Département d’Enseignement Infirmier Supérieur dont il a été directeur sept ans.
  • [33]
    A propos de La peur en Occident de Jean Delhumeau.
  • [34]
    Le programme de 1972 réoriente les études des soins infirmiers vers ses deux fonctions initiales, celle d’entretien et de celle de réparation.
  • [35]
    Témoignage de René Magnon lors de la cérémonie de reconnaissance à Lyon le 21 mars 2005.
  • [36]
    Il deviendra en 1994 le Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres (CEFIEC).
  • [37]
    CV de Marie-Françoise Collière.
  • [38]
    Terme impropre très maladroit dont nous ne sommes pas encore près de sortir trente ans après.
  • [39]
    Organisme de radiophonie et de télévision français.
  • [40]
    Institut national des statistiques et des études économiques.
  • [41]
    Ce courant de pensée est aussi amorcé dans les années 1965-1970 par des infirmières pionnières de la Croix Rouge Française, comme Marie-Louise Badouaille (Collière, 2001, 433) [4], Mireille Desrez et Annick Favel.
  • [42]
    L’auteure de l’article s’est inspirée de ces séminaires durant la formation des infirmières cadres de santé publique dont elle a la responsabilité de 1988 à 1995 à l’Ecole de cadres de Pau. Il s’agissait de développer l’appropriation des pratiques soignantes en santé à partir de divers terrains extrahospitaliers. Cf. la référence bibliographique [7].
  • [43]
    Terme utilisé par René Magnon lors de la cérémonie de reconnaissance du 21 mars 2005.
  • [44]
    La composition du groupe de recherche initié par M.F. Collière : 24 infirmières/ers, une sage-femme, une documentaliste, ainsi que Michèle Perrot, historienne de Paris VII, chargée du séminaire « Histoire des femmes » et 5 historiennes appartenant à ce séminaire, d’Yves Lequin et de 8 historiens de Lyon II et du Centre Pierre Léon et de 8 membres du Centre Lyonnais d’Etudes Féministes, et d’Yvonne Knibielher, historienne de l’Université d’Aix en Provence.
  • [45]
    CV de MF. Collière, annoté par elle.
  • [46]
    René Magnon a été un de ses élèves et ses séminaires ont été à l’origine de vocations d’historien de la profession.
  • [47]
    AMIEC : « Les AMIs de l’Ecole internationale d’enseignement infirmier supérieur ».
  • [48]
    Lettre de témoignage d’Annie Denaryolles datée de février 2005.
  • [49]
    Témoignage de René Magnon, lors de l’hommage de 21 mars 2005.
  • [50]
    Ibid.
  • [51]
    Ibid.
  • [52]
    CV de MF. Collière.
  • [53]
    Hommage de René Magnon le 21 mars 2005.
  • [54]
    Lors de la cérémonie du 21 mars 2005.
  • [55]
    Information donnée par Bernadette Collière sur une carte écrite le 5 septembre 2011 et reçue au domicile de l’auteure de l’article le 9 septembre 2011.
  • [56]
    Hommage de René Magnon le 21 mars 2005.
  • [57]
    Ibid.
  • [58]
    Témoignage de Jocalyn Lawler lu lors de la cérémonie du 21 mars 2005.
  • [59]
    Hommage de René Magnon le 21 mars 2005.
  • [60]
    Expression empruntée à Clémence Dallaire.
  • [61]
    L’auteure a été responsable de la formation « Infirmière cadre de santé publique » à l’Ecole de cadres de Pau de 1988 à 1995. Cf la référence bibliographique [7]. Elle assura également une fonction orientée sur le développement de la recherche clinique infirmière de 2000 à 2005 à l’École Supérieure Montsouris/Université Paris12 Créteil Val de Marne.
  • [62]
    Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales/Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales.
  • [63]
    Propos de René Magnon lors du témoignage du 21 mars 2005. Le terme « de compétence » est mis entre guillemets par l’auteure de l’article car le terme n’est pas exact. Certes, le titre est relatif à l’exercice infirmier mais le décret décrit le contenu détaillé des « actes » professionnels autorisés avec ou sans médecin et non des compétences requises pour accomplir la fonction infirmière. Actes et compétences ne sauraient être équivalents.
  • [64]
    Allocution de Madeleine Farhat lors de la « Journée de reconnaissance » à Marie-Françoise Collière du 21 mars 2005.
  • [65]
    Témoignage d’Annie Denayrolles écrit et lors d’une conversation téléphonique en août 2009.
  • [66]
    Propos de René Magnon lors du témoignage du 21 mars 2005.
  • [67]
    Lors d’un entretien avec l’auteur de l’article, août 2009.
  • [68]
    Témoignage d’une ancienne étudiante du DEIS des années 80, et amie de l’auteure de l’article.
  • [69]
    Lors de divers témoignages et lors de l’hommage qui lui a été rendu le 21 mars 2005,
  • [70]
    La confrontation de plusieurs sources entre divers témoignages de sa sœur, d’amies proches et sur ce qu’elle dit ou écrit d’elle.
  • [71]
    Souvenirs de l’auteure.
  • [72]
    Elle appréciait les cartes de nouvel an représentant des œuvres de tableaux de l’époux artiste-peintre de l’auteure.
  • [73]
    Elle s’est brouillée avec ou éloignée de plusieurs amies plus anciennes.
  • [74]
    En fait cette double amitié ce n’est pas un hasard. D’une part parce que c’est par Françoise Loux que Marie-Christine Pouchelle rencontre Marie-Françoise Collière, d’autre part parce que Marie-Françoise tenait beaucoup à l’anthropologie, comme il l’a été montré tout au long de sa vie.
  • [75]
    Françoise Loux l’évoquera dans son témoignage lors de la journée de reconnaissance du 21 mars 2005.
  • [76]
    Marie-Christine Pouchelle en a fait part à l’auteure de l’article qui l’a entretenue à cette fin, en août 2009.
  • [77]
    Dans ses adieux ultimes lus lors des ses funérailles.
  • [78]
    Entretien avec Marie-Christine Pouchelle en août 2009. M.C. Pouchelle reprend ici des notes prises par téléphone au hasard de journées de cet enfer : les 25 octobre, 28 octobre, 30 octobre, 12 novembre, et 30 novembre 2004.
  • [79]
    Entretien de Marie-Christine Pouchelle en août 2009.
  • [80]
    Témoignages d’Annie Denayrolles (témoignage personnel remis à l’auteure), de Jocalyn Lawler et d’autres… lors de la cérémonie de reconnaissance du 21 mars 2005 à Lyon.
  • [81]
    Mot emprunté à René Magnon lors de l’hommage rendu à MF. Collière le 21 mars 2005 à Lyon.
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