Couverture de RSG_287

Article de revue

L’immersion dans les organisations

Une typologie des places occupées par les enseignants-chercheurs français en gestion

Pages 31 à 42

1 En sciences de gestion, il existe une longue tradition de recherches qui se fondent sur l’immersion du chercheur dans une organisation. Parmi les méthodes qui peuvent s’appuyer sur cette technique d’accès au réel, on peut citer la recherche-action (K. Lewin, 1951 ; C. Argyris et al., 1985 ; G. Koenig, 1997), l’ethnographie (J. Van Maanen, 1979 ; S. Barley, 1990), l’étude de cas monographique (R. Yin, 2003), la recherche-intervention (J-C. Moisdon, 1984 ; H. Savall et V. Zardet, 1995), la recherche-ingénierique (V. Chanal et al., 1997). Si la présence du chercheur sur le terrain est analysée différemment au sein de ces traditions méthodologiques, toutes ont en commun de conduire le chercheur à étudier en partie au moins « dans » l’organisation (D. Buchanan et al., 1988 ; J. Van Maanen, 2011). De ce fait, ces approches méthodologiques amènent le chercheur à occuper temporairement une « place » dans l’organisation où il s’immerge (J. Girin, 1990).

2 La littérature s’accorde à dire que se construire une place dans une organisation est loin d’être évident pour un chercheur (J. Girin, 1990). Pourtant, le chercheur qui s’immerge ne peut s’appuyer que sur de rares travaux afin de se construire une place dans une organisation. D’un côté, la question de la place est abordée dans des travaux méthodologiques (e.g. C. Argyris et al., 1985 ; A. Hatchuel, 1994 ; A. David, 2000). Le but de ces travaux est cependant plus d’aider le chercheur à légitimer et mener à bien son projet de recherche dans le cadre d’une méthodologie donnée, que de décrire les types de places pouvant être occupées dans une organisation. D’un autre côté, la question de la place est abordée dans des « confessionnals tales », qui sont des récits publiés par les chercheurs de leur immersion dans une organisation (e.g. J. Van Maanen, 1988 ; E. Bell, 1999 ; U. Schultze, 2000). Bien qu’intéressants, ces récits témoignent d’expériences singulières, et ne permettent pas d’envisager la diversité des places possibles que le chercheur peut occuper dans une organisation.

3 Au final, même si les travaux méthodologiques et les confessionnals tales font émerger de nombreux enjeux, la littérature existante ne donne qu’une vue parcellaire au chercheur en gestion sur les places qu’il peut occuper lorsqu’il s’immerge dans une organisation. Quels sont les grands types de places possibles ? Qu’est-ce qui caractérise et différencie chacune de ces places, à la fois au niveau du rôle joué par le chercheur et au niveau de son rapport avec l’organisation ? Est-ce qu’il est possible pour un même chercheur d’occuper toutes les places, ou bien des caractéristiques individuelles jouent-elles ? Toutes les places sont-elles compatibles avec les différents projets de connaissance à l’origine d’une immersion ? L’objectif de cet article est ainsi de dégager une typologie des places qu’un chercheur en sciences de gestion peut occuper dans une organisation. L’article est structuré en quatre parties. La première passe en revue la littérature et montre qu’il n’existe pas de travaux recensant et caractérisant de manière systématique les places que les chercheurs en sciences de gestion peuvent occuper lorsqu’ils s’immergent dans une organisation. La seconde partie décrit notre méthodologie, qui s’appuie sur l’analyse de 31 récits d’immersion récoltés auprès de 16 enseignants-chercheurs. La troisième partie présente nos résultats, et met en évidence quatre grands types de places : celles de stagiaire, employé, professeur et chercheur-participant. La quatrième partie discute cette typologie au regard de la littérature existante et montre qu’elle contribue à théoriser les places du chercheur en immersion et apporte une aide méthodologique aux chercheurs pour anticiper et construire leur place. En conclusion, l’article discute des limites de la recherche et identifie des pistes pouvant être poursuivies afin de mieux baliser l’immersion.

1. Revue de littérature

4 Un grand nombre de recherches en gestion s’appuient sur la présence d’un chercheur au sein d’une organisation, stratégie d’accès au réel que nous proposons de qualifier ici d’immersion. Les travaux existant ont cependant plus cherché à convaincre de la nécessité de reconnaître le fait que le chercheur immergé occupe une place, et à identifier les facteurs qui influencent le choix d’une place, qu’à caractériser et recenser les différents types de places possibles.

1.1. La place : d’un enjeu de légitimation épistémologique à un besoin de caractérisation

5 Les premières théories en sciences de gestion ont été formulées par des praticiens immergés dans une organisation (F. Taylor, 1903 ; H. Fayol, 1916). Depuis, de nombreuses innovations ont été le fait de praticiens immergés (e.g. T. Ohno, 1978). La fécondité de la théorisation via l’immersion fait que plusieurs traditions méthodologiques diverses y ont recours en gestion : recherche-action (K. Lewin, 1951 ; C. Argyris et al., 1985 ; G. Koenig, 1997), ethnographie (J. Van Maanen, 1979 ; S. Barley, 1990), étude de cas monographique (R. Yin, 2003), recherche-intervention (J-C. Moisdon, 1984 ; H. Savall et V. Zardet, 1995), recherche-ingénierique (V. Chanal et al., 1997).

6 Au sein de ces travaux, c’est cependant la légitimité épistémologique de l’immersion qui a été avant tout discutée et défendue (e.g. C. Argyris et al., 1985 ; A. Hatchuel, 1994 ; V. Chanal et al., 1997 ; A. David, 2000). En effet, l’immersion peut sembler aller à l’encontre du principe positiviste selon lequel une claire séparation entre le sujet observateur et l’objet observé doit être respectée (J-L. Le Moigne, 1990). Aujourd’hui toutefois, l’immersion des chercheurs dans les organisations paraît largement acceptée en gestion, même si certains points font encore débat (Editors, 2011) et que se multiplient les appels au développement de recherches par immersion (e.g. S. Barley et G. Kunda, 2001 ; T. Watson, 2011).

7 Si les débats épistémologiques sur la place du chercheur en immersion sont légitimes, ceux-ci ont ainsi eu tendance à masquer des questions plus pratiques et concrètes liées à la possibilité et aux conditions de la présence du chercheur sur son terrain. Il est symptomatique d’ailleurs que le terme de place ne soit pas explicitement défini et que les auteurs utilisent de façon équivalente les notions de position, statut ou rôle du chercheur (N. Raulet-Croset, 2003 ; C. Groleau, 2003). La notion de place, telle qu’utilisée par J. Favret-Saada (1977) souligne que le chercheur en gestion doit s’interroger sur la façon dont il participe au jeu social de l’organisation étudiée, mais est peu caractérisée dans les travaux recensés.

