Notes
-
[*]
Mémoire élaboré dans le cadre du travail de fin d’étude- formation de Directeur des Soins- École Nationale de la Santé Publique-promotion 2006.
-
[1]
CREMADEZ M. Revue hospitalière de France. janvier-février 2003. n°490. p.16
-
[2]
Rapport du président de la république relatif à l’ordonnance n°2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé Journal officiel de la république française 3 mai 2005
-
[3]
Projet de soin sans (s) pour le concept de soin dans ses différents axes. Le projet transversal et non le projet de soins individuel d’un patient
-
[4]
Loi n°91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière. article L.714-26
-
[5]
COUTY E., TABUREAU D. Hôpitaux et cliniques ; les réformes hospitalières ; Ed. Berger-Levrault. mai. p.222
-
[6]
CRÉMADEZ M., GRATEAU F. Le management stratégique hospitalier. InterEd. Masson. 2e Ed., 1997. p.53
-
[7]
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance 96-346 du 24 avril 1996, portant réforme de l’hospitalisation publique et privée
-
[8]
DARENNE O., PONCHON F. L’Usager et le monde hospitalier. Ed. ENSP. 2005. p.129
-
[9]
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé Journal officiel de la république française du 3 mai 2005
-
[10]
ROUSSEL A. La contractualisation interne comme levier de modernisation de la gestion de l’hôpital : Une étude de benchmarking entre les centres hospitaliers d’Auxerre et de Blois. Mémoire de directeur d’hôpital : École Nationale de la Santé publique. 2002. p.9
-
[11]
PONCHON F. La loi du 4 mars 2002. Ed. Berger-Levrault. 2003. p.7
-
[12]
DE KERVASDOUÉ J. L’hôpital, Ed. PUF. 2004. p.117
-
[13]
Intervention de Laurent DEGOS Président de la HAS 10 juillet 2006
-
[14]
Manuel d’accréditation des établissements de santé Deuxième procédure d’accréditation ANAES. septembre 2004. Direction de l’accréditation et de l’évaluation des pratiques. p.26
-
[15]
HONORÉ B., SAMSON G. La démarche de projet dans les établissements de santé. Privat. 1994. Toulouse. p.6
-
[16]
DE KERVASDOUÉ. op. cit. p.84
-
[17]
VEIL S. Éditorial. Gestions hospitalières. 1975. février-mars. n°143-144. p.118
-
[18]
Loi n°91-748 op. cit. p.4
-
[19]
DUBOYS FREYNEY C. Gestion hospitalières. Projet médical…projet de soin vers le projet des patients. août 2004-septembre 2004. p.531
-
[20]
CHEVALLIER J. Les sciences de l’organisation in l’univers philosophique. Paris. Ed. PUF. p.1336
-
[21]
MINTZBERG H. Structure et dynamique des organisations. Paris : Ed. Organisation. 1982. p.42
-
[22]
CONTANDRIOPOULOS A., SOUTEYRAND Y. L’hôpital stratège. Paris. 1994
-
[23]
GONNET F. L’hôpital en question(s). Paris : Ed. Lamarre. novembre 1992
-
[24]
CREMADEZ M. op. cit. p.1
-
[25]
CROZIER M., FRIEDBERG E. L’acteur et le système. Paris : Ed. Seuil. collection Points. 1977. p.32
-
[26]
CROZIER M. Le phénomène bureaucratique, Paris : Ed. Poche. p.202
-
[27]
HONORÉ B. l’hôpital et son projet d’entreprise. Ed. Privat. 1992. p.37
-
[28]
DE KERVASDOUÉ J. op. cit., p.4
-
[29]
DE KERVASDOUÉ J. op. cit. p.11
-
[30]
WATZLAWICK P. Le langage du changement. Paris : Ed. Seuil, 1980. p.106
-
[31]
RAYNAL S. Le management par projet, Paris : Ed. d’organisation, 2000. p.55
-
[32]
DUBOYS FRESNEY C. op.cit. p.8
-
[33]
HEESBEEN W. la réadaptation du concept de soin. Paris : Ed. Lamarre. 1994
-
[34]
HONORÉ B. op. cit., p.150
-
[35]
BOUTINET J.P. Intérêt et limites du management par projet soins cadres. n°57. février 2006, p.61
-
[36]
NERÉ J.J. Comment manager un projet. Ed. DEMOS. 2000. p.15
-
[37]
BOUTINET J.P. op. cit. p.15
-
[38]
Ibid., p.62
-
[39]
JOLIVET F. Manager l’entreprise par projets. Les métarègles du management par projet. Ed. EMS. 2003
-
[40]
PELLETIER G. Les formes du leadership : Sciences humaines. Hors série n°20, mars/avril 1998
-
[41]
CROZIER M., SÉRIEYX H., Du management panique à l’entreprise du XXIe Siècle, 1995. p.120
-
[42]
LUSSIER G. Groupe innovation. 1993. p.87
-
[43]
GRAWITZ M. Méthode des sciences sociales. 8e Ed.. 1990. Ed. Dalloz. p.636
-
[44]
HAS. Guide pour l’autodiagnostic des pratiques de management en établissement de santé. janvier 2005
-
[45]
GROSJEAN M. Les illusions du “tout écrit” : Soins Encadrement-Formation. 3e trimestre 1999. n°31. p.19
-
[46]
GRAWITZ M. op. cit. p.18
-
[47]
Projet établissement. 2001-2005. du CHU de X P7
-
[48]
NIZARD G. Techniques de management il faut de l’inédit ! Hospimédia. 28 juin 2004
-
[49]
CRÉMADEZ M. Évolution de la gouvernance. Un enjeu capital pour l’hôpital : gestion hospitalière. novembre 2003. p.726
-
[50]
CREMADEZ M. ibid. p.728
-
[51]
DE POURVILLE G., TEDESCO J., La contractualisation interne dans les établissements hospitaliers publics : Revue française de gestion. septembre-octobre 2003. Volume 29. n°146. p.211
-
[52]
CREMADEZ M., GRATEAU F. Op. cit. p.21
-
[53]
BOUTINET J.P. Anthropologie du projet. Paris : Ed. PUF. 1993. p.245
-
[54]
CROZIER M., FRIEDBERG E. L’acteur et le système. Paris : Ed. Seuil. 1991. p.276
-
[55]
LEBOTERF G. travailler en réseau. Ed. Organisation. 2006. p.47
-
[56]
COMPTE-SPONVILLE A. Dictionnaire philosophique. Ed. PUF. 2001
-
[57]
LE CARDINAL G., GUYONNET J.F., POUZOULLIC B. La dynamique de la confiance : construire la coopération dans les projets complexes.
Liste des sigles utilisés
ARH | : Agence Régionale d’Hospitalisation | DGA | : Directeur Général Adjoint |
CHU | : Centre Hospitalier Universitaire | DPRS | : Direction du Personnel et des Relations Sociales |
CME | : Commission Médicale d’Établissement | DS | : Direction des Soins |
COM | : Contrat d’Objectifs et de Moyens | DURQ | : Direction des Usagers des Risques et |
CS | : Cadre de Santé | de la Qualité | |
CSK | : Cadre de Santé Kinésithérapeute | HAS | : Haute Autorité en Santé |
CSS | : Cadre Supérieur de Santé | PE | : Projet d’Établissement |
CSSI | : Cadre Supérieur de Santé Infirmier | PS | : Projet de soin (s) |
CSSMT | : Cadre Supérieur de Santé Médico-Technique | PSI | : Projet de Soins Infirmiers |
DAF | : Direction des Affaires Financières | PSMS | : Projet de Soins Médico-Soignant |
DG | : Directeur Général | SROS | : Schéma Régional d’Organisation Sanitaire |
Introduction
1La structure hospitalière est riche, tant de situations différentes peuvent y être rencontrées. Le contexte institutionnel apparaît, lui aussi, plus complexe du point de vue des enjeux stratégiques et sociaux sachant que la complexité, nous dit Edgar Morin, est : « Le tissu d’événements, rétroactions, déterminations, aléas qui constituent notre monde phénoménal ». Depuis les hospices et les hôtels-Dieu, jusqu’aux hôpitaux actuels, disposant de plateaux techniques sophistiqués, l’évolution des hôpitaux est étroitement liée à l’histoire socio-économique de notre pays et à celle de la médecine. Le concept de santé évolue et la prise en charge des patients se complexifie. Mais la spécialisation médicale, la sophistication des technologies et la multiplication des groupes d’appartenance ne risquent-elles pas de faire perdre le sens à la notion même de soigner ?
2L’ouverture de l’hôpital sur la cité provoque la nécessité de prendre en compte les logiques de tous les acteurs concernés, par la prise en charge des patients. Selon Michel Cremadez « Cette implication dans un système complexe d’interdépendance externe, combinée à l’impact du progrès continu des technologies, notamment biomédicales et de la spécialisation des disciplines médicales, appelle une mutation radicale de la gouvernance, de la vision stratégique et du management de l’hôpital [1] ». L’intégration entre les professionnels autour de la personne soignée apparaît alors comme un gage de qualité des soins.
3Transversalité, gestion des flux, organisation horizontale, management des projets, gestion des interfaces entre les fonctions, réingéniérie des processus… le thème du décloisonnement et la recherche d’une meilleure coordination entre les acteurs concourant à un même projet ou contribuant au fonctionnement d’un même processus apparaissent avec force, depuis quelques années, dans les réflexions sur les actions de changement à conduire.
4Dans ce sens, depuis plus de vingt ans, l’organisation hospitalière fait l’objet de propositions de réformes. La loi du 31 juillet 1991, qui a voulu que le malade soit placé « au centre » des projets d’établissement, préconise les regroupements de services. Renforcée par l’ordonnance du 24 avril 1999, cette organisation est reprise dans le plan hôpital 2007. Ainsi, l’ordonnance du 2 mai 2005 impose une structuration en pôle, soit par discipline, organe, type de filière, logique client fournisseur… Cela doit « permettre le décloisonnement des hôpitaux et ainsi, améliorer la prise en charge des patients, aussi bien que la qualité du travail pluridisciplinaire » [2].
5Destiné à faire entrer les établissements hospitaliers dans une vision prospective, le projet d’établissement a aussi pour idée centrale « de fédérer des forces antagonistes autour d’un projet commun ».
6Le décret n° 2002-550 du 19 avril 2002, portant statut particulier des Directeurs des Soins de la fonction publique hospitalière, stipule que : « Le Directeur des Soins, coordonnateur général des soins, exerce des fonctions de coordination générale des activités de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique. Il est membre de l’équipe de direction et dispose, par délégation du chef d’établissement, de l’autorité hiérarchique sur l’ensemble des cadres de santé. Il élabore, avec l’ensemble des professionnels concernés, le projet de soins, le met en œuvre par une politique d’amélioration continue de la qualité ». Lors de notre prise de fonction, nous serons amenés à accompagner la mise en œuvre du projet de soins, en corrélation avec l’organisation en pôle.
7Au cours de notre parcours professionnel, depuis 1982, (dans trois établissements différents : un CHR, un CHU et un CH), nous avons constaté que le projet médical s’apparente encore trop souvent à un projet architectural et organisationnel, alors que le projet de soins infirmiers qui aborde la prise en charge des patients n’était que rarement élaboré dans une dynamique médico soignante. De plus, le projet médical et le projet de soins infirmiers étaient plutôt centrés sur une prise en charge hospitalière et non sur une approche filière et réseau ; l’articulation avec la démarche qualité n’étant qu’exceptionnellement formalisée.
8Ainsi se pose la question du mode de coopération et de coordination à promouvoir, cependant qu’une réalité paradoxale s’exprime dans le discours des acteurs. Entre contrainte budgétaire, coût du progrès médical et logique de pouvoir, les difficultés se traduisent par un durcissement des positions tenant des logiques différentes.
9La nécessité de concevoir, de façon solidaire et complémentaire, le Projet Médical et Projet de Soin [3], en interaction avec l’environnement, apparaît alors indispensable pour la personne soignée qui sera considérée dans des dimensions à la fois biologique, psychologique, sociale et spirituelle.
10L’idée de projet de soin médico-soignant viendrait ainsi offrir la possibilité d’acquérir une culture globale, facteur d’intégration et de gestion des diversités. La notion de performance collective, de mise en cohérence des compétences et des moyens au service de la personne soignée serait alors fédératrice.
11Pour le Directeur des Soins qui souhaite impulser une dynamique transversale, cela nous semble être une opportunité. Sachant que l’engagement et la stratégie managériale du Directeur de Soins, en partenariat avec les autres acteurs, auront un impact majeur sur sa crédibilité, sur sa marge de manœuvre et ainsi, sur le rôle qu’il jouera et la place qu’il pourra occuper dans l’institution, en collaboration avec les autres directeurs. En instaurant un management par projet pluri-professionnel coopératif, nous pensons pouvoir fédérer progressivement l’équipe, autour de la prise en charge du patient et de favoriser la mutualisation des compétences, pour évoluer vers une compétence collective au bénéfice de la prise en charge. La coopération est alors incontournable. De plus, cette organisation multiplicatrice d’échanges et d’intelligence, en donnant l’initiative au terrain, peut permettre au Directeur des Soins d’être pro actif ; ce qui nous apparaît comme étant un atout majeur. Travailler en réseau plutôt que de façon pyramidale est une opportunité pour le Directeur des soins.
12Pour ce faire, il nous importe d’aller vérifier en quoi la conduite d’un projet de soin médico-soignant, dans cette dynamique, est un enjeu managérial pour le Directeur des Soins et d’en identifier les limites. Il s’agit de faire en sorte que la vision de l’avenir ne se fonde pas exclusivement sur le quoi faire, pourquoi le faire, et combien mais aussi pour quoi, comment et avec qui… le faire. Ainsi, parce que le fil conducteur de ce travail est la personne, l’être humain, l’attention sera focalisée sur le projet de soin, en tant que processus et non exclusivement sur son contenu. Cela, afin d’identifier les leviers permettant de faire en sorte que les professionnels concernés optimisent leur potentiel, par une action collective motivée et efficiente, au service des usagers. Cependant, si notre expérience nous fait toucher « du bout des doigts » les conditions nécessaires à la conduite du projet de soin, ainsi que l’intérêt et les limites pour les professionnels et les usagers, nous souhaitons approfondir notre réflexion par un travail de recherche.
13Dans un premier temps, nous ferons état du contexte et des caractéristiques dans lesquels se déroule le projet de soin ainsi que son fondement. À l’aide de recherches bibliographiques, nous tenterons de mettre en évidence le fonctionnement hospitalier au regard de son histoire. De plus, nous éclairerons nos propos en nous référant à des données empiriques issues de notre expérience.
14Dans un deuxième temps, après un détour par la problématique dans laquelle se situe notre travail, nous proposerons les données et l’analyse de deux expériences réalisées dans un CHU et un CH. Cette enquête a été réalisée au moyen d’entretiens auprès de professionnels.
15Dans un troisième temps, nous présenterons nos orientations, en tant que Directeur des Soins, sous forme de préconisations. Ces dernières donnent une approche de la manière dont nous envisageons la conduite d’un projet de soin qui apparaît comme une opportunité managériale, mais pas à n’importe quel prix.
Du contexte aux concepts : un hôpital en projet
16L’hôpital porte la marque de notre époque, de ses exigences, de la science médicale, mais aussi de son histoire.
Quelques étapes significatives du passé : entre crise financière et gouvernance hospitalière
17Dans un contexte de moins grande aisance financière, la compréhension des besoins de l’environnement, de leur évolution apparaît indispensable afin de contextualiser notre réflexion.
Évolution de la législation depuis 1991
18La loi n° 91-748 du 31 juillet 1991, portant réforme hospitalière, introduit la notion de projet et crée les contrats pluriannuels, sachant que « Le projet d’établissement définit, notamment sur la base du projet médical, les objectifs généraux de l’établissement dans le domaine médical et des soins infirmiers de la politique sociale, des plans de formation, de la gestion et du système d’information » [4]. Cependant, si « les nouveaux textes conduisent à substituer progressivement à une logique de budget une logique de projet » [5], cette loi de 91 laisse perdurer une tendance à juxtaposer les projets catégoriels dans son inventaire des constituants du projet d’établissement, mais l’apprentissage qu’elle a suscité (…)« doit conduire les établissements à corriger ce contre sens » [6].
19Cinq ans plus tard, l’ordonnance n° 96-346 du 24avril 1996, portant réforme de l’hospitalisation publique et privée, donne plus de poids au projet d’établissement en instituant la contractualisation interne. De plus, elle étend le champ des contrats d’objectifs désormais appelés « contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ». Le fil conducteur de cette réforme est le « souci de responsabilisation, la qualité des soins et la meilleure insertion de l’hôpital dans son environnement. » [7] La contractualisation interne a pour ambition d’être une méthode de gestion qualitative et participative. Le projet d’établissement devient un élément essentiel des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens signés entre l’ARH et l’établissement, comme prévus aux articles L.6114-1 du Code de la santé publique. Ces contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens se situent dans le cadre des « schémas régionaux d’organisation sanitaires ». Schéma régional et contrat se substituant à la carte sanitaire supprimée par l’ordonnance du 4 septembre 2003. La cohérence entre projet d’établissement et SROS requiert la participation de tous les acteurs concernés par la prise en charge du patient en interne comme en externe (Projet médical de territoire…) afin d’éviter que les projets concurrentiels où les progrès d’un établissement se fassent au détriment de l’existence d’un autre et d’éviter également les carences dans le panel d’offres de soins jugé indispensable sur le territoire. La signature du COM permet la mise en œuvre de certains projets d’établissement par les engagements financiers qu’il prévoit. Cependant les engagements contractuels ne couvrent pas systématiquement la totalité du projet. De nombreuses incertitudes persistent alors quant à certaines orientations pourtant approuvées par l’autorité de tutelle.
20Le projet de nouvelle gouvernance hospitalière, dont l’un des axes est l’organisation en pôle d’activité, se situe dans « cette volonté de contractualisation interne des acteurs, initiée par l’ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 » [8]. Il est indiqué que « les dispositions relatives à une organisation interne nouvelle seront mises en œuvre à compter de 2007 » [9]. L’objectif annoncé vise à responsabiliser les acteurs et à simplifier le fonctionnement interne des établissements. Les deux étapes de la contractualisation interne étant : la constitution de centres de responsabilité (pôle) et l’élaboration négociée de contrats de délégation de gestion. Des expériences similaires existent dans les autres pays européens et les pays anglo-saxons.
