Notes
-
[1]
Lire partout infirmier, infirmière.
-
[2]
Lire partout aide-soignant, aide-soignante.
-
[3]
Apprenant au sens d’étudiant en soins infirmiers ou d’élève aide-soignant.
-
[4]
Les aides-soignants entrés en formation en 2006 peuvent mesurer la pression artérielle, conformément au nouveau programme de formation (Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant).
-
[5]
Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière.
-
[6]
Ordonnance n°93-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée.
-
[7]
ANAES. Manuel d’accréditation des établissements de santé. Deuxième procédure d’accréditation, septembre 2004, p.104.
-
[8]
ANAES. Principes méthodologiques pour la gestion des risques en établissement de santé, janvier 2003, p.68
-
[9]
Ibid. p.18.
-
[10]
ANAES. Principes méthodologiques pour la gestion des risques en établissement de santé. Op. Cit. p.48.
-
[11]
Ibid. p.24.
-
[12]
MICHAUD Stéphane, Les glissements de tâches des infirmiers vers les aides-soignants: quelle stratégie le directeur des soins peut-il adopter? Mémoire de Directeur des soins: École Nationale de Santé Publique de Rennes, 2004, 51 p.
IRLES-HUREL Dorothée, Avis de glissements de tâches sur l’hôpital: qu’est-ce qui pousse les soignants hors du cadre légal? Mémoire de Cadre de santé: Institut de Formation des Cadres de Santé de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, 2004, 68 p. -
[13]
ARBORIO Anne-Marie. Un personnel invisible: les aides-soignants à l’hôpital. Paris: Anthropos, 2001, collection « Sociologiques », p.137.
-
[14]
Annexe à l’arrêté du 28 septembre 2001 modifiant l’annexe à l’arrêté du 23 mars 1992 relatif au programme des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier.
-
[15]
Ibid.
-
[16]
DURAND Charlaine. L’alternance comme dispositif d’apprentissage, 07/2003, p 3. <cadredesante.com>.
-
[17]
Arrêté du 6 septembre 2001 modifié relatif à l’évaluation continue des connaissances et des aptitudes acquises au cours des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier. Titre 1er, art.2.
-
[18]
Grille d’évaluation de stage des étudiants en soins infirmiers.
-
[19]
Grille d’évaluation de mise en situation professionnelle des étudiants en soins infirmiers, DRASSIF.
-
[20]
Annexe à l’arrêté du 5 janvier 2004 modifiant l’arrêté du 22 juillet 1994 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant et au diplôme professionnel d’auxiliaire de puériculture.
-
[21]
Annexe à l’arrêté du 5 janvier 2004 modifiant l’arrêté du 22 juillet 1994. Op. Cit. p.4
-
[22]
Grille d’évaluation de stage des élèves aides-soignants (avant janvier 2006)
-
[23]
Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant
-
[24]
Ibid. Annexe I
-
[25]
Arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d’organisation de la validation des acquis de l’expérience pour l’obtention du diplôme professionnel d’aide-soignant, annexe IV
-
[26]
Ibid. Annexe V
-
[27]
Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant. Op. Cit. Annexe I
-
[28]
Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant. Op. Cit. Annexe I.
-
[29]
Ibid. Annexe II: Diplôme professionnel d’aide-soignant, évaluation des compétences en stage.
-
[30]
PERRENOUD Philippe. Articulation théorie et pratique et formation de praticiens réflexifs en alternance.
In: DURAND Charlaine. L’alternance comme dispositif d’apprentissage, 07/2003. Disponible sur
<http://www.cadredesante.com/spip/article.php3?id_article=143c> (consulté le 20/03/2006) -
[31]
GEAY André. Pour une didactique de l’alternance. Éducation permanente n°115, 02/1993, p.81.
-
[32]
GOUDEAUX Annie. A propos de la formation initiale et continue des personnels soignants hospitaliers: travail réel et formation en alternance. Recherche en soins infirmiers, n°54, 09/1998, p.33.
-
[33]
Ibid. p.46.
-
[34]
GEAY André. L’alternance éducative. In. Actualité de la formation Permanente, 11-12/1991, n°115, pp.6-9.
-
[35]
Ibid. p.8: « L’interface c’est ce qui rompt le face à face, c’est le système qui met en relation deux autres systèmes ».
-
[36]
AMIAR Latifa. Un espace pédagogique réflexif pour les cadres formateurs. Objectif Soins, 11/2005, n°140, pp.15-17.
-
[37]
ERIKSON Erik H., Adolescence et crise: la quête de l’identité, Flammarion, 1978. In: JACOBI Danièle, Le rôle du stage dans la construction de l’identité professionnelle. Soins formation – pédagogie – encadrement, 2e trimestre 1993, n°6, pp.22-24.
-
[38]
DUBAR Claude. La socialisation: construction des identités sociales et professionnelles. 3e éd. Paris: Armand Colin, 2000, pp.31-32.
-
[39]
Ibid. p.32.
-
[40]
Ibid.
-
[41]
BOITTIN Isabelle. Étudiants en soins infirmiers de deuxième année, crise identitaire « la mise à l’épreuve des motivations ». Recherche en soins infirmiers, 03/2002, n°68, pp.66-91.
-
[42]
BARBIER Jean-Marie. De l’usage de la notion d’identité en recherche, notamment dans le domaine de la formation. Éducation permanente, 03/1996, n°128, p.16
-
[43]
BOURGEOIS Etienne. Identité et apprentissage. Éducation permanente, 03/1996, n°128, p.30
-
[44]
DUBAR Claude. Op. Cit. pp.140-141
-
[45]
DUBAR Claude. Op. Cit p.119.
-
[46]
Ibid. pp.108-113.
-
[47]
Ibid. p.108.
-
[48]
BOURGEOIS Etienne et NIZET Jean. Apprentissage et formation des adultes. Paris: Puf, 1996. In: BOURGEOIS Etienne. Op. Cit. p.28.
-
[49]
BOURGEOIS Etienne. Identité et apprentissage. Op. Cit. pp.33-34.
-
[50]
BOURGEOIS Etienne. Identité et apprentissage. Op. Cit. p.34.
-
[51]
BELIN Catherine et FRANÇOIS Marie-Christine. Le positionnement du cadre infirmier. Soins cadres, 2ème trimestre 2000, n°34, p. 34.
-
[52]
Décret 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier.
-
[53]
Décret 2004-802 du 29 juillet 2004. Op. Cit.
-
[54]
D’AMOUR Danielle. In TREMBLAY Jacques et GAGNON Lisette. Travailler ensemble en réadaptation, une expérience de transdisciplinarité de collaboration. Soins Cadres, n°49, 02/2004, p.30.
-
[55]
EFROS Dominique. Travailler en équipe, de quelle équipe et de quel travail parle-t-on? Soins cadres, 02/2004, n°49, p.27.
-
[56]
Ministère de la santé. Soins infirmiers: normes de qualité, aspects généraux de l’exercice professionnel, norme 2: la collaboration avec les aides-soignantes […]. Guide du service de soins infirmiers, 2ème édition, 11/2001.
Disponible sur <http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/soins_inf/normes/aspects.htm> (consulté le 22/03/2006) -
[57]
PUTOT Jean-François. Approche juridique: extrait d’un support pédagogique. L’aide-soignante, 11/2001, n°31, p.23.
-
[58]
Code de la Santé publique - Quatrième partie: professions de santé - Livre III: auxiliaires médicaux - Titre Ier : profession d’infirmier ou d’infirmière - Chapitre IV: dispositions pénales.
-
[59]
BOISSIER-RAMBAUD Claude. Responsabilités juridiques et fonctions de l’aide-soignant et de l’auxiliaire de puériculture. Rueil-Malmaison: Lamarre, 2004, p.21.
-
[60]
BOISSIER-RAMBAUD Claude. Op. Cit. BILLAUD Michel. Préface p. VI.
-
[61]
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Art.28. Journal Officiel, 14 juillet 1983
-
[62]
DEJOURS Christophe. Travail, usure mentale. Paris: Bayard, 2001, p 216.
-
[63]
DE MONTMOLLIN Maurice. L’ergonomie. Paris : La Découverte, 1986, p.21.
-
[64]
Ibid. p.22.
-
[65]
DEJOURS Christophe. Op. Cit. pp. 213-216.
-
[66]
Ibid. p.216.
-
[67]
HUGHES Everett. In. DUBAR Claude. Op. Cit. p.136.
-
[68]
ARBORIO Anne-Marie. Op. Cit. p.137.
-
[69]
EFROS Dominique. Op. Cit. p.28.
-
[70]
Formateur AS: formateur exerçant en IFAS (Institut de Formation d’Aides-Soignants)
-
[71]
Formateur IDE: formateur exerçant en IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers)
-
[72]
Profession Infirmier, recueil des principaux textes relatifs à la formation et à l’exercice de la profession. Module législation, éthique, responsabilité, organisation du travail. Ed. Berger-Levrault, p.38.
-
[73]
Ibid.
-
[74]
Annexe à l’arrêté du 5 janvier 2004 modifiant l’arrêté du 22 juillet 1994, Op. Cit. Module 5.
-
[75]
Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant. Op. Cit. Module 8.
Introduction
1Interpellée par des situations rencontrées en institut de formation en soins infirmiers [1] (IFSI) et en institut de formation d’aides-soignants [2] (IFAS), je me suis interrogée, en tant que formatrice, sur les glissements de tâches de l’infirmier vers l’aide-soignant, observés par les stagiaires dans les services de soins hospitaliers.
2Si les textes législatifs sont portés à la connaissance des apprenants [3], leurs pratiques professionnelles ne montrent pas l’intégration du contenu de ces textes. Cette situation hors du cadre légal, a suscité ma curiosité.
3Tout d’abord, elle me questionne sur le « pourquoi »: pourquoi une telle pratique?
4Puis, me positionnant en tant que responsable de la formation, ce constat m’interpelle sur le « comment »: comment la formation aide-t-elle les apprenants à prendre conscience des risques encourus en cas d’écart à la loi? Dans un contexte d’amélioration de la qualité et de gestion des risques, comment la formation initiale contribue-t-elle à faire évoluer ces pratiques vers le respect des textes législatifs?
5Partant du postulat que la formation est un vecteur de changement dans les représentations, la finalité de ce travail est d’agir sur son dispositif afin d’une part, d’amener les nouveaux professionnels à se positionner dans le cadre de leurs compétences reconnues par leur diplôme et d’autre part, de les aider à réfléchir sur les risques encourus en cas de non respect de la réglementation.
Problématique
Expérience professionnelle
6Durant mon exercice en service d’hospitalisation à domicile en tant qu’infirmière, j’étais peu confrontée aux glissements de tâches : les passages d’infirmiers et d’aides-soignants étaient planifiés en fonction des actes à réaliser. Ainsi, une surveillance de pression artérielle se faisait uniquement par les infirmières, les aides-soignants ne disposant pas d’appareil à tension. De plus, la nécessité de soins en dehors des passages des infirmiers obligeait l’entourage à participer aux soins, après avoir été formé (exemple: branchement de l’alimentation entérale ou aspiration endo-trachéale). Ainsi, la participation de la famille aux actes de soins solutionnait le problème d’un éventuel glissement de tâches. Toutefois, lors de la toilette, l’aide-soignant pouvait être amené à appliquer un produit médicamenteux, comme par exemple, une crème anti-mycosique, ce qui évitait le passage d’une infirmière lorsque d’autres soins infirmiers ne le justifiaient pas.
7En tant que cadre de santé formateur auprès des élèves aides-soignants depuis deux ans, je dispense les cours sur la collaboration entre infirmier et aide-soignant. En abordant la législation relative à cette collaboration, les élèves ont rapidement pointé le décalage entre les textes réglementaires et la réalité rencontrée lors des stages à l’hôpital. En effet, ils constatent des glissements de tâches entre infirmiers et aides-soignants: prise de la pression artérielle [4], de saturation en oxygène, distribution de médicaments, lavement au Normacol®, branchement d’alimentation entérale, aérosols médicamenteux, pose de sonde à oxygène, glycémie capillaire, aspirations endo-trachéales. De plus, le personnel aide-soignant encadrant les élèves leur précise fréquemment « Ne regarde pas ce que je fais car je n’ai pas le droit! ».
8Au préalable de cet enseignement, il est organisé un temps de rencontre entre les élèves aides-soignants et les étudiants infirmiers de troisième année (en fin de formation) : ces derniers présentent, sous forme d’exposés, la notion de collaboration entre l’infirmier et l’aide-soignant, puis échangent avec les élèves aides-soignants, à partir de situations rencontrées en stage.
9A cette occasion, j’ai constaté que certains étudiants infirmiers bientôt diplômés, ne connaissent pas de façon précise, les actes relevant de la compétence des aides-soignants. En référence aux pratiques observées dans les services, certains pensent que des actes comme la prise de la pression artérielle ou le branchement de l’alimentation entérale, relèvent des compétences des aides-soignants. Ils argumentent également l’existence d’appareils automatiques, tels que le tensiomètre automatique ou la pompe d’alimentation entérale, qui simplifient l’exécution de ces actes, les rendant ainsi praticables par les aides-soignants.
10Face à ce constat, j’observe que les glissements de tâches sont courants dans de nombreux services de soins hospitaliers et paraissent banalisés par leur fréquence. Cette banalisation renvoie aux étudiants une notion de normalité, alors que cette pratique reste illégale.
11A ce moment de la réflexion, je m’interroge sur les raisons qui poussent les soignants à accepter d’agir en dehors du cadre légal.
Contexte
12Cette réflexion sur l’existence de glissements de tâches de l’infirmier vers l’aide-soignant s’inscrit dans un contexte de démarche qualité. Fondée sur la loi portant réforme hospitalière de 1991 [5] et instituée par l’ordonnance du 24 avril 1996 [6], la démarche qualité vise à apprécier la qualité des soins.
13Pour l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES, dénommée à présent Haute Autorité de Santé), la qualité des soins est le « niveau auquel parviennent les organisations de santé, en termes d’augmentation de la probabilité des résultats souhaités pour les individus et les populations, et de compatibilité avec l’état des connaissances actuelles [7] ».
14Le premier niveau de la qualité est la gestion des risques car « en santé, la sécurité est la dimension prioritaire sur laquelle la démarche qualité porte ses efforts [8] ». L’ANAES précise que « lorsqu’une tâche est effectuée par une personne n’ayant pas la qualification requise, la sécurité peut être mise en jeu [9] ». Ainsi, « il est important que chacun prenne conscience des risques liés aux écarts qu’il décide par rapport à la bonne pratique, et fasse un travail personnel pour se mobiliser par rapport au risque [10] ». L’intérêt croissant pour la gestion des risques provient de la prise de conscience d’importants progrès en termes de sécurité et répond également à une attente du public. La réduction des risques passe par la connaissance et le traitement des risques existants afin d’atteindre un maximum de sécurité.
15L’encadrement a donc un rôle et une responsabilité par rapport à la gestion des risques (application de la réglementation, définition des rôles de chacun dans le respect des compétences) afin de limiter toute déviance par rapport aux normes. En effet, le problème est que cette déviance peut parfois être vue d’abord comme un bénéfice plutôt qu’un risque, être tolérée par la hiérarchie, et même passer inaperçue lorsqu’elle devient une habitude pour l’ensemble des professionnels [11].
Rencontres avec les soignants
16Des entretiens exploratoires auprès de deux cadres de santé (maison de retraite et service d’urologie) et des échanges avec des infirmières et des aides-soignants, confortent l’existence de glissements de tâches dans certains services hospitaliers. Ces dépassements de fonction sont souvent justifiés par une charge de travail importante de l’infirmier le rendant indisponible à certains moments, par une maîtrise des actes par les aides-soignants ou par le besoin de valorisation des aides-soignants, à travers l’exécution d’actes techniques perçus comme plus « nobles ».
17Il apparaît que le glissement de tâches peut être lié à la spécificité du service: par exemple, la glycémie capillaire en service de diabétologie ou l’aspiration endo-trachéale en service d’oto-rhino-laryngologie. Ces actes, relevant de la compétence de l’infirmier, sont pratiqués régulièrement par l’aide-soignant, avec l’accord voire l’exigence du médecin chef de service, car liés à une nécessité de service.
18D’autre part, un cadre de santé en maison de retraite précise qu’elle aborde le sujet (demande de préparation des aérosols médicamenteux) à l’arrivée du nouveau personnel aide-soignant et que cette demande est facilement acceptée par l’aide-soignant: « Je suis là pour aider l’infirmière ».
19De plus, il est intéressant de remarquer que chacun donne une définition différente du glissement de tâche: pour un cadre de santé en service de diabétologie, la glycémie capillaire faite par un aide-soignant n’est pas un dépassement de fonction, car c’est un acte que le patient ou la famille peuvent faire eux-mêmes et qu’il est prédominant dans ce service; les aides-soignants sont formés à l’utilisation des lecteurs de glycémie capillaire et avec l’expérience, savent lire voire interpréter un résultat. Dans ce cas, l’acte confié à l’aide-soignant ne fait pas référence à la législation, mais principalement au bon sens pratique.
