Couverture de RSG_293

Article de revue

Veuve repreneure

Les éléments fondamentaux d’un processus repreneurial multidimensionnel

Pages 19 à 32

1 800 000 entreprises dont un nombre à déterminer dans l’artisanat, sont sur le marché de la transmission/reprise, et 11 % des cessions sont issues de la maladie ou du décès du dirigeant (B. Deschamps, R. Paturel, 2009). L’espérance de vie des hommes dans la catégorie socioprofessionnelle artisans, commerçants, chefs d’entreprises est inférieure à celle des femmes. Cette inégalité est essentiellement liée aux efforts physiques et aux risques professionnels comme les accidents, suicides, etc. mais aussi aux maladies.

2 Les travaux et les études qui ont porté sur les entreprises artisanales familiales ont montré la présence d’un acteur très peu visible et pourtant bien présent en cas de rupture familiale, comme le décès prématuré du mari dirigeant : la femme ou compagne de l’artisan. Ce fait nous a encouragés à réfléchir sur la question des veuves repreneures et sur leur rôle dans la préservation du patrimoine familial. Nous verrons ainsi l’aptitude de l’épouse devenue veuve à être repreneure et comment elle passe brutalement, mais « naturellement d’un état d’acteur invisible de l’entreprise familiale à l’état d’acteur principal et visible » (P. Robic, 2009).

3 K. Richomme-Huet (2000) souligne que « la situation des femmes co-entrepreneurs par rapport à leur conjoint chef d’entreprise, a été rarement évoquée (B. Zarca, 1990 ; L. Volozinski et A. Chausson, 1996 ; M.P. Millecamps-Dumoulin, 1997) ». Elle ajoute que « selon J. Cluzel (1982), il existe très peu d’intérêt sur le rôle de la femme dans l’entreprise artisanale où la notion du couple prend pourtant toute sa dimension », et que « malgré une reconnaissance juridique de son existence, les autres aspects liés à son implication dans l’affaire sont encore occultés. J. Froger et D. Weiller (1986) parlent d’un véritable enfouissement du travail féminin ».

4 D’après P. Robic (2009), « les travaux sur les entreprises familiales conduits par J. Allouche et B. Amann (2000, 2002) s’intéressent, à quelques exceptions près (F. Gresle 1981 ; B. Zarca, 1990 ; K. Richomme-Huet, 2000 ; F. Schepens, 2004 ; J-C. Daumas, 2006 ; J-A. Malarewicz, 2006), très peu à la contribution des épouses des dirigeants en dehors du mariage ». Elle ajoute que

5 « l’intérêt de l’épouse est parfois évoqué lors de la création du patrimoine dans une logique purement patrimoniale, alors qu’un autre contexte du cycle du mariage rappelle l’existence de l’épouse : le décès prématuré du mari. Sa veuve jusqu’ici invisible, présente un intérêt pour l’entreprise afin d’assurer sa pérennité, sa succession et de préserver le patrimoine familial. L’épouse devenue veuve apparaît sur le devant de la scène dans le rôle de la veuve repreneure ».

6 Le thème du repreneuriat en tant que processus qui, par une opération de rachat, aboutit à la continuation de la vie de l’entreprise, et de tout ce qu’elle contient (structure, ressources humaines, financières, techniques, commerciales, etc.), a déjà été traité dans les travaux de D. Siegel (1989) ; B. Deschamps (2000) ; S. Boussaguet (2005). Celui du Repreneuriat par une Personne Physique (RPP) a été travaillé par B. Deschamps et R. Paturel (2005, 2009), S. Boussaguet (2005) ; Th. Bah (2006) ; J. De Freyman (2009), etc. Cependant, le repreneuriat de l’entreprise artisanale familiale par la veuve du dirigeant n’a pas encore fait l’objet d’investigation, à notre connaissance, ce qui ne peut que nous encourager à réfléchir sur ce thème.

7 L’intérêt de notre recherche est donc de tenter de comprendre comment une épouse peut devenir dirigeante d’une entreprise artisanale familiale après avoir été dans l’ombre de son mari. Le travail invitera à réfléchir plus concrètement sur les veuves de dirigeants devenant de véritables repreneures. Il soulignera l’importance de l’épouse devenue veuve repreneure avec toutes les difficultés que cela a pu engendrer et comment elle a réussi à les dépasser et, surtout, ce qu’elle a pu mettre en place pour y parvenir.

1. La compréhension du processus repreneurial de la veuve du dirigeant de l’entreprise artisanale familiale à travers trois approches théoriques sélectionnées

8 Notre propos est d’explorer le processus repreneurial de la veuve du dirigeant de l’entreprise artisanale, en tenant compte de ses dimensions spécifiques. La première dimension spécifique est liée à l’organisation artisanale et à sa dépendance envers son dirigeant. Nous mobiliserons pour faire ressortir les risques liés à cette dépendance, l’approche du Risque Global de R. Paturel et B. Derrouch (1987). La deuxième dimension spécifique est liée à l’entrée en affaires en situation de deuil de la veuve repreneure. Nous testerons si le deuil, selon ses phases, s’opère et, dans ce cas, comment il joue dans la prise de décision de reprendre. Pour réaliser cette réflexion, nous mobiliserons la théorie du deuil. Enfin, nous ferons appel à la résilience pour essayer de comprendre la troisième dimension spécifique liée à l’entrée contrainte, urgente en affaires, après le traumatisme du décès, à savoir le changement inévitablement plus ou moins important qui intervient du fait de l’arrivée officielle de la veuve à la tête de l’entreprise. Comment s’est réalisé le changement rapide à partir des facteurs résilients de la veuve elle-même, quelles sont les motivations de la décision de reprise quasi naturelle ? Est-ce pour continuer l’œuvre du défunt ? Est- ce pour préserver le patrimoine de ses enfants ? Est-ce pour sa survie ? Quels sont les facteurs résilients internes et externes qui ont favorisé la performance de la reprise immédiate ? Nous aborderons successivement l’approche par le Risque Global, puis par la théorie du deuil avant d’examiner comment la théorie de la résilience peut également intervenir sur un tel sujet.

1.1. L’approche par le Risque Global (R. Paturel, B. Derrouch, 1987)

9 « Le risque global (risque de stade 2) est la combinaison de divers sous-risques (risques de stade 1), dont les trois plus importants sont : le risque successoral, le risque décisionnel et le risque lié au métier ».

Figure 1

Les deux stades de risques

figure im1

Les deux stades de risques

10 Dans notre cas, le Risque Global de stade 2 représente essentiellement la dépendance envers le dirigeant artisan et les sous-risques de stade 1 sont également liés à la personne même du dirigeant. Nous nommerons R1 : le Risque Successoral, R2 : le Risque Décisionnel et R3 : le Risque lié au Métier. Pour chaque risque, trois niveaux, Faible, Moyen et Fort, sont envisageables (R. Paturel et B. Derrouch, 1987). Ainsi, le R1, qualifié de Risque Successoral, est automatiquement fondamental dans la grande majorité des entreprises artisanales, du fait de leur petite taille qui impose fréquemment :

11

  • une dépendance financière envers le propriétaire de l’entité qui est l’artisan lui-même ;
  • une dépendance managériale envers l’artisan, même s’il est secondé dans cette tâche de façon plus ou moins visible par son épouse ;
  • une dépendance relationnelle envers la personne physique de l’artisan qui dispose des contacts indispensables pour son activité et donc des réseaux de proximité et même au-delà, nécessaires à son affaire ;
  • une dépendance expérientielle car celui qui possède le tour de main ou le savoir-faire dans l’activité artisanale concernée est d’abord l’artisan patron lui-même.

1.2. L’approche par la théorie du deuil

12 Nous questionnerons à ce stade la deuxième dimension du processus repreneurial de la veuve repreneure liée à la situation de deuil.