8 La place est ainsi essentiellement appréhendée à travers le rôle attribué au chercheur au sein de l’organisation où il s’immerge. Ce rôle peut être multiple, et comme le note J. Girin (1986, p5), ce n’est pas tant sur le terrain « une place que l’on occupe, mais toute une série de places ». Les rôles tenus par le chercheur dans l’organisation sont généralement distingués, à la suite des travaux de B. Junker (1960), selon deux variables, qui tiennent à la participation au fonctionnement du système social et à la transparence du chercheur sur son identité et sa fonction. G. Arnaud (2002, 2006) évoque l’implication du chercheur-observateur selon trois modalités possibles, la position décentrée, l’inscription « dans » le phénomène, et l’intervention dérangeante ; il distingue en cela deux modalités d’action sur le système social pour le chercheur. Ces différents statuts sont sources de tensions du fait de la difficile combinaison entre les rôles d’observateurs et participants (R. Gold, 1958).

1.2. De multiples facteurs influençant le choix d’une place

9 L’absence de travaux caractérisant en profondeur les places est d’autant plus surprenante que de nombreux facteurs différents semblent influencer la construction par le chercheur de sa place sur le terrain. Premièrement, le choix d’une place apparaît en effet dépendant de caractéristiques liées au chercheur. Les caractéristiques individuelles comme le genre peuvent avoir une influence sur la collecte des données (E. Bell, 1999), tout comme le parcours antérieur, qui peut faciliter de jouer tel ou tel rôle sur le terrain (C. Groleau, 2003, p. 218). Dans ce cadre, comme le soulignent A. Cunliffe et G. Karunanayake (2013), le chercheur doit mener un travail réflexif sur sa propre identité en rapport avec celle de ses répondants sur le terrain. De la même manière, les caractéristiques de l’institution de recherche à laquelle appartient le chercheur ne sont pas neutres. S. Barley (1990) mentionne par exemple la plus grande estime dans laquelle étaient tenus les anthropologues par rapport aux sociologues, et le meilleur accueil qui leur était de ce fait réservé. Plus largement, des chercheurs peuvent agir dans des environnements institutionnels favorisant certains types de démarches par immersion, comme l’illustre le CRG de l’École Polytechnique (M. Berry, 1995).

10 Deuxièmement, l’accès à un terrain est un enjeu essentiellement relationnel (M. Feldman et al., 2003). Le choix d’une place dépend du type de perspective adoptée par le chercheur quant à l’organisation étudiée : instrumentale, transactionnelle ou relationnelle (A. Cunliffe & R. Alcadipani, 2016), Sur un plan formel, lorsque le chercheur veut s’immerger longtemps et de manière officielle, il contractualisera l’immersion, pour faire face aux aléas (J. Girin, 1986 ; 1989 ; 1990). Il aura à négocier son entrée dans l’organisation (A. Bruni, 2006) ainsi que sa sortie (M. Rosen, 1991). Sur un plan informel, la dimension émotionnelle est une composante importante de l’immersion (G. Arnaud, 2006 ; S. Down et al., 2006). Le chercheur devra gérer sa relation aux acteurs jusque dans ses aspects psychologiques, prêtant attention aux phénomènes de transfert et de contre-transfert. S. Barley (1990) souligne d’ailleurs que le chercheur immergé éprouve surtout des difficultés émotionnelles, relationnelles et morales. En termes de temporalité, la présence du chercheur peut être continue durant l’immersion, ou bien se matérialiser par une alternance de phases d’immersion, de sorties, etc. (G. Koenig, 1997).

11 Enfin, le choix d’une place est influencé par la nature du projet de recherche. Il s’agit d’une part de mettre en cohérence la place occupée avec sa problématique, sachant que « telle ou telle position peut interdire tel ou tel sujet de recherche » (N. Raulet-Croset, 2003). La recherche étant souvent co-élaborée avec l’organisation (J-C. Moisdon, 1984), il convient de s’interroger sur la demande de cette dernière et l’intérêt des acteurs de l’organisation pour la recherche : quel est l’output recherché (par exemple la conception d’un nouvel outil de gestion (A. David, 2000)) ? Ceci est d’autant plus important que la place occupée influe sur la nature des informations recueillies. Il est ainsi crucial de comprendre quelle est sa place pour apprécier les informations « chaudes » transmises par les acteurs et éviter d’être manipulé par eux (J. Girin, 1990). Enfin, sauf si l’on admet qu’il existe une totale indépendance entre les choix épistémologiques et méthodiques (A. Mbengue et I. Vandangeon-Derumez, 1999), ce sur quoi les auteurs ne sont cependant en général pas d’accord (S. Charreire-Petit et I. Huault, 2008), le type de place occupé devra être articulé avec les options épistémologiques et méthodologiques.

12 Au final, si certaines caractéristiques des places ont été identifiées, et si les recherches témoignent des facteurs intervenant dans la construction d’une place, la connaissance des différentes places possibles semble partielle.

13 Dans cet article, notre projet est d’abstraire autant que possible les places occupées par les chercheurs au cours de leur immersion, de façon à produire et accumuler des connaissances méthodologiques mobilisables par le chercheur en amont de sa recherche ainsi qu’au cours de celle-ci. Un tel projet de caractérisation a déjà été suivi par B. Lallé (2004), qui à partir de sa propre recherche à conceptualisé la place de « chercheur-acteur ». Nous voulons suivre et amplifier cette piste, et, à partir d’un matériau empirique plus large récolté auprès d’enseignants-chercheurs français en gestion, caractériser les grands types de places possibles.

2. Méthodologie

14 Notre démarche méthodologique s’inscrit dans une approche biographique. Elle est fondée sur la récolte de récits de vie (D. Goodley et al., 2004 ; D. Bertaux, 2005), et plus précisément, un type de récit de vie, le récit de « pratique » (L. Rouleau, 2003). En effet, nous n’étions intéressés que par les pratiques d’immersion des chercheurs en gestion, et non par leur carrière en général.

2.1. Une approche par les récits de vie

15 Selon D. Bertaux (2005, p. 11), le récit de vie est « une forme particulière d’entretien […] au cours duquel un chercheur demande à une personne […] de lui raconter tout ou partie de son expérience vécue ». S’inscrivant dans une perspective compréhensive (A. Joyeau et al., 2010), cette méthode est adaptée lorsque l’objet de la recherche est d’analyser une catégorie de situation rencontrée par des individus (D. Bertaux, 2005). Faire raconter en détail à plusieurs répondants tout ou partie de leur vie permet en effet de mieux comprendre comment ceux-ci agissent en contexte. Le caractère diachronique de la méthode favorise la réflexivité des répondants et conduit ceux-ci à expliciter les logiques d’actions qu’ils suivent en situation (P-Y. Sanséau, 2005).