20Le glissement de tâches soulève donc le problème de la responsabilité, qui ne semble pas être abordé dans le quotidien.
Recherche bibliographique
21Une recherche dans des mémoires [12] abordant le thème des glissements de tâches entre infirmiers et aides-soignants m’a apporté des explications concernant les raisons de ces glissements de tâches.
22Les raisons peuvent être conjoncturelles, structurelles et/ou liées aux stratégies des acteurs.
23Les raisons conjoncturelles évoquées sont liées à une notion d’urgence, à un manque de personnel ou à une surcharge de travail. Dans ce cas, le glissement de tâche semble rester occasionnel.
24Les raisons structurelles renvoient à la fois à l’historique de la profession d’aide-soignant face à une pénurie de personnel (certains aides-soignants ne comprennent pas pourquoi ils ne feraient plus des gestes qu’ils pouvaient faire auparavant), mais aussi à l’habitude, qui peu à peu, annihile toute pensée réflexive.
25Il existe également une hiérarchisation informelle dans les tâches: d’une part, les gestes ne portant pas préjudice au patient et donc accessibles aux aides-soignants et d’autre part, ceux potentiellement dangereux pour le patient, donc réalisés par l’infirmière. Cette hiérarchisation permet aux infirmiers de donner du sens aux glissements de tâches et apporte aux aides-soignants un sentiment de contrôle sur ces dépassements de fonction. Les aides-soignants se fixent eux-mêmes de nouvelles limites qui élargissent ainsi leur champ de compétences, bien que non reconnues par la législation.
26Les raisons liées aux stratégies des acteurs: d’une manière générale, les aides-soignants n’ont pas un sentiment positif des tâches qu’ils pratiquent et ne trouvent pas de reconnaissance de la part de leurs partenaires de soins en accomplissant « le sale boulot [13] ». Le manque de reconnaissance ressenti par les aides-soignants les incite à développer des stratégies d’adaptation. L’acte technique étant largement mis en valeur, la recherche de valorisation peut les inciter à accomplir de tels actes. Ainsi, dans les services où les gestes techniques prédominent, les glissements de tâches répondent à la fois à une stratégie collective d’adaptation au travail réel mais également à une stratégie individuelle de l’aide-soignant afin de justifier de son utilité.
27De plus, les relations de confiance entre l’infirmier et l’aide-soignant favorisent les glissements de tâches. Ces critères de confiance reposent sur l’expérience de l’aide-soignant et/ou sur son ancienneté dans le service.
Question de recherche
28En tant que formateur, ces constats m’interpellent. En effet, le rôle du formateur est d’enseigner le travail prescrit, c’est-à-dire, la législation, la collaboration infirmer/aide-soignant, la responsabilité, les rôles et missions de chaque catégorie professionnelle, pour que chaque acteur agisse dans le cadre réglementaire de sa profession. Cependant, la réalité dans les services de soins est en décalage avec des pratiques de glissements de tâches des infirmiers vers les aides-soignants. Les apprenants se trouvent alors confrontés à une double exigence: celle de l’institut de formation qui indique le cadre réglementaire et celle des services de soins qui demandent parfois de pratiquer des actes hors du champ de compétences reconnues par le diplôme.
29Comment les apprenants gèrent-ils cet écart entre l’école et l’hôpital? Quel pôle d’identification privilégient-ils ? De quels modèles s’inspirent-ils pour construire leur identité professionnelle, leur positionnement?
30Il existe toujours un écart entre le travail prescrit (enseigné à l’école) et le travail réel (activité des services de soins) qui offre différents modèles. Cette diversité de situations permet à l’apprenant de construire progressivement sa propre identité professionnelle, à condition qu’il puisse donner un sens à la pratique et ne pas la banaliser faute de l’avoir analysée et comprise. Il ne s’agit donc pas de stigmatiser cet écart mais bien de l’interroger et le rendre source de questionnement. Il incombe au formateur, d’explorer cet écart, c’est-à-dire le cadre législatif au regard de l’activité (travail réel) et pas seulement au regard de la tâche (travail prescrit).
31La problématique est de savoir comment la formation initiale concilie-t-elle les exigences législatives et celles rencontrées dans la pratique hospitalière.
32En quoi forme-t-elle les étudiants en soins infirmiers et les élèves aides-soignants à se positionner dans le respect du cadre réglementaire de leur profession?
33Ce cheminement me conduit à la question : Quel peut être l’impact de la formation initiale sur le positionnement des infirmiers et aides-soignants nouvellement diplômés, en ce qui concerne les glissements de tâches de l’infirmier vers l’aide-soignant?
Cadre de référence
La formation initiale
La formation infirmière
34L’ensemble de la formation infirmière [14] se déroule sur 37 mois et demi, avec 2240 heures d’enseignements théoriques, en alternance avec 2380 heures de stages.
35Selon le programme de formation, « la finalité de la formation est de permettre à l’infirmier d’assumer chacun de ses rôles en tenant compte notamment des aspects éthiques et juridiques de son engagement professionnel. […] Chaque équipe enseignante, en vue de la réalisation de cette finalité, […] déterminera des objectifs de formation permettant à l’étudiant l’acquisition progressive des connaissances et d’aptitudes qui […] contribueront à forger son identité professionnelle [15]. »
« [L’IFSI a pour] rôle de dispenser les apports théoriques nécessaires à l’acquisition de capacités transférables pour produire l’émergence de compétences dans l’expérience en stage [16]. »
37Parmi les cours théoriques, on distingue: les modules transversaux qui sont étudiés tout au long des études et les modules de soins infirmiers dont chacun est étudié et pratiqué une fois.
38Le module « législation, éthique, déontologie, responsabilité, organisation du travail » (LEDROT) est un des six modules transversaux. La législation concerne le droit public, le droit privé, les juridictions en France. Autour du thème de la responsabilité, les contenus à dispenser concernent : les différentes professions de santé, l’identité de l’infirmier, le rôle et le champ de compétences des infirmiers, les textes régissant la profession et l’exercice professionnel, les différentes responsabilités, etc. Pour l’organisation du travail, la formation doit aborder l’étude des fonctions, l’organisation des soins, le travail en équipe.
39Ce module est d’une durée de 80 heures et les formateurs ont l’obligation d’en assurer son évaluation et son contrôle continu.
40L’évaluation théorique des modules transversaux [17] est intégrée aux évaluations des autres modules et une cotation distincte leur est accordée.
41Lors des stages, l’évaluation porte sur différentes capacités : personnelles, méthodologiques, techniques, d’adaptation, relationnelles, éducatives et pédagogiques et d’organisation. Il n’existe pas de critère évaluant précisément la connaissance et le respect du champ de compétences ; les références [18] s’y apparentant sont : « Prévoit ses actions en fonction de la personne et du service », « S’adapte à l’organisation du travail du lieu de stage », « Collabore avec les différentes catégories de personnel » et « Organise et planifie son travail ».
42Lors des mises en situation professionnelle, l’évaluation comporte deux niveaux de performance: le niveau 1 est le minimum requis, nécessaire pour accéder aux bonifications du niveau 2. La connaissance et le respect de la qualification de chacun, apparaît dans l’organisation du travail [19]: « Explicite ses choix au regard du contexte et/ou de la réglementation et/ou des valeurs professionnelles: l’explication est effective, pertinente » (niveau 1), « L’organisation tient compte […] de la qualification des personnes » (niveau 1), « La collaboration avec les membres de l’équipe est effective (niveau 1), pertinente (niveau 2) », « Le contrôle est effectif » (niveau 1).
La formation aide-soignante
43Comme la formation infirmière, la formation aide-soignante est organisée en alternance, avec des périodes d’enseignement théorique et des périodes de stages. Suite à la mise en place de la validation des acquis de l’expérience (VAE), un nouveau programme de formation a été élaboré en octobre 2005 et applicable dès la rentrée 2006.
44Jusqu’en 2005, la formation [20] comprenait 17 semaines d’enseignement théorique et 28 semaines de stages; elle se divisait en 12 modules. L’enseignement concernant le cadre législatif de l’aide-soignant, sa place et sa responsabilité au sein de l’équipe pluridisciplinaire, faisait partie du module 5 « Réglementation, exercice professionnel, responsabilité et déontologie ».
45« Situer son action au sein d’une équipe de travail [21] » est un des objectifs de « l’ancien » programme de formation aide-soignante.
46L’évaluation écrite des connaissances de ce module se faisait au travers des cas concrets des évaluations écrites.
47En stage, les critères d’évaluation [22] étaient: « Participe à la planification journalière des soins et activités », « Collabore avec l’équipe » et « Connaît et respecte les limites de sa fonction ».
48Puis, le projet de rendre le diplôme d’aide-soignant accessible par la voie de la VAE nécessitait de construire un référentiel d’activités puis de répertorier les compétences nécessaires pour répondre à ces activités. Ensuite, le programme de formation a été mis en adéquation avec les compétences à développer.
49Depuis la rentrée 2006, la formation aide-soignante [23], répartie en huit modules, comprend 17 semaines d’enseignement théorique et 24 semaines de stages cliniques.
50Le référentiel de formation [24] a été élaboré à partir du référentiel d’activités [25] du métier et du référentiel des compétences [26] du diplôme. Chaque module correspond à une unité de compétence et décrit les connaissances et les savoir-faire à acquérir, ainsi que le niveau d’exigence attendu lors des évaluations. Des objectifs de formation sont précisés pour chacun d’eux.
51Le module 8 [27], relatif à l’organisation du travail, vise la compétence « Organiser son travail dans une équipe pluriprofessionnelle ».
52L’un des objectifs de formation de ce module est « [d’] identifier son propre champ d’intervention en particulier au regard des compétences infirmières ».
53Les savoirs associés sont à la fois théoriques et pratiques: « Les différentes professions de santé et les limites de leur champ de compétences », « La définition de l’équipe de soins et les responsabilités de chaque acteur », « Organisation du travail en fonction de la quantité des activités, des urgences, et des priorités », « Planification du travail en fonction du travail des autres membres de l’équipe », « Intégration et positionnement au sein d’une équipe de soins ».
54L’évaluation [28] de ce module est une épreuve écrite (cas concret présentant un contexte de travail) : l’élève doit entre autre, être capable d’expliquer qui sont les membres de l’équipe de travail, quel est son positionnement dans l’équipe et les limites de son champ d’intervention.
55L’évaluation des stages cliniques se fait selon une grille de compétences [29] et chaque unité de compétence est évaluée par les responsables de l’encadrement de l’élève à chaque stage. Parmi les critères retenus pour la compétence 8, figurent : « Les limites de la fonction d’aide-soignant sont connues et respectées » et « La collaboration avec l’équipe est effective ».
56Il est intéressant de souligner que ce nouveau programme de formation passe d’une logique de contenus à une logique de compétences, entraînant une meilleure adéquation entre les savoirs du professionnel et les impératifs des situations de travail. La formation infirmière évolue dans le même sens : un travail d’étude réalisé avec le CEFIEC (Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres) propose un référentiel de compétences infirmières, ainsi qu’une réforme du programme des études. Cette évolution peut être une opportunité pour optimiser le principe d’alternance, qui caractérise les dispositifs de formations professionnalisantes.
L’alternance
57Les formations d’infirmiers et d’aides-soignants sont des formations professionnelles en alternance.
58Pour Philippe PERRENOUD [30], sociologue et professeur à l’Université de Genève dans le champ des pratiques pédagogiques, « l’alternance désigne le va-et-vient d’un futur professionnel entre deux lieux de formation, d’une part un institut de formation initial (sic), d’autre part, un ou plusieurs lieux de stage. Par ailleurs, s’il n’existe pas dans l’institut de formation initial (sic), une conception explicite et cohérente de l’articulation théorie pratique et du processus de construction des compétences professionnelles, l’alternance peut rester un dispositif vide de sens. »
59Ainsi, la forme la plus pertinente en formation professionnelle est l’alternance intégrative, dont l’objectif est d’articuler les connaissances et les compétences en situation professionnelle. Cette forme d’alternance va à l’encontre du morcellement des savoirs et se centre davantage sur l’apprenant à partir d’une logique de situations-problèmes: il s’agit d’exploiter les situations de travail comme des problèmes à résoudre et de construire les situations de formation à partir d’une logique d’utilisation en situation professionnelle.
60Partant du postulat qu’un individu « ne peut apprendre qu’à partir de quelque chose qui a du sens pour lui [31] », nous pouvons dire que s’il est de la responsabilité du formateur de transmettre le travail prescrit (le modèle de référence), son rôle est également d’aider les étudiants à établir des liens entre la théorie et la pratique par un travail réflexif sur le vécu.
61Selon Annie GOUDEAUX [32], chargée d’enseignement en sciences de l’éducation à l’Université de Genève, « transformer l’expérience en savoir ne se fait pas naturellement en solitaire […]. C’est là que le formateur joue un rôle prépondérant. Médiateur, il permet à l’élève d’avoir accès “au comment il a fait” et surtout au “pourquoi il l’a fait”. Il permet le passage de l’insu au su ».
62Ces deux lieux de formation sont donc complémentaires: « l’école vise à l’acquisition de la qualification […]. Le terrain est le lieu d’émergence de la compétence, c’est-à-dire la capacité à adapter la qualification dans le contexte de travail [33] ».
63Ils poursuivent le même objectif: professionnaliser les étudiants. L’alternance nécessite donc un travail en concertation entre l’institut de formation et les services de soins car ils sont partenaires et co-responsables de la formation professionnelle.
64D’après André GEAY [34], professeur en sciences de l’éducation, les deux lieux de formation ont des logiques différentes: une logique de production (production de soins dans les services de soins) et une logique de formation (à l’IFSI). L’écart entre ces deux logiques crée une tension, entraînant, chez les apprenants, des difficultés à mobiliser les acquis de l’école en situation de travail. Ainsi, pour lui le dispositif de formation en alternance doit s’organiser comme un système interface [35], dans lequel il identifie quatre grandes dimensions:
- une dimension institutionnelle, de partenariat et de responsabilité, avec un engagement des deux institutions dans un projet commun de formation où les responsabilités et les rôles de chacun sont clairement définis et contrôlés régulièrement;
- une dimension didactique avec une logique d’apprentissage inversée, en construisant des situations de formation à partir de situations de travail afin de réduire l’écart de représentation entre savoir et savoir-faire et de construire des compétences transférables;
- une dimension pédagogique ou relationnelle qui s’organise autour du partage du savoir et du double tutorat (formateur, tuteur), ce qui suppose une collaboration étroite entre le formateur et le tuteur;
- une dimension personnelle avec la prise en compte des stratégies d’apprentissage personnelles.
65Une réflexion sur l’expérience professionnelle représente une plus-value dans la formation de l’étudiant, à condition que le cadre formateur propose des dispositifs d’apprentissages centrés sur l’articulation des savoirs théoriques et des savoirs expérientiels [36].
66Des analyses de pratique basées sur des problématiques de stages (exemple: problème de glissement de tâches de l’infirmier vers l’aide-soignant, en lien avec l’organisation du travail) favoriseraient le questionnement, la mise en valeur des écarts et la confrontation à d’autres points de vue. Ce dispositif pédagogique permettrait à l’étudiant de déconstruire puis reconstruire ses connaissances, facilitant ainsi la création de sens dans l’action et la construction de son identité professionnelle.
La construction de l’identité professionnelle
Identité et socialisation
67Dans le dictionnaire Larousse, l’identité est définie comme le « rapport que présente entre eux deux ou plusieurs êtres ou choses qui ont une similitude parfaite ».
68En psychologie, l’identité sociale signifie: « le sentiment ressenti par un individu d’appartenir à tel groupe social, et qui le porte à adopter certains comportements spécifiques ».
69Selon Erik H. ERIKSON, psychanalyste, « l’identité personnelle est le processus plus ou moins inconscient par lequel un individu se juge lui-même et en même temps juge la façon dont les autres le jugent [37] ». L’identité, en tant que processus, va donc évoluer tout au long de la vie ; l’identité professionnelle ne représente qu’une partie de cette identité.
70Claude DUBAR, sociologue, en reprenant les termes d’Annick PERCHERON (1974), pionnière dans le domaine de la socialisation politique, explique l’identité en se référant à la socialisation, ce qui permet de saisir l’aspect dynamique de celle-ci: « la socialisation est un processus interactif et multidirectionnel : elle suppose une transaction entre le socialisé et les socialisateurs; […] elle implique des renégociations permanentes […], prend figure […] de compromis entre les besoins et désirs de l’individu et les valeurs des différents groupes avec lesquels il entre en relation [38] ».