21L’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 stipule que « le projet d’établissement comporte un projet de prise en charge des patients en cohérence avec le projet médical et le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique » ; l’opportunité nous est donnée de questionner la complémentarité et de nous centrer plutôt sur une logique de projet que de territoire. Cela, dans un contexte où « La démarche de contractualisation s’appuie sur une démarche participative de type projet et vise à rapprocher la décision de gestion au plus près des patients, selon le principe de subsidiarité. En cela, elle est à l’origine d’une modification de la répartition des pouvoirs au sein de l’hôpital en même temps que d’une évolution des métiers » [10]. Il s’agit ainsi, de renforcer le dialogue et la communication entre les acteurs pour une meilleure qualité des soins.
Droit des Usagers
22Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics s’efforcent de développer une politique visant à démocratiser le système de santé. Sous la pression des Usagers, des dispositions réglementaires sont venues conforter des droits fondamentaux (accès aux soins, qualité et sécurité des soins, respect de la personne), mais aussi « ouvrir de nouveaux espaces » [11]. La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, en introduisant la nécessité de donner plus de place à l’expression des usagers, constitue une nouvelle étape pour l’affirmation d’une démocratie sanitaire. La participation des usagers au fonctionnement des établissements constitue un point fondamental pour une meilleure transparence. Les usagers qui veulent être acteurs-citoyens exigent des soins de qualité conformes aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles. La personne soignée est appelée à devenir un partenaire responsable. Elle doit être informée et donner son consentement, pour une co-décision et une participation active due à son traitement ; cette démarche visant à établir un équilibre de confiance entre les usagers et les hospitaliers.
Démarche qualité-accréditation-certification
23« La stratégie d’un établissement de soins ne peut plus se concevoir sans avoir en perspective l’accréditation de l’établissement » [12], souligne Jean de Kervasdoué.
24L’article L6113-3 du code de la santé publique prévoit que, pour « assurer l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, tous les établissements de santé publics et privés doivent faire l’objet d’une procédure externe d’accréditation ». Instaurée par l’ordonnance n°96-346 du 24 avril 1996, le délai pour s’engager dans la procédure d’accréditation est fixé à 5 ans.
25Le décret n° 97-311 du 7 avril 1997 précise l’ordonnance du 24 avril 1996 précédemment citée. Il s’agit pour les établissements de développer une « démarche d’amélioration continue de la qualité (…) dans une approche globale de l’hôpital (…) tout en maîtrisant les dépenses de santé ».
26La deuxième version de l’accréditation (certification) doit permettre de mieux apprécier la qualité du service médical rendu au patient. Ainsi, les principes de construction du deuxième manuel d’accréditation s’inscrivent dans une vision systémique de la qualité, en s’intéressant au processus de management, au processus opérationnel en lien direct avec le patient et au processus support. Par ailleurs, l’évaluation des pratiques professionnelles (accréditation) est au centre de l’action. Laurent Digeos, Directeur de la HAS, précise que « l’évaluation des pratiques professionnelles est également un exemple de complémentarité de nos outils ». Avec elle, dit il, « nous nous penchons sur l’amélioration des pratiques médicales au niveau individuel, tandis que la certification s’intéresse à la qualité de cette pratique au niveau de l’établissement de santé » [13].
27Dans le chapitre 1 du manuel d’accréditation de la deuxième procédure, en référence 1, est stipulé « Les orientations stratégiques (projet d’établissement) rassemblent les professionnels autour d’une vision partagée du développement de l’établissement… le projet d’établissement se décline dans ses différents volets que sont les soins, la recherche, le système d’information, le projet social, etc. et prend en compte leurs traductions financières » [14]. Ainsi, « il ne suffit pas de faire et d’avoir des projets. Il convient que celui-ci ait un sens pour tous ceux qu’il concerne et que la démarche permettant de le préparer, de le formuler et de le soutenir, crée les conditions pour que l’établissement reste durablement en projet » [15]. Le projet d’établissement, en s’inscrivant dans une démarche impliquant tous les hospitaliers et leurs partenaires, dynamisera l’hôpital. Il ne doit donc pas pour cela se limiter à l’énoncé d’un projet-programme.
Tarification A l’Activité
28La mise en place de la réforme du financement, appelée La Tarification à l’Activité (T2A), vise à rénover et harmoniser les modes de financements des établissements publics. « Il existe actuellement deux modes de financement, il s’agira désormais de financer les établissements hospitaliers au travers d’une prestation médicalisée ou d’un service médical rendu, le patient et le professionnel auront une meilleure lisibilité de ce qui est pris en charge », souligne le Docteur Martine Aoutin qui a été chargée par Jean François Mattei de conduire la mission T2A. Cette réforme va progressivement bouleverser la gestion hospitalière car l’activité va de nouveau jouer un rôle important dans les recettes et cela va modifier profondément la stratégie des institutions. En effet, « un séjour d’un malade donnera lieu au versement d’un forfait unique lié aux raisons cliniques de son hospitalisation et comparable d’un hôpital à un autre » [16].
Évolution du service de soins et de la place des acteurs : la patience malgré l’action
29Simone Veil, Ministre de la santé en 1975, s’exclamait : « Il appartient aux infirmières générales, dont je me réjouis d’avoir officialisé l’existence et d’avoir affirmé le rôle dans l’équipe de direction, de veiller à ce que chaque infirmière puisse exercer pleinement toutes ses responsabilités au sein de l’équipe soignante. La relation malade-infirmière, partout rétablie dans toute sa portée, devrait reprendre un sens au grand bénéfice de l’un comme de l’autre » [17]. Ce texte, âgé de plus de vingt ans, trace le chemin à parcourir et les enjeux qui y sont associés.
30Dans ce sens, le décret n° 94-904 du 18 octobre 1994 modifie le décret du 18 octobre 1989 portant statut particulier des infirmiers généraux de la fonction publique hospitalière. Ainsi, de « responsables du service infirmier, participant à l’équipe de direction », les infirmiers généraux assurent alors « la direction du service de soins infirmiers et à ce titre sont membres de l’équipe de direction ». La nécessité de renforcer la coopération entre les acteurs et de concilier les logiques pour repenser l’offre de soin apparaît dans les textes.
31Comme nous l’avons vu précédemment, c’est la loi hospitalière du 31 juillet 1991 qui introduit la notion de projet de soins Infirmiers : « Il est créé, dans chaque établissement, un service de soins infirmiers dont la direction est confiée à l’infirmier général, membre de l’équipe de direction. Une commission, présidée par le directeur du service des soins infirmiers et composée des différentes catégories de personnel du service de soins infirmiers, est instituée en son sein. Elle est consultée dans des conditions fixées par voie réglementaire sur :
- l’organisation générale des soins infirmiers et l’accompagnement des malades dans le cadre d’un projet de soins infirmiers ;
- la recherche dans le domaine des soins infirmiers et l’évaluation de ces soins ;
- l’élaboration d’une politique de formation ;
- le projet d’établissement. » [18]
32Petit à petit, le projet de soin devient celui du sens du « prendre soin » et de la mise en valeur de l’ensemble des compétences des professionnels concernés, par la prise en charge des usagers.
33Dans le cadre de la nouvelle gouvernance, un projet plus global de prise en charge des patients est évoqué ; celui-ci devant être en cohérence avec le projet de soin et le projet médical. Pourquoi et pour quoi faire cette évolution dans les textes ?
L’hôpital : une « bureaucratie professionnelle » à la recherche d’un management transversal
34La sociologie des organisations est née au confluent des analyses introduites par Max Weber sur la bureaucratie et des travaux de psychosociologie sur les relations et les communications dans les entreprises, afin de découvrir la logique de fonctionnement des organisations, souligne J. Chevalier [20]. Sachant que l’idée de projet concerne l’action collective, pour aborder notre réflexion, nous choisissons d’envisager les problèmes d’organisation et les problèmes de personnes dans leurs interactions constantes. Cette analyse nous permettra d’identifier les leviers sur lesquels il est important de nous appuyer pour mener à bien la conduite d’un projet de soin fédérateur.
L’hôpital
35Selon Henry Mintzberg, « les problèmes dans les entreprises surviennent essentiellement lors des prises de décisions stratégiques. Celles-ci exigent, en effet, une forte coopération entre les acteurs, les professionnels de santé (centre opérationnel), les personnels administratifs (technostructure) et le sommet hiérarchique » [21]. Ainsi, « l’analyse des régulations instrumentales qui connectent le centre à la périphérie ne peut se passer d’un complément, en terme de stratégie d’acteurs, de pouvoir et de zones de manœuvre » [22].
36La transformation de la structure hospitalière se traduit ainsi par « le passage d’une structure verticale à des structures moins formelles constituant des réseaux de travail eux-mêmes liés au développement de dépendances horizontales » [23].
37L’image de l’hôpital est souvent floue. Il est dit qu’il n’y a pas de stratégie véritable, qu’il est un ensemble de stratégies sectorielles et individuelles souvent conflictuelles qu’aucun axe ne coordonne. Ainsi, les acteurs manqueraient de motivation. Les raisons évoquées seraient le manque d’appropriation d’une mission globale dans une stratégie éclatée qui ne se trouverait entretenue que par l’unité d’appartenance et la catégorie professionnelle.
38Henry Mintzberg constate, en effet, que les caractéristiques de l’organisation des hôpitaux français relèvent de la « bureaucratie professionnelle ». Le centre opérationnel en est la partie clef. En effet, pour coordonner ses activités, la bureaucratie professionnelle s’appuie sur la standardisation des qualifications et sur le paramètre de conception qui y correspond, la formation et la socialisation. Ainsi, le professionnel tend à s’identifier plus à sa profession qu’avec l’organisation où il la pratique.
39La spécialisation horizontale y est prépondérante. Les professionnels du centre opérationnel cherchent à avoir le contrôle collectif des décisions administratives qui les affectent. Cependant, la structure administrative utilise l’ajustement mutuel pour coordonner ses activités. Les paramètres de liaison sont des paramètres de conception importants à l’intérieur de l’encadrement. À l’hôpital, les services, dont la tendance est à la spécialisation, sont plutôt indépendants les uns des autres. Il n’y a pas, ou peu, de hiérarchie opératoire, la standardisation des pratiques est limitée et l’on voit dominer des pratiques corporatistes. Les services ont des relations directes avec l’environnement client et tendent à s’organiser indépendamment pour faire face aux missions qui leur sont imparties. Ainsi, plus une organisation sera différenciée, plus il sera difficile de faire collaborer les différentes unités entre elles.
40Michel Crémadez indique que « L’institution des projets d’établissement a engendré une approche de l’avenir à la fois plus stratégique, plus collective et multi-culturelle, accentuée lors de la mise en chantier de la deuxième génération » [24].
41À l’aube de la troisième génération de projet d’établissement (SROS 3), la nécessité d’instaurer plusieurs niveaux de coopération entre groupes d’acteurs, fondés sur l’expression des missions de l’institution, dans le cadre de choix stratégiques, apparaît une opportunité. Ainsi, inscrire la conduite d’un projet de soin dans cette dynamique apparaît intéressant, afin de limiter l’impact négatif des stratégies de corps. Le projet de soin paraît alors, engagé dans une démarche volontaire de pensée de l’action collective.
Une multiplicité d’acteurs
42L’approche systémique développe l’idée selon laquelle un système ne se réduit pas à des interactions entre des éléments assemblés par des rapports d’interdépendance et de complémentarité, mais forme au contraire des propriétés nouvelles qui dépassent celles de ses parties. L’approche stratégique vient puiser, au sein même de l’existence des groupes sociaux, la possibilité de promouvoir des processus de négociation et d’échange. C’est alors la prise en compte des rationalités individuelles, dans les relations de pouvoir caractérisant les interactions entre les personnes et les groupes, qui est privilégiée.
43L’univers hospitalier, en permanente évolution, se complexifie et réduit la possibilité pour les acteurs d’avoir des points de repères fixes. Les changements affectent l’organisation, les rythmes et la division du travail dans le champ de la santé. Ainsi, les professionnels hospitaliers ne tolèrent plus aujourd’hui de ne pas être reconnus pour leur contribution spécifique à l’organisation. La reconnaissance des acteurs et l’analyse du rapport entre l’acteur et le système apparaît alors une approche incontournable, pour comprendre le fonctionnement de l’hôpital et appréhender la manière de conduire un projet de soin.
44La notion d’acteur implique en effet, dés le départ, une vision très différente de la place de l’individu dans l’organisation. Un « agent », pour l’école de l’organisation scientifique du travail, est un individu totalement interchangeable et conduit par l’organisation, alors que le « sujet », pour l’école des relations humaines, est unique et original, modelant chaque fois la situation par sa personnalité.
45Ainsi, l’acteur qui influence la situation dans laquelle il se trouve, implique qu’il dispose d’une marge de manœuvre même réduite. Il n’est ainsi, jamais contraint par l’organisation. « L’homme garde toujours un minimum de liberté et ne peut s’empêcher de l’utiliser pour battre le système » [25]. Selon Michel Crozier et Erhard Friedberg, toutes les études confirment ce que le bon sens suggère, à savoir que « le conditionnement n’a d’impact véritable que s’il s’ajoute à la contrainte ». La conduite d’un individu, face à ses supérieurs hiérarchiques, est alors le résultat d’une négociation et elle est en même temps un acte de négociation. « L’homme ne peut être considéré seulement comme une main, ce que supposait implicitement le schéma taylorien d’organisation, ni même non plus seulement comme une main et un cœur, comme le réclamaient les avocats du mouvement des relations humaines. Il est avant tout une tête, c’est-à-dire une liberté, ou en termes plus concrets, un agent autonome qui est capable de calcul et de manipulation et qui s’adapte et invente en fonction des circonstances et des mouvements de ses partenaires » [26]. La conduite humaine ne saurait ainsi, être assimilée « au produit mécanique de l’obéissance ou de la pression structurelle » et se traduit par un choix de l’acteur de se saisir des opportunités dans le cadre des contraintes qui sont les siennes.
46La conception du projet est dans ce champ étroitement liée à celle du management. Le projet ne peut être une nouvelle forme de règlement et les pratiques managériales devront laisser une marge de liberté et d’initiative aux acteurs. Pour Bernard Honoré, « il ne suffit pas d’énoncer des principes, des défis et de nouvelles règles, il faut les appliquer, donc les vivre concrètement » [27]. En reliant la conduite de l’acteur au contexte dans lequel nous l’observons, cela évite d’exagérer la liberté et la rationalité de l’acteur.
47Si l’on admet que les acteurs n’ont qu’une liberté restreinte et ne sont capables que d’une rationalité limitée, l’élaboration ainsi que l’application d’un projet de soin ne peuvent être engagées partout de la même manière et doivent tenir compte des besoins de complémentarité. Le projet de soin viendrait en convergence des courants comme pour agréger des rationalités diverses et favoriser la cohésion d’une collectivité au travail. Pour Bernard Honoré, en effet, « Il s’agit pour l’avenir d’activer ensemble des pratiques toujours plus complexes et différenciées en développant des solidarités ».
De la rhétorique professionnelle à l’action collective : Un projet de soin porteur de sens
48La conduite de projet de soin comme processus dynamique questionne, nous l’avons évoqué en amont et en aval du projet, plusieurs logiques et les liens entre ces différentes logiques à l’hôpital. Ainsi, pour qu’il réponde aux attentes des différents protagonistes et afin d‘intégrer la transversalité, il met en jeu tous les corps professionnels concernés par la prise en charge du patient comme finalité. Des collaborations vont se dessiner et les interphases devront être négociées.
Un cloisonnement fonctionnel qui satisfait un paradoxe hospitalier : d’une logique de cloisonnement vers une logique de coopération
49L’hôpital est par nature une organisation complexe de par la multiplicité des rôles, des acteurs, des techniques et des attentes souvent contradictoires du public et des autorités de tutelle [28]. Les métiers s’entrecroisent et les logiques sont plurielles.
50La concrétisation dans les textes de la participation des professionnels médico-technique et de rééducation au projet de soin est une première avancée significative vers un projet de soin plus global. Nous avons constaté dans le quotidien qu’un travail d’articulation doit s’opérer. La nécessité d’ajuster les rationalités, de reconnaître les compétences de l’autre s’impose. La connaissance mutuelle et la reconnaissance de la compétence individuelle participent à la reconnaissance d’une compétence collective. Sachant que, pour Guy Le Boterf, être compétent, c’est agir avec compétence et ainsi, « mettre en œuvre des pratiques professionnelles et des combinatoires de ressources pertinentes ». Il s’agit de raisonner en termes de liens et non en termes de listes. Cependant, des logiques contradictoires animent les acteurs :
- Celle de l’usager citoyen cotisant qui attend le meilleur résultat en terme d’état de santé et demandant un accès rapide au progrès médical parfois même avant l’évaluation scientifique.
- Celle du professionnel de santé qui, engagé dans une relation de confiance avec le malade, souhaite une liberté d’action alors qu’il est soumis à des exigences croissantes émanant de la collectivité.
- Celle du financeur qui recherche le plus haut niveau de résultat collectif, compte tenu des ressources qui sont allouées au secteur de la santé, et souhaite instaurer des normes au travers d’accords ou de conventions.
- Celle du décideur enfin attentif aux événements sociaux et qui ressent donc le besoin de hiérarchiser les priorités.
51Pourquoi évoquer ici cette notion ? Parce qu’à l’hôpital, chaque acteur doit, au nom de l’institution et pour le bien du malade, se plier à des décisions qu’il lui paraît difficile, voire parfois impossible, d’approuver. L’acteur confronté à une chose et son contraire se trouve face à une double contrainte.
52Les gestionnaires apparaissent comme voulant imposer une rigueur financière, alors que les médecins insisteraient sur leur identité en invoquant la déontologie et le colloque singulier avec le patient. Ils entretiendraient ainsi une lutte de pouvoir. Les personnels soignants qui réaffirment leurs valeurs humanistes telle que la prise en charge globale du patient, se sentiraient ainsi pris dans un paradoxe et expriment un mal être. Le paradoxe apparent, entre qualité des soins considérée plutôt satisfaisante et la gestion jugée moins performante, est souvent évoquée. La mise en œuvre d’une régulation s’appuyant sur la diversité, pour facilité l’émergence d’objectifs globaux, apparaît alors incontournable. Notre expérience professionnelle nous conduit à constater qu’un certain nombre de fonctionnements peuvent être source de non qualité ; ainsi, l’évolution du concept de santé et de maladie nous fait passer d’une vision exclusivement biomédicale à une approche biopsychosociale de la santé. La prise en charge qui se diversifie imprègne à la fois le projet médical et le projet de soin qui peuvent ainsi s’enrichir mutuellement.