13 Le deuil a fait l’objet de nombreuses recherches en sciences de gestion. Selon Ph. Pailot (2010) :

14 « La notion de deuil est largement utilisée pour interpréter les réactions émotionnelles de certains acteurs confrontés à des changements profonds dans leur univers professionnel. Son usage, ou simplement son évocation, se retrouve notamment dans les travaux sur la transmission d’entreprise (Ph. Pailot, 1999, 2000 ; J.-A. Malarewicz, 2006 ; M. Dubouloy, 2008 ; Th. Bah, 2009 ; H. Mahé de Boislandelle, 2009), l’échec entrepreneurial (D.A. Shepherd, 2003, 2009 ; D.A. Shepherd, J.G. Covin et D.F. Kuratko, 2008 ; D.A. Shepherd, J. Wiklund et J.M. Haynie, 2009) ou l’échec de projets innovants et les processus de restructuration et/ou de changement organisationnel (M. Kets de Vries et K. Miller, 1985, 1996, 1997 ; J.-L. Roy, 1997 ; K. Devine, T. Reay, L. Stainton et R. Collins-Nakai, 2003 ; D. Zell, 2003), la perte d’emploi (J. Archer et V. Rhodes, 1987, 1993 ; Y. Clot, 1995 ; J. Brewington, S. Nassar-MacMillan, C.P. Flowers et S.C. Furr, 2004 ; D. Linhart, 2002) ou encore, sur un thème assez proche qu’est la mort organisationnelle (R.L. Sutton, 1987 ; G. Blau, 2006, 2008 ; M.L. Marks et R. Vansteenkiste, 2008) ».

15 Nous ajouterons à cette revue des travaux sur le deuil, ceux de R. Paturel et M.-H. Paturel (2009) qui traitent de la retraite chez le sportif de haut niveau à travers ce concept.

16 La théorie du deuil est empruntée à la psychanalyse. Les premières publications remontent à K. Abraham (1965), S. Freud (1988) et D. Lagache (1977). La théorie du deuil est une « théorie de la perte ». Le deuil du conjoint nécessite un travail de deuil étudié, à la suite de S. Freud, par les psychologues qui en ont dégagé les diverses manifestations et les différentes étapes avec la sidération, le déni et la révolte, la dépression avec ses altérations somatiques, intellectuelles et affectives (M.-F. Bacqué et M. Hanus, 2000). Selon les auteurs, trois (M. Hanus, 1994), avec l’état de choc, l’état dépressif et la période de rétablissement, à cinq phases (E. Kübler-Ross et D. Kessler, 2005), avec le refus et l’isolement, l’irritation, le marchandage, la dépression et l’acceptation, décomposeraient le processus de deuil.

Figure 2

4 étapes du deuil

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4 étapes du deuil

d’après (J. Bowlby, 1978)

17 Nous retiendrons toutefois les 4 étapes du deuil de J. Bowlby (1978), mobilisées par R. Paturel et M-H. Paturel (2009), pour notre analyse du processus de deuil de la veuve repreneure. Ces 4 étapes sont résumées dans le schéma suivant. Le processus synthétisé ci-dessous est bien entendu non linéaire et peut voir certaines étapes sautées et avoir des durées variables. Il comprend une phase d’engourdissement au sein de laquelle la détresse et la colère se manifestent, une phase de languissement et de recherche face à la perte subie, une phase de désorganisation et de désespoir et, enfin, une phase de réorganisation ou phase de prise de conscience et d’acceptation de la nouvelle situation avec ouverture sur l’avenir.

1.3. L’approche par la résilience

18 Historiquement, l’auteur de ce concept semble être M. Rutter (1985, 1994). Dans son article, M. Poirot (2007) définit la résilience d’après P.-A. Michaud (1999), comme étant « la capacité des individus placés dans des circonstances défavorables de s’en sortir et de mener une existence satisfaisante ». C’est donc l’équivalent de l’atteinte de la fin de la phase de rebond ou de réorganisation dans le processus de deuil. Le concept de résilience a la principale caractéristique de définir une situation d’adversité face à laquelle l’individu évite la situation ou la confronte.

19 M. Rutter (1985) arrive à conclure dans ses travaux que la résilience n’est pas qu’un trait mais un résultat adaptatif. M. Hanus, (2009-2010) livre dans ses travaux que « ce trait survient par le biais d’un processus où sont mêlées des caractéristiques personnelles et environnementales », que « l’adaptation se fait à la fois d’après l’évaluation par la personne de la situation, de sa capacité à la résolution de problèmes et de sa personnalité (confiance en soi, estime de soi) », et qu’« elle est très nettement influencée par deux facteurs de protection : des relations affectives sécurisantes et stables et des expériences de succès et de réussite ». Ce lien peut être aussi contextuel, par exemple en s’étayant sur un lien affectif et émotionnel (R. Lazarus et S. Folkman, 1984). B. Cyrulnik (2003) parle de « tuteur de résilience ».

20 Choisir d’étudier la résilience individuelle d’un point de vue organisationnel est fondamental puisque, d’après M. Poirot (2007), « la résilience s’avère être le résultat d’un processus qui suppose d’étudier également les caractéristiques environnementales favorables à son émergence ». Ainsi, « la capacité adaptative de l’organisation passe principalement par celle de ses collaborateurs ».

21 Il ajoute que « R. Sutcliffe et T. Vogue (2003) considèrent la résilience comme un résultat adaptatif positif issu de l’activation des ressources latentes (organisationnelles et individuelles) face à une situation extrême et exténuante ». Afin de pouvoir appréhender ce qui favorise la résilience individuelle, il est nécessaire d’examiner d’abord l’organisation et voir comment se met en place une forte capacité collective de gestion des émotions face à un contexte d’adversité.

22 M. Poirot (2007), à travers une démarche compréhensive, s’est basé sur trois éléments d’analyse pour définir les ressources latentes favorisant la résilience : la structuration, l’émotion et le leadership. Nous reprenons ses trois points ci-dessous.

La structuration

23 M. Poirot (2007) la définit en reprenant A. Giddens : « A. Giddens (1979) considère que la propriété structurelle d’une organisation est matérialisée par les conditions et les actions produites par ses agents. La structure permet de développer des compétences et des échanges ». Dans notre recherche, la structure est l’entreprise et les agents sont la veuve repreneure, ses salariés et toutes les personnes de son entourage familial ou professionnel (« l’environnement de proximité » de R. Paturel, 2007).

Les émotions

24 Poirot (2007) les exprime ainsi : elles sont considérées par Ashkanazy et al. (2000) comme une ressource vitale au processus de la résilience et une force indispensable dans l’activation du processus collectif organisé. Q.N. Huy (1999, 2002) évoque le rôle joué par la capacité émotionnelle dans l’efficience d’une organisation.

Le leadership

25 Pour M. Poirot (2007), il signifie que le sens de l’action dépend de l’influence du leader sur la représentation de ses collaborateurs, et d’après E.H. Schein (2004), le leader est celui qui crée la culture organisationnelle à travers ses valeurs et la communique aux membres du groupe. C’est cette culture qui influence les comportements adoptés par les collaborateurs.

26 Nous retenons donc ces trois éléments favorisant l’activation de la résilience empruntés à M. Poirot (2007). Nous en ajouterons un quatrième nécessaire à sa survenance, considéré comme l’un des plus importants, c’est celui que B. Cyrulnik (2003) appelle « le tuteur de résilience ».

Figure 3

Le processus repreneurial .

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Le processus repreneurial .

B. Deschamps, 2002

27 Ces étapes nous sont nécessaires pour pouvoir esquisser un processus repreneurial propre à la veuve repreneure en tenant compte des dimensions révélées par nos analyses, et en l’élaborant à partir du processus repreneurial que l’on trouve dans les travaux de B. Deschamps (2000, 2002) ; Ch. Picard et C. Thévenard-Puthod (2004) ; B. Deschamps et R. Paturel (2005, 2009) et de J. De Freyman (2009), avec ses trois phases ou sous-processus schématisés comme suit.

2. Contexte empirique et méthodologique

2.1. Présentation du terrain

28 Nous insisterons ici sur la difficulté à accéder à un tel terrain qui fait remonter à la surface des faits extrêmement douloureux sur lesquels il n’est pas aisé de revenir ou de se confier. Notre réseau nous a permis de réaliser cette prouesse et nous remercions très vivement les femmes, récemment devenues veuves, d’avoir bien voulu nous recevoir pour évoquer leur traumatisme. Toutefois, convaincues des problèmes que pose le sujet et conscientes de ce qu’elles ont vécu, les femmes écoutées ont voulu témoigner pour soulever une difficulté souvent occultée se rapportant à l’emploi des salariés de l’entreprise reprise. Une des difficultés importantes que nous avons rencontrées, a été d’obtenir l’accord de ces repreneures. Pour la surmonter, nous avons eu recours à plusieurs réseaux personnels et à des relations de confiance. On comprendra aisément, vu le sujet traité et le fait de faire revivre une période particulièrement douloureuse par les veuves, le faible nombre de repreneures constituant notre échantillon de convenance. Nous avons été amenés à nous déplacer pour nous entretenir avec les veuves et, à la fin de l’entretien, ce sont elles-mêmes qui nous ont dirigés vers d’autres repreneures veuves qu’elles connaissent, d’où un petit échantillon constitué aussi en partie par le principe de la boule de neige. Souvent, les veuves contactées ont relayé notre demande auprès de leurs consœurs ayant connu le même événement dramatique qu’elles-mêmes. L’interview a très fréquemment été réalisée chez la veuve, avec offre d’hébergement et de séjour lorsque leur résidence était éloignée de la nôtre. On notera toutefois que quelques veuves repreneures ont refusé de nous recevoir, même si elles ont apprécié la démarche et le sujet, le moment de parler de leur veuvage et de la reprise n’étant pas encore venu, faute d’avoir terminé la période de deuil liée à l’événement subi.

