Couverture de RSG_278

Article de revue

Optimiser l’évaluation du client en ligne

Pages 31 à 40

Notes

  • [1]
    Technologies de l’Information et de la Communication.
  • [2]
    « In real Life »
  • [3]
    Gestion de la Relation Client
  • [4]
    Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de vie.
  • [5]
    Pour faciliter la lecture des résultats, on identifiera par (PSA), les personnes n’ayant pas donné leur avis et par (PA), celles ayant donné leur avis.
  • [6]
    Cet effet tire son nom des études de sociologie du travail menées par E. Mayo, F. Roethlisberger et W. Dickson dans une usine près de Chicago de 1924 à 1932.

1 Ces dernières années ont été marquées par un intérêt grandissant de la part des professionnels comme des chercheurs, pour des situations de marché dont la focale s’est déplacée de la transaction pure et simple pour se porter vers les aspects relationnels et la continuité de l’échange. De nombreux marchés se structurent désormais selon une logique relationnelle autour d’engagements entre parties, à la fois forts, volontaristes et orientés sur le long terme (B. Cova, 2008). Le terme de « relation » évoque un sentiment qui peut s’exprimer entre deux personnes : attraction mutuelle, respect, considération, dépendance, etc. Ces sentiments ne seforment que si certaines conditions sont réunies entre partenaires. Les relations supposent une interaction intermittente ou continue entre deux ou plusieurs personnes et requièrent des échanges de différentes natures sur une période donnée. Les TIC [1], et notamment Internet, ont joué un rôle très important dans le développement de ces échanges en permettant, non plus une simple communication descendante, mais un schéma plus complexeau sein duquel peuvent interagir des acteurs plus ou moins nombreux dans une logique de communication ascendante. Plus spécifiquement, dans notre étude, nous avons choisi de nous intéresser aux processus communicationnels existantentre un client et une communauté d’internautes (discussion sur des forums spécialisés par exemple) et entre un client et une entreprise (à l’instar des contributions évaluatives de sites marchands par exemple).

Emetteur
Récepteur
one few many
Ent. Client Ent. Client Ent. Client
one Ent. x
Client
few Ent.
Client x
many Ent.
Client x
figure im1

2 La multiplicité des niveaux d’échelle analytique qui apparaît dans le tableau ci-dessus a deux conséquences principales : la diversité des possibilités d’interaction entre tous les acteurs du schéma, et la grande richesse du contenu de ces interactions (texte, vidéo, son…). D’un point de vue managérial, ajoutons qu’Internet démocratise aujourd’hui ce que l’on appelle le feedback, c’est-à-dire la réponse directe du consommateur à l’émetteur du message. Les progrès technologiques de l’informatique permettent au contenu de ce feedback dedevenir plus riche mais aussi plus volatile : chaque information peut être copiée, déformée, amplifiée et diffusée massivement à travers la toile et ce, sans aucun contrôle. Cette volatilité de l’information auprès de la cible a certes toujours existé à travers le phénomène de bouche-à-oreille, mais Internet constitue un réel catalyseur et amplificateur de cette volatilité.

3 Les nouveaux médias et leurs usages de type Web 2.0 contribuent ainsiau développement d’une nouvelle forme de dialogue avec les consommateurs (blogs, forums et autres chats). D’après une étude menée en 2012 par TNS Sofres, pour 57 % des actifs 2.0 (soit les personnes recherchant et émettant des avis en ligne sur les entreprises), Internet arrive en troisième position des sources d’information qui inspirent le plus confiance, derrière les incontournables associations de consommateurs (84 %) et l’entourage (82 %).

4 On notera que les secteurs pour lesquels l’information est la plus abondante (tourisme, transports, automobile, téléphonie mobile…) sont aussi ceux pour lesquels elle est jugée la plus fiable. Un tiers des internautes exprimant des avis sur le Web et sur des sites d’entreprise – équilibrés entre favorables et défavorables – constatent une modification de l’image qu’ils ont des sociétés dont ils sont clients (55 % en positif et 45 % en négatif) ; les deux autres tiers ne changent pas d’opinion et sont donc confortés dans leur jugement. La capacité des entreprises à prendre en compte ces tendances émergentes sera déterminante pour établir la confiance, la fidélité et la recommandation de leurs clients, d’autant plus que 25 % des internautes se disent tout à fait intéressés pour intégrer un groupe ou un réseau de clients, afin d’échanger des informations, partager des avis sur une entreprise et son secteur. Cette tendance est particulièrement forte pour la grande distribution, les domaines du sport, du bricolage, des loisirs, de la beauté, ou encore des produits alimentaires.