16 Au final, cela permet le recueil de récits riches et subjectifs, qui peuvent être comparés pour passer du particulier au général (D. Bertaux, 2005). Cette méthode s’avère ainsi pertinente pour apporter un éclairage complémentaire aux deux types de travaux sur les places du chercheur : d’un côté, les travaux « méthodologiques », qui exposent les principes généraux des diverses méthodologies qui conduisent le chercheur à occuper une place ; de l’autre les « confessionnals tales », qui proposent des récits singuliers d’une expérience d’occupation de place (e.g. J. Van Maanen, 1979 ; S. Barley, 1990 ; E. Bell, 1999).

2.2. Collecte des 31 récits d’immersion

17 Dans la méthode des récits de pratiques, la constitution de l’échantillon est un point clef. En effet, le postulat de base de la méthode est de faire du répondant qui se raconte un expert (L. Rouleau, 2003). Afin de favoriser le développement théorique (R. Yin, 2003), nous avons cherché à bâtir un échantillon constitué de profils les plus variés possibles. Nous avons essayé de faire varier les caractéristiques des chercheurs qui semblaient avoir une influence sur les places occupées : 1) l’institution d’appartenance, certaines institutions ayant des politiques actives en termes d’immersion (M. Berry, 1995) ; 2) le genre, qui selon le confessionnal tale de E. Bell (1999) peut exercer une influence sur la place occupée ; 3) la discipline des répondants, qui est un facteur structurant dans les choix méthodologiques ; 4) l’ancienneté dans la carrière, dont on peut penser qu’elle influe via la constitution d’un réseau et/ou d’une réputation notamment (voir par exemple le récit par B. Cova (2012) de la mise en relation avec ses commanditaires, qui cherchaient des experts reconnus) ; 5) l’âge du répondant, qui à l’instar du genre, semblait aussi être une variable importante (P. Fournier, 2006). La taille de l’échantillon n’était pas déterminée a priori, et la collecte a été arrêtée quand nous avons ressenti une saturation théorique (B. Glaser et A. Strauss, 1967). Les caractéristiques de l’échantillon sont présentées Tableau 1.

18 Les entretiens ont été menés entre fin 2011 et mi 2012. Le recrutement des répondants s’est fait progressivement, selon une logique d’activation de liens faibles et dans un souci de constitution d’un échantillon équilibré, comme expliqué ci-dessus. Les entretiens se sont déroulés à la convenance des répondants : à leur domicile, à leur bureau ou par téléphone. Ils ont duré à chaque fois entre 1 et 2 heures. Un guide de type semi-directif (L. Rouleau, 2003) a été établi, qui comportait cinq thèmes. Après l’explication du projet de recherche, il était demandé au répondant de s’exprimer sur ce qui caractérisait pour lui une recherche en immersion (thème 1). Puis, il lui était demandé de faire le récit d’une immersion qu’il avait pratiquée. Au cours de ce récit, le répondant était relancé par rapport aux thèmes 2 (les places), 3 (le rapport à l’action) et 4 (le rapport au statut de chercheur). Si le chercheur avait l’expérience de plusieurs immersions, un second récit était collecté. Cela avait l’avantage de permettre d’établir entre les deux immersions des comparaisons, très utiles pour mettre en évidence les différences entre les places occupées durant celles-ci. Au final, en nous entretenant avec 16 répondants, nous avons pu récolter 31 récits d’immersion différents. Chacun des entretiens a été retranscrit intégralement.

Tableau 1

Liste des répondants

Répondant Institution Sexe Discipline Ancienneté Age
1 Administration F Stratégie Jeune 30
2 Université F Marketing Jeune 32
3 École de commerce H Marketing Confirmé 58
4 Université F Logistique Jeune 30
5 Université F Stratégie Jeune 39
6 Entreprise H Système d’information Consultant 40
7 École de commerce F Contrôle de gestion Jeune 30
8 Université H Ressources Humaines Confirmé 39
9 CNRS F Théorie des organisations Confirmé 47
10 École d’Ingénieur F Management Public Confirmé 61
11 Université F Management Public Confirmé 48
12 Université F Logistique Confirmé 50
13 École de commerce H Contrôle de gestion Confirme 62
14 École de commerce F Ressources Humaines Confirmé 43
15 École de commerce F Marketing Doctorant 35
16 École de commerce F Stratégie Doctorant 31
figure im1

Liste des répondants

2.3. Analyse des données

19 Une fois la récolte terminée, nous avons procédé à une analyse de contenu systématique des entretiens. Celle-ci s’est déroulée en deux phases : un codage descriptif ou de premier niveau, et un codage axial ou de second niveau (J. Van Maanen, 1979 ; A. Strauss et J. Corbin, 1998 ; M. Miles et M. Huberman, 2003). Le codage descriptif a été réalisé à l’aide du logiciel d’analyse N’Vivo 9. Pour cela, nous nous sommes réunis durant deux jours pour procéder au codage de deux entretiens. Cela a permis de faire émerger une liste de codes sur laquelle les deux auteurs étaient d’accord, ainsi que d’harmoniser la procédure de codage (choix de l’unité de codage, attribution d’un extrait du texte à telle catégorie, etc.). Ensuite, chaque auteur a codé les entretiens qu’il n’avait pas réalisés, afin d’assurer la familiarité maximale de l’équipe avec l’intégralité des données. Au cours de cette phase, certains codes qui n’avaient pas été initialement identifiés, ont été ajoutés par consensus.

20 Cette première phase de codage a servi de base à une deuxième phase de codage, de deuxième niveau (J. Van Maanen, 1979).

21 L’objectif était à la fois d’amender éventuellement les catégories descriptives identifiées à un premier niveau, et surtout d’identifier les relations entre les catégories de premier niveau ainsi que leurs modalités. Au cours de ce processus non linéaire et itératif (A. Dubois et L.E. Gadde, 2002), les points de désaccord entre les auteurs ont été systématiquement débattus. Nous nous sommes ainsi mis d’accord sur toutes les catégories de deuxième niveau, et avons regroupé celles-ci au sein de quatre thèmes généraux relatifs aux différentes caractéristiques : (1) des rôles joués par les chercheurs durant leur immersion (variable liée à l’action) ; (2) du rapport avec l’organisation (variable liée au milieu-contexte) ; (3) des chercheurs en immersion (variable liée aux acteurs) ; (4) des projets de recherche (variable liée aux objectifs). Conformément aux recommandations de D. Gioia et al., (2013), la structure des données de notre analyse est présentée Figure 1 ci-dessous.

