Couverture de RSI_086

Article de revue

Impact du soin éducatif en réseau chez la personne atteinte d'insuffisance cardiaque chronique

Pages 33 à 51

Notes

  • [*]
    A contrario de la règle grammaticale, nous utiliserons le genre féminin pour désigner ces professionnels regroupant très majoritairement des femmes.
  • [1]
    Eliot FREIDSON, La profession médicale, Paris : Payot, 1984, p. 14.
  • [2]
    J.-B. BOUHOUR, P. LOMBRAIL ; PHRC 1998.
  • [3]
    Pierre Erny, in Usages culturels du corps, sous le direction de Isabelle Bianquis, David Le Breton, Colette Méchin ; Paris : l’Harmattan ; 1997, p.11.
  • [4]
    R. CAQUET et S. KARSENTY, Les alternatives à l’hospitalisation, Rapports de mission au ministre d’état, ministre du plan et de l’aménagement du territoire, préparation du IXème plan 1984-1988, pp. 28-42
  • [5]
  • [6]
    J. B. BOUHOUR, H. LAMBERT, H. GUIBERT, E. GRAVOUEILLE, « Projet d’étude sur un réseau « insuffisance cardiaque » et application diététique », Information diététique, Mars 2000, p. 7.
  • [7]
    B. SANDRIN-BERTHON sous la direction de, L’éducation du patient au secours de la médecine, Paris, Presses Universitaires de France, 2000, « Comité Français d’Éducation Pour la Santé », p. 8.
  • [8]
    M. DURIEZ, P. LANCRY, D. LEQUET-SLAMA, S. SANDIER, Le système de santé en France, Paris : Presse Universitaires Française, 1999, (Coll. : Que sais-je ? »), p. 101.
  • [9]
    V. PARIS, T. RENAUD, C. SERMET, Des comptes de la santé par pathologie. Un prototype sur l’année 1998, n° 56, sept. 2002 – CREDES – 8p.
  • [10]
    (Ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 art. 6 Journal Officiel du 25 avril 1996)
    Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 art. 36 Journal Officiel du 24 décembre 2000
    Loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 art. 35 Journal Officiel du 26 décembre 2001
    Dans le respect des dispositifs départementaux de l’aide médicale d’urgence, des services de garde et des transports sanitaires dont les modalités sont définies par voie réglementaire, l’association de professionnels de santé libéraux a des actions permettant d’améliorer la permanence des soins peut faire l’objet de financement dans le cadre d’actions expérimentales jusqu’au 31 décembre 2004. Les établissements de santé peuvent participer à ces actions expérimentales.
    Dans le cadre de ces expérimentations, il peut être fait application des dérogations mentionnées à l’article L. 162-45 et, le cas échéant, des dispositions prévues à la section 10 du chapitre II du titre VI du livre Ier.
    Les modalités de mise en œuvre du présent article et, en particulier, d’évaluation de ces actions sont précisées par un décret en Conseil d’Etat.
  • [11]
    J.-B. BOUHOUR, P. LOMBRAIL ; PHRC, 1998, l’étude est multicentrique (Nantes, Lorient, La Roche sur Yon) mais nous ne ferons référence qu’aux résultats nantais.
  • [12]
    J.-B. BOUHOUR, Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, 2002, n° 186, pp. 12-22.
  • [13]
    Dossier réseau de santé/ARH – URCAM 2003 ; p. 6.
  • [14]
    J.-B. BOUHOURS et P. LOMBRAIL, op. cit.,.p. 18.
  • [15]
    Le protocole définit l’insuffisance cardiaque congestive selon les critère de Framingham. La dysfonction systolique est définie par une diminution de la fraction d’éjection du ventricule gauche inférieure à 50 %, calculée grâce à la ventriculographie isotopique et/ou l’échographie bidimensionnelle et/ou la ventriculographie de contraste.
  • [16]
    Cité par J.P. ASSAL, Bulletin d’éducation du patient, Vol 19, Hors série 2000, pp 14-15.
  • [17]
    H. LAMBERT, F. CHAINE, M.P. TREGUIER, « Rôle de l’infirmière dans un réseau d’insuffisants cardiaques », Objectif Soins, octobre 2000, pp. 27-30.
  • [18]
    R. SALICRU, « Compliance ou adhésion », Le journal du SIDA, n° 101, décembre 1997, P. 18. pp. 18-20.
  • [19]
    Compliance : acquiescement, conformité, complaisance, servilité ; observance : action d’observer habituellement une règle […] obéissance ; adhésion : approbation réfléchie, accord, assentiment.
  • [20]
    J. C. KAUFMANN, Ego Pour une sociologie de l’individu, Paris : Nathan, 2001, pp. 143-144.
  • [21]
    C. HERZLICH in C. HERZLICH et M. AUGE, Le sens du mal, anthropologie, histoire, sociologie de la maladie, Bruxelles : Éditions des archives contemporaines, (coll. : « Ordres sociaux »), 1983, p. 203.
  • [22]
    Ibid., p. 201.
  • [23]
    M. AUGE, in C. HERZLICH et M. AUGE, op. cit., p. 36.
  • [24]
    C. DETREZ, La construction sociale du corps, op. cit., p 161
  • [25]
    C. HERZLICH in C. HERZLICH et M. AUGE, op. cit., p. 193
  • [26]
    Ibid, p. 207.
  • [27]
    J. BILLON-DESCARPENTRIES, « Les concepts de perception et de représentations de la santé : intérêts et limites dans le domaine de l’éducation pour la santé », Recherche en soins infirmiers n° 74, septembre 2003, p. 32.
  • [28]
    L. BOLTANSKI, op. cit., p. 211.
  • [29]
    M. MAUSS, Sociologie et anthropologie, Paris : Presses Universitaires de France, 2 ème édition, p. 369.
  • [30]
    L. BOLTANSKI, Les usages sociaux du corps, Annales ESC, vol, 26, 1, 1971,., p. 208.
  • [31]
    Ibid., p. 209.
  • [32]
    E. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Paris : Presses Universitaires de France, 10ème édition, 1999, p. 124.
  • [33]
    Les chiffres en gras représentent les numéros d’ordre des entretiens. Pour respecter l’anonymat des personnes, nous utiliserons ce numéro pour nommer ces personnes tout au long du travail : monsieur Un, monsieur Deux, monsieur Quatre…
  • [34]
    A. MUCCHIELLI, Méthodologie d’une recherche qualitative en soins infirmiers, Recherches en soins infirmiers, N° 50, Septembre 1997, p 68.
  • [35]
    M. GRAWITZ ; Méthodes des sciences sociales ; Paris ; Editions Dalloz ; 9ème édition ; 1993 ; pp. : 536-538.
  • [36]
    L. BOLTANSKI, op. cit., p. 213
  • [37]
    F. LAPLANTINE, Anthropologie de la maladie, Paris : Éditions Payot, 1992, pp : 55-107
  • [38]
    Pierre BOURDIEU, La distinction, Critique sociale du jugement, Paris : Edition de minuit, 1979, p 111.
  • [39]
    N. SINDZINGRE in C. HERZLICH et M. AUGE, op. cit., p : 96.
  • [40]
    P. DURET, P. ROUSSEL, Le corps et ses sociologies, Paris : Nathan Université, (Coll. « 128 »), 2003, p. 9.
  • [41]
    P. BOURDIEU, La distinction, critique sociale du jugement, op. cit., p. 119.
  • [42]
    M. MAUSS, op. cit., p : 374.
  • [43]
    Ibid., p. 368.
  • [44]
    Ibid., p. 370.
  • [45]
    L. BOTANLSKI, op. cit., p. 213.
  • [46]
    Marcel, MAUSS, Sociologie et anthropologie, Paris : Presses Universitaires de France, 4ème édition, p. 385.
  • [47]
    Ibid., p. 369.
  • [48]
    U. GALIMBERTI, Les raisons du corps, Paris, Grasset-Mollat, 1998, pp. 68-69. Cité par Michel Poisson dans son mémoire intitulé « Le pansement et la pensée » éléments de réflexion sur les conditions de possibilité d’une épistémologie des soins infirmiers.

Introduction

1Quand les infirmières [*] s’interrogent sur leurs pratiques, les perspectives d’une recherche clinique se dessinent, mais, le plus souvent, les ressources méthodologiques et conceptuelles font cruellement défaut pour formaliser un véritable objet de recherche. Lorsqu’une recherche clinique médicale croise la trajectoire des questions professionnelles infirmières, l’opportunité s’offre alors de se risquer dans le difficile mais fascinant (Eliot Friedson dirait prestigieux [1]) chemin de la recherche en soins infirmiers. C’est ainsi, que nous nous sommes engagés dans un Projet Hospitalier de Recherche Clinique intitulé : « L’impact du soin éducatif et relationnel chez la personne atteinte d’insuffisance cardiaque : les représentations sociales, la culture du corps et les habitus d’une population prise en charge dans le cadre d’un réseau ville-hôpital ». Cette étude apporte un éclairage complémentaire au PHRC médical des Prs. Bouhour (cardiologue) et Lombrail (médecin de santé publique) intitulé « Peut-on améliorer la qualité de vie des insuffisants cardiaques chroniques et diminuer leur hospitalisation par une prise en charge en réseau ? » [2].

2Les changements de conduite attendues par les médecins, les soignants ou l’entourage… entraînent, chez les patients atteints d’une pathologie chronique, des stratégies et négociations nécessaires à l’acceptation du handicap et à l’adaptation des comportements dans un cadre socialement défini.