5 Au départ, le marketing participatif résulte de la volonté des consommateurs de donner leur avis plus que de la volonté des marques elles-mêmes (B. Cova et P. Ezan 2008). Dans un second temps, les entreprises ont développé les outils de communication en se rendant compte que plus les consommateurs sont sollicités, plus ils se sentent investis et développent une relation unique avec la marque. Selon une étude réalisée en 2012 par TNS Sofres confirmant les travaux de R. Divard (2011), 40 % des membres de la génération Y demandent à participer à la création des produits et à la vie des marques.

6 Nous cherchons notamment à savoir comment se construit cette relation afin d’identifier les effets de levier qui permettront aux entreprises de proposer des réponses stratégiques adaptées. En outre, les recherches en marketing relationnel ainsi que les études en psychologie sociale sur l’engagement participatif permettent d’appréhender la participation (active et passive) de l’internaute comme un processus majeur dans la construction de cette dynamique relationnelle. L’acte de participer notamment en émettant un jugement ou une opinion s’inscrit dans des niveaux d’explication psychologique et sociologique très complexes, de nombreux aspects comme le sentiment de passivité versus activité, ou le degré de contrainte versus sentiment de liberté ne pourront pas, malheureusement, être développés ici. Après le rappel des notions essentielles mais succinctes nécessaires à notre étude et au travers d’une double revue de la littérature, nous nous proposons de vérifier sur le terrain expérimental la validité de nos hypothèses.

1. Contributions psychosociologiques pour comprendre la démarche du Marketing Participatif Numérique

1.1. Principes pour l’entreprise

7 Le marketing participatif consiste à demander l’avis et la participation des consommateurs (prospects et/ou clients). Pour cela, il existe différents supports sur lesquels on peut solliciter cette participation : les blogs, les chats, les forums, les réseaux sociaux, les spots télévisés et les supports papier, mais aussi et surtout les questionnaires en ligne ou sondages qui se développent de plus en plus… Les entreprises peuvent interroger les consommateurs sur la création d’un nouveau logo, la couleur d’un packaging ou leurdemander de proposer un slogan. Par exemple, chaque année, Danone interroge ses consommateurs sur un nouveau parfum pour sa fameuse « Danette ». Ainsi, le marketing participatif permet aux marques de mieux comprendre les besoins de leurs consommateurs et de s’adapter à leurs envies, mais il possède d’autres avantages. Les marques savent qu’un consommateur qui participe est un client plus fidèle. En effet, le client qui s’implique génère un effet d’entraînement, il est un très bon levier et peut influencer son entourage. La marque gagne en visibilité et en notoriété grâce au bouche-à-oreille car un client satisfait, le fait savoir autour de lui. Par ailleurs, les réseaux sociaux permettent d’amplifier ce phénomène et de partager très rapidement les avis grâce aux « J’aime », commentaires ou autres tweets. Selon les différentes études consultées et citées dans cet article, les chiffres d’affaires auraient nettement progressé pour les entreprises qui ont su s’implanter sur ces nouveaux moyens de communication avec leur public. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que les membres de ces groupes virtuels seraient plus loyaux vis-à-vis des sociétés marraines des communautés (L. Arnone et al., 2010). Les entreprises qui génèrent et contrôlent ces communautés ont ainsi accru la fidélisation de leur clientèle à un degré très important. Mais si les communautés virtuelles modifient les rapports entre clients, entreprises et fournisseurs, c’est aussi un moyen direct d’augmenter le bouche-à-oreille, donc les flux, doncin fine, les transactions.