29 À titre accessoire, nous avons proposé et créé une boucle qui consiste à mettre en relation toutes les veuves interrogées afin de fonder une association sur le sujet. Le nombre total des repreneures veuves que nous avons contactées sans intermédiaire se monte à trente à travers toute la France, suite à la mobilisation des fichiers des Chambres consulaires, du fichier des comptables et des notaires que nous connaissons. Nous avons assisté à différentes manifestations de la CGPME et du MEDEF, et avons ainsi noué des contacts que nous pensions utiles afin de nous aider à nous faire accepter auprès des personnes ciblées. Le nombre d’entretiens est au total uniquement de huit avec des personnes mobilisées comme nous l’avons déjà précisé précédemment. Cette façon de faire signifie que les veuves repreneures de notre échantillon sont déjà en entreprise ou elles en sont sorties après coup, et que les phases du processus repreneurial sont terminées, quelle que soit la situation de réussite ou d’échec repreneurial. En définitive, les caractéristiques des veuves repreneures interrogées sont répertoriées dans le tableau 1.
Tableau 1

Présentation des veuves repreneures.

Caractéristiques Cas 1 : V1 Cas 2 : V2 Cas 3 : V3 Cas 4 : V4 Cas 5 : V5 Cas 6 : V6 Cas 7 : V7 Cas 8 : V8
Lieu Laval Angers Lanmeur Lanmeur Lanmeur Muzillac Châlons-en-Champagne Châlons-en-Champagne
Secteur d’activité btp Boulangerie Boucherie/ Traiteur Couverture Paysagiste Boucherie/
Traiteur
Réparation, Vente automobile Réparation, Vente automobile
Participation à la création de l’entreprise Oui Oui Oui Non Oui Non Oui Oui
Activité dans l’entreprise avec statut Au début Conjointe Collaboratrice Conjointe salariée (CS) Conjointe collaboratrice (cc) Travail sans statut (ss) Associée (ca) Conjointe Collaboratrice (cc) Travaille sans statut (ss) Associée (ca)
Poste Assistante Vendeuse Vendeuse Assistante Vendeuse Vendeuse Assistante Assistante
Nombre et âge des enfants au décès du mari 3 moins de dix ans 2 plus de 30 ans 3 moins de dix ans 3 moins de 10 ans 3 moins de 16 ans 3 plus de 20 ans 2 plus de 20 ans 1 moins de 10 ans
Date du décès 2009 2003 2000 1998 2002 Juin 2013 2008 1995
Date de l’entretien Plusieurs entretiens depuis janvier 2010 22/04/2014
23/04/2014
15/05/2014
16/05/2014
12/06/2014 12/06/2014
13/06/2014
30/06/2014
01/07/2014
30/07/2014 30/07/2014
31/07/2014
01/08/2014
02/08/2014
tableau im4

Présentation des veuves repreneures.

30 Nous remarquons à travers cette présentation des veuves repreneures qu’elles ont joué un rôle essentiel dans la création de l’activité et son fonctionnement, bien que leur statut soit différent : conjointes collaboratrices, conjointe salariée, conjointe associée et même sans statut. En effet, la prise de risque a été partagée par les couples. Nous pouvons supposer que pour les huit veuves, il s’agit bien de l’« Aventure de couple », évoquée par K. Richomme (2000). Elles ont occupé les postes d’assistantes et de vendeuses. Elles étaient en charge du traitement de l’administratif avant la transmission des états aux comptables, et du contact avec les clients par la vente. Elles assuraient également des charges familiales diverses et variées, avec l’éducation des enfants en bas âge pour la plupart d’entre elles, les travaux ménagers, les tâches administratives du foyer, soit le quotidien de la vie d’une maman et d’une ménagère, appelée encore « Femmes toutes mains » (G. Fraisse, 1979). F. Battagliola et al. (1984) parlent de « Service familial ». Nous pouvons dire qu’il s’agit de switch (bascule) entre temps domestique et temps professionnel. Certaines d’entre elles avaient également à gérer une activité en dehors de l’entreprise familiale.

31 Les entreprises artisanales constituant notre échantillon se situent principalement dans l’ouest, (Bretagne, Pays de la Loire), à part deux d’entre elles. Nous pensons que cela relève du fait que le réseau que nous avons pu mobiliser est dû à notre fort ancrage dans cette région et aux contacts établis avec des personnes sensibles au sujet. Nous avons également pu rencontrer les deux veuves situées à Châlons-en-Champagne, grâce à notre amitié avec un ancien collègue du réseau des Chambres de Métiers et de l’Artisanat d’Alençon qui travaille désormais au Groupement National pour la Formation Automobile (GNFA) dans la région de l’est de la France. Les secteurs d’activités de ces entreprises sont variés et très différents les uns des autres, mais relèvent tous a priori d’un secteur dit « masculin ». Nous remarquons aussi qu’il s’agit de petites structures, de TPE allant de 3 à 20 salariés, tous de sexe masculin, qui ont commencé à travailler dans la structure dès la création. Leur connaissance des métiers est incontestable et leur attachement à l’entreprise et au dirigeant disparu est très présent.

2.2. Choix méthodologiques

32 En nous appuyant sur une approche qualitative basée sur les récits de vie comme méthode d’accès à la réalité du terrain et à ses données, notre analyse se fera à partir de huit cas de veuves repreneures. Étant donné la complexité et la sensibilité des phénomènes étudiés, la démarche choisie rentre dans le champ méthodologique de l’ethnosociologie, le but étant de saisir le vécu des veuves repreneures dans ses dimensions affectives et cognitives. Cette obligation d’entrer au sein même de l’intimité des veuves a été rendue possible et acceptée grâce à notre forte empathie rapidement reconnue par les personnes interviewées. L’approche ainsi suivie permet l’association de différentes méthodes, parmi lesquelles nous avons choisi les « récits de vie ». Cette technique de questionnement requiert une manière spécifique d’entretien intersubjectif, l’entretien narratif, au cours duquel est demandé à une personne (reconnue comme sujet) de « raconter tout ou partie de son expérience vécue » (D. Bertaux, 2005). L’appel aux entretiens narratifs permet ainsi aux chercheurs de saisir le vécu dans toute sa complexité et de comprendre une trajectoire de vie. Cette méthode est d’autant plus pertinente que le récit fournit une investigation non pré-cadrée par des attentes.

33 La recherche que nous avons menée à ce niveau tourne autour d’une problématique qui cherche à explorer et cerner le processus repreneurial de la veuve du dirigeant de la TPE artisanale. En effet, ce repreneuriat spécifique est fortement associé à l’histoire de la vie personnelle de la veuve avant le décès du dirigeant de la TPE familiale artisanale, à celle de l’organisation, ainsi qu’aux interactions entre les acteurs qui participent activement au processus de la reprise. Notre souci est de ne négliger aucun élément fondamental, la restitution de l’histoire évolutive de la reprise restant au cœur de nos éléments de compréhension avec tous les autres aspects environnementaux qui influencent le processus. Quoi de mieux que ces éléments racontés par les repreneures elles-mêmes, avec toute la charge émotionnelle et les faits liés à la reprise (la veuve devenue dirigeante et pérennisant l’activité de l’organisation). Notre souhait est de cerner non pas une phase du processus repreneurial de la veuve, mais plutôt la totalité du processus. Recueillir des éléments de réponses de la nature de ceux recherchés, nécessite l’existence d’une relation de confiance et d’accord préalable entre l’interviewer et les veuves. Revenir sur des moments difficiles tels que la mort, la difficulté de surmonter l’événement, ne s’obtient pas à partir d’un questionnaire classique, d’où notre choix de procéder par entretien en face-à-face avec des veuves qui nous ont acceptés une fois perçue notre sensibilité par rapport au problème analysé.