Figure 1

Structure des données

figure im2

Structure des données

3. Résultats

22 L’articulation entre les thèmes issus de notre analyse conduit à identifier quatre types de places occupées par les chercheurs en gestion immergés dans une organisation : des places de stagiaire, employé, professeur et chercheur-participant (figure 2). Nous caractérisons successivement ces places et mettons en évidence que chacune d’elles : 1) se caractérise par différents rôles pour le chercheur sur le plan opérationnel et théorique ; 2) induit des rapports contractuels, présentiels et émotionnels différents avec l’organisation ; 3) est plus ou moins accessible à un chercheur selon certaines caractéristiques individuelles et institutionnelles ; 4) est plus ou moins pertinente à occuper selon le projet de recherche qui sous-tend l’immersion. Ces quatre places représentent des idéaux-types, façonnés à partir de la confrontation des entretiens, et n’ont donc vocation qu’à restituer une représentation stylisée de la réalité. Pour chaque citation, il est fait référence au numéro d’entretien dont celle-ci est extraite (1 à 16).

Figure 2

Les places du chercheur dans l’organisation

figure im3

Les places du chercheur dans l’organisation

3.1. La place de stagiaire

23 La première place que les chercheurs peuvent occuper en immersion est celle de stagiaire : « Au départ, j’avais une place assez banale puisque j’étais considérée comme une stagiaire lambda comme il y en a tous les ans » (E1). Le chercheur qui occupe une telle place est faiblement reconnu par les acteurs du terrain, qui le considèrent peu légitime sur le plan opérationnel comme théorique.

24 Le stagiaire se voit alors confier un poste à faible responsabilité opérationnelle, comme celui de préparer les commandes (E15). Son rôle peut cependant être parfois d’assister des managers plus expérimentés : « J’étais présentée comme l’assistante de la DAF » (E7) ; « J’étais l’assistant RH » (E8). Ce rôle opérationnel mineur résulte le plus souvent du fait que le chercheur ne dispose effectivement pas des compétences nécessaires : « Ils ont voulu se doter de compétences et de personnes. Compétences, je n’ose pas le dire, car à l’époque je n’avais pas la compétence » (E6).

25 L’intérêt principal de la place de stagiaire est qu’elle est facilement accessible sur le plan contractuel. Accueillir un stagiaire durant quelques mois n’engage pas à grand-chose, et cela d’autant plus que cette place correspond à une « case » juridiquement identifiée et connue de tous. Dans ce cadre, pour un chercheur, négocier cette place en immersion est souvent simple et rapide. L’une des contraintes de cette place est qu’elle ne peut être que temporaire. La place est ainsi compatible avec des immersions de courte durée, typiquement de l’ordre de quelques mois : « Je suis restée deux mois et demi, je n’aurais pas pu rester beaucoup plus longtemps en gardant cette posture, parce qu’au bout d’un moment, il faut que tu serves à quelque chose dans une entreprise » (E16). L’autre contrainte de la place est qu’elle est peu valorisante sur le plan émotionnel pour le chercheur, qui est présent dans l’organisation mais sous un certain anonymat. Celui-ci peut se sentir un « poids mort » pour l’équipe en raison de ses faibles compétences opérationnelles : « Ils étaient au taquet […] du coup j’avais l’impression de plomber leurs chiffres, c’était un peu gênant » (E15)

26 Si elle est facile à négocier, tous les chercheurs ne peuvent cependant accéder à cette place de stagiaire. L’âge joue ici un rôle décisif, et la place est logiquement trustée par des chercheurs jeunes : « J’étais jeunette » (E11) ; « J’avais 22/23 ans » (E9). Les chercheurs plus âgés reconnaissent d’ailleurs qu’une telle place peut sur le plan émotionnel être difficile à assumer avec l’âge : « Quand on sort d’école, on peut être assimilé à un ingénieur stagiaire […] mais progressivement le fait d’être observateur est de plus en plus bizarre. Parce qu’on se dit, mais comment cela se fait qu’elle ait autant de temps à perdre » (E9). Associé à l’âge, le sexe peut également jouer un rôle facilitateur. Ainsi, les femmes peuvent tirer profit du fonctionnement patriarcal de nombreuses organisations pour renforcer le rôle de stagiaire naïf : « Il y avait un petit bout d’homme de 45 ans qui parle à une jeune femme de 22/23 ans, un peu je vais vous expliquer la vie » (E14). Les caractéristiques de l’institution d’appartenance du chercheur semblent ici secondaires, même si le fait qu’elle soit connue pourra faciliter l’accès à la place.

27 Sur le plan des connaissances, la place de stagiaire est notamment adaptée lorsque l’objectif de l’immersion est d’aller au-delà des discours pour faire un état des lieux précis de ce qui se passe réellement et pratiquement au sein d’une organisation : « Il y a un certain nombre de choses qui ne se disent pas et qui sont beaucoup plus importantes que ce qui est simplement dit » (E15). Le mandat négocié par le chercheur inclut d’ailleurs très souvent une « observation », qui garantit une liberté de circulation et de questionnement, très propice à l’accès aux données et à la compréhension du fonctionnement réel d’une organisation. Cette capacité du stagiaire tient notamment au fait que celui-ci est vu comme inoffensif : « Tu peux jouer sur la naïveté. Tu peux jouer sur « ah bon ça se passe comme ça ? Expliquez-moi, je ne connais pas » (E16). La forte capacité du stagiaire à saisir la réalité sans fortement la modifier en fait ainsi une place particulièrement intéressante lorsque le chercheur souhaite comprendre l’existant (ethnographie, étude de cas unique), moins lorsqu’il souhaite changer par la recherche une organisation (recherche-action, ingénierique, intervention). Toutefois, au vu de son caractère temporaire, la place peut difficilement être utilisée pour observer des processus organisationnels qui s’inscrivent dans la durée. Elle ne permet pas non plus d’étudier réellement des phénomènes qui s’inscrivent dans des unités d’analyse complexes et multiples (relations organisationnelles, organisation en réseau, etc.)