8 Parfois étiquetés Web 2.0 selon la terminologie deT. O’Reilly (2005), les sites des réseaux sociaux valorisent les individus grâce à des trames techniques, des pages d’identification qui savent mettre en avant les caractéristiques saillantes de chaque profil. Ainsi, les caractéristiques principales de l’identité se lisent rapidement et l’on pense très vite savoir à qui l’on a affaire, ce qui permet d’interagir quasi instantanément. L’interaction génère des liens entre les membres des communautés, mais fournit aussi des méthodes de notation et d’évaluation des comportements tels que le modding (dérivé de modération), qui se réfère à un type de cote de confiance autorisant les membres d’une communautéà évaluer d’autres utilisateurs avec un système de notation numérique : c’est un mécanisme autorégulateur. Ce mode de communication interne spécifique des systèmes ouverts, tel queles communautés numériques publiques, peut s’analyser sous l’angle d’un effet de boucles de rétroactions envisagées dans la Théorie générale des systèmes de K. L. Von Bertalanffy dès 1937. Cette conception systémique nous montre la dimension organisationnelle du modding, qui englobe les interactions entre individus. C’est pourquoi le niveau d’analyse, qui privilégie les relations individus-groupesprésenté dans notre tableau ci-dessus, ne devra pas pour autant exclure des explications de niveau groupal, organisationnel ou sociétal. Refermons cette parenthèse pour revenir aux aspects interindividuels du modding. Nous savons que le fait de donner son opinion, d’« évaluer » et de « juger » favorise le sentiment d’appartenance des acteurs sociaux : « je donne mon avis, donc je participe, en tant que membre ou que citoyen, à la fabrication de l’identité de mon groupe d’appartenance, ici la communauté numérique ». La question de la construction de l’identité sera donc très nettement liée à celle de la socialisation des consommateurs internautes qui attendent une plus-value identitaire dans le fait de participer à la co-construction de l’image des organisations, marchandes ou non.

9 Les sites Web peuvent ainsi se servir d’outils sociaux permettant aux consommateurs de ressentir des connections sociales entre eux. Les communautés en ligne favoriseraient l’interaction et la socialisation des consommateurs, notamment en ce qui concerne l’échange d’informations (L. Arnone, 2010). Selon S.S. Srinivasan et al. (2002), la capacité pour les consommateurs à échanger de l’information et à comparer leurs expériences via des interactions communautaires sur les sites marchands pourrait augmenter l’« e-fidélité ». L’interaction sociale aurait donc un effet positif sur l’« e-fidélité » (H. Isaac et P. Volle, 2008). Nous savons en effet que d’une façon générale, les relations interpersonnelles structurent et ajoutent du sens à la vie des individus. Le développement de la personnalité dépend d’ailleurs en grande partie des relations forgées avec les autres. Cette notion de création de sens par la relation est également appréhendée dans les recherches sur la consommation, en particulier dans les études sur les effets de possession d’objets et leurs impacts sur la définition du soi. Il est assez naturel, à partir de ces affirmations, de franchir le pas initié par B. Cova (2006) sur la créativité communautaire et ses bénéfices pour la marque, notamment à travers le cas Ferrero, et considérer que les interactions inter-consommateurs et consommateurs-marques produisent du sens également pour l’identité de l’entreprise. C’est ce qu’on appelle donc plus communément la notion d’empowerment, qui revient à laisser une partie de la création de sens décrite précédemment aux consommateurs. Donner du pouvoir créatif aux consommateurs permet de générer de la valeur. En effet, selon le courant positiviste, en co-créant la fonction et le sens de son expérience, le consommateur co-construit de la valeur pour lui-même (R.F. Lusch et S. L. Vargo, 2006). Un autre avantage peut être la réduction des coûts puisque la participation des consommateurs est souvent apportée gratuitement ou avec des incentives maîtrisées.

1.2. L’e‑fidélité et la relation d’engagement mutuel en ligne

10 Les déterminants de la fidélité en ligne sont liés à de nombreux facteurs. Nous insisterons sur l’impact de la familiarité du site sur le client. Celui qui connaît bien un site marchand y serait plus attaché qu’en IRL[2]. Il serait moins méfiant et si, au fil du temps, sa satisfaction se dégrade, cet effet serait moins sensible en ligne, comparativement au commerce conventionnel. Par ailleurs, on pourrait croire que le contexte concurrentiel explique naturellement le degré de fidélité, mais plus les alternatives sont nombreuses et répondent aux attentes des clients, moins la satisfaction explique la fidélité. Ce phénomène serait plus important dans le commerce électronique que dans le commerce traditionnel(H. Isaac et P. Volle, 2008).