34 À travers cette méthode, nous ne recherchons pas une unique reconstitution du passé, mais un récit qui prendra également en compte le contexte et les objectifs de la recherche. À ce niveau, il s’agit d’un contexte de reprise d’entreprise, à travers lequel nous essayerons de reconstituer des phases du processus de reprise lui-même, adaptées au cas des veuves repreneures.

2.3. Déroulement des entretiens

35 Les entretiens se sont déroulés avec beaucoup de difficultés et énormément de doigté à côté des engagements pris sur les plans éthique et déontologique, vu l’intensité des douleurs et des émotions réactualisées. À deux reprises, nous avons proposé à nos interlocutrices de mettre fin aux entretiens. Malgré des moments de silence et des pleurs lorsque les entretiens remettaient à la surface les circonstances du décès et ses implications, les interviewées ont insisté pour poursuivre l’échange. Notre positionnement nous a posé un réel problème de légitimité, n’étant pas psychologues professionnels en séance de travail, ni formés pour cela, avec en face-à-face une personne en demande en la matière. Avoir fait revivre ces moments douloureux nous a particulièrement affectés. Au cours des entretiens, nous nous sommes interrogés sur notre façon d’être vus, perçus par l’interviewée : avions-nous suffisamment la confiance des femmes veuves pour relancer et insister encore plus sur certains points quitte à rendre la douleur encore plus forte ? On imagine assez aisément le tact et les précautions maximales pris afin de ne pas créer des situations insupportables pour les femmes questionnées. De la même façon, il convenait de ne pas trop entrer dans la psychologie, dans les sentiments éprouvés par les personnes afin de conserver une certaine objectivité dans la collecte des données. Ainsi, dans la mesure du possible, nous avons tenté et réussi à maintenir une certaine distance entre les veuves et nous-mêmes afin de tendre vers une attitude professionnelle de chercheur. Il faut reconnaître que ce fut une épreuve pour les femmes consultées, mais également pour nous, compte tenu des informations et faits évoqués. Pour essayer de prendre en considération toutes ces contraintes spécifiques au sujet étudié, nous nous sommes appuyés sur des règles bien connues en développement personnel, à savoir : rester authentique, créer un climat de confiance et d’acceptation, et, enfin, communiquer une certaine compréhension empathique, et ressentir avec justesse les sentiments de nos repreneures veuves interviewées. Nous avons pu rencontrer physiquement deux de nos huit veuves repreneures, une fois seulement et de deux à quatre fois pour les six autres. Nous nous sommes entretenus avec elles au téléphone deux à trois reprises, une première fois pour nous présenter et introduire l’objet de notre demande en resituant toujours le contexte et en mentionnant bien que nous appelions de la part de la personne qui nous a recommandés. Les deux autres contacts téléphoniques ont eu lieu après l’entretien, d’une part, pour les remercier et, d’autre part, pour avoir quelques précisions, mais de manière très rapide et lorsque le contexte le permettait. Nous sommes restés aussi en contact par courriel. Nous avons pu relever, malgré l’ancienneté du décès pour certaines, que le sujet est toujours difficile et qu’il remet à la surface des moments pénibles. Les détails qui entourent les circonstances du décès et « le juste après » sont impressionnants. La douleur est également encore intacte, ainsi que les moments difficiles vécus lors de la reprise. La durée des entretiens varie de 10 à 60 minutes, avec une seule séance pour deux veuves repreneures et plusieurs pour les six autres.

3. Présentation des résultats et discussion

3.1. Risque Global fort des entreprises de notre terrain

36 On perçoit que le fait d’être, d’une part, une petite structure le plus souvent et d’œuvrer, d’autre part, dans une activité artisanale ne peut que faire apparaître pour ce risque successoral un niveau très élevé, soit un R1 Fort (F).

Tableau 2

Illustrations des natures de risque

R1 : Risque successoral Dépendance managériale et technique :
« […], non on n’avait pas prévu ça comme ça, il était juste parti pour se faire opérer, c’était rien, il n’est pas revenu, […], c’est lui qui savait tout, j’avais pas besoin de savoir, […], pendant toujours ça fonctionnait comme ça, il était en pleine forme, 84 kilos, c’est lui qui a conduit la voiture pour l’hôpital, il connaissait tout le monde, tout le monde l’aimait, […] » (V6).
« […], depuis que j’ai créé mon affaire, je ne savais plus ce qui s’y passait, et il faut dire que même lorsque j’y étais, c’était mon mari qui avait le métier et connaissait les hommes, […] » (V1).
« […], c’était son métier à lui, moi je tapais les devis le soir à la maison, comment voulez-vous que je reprenne, je ne savais rien de ses affaires, sauf lorsqu’il avait des soucis, […] » (V4).
Dépendance managériale :
« […], mon mari s’occupait de toute la partie administrative, il gérait tout, […] moi je n’étais quand même qu’à la vente, c’est là le point noir, mon mari avait beaucoup de relations, moi je me sentais isolée […] » (V2).
Dépendance technique :
« […], Mon mari est perfectionniste, il ne m’a pas montré les ficelles du métier, la boucherie, […] » (V3).
« […], c’est sûr qu’il avait du métier, la création, la réalisation, ce qu’il fallait comme végétation, lumière, enfin il avait déjà l’image dans sa tête, […] » (V5).
« […], il savait vendre, il savait quelles pièces pour quelles voitures, les gens venaient le voir, il les conseillait, des fois même sans rien leur vendre, tout le monde lui faisait confiance, […] » (V7).
« […], on avait appris la mécanique à deux, mais il était plus fort, quand on a commencé, on restait à travailler sur une voiture toute la nuit, mais il y a des choses qu’il connaissait parce que après moi, je me suis mise à l’administratif et puis j’ai eu mon fils, […] » (V8).
R2 : Risque décisionnel Management autoritaire essentiellement :
« […], lui il connaissait ses gars, moi je ne leur parlais pas trop, pas comme lui en tout cas, il savait quoi leur dire pour avancer… » (V5).
« […], il ne me disait rien et moi je ne lui demandais rien, c’était bien comme ça […] » (V4).
« […], des fois je ne savais pas quoi répondre, d’abord parce que je n’étais au courant de rien, et puis j’avais peur de mal dire ou faire, […], parce que quand ça tombe, ça tombe sur moi […] » (V8).
« […] il connaissait tout le monde, moi pas du tout, et puis il connaissait bien ses gars, moi je ne me suis pas posé la question à ce moment-là, ça marchait, je regrette aujourd’hui, […] » (V3).
« […] je faisais ce que j’avais à faire dans mon bureau, je m’occupais pas d’autres choses, […] » (V7).
« […] des fois je voulais lui dire comment faire, mais il ne m’écoutait pas, alors je ne disais rien, […] » (V6).
« […], j’ai quitté mon travail, et on a ouvert la boulangerie, il m’a demandé de vendre, vendre une baguette, ce n’est pas compliqué, j’aurais voulu faire plus, mais il ne voulait pas […] » (V2).
R3 : Risque lié au métier Dépendance envers les fournisseurs et clients :
« […], moi je faisais les factures, et l’administratif, c’était mon boulot […] » (V5).
« […], c’est lui qui connaissait les fournisseurs, il les appelait lui-même, […], des fois comme ça parce qu’il n’avait pas le temps, il me disait quoi leur dire, […], c’était ses clients, des fois on me prenait pour l’assistante au téléphone, ou même quand ils venaient dans l’entreprise, […] » (V3).
« […], je ne connaissais ni les clients ni les fournisseurs, quand il est décédé, les clients voulaient qu’on termine leurs chantiers et les fournisseurs qu’on les paye, alors moi là dedans, je me noyais moi, […] » (V4).
Dépendance envers les banques et les comptables :
. « […], c’était lui qui faisait tout l’administratif, moi je ne faisais que vendre, il ne me disait rien, il gérait tout, la banque, le comptable, je n’ai jamais été avec lui à aucun rendez-vous, c’était comme ça, […] » (V2).
« […], la banque ne voulait pas m’ouvrir un compte, c’est que les conseillers ne me connaissaient pas, c’était très dur, […] » (V7).
« […], avec la banque, il a fallu batailler, je faisais tout, mais c’était mon mari qui allait les voir, et le comptable aussi, il a vraiment fallu que je me fâche, je l’ai menacé de changer de comptable, […] » (V8).
« […], pendant des années, je préparais les papiers qu’il fallait, et le jour où mon mari est décédé, elle m’a inventé des choses et des choses, alors je lui ai dit que même si elle ne m’avait jamais vue, les chiffres c’est moi qui les faisais, […] » (V6).
tableau im5

Illustrations des natures de risque

37 Le R2 ou risque décisionnel sera également Fort, car comme au sein de petites structures, l’entreprise artisanale est fréquemment gérée de façon autoritaire par une seule personne, aidée de façon plus ou moins cachée par son conjoint. L’absence de partage du fait de la légitimité de l’artisan sur le plan de ses compétences, sur les plans organisationnel et patrimonial ou juridique, ne peut que rendre, au niveau décisionnel, la structure artisanale dépendante très fortement de l’artisan.