Le projet de soin médico-soignant, une réponse adaptée au paradoxe hospitalier pour une vision plurielle de la prestation de soin
53L’idée de projet est trop importante pour ne servir qu’aux besoins de travail, face aux difficultés engendrées par le développement des techniques et des contraintes économiques. Elle indique une exigence plus fondamentale de penser le sens de l’action.
54Le projet de soin constitue peut être un chemin pour revivifier la question du sens au travail en tant qu’il concourt « au prendre soin ». Sachant que, l’étymologie latine du verbe projicio qui signifie « jeter en avant » a donné dans le vieux français les termes pourjet ou projec, le Petit Robert défini le projet comme étant : « l’image d’une situation, d’un état que l’on pense atteindre (=dessein, idée, intention). Ce que l’on se propose de faire, à un moment donné. » Pour S. Raynal, « un projet, c’est l’expression d’un désir, d’une volonté, d’une intention, d’une ambition. C’est aussi l’expression d’un besoin, d’une nécessité, d’une situation future vivement souhaitée. » [31]
55L’élaboration d’un projet de soin collectif, Médico-soignant, fondé sur une participation élargie des acteurs, implique de fait, nécessairement :
- De longues périodes de confrontation entre les valeurs de chaque groupe en présence.
- De faire appel à une culture de l’écoute, de l’analyse et de la comparaison.
- De prendre conscience d’objectifs communs, de regroupements, de perspectives variées (culture de soutient, d’accompagnement, de pédagogie, de regroupement formels).
56Le projet de soin détermine la façon dont les professionnels envisagent de « prendre soin ». Il est centré sur les personnes et aborde les prises en charges spécifiques (douleur, fin de vie…) dans ses axes stratégiques et politiques. Sachant que « prendre soin » peut se définir comme « porter un intérêt particulier, c’est prêter une attention particulière en vue de favoriser, de développer, de promouvoir la vie, le bien être de la personne auprès de laquelle on a pour mission d’intervenir » [33]. Prendre soin se différencie ainsi, de la notion instrumentale de « faire des soins » qui serait définie par les techniques, les protocoles, les lieux, les modes organisationnels. C’est avec une vision holistique qu’est ainsi abordée la personne soignée, afin qu’il soit répondu de façon optimale à son besoin, à sa demande de soins. « Prendre soin » implique dans cette perspective pour les professionnels, qu’ils s’inscrivent comme partenaires de soins dans une équipe pluridisciplinaire.
57En effet, dans l’action de « prendre soin » chaque professionnel à un rôle essentiel : les infirmiers, les médico-techniques et les rééducateurs, mais aussi les médecins et bien d’autres encore. L’harmonisation des pratiques sur l’ensemble de l’établissement au bénéfice de l’usager (qui est un partenaire actif et responsable) est un gage de qualité des soins. Dans cette perspective « prendre soin » c’est proposer un projet où la personne humaine est placée au centre de notre dispositif collectif. La nécessaire association des médecins, dès l’élaboration du projet de soin et tout au long de sa conduite, apparaît dans ce contexte, une approche incontournable. Ainsi, le projet de soin médico-soignant qui n’est pas un catalogue de recettes théoriques de la Direction, comme souvent le reproche lui en est fait, pour qu’il soit dynamisant, devra conserver en lui-même le sens du projet (le projet d’avoir en permanence un projet), donc qu’il soit ouvert et évolutif [34].
Le management par projet : ligne de force et points de fragilité
58Le risque, en effet, est permanent, pour le projet, de perdre son âme et de devenir un outil. La problématique apparaît alors comme une tension entre le sens (mettre la pensée en action) et la forme ; entre ce qui est possible et ce qui serait nécessaire. Par la question de sa finalité, le projet de soin médico-soignant n’a de sens de ce fait, qu’en tant que démarche. Il s‘agit de favoriser l’émergence d’un processus d’apprentissage d’une conception commune, priorisée et contextualisée au delà des spécialités de services, afin d’amener les partenaires à réfléchir, concevoir, programmer et agir ensemble. Ainsi, le projet de soin médico-soignant est apparenté à un projet-méthode soucieux de rester attentif, d’abord à l’originalité d’une démarche qui entend privilégier l’espace de créativité, l’implication et la coopération des acteurs. Il n’est pas un projet-objet centré sur le but à atteindre. « Le projet-méthode en accordant une plus grande place à la prise en compte de l’incertitude et de la complexité, en restant moins tributaire de la technicité procédurale s’apparente au management par projet » [35].
59La spécificité du management par projet est de faire reposer l’essentiel de son dispositif sur un travail collectif. « le management par projet est fondé sur le dynamisme, une recherche collective de solutions, une mobilisation de toutes les énergies pour parvenir à atteindre des objectifs. Ces caractères s’accompagnent de la valorisation de l’initiative, mais aussi du sens des responsabilités » [36]. Il utilise préférentiellement l’équipe projet dans un double souci de gains de temps et de productivité. Il cherche à susciter une interaction dynamique entre les composantes de l’équipe de travail, certains de ses membres étant davantage des décideurs et d’autres des analystes. « La démarche de management par projet sera continuellement attentive à gérer les interphases entre les personnes, l’organisation ou les organisations et les systèmes environnementaux » [37]. Concernant le projet de soin médico soignant, nous l’avons déjà évoqué, nous sommes en présence du projet innovation réponse créatrice et singulière et non dans un projet programme. Selon Jean-Pierre Boutinet [38], cinq avantages émergent spontanément d’un mode de fonctionnement en management par projet :
- effets démultiplicateurs d’une équipe projet, dont les membres s’identifient à la mission confiée et qui développent une grande implication individuelle et collective dans le travail à réaliser. « Le projet produit les hommes qui produisent le projet » [39],
- souplesse de fonctionnement d’un tel mode qui focalise le changement et prend bien soin d’identifier le secteur projet de l’organisation et le secteur hors-projet non concerné. Cette souplesse de fonctionnement jointe à une perspective pragmatique, est un gage d’opérationnalité,
- originalité de penser le changement en termes horizontaux ou latéraux pour prendre à contre-pied les scléroses des hiérarchies traditionnelles en les contournant,
- opportunité au sein du management par projet de distinguer des projets durs, portant sur des produits-prototypes à créer et des projets mous concernant des changements organisationnels à implanter. Chacune de ces deux familles de projets nécessite le recours à une méthodologie appropriée,
- effet surgénérateur du projet réussi dans sa capacité à dégager une plus-value au regard des coûts consentis.
60Dans ce champ, si Michel Crozier déclare qu’« utiliser des règles pour réduire le pouvoir du supérieur n’a pas pour effet de donner le pouvoir aux subordonnés. Mais, qu’en fait l’utilisation de règles réduit aussi le pouvoir des subordonnés alors chaque membre de l’organisation est privé de toute initiative et est soumis totalement à des règles du dehors ». Le rôle de l’équipe de direction et en particulier le partenariat du Directeur de Soins et du président de la CME, dans le cadre d’un projet de soin médico-soignant, est interpellé. Mais, si le contenu du projet de soin exprime le quoi et le projet de soin en tant que processus, le comment, alors, c’est de la cohérence et de la coordination entre contenu et processus à chaque niveau et dans l’interaction entre les niveaux que naîtra l’émergence d’une dynamique globale.
61Ainsi, accompagner et conduire le projet de soin médico-soignant, nécessite qu’il se concrétise dans l’action. Pour se faire, il s’agit de mettre en place un leadership visionnaire puisque, selon A. Mac Neil, « la recette du succès consiste à être engagé de façon visible dans la vision et les valeurs de l’organisation. On envoie alors instinctivement des signaux clairs et cohérents ». Le leadership se définit ainsi, par la capacité de mobilisation et d’influence [40]. Sachant que l’une des principales difficultés du management par projet est la multiplicité des acteurs impliqués, des angles de vue qu’ils représentent et de la multiplicité des compétences requises.
62Travailler ensemble en vue d’optimiser les prises en charges soignantes, nécessite une coopération efficace qui s’appuiera sur la confiance que se manifestent les partenaires. La confiance suppose l’appartenance à une communauté d’intérêt, sachant que, selon Warren Bennis, « la confiance qu’un individu peut inspirer à autrui est fondée sur un équilibre ténu entre trois éléments fondamentaux : l’audace, la compétence et l’intégrité ». Ce sont pour lui ces qualités qui permettent de passer de la parole aux actes. « Que l’un de ces éléments fasse défaut et l’équilibre sera rompu. En l’absence d’intégrité, l’audace et la compétence produiront un leader anthropophage », dirait Hervé Sérieyx [41]. Le leader provoque « par le respect qu’il témoigne envers son entourage des changements d’attitudes qui ne se commandent pas, mais qui sont le fruit d’une confiance réciproque, d’un engagement de chacun à faire sa part pour que l’ensemble de l’équipe connaisse le succès » [42]. Le leader pousse les gens à adopter une vision motivante de l’avenir. Ainsi s’exclame Claude Béland, président du mouvement Desjardins, « nous réussirons à gérer le changement si nous comprenons que toutes nos ressources humaines ont un rôle extrêmement important à jouer et lorsque nous aurons réussi à aller chercher chez les professionnels ce qu’ils ont de plus précieux : leur intelligence, leur créativité et leur dynamisme ».
63Notre expérience de cadre de santé, puis de faisant fonction de Directeur de Soins, nous a permis de constater qu’il était possible de favoriser, chez nos interlocuteurs, un travail réellement coopératif, comme par exemple, lors de la démarche d’accréditation. Sachant que l’appui d’une direction convaincue qui fait confiance est une condition de réussite.
Approche compréhensive
64Après avoir établi quelques constats puis approfondi notre réflexion par des lectures, la question de départ qui s’est imposée à nous est réaffirmée. Elle servira de fil conducteur à notre mémoire.
65En quoi la conduite d’un projet de soin médico-soignant constitue-t-elle un enjeu managérial ?
Méthodologie de la recherche
66La formulation des axes de recherche, sous la forme d’un questionnement plus opérationnel, servira de support à ce travail. Ces sous-questions qui guideront notre réflexion et notre investigation sont gages de rigueur dans la conduite du raisonnement. Elles devront nous permettre de mieux répondre à notre questionnement principal puisqu’elles seront confrontées à notre étude de terrain.
67En quoi le lien entre l’organisation, la stratégie et le management de l’établissement a-t-il un impact sur la conduite d’un projet de soin médico-soignant ?
68En quoi l’appropriation par les différents acteurs du soin, de la conception et de l’élaboration du projet de soin, est-elle le gage de sa mise en œuvre ?
69En quoi le Directeur des Soins, développant un processus de management approprié, favorise-t-il la cohérence dans la préparation et la conduite d’un projet de soin médico-soignant ?
70En quoi consiste la collaboration entre les directions fonctionnelles nécessaires à la cohérence institutionnelle du projet ?
Le recueil de données
71Sachant que « Les données qualitatives suggèrent des corrélations ou des processus. À défaut de corrélation statistique, des concordances peuvent apparaître entre un petit nombre de variables, ou suggérer des rapports de cause à effet » [43], notre choix s’est porté sur une approche qualitative en deux temps qui doit permettre de réaliser des liens significatifs entre intention et mise en œuvre. Dans un premier temps, une analyse documentaire, sachant que la « réflexion prospective » [44] se trouve dans les choix stratégiques de l’établissement. Nous avons ainsi repéré des indicateurs significatifs pour notre problématique dans les projets d’établissements et l’évaluation de sa mise en œuvre dans le rapport d’accréditation en privilégiant, par soucis de pertinence par rapport au « fil rouge » de notre questionnement, quatre de ces composantes : le projet médical, le projet de soin, le projet qualité, le projet social.
72Pour compléter cette approche, nous avons recueilli au travers de la constitution des groupes de travail (implication des professionnels), des comptes rendus de réunions, des procès verbaux de CSSI, des outils de communication, des données significatives de la méthodologie de conduite du PE mise en œuvre et tout particulièrement du projet de soin. Selon M. Grosjean [45], si les présuppositions utilisées par les auteurs exposées à l’écrit ne sont pas partagées par les lecteurs, il y a blocage de la compréhension, en lien avec un certain nombre d’illusions qui s’attachent volontiers à l’écrit :
- Illusion de vérité et d’objectivité ;
- Illusion de certitude ;
- Illusion d’usage et d’efficience ;
- Illusion de complétude ;
- Illusion de transparence et de neutralité.
L’outil d’enquête
73Pour les entretiens semi-directifs (23), l’étude s’est déroulée à partir d’un guide d’entretien unique. Les entretiens ont été réalisés, soit par téléphone (8), soit en face à face(15), avec une durée moyenne d’environ quarante minutes. Nous nous sommes attachées à instaurer une relation de confiance, une écoute active et à rester neutre.
74Le recueil d’informations a été réalisé, soit par prise de notes (10), soit par enregistrements (15), après accord des personnes interviewées et engagement de notre part de maintenir une totale confidentialité.
75L’entretien non-directif a eu lieu en face à face en privilégiant les relances, mais en n’introduisant aucune nouvelle information.
Le terrain d’enquête
76Dans un premier temps nous souhaitions effectuer une analyse comparative entre deux établissements, puis, après quelques entretiens exploratoires dans trois établissements, il nous est apparu plus pertinent de n’en retenir qu’un et de rencontrer suffisamment de professionnels pour éclairer notre problématique. Puisque notre travail concerne le lien entre trois notions ; l’organisation, la stratégie et le management, nous avons choisi l’établissement qui affichait l’élaboration d’un Projet de Soin fait avec la participation des médecins, dans le cadre d’une dynamique pluridisciplinaire de construction du Projet d’Établissement et dont l’organisation en pôles, avec gestion déconcentrée, avait été amorcée depuis plusieurs années.
Le lieu d’enquête
77Le CHU retenu, est un établissement de référence, qui assure une mission de proximité. Il est le premier employeur de la région. Dans le cadre du plan « hôpital 2007 », le CHU se réorganise en pôles d’activités « sur la base d’un projet médical ». Ce mouvement, annoncé dans le projet d’établissement 2001-2005 et amorcé dès 2003 avec la mise en place de deux pôles, s’est poursuivi depuis, avec la création de treize nouveaux pôles. Ces quinze pôles sont composés de 46services. Chaque pôle est dirigé par un trio constitué d’un Coordonnateur Médical, d’un Directeur Référent et d’un Cadre Supérieur de Santé. La déconcentration de gestion est en cours de réflexion.
78Le CHU a satisfait à la première procédure d’accréditation en 2001, avec la formulation de trois recommandations et de deux réserves. L’équipe de Direction se compose de vingt deux Directeurs, dont onze sont référents de pôles. La Direction Générale est constituée du Directeur Général, du Directeur Général Adjoint, du Directeur des affaires générales et internationales, du Directeur de la qualité et du Directeur délégué à la communication. Quatre pôles administratifs et logistiques sont rattachés à la Direction Générale : le pôle accueil des patients, le pôle ressources humaines dont le Coordonnateur des Soins fait partie, le pôle finances, déconcentration de gestion et système d’information et le pôle ingénierie logistique.
79La Direction des Soins se compose d’un Directeur des Soins, Coordonnateur Général des Soins assisté par deux secrétaires. L’équipe d’encadrement comprend :
- Vingt et un Cadres Supérieurs de Santé, dix-huit issus de la filière infirmière, deux de la filière médico-technique et un de la filière rééducateur. Deux des CSS sont chargés de missions auprès à la DS dont un rééducateur et trois assurent exclusivement des missions transversales. Les autres sont CSS chacun sur un pôle et ont en responsabilité plusieurs services.
- Quatre-vingt Cadres de Santé, quatorze d’entre eux sont issus de la filière médico-technique, et quatre de la filière rééducation.
Population enquêtée et échantillonnage
80Il se justifie par le recueil d’expériences et de réflexions auprès d’acteurs ayant un rôle à des niveaux différents dans la gestion et le management et ayant été présents lors de la construction et l’élaboration du dernier PE. Au regard de notre questionnement, nous avons retenu comme population :
- d’une part, des détenteurs de la responsabilité institutionnelle politique et stratégique du projet que sont : le Directeur Général, le Directeur Général Adjoint, le Directeur de la qualité, le Directeur du Personnel et des Relations Sociales, le Directeur des Soins, du Président de la Commission Médicale d’Établissement (C.M.E.).
- d’autre part, des acteurs de trois pôles que sont : un Cadre Supérieur de Santé de pôle issu de la filière médico-technique (manipulateur en électroradiologie) et deux Cadres Supérieurs de Santé de pôle issus de la filière infirmière, Quatre Cadres de Santé de la filière infirmière et un Cadre de Santé de la filière médico-technique (Kinésithérapeute).
- Trois coordonnateurs de pôle (médecins), deux Directeurs référents de pôle (un est référent de deux pôles).
- pour recueillir la parole de l’Usager : un représentant des Usagers siégeant au CA.
Construction de la grille d’entretien
81Nous avons réfléchi à la construction de notre grille dans un double souci :
- le premier étant de formuler des questions ouvertes,
- le second de penser les questions dans une progression.
Le test
82Nous avons rencontré un directeur, un médecin et un cadre supérieur de santé pour soumettre les questions initiales et au regard de leurs remarques nous avons réajusté nos formulations, en particulier deux questions qui nous paraissaient trop inductrices.
Les aides, les gênes, les limites
83Le choix d’enquêter dans un seul établissement constitue la limite essentielle de ce travail. Pour palier en partie cet inconvénient, nous avons réalisé un nombre conséquent d’entretiens (23). Nous pensons toutefois que le recueil d’éléments, similaires ou contradictoires, dans plusieurs établissements aurait sans doute enrichi l’analyse. De plus, cette démarche ne constitue en rien une recherche exhaustive. Les données recueillies sont d’ordre qualitatif et mettent en évidence les points les plus marquants du dispositif vus par les vingt-trois personnes interviewées, avec les limites et la subjectivité du discours propre à chacun. Pour autant, les entretiens ont permis un recueil d’informations riches et diversifiées.
84L’anonymat est difficile à préserver du fait du seul terrain d’enquête retenu et nous impose dans notre travail, parfois, un manque de précision quant aux interlocuteurs.
85La disponibilité des interviewés et leur intérêt pour le thème de ce mémoire a été très aidant et a permis de réels échanges.