71La socialisation induit le « développement d’une certaine représentation du monde [39] » que chaque individu se compose lentement et qu’il fait évoluer en fonction de ses aspirations et de ses expériences, même s’il existe des représentations stéréotypées en accord avec le groupe d’appartenance.
« La socialisation est enfin un processus d’identification, de construction d’identité, c’est-à-dire d’appartenance et de relation. Se socialiser c’est assumer son appartenance à des groupes [40]. »
73Ainsi l’identité est dynamique. Elle se construit et se transforme tout au long de l’histoire de l’individu à travers ses interactions avec son environnement. Sur sa trajectoire, les sujets connaîtront des crises, des déséquilibres, des tensions (par exemple, la crise identitaire des étudiants en soins infirmiers en deuxième année [41]) qui sont nécessaires et contribueront à renforcer leur identité. L’identité n’est pas principalement le résultat d’apprentissages formalisés; elle se restructure constamment en fonction des représentations de chacun.
74Ainsi, selon Jean-Marie BARBIER, professeur au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), cela implique que « les constructions mentales de l’identité soient mise en relation avec les représentations que les acteurs se font de leurs actes et des situations dans lesquelles ils se trouvent [42] ».
75Selon Edmond-Marc LIPIANSKY [43], professeur de psychologie à l’Université Paris X de Nanterre, l’identité est plurielle (identité comme travailleur, citoyen, personne, etc.) sans être une juxtaposition de ces différentes identités ; c’est un tout structuré et plus ou moins cohérent. Pour lui, les individus gardent une certaine maîtrise du choix de leurs groupes de référence et sont capables de développer des stratégies identitaires en ayant prise sur leur identité.
76En formation, les apprenants sont confrontés à différents modèles et l’alternance offre une palette variée de figures d’identification professionnelle. L’identité professionnelle va s’élaborer autour de multiples rencontres avec des modèles et des contre-modèles. L’apprenant ne va pas les juxtaposer mais les intégrer en « un tout structuré plus ou moins cohérent et fonctionnel » (LIPIANSKY) et se construire sa propre identité professionnelle.
77Cette construction va se faire par étapes et Claude DUBAR cite le chercheur Fred DAVIS [44], qui s’est intéressé à la construction de l’identité professionnelle des infirmières en formation, dans les années soixante. Il décrit six étapes dans cette construction:
- « l’innocence initiale », avec l’idéal du stéréotype de l’infirmière dévouée et altruiste;
- « la conscience d’incongruité », avec une prise de conscience de la réalité et de l’incongruité de leur croyance initiale;
- « le psyching out » ou « déclic », avec l’intuition permettant de sentir ce que l’on attend d’elle et comment y répondre;
- « la simulation du rôle », avec l’installation dans l’inauthentique permettant la mise en œuvre du « déclic »;
- « l’intériorisation anticipée », avec l’acceptation d’une dualité entre le moi profane et le moi professionnel;
- « l’intériorisation stable », avec l’acquisition de réflexes professionnels et l’installation d’une nouvelle vision professionnelle du monde.
78Par rapport aux modalités d’accès au pouvoir, il identifie quatre identités au travail, qui reposent sur la cohérence entre les logiques d’acteurs et les normes relationnelles au sein de l’entreprise:
- l’identité de retrait, avec une forte préférence individuelle, une absence d’engagement dans le groupe, une dépendance à l’égard de l’autorité et l’acceptation de la dépendance au profit d’autres positions externes;
- l’identité fusionnelle, avec une valorisation du collectif, comme un refuge, une protection;
- l’identité négociatoire, avec une valorisation de la solidarité mais aussi des différences collectives, une négociation de l’investissement personnel;
- l’identité affinitaire, avec une stratégie d’acteur individualiste, des rapports amicaux privilégiés par rapport à la solidarité collective.
Articulation de deux processus identitaires
79Selon Claude DUBAR [46], l’identité se construit à travers l’identification aux autres et la distinction par rapport à eux (processus de différenciation et d’identification.) : c’est ainsi qu’il distingue « l’identité pour soi » (identité individuelle, c’est-à-dire ce que je suis) et « l’identité pour Autrui » (identité collective, c’est-à-dire ce que l’on dit que je suis).
80Elles sont inséparables car l’identité pour soi est liée au regard et à la reconnaissance d’Autrui : « Je ne sais jamais qui je suis que dans le regard d’Autrui [47] ».
81Elles sont aussi problématiques car « je ne peux jamais être sûr que mon identité pour moi-même coïncide avec mon identité pour Autrui ». C’est en échangeant avec les autres que nous pouvons connaître, de façon tout de même incertaine, l’identité qu’ils nous attribuent, mais cette dernière ne correspond pas nécessairement à la manière dont nous nous définissons.
82Lorsqu’il existe un écart entre ces deux identités, les individus mettent au point des « stratégies identitaires », de façon plus ou moins consciente, pour réduire les désaccords entre celles-ci. Selon Claude DUBAR, la construction de l’identité se fonde sur l’articulation entre deux formes de transaction: des transactions objectives ou « externes » visant à accommoder l’identité pour soi à l’identité pour Autrui, et des transactions subjectives ou « internes » visant à assimiler l’identité pour Autrui à l’identité pour soi. Ces transactions peuvent conduire soit à une continuité, si l’identité visée est en adéquation avec l’identité héritée, soit à une rupture lorsque que la définition de soi est en décalage avec la projection de soi.
83Ainsi l’identité pour soi est fortement influencée par le regard d’Autrui et le mode de reconnaissance des institutions.
84En ce qui concerne le glissement de tâches, les étudiants rencontrent des situations variées et souvent contradictoires entre les textes réglementaires et la pratique dans les services de soins, avec néanmoins des différences selon les services. Nous pouvons penser qu’ils vont tenter de réduire cet écart en adoptant des stratégies qui auront des incidences sur leur construction identitaire. Mais quel « modèle » vont-ils privilégier? Quels professionnels choisiront-ils de devenir?
Identité et apprentissage
85Comme toute formation, les formations d’aides-soignants et d’infirmiers visent à la transformation de connaissances, de comportement et donc participent à une modification de l’identité, dont l’identité professionnelle.
86L’apprenant qui s’engage dans un processus de formation, arrive avec des connaissances « déjà là », qui seront plus ou moins aptes au changement.
87Selon Etienne BOURGEOIS, professeur en sciences de l’éducation et Jean NIZET [48], docteur en sociologie, « l’apprentissage, comme processus de transformation de connaissances actuelles en connaissances nouvelles, peut être vu comme résultant d’un conflit cognitif entre, d’une part, un ensemble d’informations nouvelles auquel le sujet est confronté dans une situation donnée et, d’autre part, la structure de connaissance initiale […] mobilisée par le sujet pour traiter cette information. Le conflit réside dans le fait que cette structure initiale s’avère inapte à rendre compte de l’information nouvelle. Il y a apprentissage […] lorsque la résolution du conflit s’opère par la transformation de la structure initiale en une structure nouvelle ».
88L’apprenant est donc amené à se détacher de son modèle identitaire familier pour s’engager dans une voie dont il ne connaît pas forcément l’issue. Cette transformation peut être génératrice d’angoisse, favorisant la mise en place de mécanismes de résistance, tels que l’évitement (l’apprenant qui n’apprend pas), ou la transformation de l’information à sa manière, c’est-à-dire qu’il reste sur ses représentations initiales pour éviter le conflit cognitif (l’apprenant qui apprend mal). De plus, l’apprenant se trouve le plus souvent devant un paradoxe: celui de désirer et de redouter la perspective d’une transformation identitaire.
89Lorsque la formation comporte un enjeu identitaire important, les conditions pédagogiques et institutionnelles peuvent contribuer à soutenir le sujet dans l’apprentissage.
90Selon Etienne BOURGEOIS [49], « la situation de formation se doit […] d’offrir à l’apprenant […] [un] espace protégé », c’est-à-dire un espace qui lui permette d’expérimenter de nouvelles manières de voir le monde et d’agir, avec une possibilité de réversibilité.
91C’est à cette condition que l’apprenant pourra tester de nouvelles façons de faire, sans toutefois courir un risque, comme cela pourrait se produire dans une situation réelle.
92Selon lui, la mise en place d’un espace protégé implique des dispositifs de formation qui visent:
- à encourager et « soutenir […] l’apprenant dans l’exploration de manières nouvelles de voir le monde et d’agir […] et [l’accompagner] dans l’analyse des conséquences de celles-ci dans l’action », à travers l’analyse de pratiques en groupe;
- « à favoriser la réversibilité de la pensée », c’est-à-dire permettre à l’apprenant d’exprimer un point de vue nouveau, de le questionner, de le confronter à d’autres points de vue et de s’en distancier. Un climat de confiance et de respect mutuel au sein du groupe est indispensable, afin de favoriser les échanges et la créativité;
- « de favoriser le développement d’une pensée critique personnelle » afin que l’apprenant se réapproprie un point de vue personnel. C’est ce qu’Etienne BOURGEOIS appelle le « réinvestissement identitaire » des savoirs nouveaux.
93Ainsi « l’espace protégé » de la formation favorise la construction d’une identité professionnelle, permettant de développer un sentiment d’appartenance au travers de valeurs et de savoirs partagés, un sentiment de différenciation par rapport aux autres professionnels et un sentiment de reconnaissance de cette spécificité.
94Cette construction identitaire est un enjeu important pour la formation initiale car une identité professionnelle affirmée aidera le professionnel à se positionner dans une équipe. D’après le dictionnaire Larousse, se positionner c’est « se situer, se définir par rapport à ». Selon Catherine BELIN, cadre infirmier, et Marie-Christine FRANÇOIS, cadre infirmier supérieur, le positionnement est « un ajustement permanent, entre les composantes du statut, les exigences de l’institution, les attentes et les comportements du personnel, les valeurs personnelles et professionnelles […]. Se positionner, c’est donc évacuer le flou, clarifier pour soi, pour et avec les autres, ses conceptions, ses théories de référence [51]. »
L’exercice professionnel
95Les professions de santé sont juridiquement très encadrées. Le Code de la Santé publique contient des dispositions législatives et réglementaires qui organisent l’ensemble de ces professions. Il codifie les rapports entre les professionnels de santé, dans le but d’assurer la protection du patient, mais aussi des acteurs de soins.
L’infirmier
96La profession d’infirmier est une profession réglementée, c’est-à-dire que son exercice n’est possible qu’avec le diplôme d’État d’infirmier.
97Les dispositions juridiques relatives à l’exercice de la profession d’infirmier sont regroupées dans le livre III, titre I, du Code de la Santé publique [52].
98Il pose la définition de l’infirmier: « L’exercice de la profession d’infirmier ou d’infirmière comporte l’analyse, l’organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation […]. Dans l’ensemble de ces activités, les infirmiers et infirmières sont soumis au respect des règles professionnelles […]. » (Art. R.4311-1).
99L’exercice de la profession d’infirmier se décompose en quatre catégories d’actes selon l’autonomie de l’infirmier. Tout d’abord, les actes faisant partie du rôle propre (Art. R. 4311-5), lorsque l’infirmier est pleinement autonome dans la réalisation de l’acte: « Relèvent du rôle propre de l’infirmier ou de l’infirmière les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes. Dans ce cadre, l’infirmier ou l’infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu’il juge nécessaires […] » (Art. R. 4311-3). Puis, les actes faisaient partie du rôle sur prescription: les actes sur prescription médicale (Art. R. 4311-7), les actes sur prescription médicale à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment (Art. R. 4311-9) et les actes réalisés par le médecin auxquels participe l’infirmier (Art. R. 4311-10).
L’aide-soignant
100En complément de la circulaire du 19 janvier 1996 relative au rôle et aux missions des aides-soignants et des auxiliaires de puériculture dans les établissements hospitaliers, deux textes éclairent aujourd’hui l’exercice de la profession d’aide-soignant: l’arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d’organisation de la validation des acquis de l’expérience pour l’obtention du diplôme professionnel d’aide soignant et ses annexes où figurent un référentiel d’activités et un référentiel de compétences; et l’arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant, dans lequel se trouve le référentiel de formation en annexe I (nouveau programme). Ce dernier détermine les actes pour lesquels les aides-soignants ont reçu une formation et dont ils disposent d’une compétence légale.
101La définition de l’aide-soignant figure dans l’arrêté du 25 janvier 2005:
« Dispenser, dans le cadre du rôle propre de l’infirmier, en collaboration avec lui et sous sa responsabilité, des soins de prévention, de maintien, de relation et d’éducation à la santé pour préserver et restaurer la continuité de la vie, le bien être et l’autonomie de la personne. »
103La profession d’aide-soignant ne dispose ni de décret de compétence à proprement parler, ni de décret d’actes, ce qui entraîne parfois un flou juridique favorisant les glissements de tâches. Cependant les nouveaux référentiels figurant dans l’arrêté du 25 janvier 2005 définissent plus clairement les contours de cette profession.
La collaboration infirmier/aide-soignant
104En référence aux textes réglementaires [53], le binôme infirmier/aide-soignant fonctionne sur le mode de la collaboration.
105D’après le dictionnaire Larousse, collaborer signifie « travailler avec d’autres à une œuvre commune ».
106Danielle D’AMOUR [54], professeur à la faculté des Sciences infirmières de l’Université de Montréal, définit la collaboration comme «la structuration d’une action collective entre partenaires en situation d’interdépendance à travers le partage d’information et la prise de décision dans les processus cliniques ».
107Dominique EFROS [55], sociologue, précise que « dans la collaboration, les individus ne réalisent pas les mêmes opérations mais travaillent sur le même objet avec un but commun ».
108Collaborer dans le domaine des soins, c’est faire avec et sous la responsabilité de celui qui sollicite un professionnel dans le cadre de ses compétences. Ici, la compétence est définie comme l’aptitude reconnue légalement pour accomplir un acte et reposant sur la qualification juridique de chacun, c’est-à-dire l’obtention d’un diplôme sanctionnant une formation spécifique.
109La collaboration infirmier/aide-soignant n’est possible que dans le cadre du rôle propre de l’infirmier: « Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à caractère sanitaire, social ou médico-social, l’infirmier ou l’infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d’aides-soignants […] qu’il encadre et dans la limite de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Cette collaboration peut s’inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l’article R. 4311-3. » (Art. R 4311- 4 du CSP).
110L’aide-soignant n’est donc pas compétent pour participer à la réalisation de tous les actes du rôle propre. En effet, pour qu’un acte puisse être confié par l’infirmier à l’aide-soignant, deux conditions cumulatives sont requises: d’une part, cet acte relève du rôle propre de l’infirmier (Art R.4311-5 du décret 2004-802 du 29 juillet 2004), et d’autre part, cet acte est inclus dans le programme des études menant au diplôme professionnel d’aide-soignant et enseigné durant la formation (arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant).
111Cette collaboration s’exerce sous la responsabilité de l’infirmier, c’est-à-dire à son initiative et sous son contrôle. Cela suppose qu’après analyse des situations de soins, l’infirmier détermine les soins qui seront confiés à l’aide-soignant, car ce dernier agit toujours dans le cadre qui est défini par l’infirmier. Cette collaboration nécessite donc une parfaite connaissance des textes réglementaires de ces deux catégories professionnelles.
112Le ministère de la santé [56] recommande des normes de qualité relatives à la collaboration infirmier/aide-soignant, avec des caractéristiques concernant les ressources, le processus et les résultats.
113Les caractéristiques de ressources par rapport à la structure comprennent: des profils de poste de l’aide-soignant clairement définis et écrits, une organisation des soins permettant une collaboration effective et un accès au dossier de soins infirmiers par l’aide-soignant. Les caractéristiques de processus stipulent que l’infirmier vérifie que l’aide-soignant a les connaissances et les compétences nécessaires avant de lui confier la réalisation d’un soin relevant du rôle propre infirmier, qu’il vérifie la bonne réalisation et les effets des soins confiés à l’aide-soignant.
114Les caractéristiques de résultats précisent que l’infirmier contrôle les soins confiés à l’aide-soignant et que chaque professionnel exerce son métier dans le champ de ses compétences et de ses responsabilités.
115La collaboration infirmier/aide-soignant suppose l’esprit d’un travail en commun, la reconnaissance de la place de chacun (rôles et compétences) et vise la mise en œuvre du projet de soins permettant la prise en charge globale de la personne soignée.
La responsabilité
116Issu du latin respondere qui signifie répondre, le terme de « responsabilité peut se définir comme l’obligation de répondre de ses actes [57] ».
117Il existe plusieurs formes de responsabilités qui peuvent être complémentaires et parfois cumulatives: la responsabilité civile (ou administrative en cas d’exercice de la profession dans un établissement public) avec indemnisation financière de la victime d’un dommage; la responsabilité disciplinaire, en cas de non respect des obligations professionnelles et statutaires, avec une sanction prononcée par la structure dans laquelle exerce le professionnel ; et la responsabilité pénale, avec une sanction d’une faute au nom de la société.