38 Enfin, le R3 se rapportant au risque lié au métier artisanal, prend en considération la dépendance éventuelle envers les fournisseurs et les clients de l’activité exploitée. On perçoit assez aisément ici que ces parties prenantes amont et aval de l’entité artisanale sont liées fortement à la personne même de l’artisan dirigeant, de son image souvent locale et de son implication personnelle dans des institutions de proximité telles que des associations quelle que soit leur spécialité, le conseil municipal, etc. La dépendance du niveau d’activité de l’affaire artisanale et familiale est nette envers tous ces acteurs commerciaux et tout départ de l’artisan lui-même de l’affaire provoquerait de graves difficultés quant à la pérennité de l’entreprise, du fait de la remise en cause progressive de contrats renouvelables jusqu’ici sans problème particulier.

39 On le remarque aisément, l’entreprise artisanale est typiquement une entité qui évolue dans la dépendance Forte envers l’artisan lui-même, dans tous les domaines synthétisés par les trois risques de niveau 1, ce qui ne peut que se traduire par un niveau Fort du risque global de ce type d’entreprise.

40 Nous analyserons, pour chacun des huit cas de notre terrain, les éléments composant le Risque Global (stade 2) liés à la dépendance du dirigeant. Nous illustrerons chaque nature de risque de niveau 1 par des verbatim issus de nos entretiens. Nous déterminerons ensuite les implications des risques de la dépendance envers le dirigeant sur la reprise de l’entreprise artisanale par sa veuve repreneure, et nous mettrons en relief les moyens qu’elles ont mobilisés pour les dépasser.

41 Le risque successoral (R1) est entendu dans notre cas, comme étant la capacité à diriger, et la dépendance envers le management, la propriété, les compétences de l’artisan, points déjà développés précédemment. C’est la source d’une succession extrêmement difficile, car touchant tous les domaines de l’entreprise artisanale en raison de la disparition de l’homme clé (R. Paturel et B. Derrouch, 1987). Les travaux de G. Hirigoyen (1981), W. Reynolds et al. (1994), O. Torres (1999), D.J. Bunker et R.C. Mac Gregor (2000) attestent largement du rôle central et prépondérant que joue le dirigeant de ce type d’organisation. Ch. Bruyat (1993) dit de lui qu’« il est l’acteur principal ». Support de l’obtention de valeur nouvelle ou existante (R. Paturel, 2011), l’entreprise artisanale est la « chose de l’individu ». M. Marchenay (2003) caractérise la TPE d’une gestion individuelle de l’entreprise puisque l’entrepreneur est à la fois à la tête de l’organisation, le porteur du projet et le décisionnaire. S. Foliard (2010), quant à lui, parle d’homologie Entrepreneur-TPE. R. Paturel et B. Derrouch (1987) révèlent que l’expérience du dirigeant est difficile à acquérir et que sa succession managériale constitue un facteur de risque essentiel. Ils ajoutent que la dépendance envers l’homme clé unique dans ses domaines de compétences et la transmission non envisagée, non préparée favorisent le risque successoral qui synthétise d’ailleurs toutes les catégories de succession (voir ci-dessus). La succession n’étant que peu ou pas organisée, le risque successoral ne peut qu’être qualifié de Fort.

42 Nous relevons à travers nos verbatim, qu’en effet, la succession n’a jamais été envisagée, aucune consigne particulière ou aucun accompagnement spécifique n’ont été mis en place du temps du vivant de l’artisan dirigeant pour transmette son expérience dans tous les domaines, quel que soit le statut juridique de l’épouse (conjointe collaboratrice, conjointe salariée ou encore conjointe associée).

43 Le risque décisionnel (R2) se définit à partir de la relation qui s’établit entre le système décisionnel et le système d’information d’une entreprise. Le système décisionnel est qualifié de centralisé ou de décentralisé, et le système d’information est formalisé ou non formalisé (R. Paturel et B. Derrouch, 1987). Dans ses travaux sur les PME par rapport au dirigeant, P.-A. Julien (1997) mentionne, parmi les six caractéristiques distinctes de cette catégorie d’entreprises : la centralisation de la gestion, la stratégie peu formalisée, un système d’information interne peu organisé et un système d’information externe simple.

44 O. Torres (2004), dans la continuité de ses travaux de 2000, 2003, place ses réflexions au niveau du dirigeant afin d’en matérialiser les niveaux d’actions. Se basant sur la loi proxémique proposée par A. Moles et E. Rohmer (1972), ainsi que sur les effets de grossissements étudiés par H. Mahé de Boislandelle (1996), il montre comment le « Moi, Ici et Maintenant » du dirigeant influence les caractéristiques de l’entreprise (O. Torres et G. Gueguen, 2006). P.-A. Julien (1997) parle de la centralisation de la gestion et sous-entend que la gestion et la prise de décision associée (O. Ferrier, 2002) sont le fait du dirigeant. Il évoque la « personnalisation de la gestion autour du chef d’entreprise ». La polyvalence est poussée à son paroxysme. S. Foliard (2008) ajoute que « la gestion et l’administration d’une TPE diffèrent de la grande entreprise ou de la PME par le fait que toutes les opérations et les fonctions sont réalisées par la même personne qui apparaît davantage comme un homme-orchestre que comme un chef d’orchestre ».

45 La petite taille, évoquée par G. Hirigoyen (1981) et P.-A. Julien (1997), semble amplifier l’attachement du dirigeant à sa position au sein de son entreprise. Cela expliquerait le lien affectif qui le pousse à maintenir la taille réduite de l’affaire, la croissance impliquant au bout d’un certain temps nécessairement une délégation et un partage (L. Greiner, 1972 ; R. Paturel et A. Godener, 1996). Ce sont là, en effet, les éléments qui sont à l’origine des difficultés en matière de succession/transmission qu’ont connues nos entrepreneures (C. Arnould et S. Stephan, 2006).

46 En définitive, plus le management est centralisé et sans système d’information formalisé (management autoritaire), plus le risque de dépendance est élevé envers l’artisan et les difficultés importantes en cas de succession (R. Paturel et B. Derrouch, 1987). Du vivant des dirigeants des entreprises que nous avons pu étudier et à travers les récits de vie des veuves repreneures, les statuts n’ont pas pu permettre à eux seuls les changements nécessaires dans le comportement de leur époux dirigeant, ni favoriser les échanges stratégiques importants entre les conjoints. À aucun moment, les veuves n’ont été associées à la prise de décision pendant la présence de feu leur époux dans la société. Le risque décisionnel relevé dans nos huit cas est indiscutablement qualifié de Fort en raison de la concentration de l’information et de la décision dans les seules mains et la personne de l’artisan lui-même.