Présentation des données et de l’analyse
86Les écrits
87Pour éclairer notre question de départ qui interroge l’enjeu managérial que représente la conduite d’un projet de soin médico-soignant pour le Directeur des Soins, nous avons choisi, en lien avec nos sous questions, d’analyser les informations que nous aurons recueillies selon trois axes. Nous présentons les résultats de notre travail en identifiant puis en analysant, au regard de notre questionnement, la présence ou non d’écrits significatifs :
- d’une intention affichée de décloisonner en privilégiant la complémentarité et la transversalité,
- d’une intention explicite d’impliquer et de favoriser la coopération des professionnels,
- d’une intention négociée d’articuler les projets.
88Les entretiens
89De chaque entretien, ont été retenues les idées forces en lien avec le cadre conceptuel et notre problématique. Le choix d’une étude qualitative nous a conduits à employer régulièrement des citations des personnes rencontrées, plutôt que de résumer leurs interventions. À ceci ont été rajoutés les mots clefs employés par les personnes interviewées regroupant une catégorie d’idées homogènes, ainsi que des citations. Afin de construire notre propre opinion, il nous a paru intéressant d’associer les points de vue positifs ou négatifs des professionnels.
90Les résultats seront présentés au regard de :
- la structuration en pôle : un impact majeur sur la stratégie,
- la cohérence institutionnelle : de l’interaction à la fusion des composantes du PE,
- un management centré sur la notion de projet : une collaboration renforcée.
- l’organisation : une construction collective,
- la stratégie : au service de la transversalité,
- le management : du projet de soins infirmiers au projet de soin médico-soignant.
Présentation des résultats
La traçabilité des intentions et des interactions entre les composantes du PE : le projet d’établissement 2001-2006 du CHU de X
91Le président de la CME et Le Directeur Général qui ont signé conjointement l’avant propos souhaitent que « ce projet d’établissement 2001-2005 constitue un véritable défi qui fera appel à la compétence, aux savoirs et à l’expérience de chacun afin de bâtir un hôpital solidaire pour l’unique satisfaction des patients ».
92En introduction du projet d’établissement, est inscrit que le PE est l’occasion de changer et d’optimiser les structures de gestion dans le cadre des quinze pôles médicaux. En application du principe de subsidiarité, chaque fois qu’une décision peut être prise au niveau du pôle, elle doit l’être et cette responsabilisation accrue des acteurs favorisera la mise en commun de moyens et s’appuiera sur les principes de délégation de gestion et de contractualisation.
93Il est spécifié que la déconcentration de la gestion doit permettre de passer d’une logique de moyens à une logique de projets priorisés et partagés, énoncés avec transparence et délibérés par les instances consultatives et délibératives. Il est stipulé dés la première page qu’il est agencé autour du projet médical. Le projet d’établissement marque ainsi l’aboutissement d’une longue démarche comportant plusieurs étapes :
- L’analyse de la situation existante après la mise en œuvre du contrat d’objectif et de moyens 1998-2000,
- La mesure des forces et des faiblesses à partir de la première auto-évaluation de l’établissement réalisée dans le cadre de la démarche d’accréditation.
- Un travail de réflexion et de proposition au sein de 41groupes de travail dont 18 principalement médicaux.
- Modifier le mode de management interne de l’établissement en priorisant le décloisonnement et l’interdisciplinarité,
- Adapter nos structures pour les moderniser en privilégiant la complémentarité et la transversalité.
94Le préambule du PE est consacré à la démarche qualité où il est indiqué entre autre, qu’une meilleure prise en charge passera nécessairement par la motivation du personnel et par la perception de valeurs communes.
95Il est précisé que les principes phares de l’amélioration continue de la qualité sont la participation, la transversalité et l’évaluation et dans ce champ il est noté :
- l’implication et la responsabilisation des personnels de l’institution sont recherchées : c’est une démarche multiprofessionnelle qui repose sur l’adhésion de chacun,
- le dépassement des cloisonnements professionnels, grâce à la prise en compte de la primauté du patient est nécessaire : l’action ne se situe pas sur la prestation de chaque métier, mais sur la prestation finale produite par l’enchaînement des intervenants.
Il est précisé que la démarche qualité appliquée au CHU de X peut se décliner en plusieurs objectifs. « c’est un levier qui peut être utilisé pour atteindre les objectifs stratégiques d’un PE ». De plus, il est inscrit que la démarche qualité, au delà de l’objectif final, peut se décliner en objectifs intermédiaires tels que :- La mise en œuvre d’une nouvelle organisation coordonnée des activités et des niveaux de soins,
- la reconnaissance et la valorisation du personnel,
- La recherche d’une amélioration de la prestation donnée au patient.
96Pour la méthodologie retenue, il est précisé dans les moyens au service de la qualité en interne et en externe, des principes d’action simples à décliner pour chaque projet mené. En interne, il est souligné l’importance de la formation et le caractère multiprofessionnel de la réflexion et de l’action, de la responsabilité des acteurs, de l’évaluation et de la mesure des résultats par des systèmes d’indicateurs.
97De plus, il est spécifié que le CHU envisage de mener sa démarche qualité par appel à projet et par commande auprès des pôles, pour mener des actions d’amélioration de la qualité. Sachant que la direction, la Commission Médicale d’Établissement ainsi que la Direction des Soins ont déjà engagé l’établissement sur des domaines fondamentaux.
98La Direction des Usagers des Risques et de la Qualité, en coopération avec la Direction des Soins et la Commission Médicale Établissement, va demander aux pôles concernés de concevoir leur plan d’actions pour améliorer la qualité. Ainsi, sur un objectif fixé par le projet d’établissement, chaque pôle pourra concevoir son propre projet.
99Concernant le projet médical sont évoqués successivement, le développement des activités de références, les projets de réorganisation médicale de l’institution et la promotion des missions de proximité. Traduisant une rupture par rapport au projet précédent, le projet médical est structuré par pôles d’activité, regroupant des services, définis par la CME dans une logique de prise en charge plus globale du patient.
100Concernant le projet de soins infirmiers, il est précisé qu’il concerne l’ensemble des catégories soignantes et tous les professionnels de santé qui participent à la prise en charge des patients. Il est inscrit que le CHU à la volonté de centrer les soins infirmiers sur la personne en privilégiant :
- la complémentarité et la coordination des professionnels participant à la prise en charge du patient,
- la valorisation des compétences et des fonctions,
- le respect des droits des valeurs, de la dignité du patient et de ses attentes telles qu’elles sont exprimées dans la charte du patient hospitalisé.
- l’organisation en pôles,
- l’évolution des métiers soignants,
- la démarche qualité,
- la recherche en soins.
101L’avant dernier chapitre du PSI est consacré à la démarche qualité et rappelle que le personnel soignant s’est engagé résolument dans la démarche qualité. Les actions sont à poursuivre et à développer dans le cadre du plan qualité de l’établissement.
102Elles seront particulièrement axées sur trois domaines :
- l’accueil et la prise en charge des patients,
- la gestion des risques,
- l’évaluation des pratiques.
103Il est précisé que :
- la gestion déconcentrée, laisse à penser que des circuits et des modes de relations différentes vont s’instaurer entre les différentes directions et les pôles,
- le rôle du cadre supérieur va changer, il s‘agira pour lui de gérer la complémentarité au sein du pôle ; son rôle est important dans la dynamique de ce projet, il faudra passer à un mode de pensée plus collectif.
104Concernant le projet social, il est inscrit qu’il s’articule autour de sept thèmes, dont l’un insiste sur l’importance de la communication et du dialogue social et un autre sur la reconnaissance et la valorisation du rôle de l’encadrement.
105Pour le premier, il est noté que c’est par le biais de ces éléments de dialogue et d’information que pourra se réaliser une démocratie interne efficace et constructive. Dans la perspective de la déconcentration de gestion pour le rôle de l’encadrement, il est indiqué qu’en relation avec l’ensemble du projet d’établissement et des démarches nouvelles d’accréditation ou de vigilance, quelques axes prioritaires de leur implication sont à souligner :
- le management des équipes,
- l’organisation de l’activité,
- le suivi de paramètres de gestion significatifs et leur analyse en corrélation avec l’activité.
106Dans le dernier chapitre du PE intitulé « la modernisation de la gestion », il est dit que les travaux préparatoires du projet d’établissement ont montré une forte aspiration des acteurs hospitaliers à une plus grande participation à la décision, à la mise en œuvre des projets et à une association à la gestion. De plus, dans ce sens est précisé que la nécessité de décloisonner les services et les activités suppose la mise en œuvre de deux principes : la recomposition de l’établissement en centre de responsabilités et la volonté de déconcentration de gestion reposant sur le principe de subsidiarité selon lequel les décisions doivent être prises au niveau le plus proche possible des personnes qu’elles concernent. II est inscrit de plus, que la constitution des pôles, pour les activités médicales et médico-techniques, vise à promouvoir une organisation communautaire et solidaire.
La traçabilité d’une évaluation au service de la qualité de la prestation : le rapport d’accréditation au regard des intentions retenues dans le PE
107Le CHU a satisfait à la première procédure d’accréditation en décembre 2001, avec la formulation de trois recommandations et de deux réserves. Ces dernières concernent la généralisation des prescriptions écrites, identifiées, datées et signées et l’application d’une politique de la confidentialité.
108Concernant l’organisation de la prise en charge, le rapport commence par préciser qu’il existe un projet médical et un projet de soin pour tous les services. Le projet d’établissement met l’accent sur des pôles d’activité avec des axes de développement commun basés sur une logique de prise en charge des patients. Il est précisé que la prise en charge des patients est optimisée par des staffs médicaux, paramédicaux et multidisciplinaires.
109Concernant le management de l’établissement et des secteurs d’activité, il est noté que le projet d’établissement et le projet médical définissent les orientations stratégiques. Un projet fort de réorganisation en pôle d’activité est en cours de finalisation. Les professionnels ont été largement impliqués dans l’élaboration de tous les projets qui sont bien connus. Le fonctionnement des instances est satisfaisant.
110Concernant la gestion des ressources humaines, le rapport relève que le projet social a été rédigé dans une démarche participative autour de valeurs partagées de solidarité, de promotion et de valorisation personnelle.
111Concernant la dynamique de gestion de la qualité, il est souligné le management participatif, la création des pôles d’activité et le concept de responsabilité comme étant des points forts. Il existe une charte de la qualité signée par le Directeur Général, le Président de la CME et le Directeur du Service de Soins Infirmiers. Ses missions sont la défense des « valeurs du service public ». Il est de plus mis l‘accent sur le fait que le personnel est largement impliqué et informé.
La traçabilité de la méthodologie de conduite du PE et tout particulièrement du projet de soins infirmiers
112Le comité de pilotage du PE se compose du DG, du DGA, du Directeur des Affaires Générales, du Directeur des Soins, d’un Cadre Supérieur de Santé, de cinq médecins dont le Président et le Vice-Président de la CME.
113Plus de cinq cent douze professionnels hospitaliers sont investis dans l’élaboration du PE dont cent quatre dans le projet de soins infirmiers. Quarante et un groupes de travail dont dix huit principalement médicaux sont constitués. Aucun médecin ne participe aux groupes de travail du PE.
114Dans le premier compte-rendu de CSSI abordant la méthodologie d’élaboration du PSI, il est noté que les médecins sont invités dans les groupes de travail et qu’ils participent régulièrement à ceux-ci. Il est indiqué aussi que le DS rencontre régulièrement le président de la CME pour faire le point sur l’avancée des travaux (PSI et PM).
115Le Directeur des Soins est le chef de projet du PSI et le Cadre Supérieur de Santé participant au comité de pilotage du PE. Ce dernier est désigné comme étant coordonnateur opérationnel du PSI. Il est membre de la CSSI.
116Cinq groupes ont été mis en place, un pour chaque axe du PSSI. Un animateur par groupe a été nommé. Des réunions plénières ont lieu régulièrement. Elles étaient animées conjointement par le directeur des soins et le coordonnateur opérationnel du PSI. Une lettre de mission, pour chacun des groupes, a été rédigée.
117La démarche d’élaboration du PS comporte plusieurs étapes :
- l’analyse de la situation existante,
- la mesure des forces et des faiblesses à partir de la première auto évaluation de l’établissement réalisée dans le cadre de la démarche d’accréditation,
- un travail de réflexion et de propositions.
118Le plan de communication a été conduit par le comité de pilotage en partenariat avec la Direction de la Communication. De nombreuses communications orales et écrites ont été faites en interne comme en externe tout au long du projet.
La traçabilité de la parole des professionnels
La structuration en pôle : un impact majeur sur la stratégie
Une organisation transversale
119Le DG et le DGA indiquent, dès le début de l’entretien sur l’organisation en pôle et la gestion de proximité, qu’ils sont « les meilleurs gages de notre institution pour défricher l’avenir », selon le DGA, nous avons été « précurseurs » et précisent que le projet d’établissement 2001-2005 « met l’accent sur l’organisation et la recherche de complémentarité des activités, grâce à la structuration de 15 pôles d’activités médicales et médico-techniques » (DG). « Ce cadre d’action rénové » (DG) permet au CHU de poursuivre 5 objectifs : la réorganisation des activités médicales, la priorité à la recherche et à l’innovation, l’adaptation aux nouvelles technologies de l’information, la consolidation de l’emploi et l’accompagnement de la formation. « Un avenant au contrat d’objectifs et de moyens, portant sur la période 2002-2006, a été conclu avec l’Agence Régionale d’Hospitalisation » (DG). La réflexion sur la méthodologie du prochain projet d’établissement est initiée (DGA). Pour le DG et le président de la CME « Le PE 2001-2007 » constitue « un véritable défi pour l’avenir » (DG), « il fait appel à la compétence, au savoir et à l’expérience de chacun afin de bâtir un hôpital solidaire pour l’unique satisfaction des patients » (DG et président CME). Début 2007, « l’ensemble des services de l’établissement sera organisé en pôle » (DGA). Le conseil exécutif se compose « de huit Directeurs et de huit médecins, dont le coordonnateur Général des Soins qui fait partie du comité exécutif » (Le CSSI).
120Une contractualisation interne avec les pôles va être instaurée dans le cadre d’une déconcentration de Gestion, « ce qui est responsabilisant pour nos équipes et stimulant » (CSSI et médecin). Cependant, créer des pôles c’est agréger des services, ainsi « la création des pôles est révélateur du climat social » (DPRS). Lorsque des conflits existent, cette organisation les mettra en exergue « il y a des médecins qui ne veulent pas travailler ensembles dans certains établissements » (médecin). La coopération dans ce contexte est difficile, mais « chez nous ça se passe bien on est très favorables » (médecins). Les Directeurs soutiennent l’idée que la déconcentration de gestion est la bienvenue, car « elle conduit, à clarifier leurs missions spécifiques par rapport aux acteurs opérationnels » et « implique ceux qui engagent l’établissement sur le plan économique ». Pour ce qui est des responsabilités partagées, « les directeurs n’ont plus le monopole de la gestion mais gardent celui de la direction » (DG) et, selon le président de la CME, cela « doit permettre aux directions fonctionnelles de se centrer sur les axes transversaux de leurs missions ». Néanmoins, la nécessité « de développer des compétences managériales et de les exercer en intégrant les responsables opérationnels » (DG) s’impose. Cependant, « je ne suis pas un gestionnaire » s’exclame un médecin. Dans cette nouvelle organisation, l’ensemble des professionnels interviewés craignent « la balkanisation » (CSSI) des pôles : « j’ai peur de l’isolement des pôles, je crois que c’est de la responsabilité de la direction, de favoriser les transversalités afin de pallier à ce risque » (médecin).
L’implication et l’adhésion
121L’aspect positif prédominant dans le discours des professionnels est « le rôle indispensable que tous les acteurs doivent jouer dans cette nouvelle organisation » (DGA). Un langage et des objectifs communs « permet d’unir nos énergies » (CSSI). Cependant, « la finalité doit être bien connue de tous » et le PE « permet de fixer le cap, c’est comme un phare, ça évite de se tromper de direction » (médecin).
122Les équipes sont prêtes à s’investir dans ce changement organisationnel « si on les considère comme un maillon important du système et qu’on les implique, ils seront motivés et ils donneront le meilleur d’eux-mêmes » (CSSI, CS, DS).
123C’est une opportunité pour travailler ensemble, pour décloisonner, pour encourager les coopérations « pour élaborer des projets collectifs » (CSK) « et passer d’une logique de moyen à une logique de projet » (DG). Concernant le maintien de la cohérence transversale « un projet de soins pluri professionnels peut être une plus-value » (DS). Le pilotage du pôle est un enjeu stratégique important puisque « si le trio s’entend bien c’est la réussite » (directeurs) et « les équipes suivront » (CSSI). Le CHU et les professionnels qui le composent ont besoin de reconnaissance pour accepter le changement « on veut que ça change, mais pas chez nous » (CS), « les enjeux de pouvoir entre les administratifs, les médecins et les soignants sont encore trop importants » (CSI). La seule façon de générer l’adhésion « c’est de placer le patient au centre de la réflexion, pour tous les professionnels » (DS). Mais, changer « n’est pas une déclaration éthique, c’est une urgence incontournable » (directeur).
124Il y a « une seule préoccupation viable » pour tous les acteurs hospitaliers « l’amélioration de la qualité des soins dans une dynamique de prise en charge globale du patient au moindre coût » aussi. Selon le DG, « la formalisation des contrats de pôle soude la confiance entre les interlocuteurs » et a un effet « mobilisateur des énergies par l’engagement et la responsabilisation que cela génère » (président CME). Quand le trio de pôle signe le contrat « tous les acteurs du pôle sont représentés et se sentant impliqués, ils sont plus à même de se mobiliser dans le sens de la réussite » s’exclame un Cadre Supérieur de pôle. L’intérêt premier apparaît comme étant « l’atténuation de la dichotomie administratif/médical-soignant et dans la nécessité de rapprocher la prise de décision du niveau opérationnel » (directeur). Dans ce champs, la contractualisation est mobilisatrice « elle responsabilise les acteurs et rend lisible les résultats » et a ainsi un impact sur « l’adhésion des professionnels à la démarche » (CSSI).