3Notre point de vue est ici sociologique. Dans cette étude prospective, qualitative, comparative, nous tentons de décrire les schèmes de pensée et d’action à l’œuvre dans le changement des habitudes de vie solidement incorporées pour qu’elles deviennent à la fois conformes aux capacités physiques et physiologiques des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque et socialement acceptées. Nous essayons de comprendre comment se construisent ces schèmes à partir des cultures du corps, des représentations de la maladie, des interprétations des connaissances acquises sur la pathologie et le traitement, des expériences que les personnes malades ont de leur handicap, des interactions avec les professionnels de santé…

4Les manières de vivre son corps malade révèlent une empreinte culturelle qui construit les représentations sociales, et façonne les habitus et qui à leur tour engendrent des pratiques, des mises en scène, des jeux d’acteurs. Le caractère somatique de la pathologie détermine également des réactions corporelles qui montrent selon l’expression de Pierre Erny, que « le corps est une construction symbolique à partir d’une réalité en soi… la corporéité a sa propre épaisseur » [3].

5La première étape de ce travail consiste à mettre en évidence, chez la personne atteinte d’insuffisance cardiaque chronique, les compétences, les changements de comportement et de représentation de la maladie produits par la prise en charge renforcée ou « dite en réseau ». Nous comparerons un échantillon composé de deux « bras » de la population « mère » du PHRC médical, l’un témoin, l’autre bénéficiant d’une éducation thérapeutique et d’une prise en charge coordonnée.

6Puis, à la lumière de ces premiers résultats, nous centrerons notre recherche sur la comparaison de deux groupes d’hommes socialement différents issus du même échantillon dit « réseau » : un groupe composé d’ouvriers et d’agriculteurs et un groupe issu de professions intermédiaires. Nous analyserons leurs représentations sociales, leurs manières d’interpréter l’histoire de leur maladie et leurs symptômes, le changement ou la conservation de leurs habitudes de vie, la recomposition de leur rôle dans leur environnement social, dans le but de comprendre, à partir de la culture qu’ils ont de leur corps et des dispositions construites notamment dans l’exercice de leur ancienne profession, les processus d’intériorisation du discours médical et de l’incorporation des nouvelles limites physiques liées à l’insuffisance cardiaque.

Première étape : évaluation de l’efficacité de l’éducation thérapeutique

Problématique

7Le développement des soins ambulatoires, depuis vingt ans [4], répond en partie à une exigence d’augmenter l’offre de soins en limitant son coût.

8Cette évolution des structures sanitaires modifie les conditions d’exercice à domicile comme à l’hôpital. Les personnels de santé voient la durée moyenne des séjours diminuer, le contenu du travail se densifier. Les malades chroniques tentent de conjuguer leur vie sociale au rythme des hospitalisations mais doivent, en même temps, absorber l’organisation des soins à la maison. La modification des structures de soins impose de nouvelles relations ville-hôpital, des organisations plus souples, plus économiques dans un contexte d’une demande de soins grandissante face à une population française vieillissante atteinte de pathologies dégénératives dont la caractéristique est leur chronicité. L’insuffisance cardiaque est l’une d’elles, élevée au rang de priorité de santé publique.

9Selon les statistiques de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, les maladies circulatoires sont les premières causes de décès en France (164248 en 1999) et dans le département de la Loire Atlantique (2 780 en 1999) [5]. L’observation de l’évolution des maladies cardiaques chroniques révèle environ 600 000 patients traités pour insuffisance cardiaque actuellement en France, 80000 nouveaux cas apparaissant chaque année. 73 % des patients atteints de cette maladie ont plus de 70 ans [6]. Si, globalement, la population se porte mieux (augmentation de l’espérance de vie nette ou sans incapacité), le nombre et la durée de vie des personnes atteintes de maladies dégénératives et chroniques vont continuer de s’accroître : aujourd’hui « 2,5 millions d’asthmatiques en France, 1 million de diabétiques, 10 % d’adultes hypertendus. » [7]. Plus largement, selon les projections démographiques de l’INSEE, la part des personnes âgées de plus de 65 ans dépassera 16 % en 2010, leur consommation médicale représentera 60 % de la consommation totale en 2015 et celle des plus de 75 ans en représentera un tiers [8]. Précisons enfin que les maladies cardio-vasculaires « sont au premier rang par leur poids dans les dépenses nationales de santé » [9].

10Dans ce contexte, les réseaux de soins apparaissent comme une nouvelle offre de proximité répondant à une demande sanitaire croissante. Le code de la sécurité sociale (art. L162.31.1) [10] en fixe les conditions d’émergence. S’appuyant sur ce cadre réglementaire et les besoins de santé publique, les professeurs Bouhour, (cardiologue) et Lombrail, (médecin de santé publique), répondent à un appel d’offre de la Direction Nationale de Recherche Clinique. Ils débutent, en 1998, un Projet Hospitalier de Recherche Clinique préalable à la mise en place d’un réseau de soins destiné à la population insuffisante cardiaque chronique de l’agglomération nantaise et intitulé « Peut-on améliorer la qualité de vie des insuffisants cardiaques chroniques et diminuer leur hospitalisation par une prise en charge en réseau ? » [11].

11La conception, la réalisation et les résultats de cette étude médicale puisqu’elle fonde une partie de la méthodologie (le choix de la population) du PHRC infirmier.

12L’insuffisance cardiaque chronique se définit, le plus souvent, par la conséquence des lésions myocardiques induites par la maladie coronaire athéromateuse et par l’hypertension artérielle [12].

13La prise en charge de la population insuffisante cardiaque chronique portera sur « la prévention des facteurs de risque artériels (tabagisme, hypercholestérolémie, obésité…) et le traitement de l’hypertension » [13].

14L’objectif principal de l’étude médicale est ainsi formulé : « … Évaluer la capacité d’une prise en charge coordonnée en réseau à améliorer les soins et le pronostic fonctionnel (et pas seulement la mortalité et/ou les ré-hospitalisations) à 1 an et à 2 ans de personnes en insuffisance cardiaque chronique par comparaison à une prise en charge habituelle… ». Les critères d’évaluation portent sur : la variation de la qualité de vie, le taux de mortalité « toutes causes » et d’origine cardio-vasculaire, le taux de ré-hospitalisation « toutes causes » et celui d’origine cardio-vasculaire, le degré de conformité des prescriptions médicamenteuses avec les recommandations européennes [14]. L’étude est construite sur des critères propres à la recherche clinique médicale, et est proposée « au consentement éclairé de toute personne âgée de 65 ans, ou plus, hospitalisée pour au moins une deuxième fois pour une poussée d’insuffisance cardiaque congestive par dysfonction systolique et/ou diastolique dont les premiers symptômes datent de plus de 6 mois ». [15]

15Les patients sont tirés au sort pour constituer deux groupes comparables sur le plan médical ; la différence du groupe « réseau » et du groupe « témoin » porte sur une prise en charge coordonnée par une infirmière spécialisée assurant une éducation intensive hospitalière et un suivi à domicile. L’éducation intensive hospitalière est réalisée, en collaboration avec un médecin et une diététicienne, grâce à trois séances « d’éducation » : la première vise la compréhension de la maladie et l’identification des symptômes, la deuxième est consacrée à la diététique, la troisième fait le point sur le traitement avec le cardiologue.

16L’éducation thérapeutique s’appuie sur des orientations anciennes de l’OMS qui alerte dès 1976, dans le cadre de la santé pour tous en l’an 2000. Les orientations concernent la santé tertiaire et notamment la prévention et l’éducation de la population. Cette organisation en précise la définition en 1998 [16] :

17

« L’éducation thérapeutique du patient devrait permettre aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui les aident à vivre de manière optimale leur vie avec leur maladie. Il s’agit par conséquent d’un processus permanent intégré dans les soins et centré sur le patient. L’éducation implique des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage de l’autogestion et de soutien psychologique concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, le cadre hospitalier et les comportements de santé et de maladie. Elle vise à aider les patients et leurs familles à comprendre la maladie et le traitement, coopérer avec les soignants, vivre plus sainement et maintenir ou améliorer leur qualité de vie. »

18Prenant leur place dans l’étude médicale, les soignantes (infirmières et diététiciennes) du réseau explicitent leurs objectifs pédagogiques : « Accompagner le patient dans l’acquisition des compétences qui vont lui permettre de négocier avec les contraintes de sa maladie et d’adopter un mode de vie qui lui convienne » [17] et les précisent de la manière suivante :

19Développer des compétences concernant les connaissances de l’insuffisance cardiaque et son auto-surveillance :

  • En s’appropriant des connaissances sur la maladie, les manifestations, les causes et le fonctionnement de l’organe.
  • En développant des gestes de surveillance (poids, œdèmes, essoufflement, fatigue…).
  • En acquérant une attitude adaptée aux situations (appeler le bon interlocuteur en cas d’aggravation).
Développer des compétences diététiques :
  • En s’appropriant des connaissances sur les aliments contenant du sel, la quantité de sel conseillée par jour, les équivalences de base en sel.
  • En développant des gestes appropriés (ne pas ajouter de sel en faisant la cuisine, calculer les apports quotidiens, choisir les aliments salés à consommer, utiliser les aromates, accommoder ses modes de cuisson).
  • En acquérant une attitude adaptée aux situations (adapter la quantité de sel dans la journée en cas de repas festif, moduler les diurétiques en accord avec le médecin, veiller à des apports énergétiques suffisants).
Développer des compétences concernant les activités physiques et de loisirs :
  • En s’appropriant des connaissances sur les efforts déconseillés, les situations à risques, ses propres limites.
  • En développant des gestes appropriés (s’aménager des temps de repos, pratiquer une activité physique adaptée).
  • En acquérant une attitude adaptée aux situations (adapter l’effort aux conditions extérieures, adapter ou maintenir ses loisirs et activités, envisager avec le médecin les déplacements et les voyages, une réorientation professionnelle).
Développer des compétences concernant le traitement médicamenteux :
  • En s’appropriant des connaissances sur les médicaments, la posologie, les effets secondaires, le plan thérapeutique.
  • En développant des gestes appropriés (prendre son traitement, prévoir les modalités des prises, surveiller les effets secondaires, assurer la surveillance clinique et biologique).
  • En acquérant une attitude adaptée aux situations (prévoir le renouvellement des ordonnances, alerter en cas d’oubli, d’arrêt ou d’effets secondaires, adapter la posologie des diurétiques selon les prescriptions).
Une visite au domicile du patient est réalisée deux à trois semaines après sa sortie afin d’évaluer les connaissances acquises du patient et leurs applications en situation réelle. Les liens au sein du réseau se mettent en place avec le médecin généraliste et le cardiologue grâce à un courrier de l’infirmière coordinatrice faisant part de ses observations. Des appels mensuels ainsi qu’une permanence téléphonique permettent à l’infirmière du réseau de consolider l’accompagnement des patients.