47 Le risque lié au métier (R3) est également d’un niveau Fort. En effet, la combinaison du risque lié aux fournisseurs des moyens de production et le risque provenant de la destination des ventes de l’entreprise dans notre cas, entraîne un risque très élevé compte tenu de la dépendance des parties prenantes commerciales de l’entreprise artisanale envers la personne de l’artisan très proche d’elles. Nous sommes encore une fois en présence d’une dépendance envers le dirigeant artisan qui voit ses fournisseurs et ses clients liés à son entreprise du fait de sa personnalité, de sa légitimité, de ses compétences reconnues dans son métier, de ses engagements au sein de divers réseaux sociaux locaux notamment et, donc, de l’environnement externe de proximité de l’entité. Nous constatons à travers l’analyse de nos huit cas que les niveaux des trois risques du stade 1 sont Forts ; le Risque Global lié à la dépendance envers le dirigeant est donc présent dans ces entreprises artisanales et situé au niveau Fort. La convergence des huit cas vers un Risque Global Fort est donc clairement montrée. Nous exposons dans le tableau suivant de façon regroupée, les stratégies que les veuves repreneures ont mobilisées pour surmonter ces difficultés liées au risque global, citées ci-dessus.
Tableau 3

Les stratégies mises en place

Risque successoral Risque décisionnel Risque lié au métier
Stratégies/Actions mobilisées - Formation métier ;
- Demande de l’aide extérieure.
- Prendre les choses en mains et s’affirmer par rapport aux salariés.
- Apprendre à parler le langage du milieu professionnel.
- Chercher à connaître les fournisseurs.
- Démarcher de nouveaux clients.
- Changer de fournisseurs.
- Changer de banque(s).
- Changer de cabinet comptable.
tableau im6

Les stratégies mises en place

48 Il ressort de ces éléments relevés que, dans sept cas sur huit étudiés, des décisions ont été prises par les veuves repreneures pour résoudre les difficultés liées aux trois natures de risques composant le risque global. La quatrième veuve repreneure V4 n’a pas pu, n’a pas su et, comme elle le dit elle-même, n’a pas voulu le faire, et a sollicité ses proches et son salarié pour respecter les engagements pris par son mari. Elle a toutefois décidé d’arrêter l’entreprise par la suite, une fois la parole ou la signature de son époux respectée.

3.2. Entrée endeuillée en affaire

49 Nous tenterons, à travers les verbatim des veuves repreneures, de tracer le processus du deuil, de vérifier si toutes les phases citées précédemment sont vécues ou pas, ou encore vécues mais différemment par nos interlocutrices.

50 Nous pouvons à ce stade penser que les différentes phases se manifestent, mais certainement pas de la même façon et non pour la même durée selon les veuves repreneures. Comme nous sommes dans un état d’extrême d’urgence, ces phases doivent se passer de manière très rapide et elles sont donc peu visibles, car il est délicat d’entrevoir le début et la fin du deuil de manière séquentielle. La notion d’urgence est très prégnante. Il convient impérativement d’entrer en affaires et de reprendre l’entreprise, la priorité étant donc surtout de faire face. Nous parlerons de deuil complexe et de deuil retardé, soit d’un deuil qui intervient de façon décalée dans le temps par rapport à la date du décès (R. Paturel et M.-H. Paturel, 2009).

51 Quatre facteurs interviennent dans le processus de deuil et la façon dont la veuve repreneure pourra le parcourir en surmontant toutes les difficultés qui y sont liées afin de poursuivre l’œuvre de son mari artisan :

52
  • la brutalité ou le caractère très subit du décès : il est évident que le deuil est d’autant plus traumatisant pour la veuve qu’il n’y a aucune préparation possible. Ainsi, la disparition par crise cardiaque est beaucoup plus délicate à gérer que le décès suite à une longue maladie qui peut permettre une certaine transition ;
  • la nature de l’investissement effectué par la femme de l’artisan durant la présence de ce dernier au sein de l’entreprise : plus la veuve a été associée au management de l’entreprise avant le décès, plus la préparation à la nouvelle situation peut s’avérer facilitée ;
  • la capacité à dépasser la situation antérieure au deuil et à la renouveler dans le cadre d’une reprise : les enjeux seront alors précisés aux diverses parties prenantes internes et externes de l’entité artisanale ;
  • les aptitudes de la veuve à admettre et à accepter les pertes associées à l’ancienne situation et à renouveler l’image de l’entité artisanale afin qu’elle s’adapte aux nouvelles conditions de son organisation interne et de son environnement externe : cela n’exige aucunement l’oubli total de l’événement traumatisant pour la femme désormais seule.
Tableau 4

Le processus du deuil d’après R. Paturel et M.-H. Paturel (2009) et adapté à notre étude.

Phase d’engourdissement (colère, détresse) « […], je ne comprenais pas pourquoi il est mort, c’était pas grave pourtant, […] » (V6).
« […], il y en a eu des moments difficiles, je suis tombée malade, je ne savais pas si c’était réel, […] » (v8).
« […], j’étais un comme dans un gouffre… » (V2).
« […], il roulait vite, je lui ai toujours dit de faire attention, qu’il n’était pas tout seul, au début, je lui en voulais, les enfants me demandaient, je ne savais pas quoi leur dire, je pleurais tout le temps, je n’avais plus de mots, […] » (V1).
« […], j’ai récupéré mon fils mais pas mon mari, il était fatigué, c’était la période haute, les jours suivants, j’avais la tête vide, j’avais mal dans ma poitrine, jusqu’à aujourd’hui, je me dis comment j’ai fait pour vivre après, […] » (V3).
« […], il est tombé du toit, on m’a dit qu’il est mort sur le coup, moi je pensais qu’il était à l’hôpital, je n’avais pas entendu la deuxième phrase, […], je n’avais plus de repères, même mes enfants étaient petits, je venais d’avoir ma dernière, horrible, tout était horrible, je suis restée des jours sans parler, […] » (v4).
« […], je l’ai accompagné, il a fait son opération, après quelque temps, il allait bien, tellement bien, il n’a pas perdu ses cheveux, tout le monde disait qu’il était guéri, c’est venu d’un coup, je n’ai rien vu venir, je m’en suis voulue si seulement j’avais vu quelque chose, j’aurai appelé le médecin, mes enfants, je n’avais plus de jambes pour tenir, je nageais dans le vide total, […] » (V5).
« […], il devait se faire opérer, et quelque chose n’a pas fonctionné, c’est ce qu’on m’a dit, depuis le temps qu’il devait la faire, j’étais avec lui, j’attendais, et dans la salle de réveil, il ne s’est pas réveillé, c’est ce qu’on m’a dit, et moi j’attendais, je me disais que ce n’était pas vrai pas possible, […] » (V7).
tableau im7
tableau im8
Phase de languissement (recherche de l’objet perdu) « […], je ne pouvais plus dormir dans ma chambre, ni dans ma maison, […] » (V8).
« […], je tenais avec les médicaments, je le voyais partout, et je me disais c’est juste un cauchemar, […] » (V3).
« […], j’ai gardé son bureau fermé pendant longtemps, en me disant il est en voyage, et la porte ne s’ouvrait pas, plus, je devenais juste folle, […] » (V7).
« […], il fallait que je parte de chez moi, ce n’était pas possible, […] » (V2).
« […], la journée ça allait à peu près, le plus difficile c’est l’attendre le soir, il ne rentrait pas, j’attendais… d’entendre le bruit de la voiture, je dormais dans la cuisine, dans le salon, j’ai fini par ne plus dormir dans ma chambre, […] » (V1).
« […], j’ai tout gardé, la maison, le lit, je n’ai rien voulu changer, je crois que, dans ma tête, je pensais qu’il allait revenir, […] » (V4).
« […], j’ai conservé toutes nos vidéos, avec les enfants, je les regardais tous les soirs, et je le voyais vivant, il me fallait ça, […] » (V5).
« […], il est toujours là, ici, et puis j’ai mis une photo de lui souriant au magasin, tout le monde me disait on dirait qu’il est vivant sur la photo, et moi je disais qu’il n’était jamais mort, […] » (V6).
Phase de désorganisation (désespoir) « […], je ne savais pas par quoi commencer, sauf commencer et continuer comment, je ne savais pas, mais j’étais là, […] » (V6).
« […], je n’étais pas du métier, le bâtiment c’est un métier d’hommes, et puis les gars comment les tenir ?, […] » (V1).
« […] je ne savais pas appeler qui, les chantiers en cours, tout me tombait dessus, […] » (V4).
« […], comment faire pour apprendre tout ce que je ne savais pas, qu’est-ce que je dis aux personnes qui me demandent comment j’allais faire, dire je ne sais pas, ou rien dire, de toute façon, c’est vrai je ne savais pas, […] » (V2).
« […], il y avait la boucherie et le traiteur, je continue l’un sans l’autre et puis je n’y connaissais pas grand-chose, comment trouver le temps pour apprendre, […] » (V3).
« […], ce n’était pas si évident pour reprendre le travail, il y avait deux activités, […] » (V5).
« […], il fallait prendre une décision, quitté mon travail, oui mais par quoi commencer, le garage, les clients, […] » (V7).
« […], on venait de réinvestir, des locaux nouveaux, comment organiser tout ça, il y avait tout à faire, […] » (V8).
Phase de réorganisation (acceptation et rebond) « […], il fallait avancer, ré-ouvrir rapidement après, les clients ça n’attend pas, […] » (V6).
« […], fermer un jour coûtait, plusieurs jours impossibles, mon mari venait de tout changer, je ne pouvais pas, […] » (V8).
« […], j’ai appelé tout le monde et je leur ai dit, on est ensemble, il faut faire ensemble, […] » (V3).
« […], il fallait que je fasse mon retour, j’ai demandé à chaque fois des informations, je n’avais pas de réponse, il me disait je ne peux pas tout te dire, tu n’es jamais là, alors j’ai mis mon spa en gérance pour prendre mes marques et reprendre les choses en mains, […] » (V1).
« […], j’ai vu avec Mathieu surtout tout ce qui avait à faire, et ce que j’avais moi à faire dans la boulangerie, […] » (V2).
« […], j’ai fini par prendre les clients en ligne, et j’ai demandé à quelques amis de m’aider à tout faire pour finir les chantiers, […] » (V4).
« […], on s’est partagé le travail, moi la tenue administrative et les clients qui viennent au magasin et lui les chantiers, il était d’accord, alors on a continué comme ça, […] » (V5).
« […], j’ai réuni les gars, je leur ai dit je quitte mon travail et je ne vends pas mais qu’il fallait qu’ils m’aident pour comprendre les ficelles du métier, la secrétaire, elle n’en revenait pas, elle a tout fait pour me mettre de côté, alors j’ai demandé à MC de m’aider à passer le cap, […] » (V7).