118La responsabilité pénale suppose l’existence d’un élément légal (l’acte est une infraction définie par les textes), d’un élément matériel (la faute est effective) et d’un élément moral (l’auteur de la faute a volontairement réalisé l’acte en cause). De plus, la responsabilité pénale est toujours une responsabilité personnelle.
119L’accomplissement d’actes exclus de la compétence d’un aide-soignant relève de la responsabilité pénale. L’infraction est l’exercice illégal de la profession d’infirmier, punie par la loi: « L’exercice illégal de la profession d’infirmier ou d’infirmière est puni de 3750 euros d’amende et, en cas de récidive, de cinq mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende [58]. » (Art. L. 4314-4 du Code de la Santé Publique).
120L’infirmier ou le cadre de santé qui cautionne de telles pratiques encoure également un risque pénal, pour complicité d’exercice illégal de la profession d’infirmier. Comme l’explique Claude BOISSIER-RAMBAUD [59], juriste spécialiste de droit médical, « [en cas d’] accident dû à l’inaptitude professionnelle d’une personne chargée d’effectuer un soin en dehors du cadre de ses compétences, […] il y a condamnation pénale:
- de la personne délégataire, celle qui accepte d’effectuer un acte pour lequel elle n’a pas de compétence;
- de la personne délégante, celle qui demande à un agent sans qualification ou formation adéquate d’exécuter un acte à sa place;
- tout responsable hiérarchique, médecin, surveillante, infirmier général ou directeur, responsable de l’organisation du travail ou du service qui méconnaît le respect des réglementations et contribue ainsi à créer la situation à risque. »
121En effet, ce sont les conséquences de l’acte qui entraîneront ou non une poursuite pénale.
122Pour Michel BILLAUD [60], docteur en droit, « l’aide-soignant doit connaître parfaitement les règles qui régissent son action et éviter que le pouvoir hiérarchique ne se transforme en piège ». Il ajoute « qu’il faut aussi la force de caractère et le tact qui permettent de respecter et de faire respecter ses propres limites, sans que cela devienne conflictuel dans une équipe dont l’homogénéité est indispensable ». Ces recommandations s’appliquent aussi aux infirmières, qui parfois, peuvent se trouver démunies face à une aide-soignante ayant plus d’ancienneté et d’expérience qu’elles dans un service de soins. Or, aucune habitude illégale ne peut devenir une coutume et être autorisée par la loi.
123D’autre part, il est important de rappeler que la notion d’exécution, c’est-à-dire la réalisation d’actes de soins, est légiférée: « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public [61] ». Ainsi tout ordre illégal et inexécuté ne peut entraîner des sanctions à l’égard de la personne qui refuse de l’exécuter.
Le travail
124Selon Philippe DAVEZIES, ergonome, « le travail, c’est l’activité développée par les hommes et les femmes pour faire face à ce qui n’est pas déjà donné par l’organisation prescrite du travail [62] ».
125Pour Gilbert de TERSSAC, sociologue, « le travail est une construction sociale négociée ».
Travail prescrit et travail réel
126L’ergonomie, comme étude spécifique du travail humain, a découvert l’existence d’un décalage irréductible entre le travail prescrit et le travail réel, entre la tâche et l’activité.
127Le travail prescrit est ce qui doit être fait. La tâche appartient au travail prescrit car elle définit le travail de chacun au travers de procédures, de règles à suivre, d’objectifs à atteindre, etc. : c’est le cadre formel, la prescription théorique.
128Maurice De MONTMOLLIN, ergonome, définit la tâche comme « ce qui se présente au travailleur comme une donnée [63] ».
129Dans notre étude, il s’agit des conditions réglementaires donnant droit à l’exercice d’infirmier et d’aide-soignant et définissant leur champ de compétences.
130« Aux données de la tâche s’oppose l’activité, processus complexe, original et évolutif pour s’adapter à la tâche mais aussi pour la transformer [64] »: le travail réel ou l’activité, est ce qui se fait. Il s’ajuste aux aléas, à l’imprévu car la prescription ne correspond pas aux situations singulières rencontrées dans la réalité. Le travail réel est tout ce qui n’est pas prévu par le travail prescrit.
Organisation du travail
131À travers les concepts de psychodynamique du travail, Christophe DEJOURS [65], professeur de psychologie au CNAM, psychanalyste et psychiatre, s’attache à l’organisation du travail.
132L’organisation réelle du travail n’est pas l’organisation prescrite car il est impossible de tout prévoir d’avance, mais aussi parce que la prescription désavoue souvent les difficultés concrètes auxquelles les travailleurs sont confrontés.
133Christophe DEJOURS s’est intéressé à la manière dont les acteurs ajustent l’organisation du travail prescrit et l’organisation du travail réel.
134Selon lui, l’ajustement passe nécessairement par un travail d’interprétation, pour aboutir à un compromis. Devant la multiplicité des interprétations possibles, « construire un compromis passe de facto par un jeu social [66] ». Il en déduit que « l’organisation réelle du travail est un produit des rapports sociaux » et l’enjeu de ces rapports sociaux de travail est l’élaboration de l’activité (travail réel).
135La gestion de cet écart exige également la mise en jeu de formes d’intelligence au travail, telles que l’initiative, l’inventivité, la créativité. Il ajoute que l’écart entre le prescrit et le réel peut être soit toléré, et offrir des marges de libertés créatrices, soit traqué, avec la crainte pour les acteurs d’être pris en faute.
Division du travail
136Dans notre étude, le glissement de tâche est directement en lien avec la division du travail entre l’infirmier et l’aide-soignant.
137L’infirmier et l’aide-soignant collaborent et partagent une zone de travail, en ce qui concerne le rôle propre de l’infirmier, dans laquelle ils ont tous deux des compétences. Il apparaît que la frontière entre la zone de travail partagée (une partie du rôle propre) et la zone de travail exclusive de l’infirmière (l’autre partie du rôle propre et le rôle sur prescription) reste encore floue, même si elle tend à se clarifier avec des référentiels. Pour Everett HUGHES [67], sociologue américain, le point de départ de toute analyse sociologique du travail humain est la division du travail. Pour lui, on ne peut séparer une activité, ni de ses procédures de distribution, ni de l’ensemble des autres activités dans lesquelles elle s’insère.
138Pour analyser n’importe quel travail, il serait pertinent d’interroger les professionnels sur ce qu’ils trouvent pénible ou sale dans leur travail, sur la possibilité de déléguer cette partie, à qui et comment. En effet, chaque métier quel qu’il soit, a des tâches qu’il considère comme sales et qui seront déléguées si la possibilité se présente, pour ne garder que ce qui paraît le plus prestigieux.
139Selon Anne-Marie ARBORIO [68], sociologue et maître de conférences à l’Université de Provence, « le métier d’aide-soignant se caractérise d’abord par la prise en charge d’un travail délégué [par l’infirmier] qui est souvent un dirty work au sens absolu ». Le « dirty work » (« sale boulot ») ne se définit pas par la nature de ses tâches, mais par leur moindre prestige relatif: une même tâche peut relever du « dirty work » lorsqu’il est au plus bas dans une catégorie et jouir d’un certain prestige lorsqu’il est pris en charge par une catégorie dont les tâches sont moins prestigieuses. Ainsi certaines tâches « déléguées » par l’infirmier ne sont pas forcément du « dirty work » pour l’aide-soignant. De plus, si l’infirmier veut continuer à être soulagé du « sale boulot », il peut être amené à partager une partie de ses connaissances et de ses actes avec l’aide-soignant, qui y trouvera un certain prestige.
140D’autre part Dominique EFROS [69] constate que la position des aides-soignants est sans doute celle qui connaît le plus grand écartèlement fonctionnel: à la fois tirés vers le haut par les infirmiers et vers le bas car ils sont aussi obligés d’assurer une partie du ménage.
Le glissement de tâches
141Le glissement de tâches est l’exécution d’actes qui ne sont pas en rapport avec les attributions ou le grade de l’exécutant.
142Dans notre étude, il s’agit d’actes relevant de la compétence de l’infirmier et exécutés par l’aide-soignant. La profession d’infirmière étant une profession réglementée, la pratique d’actes infirmiers par un aide-soignant est qualifiée d’exercice illégal de la profession d’infirmier.
143Il y a confusion entre les questions « qui fait quoi? » et « qui peut faire quoi? » au regard de la législation.
Enquête et analyse
144Après cet éclairage sur les glissements de tâches au travers de mon expérience professionnelle et de recherches bibliographiques, je me suis entretenue avec quelques professionnels afin de recueillir leur vécu et leur positionnement par rapport au sujet.
145Ces entretiens visent, à titre indicatif, à caractériser les liens entre la formation initiale et le positionnement des professionnels nouvellement diplômés (infirmiers et aides-soignants) en ce qui concerne l’exercice de leur fonction dans le respect du cadre réglementaire. J’ai rencontré des cadres de santé formateurs travaillant tous dans le même institut de formation (deux formateurs en IFSI et deux formateurs en IFAS) ainsi que des professionnels nouvellement diplômés (trois infirmières et trois aides-soignantes travaillant pour chaque binôme dans un même service).
Présentation des résultats
Données recueillies auprès des formateurs
146Le glissement de tâches c’est, pour tous les formateurs, permettre à l’aide-soignant de réaliser des soins ne relevant pas de son champ de compétence. Tous évoquent plusieurs raisons à ces dépassements de fonction: la pénurie infirmière, la surcharge de travail de l’infirmier, le besoin de reconnaissance de l’aide-soignant, la curiosité de l’aide-soignant par rapport à un projet de formation en soins infirmiers, l’enjeu de pouvoir quand l’aide-soignant a de l’ancienneté dans un service, la confiance entre l’infirmier et l’aide-soignant, les habitudes du service. Deux formateurs pointent une confusion par rapport à la notion de collaboration.
147Concernant le projet de formation, nous avons questionné sa mise en œuvre en matière de législation des professions d’infirmier et d’aide-soignant, de collaboration infirmier/aide-soignant et de notion de responsabilité: contenus de formation, objectifs de stage et mode d’évaluation.
148En matière de contenus de formation, les textes concernant la législation des professions d’infirmier et d’aide-soignant abordés en formation aide-soignante sont:
- La partie concernant le rôle propre, dans le décret du 29 juillet 2004 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, avec identification des actes que peuvent faire les aides-soignants;
- La circulaire du 4 juin 1999 relative à la distribution des médicaments;
- La circulaire du 19 janvier 1996, relative au rôle et aux missions des aides-soignants et des auxiliaires de puériculture dans les établissements hospitaliers.
149En formation en soins infirmiers, seul est abordé le décret du 29 juillet 2004 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, afin de discerner les différentes catégories de soins (rôle propre, rôle sur prescription, etc.).
150Les contenus relatifs au travail en collaboration infirmier/aide-soignant sont dispensés par les formateurs AS [70], aussi bien auprès des élèves aides-soignants (EAS) que des étudiants en soins infirmiers (ESI). L’enseignement se fait sous forme de travaux de groupes entre EAS et ESI fin de troisième année, avec une étude des textes législatifs.
151Pour diverses raisons, cette expérience est mal vécue par les deux formateurs AS interrogés: intervention trop tardive en fin de troisième année (ESI non motivés par le contenu), disproportion entre le nombre d’ESI et d’EAS avec prise de parole des ESI plus importante, décalage de niveau scolaire entraînant une lecture et une compréhension des textes plus rapides pour les ESI. Les formateurs AS sont donc insatisfaits et ont le sentiment de reproduire ce qui se passe souvent dans les services, à savoir peu de prise de parole de la part des aides-soignants.
152Les formateurs IDE [71] ont connaissance de ces dysfonctionnements et s’accordent à dire que le module LEDROT reste à construire. D’autre part, un des formateurs précise que la direction des soins a signalé à l’institut de formation que les infirmiers nouvellement diplômés ne travaillaient pas dans un esprit de collaboration, ce qui a conduit la directrice de l’IFSI à demander aux formateurs d’aborder la collaboration dès la première année.
153Concernant les cours relatifs à la responsabilité:
154Pour la formation AS, ils sont assurés par la directrice et les formateurs AS n’ont pu m’en dire davantage par manque de connaissance du contenu dispensé et de la méthode pédagogique utilisée.
155Dans la formation IDE, la responsabilité est surtout abordée en troisième année avec un juriste, à partir d’un texte relatif à une erreur d’interprétation d’une prescription médicale.
156Concernant les objectifs de stage, pour les formations AS et IDE, il n’existe pas d’objectifs spécifiques à la collaboration IDE/AS.
157Un des formateurs AS ajoute: « Les objectifs de stage sont centrés sur l’apprentissage de la gestuelle, du comportement et de la participation à la démarche de soins; ce qui fait déjà beaucoup d’objectifs, avec des lieux de stage très variés ». Il déplore que tout au long de la formation, les EAS soient encadrés par les aides-soignants et jamais par les infirmiers.
158Quant aux évaluations, durant la formation AS, l’évaluation écrite concernant la collaboration est peu approfondie. Les formateurs évaluent les connaissances lors d’un enseignement plus large et tout au long de l’année.
159En stage et lors des mises en situation professionnelle, l’évaluation se fait au travers de la planification des soins, qui précise « qui fait quoi » concernant les actions auprès de la personne soignée.
160Il arrive aussi que les responsables de terrains de stage contactent les formateurs pour savoir quels sont les actes que peuvent effectuer les élèves aides-soignants. Pour la formation IDE, en première année il n’y a pas d’évaluation écrite relative aux actes pouvant être confiés à l’AS car il n’y pas d’enseignement en regard. L’évaluation porte uniquement sur la connaissance de la différence entre les actes relevant du rôle propre et ceux relevant du rôle sur prescription.
161En troisième année, il peut y avoir une question relative aux actes en collaboration avec l’AS. Toutefois, un des formateurs IDE constate que les étudiants confondent souvent ce qu’ils voient en stage et les soins pouvant être confiés à l’AS (prise de tension artérielle, distribution de médicaments).
162Lors des mises en situation professionnelle, un des formateurs précise que les valeurs « réglementaires » sont évaluées dans la grille de mise en situation professionnelle. Néanmoins, il ajoute que les formateurs ne sont pas tous d’accord sur le contenu à évaluer.
163D’après lui, dans d’autres IFSI, des formateurs posent des questions sur les soins que l’IDE peut confier à l’AS.
164Concernant l’alternance, nous l’avons abordé au travers de l’exploitation de stage au retour en institut de formation.
165D’après les deux formateurs AS, les EAS observent un décalage entre la réglementation et les pratiques des services. Ce thème fait l’objet d’un bilan de stage: les formateurs AS partent de l’expérience des élèves et échangent sur les questions que pose cet écart.
166L’un d’eux précise qu’en stage, les élèves expriment souvent leur désaccord, si on leur demande de faire des actes ne relevant pas de leur compétence. Ils se positionnent en disant: « on n’a pas appris ».
167En formation IDE, lors des retours de stages des ESI de première année, un formateur IDE constate aussi le décalage observé par les étudiants : il concerne surtout les soins de bouche médicamenteux et la pose de bandes à varices.
168Après un rappel de la réglementation par le formateur, les ESI renvoient que l’organisation des soins ne leur laisse pas le choix par rapport aux glissements de tâches, même quand ils seront diplômés.
169Concernant la répartition du travail, en première année les étudiants font une distinction entre le travail de l’IDE et celui de l’AS: schématiquement, l’AS fait les toilettes et l’IDE applique les prescriptions médicales. Encadrés par les AS, les ESI de première année font beaucoup de toilettes et ont des difficultés à percevoir le travail de l’IDE.
170Selon un formateur, lorsque la charge de travail est importante, les étudiants sont parfois sollicités pour assurer la prise en charge d’une partie du service. Ils rencontrent alors des difficultés par rapport à l’évaluation des situations de soins, ne se sentent pas toujours compétents et se questionnent sur la sécurité des patients. Néanmoins, la plupart des étudiants refusent rarement ces sollicitations et abordent ces problèmes lors du retour de stage. Ils justifient leur acceptation par l’enjeu de la notation, car ils craignent qu’un refus de leur part soit néfaste pour leur note. C’est pourquoi, durant le stage, ils n’en informent pas les formateurs.
171Quant à l’identité professionnelle, nous avons abordé la perception des ESI et des EAS par rapport aux infirmiers et aux aides-soignants.
172Pour un des formateurs AS, les représentations des EAS concernant les infirmiers sont multiples et vont des relations d’entraide à des relations de distance (les infirmiers ignorant les EAS). Pour l’autre formateur, les EAS perçoivent les infirmiers comme des techniciens.