20L’évaluation est réalisée à 1 an et 2 ans. La qualité de vie est mesurée de manière quantitative à l’aide du questionnaire « Minnesota Living with Heart Failure » validé en langue française. Le questionnaire de Duke assure un bon complément sur l’ensemble de la qualité de vie et non sur les seuls paramètres de l’insuffisance cardiaque. Les critères secondaires de « mortalité », « nombre d’hospitalisations », « degré de conformité des prescriptions médicamenteuses », ainsi que des études de coûts compléteront l’évaluation de la qualité de vie.

21Les résultats de cette étude médicale nantaise ont été présentés en mars 2003 et montrent des améliorations significatives, non sur le taux de mortalité, mais un peu sur la qualité de vie et surtout sur la diminution du nombre de journées de ré-hospitalisation pour insuffisance cardiaque par patient (8,40 jours pour les patients du réseau pendant un an versus 15,7). Cette performance et les coûts indirects économisés justifient aujourd’hui la création d’une structure plus pérenne qui prend la forme d’un réseau de soins dont les nouveaux atouts portent sur l’éducation thérapeutique et la coordination des soins.

22Prenant le sillage de l’étude médicale, nous nous sommes alors engagés dans un projet Hospitalier de Recherche Clinique intitulé : « L’impact du soin éducatif et relationnel chez la personne atteinte d’insuffisance cardiaque : les représentations sociales, la culture du corps et les habitus d’une population prise en charge dans le cadre d’un réseau ville-hôpital. ».

23Quand les médecins soulignent l’importance de l’éducation thérapeutique dans le processus de soins, ils visent le plus souvent « la compliance », « l’observance » ou « l’adhésion » au traitement, au régime hyposodé et aux activités physiques autorisées. En reprenant ce vocabulaire, l’approche lexicale de Richard Salicru [18] montre une sémantique qui évolue et qui place la relation médecin-malade sur un curseur variant entre la contrainte et l’influence. [19] Il convenait alors, de s’interroger sur ces rapports de pouvoir et le lien avec le changement des représentations sociales et des « habitudes-habitus » [20] des patients.

24Il nous paraissait pertinent d’explorer d’une manière qualitative le comportement et les habitudes des patients « éduqués » dans le cadre de l’insuffisance cardiaque chronique et sévère et tenter de comprendre des attitudes diamétralement opposées entre la personne qui occulte sa maladie et ne gère que les crises douloureuses à coup de dérivés nitrés et celle qui a intériorisé la prévention des complications dans ses habitudes de vie. Il semblait surtout pertinent de comparer les deux branches de la population étudiée dans l’étude médicale, dont les variables étaient essentiellement la prise en charge soignante renforcée et la coordination des acteurs, afin de mettre en évidence la « valeur ajoutée » des soins vis à vis du seul traitement thérapeutique. L’éducation thérapeutique devenait centrale et les méthodes médicales inopérantes dans le cadre d’une étude qualitative ; cette dernière imposant des méthodes d’analyse empruntées aux sciences sociales.

25L’intérêt de cette étude se déplaçait donc sur l’analyse des expressions verbales et la description des habitudes des patients afin de connaître plus précisément la population observée et d’en déduire des connaissances utiles pour l’éducation thérapeutique. Dans cette recherche infirmière, les représentations sociales, la culture du corps et l’habitus ont constitué nos premiers outils conceptuels, empruntés à l’ethnologie et à la sociologie, afin d’approfondir notre compréhension du comportement des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque chronique.

Méthodologie

26Entre mars 2002 et janvier 2003 nous avons proposé un entretien à toutes les personnes qui se présentaient pour un bilan à un ou deux ans dans le cadre de l’étude médicale. Sur les 24 personnes identifiées, 19 entretiens ont pu être réalisés. 18 furent exploitables pour le P.H.R.C. Nous verrons que ce corpus sera « remobilisé » pour la deuxième phase de l’étude. Notre population se compose de la manière suivante :

Tableau 1

Répartition de la population étudiée

Tableau 1
Caractéristiques Réseau Témoin nombre 12 6 âge moyen 78 ans 78 ans (90-66) (83-66) homme 9 1 Femme 3 5 vit avec conjoint 9 4 vit seul 3 2 cadres et professions intellectuelles sup. 0 0 professions intermédiaires 2 0 employés 2 1 artisans commerçants chefs d’entreprise 1 1 ouvriers 3 2 agriculteurs 2 0 SP 2 2

Répartition de la population étudiée

27L’accueil des personnes fut chaleureux et les règles du jeu « protocolées » de la façon suivante : l’engagement du respect de l’anonymat précède la demande d’autorisation d’enregistrer ; quand la personne est accompagnée, il est demandé à la famille de ne pas intervenir pendant l’entretien leur promettant un temps d’expression à la fin de l’échange avec le malade. Tous les « accompagnants » ont respecté les consignes, certains intervenaient ponctuellement pour apporter une précision sans toutefois s’immiscer directement dans la conversation.

28Chaque entretien fut analysé suivant une grille découpée en quatre grandes catégories : la connaissance de la pathologie et du traitement ; l’appropriation consolidée des contraintes de la maladie, du traitement… ; les problèmes d’acceptation et la gestion des risques ; le jeu des acteurs dans les structures de soins. Deux autres catégories sont venues compléter les quatre premières : les expressions relatives au sens que le patient donne à sa vie, ses actions… ; les expressions hors champ d’étude (autres pathologies…). 3 640 expressions signifiantes ont été ainsi répertoriées.

29Cette méthode a permis de classer les patients dans des groupes « typiques » répondant à des critères de performance concernant : la connaissance de la maladie et les facteurs de risque, la maîtrise du traitement, la connaissance du régime, les représentations de la maladie, l’adaptation du comportement aux manifestations physiques, le changement des habitudes concernant le régime sans sel et l’activité physique. Puis nous avons approfondi notre analyse par une deuxième lecture des entretiens dans leur intégralité à la fois pour confirmer le classement, mais surtout explorer dans une démarche compréhensive les logiques propres à chaque patient.

Résultats

30Les premiers résultats nous renseignent sur le faible niveau d’intégration des connaissances et sur la difficulté de notre population à changer de comportement ou d’habitude. Le tableau (page suivante) montre la comparaison des deux branches de la population sur les principaux critères. Remarquons toutefois que le nombre des patients répondant aux critères les plus performants dans la connaissance et la maîtrise de la maladie n’est pas exceptionnel mais significativement plus important dans la branche réseau.

31Pour compléter ce tableau, notre analyse de contenu des entretiens a permis de classer notre population en trois groupes :

32A : La personne connaît son diagnostic et les mécanismes de la maladie ainsi que les facteurs de risque. Elle connaît parfaitement le traitement et sa surveillance, maîtrise son régime sans sel. Elle s’auto surveille tous les jours ou plusieurs fois dans la semaine. Elle est attentive à la symptomatologie et les sensations corporelles sont étudiées avec sérieux pour réajuster immédiatement l’effort physique ou l’alimentation.

33Les choix sont réalisés et assumés pour adapter la vie quotidienne en conformité avec le handicap et les recommandations sanitaires.

34Les habitudes sont profondément changées et acceptées pour un nouveau comportement dit « naturel ».

Tableau 2

Comparaison des connaissances et des compétences des patients « en réseau » et témoins

Tableau 2
Acquisition de connaissances Réseau Témoin Diagnostic 25% 17% et mécanismes Diagnostic et 25% 33% confusion mécanismes Mélange les pathologies 25% 0% Ignore le diagnostic 25% 50% Liens directs avec 42% 17% sa maladie Sans liens directs avec 33% 17% sa maladie Ignore les facteurs 25% 67% de risques Autonome dans la 66% 50% prise du traitement N’est pas autonome 33% 50% Connaît les effets et 58% 50% les surveille Ne connaît pas les effets, 42% 50% ne les surveille pas Parfaitement 33% 17% Avec erreurs ou 33% 17% imprécisions Ne connaît pas ou 33% 67% ne contrôle pas OEdème des membres 33% 33% inférieurs Poids 58% 0% Délègue la surveillance 50% 67% ou ne contrôle pas Connaît la maladie Connaît les facteurs risques Maîtrise le traitement Connaît le régime sans sel S’auto surveille
Tableau 2
Modification du comportement et des habitudes Maîtrisé 25% 17% Fragile 33% 0% Comportement à risque 42% 83% Accepte et dépasse 42% 17% le handicap Recherche un équilibre 17% 0% Résigné à changer de vie 42% 67% Refus de changer et comportement à risque 0% 17% Régime sans sel Activité physique

Comparaison des connaissances et des compétences des patients « en réseau » et témoins

35On en déduit une solide incorporation de nouveaux schèmes de sensation, de pensée et d’action.