Le processus du deuil d’après R. Paturel et M.-H. Paturel (2009) et adapté à notre étude.

3.3. Résilience et rebond pour une reprise réussie

53 Nous présentons dans le tableau suivant certains verbatim qui renvoient directement aux éléments d’analyse retenus que nous discuterons par la suite. Nous constatons à la lumière de nos résultats que les quatre facteurs de résilience sont essentiels au rebond de la veuve et à sa réussite de la reprise. En effet, dans les huit cas qui ont fait partie de notre étude, l’effet escompté émanant de la structuration a été fondamental dans la prise de fonction de la veuve. En faisant corps avec la veuve repreneure après le décès qui met en péril la survie de la structure, les parties prenantes internes de l’entreprise, à savoir les salariés, voient l’entité sauvée et leurs emplois maintenus. Leur solidarité manifestée par des émotions fortes liées aux sentiments de loyauté envers le défunt permet à la veuve de continuer dans de bonnes conditions. Les émotions individuelles des veuves soulevées à travers leur verbatim ont également contribué au renforcement leur endurance et leur ténacité. Le leadership se révèle également une dimension incontournable aux décisions prises et déployées pour pallier les différents aspects menaçant de la réussite, qui mettent en péril la réussite de la reprise. Les tuteurs de résilience internes, membres de la famille, ou externes dans l’environnement proche de l’entité, ont tous leur importance dans la ténacité et la persévérance de la veuve repreneure à poursuive l’œuvre de son défunt mari. Dans deux cas de veuves repreneures, celui de la veuve V1 et de la veuve V4, nous remarquons que pour V1, malgré son fort leadership et ses émotions individuelles fortes, l’absence des tuteurs de résilience, de la structuration et des émotions des salariés et de l’associé, l’a amenée à abandonner l’entreprise au profit de son associé. Le cas de reprise, la veuve repreneure V1 a échoué malgré tous ses efforts pour réussir la reprise, nous n’avons pas relevé la manifestation des facteurs de résilience dans ses discours recueillis lors de notre accompagnement qui s’est déroulé sur plus d’un an. Pour la veuve V4, nous remarquons que la décision de céder l’entreprise à son salarié tout en gardant le bâtiment a été maintenue malgré le soutien et la proposition de son salarié à la soutenir dans la reprise.
Tableau 5

Illustrations des facteurs de résilience

La structuration « […], on était tous ensemble dans la galère, les gars l’ont bien compris, le boulot ne courait pas les rues, on a tenu le coup
[…] » (V3).
« […], mon fils gérait le quotidien avec moi et faisait face à la banque, aux fournisseurs, ma belle-fille faisait tout l’administratif de chez elle, et deux salariées étaient toujours partantes pour rester plus sans que j’aie demandé, […] » (V2).
« […], ils étaient bien chez nous, ils étaient là dans l’ancien garage, et puis ils ont bien vu que je n’avais pas changé, ils bossaient et voulaient des fois me seconder, mais ils me disaient qu’ils ne savaient pas, et qu’ils avaient confiance en moi,
[…] » (V8).
« […], pendant tout le temps que ça allait mal, il allait voir les clients, et faisait les devis, je ne lui avais rien demandé, […] » (V5).
« […], les gars me disaient tout le temps ce qu’il fallait dire ou faire pour commander des pièces ou vendre des voitures, c’était naturel pour eux, après tout j’étais toujours gentille avec eux et puis l’un d’eux est le compagnon de ma fille, c’est d’ailleurs pour lui et pour ma fille que j’ai définitivement quitté mon métier d’institutrice pour reprendre, […] » (V7).
« […], on a fermé un jour, il a enlevé le petit mot qu’avait laissé mon mari pour dire qu’on était fermé et qu’on allait ouvrir le 5, eh bien, il a finalement ouvert le 6 et tous les autres jours, il s’occupait même de la partie traiteur, […], il mangeait avec moi tous les jours et le soir il fermait avec moi, ça je le faisais avec mon mari, […] » (V6).
Les émotions « […], je suis partie ramener le corps de mon mari de l’hôpital de Rennes, je n’ai pas fermé, Christophe a ouvert ce jour-là, et tous les autres jours, il était comme un fils pour mon mari et moi, il a pleuré comme nous, j’aurais pas pu continuer sans lui et mes filles […] » (V6).
« […], ils m’ont dit qu’il leur avait tout appris, et qu’ils resteraient avec moi jusqu’au bout, […] » (V8).
« […], je regardais mes enfants, et je me disais, pour eux, je dois le faire, […], mon fils qui était avec mon mari dans l’accident voyait le psy, il me disait je voulais partir avec papa, il m’a laissé, et moi je me disais, je suis là pour lui, et je dois lui garder le lien avec son père dans la boucherie, […], il était tout le temps avec son père, […] » (V3).
« […], ce sera comme si mon mari mourait une deuxième fois, qu’est-ce que je vais dire à mes enfants plus tard, peut-être que l’un d’eux aurait eu envie de succéder et continuer dans l’entreprise, […] » (V1).
« […], certains salariés m’ont dit qu’ils resteraient avec moi, d’autres sont partis dès qu’ils ont vu mes fils à mes côtés, ils se sont sentis concernés et ça m’a fait du bien, […] » (V2).
« […], ils savaient bien que cela allait être dur et qu’il me faudrait du temps, ils étaient prêts surtout les gars de l’atelier, sauf la secrétaire, elle a fini par partir, […] » (V7).
« […], mon salarié venait tous les jours, il passait d’abord me voir avant d’aller voir les clients, il ne me le disait pas, mais je sentais bien que c’était difficile pour lui aussi, ça faisait longtemps qu’il était chez nous, […] » (V5).
Le leadership « […], au départ, ça reste la famille, mais avec le temps il voulait commander, je lui ai dit : c’est moi la patronne, il me dit : je ne vais pas me faire commander par une femme, je lui ai dit de partir, je me débrouille sans lui, il est pas parti […] » (V3).
« […], ils ne savent rien faire sans moi, même pour un devis, ils m’attendent, […], un jour j’ai dit à M, tu veux reprendre et tu m’attends pour tout, il m’a dit qu’il ne savait pas si ça allait me convenir, vous savez c’est le futur repreneur, […] » (V8).
« […], le comble, des fois, ils me disent de venir voir si c’est ça, de toute façon, il savent qu’en mécanique, je suis imbattable, et puis ils le disent en plus, […] » (V8).
« […] quand le client n’est pas content, ils me l’envoient, je peux vous dire qu’il repart penaud, […] » (V8).
« […] elle ne voulait pas m’apprendre comment faire les prises en charge d’assurances ; j’ai demandé à M.C., je lui ai retiré ça, après je lui demande de me laisser recevoir les clients gentiment, elle ne voulait pas, […], elle me disait que je la dérangeais, alors je sortais du bureau à chaque fois qu’il y avait des clients, je me présentais, à la longue, je ne la laissais rien faire, elle a compris, et elle est partie d’elle-même, […] » (V7).
« […], un jour, un client a refusé de payer, je lui ai pris les clés, il a commencé à me traiter […], je ne me suis pas démontée, je lui ai rentré dedans, il a fini par me payer, il m’a prise pour la nana de l’accueil, les gars ce jour-là ont compris, enfin ceux qui n’avaient toujours pas compris, […] » (V8).
Le tuteur de résilience « […], ils sont venus me voir, après il m’appelait tous les jours, je lui ai dit que je n’y arrive pas, il est venu me remplacer, et je suis partie me former à Rennes, […] » (V3).
« […], vous savez, je crois, je prie, je vais beaucoup le voir, ou il vient, il est jeune pour un prêtre mais il m’écoute et me dit : continuez, […] » (V6).
« […], c’est peut-être l’avocat, mais il me dit à chaque fois : ne lâchez rien, vous êtes courageuse, […] » (V7).
« […], je n’aime pas les banquiers, et comme je suis cash, je lui suis vite rentrée dedans, il n’a rien dit, on a discuté, […], je n’avais pas besoin de lui pour des sous, je dépensais rien, je lui ai même montré mon carnet, il m’a laissé parler, […], après j’allais le voir pour mes investissements, et à chaque fois ça me faisait du bien, il ne me prenait pas pour une femme victime, […] » (V8).
« […], mon fils était là tous les jours, il était présent, très présent, et je me disais cramponne-toi, le gouffre va t’attirer, […], on s’est débrouillés tous les trois, […], et ça Mathieu peut vous le dire, c’était dur, mais on y est arrivés, […] » (V2).
« […], j’avais mon salarié, on discutait beaucoup, et puis certains clients venaient très souvent me voir, certains sont devenus des amis, et puis on parlait beaucoup avec Sylvie, elle a perdu son mari aussi, elle savait, […] » (V5).
tableau im9