Le DS et l’amélioration des pratiques professionnelles
125Contrairement aux idées reçues, selon un coordonnateur de pôle et un cadre supérieur de pôle, « l’organisation en pôles d’activité est en faveur d’une harmonisation des pratiques au sein des pôles ». Aujourd’hui, chaque fois qu’une décision est prise, « elle est pensée par rapport au pôle ». Le Directeur des soins a « un rôle important à jouer dans la dynamique de changement et la stratégie des acteurs ». Il est « Responsable de l’organisation et de la qualité des soins » pour le président de la CME. Ainsi, en « se positionnant dans une logique de projet, plus stratégique et plus politique, il jouera un rôle important et mettra du lien à l’intérieur des pôles et entre les pôles » (médecins). Le partenariat avec le président de la CME, « en décloisonnant les services, en encourageant la solidarité et en fédérant l’ensemble des professionnels » (Président de la CME), permettra « en privilégiant la coopération autour du patient l’amélioration des pratiques » (DS). Le président de la CME précise dans ce champ que « La stratégie que le DS développera pour conduire de façon cohérente le projet de soin aura un impact majeur sur la dynamique de progrès de l’établissement ». Selon le représentant des Usagers, « avoir un directeur qui a été infirmier, c’est un plus, on se comprend ».
La cohérence institutionnelle : de l’interaction à la fusion les composantes du PE
Une opportunité…
126L’ensemble des professionnels soumis à l’entretien s’accorde pour dire que le PE « est un acte majeur, qui fixe les orientations stratégiques et les axes de développement que le CHU entend poursuivre pour cinq ans » (DG), en précisant qu’il est le résultat de l’effort de chacun (DGA). Les professionnels ont tous un avis sur le PSI et disent que le projet de soin « c’est notre cadre de référence » (CSSI) et « cela permet d’argumenter auprès des professionnels pour qu’ils améliorent leurs pratiques » (CS). Le projet de soins, « c’est se raccrocher à quelque chose pour se projeter » (directeur) ; « c’est ce qui permet de soigner » (usager). Le projet de soin c’est « le cœur du PE » pour le président de la CME et il rajoute « La gouvernance, c’est un levier à l’innovation et cela a provoqué l’éclosion du projet de soin, c’est génial ».
127Pour le DS, « Le projet de soin constitue la concrétisation de la politique de soins. Il prend vraiment tout son sens dans une organisation en pôles » (DS). Cependant, « il n’est pas assez connu » (l’ensemble des interviewés). Les personnes qui ont participé aux groupes de travail, les CSS et les CS le connaissent mais « les professionnels de terrain ne savent même pas qu’il existe, sauf ceux qui sont à la CSSI » (les CS). C’est pourtant « un vecteur de communication » pour l’ensemble des professionnels. Le projet de pôle apparaît pour les CS et les CSS des pôles « une opportunité pour une déclinaison opérationnelle du PSI » et pour les médecins « c’est la partie soins des pôles qui devrait constituer le PSI, c’est nous qui connaissons les besoins et les attentes des patients ».
128Les médecins, malgré ce qu’ils disent du PSI actuel « c’est l’arlésienne », « c’est ésotérique », « c’est de la théorie le projet de soins infirmiers, le projet médical est opérationnel lui », expriment le fait que le PSI « avec le projet médical sont indispensables pour une bonne prise en charge des patients ». L’articulation n’apparaît pas vraiment, actuellement « le projet médical est centré sur les activités alors que le PSI c’est l’amélioration de la qualité de la prestation de soins » (directeur de la qualité). Le président de la CME exprime une idée qui est reprise par l’ensemble des personnes rencontrées (exprimée de façon différente). « On est là pour un projet de soin qui n’est pas le projet des soignants ». « Le projet actuel n’est que paramédical, c’est dommage », confirme un médecin.
129L’intérêt stratégique du changement d’organisation qui conduit « à déployer au niveau des pôles le projet d’établissement de façon opérationnelle et spécifique » (CS), conduit le président de la CME à penser que cela « permettra une prise en charge efficiente du patient, en ce centrant sur sa trajectoire en lien avec la notion de filière et de réseau ». Sachant que pour le Directeur des soins, « élaborer un projet commun centré sur le parcours coordonné du patient permettrait d’impliquer l’ensemble des professionnels concernés par la prise en charge du patient ». L’éventualité « d’un projet de soin médico-soignant construit à partir des processus de soins apparaît pour le directeur des soins une opportunité pour décloisonner, fédérer et coordonner l’ensemble des professionnels concernés par la prise en charge du patient ». Un des directeurs référents de pôle préconise « un PE constitué d’un seul projet, celui de prise en charge du patient qui sera décliné dans tous ses aspect (soins, médical, logistique…) en illustrant par un exemple « pour les prescriptions médicales, cela concerne les médecins, les paramédicaux, mais aussi le service informatique…) »
…mais pas à n’importe quel prix
130Cependant un des Cadres nouvellement diplômé et venant de prendre ses fonctions, précise, qu’elle n’a pris connaissance du projet d’établissement qu’en 2004, lorsqu’elle a préparé le concours. Quant au PSI, « je l’ai découvert à la CSSI quand j’étais infirmière, c’était notre base de travail » mais « sinon je ne crois pas que dans les services on le connaisse ». Les professionnels rencontrés parlent volontiers du projet de pôle qu’ils ont élaboré récemment « en tenant compte des axes du PSI » (CSS) mais difficilement du PSI en cours « nous sommes tournés vers l’avenir, le prochain PE devra privilégier les interactions entre les projets » (président de la CME). Les CSSMT et le CSK apprécient d’avoir été impliqués dans l’élaboration du PSI et font part de leur satisfaction que le projet de soins soit maintenant « officiellement » infirmier, médico-technique et de rééducation. Le CSSMT insiste en disant « je revendique d’être un soignant ». Le risque sinon « c’est de se réfugier derrière la technique, le projet de soin participe au décloisonnement en créant une dynamique transversale » (CS médico-technique). Pour l’ensemble des Directeurs, « la conduite d’un projet devient dans nos organisations, un moyen de communiquer entre les acteurs » mais également, « elle nécessite une communication régulière sur l’évolution du projet lui-même, pour permettre une appropriation du projet et des changements qu’il génère pour les personnels concernés » (DS). C’est ce qui a manqué : « lors du dernier PSI, la communication autour de la structuration des pôles a volé la vedette aux autres projets », s’exclame le représentant des Usagers rencontré et pourtant « c’est à ce prix qu’ils vivront ».
Un management centré sur la notion de projet : une collaboration renforcée
La conduite du projet de soins infirmiers dans le cadre du projet d’établissement
131Pour le directeur et le directeur adjoint, chaque service a eu sa part de liberté d’initiative et de créativité pour faire évoluer le système, notamment au niveau des propositions dans chaque composante du PE. La nécessité d’assurer sa mission auprès des usagers a pu parfois « limiter l’implication des professionnels dans les groupes de travail ». Pour le Directeur des Soins, l’appropriation du projet passe « obligatoirement par la participation des acteurs ». Les médecins expriment un scepticisme initial sur l’utilité et l’intérêt de la démarche projet initiée. Ayant l’habitude de traiter les problèmes sur le mode de l’urgence, leur sentiment était une perte de temps en réunions. Par la suite, ils ont apprécié le travail puisqu’il a permis « au niveau des différents volets du PE » de « prendre en compte les idées de chacun dans une logique de complémentarité ».
132Le président de la CME insiste sur le lien entre stratégie et management dans une organisation en pôle. Pour lui, « la stratégie mise en œuvre dans la conduite du PE a été une stratégie de coopération, ce qui a permis une adhésion au projet, favorisée par le changement organisationnel initié ». L’accompagnement du PSI lui paraît indispensable pour fédérer tous les professionnels du soin autour du patient. Ainsi, « le président de la CME, que je suis, ne peut pas s’extraire d’une relation privilégiée avec le DS ».
133Pour les CSSI et les CS, l’appropriation du projet passe par le champ d’action et de proposition laissé aux services « sans démagogie, il faut une vraie prise en compte de notre vécu ». Elle nécessite, pour les membres du comité de pilotage rencontrés, la clarté des règles, de ce qui est attendu et des limites « Chaque groupe fait son état des lieux, puis réfléchi et fait des propositions mais cela doit s’intégrer dans la politique de l’établissement ». Pour les Cadres Supérieurs Infirmiers et le Directeur des Soins, la méthodologie retenue a été fédératrice. Chaque professionnel a eu sa part de créativité mais dans un cadre connu. « Nous avons eu de l’autonomie tout en étant accompagné », le consultant facilitant les démarches, apportant son aide méthodologique. Pourtant, la notion de transversalité portée par le comité de pilotage « nous paraissait peu familière » (les CS). Par la suite, « nous avons vu l’importance de comparer les points de vue, de mettre à plat les différences pour avancer ensemble » (médecin). La cohésion des groupes s’est renforcée à cette période. Un des cadres précise que cette coordination permet de suivre l’état d’avancement du projet. L’ensemble des professionnels rencontrés pensent que les membres des groupes de travail, au sein des services toutes catégories confondues, ont apporté une plus-value à la démarche, en diffusant l’information et en favorisant le décloisonnement. La réussite du projet ne pourra avoir lieu que « si sa construction ne se déconnecte pas du quotidien » pour les directeurs référents de pôles.
134Un médecin coordonnateur de pôle insiste « il faut axer mon rôle sur la communication » c’est fini « les mandarins » s’exclame-t-il. L’ensemble des professionnels s’accorde pour dire qu’il n’y a pas eu vraiment une stratégie de déploiement du projet de soin et déplore le manque de tableau de bord, notamment pour permettre une évaluation qui est, selon l’encadrement, « ce qui garde vivant le projet ». Cependant, le DS insiste sur le fait que « chaque CSS et CS selon son niveau d’appropriation et de formation a construit des outils, et qu’ils ont été régulièrement présentés en réunion de cadres ». Cependant, « un suivi institutionnel dans le cadre du PE a été envisagé » (directeur) et devait permettre « de créer les conditions de réussite des priorités stratégiques » (le DG).
135Pour l’ensemble des professionnels rencontrés le bilan est positif puisque « l’organisation en pôle et la déconcentration de gestion se passent bien ». Cependant, pour certains « il aurait fallu mettre en place la nouvelle organisation puis ensuite les différents projets dans un esprit de transversalité » (médecin). Quant au projet de soins infirmiers, « de toute façon c’est la manière de le conduire qui change, mais le contenu est pratiquement toujours le même » (CSS). Le représentant des Usagers trouve que le projet de soins infirmiers, dont il a pris connaissance dans les documents du CA lors de la validation du PE, « est clair, c’est la partie que j’ai le mieux compris car elle parle vraiment des soins pour le patient ».
Le rôle du Directeur des Soins
136Pour le DGA, lors de l’élaboration il s’est surtout situé dans la négociation sur les priorités à retenir et le soutien des équipes. Le DG pense qu’il a été plutôt facilitateur dans la mise en œuvre du projet. Dans ce nouveau contexte, le rôle du directeur des soins « est à la fois politique et stratégique » (DGA). Par sa connaissance du milieu, il contribue à garder une cohérence institutionnelle entre les différents projets et enrichit en retour les réflexions du CHU. Pour les médecins, le DS a apporté une « dimension soignante » à l’équipe de direction et dans le comité de pilotage il a permis « de rassembler la logique médicale et soignante par sa capacité à recentrer en permanence sur le patient et sa famille ». Il a participé aux réflexions et sa disponibilité pour aider les animateurs des groupes dans leurs travaux était un atout. De plus, pour les professionnels impliqués dans les groupes de travail, l’intérêt majeur de sa participation a été « de mieux connaître le DS ». Pour les Cadres Supérieurs de Santé, la place du DS s’est traduite au niveau de l’équipe de direction par un engagement et un partage de connaissances et d’informations. Il leur paraît important qu’il soit une force de propositions. Au niveau de la Direction des Soins, il doit être garant de la cohérence et de la méthode dans la préparation et la réflexion sur le PS. Pour le DS, il est « un interlocuteur privilégié des directions fonctionnelles et du corps médical dans le domaine du soin » et doit « veiller au découragement des équipes » car des contraintes limitent souvent l’innovation. Pour l’encadrement soignant, il doit « générer l’envie d’avancer ensemble par la confiance ».
137Le DS doit être un leader pour les soignants « comme le président de la CME pour les médecins » insiste le Président de la CME. Pour la plupart des personnes rencontrées, la légitimité professionnelle du DS, ne semble pas être remise en cause. « Dans une organisation pôle où le danger de cloisonnement est grand, il doit maintenir et affirmer sa mission de cohérence et de coordination des soins » (directeur).
Une analyse transversale du PE dans un souci d’étude de la cohérence
Une intention affichée de décloisonner en privilégiant la complémentarité et la transversalité
138Une ambition forte est affichée dès l’introduction du PE : la déconcentration de la gestion doit permettre de passer d’une « logique de moyens à une logique de projets » ; le mode de management interne de l’établissement « doit être modifié en priorisant le décloisonnement et l’interdisciplinarité ». Ce qui implique que le management jusque là, n’allait pas dans ce sens ! Les modes de managements administrés, face à la complexité croissante de l’hôpital, se sont révélés inefficaces puisque ne créant pas de coopération entre le sommet stratégique et le centre opérationnel. Agir par le management, comme préconisé tout au long du PE et introduire lors du changement d’organisation la transversalité, apparaît comme une solution innovante. L’organisation regroupe un certain nombre de personnes interdépendantes qui travaillent ensemble pour atteindre des buts communs.
139Cela affiche clairement une volonté de s’appuyer sur la mobilisation du plus grand nombre de professionnels, à partir d’un fonctionnement transversal. L’objectif poursuivi vise à rapprocher les logiques des différents métiers, source d’amélioration et de décloisonnement de l’organisation. Dans ce sens, il est précisé qu’il est nécessaire « de moderniser les structures en privilégiant la complémentarité et la transversalité ». C’est sur le terrain de la transversalité que les Directeurs ont le plus à démontrer. Ainsi valorisée, l’innovation managériale est au service de la transversalité. Comme l’indique George Nizard « il faut innover, inventer, il faut de l’inédit » [48]. Si cette organisation s’instaure véritablement, elle permet de favoriser un travail en réseau. Sachant que, selon Michel Crémadez, « l’application du principe hiérarchique (un subordonné = un chef et un seul) est de plus en plus anachronique » [49]. Plus de transversalité, grâce à la stratégie mais aussi, grâce à un management de proximité « l’appropriation de la dimension stratégique par les hospitaliers rend possible l’institution d’un management de proximité au plus proche des activités permettant de remédier à l’éclatement, l’atomisation traditionnelle de celles-ci » [50].
140La nécessaire évolution du sommet stratégique vers plus de transversalité, affichée clairement en introduction du PE mais aussi dans chacune des composantes étudiées, donne une lisibilité aux intentions énoncées et les renforce. L’organisation préconisée favorise le dialogue, il s’agit de « bâtir un hôpital solidaire pour l’unique satisfaction des patients » témoigne d’une volonté de substituer une vision parcellaire de l’hôpital à une conception plus intégrée. L’affichage des valeurs, des finalités associées aux orientations stratégiques, contribue à entretenir la dynamique de changement. Cela a une importance accrue dans un contexte nouveau d’organisation en pôle d’activités et de déconcentration de gestion. Cette réorganisation renvoie à une double nécessité : « Répondre aux besoins accrus de coordination, créer des sous-ensembles pertinents pour la gestion des ressources et permettre des économies d’échelles » [51]. De plus, il est noté dans le PE, « la responsabilisation accrue des acteurs favorisera la mise en commun de moyens et s’appuiera sur les principes de délégation de gestion et de contractualisation ».
141Fédérer, autour du patient, les professionnels « dans une logique de prise en charge globale » (PM et PSI) apparaît ainsi, comme un projet collectif à partir d’une réelle collaboration et interaction des professionnels. Cependant, il n’est pas retrouvé, dans le projet médical, d’autres expressions qui font référence à une volonté d’aller vers plus de complémentarité et de transversalité. Le PM est plutôt centré sur le développement des spécialités.
142Cependant, « une rupture par rapport au projet précédent » est soulignée puisque ce PM est structuré par pôles d’activité. La prise en soin pluriprofessionnelle n’est pas abordée dans le PM en termes de processus comme préconisé. Dans le préambule consacré à la démarche qualité, « l’action ne se situe pas sur la prestation de chaque métier mais sur la prestation finale produite par l’enchaînement des intervenants ».
143Dans cette synergie, la démarche projet prend pourtant tout son sens. Elle met en œuvre les compétences nécessaires pour atteindre un but « commun et partagé » en s’appuyant sur une interaction pluriprofessionnelle et de fait, un mode de fonctionnement plus transversal permettant de construire des liens de confiance associés à une information ascendante et descendante. La volonté de « complémentarité », exprimée dans le PSI associée à « l’importance de la communication et du dialogue social » exprimée dans le projet social, va dans ce sens. Ainsi, l’intention affichée de décloisonner en privilégiant la complémentarité et la transversalité énoncée dans le PE, met en évidence trois notions extrêmement liées : la stratégie, le management et l’organisation.
Une intention explicite d’impliquer et de favoriser la coopération des professionnels
144La mise en exergue de la prise en charge des patients est notée dès l’introduction du PE « afin de privilégier la démarche du médecin et du soignant vers le malade ». La volonté de s’orienter vers une démarche commune médico-soignante de prise en charge des patients est posée. L’amélioration de la prise en charge du patient en opérant « une coopération entre les personnels médicaux, soignants et administratifs » est un affichage fort du PE, dans le cadre de la démarche qualité. Ainsi, l’objectif de cohérence et de coopération entre ces différentes composantes est avancé, de même que celui de l’efficience au profit du malade, en privilégiant les trajectoires de soins et en introduisant la notion de résultat. L’intention de mutualiser et de valoriser les compétences affichées dans le projet de soin nécessite ainsi une coordination des actions. La nouvelle organisation en pôle doit permettre un renforcement de la complémentarité des acteurs et de la coordination entre acteurs (PSI).
145La coordination désigne, selon Michel Crémadez et François Grateau dans leur ouvrage « le management stratégique hospitalier » [52], l’ensemble de règles, conventions et routines, qui permettent d’assurer une coopération entre les membres de l’organisation. Néanmoins, ceci n’est pas forcément synonyme de décloisonnement et de connaissance, voire de reconnaissance des différents métiers.
146Selon les deux auteurs précédemment cités, deux mécanismes de coordination ont la primauté à l’hôpital :
- l’ajustement mutuel entre individu et,
- la standardisation des qualifications.
147La standardisation des qualifications : « Autorise une coordination spontanée grâce à l’homogénéisation des comportements individuels ». Obtenue essentiellement à partir de la formation et de la socialisation, la standardisation permet aux professionnels de savoir ce qu’ils peuvent espérer les uns des autres. Ces mécanismes peuvent favoriser une forme de corporatisme.