36B : Les connaissances sont imprécises et/ou incomplètes, la compréhension des mécanismes physiologiques est en voie d’acquisition.

37Les sensations corporelles ne sont pas analysées suffisamment pour réajuster les pratiques quotidiennes. Le changement des habitudes est fragile.

38Il faut un effort cognitif important (vigilance, lutte contre les sollicitations extérieures) pour interroger sa pratique, maintenir ses efforts, donner du sens à ses sensations… On constate une culpabilité voire un syndrome dépressif pour certains qui vivent difficilement les écarts entre leur comportement et celui attendu par le corps social (famille, médecins, équipe soignante…)

39C : Le patient ne connaît pas son diagnostic, ni son traitement, ni les facteurs de risques. L’auto surveillance est absente.

40Les risques sont pris et incontrôlés, on retrouve une certaine résignation voire chez certains un syndrome dépressif. Certaines personnes sont capables de se forger des représentations personnelles conformes à leur conduite ou susceptibles de mystifier la réalité.

41En reprenant ces résultats, nous nous sommes aperçus que les quatre personnes qui répondent à l’ensemble des critères du groupe A sont des hommes anciens ouvriers en milieu rural ou agriculteurs. Un principe d’analyse sociologique est apparu alors ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de recherche. En reprenant nos entretiens dans cette perspective, nous nous sommes aperçus que ce que nous prenions pour des changements « profonds » d’habitudes, étaient des adaptations de conduites cohérentes avec l’histoire des agents qui finalement ne bouleversaient pas fondamentalement leurs habitus. Nous remarquions la capacité des individus de nos deux groupes à créer ou conserver des habitudes en fonction des actes de la vie quotidienne (en particulier leur ancienne profession) qu’ils réalisaient « naturellement » jusqu’alors.

42Cette première étude s’est donc prolongée par une deuxième étape qui vise à comprendre les processus d’intériorisation de nouveaux schèmes de sensation, de pensée et d’action capables de modifier les habitudes de vie socialement acceptées, solidement incorporées et conformes aux capacités physiques et physiologiques des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque.

Deuxième étape : la culture du corps et les représentations de la maladie au centre du processus d’éducation thérapeutique

Problématique

43Indépendamment des marqueurs biologiques, les sensations corporelles du malade et l’observation clinique du médecin entraînent non seulement la reconnaissance d’un organe déficient ou de fonctions altérées mais font l’objet d’un apprentissage de signes et de symptômes devenant l’enjeu de l’interaction patient/médecin/soignant. Dans l’éducation thérapeutique, le corps est davantage qu’un simple outil d’objectivation médicale ; quand il se manifeste, les signes et les symptômes font l’objet d’interprétations profanes ou scientifiques qui prennent sens et s’organisent en maladie à la lumière des modifications qu’ils apportent dans la vie des individus et de leur identité sociale [21].

44Considérer la maladie entraîne toujours une interprétation qui dépasse le corps individuel et l’étiologie spécifique [22]. C’est bien le paradoxe de la maladie, comme le souligne Marc Augé, d’être à la fois l’expérience la plus individuelle, voire intime, et la plus sociale par les schémas de pensée qui permettent de la reconnaître, de l’identifier et de la traiter : « penser sa maladie, c’est faire référence aux autres… » [23]. Ces schèmes ou systèmes d’interprétations, construits par l’histoire et la culture des agents sont sans cesse mobilisés notamment dans l’interprétation des signes d’appel du corps.

45Les limites physiologiques, les sensations d’étouffement, de palpitations, de fatigue… jouent un rôle tout particulier, et nombre de personnes malades semblent, au fur et à mesure de l’histoire de leur maladie, adapter leur comportement de façon très intuitive. Ce sens pratique s’acquiert dans l’accompagnement du malade au-delà de la compréhension physiologique de la maladie ; il ne peut s’affranchir d’un savoir, d’une familiarisation avec un vocabulaire mais il se développe également au cours d’un apprentissage fait d’encouragement, de commentaires et de conseils qui prennent sens dans les dispositions de la population à les entendre et les intérioriser.

46À l’image du sport de haut niveau, nous voyons que l’apprentissage du sens pratique est applicable à l’éducation thérapeutique,

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« La médiation langagière est d’ailleurs particulièrement élaborée, car elle recourt souvent à ces formes discursive subtiles que sont la comparaison et la métaphore, pour donner à voir ou à sentir tel ou tel mouvement et les corrections des postures[24] ».

48La rencontre médecin/patient/soignant, ou colloque singulier, est particulièrement marquée par la confrontation de ces systèmes de références dans le cadre de la pathologie cardiaque chronique et en particulier dans le cadre de l’éducation thérapeutique. L’interprétation de la symptomatologie est typiquement un moment de confrontation entre les représentations populaires et scientifiques, entre les savoirs communs et les savoirs médicaux. Dans le décryptage de l’organique qui tend à reproduire l’objective réalité [25] par la constatation des transformations du corps et des limites observées par le malade lui-même, le médecin classe, nous l’avons vu, le malade à partir d’une norme altérée, discours légitimé par la science médicale dite objectiviste. Pourtant, il n’est pas aussi « simple » et aussi mécanique de collecter des signes cliniques, biologiques, radiologiques objectifs, de classer un patient dans une pathologie qui déterminera d’une manière quasi automatique une conduite thérapeutique faisant l’objet de consensus dans la communauté médicale et qui s’appliquera à tous les patients présentant les mêmes signes. La « non-observance » montre la faiblesse de cette logique médicale. La résistance des patients s’enracine dans les habitus construits de leur histoire et s’alimente de la confrontation avec la culture médicale dans un contexte de pathologies chroniques, de iatrogènie, de comportement qualifié de « consumérisme médical ». Ainsi, enracinées dans une réalité sociale, façonnées par la confrontation des agents malades d’un coté et personnel de santé de l’autre, les représentations :

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« profanes de la santé et de la maladie ne sont en rien réductibles aux conceptions médicales du pathologique… Elles peuvent intégrer de nombreux éléments du savoir médical. En retour la médecine est moins indépendante qu’il n’y paraît du discours collectif[26] ».

50L’éducation thérapeutique est un terrain privilégié de confrontation des connaissances et des significations de chacun dans les champs « commun » du malade et « scientifique » des professionnels de santé. En intégrant les représentations sociales dans leur réflexion, les acteurs de santé publique modifient leurs outils de communication, dans le but d’influencer le comportement de leur cible. Pourtant les constructions d’images mentales d’un groupe ou la perception de la réalité par une communauté ne suffiront pas à expliquer, à elles seules, « les comportements individuels de santé et encore moins la modification des comportements de santé ». [27] Les forces de l’habitus intrinsèques à chaque personne s’enracinent dans une culture de groupe et déterminent les perceptions de la maladie et la recherche de ressources médicales. La modification des représentations est vraisemblablement un élément crucial et facilitateur d’intériorisation de nouveaux éléments de la réalité mais elle n’est pas suffisante pour changer les habitudes de vie. La description et l’analyse des changements ou conservation des habitudes des agents atteints d’insuffisance cardiaque devraient permettre de comprendre les processus d’élaboration et d’incorporation des nouveaux schèmes de perception, de pensée et d’action leur permettant d’approcher une qualité de vie fondée sur le difficile équilibre entre des capacités physiques diminuées et des comportements qui soient socialement acceptables et cohérents avec leur trajectoire sociale. Marcel Mauss note, au sujet des attitudes du corps, que « chaque société a ses habitudes à elle » et Luc Boltanski enrichit ce propos en précisant le besoin médical et les sensations morbides d’une population :

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« Tout se passe en effet comme si la perception des sensations morbides était inégalement acérée dans les différentes classes sociales ou plutôt comme si des sensations similaires faisaient l’objet d’une « sélection » ou d’une « attribution » différente et étaient éprouvées avec une plus ou moins grande intensité selon la classe sociale de ceux qui les éprouvent. »[28]

52En se nourrissant de ces constats, nous précisons l’hypothèse suivante : l’interprétation des symptômes, la manière de vivre sa maladie et ses relations sociales (famille, personnel de santé) sont différentes selon les groupes sociaux, les représentations de leur pathologie, la culture qu’ils ont de leur corps, les dispositions qu’ils ont construites tout au long de leur vie. L’analyse des conduites et discours d’un groupe d’ouvriers/agriculteurs comparée à celle d’un autre groupe d’hommes issu de professions intermédiaires, devrait permettre de vérifier cette hypothèse et produire de nouvelles connaissances soignantes sur les caractéristiques de ces deux groupes sociaux différents. Ces connaissances seront, nous l’espérons, de nature à affiner nos actions dans le cadre de l’éducation des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque chronique sévère. Dans le cadre de l’éducation thérapeutique des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique sévère, la question du corps est posée d’emblée non pas seulement par les signes cliniques qui se manifestent mais également par la manière de ressentir les symptômes, d’utiliser habituellement son corps et de l’alimenter. Marcel Mauss nous invite à dépasser la lecture individuelle des habitudes liées au corps y repérant aussi des pratiques collectives qui « varient surtout avec les sociétés, les éducations, les convenances et les modes, les prestiges. ». En le précisant, ce concept d’habitus permet d’aborder l’aspect mécanico-physiologique, psychologique et social « dans un triple point de vue celui de l’homme total » [29]. Cette définition de l’approche globale précise un axe d’analyse centré sur l’habitus qui semble pertinent pour une lecture compréhensive des trajectoires des patients chez qui ces points de vue sont, dans la plupart des maladies, intimement mêlés.

