Couverture de RSG_283

Article de revue

Deux visages de la politique industrielle : étatique & politique

Pages 105 à 106

Notes

  • [1]
  • [2]
  • [3]
    Il fait suite aux rapports Technologies clés 2015 (publié en 2011) et Technologies clés 2010 (publié en 2012).
  • [4]
    La liste des grandes lois américaines des années 1980 donne une idée de l’effort permanent pour renforcer l’innovation : 1980 : Stevenson-Wydler Technology Innovation Act of 1980 – 1980 : Bayh-Dole Act – 1982 : Small Business Innovation Development Act of 1982 – 1984 National Cooperative Research Act – 1985 : NSF Establishes Program for Engineering Research Centers – 1986 : Federal Technology Transfer Act – 1988 : Advanced Technology Program (ATP), Department of Commerce – 1988 : Manufacturing Extension Program – 1991 : Defense Industrial and Technology Base Initiative – 1991 : High Performance Computing and National Research and Education Network – 1992 : Small Business Research and Development Enhancement Act of 1992
  • [5]
    Rapport sur les politiques d’innovation de France Stratégie, p 31
  • [1]
    European Institute of Innovation and Technologies

La Nouvelle France industrielle 112 p, Avant-propos de François Hollande et Emmanuel Macron[1]Les Technologies clés 2020 – Préparer l’industrie du futur, 640 p, avant-propos d’Emmanuel Macron et Philippe Varin[2]

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1 En publiant simultanément deux documents qui affichent leurs liens, le troisième rapport « technologies clés 2020 [3] » et le premier bilan du programme « l’industrie du futur », le Gouvernement a souligné tout à la fois, la continuité de l’action publique, mais aussi les limites des politiques de modernisation industrielle !

1. « Industry 4.0 »

2 La Nouvelle France Industrielle (NFI) est le troisième nom (à moins que ce ne soit la 3° étape) de la démarche politique de modernisation de l’industrie entreprise dès 2013 ; on est ainsi passé de la Nouvelle France Industrielle en septembre 2013 (version Montebourg) à l’Alliance pour l’Industrie du futur en avril 2014 (version Fleur Pellerin), puis à l’Industrie du Futur en mai 2015, avant un retour à la Nouvelle France Industrielle en mai 2016 (version Macron) ! Derrière ces hésitations d’appellation, il y a une relative et louable continuité dans la recherche d’une méthode d’animation de la modernisation de notre industrie.

3 Et cette question n’est pas simple. Peu d’études et beaucoup d’idées dans tous les pays du monde. Les USA, la GB… et même la Chine ont des programmes de type « industry 4.0 » initiés par la RFA au milieu des années 2000. Aucun modèle ne fait l’unanimité. Les USA sont comme toujours les champions des essais comme le montre cette petite liste (non exhaustive) : pour l’État Fédéral, on trouve le Manufacturing Extension Partnership (MEP) en fait assez proche de la démarche des Instituts Carnot, le Reshoring initiative/Select USA (2011), Invest in America (2007), qui sont venus s’ajouter aux couches précédentes d’avantage orientées vers l’innovation et moins sur la relocalisation ou la modernisation. On peut citer : le Bayh-Dole Act au début des années 1980 avec les UTM, le SBIR en 1982 [4], le TIP (Technologies Innovation Program, ex ATP) en 2011, Et il faudrait ajouter les multiples tentatives des États fédérés qui n’hésitent pas à développer des programmes locaux importants. Il faut souligner une « continuité » entre les différents thèmes : R & D, formation, transfert de technologie, modernisation, relocalisation. Il n’est donc surprenant que nous fassions des tentatives comparables en France pour tester des programmes d’aide à la modernisation ou à la relocalisation. Les industriels ne refusent jamais et les « politiques » se délectent du sentiment d’être utiles et de faire avancer la réponse. Mais cette politique récente (3 ans) est par contre impossible à analyser sereinement car la démarche est trop récentt encore plus difficile critiquer tant les intérêts sont croisés. t de plus en France, les innovateurs que sont les Politiques qui lancent de nouvelles politiques d’innovation… subissent eux-aussi l’interdiction de l’échec, tout comme les innovateurs. Et à la différence des USA, ils peuvent difficilement faire marche arrière et arrêter leur essai. C’est lors du changement de majorité que la vérité apparaît. La caractéristique de la démarche « industrie du futur » est de financer directement des opérations ponctuelles de modernisation avec principalement des fonds provenant du PIA. C’est un accélérateur de modernisation. Il est l’un des 62 dispositifs nationaux recensés par le CNEPI en 2015 [5]. Ce simple chiffre montre que nous en sommes encore à la phase exploratoire avec un excès de quelques dizaines de plusieurs dizaines de dispositifs. Une restructuration s’imposera dans le futur proche. À ce jour, la réalité qu’on nous présente est assez sympathique : les projets d’envergure sont présentés dans un document de recensement. Nous en sommes encore à la douce euphorie des débuts de programmes, sans échec et principalement « sur le papier ». Si on devait s’apercevoir que le programme manque d’efficacité, il faut souhaiter que nous aurions alors une clairvoyance américaine et le courage d’arrêter rapidement le programme, sans attendre un changement de majorité.