3.2. La place d’employé

28 La deuxième place est celle d’employé : « Mon personnage c’était l’opérationnel, un salarié presque à part entière » (E11). Le chercheur qui occupe cette place se voit alors reconnu par les acteurs du terrain comme légitime pour mener à bien des missions opérationnelles, légitimité qui prend le pas sur les aspects liés à la recherche : « Au bout d’un an, j’étais installée, je faisais partie des meubles, en gros j’étais [nom de l’entreprise] quoi » (E11). Dans les entretiens, les rôles opérationnels des employés sont divers : résolution de problèmes (« J’ai travaillé sur des problèmes d’approvisionnement de moteur, de stocks de câblage », E4), animation de réunion (« J’ai été RH très opérationnel dans les animations de groupe de travail », E8), gestion de prestataires externes (« J’ai piloté des consultants », E11), chef de projet (« Je travaillais sur les projets européens […] J’échangeais avec les partenaires », E6), formateur en interne (« J’ai commencé à faire des formations », E1), etc.

29 La place d’employé, si elle permet l’accès à des données particulièrement riches, génère de fortes contraintes dans le rapport à l’organisation. Les responsabilités confiées au chercheur étant plus importantes, une phase importante de contractualisation avec l’organisation doit être menée : « Le contrat a été long à mettre en place » (E4). La phase est d’autant plus longue qu’il n’y a pas ici de solution juridique évidente comme dans le cas du stagiaire, ainsi que l’illustre d’ailleurs la diversité des arrangements contractuels utilisés : « J’étais à 80 % les 2 premières années, et on a réussi à négocier 60 % la 3e année » (E7) ; « Ma place dans la tôlerie c’était trois jours par semaine » (E9) ; « J’étais trois semaines en entreprise, une semaine à l’université » (E8), etc. Au niveau temporel, la place d’employé n’est en général pas immédiatement accessible, la légitimité opérationnelle se construisant forcément dans la durée, afin de développer les compétences nécessaires.

30 Au niveau émotionnel, la place d’employé peut se révéler bien plus enthousiasmante que celle de stagiaire, puisqu’elle donne au chercheur une autre perspective au travail de recherche : « Pour moi c’était quand même valorisant » (E4). Elle est plus rassurante, car elle permet de jouer sur deux tableaux dans une perspective d’insertion : « Tu as deux cartes à jouer : ou tu restes en entreprise, ou tu vas vers le monde de la recherche » (E12). Le chercheur immergé en tant qu’employé peut toutefois avoir des difficultés à faire coexister son appartenance à l’organisation et au monde de la recherche. À terme, un danger est de ne pas sortir de l’organisation : « J’étais présent tout le temps. C’est peut-être pour cela que je n’ai pas soutenu d’ailleurs. J’ai mal géré. J’étais trop immergé » (E6).

31 La durée d’immersion requise afin d’occuper une place d’employé en fait une place qui est plus accessible pour les chercheurs en début de carrière, et typiquement ceux qui sont en thèse : « C’est peut-être le moment de la thèse qui est un moment plus approprié » (E14). Ce n’est pas tant l’âge qui est ici en jeu, mais les contraintes institutionnelles qui pèsent sur le chercheur à partir du moment où il est en poste au sein d’une Université ou d’une Ecole, et où il assume les responsabilités d’enseignement : « C’est un modèle qui ne tient pas avec l’avancement de la carrière je pense. Tant que tu n’as pas de charge d’enseignement » (E9). Indépendamment de ces aspects, ce qui peut faciliter l’accès à une telle place, c’est également le passé professionnel du chercheur, soit qu’il soit issu de filières reconnues et valorisées par les organisations, soit qu’il ait déjà des expériences professionnelles ou personnelles valorisables sur le terrain : « J’étais consultante avant de faire une thèse […] donc je faisais pas mal d’animations de réunions » (E16) ; « Je suis quand même issue d’une famille d’agriculteurs […] Quand [les agriculteurs] parlaient de leur production, de leurs problèmes, etc., c’étaient des choses que j’avais entendu dans ma famille » (E5).

32 L’avantage principal de cette place est qu’elle garantit l’accès à des données très riches. L’employé participe en effet à la vie « normale » de l’organisation en en épousant les catégories habituelles. Il est un interlocuteur averti des réalités opérationnelles, à qui on peut parler : « Une fois que j’étais opérationnelle avec une légitimité, j’ai eu accès à des choses qu’on ne m’aurait pas dites si j’avais eu un simple statut de chercheur » (E11). Outre la richesse des données, la durée nécessaire aux immersions fait que la place d’employé est particulièrement utile lorsque le projet de la recherche est d’observer des processus de changements qui s’inscrivent dans des unités d’analyse complexes : « Ma question de recherche portait sur la construction d’une démarche collective, donc c’est clair qu’il y avait une notion de durée » (E5). La faible mise en avant du statut de chercheur permet cependant difficilement d’inscrire l’immersion dans une démarche de transformation par la recherche (recherche-action, ingénierique, intervention) et fait de l’employé une place plus compatible avec des approches compréhensives (ethnographie, étude de cas unique) : « S’ils ne te reconnaissent pas comme chercheur, tu es en position d’être un simple consultant, ou un ingénieur, ou un gestionnaire… Et on ne prendra pas en compte l’intérêt de ce que tu as dans la tête, c’est-à-dire tes cartes théoriques, tout ce que tu sais, tes modèles » (E12).

3.3. La place de professeur

33 La troisième place que les chercheurs peuvent occuper en immersion est celle de professeur : « Vous êtes l’expert, ça on le dit tout de suite, et on ne peut pas ne pas le dire » (E3). Le chercheur qui occupe cette place se voit ainsi paré par les acteurs du terrain d’une forte légitimité théorique liée à son statut de chercheur en management. Les rôles confiés au professeur donnent alors la priorité à des compétences conceptuelles et méthodologiques, comme la synthèse, la description, la mise en perspective, la problématisation : « Il n’apporte pas exactement les mêmes compétences, il apporte sans doute des compétences plus transversales, plus méthodologiques, plus génériques que les acteurs de terrain » (E13). L’avantage de cette place est qu’elle permet d’instaurer une autre relation avec les acteurs, en les faisant sortir du quotidien : « Si tu es pleinement reconnu comme chercheur, tu peux avoir des échanges sur le fond de la connaissance. Tu peux discuter de modèles, de problématiques, échanger sur des trucs importants » (E12).

34 La place de professeur a l’avantage d’être moins contraignante pour le chercheur que celle d’employé. Cela tient d’une part au fait que c’est souvent l’organisation qui est demandeuse, ce qui fait que le chercheur a plus de marge de négociation : « C’est beaucoup plus facile quand c’est l’entreprise qui vient te chercher » (E3). Surtout, le rôle opérationnel n’étant pas ici décisif, le professeur peut rester plus éloigné des réalités du terrain et se contenter d’une présence intermittente : « Depuis une dizaine d’années, je participe rarement à des projets dans lesquels je suis intensément présent sur le terrain » (E13). Pour reprendre la formule de l’un des chercheurs interrogés, on est moins dans de l’immersion traditionnelle que dans le « bain de pieds » (E3). Le chercheur qui occupe une place de professeur peut alors avoir l’impression qu’il est déconnecté de la réalité des choses, d’autant qu’il pourra souvent affronter ce discours de la part des opérationnels : « pour eux on était des espèces d’illuminés qui n‘avaient pas conscience des réalités, qui étaient complètement éloignés du terrain et donc des problématiques de terrain » (E2).