53Ainsi nous dépassons l’aspect fonctionnaliste d’un organe malade qui justifie la médecine comme le souligne Luc Boltanski :

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« la remise en question de la théorie des besoins et des fonctions naturelles, soit qu’elle réduise le corps tout entier à un seul « besoin » ou à une seule « fonction », soit, même qu’elle procède à la sommation de l’ensemble des « besoins » et des « fonctions » qui sont accordés au corps par la conscience commune et par les sciences qui la reflètent, la systématisent, l’informent et lui apportent la caution de leur légitimité »[30].

55Si l’on en croit cet auteur, l’observation des attitudes et des sensations corporelles de groupes sociaux différents dans l’utilisation quotidienne de leur corps devraient révéler une culture somatique de classe car :

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« les déterminismes sociaux n’informent jamais le corps de façon immédiate par une action qui s’exercerait directement sur l’ordre biologique mais sont relayés par l’ordre culturel qui les retraduit et les transforme en règle, en obligation, en interdits, en répulsion ou en désirs, en goût ou en dégoût. »[31]

Méthodologie

57Nous voilà donc rendus à un point de la réflexion sociologique qui nous oblige à ré-exploiter le corpus de notre première étude infirmière à partir de ces nouveaux concepts appliqués à l’étude de l’éducation thérapeutique comme fait social, en comparant deux groupes comme nous l’a montré Émile Durkheim [32]. Deux groupes d’hommes homogènes sur le plan pathologique, comme nous le garantit l’étude médicale, et dont la variable essentielle n’est plus la prise en charge dans le cadre ou non d’un réseau de soins (ils sont tous en réseau), mais leur catégorie socioprofessionnelle.

58Les entretiens ont été alors exploités en référence à la « saturation » telle que la définit Alex Mucchielli : « La « saturation » est un critère de validité scientifique qui remplace la notion « d’échantillon représentatif » des méthodes quantitatives. On dit qu’il y a « saturation » quand les informations apportées par le N+1 interviewé n’apporte plus rien de nouveau par rapport aux informations apportées par les N interviewés précédents »[34].

Tableau 3

Répartition de la population de la 2ème étude [33]

Tableau 3
Professions Ouvriers/agriculteurs intermédiaires Age 60-69 ans 2-10 70-79 ans 4-15-23 1-6-21 80-89 ans 14 90 ans et + 20 Situation familiale Vit avec conjoint 4-15-23 1-2-6-10-14-20-21 Vit seul Pas d’enfant 1-20 1 à 2 enfants 3 à 4 enfants 4-23 2-6-10-14 5 enfants et + 15 21 Lieu de vie Vit à domicile 4-15-23 1-2-6-10-14-20-21 Vit en institution

Répartition de la population de la 2ème étude [33]

59L’analyse qualitative de contenu [35] des entretiens fut réalisée afin de cerner le sens que donnent les malades à l’histoire de leur maladie, leur manière de parler des symptômes, leur façon de se traiter, de s’alimenter ou de changer leurs habitudes, leurs relations aux personnels de santé.

Résultats

60Luc Boltanski souligne que

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« la familiarisation avec les taxonomies morbides et symptomatiques d’origine savante et l’acquisition de nouvelles catégories de perception du corps sont, pour l’essentiel, le résultat de la fréquentation du médecin qui constitue aujourd’hui le principal agent de diffusion du vocabulaire médical… la fréquence et l’intensité des relations que les malades entretiennent avec le médecin et la qualité du « colloque singulier » croissent quand on s’élève dans la hiérarchie sociale… ».[36]

62Constatant cet apprentissage favorisé par la proximité sociale,

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« l’effet proprement éducatif de l’acte médical s’exerce avec moins de force auprès de ceux dont la formation ou la transformation exigerait pourtant l’effort d’inculcation le plus systématique et continu. ».

64A partir de là, il s’est construit l’idée communément admise que les classes sociales supérieures seraient plus disposées à s’adapter à une nouvelle situation pathologique ou l’inscriraient plus facilement dans une dynamique de prévention. Notre recherche conteste cette interprétation simpliste des résultats de Luc Boltanski. Dans le contexte particulier de soins éducatifs apportés à une population de personnes atteintes d’insuffisance cardiaque chronique et suivies dans le cadre d’un protocole de recherche médicale, la fréquence de consultations et leur contenu sont identiques et « protocolés » pour tous les patients. Nos résultats montrent des processus d’intériorisation et d’incorporation complexes mais très en lien avec l’histoire professionnelle des patients.

65Ainsi, la comparaison d’un coté d’un groupe d’ouvriers issu d’un milieu rural et d’agriculteurs (qui utilise son corps pour sa force physique afin de transformer de la matière) versus un groupe issu de professions intermédiaires (qui utilise son corps comme représentation de soi dans un rapport à la clientèle) montrent une manière différente d’appréhender ce champ du pathos. Les tableaux ci-dessous en donnent une synthèse :

66Notre groupe d’ouvriers et d’agriculteurs, se conforme dans ses représentations à un modèle ontologique ou rationnel comme le décrit François Laplantine [37]. La symptomatologie géographique permet une compréhension lésionnelle (notion d’espace) de la maladie. Le cœur est désigné comme l’agent matériel déficient objectivé pour lui-même, seul responsable du désordre qu’il provoque. La vision du traitement est mécanique, la compréhension est simple et précise, la maladie est isolable à l’organe. La maladie est peu culpabilisante, sa compréhension et les perspectives de maîtriser la situation sont accessibles.

67Pour le groupe qui a présenté son corps à la clientèle comme la représentation de sa propre image, la maladie apparaît comme un dérèglement de plusieurs fonctions de l’organisme lié à la vieillesse laquelle est fréquemment et clairement nommée. La compréhension de situations pathologiques est difficile car la maladie n’est pas isolable mais l’ensemble des pathologies sont parfois mélangées dans la représentation d’un corps souffrant qui révèle et stigmatise la personne malade ou vieillissante. La situation devient alors plus confuse et la difficulté à comprendre renforce la conviction d’une dégénérescence de l’organisme et des capacités cognitives hors d’atteinte thérapeutique. La vision du traitement est davantage pharmacologique, elle devient plus complexe et l’ensemble des médicaments semble moins bien maîtrisés.

Tableau 4

Représentations sociales du corps selon les deux groupes sociaux étudiés

Tableau 4
Catégories Thèmes Groupe des ouvriers, agriculteurs Groupe des professions intermédiaires Le corps Le corps est un outil Le corps est une représentation de soi. de travail. La maladie L’insuffisance cardiaque L’insuffisance cardiaque s’inscrit dans une est une usure du muscle dégénérescence fonctionnelle corporelle cardiaque. multiple et cognitive liée à la vieillesse. Le traitement Le traitement est considéré Le traitement cardiaque s’inscrit dans comme l’entretien ou la la restauration de plusieurs fonctions réparation mécanique complexes. d’une pompe. Représentations sociales du corps

Représentations sociales du corps selon les deux groupes sociaux étudiés

Tableau 5

Les sensations corporelles selon les deux groupes sociaux étudiés

Tableau 5
Catégories Thèmes Groupe des ouvriers, agriculteurs Groupe des professions intermédiaires Sensibilité très localisée à la Douleurs, dyspnées, malaises diffus région du cœur (palpitations, Prise en compte de l’ensemble des régularité des pulsations…) capacités physiques et psychomotrices Négligence de la douleur, (réflexes, …) sensation majeure de fatigue, évocation de la dyspnée. Gros mangeurs, habitués la Gourmands et gourmets. charcuterie, au fromage mais Attirés davantage par le sucré. aussi aux produits du jardin. Mangent peu de légumes, préférence Aiment le salé et l’épicé. pour les plats cuisinés. Capables de « sauter » Aménagent le mets quand le goût un repas quand le goût ne plaît pas. ne plaît pas. Les sensations corporelles Sensibilité du corps et manifestations cliniques Le goût et la satiété

Les sensations corporelles selon les deux groupes sociaux étudiés

68Quand le corps se manifeste au cours de la maladie, la sensibilité des symptômes, le sens donné aux manifestations cliniques sont ici mises en questions par l’hypothèse d’une sédimentation des usages du corps pendant toute une vie [38]. Dans ce sens, nous interrogeons les deux groupes sur deux domaines majeurs bouleversées par la maladie cardiaque : la sensibilité aux manifestations cliniques qui a un impact direct sur l’activité physique et le goût et la satiété qui déterminent l’alimentation. Les sensations corporelles sont vécues différemment dans les deux groupes :

69Les ouvriers et agriculteurs continuent à utiliser leurs capacités fonctionnelles jusqu’aux limites. Ils se donnent du mal et n’écoutent pas les alertes (fatigue, dyspnée), ou les interprètent comme le processus normal d’une fatigue après l’effort. Ce groupe « éduqué » semble davantage à l’écoute de manifestations très localisées à la région du cœur, la métaphore du bruit régulier d’un moteur ou d’une horloge est souvent utilisée. Composés de gros mangeurs, adeptes de la charcuterie, du fromage, des plats épicés mais également des produits du jardin, le régime hyposodé est retraduit en régime sans sel strict. Cette posture radicale souligne un sens de l’interdit qui finit par se manifester jusque dans le dégoût. Le sel prend alors l’aspect d’un produit nocif que le corps ne peut plus supporter, il devient un véritable « poison » provoquant à la fois des nausées mais également le risque d’un œdème aiguë du poumon pouvant entraîner la mort. Cette aversion pour le sel est à opposer aux saveurs plus fades des produits récoltés au jardin mais garants d’une alimentation saine. Pour autant, quand la fadeur des aliments est, elle aussi insupportable, ces personnes préfèrent « sauter » un repas.