148En référence aux principes de management, énoncés dans le PE, une coopération efficace au sein de l’équipe de direction est nécessaire, sachant qu’elle tient une place primordiale dans la mise en œuvre du changement. Il s’agit de dépasser les éventuelles rivalités et de coopérer à la réalisation de démarches transversales. Ainsi, on peut lire « La DURQ en coopération avec la Direction des Soins et la Commission Médicale établissement va demander aux pôles concernés de concevoir leur plan d’actions pour améliorer la qualité » ou encore « La gestion déconcentrée, laisse à penser que des circuits et des modes de relations différentes vont s’instaurer entre les différentes directions et les pôles ». Cependant, le projet de soin qui insiste sur le fait que « la coordination entre tous les professionnels de santé doit être encouragée » implique déjà les professionnels médico-soignants et rééducateur. Mais qu’en est-il des médecins ?
149Sur « un objectif fixé par le projet d’établissement, chaque pôle pourra concevoir son propre projet, adapté aux pratiques le concernant » peut-on lire. Cela laisse à penser, que le projet de soins infirmiers ainsi que le projet médical ne sont pas la compilation des projets des secteurs ; même si, pour le projet médical, il est précisé qu’il est structuré par pôle. La déclinaison opérationnelle laissera alors, une marge de manœuvre aux acteurs du centre opérationnel et permettra, par l’opérationnalité de la démarche, d’impliquer les professionnels et de renforcer le rôle de l’encadrement comme élément fédérateur des compétences. Cette opérationnalité devrait permettre de favoriser la coordination transversale de tous les professionnels, au bénéfice du patient et de sa famille, par la nécessité d’élaborer un projet commun. Dans ce sens, « Le rôle du Cadre Supérieur va changer. Il s‘agira, pour lui, de gérer la complémentarité au sein du pôle. Son rôle est important dans la dynamique de ce projet, il faudra passer à un mode de pensée plus collectif » (PSI). De plus, « Dans la perspective de la déconcentration de gestion pour le rôle de l’encadrement, il est indiqué qu’en relation avec l’ensemble du projet d’établissement et des démarches nouvelles d’accréditation ou de vigilance, quelques axes prioritaires de leur implication sont à souligner, comme le management des équipes, l’organisation de l’activité, le suivi de paramètres de gestion significatifs et leur analyse en corrélation avec l’activité » (PSI).
150La modification essentielle du rôle de l’encadrement semble, à la lecture du projet, porter sur la nécessité qu’il s’inscrive dans une logique de projet en tenant compte des objectifs et de l’enveloppe budgétaire allouée par pôle. Le mode de management affiché dans le PE les situe comme des acteurs indispensables. er les cadres et les cadres supérieurs dans cette nouvelle dynamique va les inciter à définir ensemble le nouveau périmètre de leur fonction. Dans ce contexte, conjuguer la notion de projet en vue d’une mise en cohérence de l’action collective, peut être le ciment à la coopération.
Une intention négociée d’articuler les projets
151Cependant, dire en introduction que le PE est articulé autour du projet médical n’affiche pas l’articulation entre les projets. Mais un peu plus loin, il est clairement affiché que la mission première de l’établissement s’articule autour des axes « du projet médical et de soins ». Il pourrait à la lecture du « et » s’agir d’un même projet ; mais nous l’avons vu dans la déclinaison des composantes du PE, il n’en est rien. Cependant, la prise en charge des patients évoquée : « le projet médical est structuré par pôles d’activité, regroupant des services, définis par la CME dans une logique de prise en charge plus globale du patient » (PM), laisse à penser qu’il y aura une articulation entre les deux projets ; Concernant le projet social et le projet qualité, il s’agit nous l’avons mis en évidence précédemment, davantage d’interactions que d’une véritable articulation.
Synthèse : des intentions au service de la stratégie
152Le PE comme support écrit de la réflexion stratégique, apparaît ainsi vouloir conduire à dégager une vision claire, afin d’engager les différents acteurs à poursuivre les mêmes buts. La mise en cohérence transversale des initiatives stratégiques des acteurs est ainsi montrée comme vecteur de l’adaptation de l’hôpital, à la diversité et au caractère évolutif de ses missions. Le projet de soin à la lecture du PE s’inscrit bien dans cette dynamique, en interaction avec les autres composantes étudiées. L’affichage d’un projet de soin médico-soignant n’apparaît pas, mais la prise en charge globale du patient est montrée comme fédératrice des compétences pour une dynamique collective ancrée dans une démarche continue d’amélioration de la qualité des soins.
Une analyse transversale du rapport d’accréditation
153Les experts visiteurs sont venus quelques mois après le lancement du PE. L’auto-évaluation a servi d’ancrage aux groupes de réflexions du PE. Ainsi, dans celui-ci, par souci de cohérence il est inscrit que « La mesure des forces et des faiblesses sera faite à partir de la première auto-évaluation de l’établissement réalisée dans le cadre de la démarche d’accréditation ».
154D’autre part, en février 2005, la HAS met à disposition des professionnels de santé le guide pour l’autodiagnostic des pratiques de management en établissement de santé en vue de la certification. Il est indiqué que « La qualité du management a un impact majeur sur le fonctionnement de l’établissement de santé et sur sa capacité à remplir ses missions auprès des patients. La vision stratégique, la rapidité de réaction, la délégation, la responsabilisation et la capacité à faire partager un projet et à motiver leurs équipes sont des valeurs importantes pour tout manager afin de mener à bien ses missions ». L’appréciation de la qualité du management pour la HAS porte sur plusieurs champs :
- la qualité et la pertinence des choix stratégiques de l’établissement,
- les outils de gestion et les procédures organisationnelles mises en place,
- les pratiques managériales,
- l’expertise et les compétences managériales.
Une intention affichée de décloisonner en privilégiant la complémentarité et la transversalité
155Il est indiqué dans le rapport que « Le projet d’établissement et le projet médical définissent les orientations stratégiques », sachant que « la qualité et la pertinence des choix stratégiques de l’établissement » sont un des champs du management qui sera évalué lors de la certification. Un projet fort de réorganisation en pôle d’activité est en cours de finalisation (décembre 2001), confirme l’organisation énoncée dans le PE. Cette réorganisation qui doit permettre la « responsabilisation accrue des acteurs favorisera la mise en commun de moyens et s’appuiera sur les principes de délégation de gestion et de contractualisation » s’inscrit bien dans les principes de management préconisés par la HAS. Les experts visiteurs ont noté l’existence d’une charte de la qualité signée par le directeur général, le président de la CME et le directeur du service de soins infirmiers, ce qui illustre la volonté de décloisonner en favorisant la transversalité évoquée dans le PE.
Une intention explicite d’impliquer et de favoriser la coopération des professionnels
156Est soulignée dans le rapport, l’implication de tous les professionnels dans l’élaboration de tous les projets ainsi que la connaissance qu’ils en ont. Le management participatif est confirmé. Les experts visiteurs ont relevé que le projet social a été élaboré dans une démarche participative autour de valeurs partagées de solidarité, de promotion et de valorisation personnelle. Sachant que pour la HAS « la capacité à faire partager un projet et à motiver leurs équipes sont des valeurs importantes pour tout manager afin de mener à bien ses missions ». La dynamique engagée apparaît pertinente au regard du contexte.
Une intention négociée d’articuler les projets
157Dans le rapport, il est indiqué qu’il existe « un projet médical et un projet d0pour tous les services » (il n’est pas dit un projet de service). Cela laisse à penser qu’en décembre 2001 tous les services avaient décliné le projet de soins infirmiers et le projet médical. Mais il n’est pas dit projet de pôle. Cependant, il sera intéressant de vérifier lors de nos entretiens la date d’élaboration des projets, afin de faire le lien avec le PE 2001-2005 ou le précédent, sachant que depuis, l’organisation a changé. La prise en charge des patients optimisée par des staffs médicaux, paramédicaux et multidisciplinaires, témoigne de nouveau de l’enjeu fédérateur que représente la prise en charge des patients pour une articulation du projet médical et du projet de soin.
Synthèse : Une évaluation au service du management
158À l’issue de notre analyse, au regard des écrits, l’évaluation effectuée par les experts visiteurs laisse à penser qu’il y a une cohérence entre le dire (le PE) et le faire (le constat des experts visiteurs).
Une analyse transversale des écrits de la méthodologie de conduite du PE et plus particulièrement du projet de soin
159Le management par projet est fondé sur une dynamique, une recherche collective, une mobilisation de toutes les énergies (512 professionnels) pour parvenir à atteindre des objectifs. La notion de pertinence des ressources dans les groupes est à interroger au regard de l’absence formelle de médecins dans les groupes du projet de soin. Le comité de pilotage est représentatif des décideurs stratégiques et opérationnels. Les caractéristiques de la méthodologie laissent à penser qu’elles s’accompagnent de la valorisation de l’initiative mais aussi, du sens des responsabilités. La lettre de mission permet à chaque groupe de savoir ce qu’on attend de lui. Il apparaît que la démarche d’élaboration en trois étapes décrites s’apparente à un projet - processus tel que décrit dans notre approche théorique. La communication apparaît comme un axe fort.
Analyse et synthèse globale complémentaires au regard de la « parole des acteurs »
160Comme l’indique J.P. Boutinet [53], « le projet d’établissement constitue avec ses intérêts et ses limites une démarche parmi d’autres de mobilisation des énergies. Situé entre culture et stratégie, ce projet implique d’abord une initiative de la direction soucieuse de donner une cohérence à la vie de son établissement, c’est-à-dire de fournir à tous ceux qui travaillent en son sein les moyens de trouver un sens à leur activité ».
161Il apparaît que le PE du CHU entend donc être à la fois, le produit d’une instance stratégique et l’expression des professionnels. À ce titre, il conjugue l’efficience et le développement des hommes. Cette conjugaison est fédératrice pour l’ensemble des professionnels rencontrés. Nous pouvons alors parler de projet partagé comme stipulé dans le Préambule du PE.
162Notre réflexion sur la conduite d’un projet de soin médico-soignant qui vise par un management adapté à une plus grande transversalité s’appuie sur les notions de complémentarité, de coopération et de coordination entre les différents acteurs hospitaliers.
163Nous retiendrons la définition simple proposée par Luc Boyer et Noël Equilbey dans leur ouvrage « Histoire du management » qui précise que « Le management est l’art de mettre l’organisation au service de la stratégie ».
164Ainsi, afin d’éclairer notre questionnement, nous allons achever notre analyse par une approche qui s’attache à être complémentaire de celle des écrits, sachant que nos interrogations portent sur :
- le lien entre l’organisation, la stratégie et le management de l’établissement et son impact sur la conduite d’un projet de soin médico-soignant,
- l’appropriation par les différents acteurs du soin, de la conception et de l’élaboration du projet de soin comme gage de sa mise en œuvre,
- le processus de management du Directeur des Soins comme favorisant la cohérence dans la préparation et la conduite d’un projet de soin médico-soignant,
- la collaboration entre les directions fonctionnelles nécessaire à la cohérence institutionnelle du projet.
165Dans la nouvelle organisation en pôle, des coopérations nouvelles étaient souhaitées, organisationnelles, fonctionnelles et humaines et se sont réalisées, aux dires des acteurs des pôles. Cependant, l’encadrement soignant regrette que chaque direction mette en œuvre un projet, et poursuive son objectif en sollicitant à son niveau les mêmes individus.
166Ainsi, la spécialisation forte des directions, fonctionnelle au début du projet, génère un défaut de transversalité dans l’approche des problématiques et dans la coordination des différents projets. D’où la nécessité d’évoluer vers des logiques susceptibles d’articuler la dimension stratégique et politique avec l’évolution de l’organisation. L’affichage d’une structuration de l’établissement en pôles, dès le début de la démarche d’élaboration du PE, permet, par l’information véhiculée, de percevoir les signaux porteurs de sens sur les forces et les faiblesses du système. L’anticipation se traduit aux différents niveaux de la structure et favorise la rapidité d’action. L’analyse de l’existant est faite et permet d’interagir entre les objectifs et le potentiel réel de l’institution, même si certains médecins craignent une forme de démagogie. Les échéances sont respectées et la mise en œuvre de la gestion de proximité et de la déconcentration de gestion se déroule sans difficulté et sans désordre majeur pour l’ensemble des professionnels rencontrés.
167Pour les acteurs des pôles, l’intégration progressive des logiques des « centres opérationnels », grâce à leur participation aux groupes de travail, a été suffisante compte tenu du quotidien à assurer. Nous pouvons constater que la méthodologie de construction du projet répond globalement aux attentes des acteurs. La mise en place d’un comité de pilotage a permis de développer la cohérence pour tout ce qui touche aux activités et fonctionnements transversaux de l’établissement. Malgré la méfiance au début du corps médical, la dynamique a rallié l’ensemble des professionnels par son efficacité. Le projet de soins infirmiers élaboré dans un contexte de mise en œuvre de la gestion de proximité, ouvre un espace propice à l’innovation, remarquent certains médecins. La direction s’est inscrite dans cette perspective et garantit ainsi, des modes d’organisation qui permettent l’adaptabilité. Le projet de soins Infirmiers a été élaboré en 2001 avant l’amorce de la gestion de proximité (en 2003). Le système qui était auparavant cloisonné (avant l’organisation en pôles) malgré la mise en œuvre d’une démarche projet, a abouti à un manque de participation des médecins. Aujourd’hui, dans la nouvelle dynamique, ils apparaissent plus enclins à s’impliquer.
168Cela souligne l’importance et l’impact de l’organisation sur la conduite du projet. Sachant que la stratégie en donne le sens. L’idée émise avec conviction d’un directeur, selon laquelle un projet d’établissement qui n’aurait qu’un volet : le projet du patient, participerait à l’amélioration de la cohérence institutionnelle. Cette démarche fédératrice et évolutive va dans le sens d’une plus grande transversalité au service de l’amélioration de la prestation. Une collaboration renforcée, entre les directeurs fonctionnels et le Président de la CME, se dessine alors comme gage de réussite d’un projet centré sur le parcours coordonné du patient. Ce changement évoqué serait l’affaire de tous. Cette possibilité de participation pourrait satisfaire les professionnels et faire évoluer l’organisation des soins. Sachant qu’actuellement, la prise de responsabilité et l’affirmation d’une autonomie des services, par l’élaboration d’un projet de pôle qui se décline à partir du PE, a permis une appropriation de celui-ci et la mise en œuvre des Projets de pôles rend actuellement opérationnelle la démarche.
169Selon, Michel Crozier et Erhard Friedberg [54], contrairement aux idées reçues, les acteurs ne sont pas attachés à leurs routines et sont prêts à changer rapidement s’ils sont capables de trouver un intérêt dans les jeux qu’on leur propose. Le changement, apprentissage de nouvelles formes d’actions collectives, de nouveaux jeux, nécessite cependant une rupture avec les anciens jeux. Le réformateur est donc dans une situation de pouvoir, mais « il ne peut en aucun cas imposer son modèle en croyant détenir la vérité pour l’approche préconisée ». Cette approche s’oppose à la logique du « one best way » au profit d’une logique de négociation, de médiation, dans le respect des deux parties. L’individu-acteur inscrit ainsi dans l’organisation, sa marge de liberté y exprime d’autres visions.
170La stratégie : au service de la transversalité
171Sachant que la stratégie est basée sur une démarche d’anticipation en vue d’un objectif et qu’elle vise à choisir des actions, à les mettre en œuvre et à les coordonner afin d’obtenir un résultat. Notre rencontre avec les professionnels confirme que ce sont les ressources qui seront déterminantes et non pas seulement les objectifs. C’est en fonction de ces ressources que les objectifs seront ajustés. Quant aux contraintes et aux obstacles, il s’agit de les aménager, de les contourner, mieux encore, de les transformer en ressources. « Il ne s’agit pas de construire et de conduire le projet de la Direction », fait remarquer un Cadre. Les professionnels rencontrés apparaissent en effet, persuadés de l’importance de l’appropriation du projet et de la place de l’innovation dans le processus.
172Pour les membres du comité de pilotage rencontrés, une libre participation à la discussion augmente le degré d’implication et favorise l’adoption de nouvelles normes partagées. Elle peut constituer un véritable levier de performance de l’institution.
173Les groupes de travail, animés par les cadres, ont été des lieux d’expression individuelle enrichissants, source de mobilisation des acteurs dans la démarche de changement.
174Le DS et le Président de la CME s’articulent avec tous les acteurs et collaborent à tous les niveaux de l’infrastructure hospitalière. Cela nécessite de gérer les interphases avec les différents partenaires afin d’éviter les conflits de pouvoir. Le rôle de l’équipe de direction à ce niveau paraît important dans la communication de proximité. L’exigence de transparence dans l’information des professionnels rencontrés le montre. Cette possibilité de créativité et d’expression de tout professionnel-acteur mobilise les ressources humaines et œuvre au développement de l’organisation. L’appropriation concerne alors le projet dans sa globalité et ne se limite pas à celle de ses composantes afin de développer des stratégies de coopération.
175Le management : du projet de soins infirmiers au projet de soins médico soignant
176La qualité des processus de pilotage du PE et son articulation au sein du CHU paraissent respecter les différences et susciter l’innovation qui sont des facteurs clés de sa modernisation par une approche collective du changement.
177Il apparaît que les médecins n’ont participé que ponctuellement aux groupes de travail du projet de soins infirmiers et qu’il n’est pas structuré autour des processus de soins (filières, parcours coordonné, trajectoire.). Nous ne pouvons pas parler de projet de soins médico-soignant. Cependant, les Professionnels médico-techniques et rééducateurs ont participés à la réflexion. Les groupes intégrant différents professionnels par l’interactivité qu’ils suscitent, favorisent le langage interdisciplinaire. Ce processus peut avoir un effet formation. Chaque partenaire apprend en prenant en compte le point de vue de l’autre, en s’y confrontant, et en étant ainsi, conduit à préciser ses intentions, ses critères de valeur, ses préférences et permettre ainsi, de décloisonner les logiques. Le risque de cette forme de travail en réseau réside parfois dans le pilotage. Quand plusieurs points de vue se manifestent, il apparaît important de trancher afin d’éviter l’essoufflement du groupe. Selon Guy Leboterf, sinon « une telle situation pourra provoquer le mécontentement. Certains ne verront pas l’aboutissement de leurs contributions. L’organisation et le pilotage y seront dénoncés au nom de l’efficience : ils seront perçus comme n’étant pas à la hauteur » [55].