173Pour les formateurs IDE, l’un d’eux ne sait pas quelle perception les ESI ont des AS et pour l’autre, les ESI perçoivent les AS de façon négative. Il évoque deux causes à cela. La première raison provient de l’encadrement des ESI par les AS durant la première année d’étude, avec parfois des enjeux de pouvoir par rapport à la notation. La seconde raison apparaît dès la deuxième année, avec la difficulté pour les ESI à confier les soins de nursing aux AS, alors que le nombre de patients pris en charge augmente. En effet, les AS leur renvoient qu’ils doivent assurer tous les soins de « leurs » patients et les mettent ainsi en difficulté: les étudiants, en situation d’apprentissage, ont du mal à gérer cette charge de travail parfois importante. Ce vécu favoriserait une image négative des ESI à l’égard de la collaboration avec les aides-soignants.
174L’un des formateurs signale que les ESI souhaitent mieux connaître les EAS et qu’ils suggèrent, lors du bilan de formation, la mise en place de certains cours en commun.
175Par rapport à l’évolution du programme de formation aide-soignante, d’après un formateur AS, le nouveau programme de formation ne changera pas le projet de formation concernant la collaboration IDE/AS.
176Les deux formateurs AS déplorent l’absence de projet commun entre les formateurs AS et IDE. Pour eux, il existe un clivage entre les ESI et les EAS provenant de la séparation entre l’IFSI et l’IFAS.
177L’un pense que la collaboration IDE/AS commence à l’institut de formation, à travers le regard sur l’Autre: les ESI arrivent en formation avec une représentation de l’aide-soignant (« celui qui fait les toilettes et change les couches ») et rien n’est mis en place pour faire évoluer cette représentation: « Les ESI et les EAS ne se côtoient pratiquement pas et s’ils se rencontrent sur les terrains de stage, ces relations ne perdurent pas à l’institut de formation. »
178L’autre pense que les formateurs IDE n’ont pas de motivation à travailler avec les EAS (« pas assez intellectuel ») et ne montrent pas d’intérêt à leur égard.
179Quant aux formateurs IDE, ils reconnaissent le peu de travail en commun avec les formateurs AS et le manque de connaissance sur le nouveau programme de formation aide-soignante. Selon eux, cette « distance » semble être favorisée par l’absence des formateurs AS lors des réunions pédagogiques, dont les sujets portent essentiellement sur la formation IDE. L’un souligne que le partage de son bureau, durant trois ans, avec un formateur AS, a amélioré la communication: cette proximité favorisait les échanges sur la formation, ainsi que l’émergence de projet commun (cours et ateliers communs entre ESI et EAS). Comme les formateurs AS, il partage aussi l’idée que la collaboration IDE/AS commence à l’institut de formation.
Données recueillies auprès des infirmiers et des aides-soignants
180La répartition du travail se fait au moment des transmissions dans deux services enquêtés. L’infirmier répartit les soins et prévient l’aide-soignant en cas de soins spécifiques influant sur son organisation. Ensuite chacun travaille séparément. Pour une AS, les difficultés rencontrées sont liées à l’effectif réduit des infirmiers et l’étendue géographique du service.
181Dans le troisième service, les transmissions IDE et AS sont séparées car les horaires sont décalés, les IDE travaillant en 12 heures et les AS en 7h30. Le travail se fait en binôme et les soins sont répartis selon les habitudes du service. L’AS interrogée se souvient des difficultés à s’inclure dans l’équipe. Pour elle, s’adapter au service passe par le respect des habitudes de celui-ci. Quant à l’IDE de ce même service, elle ne signale pas de difficultés particulières car, ayant fait un stage dans cette unité de soins, elle connaissait le mode d’organisation et s’y est adaptée facilement.
182Concernant les connaissances relatives à la législation, la collaboration et la notion de responsabilité, les trois aides-soignantes interrogées reconnaissent avoir peu de souvenirs des textes législatifs abordés en formation.
183Deux d’entre elles soulignent que la collaboration est un travail d’équipe, mais elles ne peuvent dire à quelles conditions une IDE peut confier un acte à l’AS. Seule une des AS interrogées précise que l’AS travaille sous la responsabilité de l’IDE et ajoute, de façon erronée: « Tout ce qui est prescription fait partie du rôle propre de l’infirmière »; une autre AS reconnaît : « Par rapport à mon champ de compétence, j’ai beaucoup appris en stage ».
184Les trois IDE disent que « l’infirmière est responsable de l’aide-soignant ».
185Deux pensent que les AS ont un décret d’actes. Une ajoute que l’AS assure les soins pour lesquels elle a été formée, à savoir les soins de nursing et qu’en cas de doute, elle s’adresserait au cadre du service.
186Pour une autre, « l’IDE est hiérarchiquement au-dessus de l’aide-soignante ; elle surveille les actes de l’AS et les oriente ». Elle dit ne pas avoir connaissance de la réglementation de la profession AS et que les textes de loi « ne l’ont pas branchée »; elle se souvient avoir fait en troisième année, « un exercice par rapport aux soins que l’IDE peut confier à l’AS et il y avait beaucoup d’erreurs dans la promo, notamment par rapport à la tension artérielle ».
187Deux IDE se souviennent avoir abordé les glissements de tâches en formation, mais uniquement du médecin vers l’IDE (en troisième année, échanges avec un juriste à partir d’exemples). Les trois IDE n’ont pas de souvenir concernant le risque pénal.
188Par rapport à la collaboration, une des IDE la définit comme « une aide mutuelle dans le respect des limites du champ de compétences de chacun » et se souvient des travaux pratiques vus en formation (ateliers avec les EAS pour définir, à partir d’un cas concret « qui fait quoi ») en ajoutant : « on se marrait plus qu’on ne travaillait ».
189Une autre a peu de souvenir de travail sur la collaboration AS durant sa formation et n’a pas de connaissance sur la formation des AS. Pour elle, l’IDE collabore avec l’AS dans le cadre de son rôle propre.
190Enfin pour la troisième IDE interrogée, l’AS intervient dans le cadre du rôle propre de l’IDE: « je ne pense pas qu’elle intervienne sur tout notre rôle propre, mais je ne sais pas dans quelles conditions ». A l’arrivée dans le service, elle n’avait pas de connaissances sur le contenu de la formation des AS et a acquis ces savoirs dans le service, en accueillant des EAS en stage.
191Nous avons abordé les glissements de tâches afin de les identifier, puis nous nous sommes intéressés à la notion de responsabilité et de risques (pour le patient et pour les professionnels).
192Tous les professionnels sont d’accord pour définir le glissement de tâches comme un acte relevant de la compétence de l’IDE et qui est réalisé par l’AS.
193Dans un des services, les glissements de tâches concernent: les lavements au Normacol®, la pose de plaques d’hydrocolloïde, l’application de pommade médicamenteuse, la pose de l’alimentation entérale sur une sonde naso-gastrique ou de gastrostomie, parfois la glycémie capillaire, le lavage à l’eau glacée par sonde naso-gastrique, l’ablation de perfusion intraveineuse.
194L’AS argumente ces dépassements de fonction: « l’IDE a beaucoup de travail et nous sommes là pour l’aider, c’est un travail d’équipe ». Par rapport à la glycémie capillaire, elle s’est proposée d’en pratiquer occasionnellement parce qu’elle a appris à le faire chez elle (parents diabétiques) et que l’IDE avait une charge de travail importante. Il lui est arrivé de proposer de « dépiquer » un patient (par curiosité) mais « cela ne se dit pas dans l’équipe » et « le cadre n’est pas au courant, ni pour les perfusions ni pour les glycémies capillaires ». Elle ajoute qu’elle sait à quelle IDE elle peut le demander.
195L’IDE du même service accepte qu’une AS qui a dix ans d’ancienneté dans l’hôpital pose l’alimentation entérale. Elle reconnaît que cela la décharge d’une partie de son travail et que c’est une aide en cas d’urgence.
196Dans un autre service, les glissements de tâches concernent : la pose de bandes à varices, la pose de plaque d’hydrocolloïde, les soins de bouche médicamenteux (produits antiseptiques), parfois la pose et le retrait de perfusion sous-cutanée et certains pansements (faits par l’AS en présence de l’IDE).
197Pour l’AS de ce service, cela se justifie en tant qu’aide, si l’IDE est « débordée ». Pour la pose de bandes à varices, elle dit: « Il me semble normal, en tant que professionnelle, de pouvoir faire ces petits actes qui ne me semblent pas vraiment dangereux pour le patient », « quand l’effectif est réduit, on essaie de se comprendre, c’est un travail d’équipe et de collaboration ». Elle ajoute que la confiance entre l’IDE et l’AS joue beaucoup et que l’IDE arrive à discerner ce qu’elle peut confier ou non à l’AS. Elle n’a jamais pratiqué de pose ou retrait de perfusion.
198Pour l’IDE du service, la pose de bandes à varices ou de plaques d’hydrocolloïde n’est pas dangereuse pour le patient et c’est une aide quand la charge de travail est importante. Pour les perfusions sous-cutanées et les pansements, quand l’AS demande à voir et à faire, elle accepte et reste présente pour surveiller, car ces actes sont sous sa responsabilité: « je fais très attention car c’est ma responsabilité; le travail des aides-soignants est assez répétitif, toujours des toilettes, alors je comprends qu’elles aient envie de faire autre chose ».
199Dans le troisième service, les glissements de tâches concernent : l’enregistrement de l’électrocardiogramme, la glycémie capillaire, le branchement de l’alimentation entérale, l’assistance du médecin pour la pose de cathéter artériel et parfois la prise de la pression artérielle.
200L’AS pense ne pas dépasser ses compétences et trouve qu’ « on ne nous demande pas trop d’actes qui ne sont pas de notre ressort ». Pour la glycémie capillaire et l’électrocardiogramme, elle a appris à les faire lorsqu’elle travaillait dans un service d’urgences en tant que « faisant fonction » d’aide-soignante. Pour la pose de l’alimentation entérale, cela fait partie des habitudes du service, donc « c’est normal de le faire ».
201Quant à l’IDE, elle s’adapte aux habitudes du service. De plus, elle accepte qu’une AS pratique un prélèvement sanguin ou une aspiration trachéale en sa présence, considérant que transmettre son savoir fait partie de son rôle. Elle ajoute qu’elle ne sait pas dire non et que l’enjeu est uniquement relationnel : « cela fait partie de l’évolution de la confiance dans le binôme IDE/AS », « on se prête au jeu ». Elle fait confiance à l’AS car elle connaît la qualité de son travail.
202En terme de responsabilité et des conséquences en cas de problèmes, les trois AS savent que leur responsabilité est engagée mais ne savent pas à quel niveau: pour l’une, risque de sanction disciplinaire, pour l’autre, convocation par le cadre du service, pour la troisième, risque de « passer devant les tribunaux ».
203Les trois IDE savent également que leur responsabilité est engagée: pour l’une, risque de conseil de discipline avec licenciement voire condamnation devant les tribunaux, pour l’autre, sa responsabilité pénale est engagée et pour la troisième, risque pénal avec éventualité de « perdre son diplôme » et dédommagement financier payé par l’assurance. Cette dernière précise que, si les glissements de tâches font partie des habitudes du service, en cas de procès, les organisateurs du service seront impliqués (médecins, cadre, IDE et AS).
204La notion de risque: les limites au glissement de tâches sont en lien avec le risque vital pour le patient et la maîtrise du geste.
205Une des AS refuserait de faire un soin qu’elle ne sait pas faire, de peur de commettre une erreur (exemples: prélèvement sanguin, pose de perfusion intraveineuse). Lorsqu’elle pratique une glycémie capillaire, elle sait qu’elle risque de se piquer, donc elle met des gants dans certains cas (exemple: patient toxicomane) mais elle reconnaît ne pas penser aux risques au moment du soin.
206Une autre estime qu’il n’y a pas de risque pour le patient car elle se fixe des limites en fonction de la pathologie du patient et de son état du jour. Elle se sent sécurisée car après son soin, l’IDE vérifie.
207Quant à la dernière, elle pense que lors du branchement de l’alimentation entérale, il n’y a pas de risque pour le patient car l’IDE vérifie la position de la sonde naso-gastrique avant (remarque: position de la sonde vérifiée par l’IDE à 7h et branchement fait par l’AS à 12h) et « ne voit pas où il peut y avoir un problème ».
208Les trois IDE refusent de confier à l’AS un soin qui pourrait mettre en péril le patient. Deux ont refusé des poses de perfusions demandées par l’AS en prétextant qu’il y avait urgence ou que le capital veineux du patient était mauvais. Elles évaluent le risque essentiellement par rapport au patient. L’une d’elles signale que la notion de risque n’est pas abordée en équipe, que certaines IDE refusent tout glissement de tâches: « c’est un sujet dont on ne parle pas ».
209En évoquant l’éventualité d’un accident exposant au sang pour l’AS lors de certains soins (glycémie capillaire par exemple), les trois IDE et les deux AS qui pratiquent ce soin, reconnaissent ne pas avoir pensé à ce risque: « quand on est dans l’action, on ne pense pas aux risques », « je ne me pose pas la question sur le moment ». Lors de cette question à une des AS, celle-ci avait l’air embarrassé à l’idée d’avoir couru un tel risque et se sentait mal à l’aise vis-à-vis de la conduite à tenir en cas d’accident. Elle ajoute: « en y pensant, cela me fait un peu peur, je n’avais pas vu cela comme ça! »
210Par rapport à la formation en alternance, nous avons abordé le vécu des bilans de retour de stage et le rôle de la formation dans la gestion de l’écart théorie/pratique.
211Une des AS se souvient qu’en retour de stage, des EAS témoignaient de la sollicitation par des IDE pour des glissements de tâches (glycémie capillaire, pose de bandes à varices) : « certains le faisaient et éprouvaient des difficultés à refuser », surtout chez les plus jeunes. Elle, grâce à son expérience antérieure d’ASH (agent de service hospitalier), se sentait capable de dire « non ». Quand elle voyait des glissements de tâches en stage, elle questionnait les AS: celles-ci se justifiaient par la valorisation de leur métier, qui se limite trop à la toilette.
212Les deux autres AS relatent que l’école « dit les textes » mais en stage, « ce sont les habitudes du service qui priment, sinon le rôle de l’aide-soignant reste très limité ». L’une d’elles ajoute: « à l’école, on nous dit de ne pas mettre de produit médicamenteux et dans les services on l’utilise, on est capable de mettre de la crème ». L’autre pense « qu’installer une alimentation entérale est à la portée de tout le monde; prendre une tension n’est pas compliqué ».
213Pour les IDE interrogées, il y a une nécessité de s’adapter aux habitudes du service. Deux d’entre elles n’ont pas identifié de glissements de tâche, car en stage les ESI prennent en charge tous les soins du patient (soins AS et soins IDE). La troisième IDE reconnaît une difficulté à se positionner et à se projeter en tant que future professionnelle.
214Quant aux apports de la formation, pour les trois AS, « l’école forme par rapport aux textes », « l’école apporte les bases de ce que l’on peut faire ou non ».
215Pour une des IDE, la formation enseigne « les limites de ce que l’IDE peut faire faire à l’AS, c’est la base ».
216Les trois IDE pensent que la notion de risque n’est pas assez approfondie. Des exercices à partir de cas concrets les auraient aidées à prendre davantage conscience des risques relatifs aux glissements de tâches. Pour une des IDE, l’apprentissage des risques se fait « au fur et à mesure, avec l’expérience, une fois diplômée »; elle aurait souhaité « des cours sur le travail de l’AS ».
217Afin d’explorer la construction de l’identité professionnelle, nous avons questionné l’évolution du positionnement par rapport aux glissements de tâches, ainsi que le cheminement de la représentation que chacun avait sur le métier de l’autre.
218Les trois AS s’accordent à dire, qu’en tant qu’élève, il n’est pas facile de refuser les glissements de tâche: « peur de l’enjeu par rapport à la note ».
219L’une reconnaît avoir fait des actes ne relevant pas de sa compétence lors des stages, mais elle ne les faisait pas lors des mises en situation professionnelle pour ne pas être pénalisée. Une fois diplômée, elle ne se « voit pas dire non à l’IDE, vu le travail qu’elle a »; elle ajoute « notre métier est trop restreint. C’est la loi qui restreint, après c’est à moi de faire ce qu’il faut pour avancer; je ne pourrais pas faire ce métier toute ma vie ».
220Pour la seconde, il lui a été plus facile d’argumenter son refus du fait de son expérience antérieure et n’a pas rencontré de difficulté sur ses notations En tant que professionnelle, elle refuse de faire un soin qu’elle n’a pas appris; elle accepte éventuellement de donner un médicament s’il n’y a pas de risque de fausses routes, ou de poser des bandes à varices, une fois que l’IDE a validé sa pratique. Pour elle, l’aide-soignante a un rôle important dans l’équipe: « c’est elle qui recueille le plus d’informations auprès du patient; elle transmet ses observations, qui doivent être pertinentes et professionnelles, elle communique avec tous les acteurs du service (médecin, kinésithérapeute, diététicienne), elle transmet par oral à l’IDE et dans les transmissions ciblées pour la traçabilité. »
221Pour la troisième, « c’est toujours bon d’apprendre », donc elle acceptait des dépassements de fonction lors de ses stages. Une fois diplômée, elle ne s’est pas questionnée sur les pratiques du service car « cela faisait partie des habitudes du service; on est intégré dans une équipe et il faut savoir coopérer ».