70Le deuxième groupe, des professions intermédiaires, semble plus à l’écoute des dysfonctionnements du corps. Les manifestations douloureuses sont davantage évoquées, les dyspnées et malaises diffus viennent compléter le tableau clinique. Les sensations corporelles sont décrites dans un sens très large embrassant non seulement les signes cliniques de l’insuffisance cardiaque, mais également les limites psychomotrices, neurologiques liées à d’autres pathologies (diabète, parkinson, arthrose…) qui là encore sont évoquées dans le cadre plus large de la vieillesse. Cette population plus gourmande mange pour le plaisir et semble davantage attirée par les pâtisseries et sucreries. Le jardinage est moins systématique et les légumes récoltés ne fondent pas l’alimentation quotidienne. Quand la fadeur des mets devient insupportable, ce groupe s’accorde un peu de souplesse par un apport sodé supplémentaire plutôt que de renoncer au repas.

71N. Sindzingre précise la représentation comme un terme qui ne renvoie pas seulement à des pensées ou à des mots, mais aussi à des conduites [39]. On ne sera pas surpris de constater une certaine cohérence entre la représentation sociale ontologique de la maladie et les conduites du premier groupe. Cette représentation de l’insuffisance cardiaque qui vise à simplifier le raisonnement et réaliser des choix radicaux en matière de traitement, de régime hyposodé rencontre une certaine efficacité. On remarque alors une application rigoureuse du traitement et une recherche de la maîtrise de ce dernier. Cela est particulièrement visible pour les diurétiques et les anticoagulants. Le régime hyposodé est appliqué au-delà des recommandations, ce groupe ne s’accorde guère de souplesse et supprime les occasions d’écart de régime (suppressions des noces ou fête des anciens, sauts de repas…).

Tableau 6

Conduite des deux groupes sociaux étudiés

Tableau 6
Catégories Thèmes Groupe des ouvriers, agriculteurs Groupe des professions intermédiaires Rigueur, volonté d’augmenter Application mécanique du traitement les connaissances et à l’aide d’un semainier. compétences, respect Néglige la maîtrise du traitement. de la règle. Application rigoureuse du Souplesse dans le régime. régime hyposodé au-delà Liens sociaux cultivés autour des recommandations. de la gastronomie qui exposent Suppression des occasions davantage aux risques. d’écart de régime. Va jusqu’au bout de ses Peu d’activité physique. capacités jusqu’à l’apparition des symptômes. Changement de conduite Application du traitement Suivi du régime Application des limites physiques imposées

Conduite des deux groupes sociaux étudiés

72En revanche sur le plan physique, il continue à utiliser son corps jusqu’aux limites objectivées par l’apparition des symptômes.

73L’approche plus fonctionnelle du deuxième groupe et le mélange des symptômes qui stigmatisent une vieillesse qui s’installe apporte de la complexité dans la compréhension du traitement. Ce dernier semble moins maîtrisé et son application facilitée par l’utilisation d’un semainier qui planifie d’une manière mécanique la prise des médicaments. La trajectoire sociale des personnes de ce groupe les porte à donner de l’importance à la gastronomie et au plaisirs de la table. Les occasions de s’écarter du régime hyposodé restent fréquentes et obligent à apporter un peu de souplesse au régime. L’activité physique n’est pas centrale et reste modeste parfois inexistante.

74Même s’ils discutent, questionnent, contestent, les patients du premier groupe finissent par se conformer strictement et scrupuleusement aux règles édictées par les médecins, infirmières, diététiciennes. Ils observent plus facilement les recommandations quand les discours et les règles de fonctionnement sont simples et directes, les interdictions et les décisions précises, parfois brutales ne laissant pas de place à la négociation. Notons que ces règles sont plus exigeantes pour le régime alimentaire et le traitement que pour l’activité physique pour laquelle l’objectivation est difficile. La souplesse accordée dans le régime hyposodé en modifiant les diurétiques apportent du flou, mettent mal à l’aise, introduisent le doute. Ces marges de manœuvres semblent peu utilisées. La croyance dans le praticien repose sur les résultats cliniques qui démontrent l’efficacité thérapeutique et la crédibilité des recommandations. Dans ce sens, la préférence va au spécialiste chirurgien ou cardiologue. Ce groupe, devant la valorisation symbolique de leur nouveau savoir médical et l’encouragement des professionnels de santé cherche à appliquer les décisions et recommandations au-delà de ce qui lui est demandé et tient à le faire savoir.

75Le deuxième groupe accepte les décisions médicales quand elles répondent à un processus logique d’objectivation de l’état de santé par les examens paracliniques qui justifient le traitement et légitime le discours médical et soignant. La confiance est construite sur la disponibilité et la proximité du généraliste. En dehors de l’objectivation (par les résultats d’examens), des difficultés à suivre la norme médicale, ce deuxième groupe entretient le flou et l’approximation dans une stratégie d’évitement de confrontation directe. Dans ce sens, il cultive une relation plus personnalisée voire amicale avec le médecin traitant. Dans un contexte de sollicitations importantes sur le plan gastronomique qui « nourrit » le lien social, notre étude met en évidence un régime plus souple, une surveillance moins rigoureuse. Nous retrouvons une certaine « évidence » à ne pas poser de questions au médecin, comme si la maladie était moins centrale, un « à coté » du reste de la vie.

Tableau 7

La domination médicale selon les deux groupes sociaux étudiés

Tableau 7
Catégories Thèmes Groupe des ouvriers, agriculteurs Groupe des professions intermédiaires Acceptation des décisions Acceptation des décisions médicales médicales unilatérales unilatérales dans le cadre d’un processus mais après discussion logique d’examens, de diagnostic, de et réponses du médecin traitement non remis en cause. aux questions précises. Préférence pour une relation Les choix clairs, simples, personnalisée (voire amicale) avec expliqués sont acceptés. le médecin généraliste. Préférence pour un chirurgien ou un cardiologue ayant un discours direct, tranché. (à l’image d’un chef de famille ou d’un chef d’entreprise) Confiance construite sur des Confiance construite sur la proximité, résultats cliniques la disponibilité. Cherche à appliquer les Difficultés à appliquer les décisions décisions médicales au-delà médicales. de ce qui est demandé et en Cherche à fuir la confrontation rend compte. médicale mais à établir de bonnes Valorisation symbolique par relations amicales avec le médecin reconnaissance de leur savoir traitant. médical par les soignants. Cultive le flou, l’approximation. La domination médicale Face aux stratégies thérapeutiques Croyances dans le praticien Relations avec le médecin

La domination médicale selon les deux groupes sociaux étudiés

Tableau 8

Le rôle social des deux groupes sociaux étudiés

Tableau 8
Catégories Thèmes Groupe des ouvriers, agriculteurs Groupe des professions intermédiaires Conservés autour d’activités Conservés autour de la convivialité (pêche, chasse, randonnées…) et entretien des relations commerciales mais abandon des grandes antérieures. manifestations familiales (noces…) Sensibilité à une reconnaissance Les nouveaux savoirs sont moins sociale de l’entourage de maîtrisés et ne sont pas des enjeux nouvelles compétences de socialisation. La maladie se cache médicales. Valorisation et est vécue individuellement, symbolique de l’augmentation confidentiellement… de leur capital culturel et social. Domination masculine altérée Domination masculine altérée et bien et mal supportée par supportée par les femmes. les femmes. Perte de l’autonomie dans la conduite Conservation de l’autonomie de sa maladie. dans la conduite de sa maladie. Le rôle social Les liens sociaux Valorisation des compétences Les relations de couple

Le rôle social des deux groupes sociaux étudiés

76L’insuffisance cardiaque réduit et bouleverse la vie sociale. Tout en conservant des liens autour d’activités antérieures socialement marquées par leur caractère culturel, les patients du premier groupe limitent les occasions d’écarts de régime (renoncement aux noces) manifestent davantage de difficultés concernant les capacités physiques (abandon de la chasse ou de la pêche). Ils sont sensibles à la valorisation de leur nouveau capital culturel (nouveau savoir) et social (liens construits avec des personnels de santé) en partageant « le monde des professionnels de santé ». Ils suscitent dans l’entourage familial, amical ou de voisinage, une reconnaissance et de l’admiration face à ces nouvelles compétences. Cette valorisation symbolique leur permet de conserver une autonomie dans la conduite de leur maladie à la maison au moment où, retraité et diminué physiquement, ils perdent une certaine place dominante dans le couple en pénétrant la sphère privée jusque là réservée à la femme. La diminution des capacités physiques semble particulièrement mal acceptée par les conjointes de ces patients qui ne reconnaissent pas cet homme vaillant et solide qui caractérisait, jusque là, leur mari.