Ordre de grandeur, en Milliards € = MM € Coût Estimation de l’impact global
DIRD 27,4 MM €/an Grands établissements
Subventions directes et avances 2,2 MM €/an
Dispositifs régionaux 2,7 MM€/an Recherche et innovation
Grands programmes — ANR
– PIA, CGI,
– Industrie du futur
– 0,7 MM € par an
– env. 7 MM€/ans
– 5 MM€ – global
47 MM€ sur 7 ans
CIR 5,5 MM € par an 19,2 MM € en 2012
Soutien au développement (ISF, FIP & FCPI etc.) 1,4 MM € par an
Projets collaboratifs FUI, PSPC, ITE, IRT… + Carnot 0,6 MM€ par an – 0,1 MM€ 2,2 MM€ budget consolidé
Entreprises innovant. (JEI, i-lab, FNA) +TRPI, Aides, CapR… 0,6 M€ + 1,3 MM€
figure im3

2. Perspective globale sur l’innovation en France :

4 Prenons un peu de recul pour apprécier la place de chacun des principaux outils contrôlés, manipulés ou influencés par la puissance publique en matière d’innovation et de modernisation. Essayons d’en faire un petit bilan pour situer le programme industrie du futur dans son environnement (principaux postes) :

Les différentes voies possibles pour l’effort français pour l’innovation

5 (Sources : tableau élaboré à partir des chiffres du rapport « Quinze ans de politiques d’innovation en France », France Stratégie, janvier 2016 et des données du rapport OCDE de 2014). NOTA : ce tableau contient des chiffres de deux natures : la dépense globale et les fonds engagés.

6 À la fin, il faut faire des comptes : le rapport parle globalement de 1,9 milliards € d’aides publiques + 2,9 milliards de prêts. Globalement 80 % vient du PIA. Rappelons pour donner la mesure que le CIR coûte 5 milliards € par an, que le budget de l’EIT [1] est de l’ordre de 3 milliards pour la période 2014-2020 et que le programme H2020 est de 80 milliards € pour cette période. Au fond, « la Nouvelle France industrielle » n’apporte pas une grande avancée conceptuelle, ni opérationnelle dans la politique industrielle et d’innovation : la stimulation de l’entreprenariat innovant, de la recherche coopérative, voire de la recherche fondamentale semblent avoir une solidité conceptuelle et opérationnelle supérieure. Néanmoins, c’est une forme d’action nécessaire pour déclencher et stimuler le processus de modernisation.

3. Les technologies clés :

7 À côté du « rapport » sur la nouvelle industrie française, le rapport « technologies clés » fait figure de bible de référence un peu rigoriste. C’est le fruit du travail de plusieurs centaines de spécialistes qui s’efforcent de donner les tendances technologiques « lourdes » pour les dix prochaines années, en 638 pages.

8 La sélection des technologies-clés est le point-clé de ce rapport. Elle a sensiblement évolué depuis le précédent rapport (technologies-clés 2015, publié en 2011). Cette évolution qui est présentée comme une rationalisation intellectuelle, sinon une modernisation de l’approche précédente est en fait une rupture conceptuelle importante : on passe d’une perspective principalement technologique à une perspective de marché et cela conduit à une réduction assez notable du nombre des technologies-clés qui passe de 85 à 47 et il n’est pas toujours facile de trouver la suite de l’histoire de 2015.

Comparaisons chiffrées des rapports technologies-clés 2010, 2015 et 2020

TC —
2010
TC —
2015
TC —
2020
Nombre 83 85 47
figure im4

Comparaisons chiffrées des rapports technologies-clés 2010, 2015 et 2020

9 Cet exercice de prévision technologique est fondamental car il permet de donner une perspective homogène à l’ensemble des acteurs français.

10 Sa seule faiblesse méthodologique est d’être insuffisamment consensuelle car il fait assez peu appel aux intervenants indépendants de la DGE. On peut ainsi s’étonner que des représentants des grands établissements de formation économique ou industrielle ne soient pas intégrés à l’élaboration de ce document ; de même pour des centres de recherche comme Rexecode ou l’OFCE, voir des syndicats.

Conclusion

11 Notre politique d’innovation reste encore influencée par deux sources que sont l’action de Vanevaar Bush et du Président Roosevelt aux USA (années 1940), et celle de Pierre Mendès-France, du Général de Gaulle et de Georges Pompidou en France (années 1950 et 1960). Ce sont eux qui ont installé l’État dans cette fonction nouvelle de régulateur et d’initiateur de l’innovation civil à la faveur de la deuxième guerre mondiale pour les USA et de l’arrivée au pouvoir du Général de Gaulle en France.

12 Ce modèle a été repris par les grands pays développés et maintenant par les nouveaux pays industrialisés. Il montre une nouvelle fois les limites du marché pour lancer l’innovation et son utilité pour la diffuser : les pays innovateurs associent une forte intervention étatique à un marché dynamique alors que les pays à économie centralisée ont échoué dans l’innovation. Peut-il en être autrement ? Peut-on inventer une politique d’innovation dans laquelle le risque d’innovation n’est pas étatisé ?

Notes

  • [1]
  • [2]
  • [3]
    Il fait suite aux rapports Technologies clés 2015 (publié en 2011) et Technologies clés 2010 (publié en 2012).
  • [4]
    La liste des grandes lois américaines des années 1980 donne une idée de l’effort permanent pour renforcer l’innovation : 1980 : Stevenson-Wydler Technology Innovation Act of 1980 – 1980 : Bayh-Dole Act – 1982 : Small Business Innovation Development Act of 1982 – 1984 National Cooperative Research Act – 1985 : NSF Establishes Program for Engineering Research Centers – 1986 : Federal Technology Transfer Act – 1988 : Advanced Technology Program (ATP), Department of Commerce – 1988 : Manufacturing Extension Program – 1991 : Defense Industrial and Technology Base Initiative – 1991 : High Performance Computing and National Research and Education Network – 1992 : Small Business Research and Development Enhancement Act of 1992
  • [5]
    Rapport sur les politiques d’innovation de France Stratégie, p 31
  • [1]
    European Institute of Innovation and Technologies
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