35 À l’inverse des places précédentes, cette place est difficilement accessible aux chercheurs qui débutent leur carrière. Cela tient d’une part au fait qu’ils maîtrisent moins le « portefeuille théorique » du professeur que les chercheurs plus confirmés : « C’est une sacrée compétence qui s’acquiert avec le temps, parce que le portefeuille théorique, moi je ne l’avais pas à trente ans quoi ! Le pluralisme théorique, être capable de dire « cette théorie je n’aime pas » mais là elle éclaire bien » (E3). Cela tient d’autre part au fait que la reconnaissance comme professeur s’acquiert nécessairement avec le temps et des publications : « Il y a un droit d’entrée, c’est la légitimité. Plus vous avez publié […] des ouvrages, et plus les gens se disent, là je travaille avec quelqu’un qui sait » (E3). Dans ce cadre, il est notamment important pour celui qui veut occuper une telle place de vulgariser les résultats de ses recherches. Indépendamment de son expérience individuelle, d’autres facteurs liés à son institution scientifique d’appartenance peuvent aider le chercheur à endosser le costume de professeur : « sur des sujets comme la logistique, il y a une marque CRET-LOG » (E12).

36 La place de professeur induit une distance au terrain qui peut être vécue comme gênante sur un plan académique. Elle rompt en effet avec le schéma de l’immersion classique issue des démarches ethnographiques. Le professeur semble cependant trouver toute sa place lorsque le projet de recherche est de comprendre le fonctionnement existant avec les acteurs et d’imaginer avec eux des transformations : « L’intérêt, c’est le grattage de tête. C’est-à-dire qu’on les aide à réfléchir » (E3). Elle permet de faire évoluer les organisations à travers l’apport par le professeur de nouvelles grilles de lecture : « Par le fait d’apporter des grilles d’analyses, de lecture qui ne vont pas agir directement sur l’entreprise mais sur les représentations des gens » (E12). Toutefois, en raison de l’éloignement avec la réalité opérationnelle, cette place ne permet pas d’accompagner directement des changements, et ne semble pas totalement correspondre aux canons usuels des recherches à visée transformative (recherche-action, ingénierique, intervention), même si elle possède des caractéristiques communes : « Je m’interdis la recherche-action. Je n’ai pas le temps, et je ne pense pas être capable de faire des raccourcis, de traduire en action ce que je comprends de la situation de l’entreprise » (E3).

3.4. La place de chercheur-participant

37 La dernière place que les chercheurs peuvent occuper en immersion est celle de chercheur-participant : « On était à la fois chercheurs […] et modélisateurs de leur activité avec beaucoup d’autres casquettes » (E10). Le chercheur qui occupe cette place se voit ainsi attribué par les acteurs du terrain une forte légitimité à la fois théorique et opérationnelle, son souci étant de réussir de manière permanente à articuler compétences opérationnelles et théoriques : « J’avais des responsabilités dans l’entreprise, et mon travail de recherche était censé améliorer le fonctionnement de l’organisation » (E12). Pour une entreprise, il est attendu que le chercheur-participant tienne un rôle d’accompagnement et de conseil sur une problématique donnée, par exemple la conception d’un système d’allocation des ressources en personnel : « : Faire des préconisations sur la future politique et éventuellement même l’accompagnement de cette préconisation » (E10). Ce rôle peut avoir des déclinaisons variées, dont rendent compte les entretiens : « intervenant », « assistance à maître d’ouvrage », « quasi-consultant », « doctorant », etc. La place de chercheur-participant peut être occupée temporairement, mais elle peut également être stabilisée à long terme dans une organisation : « C’est véritablement pour cet aspect recherche qu’ils m’ont employé […] donc c’est le doctorat qui fait la différence par rapport à n’importe quelle personne ici » (E1).

38 Parce qu’il s’agit de parvenir à combiner deux rôles en un, se faire une place de chercheur-participant est loin d’être facile et ne se décrète pas. Pour pouvoir se construire cette place, un soin tout particulier doit notamment être apporté à la contractualisation avec l’organisation, portant sur les objectifs et les modalités de la recherche. L’enjeu est ainsi, de mettre en place un processus structuré qui matérialise l’accompagnement par la recherche : « Donc c’est très ritualisé. Vis-à-vis du terrain, il y a deux réunions obligatoires qui sont négociées dès le départ, avec les responsables hiérarchiques, et qui auront lieu à la fin de chaque période » (E10). Ce processus mobilise souvent d’autres chercheurs du même laboratoire, et dans le cadre d’une thèse, le directeur de recherche, qui y joue un rôle crucial. L’importance de la contractualisation et la difficulté à appréhender une place complexe font qu’il est par ailleurs difficile de se construire cette place dans toutes les organisations. Un facteur favorable est la connaissance préalable que l’organisation a de la recherche. Par exemple, dans le cadre d’une recherche sur les sapeurs-pompiers, « Ils avaient déjà une équipe de chercheurs qui travaillaient sur un avion d’observation donc […] ils avaient déjà identifié l’opportunité que représente un chercheur pour eux » (E1). Mais le plus souvent, c’est l’existence d’une relation d’accompagnement par la recherche à plus long terme qui va au-delà de l’enjeu d’une simple et unique recherche : « Il y a une longue tradition de contrats chez [nom de l’entreprise]. Donc il y avait quelqu’un avant moi qui était en thèse avec X [nom d’un directeur de thèse], et qui était dans un autre département que moi » (E4).