222Pour les IDE, il était également difficile de dire « non » aux glissements de tâches mais elles n’ont pas été confrontées vraiment au problème durant leurs études.
223L’une d’elles se mettait facilement en retrait lorsqu’elle était étudiante et n’avait pas confiance en elle après le diplôme; ainsi elle voulait tout faire elle-même, n’autorisait pas de glissement de tâche et n’était pas à l’aise pour contrôler ou demander quelque chose à l’aide-soignante : « je ne voulais pas être le chef ». Avec le temps, son positionnement s’est affirmé et à présent elle autorise des dépassements de fonction à certaines aides-soignantes selon le degré de confiance qu’elle leur accorde.
224Une autre pense que les AS ont l’impression de ne faire que des toilettes, sans bien réaliser que le nursing est un soin à part entière. De ce fait, elles se sentent valorisées en faisant d’autres soins. Ainsi, elle ne s’autorise pas à leur refuser un acte relevant de la compétence de l’IDE mais est toujours présente lors du soin. Cependant l’accès à la demande est encore plus facile quand l’AS envisage de suivre la formation en soins infirmiers, et elle ajoute que, dans ce cas, elle peut même solliciter l’AS pour des soins IDE.
225Une autre, lors de son stage en réanimation, a été impressionnée par le glissement de tâche dans ce service par rapport à la responsabilité. Une fois diplômée, cela ne lui a pas posé de problème: « je ne me suis pas posée trop de questions car cela fait partie de l’organisation du service; les internes, les médecins et les cadres sont au courant ». Elle ajoute qu’à présent, elle trouve cela « bien car cela permet à l’aide-soignante de voir autre chose que du nursing; avec le temps, on s’y habitue et c’est un gain de temps appréciable ».
226Par rapport à la représentation du métier de l’autre, dès le début de la formation, les trois AS interrogées voyaient l’IDE comme un professionnel qui « a beaucoup de responsabilités, beaucoup de travail » et qui « collabore avec le médecin ».
227L’une signale qu’en formation, « on ne parlait pas beaucoup à l’infirmière; c’est ici [dans le service] que j’ai appris à travailler avec l’infirmière ». A ce jour, elle la perçoit comme ayant un rôle plus technique et ayant plus de responsabilités que l’AS. Ce sentiment est partagé par les deux autres AS interrogées.
228Une autre ajoute qu’elle ne voudrait pas faire le métier d’infirmière, de peur de perdre la relation avec le patient: « ma fonction d’aide-soignante me plaît beaucoup et je me sens reconnue dans l’équipe à travers les observations cliniques pertinentes que je transmets ».
229Une des IDE avait comme représentation du travail de l’aide-soignante, « un boulot ingrat, celle qui change les couches, qui a les mains, passez-moi l’expression, dans le caca ». Durant la formation, elle constatait que l’IDE et l’AS travaillaient chacune de leur côté. Ce n’est qu’une fois professionnelle, qu’elle a eu un autre regard sur l’AS: « c’est un soutien, un repère lors de la prise de poste; c’est une aide en cas d’urgence ; elle donne des informations recueillies lors des toilettes: nous sommes complémentaires ».
230Une autre IDE, en arrivant en formation, n’avait aucune représentation du métier de l’AS. Elle se souvient de l’image véhiculée: l’AS ne fait « que les changes, les soins de nursing, les repas », « elles ont l’impression d’avoir le mauvais rôle, de faire les basses besognes ». Durant la formation, elle remarque que certaines IDE ne faisaient rien pour améliorer cette image, laissant les AS répondre toujours aux sonnettes. L’expérience de collaboration avec l’aide-soignante lui a montré que l’acte technique n’était pas plus valorisant qu’une toilette: « qu’est-ce qu’un soin valorisant? Tout est du soin, les dimensions sont différentes ». Une fois diplômée, dès qu’elle le peut, elle fait les toilettes avec l’AS pour leur montrer que c’est un soin à part entière et valoriser leur travail.
231La troisième IDE rencontrée avait peu de représentations en début de formation, puis durant les trois années, elle s’est rendu compte que le travail de l’AS était plus complexe que ce qu’elle imaginait : « elle apprend à observer le patient, il y a beaucoup de relationnel, elle est en avant-garde de l’IDE, c’est l’œil en plus pour l’infirmière ». Une fois diplômée, elle dit ne pas sentir de différence hiérarchique entre elle et l’AS car « en arrivant dans le service en tant que jeune diplômée, les aides-soignants nous apprennent plein d’astuces, qu’elles ont elles-mêmes appris grâce au travail en binôme ».
Analyse des résultats
232A partir des données recueillies, l’analyse vise à mesurer l’écart entre les résultats et le cadre de référence puis à rechercher les raisons possibles de cet écart.
233Cette analyse cible différentes notions, liées les unes aux autres:
- les apports de la formation initiale et les connaissances des soignants;
- la mise en œuvre de l’alternance et la gestion de l’écart entre la tâche et l’activité;
- la construction de l’identité professionnelle et le dispositif de formation;
- et enfin, la notion de risque.
La formation initiale
234Les formations infirmière et aide-soignante n’abordent pas les mêmes contenus en ce qui concerne les textes régissant les professions d’infirmier et d’aide-soignant.
235Dans la formation aide-soignante, les contenus sont plus nombreux mais restent centrés sur le rôle de l’aide-soignant, en adéquation avec le programme. Cela entraîne, chez les formés, une connaissance partielle de la profession d’infirmière, avec parfois une confusion entre le rôle propre et le rôle sur prescription. Cependant, le rappel tout au long de l’année des actes pouvant être accomplis par les aides-soignants, aboutit à une connaissance satisfaisante des limites de leur fonction. En effet, les aides-soignantes rencontrées savent identifier les glissements de tâches, à la fois durant leur formation, mais aussi une fois diplômées. Ainsi, nous pouvons dire que pour les aides-soignantes interrogées, le dépassement de fonction n’est pas lié à un manque de connaissance des actes relevant de leur compétence.
236Concernant les étudiants infirmiers, l’étude des textes porte sur la différence entre le rôle propre et le rôle sur prescription. Les actes relevant du rôle propre ne sont pas analysés en terme de répartition du travail avec l’aide-soignant, au regard de ses compétences. Ainsi les infirmières nouvellement diplômées ne connaissent pas exactement les actes qu’elles peuvent confier à un aide-soignant.
237De plus, la méconnaissance du programme de formation aide-soignante favorise une zone de flou dans cette répartition des tâches.
238En effet, il paraît difficile pour les infirmiers de travailler en collaboration avec les aides-soignants, sans la connaissance de leur formation; d’autant que l’article R. 4311-4 du CSP stipule: « Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à caractère sanitaire, social ou médico-social, l’infirmier ou l’infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d’aides-soignants […] qu’il encadre et dans la limite de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation […] ».
239Ce dispositif de formation ne correspond pas aux contenus du programme infirmier, à savoir « l’étude des fonctions [72] » et « les différentes professions de santé [73] ». D’ailleurs, les formateurs IDE reconnaissent que le module LEDROT reste à construire et que l’enseignement dispensé n’est pas satisfaisant.
240Ce décalage entre la formation IDE et AS peut provenir des textes relatifs à chaque formation. En effet, l’ancien programme de formation AS énonce assez précisément, les contenus à aborder (« exercice professionnel de l’aide-soignant […], la place de l’aide-soignant […] dans une équipe pluridisciplinaire, la responsabilité de l’aide-soignant […] [74] »), alors que le programme IDE parle des différentes professions de santé à connaître, sans spécifier un approfondissement dans la connaissance du collaborateur de l’infirmier, à savoir l’aide-soignant.
241Le nouveau programme AS centré sur les compétences, contient des objectifs plus précis, en adéquation avec l’activité: « identifier son propre champ d’intervention en particulier au regard des compétences infirmières [75] ».
242En ce qui concerne la collaboration IDE/AS, elle est enseignée sous forme de travaux de groupes, méthode pédagogique participative facilitant l’appropriation des connaissances à acquérir, car les étudiants font des recherches par eux-mêmes. Cependant, cet enseignement intervient en fin de formation pour les ESI de troisième année, qui ont eu le temps de construire du savoir lors des nombreux stages.
243Étant donné que la pratique montre souvent des déviances (glissements de tâches) et que, d’après l’enquête, les savoirs pratiques priment sur les savoirs théoriques, il semble difficile pour les formateurs de changer les représentations des apprenants à cette période du cursus de formation. De plus, la disproportion entre le nombre d’étudiants infirmiers et d’élèves aides-soignants ne favorise ni le travail en commun ni l’affirmation de sa propre identité professionnelle.
244D’autre part, un manque de connaissance des formateurs IDE, par rapport au programme de formation des AS, ne permet pas de mettre en lien les missions et rôles de l’infirmier avec ceux de l’aide-soignant. En effet, les contenus des différents cours dispensés aux étudiants infirmiers restent centrés sur le rôle de l’infirmier et n’incluent pas, de façon systématique, le rôle de l’aide-soignant. Or, comme le dit Dominique EFROS, « dans la collaboration, les individus ne réalisent pas les mêmes opérations mais travaillent sur le même objet [ici, la personne soignée] avec un but commun ». Cet aspect ne semble pas assez développé pour que les ESI puissent identifier et différencier le rôle de chacun dans la prise en charge de la personne soignée.
245Nous pouvons souligner que le terme « collaboration » ne figure ni dans le module LEDROT du programme de formation IDE, ni dans l’ancien programme de formation AS. Dans le nouveau programme AS, les objectifs de formation se déclinent toujours sur la base de la collaboration IDE/AS quels que soient les modules: « Dans le cadre du rôle propre de l’infirmier, en collaboration avec lui et sous sa responsabilité, être capable de […] ». Néanmoins, le terme « collaboration » n’apparaît pas dans les savoirs théoriques et pratiques du module 8, relatif à l’organisation des soins.
246De plus, il semble important d’ajouter que le manque de collaboration entre les formateurs IDE et AS au sein de l’institut enquêté, semble jouer un rôle important dans le cursus de formation et pourrait expliquer le fait que le plan d’enseignement du module LEDROT ne soit construit au regard des exigences de l’exercice professionnel infirmier et aide-soignant. Un cloisonnement entre les équipes de formateurs IDE et AS, entraîne une séparation des projets et contenus de formation et favoriserait l’absence de collaboration entre IDE et AS, pendant et après la formation.
247Concernant la notion de responsabilité, les nouveaux diplômés (IDE et AS) possèdent des connaissances assez floues. Hormis le fait que l’aide-soignant travaille sous la responsabilité de l’infirmier, les risques juridiques en cas de glissements de tâches ne sont pas clairement identifiés.
248Les cas de jurisprudence étudiés en formation IDE concernent uniquement les glissements de tâches du médecin vers l’IDE, ce qui ne permet pas aux étudiants de prendre conscience du risque pénal encouru en cas de dépassements de fonction de l’aide-soignant.
249L’enquête montre que les professionnels nouvellement diplômés priorisent l’adaptation aux habitudes du service, plutôt qu’un positionnement respectueux de la législation. Cette attitude peut s’expliquer au regard de la théorie de Claude DUBAR à propos de l’articulation des deux processus identitaires (identité pour soi et identité pour Autrui) : en cas d’écart entre ces deux identités, les individus mettent au point des stratégies identitaires pour réduire les désaccords entre celles-ci.
250Ici, nous ne savons pas si l’adaptation aux habitudes du service relève ou non d’une stratégie identitaire, car, d’après les entretiens, l’identité pour soi, en terme de positionnement dans le respect des normes légales, ne semble pas vraiment construite au cours de la formation initiale. Les soignants interrogés ne montrent pas de rupture entre l’identité pour soi et l’identité pour Autrui, alors que le décalage entre la loi et les pratiques existe. Ceci m’amène à dire qu’il existe un lien entre l’identité professionnelle et la notion de responsabilité.
251Bien que les IDE se sachent responsables du travail de l’AS, leur positionnement vis-à-vis du glissement de tâche se fonde principalement sur la notion de risque encouru pour le patient. En effet, l’enquête corrobore l’existence d’une hiérarchisation informelle dans les tâches, avec les gestes supposés ne pas nuire à la personne soignée, et ceux potentiellement dangereux pour elle. Toutes les AS et les IDE interrogées tentent de maîtriser ce risque, tout en reconnaissant que dans l’action, elles n’ont pas le temps d’analyser complètement la situation. Idéalement, la prise de décision devrait se prendre uniquement au regard des textes légiférant les deux professions, ce qui suppose de bien les connaître et de les avoir compris. Mais d’autres facteurs, comme les stratégies d’acteurs, ou l’écart entre le travail réel et le travail prescrit, influencent la prise de décision. Nous reparlerons de ces aspects en abordant ultérieurement l’alternance et la construction de l’identité professionnelle.
252En terme d’évaluation, l’outil de planification est pratiquement le seul moyen utilisé pour évaluer le respect du champ de compétence de chacun.
253Les textes relatifs à la formation infirmière et les critères de la grille d’évaluation de stage des étudiants en soins infirmiers sont peu explicites par rapport à la connaissance et au respect des limites de la fonction d’aide-soignant. Pour la formation infirmière, seule la grille de mise en situation professionnelle (MSP) présente des indicateurs et des critères d’évaluation précis, mais où néanmoins, le terme « limites de la fonction d’aide-soignant » n’apparaît pas.
254A contrario, la grille d’évaluation de stage des élèves aides-soignants et la nouvelle grille d’évaluation des compétences en stage comportent un critère clairement défini, relatif à la connaissance et au respect des limites de sa fonction.
255Avec une approche par les compétences, le nouveau programme de formation AS précise le niveau d’acquisition à atteindre, ainsi que les limites d’exigence pour chaque module, y compris celui relatif à l’organisation du travail. Les limites du champ de compétences des différentes professions de santé font partie des savoirs théoriques du module 8 et en terme d’évaluation, un des critères attendus est la capacité à expliquer « qui sont les membres de l’équipe, quel est son positionnement dans l’équipe et les limites de son champ d’intervention ».
256Là encore, nous observons que le référentiel de formation joue un rôle déterminant dans la mise en œuvre du dispositif de formation au sein des instituts. Le sujet de l’enquête n’a pas permis d’aborder la question de l’évaluation de stage par les professionnels encadrant les apprenants. Toutefois, il serait intéressant de savoir comment les soignants renseignent les différents critères des feuilles de stage et le niveau d’exigence de chacun. En effet, ne peuvent-ils pas éprouver des difficultés ou de la gêne à évaluer un critère comme « respect des limites de l’AS », quand eux-mêmes pratiquent des glissements de tâches?
L’alternance et la gestion de l’écart entre la tâche et l’activité
257Lors des entretiens nous avons abordé l’alternance au travers des objectifs de stage, des bilans de retour de stage et au travers du rôle de la formation dans la gestion de l’écart entre théorie et pratique.
258Il apparaît que les objectifs de stages ne ciblent pas l’apprentissage de la collaboration et de la législation. Or, selon Philippe PERRENOUD, les apprenants construisent du savoir en stage et s’il n’existe pas d’articulation entre la théorie et la pratique, l’alternance peut rester vide de sens. D’après les entretiens, les apprenants constatent le décalage entre « la règle » et les pratiques professionnelles. En l’absence d’objectifs de stages ciblés sur le thème « collaboration, organisation du travail, réglementation », les apprenants restent dans le constat, sans chercher à savoir ce qui pousse les soignants vers la déviance. Ils restent ainsi dans une position d’observateur passif plutôt que de « chercheur », se privant d’un travail réflexif, nécessaire dans tout dispositif de formation en alternance (André GEAY).
259De retour à l’institut de formation, les bilans de retour de stage leur permettent essentiellement de verbaliser leur vécu. Ils témoignent de leur difficulté à se projeter en tant que futurs professionnels respectueux des textes législatifs, et ajoutent que l’écart par rapport à la norme leur paraît inévitable, du fait de l’organisation du travail et des habitudes des services observées en stage.
260Cette étape de verbalisation est indispensable pour transformer l’expérience en savoir, mais insuffisante pour faire le lien entre les deux logiques décrites par André GEAY: la logique du discours et la logique des pratiques. La logique d’apprentissage inversée qu’il préconise dans une formation en alternance, afin de créer du sens dans l’action, n’existe pas dans l’institut de formation enquêté. En effet, les étudiants ne sont pas amenés à analyser leurs pratiques ni à se questionner sur des problématiques de stage.
261Or, pour réduire l’écart de représentation entre savoir et savoir-faire et construire des compétences transférables, le dispositif de formation se doit de construire des situations de formation à partir de situations de travail. L’apprenant a besoin de déconstruire et reconstruire ses connaissances pour se forger son identité professionnelle et donc son positionnement.