77Les patients du deuxième groupe conservent des relations professionnelles ou entretiennent des relations amicales fondées sur le mode de la convivialité. Les rencontres autour d’un verre, le plaisir des repas, restent des moments privilégiés. Les nouveaux savoirs ne sont pas des enjeux de socialisation, ils sont rarement mobilisés et mis en valeur. La maladie est vécue confidentiellement. Les épouses semblent prendre davantage de place dans la conduite du foyer leur investissement dans la maladie de leur mari dépasse la cuisine d’un régime hyposodé, par la préparation des médicaments, le suivi des prises pendant le repas voire la prise des rendez-vous chez le médecin, le contrôle des dates de prises de sang…

Synthèse

78À la suite de nos premiers résultats classant les patients les « plus compétents », dans le cadre de l’insuffisance chronique, le sens commun nous commanderait de qualifier les ouvriers et exploitants agricoles de volontaires, de courageux, parce qu’ils semblent fournir davantage d’efforts pour changer leurs habitudes. On pourrait également souligner la capacité ou l’intelligence des professions intermédiaires à jouer avec les règles pour tirer à leur profit une certaine « qualité de vie » (en limitant les contraintes) légitimée par le médecin traitant ou l’infirmière. Or les concepts sociologiques et ethnologiques mobilisés nous apportent des connaissances plus précises des processus de perception du corps et des changements de conduite de la population étudiée.

79Les représentations sociales de l’insuffisance cardiaque globale (pompe défectueuse qu’il convient de réparer, déchéance physique irrécupérable liée à la vieillesse) semblent s’élaborer dans le creuset culturel du corps façonné par l’exercice professionnel (corps-outil pour les uns, corps-image de soi pour les autres). Les manifestations de la maladie et l’interaction avec le milieu médical bousculent les cadres de référence de tous les patients. Cette relation intime entre la construction de la personnalité et l’appartenance au groupe social se révèle dans le corps sous la forme « sédimentée » de l’habitus [40]. Le concept d’habitus permet de mieux décrypter l’incorporation de nouveaux schèmes de sensations, de pensée, d’actions et de comprendre, dans le contexte d’un rôle social de malade plus ou moins accepté, plus ou moins utile, la capacité de l’agent à créer, modifier ou conserver de nouvelles habitudes de vie. Nous percevons des modifications de conduites dans la lecture des appels du corps et les règles médicales intériorisées. La création de nouvelles habitudes s’inscrit dans l’histoire que les agents entretiennent avec leur corps et dans leur capacité à recréer des conditions de vie bouleversées par un accident de santé, ce que Pierre Bourdieu appelle la surdétermination, c’est à dire la superposition « des déterminations biologiques et des déterminations sociales » [41] dans la construction de la personnalité des agents et leur capacité à « incorporer » des nouvelles données biologiques (les limites du corps) et sociales (la vieillesse) mais aussi à inventer une nouvelle vie, à créer de nouvelles conditions de vie…

80Ainsi, deux processus semblent fonctionner, pour les deux groupes de patients, dans la gestion de la maladie et le rapport au personnel de santé.

81Le groupe d’ouvriers en milieu rural et d’agriculteurs recherche un rendement, tel que le décrit Marcel Mauss [42] pour adapter le corps à son usage. Attachés au labeur, ces anciens travailleurs semblent chercher le meilleur rapport entre les contraintes du traitement ou du régime et les bénéfices liés aux capacités physiques essentielles à l’organisation de la vie quotidienne. Ils poursuivent également une reconnaissance symbolique de leurs nouvelles compétences qui devient un enjeu de socialisation. Ils sont capables d’augmenter les contraintes pour gagner quelques points de capacité physique et montrer à l’instar de leur force physique perdue, leur force de caractère conservée.

82Le groupe des anciens employés « chargés » de clientèle recherche plutôt à diminuer les contraintes pour rentabiliser le plaisir de la bouche et du lien social qui s’y rapporte, même si cette attitude comporte des risques de complications de la maladie. Ces derniers, socialement inacceptables, sont refoulés dans une culpabilité implicite. Le traitement et l’hygiène de vie deviennent des contraintes importantes dont il faut s’acquitter à minima sans que l’on puisse clairement en identifier les bénéfices. Le dynamisme des premiers, qui s’enracine dans la valorisation de leur capacité à devenir de « bons malades », s’oppose à la culpabilité voire pour certains la dépression des seconds, qui se fondent sur le dépérissement du corps, signe inéluctable d’une mort annoncée dans un contexte de « non maîtrise » des risques et des pulsions de ce groupe. Ceci explique vraisemblablement la manière différente de gérer la relation au médecin.

83L’efficacité du pouvoir symbolique médical a une portée différente dans les deux groupes dans lesquels chaque agent cherche une certaine efficacité. La pensée médicale n’est pas dépourvue de facteurs irrationnels perceptibles également dans l’interaction médecin/malade empreintes de l’aspect quasi magique (pour le profane) des modifications biologiques suite à un traitement efficace. Si les décisions sont unilatérales, univoques, elles apportent de la confiance quand le patient fait l’expérience d’une amélioration ou d’une dégradation conforme à la prévision médicale. L’application de la recommandation apparaît comme une imitation par procuration des expériences réussies d’autres malades, dont le praticien serait dépositaire. L’efficacité du processus nous est décrite par Marcel Mauss :

84

« Ce qui se passe c’est une imitation prestigieuse… L’adulte imite des actes qui ont réussi et qu’il a vu réussir par des personnes en qui il a confiance et qui ont autorité sur lui. L’acte s’impose du dehors, d’en haut… C’est précisément dans cette notion de prestige de la personne qui fait l’acte ordonné, autorisé, prouvé, par rapport à l’individu imitateur, que se trouve tout l’élément social… »[43].

85L’auteur apporte quelques éléments complémentaires qui permettent de mettre la confiance au centre de « la croyance à l’efficacité non seulement physique, mais orale, magique, rituelle de certains actes ». [44] Ce rapport de domination, nous l’avons vu, est présent notamment quand la confiance au médecin est manifeste. Mais il est inégalement vécu car l’apprentissage de la médecine savante

86

« peut se réaliser partiellement et pratiquement par le moyen d’une familiarisation progressive et diffuse, de sorte que les sujets sociaux en auront une maîtrise plus ou moins complète selon qu’il disposent plus ou moins des moyens matériels et culturels de leur appropriation »[45]

87Nous nous sommes aperçus que le changement des habitudes et la manière de contourner les règles portent des similitudes pour l’ensemble des individus quel que soit leur milieu d’origine. En revanche, ce changement où les obstacles rencontrés se révèlent de façons différentes en fonction de leur culture. Par exemple, il semble aussi difficile de suivre un régime hyposodé pour les professions caractérisées par des relations avec une clientèle que d’appliquer les recommandations concernant l’activité physique pour les métiers physiques. Le « bricolage » des activités quotidiennes pour les uns ou du régime pour les autres est de même nature dans les deux groupes, il vise à s’arranger avec les règles pour le meilleur rendement : contraintes des recommandations sanitaires/qualité de vie. En revanche, les manières de jouer avec les règles sont différentes ; elles sont fonctions de la valeur accordée au travail ou aux relations sociales. Remarquons que la pression sociale n’est sans doute pas la même pour l’un et pour l’autre. Le rapport contrainte/bénéfice vise la recherche d’un rendement, comme le dit Marcel Mauss, entre la gestion d’un corps déficient et les capacités à profiter de la vie (physique et social), un rendement qui qualifie et définit la notion de qualité de vie, c’est à dire la recherche du meilleur rendement entre les contraintes, les exigences médicales et du corps social avec les bénéfices qu’ils estiment pouvoir conserver. Marcel Mauss nous offre de mettre en perspective cette notion de rendement : « je crois que […] nous sommes en présence de phénomènes biologico-sociologiques. Je crois que l’éducation fondamentale de toutes ces techniques [du corps] consiste à faire adapter le corps à son usage… » [46]

Conclusion

88Au terme de cette recherche, que pouvons-nous extraire comme connaissances mobilisables dans la pratique soignante auprès des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque ?

89Les patients se forgent des représentations simples (mécaniques, vieillesse…) qui permettent d’intérioriser le discours médical sans qu’ils aient besoin de connaissance approfondies sur l’anatomie ou la physiologie. Ces représentations s’enracinent dans la culture de leur corps qu’ils ont forgé tout au long de leur vie et particulièrement, pour les hommes, au cours de leur carrière professionnelle.

90La symptomatologie permet de donner du sens aux nouvelles connaissances acquises (facteurs de risques, complications…), elle révèle les limites corporelles et favorise la modification des habitudes, mais celles-ci s’élaborent toujours dans le cadre d’habitus forgés tout au long de sa vie (importance de l’effort physique, liens sociaux…). Donner du sens aux symptômes c’est davantage comprendre les stratégies thérapeutiques ou les recommandations d’hygiène, mais aussi favoriser la recherche du rendement de son corps à son usage.

91L’éducation thérapeutique devient alors aide et accompagnement et prend tout son sens et sa force dans la proximité et la durée. Les lignes de force de cet accompagnement pourraient être : aider le patient à faire son deuil des capacités perdues en relativisant les pertes au regard de son histoire de vie, essayer de récupérer l’essentiel et le mobiliser pour favoriser un projet de vie cohérent avec sa trajectoire sociale et sans que l’identité individuelle soit remise en cause… Attentif à l’environnement du patient, à son histoire, ses habitudes, le soignant devra donc identifier ce qui est de l’ordre de l’habitude du sens commun (routine corporelle) ou habitus (incorporation de mémoire sociale composée de représentations collectives, d’us et coutumes) pour consolider des conduites cohérentes avec l’histoire personnelle des personnes malades, socialement acceptables, compatibles avec leurs capacités physiques et physiologiques.