Tableau 2

Les quatre types de places du chercheur immergé dans une organisation

Stagiaire Employé Professeur Chercheur-Participant
Rôle du chercheur Théorique Faible Faible Fort Fort
Opérationnel Faible Fort Faible Fort
Rapport à l’organisation Contractuel Convention de stage Contrat de travail Accord/ arrangement informel Convention de recherche
Présentiel Quelques semaines à quelques mois/ forte intensité Quelques mois à quelques années/ forte intensité Des années/ faible intensité Des années/ intensité cyclique
Emotionnel Dévalorisation Appartenance/ schizophrénie Déconnection Confiance en soi
Caractéristiques du chercheur Individuel Jeunesse et inexpérience Expérience/ compétence professionnelle Age et légitimité académique Age et expérience professionnelle
Institutionnel Connaissance de l’institution Connaissance de l’institution Légitimité de l’institution Politique collective de laboratoire
Projet de recherche Problématique Dévoiler des pratiques Description de processus Aider à penser des évolutions Aider à transformer
Démarche Ethnographie, monographie, étude de cas Ethnographie, monographie, étude de cas Pas de cadre méthodologique clair Recherche- action, intervention, ingénierique
figure im4

Les quatre types de places du chercheur immergé dans une organisation

39 La conjugaison de l’exigence théorique et opérationnelle a pour conséquence que cette place de chercheur-participant est plus accessible à des chercheurs expérimentés : « Je fais de la recherche-intervention en France, j’en ai fait notamment dans l’aéronautique […], il faut quand même bâtir sa légitimité » (E3). Dans le cadre d’une thèse, la place ne semble notamment pas immédiatement accessible et demande pour pouvoir être occupée un minimum d’un à deux ans de présence. Indépendamment de l’expérience, ce qui semble également décisif, c’est le rôle joué par l’institution de rattachement du chercheur afin de faciliter ou non le développement de relations avec les organisations, qui sont très demandeuses en temps et ressources : « Cela se fait dans un cadre non pas idéal mais spécifique, avec une école, une institution […] C’est le schéma de Polytechnique avec le CRG » (E3).

40 La place de chercheur-participant est particulièrement intéressante quand la problématique de l’immersion est d’apporter des réponses scientifiques concrètes à une question soulevée par une organisation. Sa richesse particulière tient en ce qu’elle permet d’articuler finement au cours d’une immersion les enjeux d’ordre opérationnels et les enjeux théoriques : « J’étais dans un département qui était vraiment sur de l’opérationnel, donc finalement le fait que je fasse de la recherche […] c’est ce qui était très riche, parce que du coup j’ai pu profiter de leur expérience » (E4). La place est de ce point de vue notamment favorable en vue de concevoir des modélisations de l’activité, d’élaborer des outils de gestion, de repenser des processus, par le biais d’un travail de conception avec les acteurs, par le biais de la présence (et de la participation) à des réunions (voire de leur organisation) : « Si je veux co-construire avec des acteurs des outils, il faut bien qu’ils reconnaissent ce statut de chercheur et acteur dans l’entreprise » (E12). Sur le plan académique, ce type de place est compatible avec les démarches de recherche qui s’inscrivent dans des méthodologies de type recherche-action, intervention, ingénierique. La volonté transformative affichée la rend moins compatible avec les démarches qui ont une visée compréhensive (ethnographie, monographie, étude de cas). Le Tableau 2 ci-dessous résume les caractéristiques typiques de chacune des quatre places.

4. Discussion

41 Alors que les recherches sur le sujet sont disparates, le principal résultat de notre travail est d’introduire une typologie des places qu’un chercheur en sciences de gestion peut occuper lorsqu’il s’immerge dans une organisation. Cette typologie apporte une double contribution, théorique et méthodologique. Sur un plan théorique, elle permet de caractériser de façon systématique et précise la notion de place du chercheur en gestion et ses dimensions. Sur un plan méthodologique, elle permet d’aider les chercheurs en sciences de gestion à concevoir des designs de recherche immersive, à piloter leurs immersions et in fine à les évaluer.

4.1. Caractériser la notion de place du chercheur immergé

42 Sur le plan théorique, le principal intérêt de nos résultats est de préciser ce que l’on entend par « place », notion introduite dans la littérature sans que les chercheurs en sciences de gestion l’aient défini précisément. Telle que nous l’approchons, la place est ainsi définie selon quatre dimensions : le rôle joué par le chercheur, la relation du chercheur à l’organisation, les caractéristiques du chercheur et le projet de recherche. Notre conceptualisation permet ainsi d’intégrer systématiquement des aspects jusqu’ici épars de la réflexion sur la notion de « place », mais qui n’avaient pas été pensés ensemble : le rôle joué par le chercheur sur le terrain, souligné par G. Arnaud (2006) ; l’importance des aspects émotionnels, déjà soulignée par S. Down et al., (2006) ; le poids des aspects contractuels, mis en évidence par J. Girin (1990), etc.

43 Plus largement, notre conceptualisation met en évidence qu’une cohérence doit être trouvée entre ces quatre dimensions qui caractérisent une place. Sur ce plan, nos résultats conduisent à identifier quatre grandes formes de cohérence idéales-typiques, qui définissent les places de stagiaire, d’employé, de professeur, de chercheur-participant. Un tel travail d’identification n’existait pas dans la littérature. Lallé B. (2004) est ainsi à notre connaissance la seule à avoir conceptualisé la place de chercheur-acteur. Si notre typologie intègre cette place, qualifiée ici de chercheur-participant, nos résultats mettent en évidence trois autres types de places possibles : celles de stagiaire, d’employé et de professeur. La place de professeur notamment, de par l’originalité qui est la sienne et les interactions plus souples qu’elle permet avec le terrain (en termes de présence dans l’organisation), nous paraît un résultat intéressant.

44 Sur le plan théorique, l’intérêt de notre typologie nous semble enfin de montrer comment les questions structurantes qui se posent pour toute immersion sont abordées dans un cadre particulier, qui est celui : 1) de chercheurs qui inscrivent leur approche en sciences de gestion, et non en sociologie, en psychologie, en ethnologie, etc. ; 2) de chercheurs qui veulent s’immerger dans des organisations, et non dans des sociétés primitives ou exotiques, dans des milieux sociaux, etc. Nous donnons ainsi à voir notamment avec les places de professeurs ou de chercheurs-participants, d’autres postures que celles utilisées en sociologie (e.g. H. Becker, 1963 ; Bourdieu, 1972), en ethnographie (e.g. M. Mead, 1928 ; C. Lévi-Strauss, 1955 ; M. Augé 1986), chez les journalistes (e.g. G. Wallraff, 1986 ; F. Aubenas, 2010). La Figure 3 résume le concept de place du chercheur en sciences de gestion dans une organisation.

Figure 3

Le concept de place du chercheur immergé dans une organisation

figure im5

Le concept de place du chercheur immergé dans une organisation

4.2. Concevoir, piloter et évaluer les immersions

45 Sur le plan méthodologique, notre typologie offre des perspectives pratiques importantes pour aider un chercheur en gestion qui souhaite s’immerger. De manière générale, la littérature souligne l’importance pour les chercheurs d’anticiper la négociation avec le terrain (J. Girin, 1990), et de se demander le type de relation(s) qu’ils souhaitent nouer avec l’organisation, ainsi que les implications que cela peut avoir pour leur recherche (A. Cunliffe et R. Alcadipani, 2016). A. Cunliffe et R. Alcadipani précisent que la relation développée avec le terrain est émergente et requiert « simultanément un plan bien muri et de l’improvisation » (ibid.). Nous considérons que notre typologie des places, en articulant rôle, relation, caractéristiques individuelles et projet de recherche, constitue un outil afin de guider cette réflexion en amont de l’immersion, puis au cours de la présence du chercheur sur le terrain.