Illustrations des facteurs de résilience

54 Si nous prenons le processus repreneurial de B. Deschamps (2002) pour repère, dans l’étape 1, la prise de décision de reprendre est décrite comme étant le fruit des antécédents du repreneur, de ses motivations, de la naissance de l’idée de reprendre et de l’élément déclencheur de l’opération. Or, le déclenchement de la décision de reprise de la veuve n’obéit pas aux mêmes critères que lors d’une reprise classique. Il s’agit d’une reprise contrainte et, le plus souvent, urgente. La réflexion globale du repreneur en vue de la décision de reprendre (B. Deschamps et R. Paturel, 2005) est différente. Le choix de la reprise ne se fait pas en fonction des paramètres cités dans le modèle de B. Deschamps et R. Paturel (2005), à savoir : les forces et faiblesses, l’adhésion de l’entourage, la prise de conscience de l’engagement, l’origine de l’idée, l’élément déclencheur, la motivation, la formation, l’expérience professionnelle et les qualités pour endurer le parcours et assumer la fonction de dirigeant. Le choix de la décision de reprendre se fait dans l’urgence, dans un état de deuil laissant la place à une forte émotion et un sentiment de devoir. Il s’agit de la décision du « Devoir reprendre » pour ne pas faire disparaître l’époux une deuxième fois : perpétuer son œuvre, c’est garder sa mémoire et, dans une certaine mesure, le garder vivant à travers le maintien de son entreprise.

55 L’étape 2 correspond au processus même de la reprise. Il se compose de quatre phases : la définition précise du projet, la détection d’entreprises qui correspondent aux critères prédéfinis dans le projet, l’étude et l’évaluation de la (des) cible(s) identifiée(s) et, enfin, la négociation. Dans cette étape, le processus de la reprise de la veuve repreneure ne se déroule pas selon les phases précédentes. En effet, l’entreprise à reprendre n’a pas de concurrence, est connue de la veuve et son évaluation n’aura qu’un intérêt en matière de succession éventuelle sur le plan fiscal. Aucune négociation n’a lieu contrairement à une reprise classique, ce qui constitue un gain de temps considérable dans le processus de reprise par la veuve de l’artisan, car cette phase est souvent pénible, longue sans certitude d’aboutir.

56 L’étape 3 est l’entrée effective dans l’entreprise, elle est caractérisée par deux phases. Une éventuelle transition s’opère généralement entre l’acheteur et le vendeur afin de transmettre progressivement le pouvoir et le savoir-faire (J-M Estève, 1997). Le changement opéré par le fait qu’un nouveau dirigeant entre dans l’entreprise pose le problème de sa socialisation, de son intégration. Dans cette troisième étape, le changement qui a lieu suite à la reprise effective de l’entreprise par la veuve de l’artisan, reste beaucoup moins crucial dans la mesure où la personne repreneure n’est pas totalement étrangère au personnel en place, et le management de l’affaire ne sera pas très différent de celui de l’artisan défunt. Bref, sur de nombreux points, même si ce n’est pas pour tous, la résistance au changement sera faible et la repreneure ne doit pas négliger des actions pour impulser et recevoir l’adhésion des acteurs internes et externes de l’entreprise.

57 Nous pouvons, à ce niveau et à la lumière des éléments que nous avons pu collecter, constater que les deux premières étapes n’existent quasiment pas dans le processus repreneurial de la veuve. Le processus adapté à la reprise par la veuve de l’artisan décédé pourrait être synthétisé comme suit.

Schéma 1

Processus repreneurial de la veuve repreneure de l’entreprise artisanale

figure im10

Processus repreneurial de la veuve repreneure de l’entreprise artisanale

Conclusion

58 Notre travail exploratoire sur la thématique du repreneuriat de la veuve de l’artisan décédé, est original, car peu de recherches se sont intéressées à une telle question, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté à bénéficier d’un terrain délicat pour se faire accepter sur un sujet extrêmement sensible et fortement émotionnel. Le processus de reprise d’une entreprise artisanale par la veuve de l’artisan n’est pas commun : il est singulier, car plusieurs de ses étapes ne sont pas présentes et d’autres sont à réaliser dans l’urgence, sans préparation.

59 Partant d’une situation de forte dépendance à tous les niveaux du management de l’entreprise artisanale envers le dirigeant propriétaire et artisan, la femme de ce dernier qui vient à décéder, doit tenir compte de ce fait et du fonctionnement de l’entité artisanale, jusqu’ici sur la base quasi exclusive de son patron. Il sera donc particulièrement compliqué pour la veuve de convaincre les diverses parties prenantes internes et externes de sa légitimité en tant que repreneure et remplaçante de son mari défunt. Le problème est d’autant plus délicat que durant le même temps, la veuve doit faire son deuil et passer si possible au plus vite les phases formalisées dans la théorie du deuil en telle circonstance, afin de parvenir au « rebond » ou à la réorganisation indispensable pour convaincre les acteurs que l’affaire va poursuivre son activité. La capacité et les aptitudes de la veuve à s’en sortir et à surmonter des faits particulièrement défavorables pour mener une existence satisfaisante à la tête de l’entreprise, afin de continuer à faire vivre le défunt par l’affaire qu’il a fondée le plus souvent, restent fondamentales (c’est la résilience).

60 Toutefois, ces situations ne sont en fait pas si rares. C’est pour cela que les Chambres des Métiers et de l’Artisanat devraient mettre l’accent sur l’importance des femmes pendant la vie de leur mari artisan, en renforçant le statut juridique de la femme comme cela a été fait ces dernières années, mais en allant peut-être encore plus loin… afin de protéger ces épouses qui travaillent souvent sans filet, sans reconnaissance à la hauteur de leurs engagements et, donc, avec finalement des niveaux de retraite qui les maintiennent sous le seuil de pauvreté. Mais les Chambres des Métiers et de l’Artisanat se doivent aussi d’aider les femmes veuves de leur mari artisan à bien gérer les phases du processus de deuil grâce à une cellule psychologique qui pourrait être mise à leur disposition, mais aussi grâce à la formation d’accompagnateurs spécialisés en matière de reprise d’entreprises artisanales par les veuves, avec adaptation à chaque situation de terrain, car chaque reprise constitue un cas particulier qui exige des orientations spécifiques. C’est vers de telles orientations que les instances responsables de l’artisanat doivent progresser, car tout arrêt d’entreprise artisanale ou tout échec dans la reprise de l’entreprise artisanale de son mari décédé par sa veuve, a des conséquences familiales graves en matière de patrimoine, mais aussi en matière d’emplois, voire de savoir-faire locaux et de terroirs. La poursuite de nos travaux sur le sujet devrait venir conforter ces premières idées générales et approfondir d’autres points encore passés sous silence du fait du caractère exploratoire et illustratif de notre étude pour l’instant.

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