262Pour reprendre les termes d’Annie GOUDEAUX, nous pouvons dire que les formateurs permettent aux apprenants d’avoir accès au « comment il a fait » mais pas au « pourquoi il l’a fait » ni au « comment faire autrement ». En effet, ils favorisent l’expression des difficultés, mais pas la confrontation à d’autres points de vue, ni l’analyse de situations-problèmes. Or, l’apprentissage de l’identité professionnelle nécessite, selon Etienne BOURGEOIS, un « espace protégé » permettant à l’apprenant d’expérimenter de nouvelles manières « de voir le monde et d’agir », « d’analyser les conséquences de celles-ci dans l’action » et de développer une « pensée critique personnelle ».
263L’absence de telles pratiques peut être mise en lien avec plusieurs insuffisances: manque de construction du module LEDROT et d’objectifs de stage spécifiques à l’organisation du travail entre IDE/AS, absence de stages communs entre infirmiers et aides-soignants. L’enquête ne nous permet pas d’expliquer ces défaillances, mais il serait intéressant d’en rechercher les raisons.
264Concernant l’écart entre la tâche et l’activité, les professionnels se souviennent avoir été sollicités pour des glissements de tâches lors de leurs stages. De plus, certains services appellent les formateurs AS pour savoir quels actes peuvent être confiés à l’EAS.
265De ce point de vue, il apparaît que la dimension institutionnelle de partenariat préconisée par André GEAY reste insuffisante. L’auteur affirme la nécessité d’un engagement des deux institutions dans un projet commun. A priori, celui-ci n’étant pas efficient, cela entraîne des sollicitations de la part de certains professionnels, qui vont à l’encontre des pratiques à enseigner. Pourtant, un formateur précise que la direction des soins de l’hôpital enquêté a demandé à l’institut de formation de revoir l’enseignement de la collaboration, en constatant la disparition du travail en binôme et montrant ainsi un besoin de la part des services de soins.
266Dans ce cas, nous pouvons nous interroger sur le rôle des services de soins dans la formation. En effet, l’alternance nécessite une relation de partenariat entre l’institut de formation et les services de soins car ils sont co-responsables de la formation. Mais qu’en est-il du projet commun? Nous pouvons supposer qu’il existe un travail de partenariat entre les services de soins et l’institut de formation, mais l’enquête ne nous permet pas d’en connaître le contenu ni les objectifs. Cependant, cet aspect représente un véritable enjeu pour l’avenir de la formation, comme le souligne André GEAY.
267L’écart entre la tâche et l’activité est reconnu par tous, formateurs et apprenants. Cependant, les situations rencontrées en stage ne sont pas mises en lien avec le travail d’ajustement, incontournable dans l’organisation du travail réel. En effet, Christophe DEJOURS démontre que l’adaptation au travail réel nécessite une interprétation des différentes situations et un compromis entre les différents acteurs face à la multiplicité des interprétations possibles. Or, ce compromis semble implicite dans les équipes mais jamais explicite, car les glissements de tâche sont vécus soit comme une faute, soit comme une habitude de service, par les professionnels qui les pratiquent. Les soignants reconnaissent ne jamais les aborder en équipe et les faire parfois à l’insu du cadre du service. Cet écart à la norme, reste donc très difficile à aborder et pour les soignants, en parler reviendrait à s’exposer à des sanctions, à la fois pénales et disciplinaires.
268Ce constat contribue à expliquer le manque d’analyse de situations au sein de cet institut de formation, qui se limite à rappeler la loi, sans aller vraiment au cœur du problème. Mais, aller plus loin sous-entend de soulever plusieurs problématiques qui ne sont pas toujours du ressort de la formation, tels que les stratégies d’acteurs, la pénurie de personnel infirmier, le manque de connaissances des fiches de postes, la tolérance de la déviance dans certains services de soins, etc. Il serait néanmoins intéressant de se questionner avec des professionnels sur ces pratiques illégales et les faire participer à des analyses de situations-problèmes avec les apprenants (infirmiers et aides-soignants). Mais ces pratiques illégales sont, comme le souligne Christophe DEJOURS, soit tolérées mais de façon tacite, soit traquées, entraînant une peur d’être pris en faute. Ceci rend donc difficile l’accès au débat de façon ouverte et constructive.
269Confronté à diverses interprétations, l’apprenant risque de reproduire des pratiques déviantes qu’il n’aura pas analysées. Sans questionnement, il ne pourra développer ni regard critique ni prise de position autonome.
270Le glissement de tâche étant en lien avec l’organisation du travail, l’enquête montre que la répartition du travail entre IDE et AS est assurée par l’infirmière. Toutefois, les jeunes professionnels rencontrent des difficultés en terme de positionnement: certains ne se voient pas rejeter un dépassement de fonction, d’autres trouvent des prétextes détournés pour refuser un glissement de tâches. Ces attitudes confirment l’importance d’acquérir la force de caractère et le tact nécessaires pour respecter et faire respecter ses propres limites, tout en maintenant un climat de travail serein, comme le précise Michel BILLAUD, docteur en droit. Le positionnement, que l’on peut définir comme un ajustement permanent entre les exigences législatives et les attentes et valeurs de chacun, semble poser problème pour les nouveaux diplômés. Selon Catherine BELIN, « se positionner, c’est évacuer le flou »; donc, agir sur le positionnement nécessite de travailler sur les textes législatifs pour les clarifier, mais aussi améliorer la communication et l’affirmation de soi.
271En effet, Christophe DEJOURS souligne que l’organisation réelle du travail est un « produit des rapports sociaux » et le sociologue Gilbert de TERSSAC définit le travail comme « une construction sociale négociée ». Un travail réflexif sur la façon de se positionner s’avère donc nécessaire, puisqu’en situation réelle, les acteurs devront s’ajuster à l’activité et trouver des compromis, tout en préservant l’homogénéité de l’équipe.
272L’enquête n’aborde pas le thème de la communication ni de l’affirmation de soi, mais il serait intéressant de s’interroger sur sa mise en pratique lors des stages.
La construction de l’identité professionnelle et le dispositif de formation
273Les questions relatives au cheminement du positionnement concernant le glissement de tâches et aux représentations de chaque profession apportent un éclairage sur la construction de l’identité professionnelle lors de la formation.
274Lors de l’entrée en institut de formation, les représentations des apprenants concernant leur futur métier et celui de leur partenaire de travail sont assez limitées. L’infirmière est perçue comme une technicienne de soins assumant des responsabilités. Quant à l’aide-soignant, ses fonctions sont réduites à des tâches de subordination, comme la toilette ou les changes.
275L’enquête montre que les élèves aides-soignants et les étudiants infirmiers ne travaillent pas en collaboration durant la formation. Les EAS sont encadrés uniquement par les aides-soignants, et durant la première année de formation, il en est de même pour les étudiants infirmiers.
276A partir de la deuxième année, alors que le nombre de patients pris en charge augmente, les ESI continuent à assurer des soins qui pourraient être confiés à l’aide-soignant. Au lieu d’expérimenter la collaboration, ils sont confrontés à une gestion difficile et à des conditions de travail qui ne reflètent pas la réalité qu’ils connaîtront après le diplôme. Ils peuvent se forger progressivement une image plutôt négative de l’AS et ressentir un enjeu de pouvoir. Ce sentiment peut s’expliquer selon la théorie de Renaud SAINSAULIEU: pour lui, le travailleur est un acteur stratégique capable de déployer des « tactiques » en vue d’accéder au pouvoir. Des aides-soignants peu reconnus dans leurs compétences peuvent développer ce type de stratégies. De telles expériences nuisent à la construction de l’identité professionnelle des étudiants infirmiers et ne les préparent pas au travail réel de l’infirmière.
277Quant à l’identité professionnelle des aides-soignants, elle est variable selon les personnes. L’enquête montre que le positionnement à l’égard des glissements de tâches est influencé par les représentations que les acteurs ont de leurs actes. Plus l’aide-soignante aura une identité professionnelle marquée, moins elle aspirera à pratiquer des actes infirmiers.
278En effet, l’AS qui a une image réductrice de sa fonction (« notre métier est trop restreint ») se propose d’accomplir des actes infirmiers (glycémie capillaire ou l’ablation d’une perfusion intraveineuse), alors qu’une autre AS, avec une image plus positive de son métier et une affirmation marquée de sa spécificité (« [l’AS] c’est elle qui recueille le plus d’informations auprès du patient; elle transmet ses observations, qui doivent être pertinentes et professionnelles […] ») aspire moins à dépasser ses fonctions. Ce constat corrobore la théorie selon laquelle l’identité se restructure constamment en fonction des représentations de chacun (Jean-Marie BARBIER).
279Nous avons vu aussi que, selon Claude DUBAR, l’identité pour soi est fortement influencée par le regard de l’Autre et le mode de reconnaissance des institutions. D’après l’enquête, si chaque catégorie d’apprenants (infirmier et aide-soignant) connaît ses missions et rôles au sein de l’équipe pluridisciplinaire en fin de cursus de formation, il n’en demeure pas moins, que la connaissance mutuelle reste limitée.
280Cela peut avoir deux conséquences sur le glissement de tâches: d’une part, l’AS ne se sentant pas reconnue dans ses compétences, cherchera à pratiquer des actes infirmiers estimés plus valorisants; d’autre part, l’infirmier ne connaissant pas suffisamment les limites des compétences des aides-soignants, aura soit des difficultés à se positionner face à l’aide-soignante demandeuse de dépassement de fonction, soit sollicitera une aide-soignante pour des actes ne relevant pas de ses compétences.
281Le glissement de tâche de l’infirmier vers l’aide-soignant est donc lié, en partie, à la reconnaissance du travail de l’aide-soignant, de sa place et du rôle qu’il joue au sein de l’équipe pluridisciplinaire.
282L’enquête montre que les étudiants infirmiers sont demandeurs de cours en commun avec les élèves aides-soignants et qu’ils aimeraient mieux connaître le travail de l’aide-soignant. Cette demande peut être reliée à l’identité professionnelle. En référence à Claude DUBAR, on peut supposer que l’identité visée est en décalage avec l’identité héritée (durant les stages) et connaître les aides-soignants par d’autres moyens que les stages, permettrait aux ESI de réduire ce déséquilibre. En s’appuyant sur les théories de BOURGEOIS et NIZET, on peut dire que répondre à cette demande favoriserait l’apprentissage d’une nouvelle identité professionnelle, car elle transformerait la structure initiale (les représentations à l’entrée en formation) en une structure nouvelle (connaissances des rôles et compétences de chacun).
283Pour terminer l’analyse relative à l’identité professionnelle, il est important de souligner que les jeunes diplômés se souviennent de leur difficulté de positionnement sur les lieux de stage, en tant qu’apprenant. En effet, la position d’étudiant ou d’élève et l’enjeu de la note influent sur leur comportement. Ils ne se sentent pas toujours légitimes pour refuser certaines pratiques illégales et privilégient l’adaptation aux habitudes du service pour mieux s’intégrer. De telles attitudes, certes légitimes, nuisent à la construction d’une identité professionnelle affirmée, entraînent des difficultés de positionnement et une prise de risque non identifiée, se poursuivant une fois diplômé.
La notion de risque
284La notion de risque est systématiquement évoquée par les soignants interrogés, lorsqu’ils se justifient par rapport à l’accomplissement de glissement de tâches. L’enquête montre que cette évaluation des risques reste uniquement centrée sur le patient et qu’elle se fait dans l’action, sans prise de recul, ni temps de réflexion. Les réponses recueillies confirment que la déviance est d’abord vue comme un bénéfice plutôt qu’un risque: les soignants l’expliquent comme une adaptation à la charge de travail (travail réel) pour répondre plus rapidement aux besoins des patients lorsque l’infirmière est trop occupée.
285Ce constat prouve que les soignants n’agissent pas au hasard et qu’ils ont leurs propres critères pour prendre la décision de faire ou ne pas faire un acte ne relevant pas de leur compétence. Cependant, l’évaluation reste subjective, rapide et non abordée en équipe. Ainsi, l’AS travaillant en service de réanimation évalue un risque pratiquement nul par rapport au branchement de l’alimentation entérale, bien que la position correcte de la sonde naso-gastrique soit vérifiée quatre heures auparavant par l’IDE. Malgré le questionnement, cette aide-soignante a des difficultés à imaginer que des problèmes de fausses routes puissent survenir.
286Lors des entretiens, certains soignants reconnaissent ne pas envisager tous les risques possibles, l’habitude entravant une pensée réflexive.
287D’autre part, il est intéressant de constater qu’à aucun moment, les soignants ne pensent aux risques qu’ils encourent pour eux-mêmes. En évoquant lors des entretiens un risque d’accident exposant au sang, les jeunes professionnels reconnaissent ne pas y avoir pensé. Lors des échanges, ils prennent tout de suite conscience de leur « sous-évaluation » des risques et se sentent mal à l’aise par rapport à certaines pratiques déviantes. En les interrogeant sur la formation, ils disent ne pas avoir été sensibilisés à cet aspect durant leurs études.
288Cela m’amène à penser que les apprenants n’ont pas intégré le fait que la juridiction qui encadre les professions de santé et codifie les rapports entre professionnels a un double objectif: assurer la protection du patient mais aussi celle des acteurs de soins. Les professionnels s’intéressent uniquement aux risques pour le patient, mais ne se protègent pas eux-mêmes.
289Cependant, il est intéressant de remarquer que l’ANAES ne différencie pas ces deux aspects et reste générale dans ses recommandations: « lorsqu’une tâche est effectuée par une personne n’ayant pas la qualification requise, la sécurité peut être mise en jeu », « il est important que chacun prenne conscience des risques liés aux écarts qu’il décide par rapport à la bonne pratique, et fasse un travail personnel pour se mobiliser par rapport au risque ». Ces termes sous-entendent certainement la sécurité des patients, mais quid de celle du personnel?
Synthèse
290Les entretiens montrent que les aides-soignants ont intégré la connaissance des limites de leur fonction durant la formation initiale. En revanche, les infirmiers n’identifient pas clairement les compétences de l’aide-soignant ni les actes qu’ils peuvent lui confier.
291Nous observons chez les jeunes diplômés, un manque de connaissance et de questionnement par rapport au cadre légal et aux risques encourus, pour le patient, pour l’équipe et surtout pour eux-mêmes (accident, poursuite pénale, etc.).
292Différentes raisons peuvent expliquer ces lacunes. Au niveau de la formation initiale, nous constatons, une analyse insuffisante du « rôle propre » en lien avec l’activité des aides-soignants, une absence d’information sur le programme de formation des aides-soignants, l’inexistence d’objectifs de stage relatifs à la collaboration IDE/AS, l’absence d’analyse de situations, un cloisonnement ESI/EAS et entre formateurs IDE/AS, etc. D’autre part, l’enquête montre que les savoirs acquis en stage priment sur les apports théoriques, le service de soins étant la situation réelle de travail. Compte tenu de l’existence de glissements de tâches dans les services, les apprenants risquent de les assimiler à la norme ou du moins, à un écart incontournable.
293Cet impact insuffisant de la formation initiale sur le positionnement des jeunes professionnels en ce qui concerne le glissement de tâches de l’infirmier vers l’aide-soignant, facilite ou accentue les stratégies des acteurs au travail.
294Les aides-soignantes considérant qu’elles ont des tâches moins prestigieuses que les infirmières (« le dirty work », A-M. ARBORIO, 2001), aspirent à pratiquer des dépassements de fonction, de façon inversement proportionnelle à l’affirmation de leur identité professionnelle.
295Quant aux infirmières, l’enquête montre qu’elles peuvent cautionner ces pratiques pour plusieurs raisons: manque de connaissance des compétences aides-soignantes, difficulté à s’affirmer sans nuire à l’homogénéité de l’équipe, désir de continuer à être soulagées du « sale boulot », les amenant à partager une partie de leurs actes (Everett HUGHES).
296En terme d’évaluation des risques, les professionnels ont tendance à les négliger: ceux pour le patient sont rapidement évalués dans l’action, et ceux pour eux-mêmes sont totalement oubliés.
297Ces pratiques posent le problème de la sécurité, de la responsabilité, de la qualité des soins, de la reconnaissance au travail.
Conclusion
298Il serait utopique de croire que les glissements de tâches puissent disparaître, compte tenu de l’écart irréductible entre le travail prescrit et le travail réel. Les soignants, dans leur activité, répondent toujours à plusieurs prescriptions et trouvent des compromis pour tenter d’y répondre au mieux.
299Les situations réelles étant multiples, complexes et singulières, formaliser le réel serait un vaste chantier. Néanmoins cela permettrait de mieux comprendre l’activité, de pointer les glissements de tâches les plus fréquents et d’identifier les risques encourus pour le patient et pour le soignant. Ainsi, serait-il possible de faire évoluer la réglementation et d’envisager que certains actes puissent être pratiqués légalement par un aide-soignant?