178Ce risque pour le DS dans le cadre de la conduite du projet de soin est à prendre en compte. Le fait de réunir les animateurs des groupes lors de réunions plénières a servi de régulation. Selon le DG, pour pouvoir coopérer, les membres du groupe doivent avoir une vision claire de la mission à laquelle ils contribuent. Ils doivent en connaître les résultats attendus. Le plan de communication est affiché dans les écrits comme indispensable, ce qui va dans ce sens. Selon Laurence Baranki, la communication a pour but de générer de l’action et se transforme elle-même en action. Ainsi, la communication – action favorise l’engagement. Elle s’adresse aux acteurs dont on attend l’implication tout au long de l’élaboration mais aussi, dans la mise en œuvre du projet ; La communication impose de répondre aux inquiétudes mais aussi de tenir compte des remarques formulées. Informer dans une organisation par projet, c’est donner du sens à l’action des contributeurs, c’est dynamiser le groupe pour lui permettre d’atteindre les objectifs. Ainsi, définir une stratégie de communication adaptée pour communiquer apparaît primordial pour la réussite de la mise en œuvre du PE.
179Dans le cadre d’un projet de soin élaboré en complémentarité avec les médecins, il apparaît que la coordination doit être prévue pour ajuster les trois notions que sont l’organisation, la stratégie et le management et ainsi maintenir ensemble les différentes parties et les différents acteurs du système. Tout est question d’équilibre entre la différenciation qui stimule, dynamise, ouvre les portes de la responsabilité et génère du désordre et l’intégration qui raffermit, recentre, montre la voie de l’unité et gère le désordre. La production de services rendus au patient dépend de plus en plus de la manière dont les professionnels, quelle que soit leur place dans l’institution et leur catégorie professionnelle d’origine, organisent leurs activités et coopèrent dans un esprit de reconnaissance mutuelle. Au-delà des outils, méthodes et procédures, c’est le collectif qui met en jeu les compétences pour une plus-value au bénéfice de l’usager.
180Le challenge du DS sera de mobiliser l’intelligence collective au travail. Pour cela, il devra faire preuve d’un leadership visionnaire à partir de la réalité concrète des situations de travail et non d’une situation générale qui vaudrait pour tous et en tous lieux. L’analyse de la situation témoigne que la conduite d’un véritable projet de soins médico-soignant fait en collaboration avec les médecins nécessite un véritable travail d’anticipation. Les conditions de la réussite incitent le DS et les acteurs à travailler autrement. Cela demande une phase stratégique appropriée et formalisée par l’équipe de direction et le Président de la CME et une phase organisationnelle accompagnée par le DS et le Président de la CME. La mise en place de la gestion de proximité et de la déconcentration de gestion est une porte d’entrée pour le changement, soutenue par une démarche de communication qui allie production et appropriation.
181Notre question de départ qui interpelle l’enjeu managérial que constitue le projet de soin médico-soignant trouve ainsi, sa réponse dans l’appropriation du projet par les différents acteurs.
182Le processus d’appropriation privilégie la confrontation et l’interaction d’idées et laisse une place importante à l’expression. Il demande de comprendre au préalable le projet, d’y adhérer pour accepter le changement et dépasser les désaccords, les craintes et les inquiétudes. L’appropriation vient ensuite et nécessite une réflexion concrète, collective pour aboutir à la mise en œuvre, l’adaptation et la cohérence des actions. Elle s’appuie sur une libre participation à la discussion, augmente le degré d’implication et favorise l’adoption de nouvelles pratiques. Les composantes du PE sont complémentaires et inter agissent entre elles. Une élaboration dichotomique d’un projet médical et d’un projet de soin tend à appauvrir la démarche d’amélioration de la qualité des soins. La stratégie ne pouvant être séparée de l’organisation des soins, le management par projet en donnera le sens.
183Le projet de soins médico-soignant qui se doit ainsi d’être au service des Usagers conjugue deux approches complémentaires que sont l’approche épidémiologique et médicale et l’approche sur les attentes et les besoins d’une population desservie.
Préconisations pour le directeur des soins
Conduire un projet de soins médico-soignant : une opportunité mais pas à n’importe quel prix
184L’éclairage théorique, la prise en compte des résultats de notre enquête alliés à notre expérience professionnelle, nous permettent de formaliser deux grands axes portant sur la conduite d’un projet de soins médico-soignant.
Instaurer un management par projet fédérateur qui tient compte des avantages sans oublier les points de fragilité
185Le projet de soins médico-soignant apparaît comme une opportunité, pour le DS, d’enraciner la dynamique dans la capacité des acteurs à se projeter collectivement dans l’avenir. En ajoutant les talents les uns aux autres, le DS visera à rendre la coordination plus flexible et plus adaptable par une multiplication des modes de collaboration.
Intégrer les différentes logiques professionnelles, développer le maillage professionnel
186Chercher à promouvoir l’idée d’un projet de soins médico-soignant, a le mérite d’amener tous les acteurs de santé à penser leurs actions, dans le sens d’une œuvre collective à accomplir. Cependant, il s’agit de ne pas laisser cette pensée du projet se rétrécir dans l’idée d’un programme. Cette approche, qui se doit d’allier performance et humanisme, dépend de la manière dont le management s’adaptera aux besoins humains, que ce soit de ceux de l’Usager ou de ceux des professionnels. Il s’agit pour le Directeur des Soins d’instaurer, en pensée et en acte, une coopération entre toutes les professions impliquées dans l’œuvre hospitalière, pour s’engager solidairement dans la démarche projet. Cela nous ouvre des voies novatrices, invitant les professionnels à trouver le sens de leurs spécificités, de leurs différences et de leurs complémentarités dans l’identité d’un projet global.
Mettre en place un leadership visionnaire
187L’art du leadership réside dans la formulation d’une vision clairement structurée de l’avenir, qui soit simple à comprendre. Le Directeur des Soins suscitera alors, la participation volontaire des personnes ou des groupes au regard des objectifs poursuivis.
188L’essence même du leadership repose donc sur la combinaison complexe et personnelle de savoirs, savoir-faire et savoir-être, qui n’est pas octroyée avec l’obtention d’un poste et relève de la capacité d’influence et de mobilisation des professionnels.
Privilégier l’espace de créativité, l’innovation et l’implication des acteurs
189L’hôpital est un système complexe qui évolue de façon continue. L’anticipation et la concertation optimisent ainsi la vitesse d’adaptation. Une gestion stratégique des compétences individuelles et collectives et une culture de l’initiative et de l’innovation menées par le Directeur des Soins éveillent chez les collaborateurs que sont les cadres, une logique de contribution.
190Pour y parvenir, quatre étapes sont à nos yeux incontournables :
- s’accorder sur la stratégie,
- planifier, mettre en œuvre et contrôler,
- gérer les activités, les personnes, les ressources,
- évaluer et améliorer les performances.
191Aussi, nous déléguerons aux collaborateurs que sont les Cadres Supérieurs, la conduite opérationnelle. Déléguer, c’est confier la réalisation d’une tâche en donnant une autonomie sur les choix, la mise en œuvre des méthodes et des moyens, pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de contraintes définies. Cela sous entend de se tenir à la disposition du collaborateur, en fonction de son besoin d’informations, de conseils ou de soutien. Concrètement, cela pourra se traduire auprès des Cadres Supérieurs d’une part, en organisant des temps de rencontres réguliers sur les avancées du projet et les difficultés rencontrées et, d’autre part, en réunions thématiques incluant des personnes concernées ou expertes.
Développer la confiance
192La coopération est aussi une affaire de confiance. André Compte-Sponville définit la confiance comme « une espérance bien fondée et volontaire, qui porte moins sur l’avenir que sur le présent, moins sur ce qu’on connaît, moins sur ce qui ne dépend pas de nous que sur ce qui en dépend » [56]. La confiance, selon qu’elle est aveugle ou lucide, peut assujettir l’individu au hasard des événements ou, au contraire, lui permettre d’optimiser son potentiel de ressources.
Collaborer et gérer les interphases avec les différents partenaires
193L’esprit de coopération d’une équipe de direction permet à chaque membre de relayer l’impulsion et soutenir le changement dans son domaine d’action. Nous avons vu dans notre étude, que le processus d’appropriation doit laisser une place à l’expression individuelle. Il semble important de sortir du schéma de réunion où les échanges sont bilatéraux pour privilégier un lieu de confrontation et d’interactions d’idées. Le manque de coopération entre responsables, cloisonnement, rétention d’information, focalisation sur son domaine de responsabilité, sont autant d’obstacles à l’esprit d’équipe et à la cohérence de l’action. Nous souhaiterions contribuer à voir la méfiance laisser place à la confiance et privilégier l’intérêt collectif Au-delà des intérêts individuels. Organiser et diriger un projet implique la désignation d’un chef de projet secondé par ses collègues ou des collaborateurs. Lettres et/ou contrats de mission assureront la répartition des activités.
194Selon les auteurs de l’ouvrage « La dynamique de la confiance », la sûreté de la coopération est un « vecteur à quatre composantes : fiabilité, maintenabilité, disponibilité et sécurité » [57]. La fiabilité réside dans une logique de coopération mutuelle. Elle augmente la confiance des acteurs dans le système et le projet commun. La maintenance de la coopération demande de se doter d’une méthode de résolution de conflit acceptée. Obtenir le concours de tous à tout moment, jugé important, jouer sur la disponibilité et la capacité à se remobiliser en équipe. Garantir la sécurité, c’est compter sur la coopération de tous aux moments dangereux du projet. Nous souhaiterions vivement collaborer dans une équipe qui véhicule des différences et participer au « travailler ensemble ». La coopération est, pour nous, source d’efficacité sur le long terme.
Conduire un projet de soins médico-soignant dans une organisation en pôles
195L’organisation en pôles qui répond à une volonté de remplacer la vision actuelle de l’hôpital, très parcellaire, par une conception plus intégrée, invite les professionnels à coopérer. La gestion par processus qui consisterait à croiser la structuration en pôles avec les processus transversaux de prise en charge des patients, invite à se centrer sur les interphases.
196Pour illustrer nos propos, nous envisagerons un projet de soin qui se veut pouvoir être opérationnel dans un contexte de gestion de proximité et de déconcentration de gestion. Cependant, Il n’y a pas de modèle type pour conduire un projet de soin médico-soignant. Seules peuvent être indiquées et mises en valeur les principales conditions qui se révèlent être des exigences de l’idée de projet elle-même. Il importe cependant que les professionnels ne s’épuisent pas dans une confrontation avec l’organisation, mais puissent y trouver les frayages de leur développement au bénéfice de l’usager.
Ancrer le projet de soin dans la politique et la stratégie de l’établissement
197C’est en premier lieu la reconnaissance du projet existant. Sachant, que fédérer engage le DS en collaboration avec le Président de la CME à une mise en synergie et à la coordination des actions. Inscrire un projet de soins médico-soignant dans la stratégie de l’établissement c’est, pour le DS, négocier les interphases avec les autres projets. C’est rebondir sur les actions en cours et faire du projet une occasion de les valoriser et de mettre du lien et du liant pour donner une impulsion nouvelle dans la continuité. Dans une organisation en pôles, le DS de par sa vision globale, son approche transversale de l’ensemble des domaines d’activité, est une ressource au sein de l’équipe de Direction et éclaire sur ce qui se passe « sur le terrain ».
198Pour le trio de pôle, il peut être ainsi un interlocuteur privilégié en traduisant les intentions stratégiques du projet. Lors des comités de Direction, des réunions avec l’encadrement, du comité exécutif et des instances (présence des Usagers, des partenaires…), il s’agira alors d’informer régulièrement sur l’avancée du projet, de prendre des avis et, ainsi, de favoriser l’engagement et l’appropriation du projet de soin par l’ensemble des acteurs. En affichant un « trinôme » Directeur (chef d’établissement) - président de la CME - DS, nous souhaitons que le projet de soin ne soit pas celui d’une Direction, d’un directeur, des soignants mais celui de l’usager.
Coordonner l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation du projet de soin en articulation avec les autres projets
199Conduire un projet de soin élaboré en complémentarité, c’est courir devant le temps. C’est gagner du temps en focalisant les énergies sur un objectif et des dates butoirs. Par nature, raisonner projet, c’est raisonner en compte à rebours en partant de l’objectif final. C’est aussi accompagner les effets du changement sur les professionnels. C’est le rôle primordial de l’équipe de direction, du président de la CME, de l’encadrement médico soignant en partenariat avec les responsables médicaux. Apparaissent alors des nouveaux rôles, nouveaux comportements, premières difficultés, découvertes des tâches à faire, ce qui provoque le plus fréquemment des sentiments de peur, des craintes, voire des refus. Il s’agit pour le Directeur des Soins et le Président de la CME, de prévenir les risques et de traiter les incidents, mais aussi d’apporter les moyens nécessaires en termes de méthodes et d’outils. Cela permet d’aider les acteurs à comprendre une démarche stratégique, à analyser les situations, à résoudre des problèmes et ainsi, à apprécier « les possibles » pour négocier un projet partagé.
Mettre en œuvre de façon opérationnelle le projet de soin
200Le projet de soin, qui est proposé ici en illustration de nos propos, fait partie intégrante du projet d’établissement élaboré pour cinq ans. Il se veut être en interaction et cohérent avec les autres projets institutionnels et être centré sur la prise en charge de l’Usager et de sa famille. Ce projet de soin s’attache à coordonner les actions, à mutualiser les expertises, à valoriser les compétences en s’inscrivant dans la démarche d’amélioration continue de la qualité. La politique de soin cherche à définir la finalité, la philosophie, les valeurs et le cadre conceptuel. Il s’agit de développer un projet de prise en charge globale qui répond aux besoins, attentes et demandes des Usagers. Le DS en collaboration avec le Président de la CME (binôme chef de projet) s’attache à fédérer l’ensemble du personnel autour du projet.
201C’est un voyage à la rencontre de l’Usager qui empreinte les voies du partenariat préférées à celles de la concurrence. Sachant que le choix de l’intégration du service dans un processus de soins qui déborde à l’extérieur de l’établissement (réseaux de santé…) doit être fait. L’Usager est ainsi, au cœur des processus de réorganisation de l’activité hospitalière. C’est alors considérer l’Usager comme acteur de sa santé et le projet de soin comme projet collectif autour de la personne humaine. Le parcours de l’usager est alors la référence pour le projet de soins médico-soignant préconisé. Il s’agira d’élaborer en groupes de travail pluriprofessionnels des bonnes pratiques et leur grille d’évaluation tout au long du processus de soins ; par exemple : de l’accueil à la sortie (Accueil, diagnostic, pronostic, prescription, réalisation des soins, sortie/décès (filière et réseau compris)). Les conditions de réussite sont la coordination, la continuité et la cohérence du service rendu, ainsi que l’implication et la coordination de l’ensemble des Professionnels par le maillage des différents acteurs. Les priorités du projet de soin sont donc liées à la promotion du projet en tant que projet médico-soignant et à la coordination transversale des actions. La mutualisation des compétences et la valorisation des expertises sont dans ce sens privilégiées.
202Pour se faire, il s’agira de finaliser le processus transversal (élaboration des bonnes pratiques et grilles d’évaluation).
203Afin de conduire l’adaptation et le déploiement dans les services, il est préconisé de débuter par des sites pilotes afin de réajuster la démarche et de favoriser la composante managériale de la mission des acteurs de soins. À ce stade de la démarche, il nous apparaît indispensable de prévoir un kit de déploiement à remettre aux trios des pôles, afin qu’ils déclinent les bonnes pratiques en modes opératoires selon leurs spécificités, en lien avec les projets de pôles et qu’ils conduisent le déploiement. Ce kit pourrait contenir : un projet de soin rédigé, un référentiel de bonnes pratiques (avec les grilles d’évaluation), une feuille de route et une plaquette d’informations. La feuille de route permet alors de tenir le cap et de donner du sens, afin d’avoir une vision stratégique d’ensemble. Elle comprend les objectifs du planning détaillé des étapes du processus de soins, afin de réaliser le bilan de l’existant, de poser les bases d’un contrat, en regard du niveau d’exigence requis sur chaque étape du processus de soins (contractualisation interne).
204En coordination avec le trio de pôle, le cadre de santé et le chef de service (binôme médico-soignant) pour chacun des services sont alors responsables de la mise en œuvre et promoteurs et acteurs du Projet de Soin. Ils sont en soutien actif et régulier auprès des équipes de soins. Pour coordonner transversalement (inter-pôle) le binôme chef de projet délègue à un binôme médico-soignant la coordination opérationnelle du projet sur l’établissement. Celui-ci est à l’écoute des cadres de santé, en soutien, en accompagnement et en conseil. Il est force de propositions et en relation directe avec le DS et le Président de la CME qui sont garants de l’atteinte des objectifs et de la cohérence institutionnelle en lien avec le projet.
Développer une évaluation périodique et communiquer
205Évaluer
206L’évaluation qualitative du projet de soin donne lieu à une analyse des points forts et faibles des actions engagées, en vue d’en dégager des règles, de réajuster ou de généraliser dans les pratiques quotidiennes ce qui est positif. Évincer le temps d’évaluation prive la structure d’un levier de renforcement de la dynamique globale de changement. C’est l’évaluation, en s’inscrivant dans le processus qualité, qui va permettre au projet de « traverser les années ».
207Communiquer
208Nous l’avons constaté au cours de nos entretiens, il nous faut communiquer sur l’avancée du projet, les intentions, les orientations et les actions choisies. Cela suppose de prendre en compte trois dimensions :
- la communication stratégique avec les instances permanentes et de pilotage pour des points d’étapes, des validations, des demandes d’informations,
- la communication promotionnelle auprès des relais hiérarchiques ou fonctionnels et de l’ensemble du personnel pour des explications,
- l’information pure.
209L’état d’avancement du projet, les retards, les modifications apportées, les problèmes ou solutions techniques nécessitant des réajustements organisationnels ou structurels doivent être assidûment connus des collaborateurs et des partenaires. La pression opérationnelle conduit souvent à négliger la communication en phase de réalisation. Ce désengagement participe à la perte de crédibilité du projet. Le calendrier de communication s’appuie sur le planning du projet. Il met en évidence les dates clés et anticipe les temps forts. Les outils et supports de communication à notre disposition sont variés. Nous en retiendrons trois : les supports institutionnels (journal interne, réunions de lancement…), les supports formels et informels spécifiques au projet (lettre thématique, rencontres ponctuelles…).