46 Ainsi, alors que toute place n’est pas compatible avec tout projet de recherche (N. Raulet-Croset, 2003), notre typologie peut aider un chercheur à articuler sa place avec sa question de recherche. Par exemple, les places qui s’appuient sur le statut de chercheur (professeur et chercheur-participant), sont résolument du côté d’une épistémologie qui accepte voire recommande la connaissance par la transformation. Bien que la transformation soit moins évidente « matériellement » dans l’action du professeur, les échanges avec les praticiens autour desquels fonctionne sa place, contribuent à créer du sens et ne laissent pas la situation inchangée par rapport à son arrivée. Une telle place sera en tout cas bien adaptée aux méthodes centrées sur les discours, notamment les discours en situation naturelle (hors entretiens formels) ; on peut penser au courant du strategizing par exemple et plus généralement au sensemaking, qui placent les (micro) pratiques discursives au cœur de leur réflexion. De la même façon, notre typologie fournit des pistes au chercheur immergé pour interroger son identité sur le terrain (S. Down et al., 2006). Celle-ci résulte d’un jeu de transferts et contre-transferts (G. Arnaud, 2006) et d’éventuelles dissonances entre l’identité que le chercheur pense démontrer et celles que les acteurs du terrain lui attribuent (A. Cunliffe & G. Karunanayake, 2013), sont probables et doivent être analysées.

47 Outre d’aider le chercheur à concevoir et piloter son immersion, notre typologie peut également servir de référence pour la communauté de chercheurs en sciences de gestion lorsqu’il s’agit d’évaluer la cohérence d’une immersion donnée. La typologie peut ainsi s’avérer utile pour le chercheur quand, une fois sorti du terrain où il a été immergé, il entend restituer dans la partie méthodologique de ses publications sa démarche d’immersion. Elle constitue également un outil mobilisable en aval de l’immersion, dans une optique d’évaluation par les pairs. À la suite de S. Charreire et I. Huault (2001), il s’agit de tenir compte dans l’évaluation des travaux de recherche (dans leur cas, d’obédience constructiviste) de la cohérence entre une posture déclarée, et la réalité du dispositif méthodologique, donc dans le cas des recherches par immersion, des places occupées réellement. La question de la place réellement occupée est d’autant moins marginale sur le plan méthodologique qu’étant donné les différences existantes entre les places (sur l’accès qu’elles permettent à tel ou tel type de données, sur les relations aux praticiens, etc.), elles ne sont pas interchangeables.

Conclusion

48 En dépit de ses contributions, cette recherche n’est pas exempte de limites qui peuvent donner lieu à des recherches futures. Premièrement, cette recherche avait pour but de conceptualiser les places qu’un chercheur peut occuper dans une organisation. Notre optique ici était ainsi résolument « statique », ce qui nous a conduits à ne pas analyser les « dynamiques » qui existent parfois entre les places. Cet aspect mériterait d’être approfondi dans de futurs travaux. L’enjeu serait d’une part d’améliorer notre compréhension des dynamiques qui existent parfois au cours d’une même immersion, notamment lorsque celle-ci est de longue durée. D’autre part, l’enjeu serait d’améliorer notre compréhension des dynamiques qui existent entre les places au cours d’une carrière de chercheur.

49 Deuxièmement, nous avons constamment évoqué « la » place du chercheur dans l’organisation, comme si un chercheur ne pouvait à un moment donné n’occuper qu’une seule place dans une organisation. Cependant, une organisation est loin d’être un tout cohérent (R. Cyert et J. March, 1963), et est plutôt composée de multiples sous-parties qui ne sont pas toujours fortement couplées les unes avec les autres. Un chercheur immergé doit ainsi souvent gérer simultanément plusieurs places, qui pourront varier en fonction de la sous-partie de l’organisation considérée. Cette question a déjà été mise en lumière par J. Girin (1986, p5), qui notait que ce n’est pas tant sur le terrain « une place que l’on occupe, mais toute une série de places », qui varient « notamment avec les interlocuteurs ». Des recherches mériteraient toutefois d’être menées pour approfondir la manière dont on peut au sein d’une même immersion combiner à un même moment les places les unes avec les autres.

50 Troisièmement, malgré les précautions prises, cette recherche pourrait être améliorée au niveau de la validité interne. Nous avons en effet accédé aux pratiques d’immersion des chercheurs dans les organisations à travers les récits que ceux-ci nous en ont faits. Or, cette stratégie d’accès au réel induit deux grands types de biais. D’une part, elle induit des biais au niveau de la sélection et de la présentation des faits (A. Joyeau et al., 2010). D’autre part, cette stratégie induit des biais de désirabilité sociale, qui sont d’autant plus importants que les récits récoltés étaient ici adressés à des pairs. Pour surmonter ces limites, une possibilité serait d’interroger des acteurs des organisations qui ont facilité l’immersion des chercheurs et ont été en contact avec eux durant leur immersion. Une autre possibilité serait de récolter des données sur des immersions en train de se faire, à travers un suivi longitudinal d’un échantillon de chercheurs sur le point de pratiquer l’immersion.

51 Quatrièmement, la validité externe de notre contribution pourrait être améliorée sur au moins deux points : notre échantillon est constitué uniquement de chercheurs français qui agissent tous dans un cadre institutionnel scientifique national, régi par un certain nombre de règles et des éléments culturels communs. Il serait intéressant d’aller récolter les pratiques de chercheurs travaillant dans d’autres pays, et qui font face à d’autres cadres institutionnels nationaux. De plus, notre échantillon est constitué d’individus qui se définissent avant tout comme des chercheurs ayant la volonté de s’immerger temporairement dans les organisations. À l’inverse, une posture possible est cependant de se définir comme praticien avant tout, mais ayant la volonté de s’immerger partiellement dans le monde académique, suivant la tradition de plusieurs pères fondateurs (e.g. F. Taylor, 1903 ; H. Fayol, 1916). Dans ce cadre, il serait intéressant dans de futures recherches d’étudier ce type de places, au sens où elles semblent pouvoir également contribuer à l’avancée des connaissances en gestion.

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Mots-clés éditeurs : recherche-intervention, Méthodologie, études de cas, recherche-action, ethnographie

Mise en ligne 05/04/2018

https://doi.org/10.3917/rsg.287.0031

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