92Ce travail ethno-sociologique non seulement permet une meilleure compréhension des processus d’intériorisation, d’incorporation de réalités corporelles et sociales dans le cadre de l’insuffisance cardiaque chronique en particulier mais également de l’ensemble des affections corporelles qui brisent une trajectoire sociale individuelle, qui s’inscrit elle-même dans une histoire de groupe culturellement homogène. Ce travail interroge donc les pratiques soignantes et en particulier l’éducation thérapeutique ; il donne un contenu à l’approche globale qui prend sens dans la définition que donne Marcel Mauss de l’homme total lorsqu’il observe les techniques du corps :

93

« Et je conclus que l’on ne pouvait avoir une vue claire de tous ces faits, de la course, de la nage, etc., si on ne faisait pas intervenir une triple considération au lieu d’une unique considération, qu’elle soit mécanique et physique, comme une théorie anatomique et physiologique de la marche, ou qu’elle soit au contraire psychologique ou sociologique. C’est ce triple point de vue, celui de « l’homme total », qui est nécessaire. »[47].

94Voilà des pistes épistémologiques à saisir par les infirmières pour qu’elles continuent à développer les connaissances de l’homme atteint dans son corps afin de trouver une voie complémentaire d’« une pensée sur la maladie conçue comme entité clinique qui, bien qu’ayant un « cours » et une « issue », n’a jamais de sens » [48].

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Mots-clés éditeurs : représentation, éducation thérapeutique, culture du corps, insuffisance cardiaque chronique, rôle social

Date de mise en ligne : 11/01/2014

https://doi.org/10.3917/rsi.086.0033

Notes

  • [*]
    A contrario de la règle grammaticale, nous utiliserons le genre féminin pour désigner ces professionnels regroupant très majoritairement des femmes.
  • [1]
    Eliot FREIDSON, La profession médicale, Paris : Payot, 1984, p. 14.
  • [2]
    J.-B. BOUHOUR, P. LOMBRAIL ; PHRC 1998.
  • [3]
    Pierre Erny, in Usages culturels du corps, sous le direction de Isabelle Bianquis, David Le Breton, Colette Méchin ; Paris : l’Harmattan ; 1997, p.11.
  • [4]
    R. CAQUET et S. KARSENTY, Les alternatives à l’hospitalisation, Rapports de mission au ministre d’état, ministre du plan et de l’aménagement du territoire, préparation du IXème plan 1984-1988, pp. 28-42
  • [5]
  • [6]
    J. B. BOUHOUR, H. LAMBERT, H. GUIBERT, E. GRAVOUEILLE, « Projet d’étude sur un réseau « insuffisance cardiaque » et application diététique », Information diététique, Mars 2000, p. 7.
  • [7]
    B. SANDRIN-BERTHON sous la direction de, L’éducation du patient au secours de la médecine, Paris, Presses Universitaires de France, 2000, « Comité Français d’Éducation Pour la Santé », p. 8.
  • [8]
    M. DURIEZ, P. LANCRY, D. LEQUET-SLAMA, S. SANDIER, Le système de santé en France, Paris : Presse Universitaires Française, 1999, (Coll. : Que sais-je ? »), p. 101.
  • [9]
    V. PARIS, T. RENAUD, C. SERMET, Des comptes de la santé par pathologie. Un prototype sur l’année 1998, n° 56, sept. 2002 – CREDES – 8p.
  • [10]
    (Ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 art. 6 Journal Officiel du 25 avril 1996)
    Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 art. 36 Journal Officiel du 24 décembre 2000
    Loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 art. 35 Journal Officiel du 26 décembre 2001
    Dans le respect des dispositifs départementaux de l’aide médicale d’urgence, des services de garde et des transports sanitaires dont les modalités sont définies par voie réglementaire, l’association de professionnels de santé libéraux a des actions permettant d’améliorer la permanence des soins peut faire l’objet de financement dans le cadre d’actions expérimentales jusqu’au 31 décembre 2004. Les établissements de santé peuvent participer à ces actions expérimentales.
    Dans le cadre de ces expérimentations, il peut être fait application des dérogations mentionnées à l’article L. 162-45 et, le cas échéant, des dispositions prévues à la section 10 du chapitre II du titre VI du livre Ier.
    Les modalités de mise en œuvre du présent article et, en particulier, d’évaluation de ces actions sont précisées par un décret en Conseil d’Etat.
  • [11]
    J.-B. BOUHOUR, P. LOMBRAIL ; PHRC, 1998, l’étude est multicentrique (Nantes, Lorient, La Roche sur Yon) mais nous ne ferons référence qu’aux résultats nantais.
  • [12]
    J.-B. BOUHOUR, Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, 2002, n° 186, pp. 12-22.
  • [13]
    Dossier réseau de santé/ARH – URCAM 2003 ; p. 6.
  • [14]
    J.-B. BOUHOURS et P. LOMBRAIL, op. cit.,.p. 18.
  • [15]
    Le protocole définit l’insuffisance cardiaque congestive selon les critère de Framingham. La dysfonction systolique est définie par une diminution de la fraction d’éjection du ventricule gauche inférieure à 50 %, calculée grâce à la ventriculographie isotopique et/ou l’échographie bidimensionnelle et/ou la ventriculographie de contraste.
  • [16]
    Cité par J.P. ASSAL, Bulletin d’éducation du patient, Vol 19, Hors série 2000, pp 14-15.
  • [17]
    H. LAMBERT, F. CHAINE, M.P. TREGUIER, « Rôle de l’infirmière dans un réseau d’insuffisants cardiaques », Objectif Soins, octobre 2000, pp. 27-30.
  • [18]
    R. SALICRU, « Compliance ou adhésion », Le journal du SIDA, n° 101, décembre 1997, P. 18. pp. 18-20.
  • [19]
    Compliance : acquiescement, conformité, complaisance, servilité ; observance : action d’observer habituellement une règle […] obéissance ; adhésion : approbation réfléchie, accord, assentiment.
  • [20]
    J. C. KAUFMANN, Ego Pour une sociologie de l’individu, Paris : Nathan, 2001, pp. 143-144.
  • [21]
    C. HERZLICH in C. HERZLICH et M. AUGE, Le sens du mal, anthropologie, histoire, sociologie de la maladie, Bruxelles : Éditions des archives contemporaines, (coll. : « Ordres sociaux »), 1983, p. 203.
  • [22]
    Ibid., p. 201.
  • [23]
    M. AUGE, in C. HERZLICH et M. AUGE, op. cit., p. 36.
  • [24]
    C. DETREZ, La construction sociale du corps, op. cit., p 161
  • [25]
    C. HERZLICH in C. HERZLICH et M. AUGE, op. cit., p. 193
  • [26]
    Ibid, p. 207.
  • [27]
    J. BILLON-DESCARPENTRIES, « Les concepts de perception et de représentations de la santé : intérêts et limites dans le domaine de l’éducation pour la santé », Recherche en soins infirmiers n° 74, septembre 2003, p. 32.
  • [28]
    L. BOLTANSKI, op. cit., p. 211.
  • [29]
    M. MAUSS, Sociologie et anthropologie, Paris : Presses Universitaires de France, 2 ème édition, p. 369.
  • [30]
    L. BOLTANSKI, Les usages sociaux du corps, Annales ESC, vol, 26, 1, 1971,., p. 208.
  • [31]
    Ibid., p. 209.
  • [32]
    E. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Paris : Presses Universitaires de France, 10ème édition, 1999, p. 124.
  • [33]
    Les chiffres en gras représentent les numéros d’ordre des entretiens. Pour respecter l’anonymat des personnes, nous utiliserons ce numéro pour nommer ces personnes tout au long du travail : monsieur Un, monsieur Deux, monsieur Quatre…
  • [34]
    A. MUCCHIELLI, Méthodologie d’une recherche qualitative en soins infirmiers, Recherches en soins infirmiers, N° 50, Septembre 1997, p 68.
  • [35]
    M. GRAWITZ ; Méthodes des sciences sociales ; Paris ; Editions Dalloz ; 9ème édition ; 1993 ; pp. : 536-538.
  • [36]
    L. BOLTANSKI, op. cit., p. 213
  • [37]
    F. LAPLANTINE, Anthropologie de la maladie, Paris : Éditions Payot, 1992, pp : 55-107
  • [38]
    Pierre BOURDIEU, La distinction, Critique sociale du jugement, Paris : Edition de minuit, 1979, p 111.
  • [39]
    N. SINDZINGRE in C. HERZLICH et M. AUGE, op. cit., p : 96.
  • [40]
    P. DURET, P. ROUSSEL, Le corps et ses sociologies, Paris : Nathan Université, (Coll. « 128 »), 2003, p. 9.
  • [41]
    P. BOURDIEU, La distinction, critique sociale du jugement, op. cit., p. 119.
  • [42]
    M. MAUSS, op. cit., p : 374.
  • [43]
    Ibid., p. 368.
  • [44]
    Ibid., p. 370.
  • [45]
    L. BOTANLSKI, op. cit., p. 213.
  • [46]
    Marcel, MAUSS, Sociologie et anthropologie, Paris : Presses Universitaires de France, 4ème édition, p. 385.
  • [47]
    Ibid., p. 369.
  • [48]
    U. GALIMBERTI, Les raisons du corps, Paris, Grasset-Mollat, 1998, pp. 68-69. Cité par Michel Poisson dans son mémoire intitulé « Le pansement et la pensée » éléments de réflexion sur les conditions de possibilité d’une épistémologie des soins infirmiers.

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