210Cependant, faciliter la communication à l’ensemble de l’institution ne relève pas uniquement de l’action du Directeur des Soins, nous l’avons abordée dans l’axe management. Dans le cadre du PE, la Direction Générale, l’équipe de Direction et le Président de la CME en ont aussi la responsabilité. La communication n’en sera que plus efficace si les professionnels possèdent une vision commune des finalités du projet et sont prêts à partager des méthodes collectives de travail.
Conclusion
211L’objectif de ce travail était d’apporter un éclairage sur la conduite d’un projet de soins médico- soignant comme étant un enjeu managérial pour le Directeur des Soins. Il s’agit d’une problématique à laquelle nous seront confrontés en tant que Directeur des Soins. En effet, les conduites d’anticipations s’imposent aujourd’hui dans leur grande variété comme un fait majeur de notre temps. Les figures en sont multiples (projet, prévision, planification…) et se diversifient sous l’impulsion des avancées scientifiques et technologiques. Toutes ces évolutions ont engendré un accroissement de l’interdépendance et de l’incertitude. L’hôpital s’ancre ainsi dans un monde complexe et paradoxal, moins prévisible et plus ambigu. Il s’agit alors de penser le local et le global. Le management a évolué progressivement accompagnant ainsi l’évolution de la nature du travail et de l’organisation de l’entreprise. Les hiérarchies pyramidales tentent progressivement de se transformer en réseaux sous la pression de l’environnement. Il s’agit alors d’encourager et de valoriser une pratique orientée vers les projets, sachant que la notion de projet ouvre la question de la relation entre la pensée et l’action. Élaborer un ensemble cohérent de stratégie, visant à favoriser un développement des ressources et des motivations des professionnels, devient, dans ce contexte, un enjeu majeur pour le Directeur des Soins.
212Troisième volet du plan hôpital 2007, avec l’investissement et la tarification à l’activité, la nouvelle gouvernance est désormais réalité. La diversité de plus en plus grande des publics, les exigences accrues en matière de qualité entraînent une transformation considérable de la relation entre l’hôpital et l’usager. Le pôle, nouvelle entité organisationnelle, dont la contractualisation interne constitue la pierre angulaire, apparaît ainsi, comme vouloir favoriser la coopération, le dialogue et la communication entre les acteurs pour une meilleure qualité des soins. Dans ce contexte, l’idée d’un projet de soin médico-soignant fédérateur produit d’une large réflexion multi professionnelle, associant tous les acteurs concernés par la démarche, apparaît comme une opportunité. Pour le Directeur des Soins visionnaire, résolument tourné vers le futur, il s’agit de donner une impulsion nouvelle qui vise à susciter, pour chacun, le besoin de travailler ensemble. La qualité de la coopération entre les acteurs étant déterminante pour passer d’une logique de territoire à une logique de projet. Dans le cadre de l’élaboration d’un projet de prise en charge des patients, initié par l’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005, qui stipule que « le projet d’établissement comporte un projet de prise en charge des patients en cohérence avec le projet médical et le projet de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique » ; le projet de prise en charge des patients pourrait alors être considéré comme un référentiel d’action partagée pour un apprentissage organisationnel.
Ouvrages
- ALTER N., Sociologie de l’entreprise et de l’innovation. Paris. 1996. 239p.
- ALTER N., L’innovation ordinaire. Paris : PUF. 2000. 220p.
- ARBUZ G., DEBROSSE D., Réussir le changement à l’hôpital. Paris : InterEditions. 1996. 248p.
- BALANTZIAN G., L’avantage coopératif. Paris : Les Éditions d’Organisation. 81p.
- BARANSKI L., Le manager éclairé : piloter le changement. Paris : Editions d’Organisation. 2000. 353p.
- BOUTINET J.P., Anthropologie du projet. Paris : PUF. 1993. 301 p.
- BOUTINET J.P., Psychologie des conduites de projet. Paris : PUF. 1993. 126 p.
- CHEVALLIER J., Les sciences de l’organisation in l’univers philosophique. Paris : PUF
- CONTANDRIOPOULOS A.P., SOUTEYRAND Y., BASY-LAMAURY Claire et al., L’hôpital stratège : dynamiques locales et offre de soins. Paris : John Libbey Eurotext. 1996. 317p.
- COUTY E., TABUREAU D., Hôpitaux et cliniques ; les réformes hospitalières ; Berger-Levrault. mai
- CREMADEZ.M., GRATEAU F., Le management stratégique hospitalier. 2e édition ; Paris : Lemasson. 1997. 448p.
- CROZIER M., FRIEDBERG E., L’acteur et le système. Paris : Seuil. Collection Points. 1977. 437 p.
- CROZIER M., Le phénomène bureaucratique. Paris : Poche. 459p.
- CROZIER M., SÉRIEYX H., Du management panique à l’entreprise du XXIe Siècle. 1995. 390p.
- DARENNE O., PONCHON F., L’Usager et le monde hospitalier. ENSP. 2005. 215p.
- DE KERVASDOUÉ J., L’hôpital. PUF. 2004. 127p.
- DUBAR C., La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Paris : Colin. 1996. 276p.
- GONNET F., L’hôpital en question(s). Paris : Lamarre. novembre 1992. 310p.
- GRAWITZ M., Méthode des sciences sociales. 8eEd., 1990. Dalloz. 1140p.
- KOURILSKY-BELLIARD F., Du désir au plaisir de changer. Paris : InterEditions. 1996. 324p.
- HONORÉ B., SAMSON G., La démarche de projet dans les établissements de santé. Privat. 1994. Toulouse. ? p.
- JOLIVET F., Manager l’entreprise par projets. Les métarègles du management par projet. EMS. 2003
- LEBOTERF G., travailler en réseau. Les éditions d’organisation. 2006. 310 p.
- LE CARDINAL G., GUYONNET J.F., POUZOULLIC B. La dynamique de la confiance. construire la coopération dans les projets complexes. Paris. Edition Dunod 1997. 246 p.
- MINTZBERG H., Structure et dynamique des organisations. Paris. Les éditions d’organisation. 1982. 419 p.
- MINTZBERG H., Le manager au quotidien. Les dix rôles du cadre. Paris : Les éditions d’organisation. 1984. 220 p.
- NERÉ J.J., Comment manager un projet. DEMOS. 2000. 230 p.
- PONCHON F., La loi du 4 mars 2002. Berger-Levrault. 2003. 95 p.
- QUEYROUX C., Endémie à Santos Aspasis ou l’anti-management hospitalier. Le Mans : DH Stratégie. 1998. 161 p.
- RAYNAL S., Le management par projet. Approche stratégique du changement. Paris : Les éditions d’organisation. 2ème ed. 2000. 259 p.
- SERIEYX H., BATTON P., RAYNAL J. et al. Est-ce que le manage.,.ment ?. Paris : Les éditions d’organisation. 2001. 180 p.
- WATZLAWICK P., Le langage du changement. Paris : Seuil. 1980. 185 p.
Revues
- ALTER M., Organisation et innovation. une rencontre conflictuelle. Sciences humaines. Mars-avril 1998. Hors série n°20. pp. 56-59
- BELLIER-MICHEL S., L’individu et le système. Sciences humaines. Mars-avril 1998. Hors série n°20. pp. 44-47
- BOUTINET J.P., Intérêt et limites du management par projet soins cadres. n°57. février 2006.
- CREMADEZ M., Évolution de la gouvernance. Gestion hospitalières Novembre 2003. n°430. 736 p.
- CREMADEZ M., Revue hospitalière de France. janvier-février 2003. n°490. p.16
- DE POURVILLE G., TEDESCO J., La contractualisation interne dans les établissements hospitaliers publics : Revue française de gestion. septembre-octobre 2003. Volume 29. n°146.
- DONNADIEU.B., Le Projet dans la formation professionnelle : de la personne au personnage. les cahiers d’Aix. cahier n°7. 1996
- DUBOYS FREYNEY C., Gestion hospitalières. Projet médical…projet de soin vers le projet des patients. août 2004-septembre 2004. p.531
- ENRIQUEZ E., Pouvoir et désir dans l’entreprise. Sciences humaines. Mars-avril 1998. Hors série n°20. pp. 30-33
- GALLET M.A., AMORE M., [Écrit professionnel effacé]. [identité gommée]. Soins Encadrement-Formation. 3e trimestre 1999. n°31. pp.20-24
- GROSJEAN M., Les illusions du « tout écrit ». Soins Encadrement-Formation. 3e trimestre 1999. n°31. pp.16-19
- HAS., Guide pour l’autodiagnostic des pratiques de management en établissement de santé. janvier 2005
- HEESBEEN W., la réadaptation du concept de soin. Paris : Lamarre. 1994
- KOURILSKY F., Comment ne pas bloquer le changement ?. Gestions Hospitalières. avril 1999. pp. 266-267
- LUSSIER G., Groupe innovation. 1993. p.87
- MERKLING J., La motivation. Gestions hospitalières. Décembre 2002. pp.805-809
- NIZARD G., Techniques de management il faut de l’inédit ! Hospimédia. 28 juin 2004
- PELLETIER G., Les formes du leadership : Sciences humaines. Hors série. n°20. mars/avril1998
- SAINSAULIEU R., La construction des identités au travail. Sciences humaines. Mars-avril 1998. Hors série n°20. pp. 40-43
- VEIL S., Éditorial. Gestions hospitalières. 1975. février-mars. n°143-144. p.118
Dictionnaires et guides
- ANAES., Manuel d’accréditation des établissements de santé. Direction de l’accréditation. Paris : actualisation juin 2003. 136p.
- COMPTE-SPONVILLE A., Dictionnaire philosophique. PUF. 2001
- LE NOUVEAU PETIT ROBERT., Les Dictionnaires LE ROBERT. Paris. 1993. 2467p.
- LE PETIT LAROUSSE., Dictionnaire encyclopédique. Larousse. Paris. 1992. 1872p.
Textes réglementaires
- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. 1991. - Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière. Bulletin Officiel n° 91-21 bis. 54p
- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. 1996. - Ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée. Journal officiel de la République Française. 25avril1996. 6324-6337.
- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. 2002. - Décret n°2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier. Journal officiel de la République Française. 16février2002. 3040-3044
- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. 2002. - Décret n° 2002-550 du 19avril2002 portant statut particulier du corps de directeur des soins de la fonction publique hospitalière. Journal officiel de la République Française. 23 avril 2002. 7187-7191
- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. 2004. - Projet de loi relative à la nouvelle gouvernance hospitalière. version finale du 7/01/04 disponible sur Internet http://www.synprefh.org/documents/gouv070104.pdf
- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. 2004. - Circulaire DHOS/E1 n° 61 du 13 février 2004 relative à la mise en place par anticipation de la nouvelle gouvernance hospitalière
Mémoires et travaux
- FALIGANT G., L’évaluation du projet de soins infirmiers : enjeux et perspectives. Mémoire d’infirmier général. ENSP Rennes. 2001
- INSTITUT MONTAGNE., L’hôpital réinventé. janvier 2004. Disponible sur Internet : <http://www.institutmontaigne.org/Doc/Detail/pop.detaiLdoc.asp?>
- LOIZIC M.P., Le projet de soin infirmiers dans sa contribution au projet d’établissement. Évolutions. enjeux et prospectives. Mémoire d’infirmier général. ENSP Rennes. 1999
- ROUSSEL A., La contractualisation interne comme levier de modernisation de la gestion de l’hôpital : Une étude de benchmarking entre les centres hospitaliers d’Auxerre et de Blois. Mémoire de directeur d’hôpital : École Nationale de la Santé publique. 2002. 92 p.
- ROYER-COHEN N., L’insertion du projet de service de soins infirmiers dans le projet d’établissement : une négociation à mener pour l’infirmière générale. Mémoire d’infirmier général. ENSP Rennes. 2000
- SEMINAIRE INTERPROFESSIONNEL., Le projet d’établissement est-il un moyen privilégié pour insuffler une dynamique de changement dans le monde hospitalier public ? ENSP Rennes. 1994
Mots-clés éditeurs : coopération, usager, intégration, management, pôle, projet de soin médico-soignant, projet, processus transversaux, interface, coordination, réseau
Date de mise en ligne : 11/01/2014
https://doi.org/10.3917/rsi.091.0029Notes
-
[*]
Mémoire élaboré dans le cadre du travail de fin d’étude- formation de Directeur des Soins- École Nationale de la Santé Publique-promotion 2006.
-
[1]
CREMADEZ M. Revue hospitalière de France. janvier-février 2003. n°490. p.16
-
[2]
Rapport du président de la république relatif à l’ordonnance n°2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé Journal officiel de la république française 3 mai 2005
-
[3]
Projet de soin sans (s) pour le concept de soin dans ses différents axes. Le projet transversal et non le projet de soins individuel d’un patient
-
[4]
Loi n°91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière. article L.714-26
-
[5]
COUTY E., TABUREAU D. Hôpitaux et cliniques ; les réformes hospitalières ; Ed. Berger-Levrault. mai. p.222
-
[6]
CRÉMADEZ M., GRATEAU F. Le management stratégique hospitalier. InterEd. Masson. 2e Ed., 1997. p.53
-
[7]
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance 96-346 du 24 avril 1996, portant réforme de l’hospitalisation publique et privée
-
[8]
DARENNE O., PONCHON F. L’Usager et le monde hospitalier. Ed. ENSP. 2005. p.129
-
[9]
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé Journal officiel de la république française du 3 mai 2005
-
[10]
ROUSSEL A. La contractualisation interne comme levier de modernisation de la gestion de l’hôpital : Une étude de benchmarking entre les centres hospitaliers d’Auxerre et de Blois. Mémoire de directeur d’hôpital : École Nationale de la Santé publique. 2002. p.9
-
[11]
PONCHON F. La loi du 4 mars 2002. Ed. Berger-Levrault. 2003. p.7
-
[12]
DE KERVASDOUÉ J. L’hôpital, Ed. PUF. 2004. p.117
-
[13]
Intervention de Laurent DEGOS Président de la HAS 10 juillet 2006
-
[14]
Manuel d’accréditation des établissements de santé Deuxième procédure d’accréditation ANAES. septembre 2004. Direction de l’accréditation et de l’évaluation des pratiques. p.26
-
[15]
HONORÉ B., SAMSON G. La démarche de projet dans les établissements de santé. Privat. 1994. Toulouse. p.6
-
[16]
DE KERVASDOUÉ. op. cit. p.84
-
[17]
VEIL S. Éditorial. Gestions hospitalières. 1975. février-mars. n°143-144. p.118
-
[18]
Loi n°91-748 op. cit. p.4
-
[19]
DUBOYS FREYNEY C. Gestion hospitalières. Projet médical…projet de soin vers le projet des patients. août 2004-septembre 2004. p.531
-
[20]
CHEVALLIER J. Les sciences de l’organisation in l’univers philosophique. Paris. Ed. PUF. p.1336
-
[21]
MINTZBERG H. Structure et dynamique des organisations. Paris : Ed. Organisation. 1982. p.42
-
[22]
CONTANDRIOPOULOS A., SOUTEYRAND Y. L’hôpital stratège. Paris. 1994
-
[23]
GONNET F. L’hôpital en question(s). Paris : Ed. Lamarre. novembre 1992
-
[24]
CREMADEZ M. op. cit. p.1
-
[25]
CROZIER M., FRIEDBERG E. L’acteur et le système. Paris : Ed. Seuil. collection Points. 1977. p.32
-
[26]
CROZIER M. Le phénomène bureaucratique, Paris : Ed. Poche. p.202
-
[27]
HONORÉ B. l’hôpital et son projet d’entreprise. Ed. Privat. 1992. p.37
-
[28]
DE KERVASDOUÉ J. op. cit., p.4
-
[29]
DE KERVASDOUÉ J. op. cit. p.11
-
[30]
WATZLAWICK P. Le langage du changement. Paris : Ed. Seuil, 1980. p.106
-
[31]
RAYNAL S. Le management par projet, Paris : Ed. d’organisation, 2000. p.55
-
[32]
DUBOYS FRESNEY C. op.cit. p.8
-
[33]
HEESBEEN W. la réadaptation du concept de soin. Paris : Ed. Lamarre. 1994
-
[34]
HONORÉ B. op. cit., p.150
-
[35]
BOUTINET J.P. Intérêt et limites du management par projet soins cadres. n°57. février 2006, p.61
-
[36]
NERÉ J.J. Comment manager un projet. Ed. DEMOS. 2000. p.15
-
[37]
BOUTINET J.P. op. cit. p.15
-
[38]
Ibid., p.62
-
[39]
JOLIVET F. Manager l’entreprise par projets. Les métarègles du management par projet. Ed. EMS. 2003
-
[40]
PELLETIER G. Les formes du leadership : Sciences humaines. Hors série n°20, mars/avril 1998
-
[41]
CROZIER M., SÉRIEYX H., Du management panique à l’entreprise du XXIe Siècle, 1995. p.120
-
[42]
LUSSIER G. Groupe innovation. 1993. p.87
-
[43]
GRAWITZ M. Méthode des sciences sociales. 8e Ed.. 1990. Ed. Dalloz. p.636
-
[44]
HAS. Guide pour l’autodiagnostic des pratiques de management en établissement de santé. janvier 2005
-
[45]
GROSJEAN M. Les illusions du “tout écrit” : Soins Encadrement-Formation. 3e trimestre 1999. n°31. p.19
-
[46]
GRAWITZ M. op. cit. p.18
-
[47]
Projet établissement. 2001-2005. du CHU de X P7
-
[48]
NIZARD G. Techniques de management il faut de l’inédit ! Hospimédia. 28 juin 2004
-
[49]
CRÉMADEZ M. Évolution de la gouvernance. Un enjeu capital pour l’hôpital : gestion hospitalière. novembre 2003. p.726
-
[50]
CREMADEZ M. ibid. p.728
-
[51]
DE POURVILLE G., TEDESCO J., La contractualisation interne dans les établissements hospitaliers publics : Revue française de gestion. septembre-octobre 2003. Volume 29. n°146. p.211
-
[52]
CREMADEZ M., GRATEAU F. Op. cit. p.21
-
[53]
BOUTINET J.P. Anthropologie du projet. Paris : Ed. PUF. 1993. p.245
-
[54]
CROZIER M., FRIEDBERG E. L’acteur et le système. Paris : Ed. Seuil. 1991. p.276
-
[55]
LEBOTERF G. travailler en réseau. Ed. Organisation. 2006. p.47
-
[56]
COMPTE-SPONVILLE A. Dictionnaire philosophique. Ed. PUF. 2001
-
[57]
LE CARDINAL G., GUYONNET J.F., POUZOULLIC B. La dynamique de la confiance : construire la coopération dans les projets complexes.