300S’en tenir à la prescription risque d’accroître le décalage théorie/pratique, alors que mettre en débat la prescription aiderait les soignants dans une réflexion, au lieu de les enfermer dans des non-dits où chacun agit selon sa subjectivité sans s’enrichir de la réflexion de l’autre.
301Quant à la formation initiale, les témoignages montrent que les connaissances ne suffisent pas pour appréhender les enjeux des situations de travail. Si le travail réel n’est pas pris en compte, l’étudiant ne pourra comprendre ce que l’on attend de lui et restera sur les apparences des tâches. De plus, il apparaît que les apprenants accordent plus d’importance aux savoirs acquis en stage qu’aux apports théoriques. De façon plus ou moins consciente, ils perçoivent que l’écart entre la théorie et la pratique nécessite d’être comblé par l’intelligence et l’inventivité des professionnels en situation réelle de travail.
302Le travail en partenariat école/stage prend ici tout son sens: les professionnels renseignent sur les ajustements nécessaires en situation de travail (« comment » et « pourquoi » ils prennent telle décision); les formateurs guident les étudiants dans l’exploitation de ces situations-problèmes (analyse des choix, identification des savoirs sous-tendus, expérimentation d’autres manières de faire, etc.). Ce binôme complémentaire tend à réduire la dichotomie théorie/pratique, qui nuit souvent à l’appropriation et au transfert des connaissances par les apprenants.
303Ainsi, l’un des enjeux actuels du formateur est d’accompagner les apprenants dans un travail réflexif sur les situations de stage afin de leur apprendre à raisonner et à agir dans des situations à la fois complexes et singulières.
Ouvrages
- ARBORIO Anne-Marie. Un personnel invisible: les aides-soignants à l’hôpital. Paris: Anthropos, 2001, collection « Sociologiques », 334 p.
- BOISSIER-RAMBAUD Claude. Responsabilités juridiques et fonctions de l’aide-soignant et de l’auxiliaire de puériculture. Rueil-Malmaison: Lamarre, 2004, 5e édition, collection « Droit et pratique du soin », 260 p.
- COUSINET Roger. Pédagogie de l’apprentissage. Paris: PUF, 1959, p.125.
- DEJOURS Christophe. Travail, usure mentale. Paris: Bayard, 2001, 280 p.
- DE MONTMOLLIN Maurice. L’ergonomie. Paris: La Découverte, 1986, 125 p. (Repères, n°43)
- DUBAR Claude. La socialisation: construction des identités sociales et professionnelles. 3e éd. Paris: Armand Colin, 2000, 255 p.
- GÉRACFAS (sous la dir. de). VAE aide-soignant, module de formation obligatoire, validation des acquis de l’expérience pour l’obtention du DPAS. Paris: Masson, 2005, 114 p.
Articles de périodiques
- AMIAR Latifa. Un espace pédagogique réflexif pour les cadres formateurs. Objectif Soins, 11/2005, n°140, pp.15-17
- BARBIER Jean-Marie. De l’usage de la notion d’identité en recherche, notamment dans le domaine de la formation. Éducation permanente, 03/1996, n°128, pp.11-26
- BELIN Catherine, FRANÇOIS Marie-Christine. Le positionnement du cadre infirmier. Soins cadres, 2e trimestre 2000, n°34, p.34
- BOITTIN Isabelle. Étudiants en soins infirmiers de deuxième année crise identitaire « la mise à l’épreuve des motivations ». Recherche en soins infirmiers, 03/2002, n°68, pp.66-91
- BOURGEOIS Etienne. Identité et apprentissage. Éducation permanente, 03/1996, n°128, pp.27-35
- D’AMOUR Danielle. In: TREMBLAY Jacques et GAGNON Lisette. Travailler ensemble en réadaptation, une expérience de transdisciplinarité de collaboration. Soins Cadres, n°49, 02/2004, pp.30-34
- EFROS Dominique. Travailler en équipe, de quelle équipe et de quel travail parle-t-on? Soins cadres, 02/2004, n°49, pp.26-29
- GEAY André. L’alternance éducative. In. Actualité de la formation permanente, 11-12/1991, n°115, pp.6-9
- GEAY André. Pour une didactique de l’alternance. Éducation permanente n°115, 02/1993, pp.79-88
- GOUDEAUX Annie. A propos de la formation initiale et continue des personnels soignants hospitaliers: travail réel et formation en alternance. Recherche en soins infirmiers, 09/1998, n°54, pp.17- 65
- JACOBI Danièle. Le rôle du stage dans la construction de l’identité professionnelle. Soins formation – pédagogie – encadrement, 2e trimestre 1993, n°6, pp. 22-24
- PUTOT Jean-François. Approche juridique : extrait d’un support pédagogique. L’aide-soignante, 11/2001, n°31, p.23
Textes de loi
- Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Journal Officiel de la République Française, 14 juillet 1983.
- Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière. Journal officiel de la République Française, 2 août 1991.
- Ordonnance n°93-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée. Journal officiel de la République Française, 25 avril 1996.
- Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V du Code de la Santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code. Journal officiel de la République Française, n°183, 8 août 2004.
- Arrêté du 6 septembre 2001 modifié relatif à l’évaluation continue des connaissances et des aptitudes acquises au cours des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier. Titre 1er, art.2. Journal officiel de la République Française, n° 223, 26 septembre 2001.
- Arrêté du 28 septembre 2001 modifiant l’annexe à l’arrêté du 23 mars 1992 relatif au programme des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier. Journal officiel de la République Française, n° 230, 4 Octobre 2001.
- Arrêté du 5 janvier 2004 modifiant l’arrêté du 22 juillet 1994 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant et au diplôme professionnel d’auxiliaire de puériculture. Journal officiel de la République Française, n°29, 4 février 2004.
- Arrêté du 25 janvier 2005 modifié relatif aux modalités d’organisation de la validation des acquis de l’expérience pour l’obtention du diplôme professionnel d’aide soignant. Journal officiel de la République Française, n°28, 3 février 2005.
- Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant. Journal officiel de la République Française, n° 264,13 novembre 2005.
- Circulaire DGS/PS3/DH/FH1 n°96-31 du 19 janvier 1996 relative au rôle et aux missions des aides-soignants et des auxiliaires de puériculture dans les établissements hospitaliers.
Documents électroniques
- DURAND Charlaine. L’alternance comme dispositif d’apprentissage, 07/2003, 6 p. Disponible sur <http://www.cadredesante.com/spip/article.php3?id_article=143c> (consulté le 20/03/2006)
- MINISTÈRE DE LA SANTE. Soins infirmiers : normes de qualité, aspects généraux de l’exercice professionnel, norme 2: la collaboration avec les aides-soignantes […]. Guide du service de soins infirmiers, 2ème édition, 11/2001. Disponible sur <http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/soins_inf/normes/aspects.htm> (consulté le 22/03/2006)
Documents
- ANAES. Manuel d’accréditation des établissements de santé. Deuxième procédure d’accréditation, septembre 2004, 131 p.
- ANAES. Principes méthodologiques pour la gestion des risques en établissement de santé, janvier 2003, 110 p.
Mémoires
- IRLES-HUREL Dorothée. Avis de glissements de tâches sur l’hôpital: qu’est-ce qui pousse les soignants hors du cadre légal? Mémoire de Cadre de santé: Institut de Formation des Cadres de Santé de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, 2004, 68 p.
- MICHAUD Stéphane. Les glissements de tâches des infirmiers vers les aides-soignants : quelle stratégie le directeur des soins peut-il adopter? Mémoire de Directeur des soins: École Nationale de Santé Publique de Rennes, 2004, 51 p.
Mots-clés éditeurs : glissement de tâches, aide-soignante, infirmière, responsabilité, réglementation, formation initiale
Date de mise en ligne : 11/01/2014
https://doi.org/10.3917/rsi.092.0068Notes
-
[1]
Lire partout infirmier, infirmière.
-
[2]
Lire partout aide-soignant, aide-soignante.
-
[3]
Apprenant au sens d’étudiant en soins infirmiers ou d’élève aide-soignant.
-
[4]
Les aides-soignants entrés en formation en 2006 peuvent mesurer la pression artérielle, conformément au nouveau programme de formation (Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant).
-
[5]
Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière.
-
[6]
Ordonnance n°93-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée.
-
[7]
ANAES. Manuel d’accréditation des établissements de santé. Deuxième procédure d’accréditation, septembre 2004, p.104.
-
[8]
ANAES. Principes méthodologiques pour la gestion des risques en établissement de santé, janvier 2003, p.68
-
[9]
Ibid. p.18.
-
[10]
ANAES. Principes méthodologiques pour la gestion des risques en établissement de santé. Op. Cit. p.48.
-
[11]
Ibid. p.24.
-
[12]
MICHAUD Stéphane, Les glissements de tâches des infirmiers vers les aides-soignants: quelle stratégie le directeur des soins peut-il adopter? Mémoire de Directeur des soins: École Nationale de Santé Publique de Rennes, 2004, 51 p.
IRLES-HUREL Dorothée, Avis de glissements de tâches sur l’hôpital: qu’est-ce qui pousse les soignants hors du cadre légal? Mémoire de Cadre de santé: Institut de Formation des Cadres de Santé de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, 2004, 68 p. -
[13]
ARBORIO Anne-Marie. Un personnel invisible: les aides-soignants à l’hôpital. Paris: Anthropos, 2001, collection « Sociologiques », p.137.
-
[14]
Annexe à l’arrêté du 28 septembre 2001 modifiant l’annexe à l’arrêté du 23 mars 1992 relatif au programme des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier.
-
[15]
Ibid.
-
[16]
DURAND Charlaine. L’alternance comme dispositif d’apprentissage, 07/2003, p 3. <cadredesante.com>.
-
[17]
Arrêté du 6 septembre 2001 modifié relatif à l’évaluation continue des connaissances et des aptitudes acquises au cours des études conduisant au diplôme d’État d’infirmier. Titre 1er, art.2.
-
[18]
Grille d’évaluation de stage des étudiants en soins infirmiers.
-
[19]
Grille d’évaluation de mise en situation professionnelle des étudiants en soins infirmiers, DRASSIF.
-
[20]
Annexe à l’arrêté du 5 janvier 2004 modifiant l’arrêté du 22 juillet 1994 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant et au diplôme professionnel d’auxiliaire de puériculture.
-
[21]
Annexe à l’arrêté du 5 janvier 2004 modifiant l’arrêté du 22 juillet 1994. Op. Cit. p.4
-
[22]
Grille d’évaluation de stage des élèves aides-soignants (avant janvier 2006)
-
[23]
Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant
-
[24]
Ibid. Annexe I
-
[25]
Arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d’organisation de la validation des acquis de l’expérience pour l’obtention du diplôme professionnel d’aide-soignant, annexe IV
-
[26]
Ibid. Annexe V
-
[27]
Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant. Op. Cit. Annexe I
-
[28]
Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant. Op. Cit. Annexe I.
-
[29]
Ibid. Annexe II: Diplôme professionnel d’aide-soignant, évaluation des compétences en stage.
-
[30]
PERRENOUD Philippe. Articulation théorie et pratique et formation de praticiens réflexifs en alternance.
In: DURAND Charlaine. L’alternance comme dispositif d’apprentissage, 07/2003. Disponible sur
<http://www.cadredesante.com/spip/article.php3?id_article=143c> (consulté le 20/03/2006) -
[31]
GEAY André. Pour une didactique de l’alternance. Éducation permanente n°115, 02/1993, p.81.
-
[32]
GOUDEAUX Annie. A propos de la formation initiale et continue des personnels soignants hospitaliers: travail réel et formation en alternance. Recherche en soins infirmiers, n°54, 09/1998, p.33.
-
[33]
Ibid. p.46.
-
[34]
GEAY André. L’alternance éducative. In. Actualité de la formation Permanente, 11-12/1991, n°115, pp.6-9.
-
[35]
Ibid. p.8: « L’interface c’est ce qui rompt le face à face, c’est le système qui met en relation deux autres systèmes ».
-
[36]
AMIAR Latifa. Un espace pédagogique réflexif pour les cadres formateurs. Objectif Soins, 11/2005, n°140, pp.15-17.
-
[37]
ERIKSON Erik H., Adolescence et crise: la quête de l’identité, Flammarion, 1978. In: JACOBI Danièle, Le rôle du stage dans la construction de l’identité professionnelle. Soins formation – pédagogie – encadrement, 2e trimestre 1993, n°6, pp.22-24.
-
[38]
DUBAR Claude. La socialisation: construction des identités sociales et professionnelles. 3e éd. Paris: Armand Colin, 2000, pp.31-32.
-
[39]
Ibid. p.32.
-
[40]
Ibid.
-
[41]
BOITTIN Isabelle. Étudiants en soins infirmiers de deuxième année, crise identitaire « la mise à l’épreuve des motivations ». Recherche en soins infirmiers, 03/2002, n°68, pp.66-91.
-
[42]
BARBIER Jean-Marie. De l’usage de la notion d’identité en recherche, notamment dans le domaine de la formation. Éducation permanente, 03/1996, n°128, p.16
-
[43]
BOURGEOIS Etienne. Identité et apprentissage. Éducation permanente, 03/1996, n°128, p.30
-
[44]
DUBAR Claude. Op. Cit. pp.140-141
-
[45]
DUBAR Claude. Op. Cit p.119.
-
[46]
Ibid. pp.108-113.
-
[47]
Ibid. p.108.
-
[48]
BOURGEOIS Etienne et NIZET Jean. Apprentissage et formation des adultes. Paris: Puf, 1996. In: BOURGEOIS Etienne. Op. Cit. p.28.
-
[49]
BOURGEOIS Etienne. Identité et apprentissage. Op. Cit. pp.33-34.
-
[50]
BOURGEOIS Etienne. Identité et apprentissage. Op. Cit. p.34.
-
[51]
BELIN Catherine et FRANÇOIS Marie-Christine. Le positionnement du cadre infirmier. Soins cadres, 2ème trimestre 2000, n°34, p. 34.
-
[52]
Décret 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier.
-
[53]
Décret 2004-802 du 29 juillet 2004. Op. Cit.
-
[54]
D’AMOUR Danielle. In TREMBLAY Jacques et GAGNON Lisette. Travailler ensemble en réadaptation, une expérience de transdisciplinarité de collaboration. Soins Cadres, n°49, 02/2004, p.30.
-
[55]
EFROS Dominique. Travailler en équipe, de quelle équipe et de quel travail parle-t-on? Soins cadres, 02/2004, n°49, p.27.
-
[56]
Ministère de la santé. Soins infirmiers: normes de qualité, aspects généraux de l’exercice professionnel, norme 2: la collaboration avec les aides-soignantes […]. Guide du service de soins infirmiers, 2ème édition, 11/2001.
Disponible sur <http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/soins_inf/normes/aspects.htm> (consulté le 22/03/2006) -
[57]
PUTOT Jean-François. Approche juridique: extrait d’un support pédagogique. L’aide-soignante, 11/2001, n°31, p.23.
-
[58]
Code de la Santé publique - Quatrième partie: professions de santé - Livre III: auxiliaires médicaux - Titre Ier : profession d’infirmier ou d’infirmière - Chapitre IV: dispositions pénales.
-
[59]
BOISSIER-RAMBAUD Claude. Responsabilités juridiques et fonctions de l’aide-soignant et de l’auxiliaire de puériculture. Rueil-Malmaison: Lamarre, 2004, p.21.
-
[60]
BOISSIER-RAMBAUD Claude. Op. Cit. BILLAUD Michel. Préface p. VI.
-
[61]
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Art.28. Journal Officiel, 14 juillet 1983
-
[62]
DEJOURS Christophe. Travail, usure mentale. Paris: Bayard, 2001, p 216.
-
[63]
DE MONTMOLLIN Maurice. L’ergonomie. Paris : La Découverte, 1986, p.21.
-
[64]
Ibid. p.22.
-
[65]
DEJOURS Christophe. Op. Cit. pp. 213-216.
-
[66]
Ibid. p.216.
-
[67]
HUGHES Everett. In. DUBAR Claude. Op. Cit. p.136.
-
[68]
ARBORIO Anne-Marie. Op. Cit. p.137.
-
[69]
EFROS Dominique. Op. Cit. p.28.
-
[70]
Formateur AS: formateur exerçant en IFAS (Institut de Formation d’Aides-Soignants)
-
[71]
Formateur IDE: formateur exerçant en IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers)
-
[72]
Profession Infirmier, recueil des principaux textes relatifs à la formation et à l’exercice de la profession. Module législation, éthique, responsabilité, organisation du travail. Ed. Berger-Levrault, p.38.
-
[73]
Ibid.
-
[74]
Annexe à l’arrêté du 5 janvier 2004 modifiant l’arrêté du 22 juillet 1994, Op. Cit. Module 5.
-
[75]
Arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d’aide-soignant. Op. Cit. Module 8.