11 Le bouche-à-oreille est en général, vu comme un effet de l’engagement (J. L. Moulins et E. Roux, 2008) ou un effet provoqué par un certain type de fidélité (S. Gounaris et V. Statakopoulos, 2004). F. F. Reichheld etP. Schefter (2000) vont plus loin et affirment même qu’Internet a amplifié les conséquences positives de la fidélité. Ceci est dû à plusieurs facteurs, dont une plus grande facilité dans l’élargissement et l’approfondissement de la gamme proposée aux internautes fidèles, mais aussi et surtout au principe de recommandation, aujourd’hui généralisé sur le Web. Les nouveaux clients recrutés par lebuzz, rapporteraient beaucoup, relativement au faible effort d’investissement. De nombreux travaux(M. Lopez, 2012) se sont attachés à la compréhension du phénomène de l’« e-fidélité » sur Internet. L’essentiel de ces efforts de recherche s’est concentré sur la définition des antécédents de l’« e-fidélité », pour au final, définir une série de points clés sur lesquels les praticiens du e‑marketing se doivent d’être vigilants et efficaces. La confiance est constituée d’éléments clés pouvant être utilisés pour décrire la nature d’une relation (P. Gurviez et M. Korchia, 2002) : c’est une condition nécessaire au développement d’échanges dans lesquels les partenaires présententdes garanties nécessaires comme la fiabilité et l’intégrité.

12 D’autres travaux ont également intégré des facteurs qui dépassent la simple notion de confiance. Ces facteurs sont liés au consommateur lui-même, tels que le niveau de satisfaction vis-à-vis du site, ou « e-satisfaction » (S. S. Srinivasan et al., 2002), et le niveau d’interaction interpersonnelle (D. Cyr et al., 2007). Mais l’échange de ressources entre parties influence particulièrement le degré d’engagement mutuel au sein de la relation.

13 L’utilisation d’Internet permet au consommateur de développer sa stratégie d’acheteur malin par le biais de la recherche d’informations. Près d’un internaute sur deux recherche aujourd’hui l’avis de consommateurs sur internet, alors qu’ils n’étaient qu’un sur quatre en 2005 (E-marketing. fr). Si la grande majorité se contente de lire les commentaires déposés par d’autres internautes, 21 % ont déjà écrit des messages ou participé à des chats sur ce sujet, 30 % recommandent des sites donnant des informations sur des produits et 21 % donnent leur avis sur des produits ou services (TNS Sofres- 2012). Ces échanges développés à travers les blogs, la participation à des forums de discussion ou à des réseaux sociaux ont un impact sur la consommation. L’information recueillie est perçue comme objective et satisfait la quasi-totalité des internautes qui l’ont recherchée. Ainsi, 66 % des internautes recherchant l’avis de consommateurs sur internet ont confiance dans les commentaires collectés sur des forums, des blogs ou des newsgroups. Internet s’ajoute aux autres sources plus qu’il ne s’y substitue. Les internautes recherchant l’avis de consommateurs sur internet utilisent plus de sources que la moyenne : 44 % s’informent auprès d’au moins trois sources sur les quatre proposées, contre 34 % parmi les internautes et 10 % parmi les non internautes (Marketing-Professionnel. fr).

14 Un concept central de la GRC [3] est que le client ne consomme pas que des biens et des services, mais qu’il achète aussi des émotions (P. Hetzel, 2002). L’implication émotionnelle revêt ici un rôle déterminant (B. Cova et al., 2003). Aujourd’hui sur le Web, l’implication commence par un acte simple, peu coûteux, qui constitue une forme de préparation à l’expérience consommatoire. Il peut être constitué d’un simple clic pour participer à un sondage ou à un jeu concours. Mais cet acte simple n’est pas forcément si facile à obtenir car l’acteur numérique se méfie et doit d’abord avoir confiance dans le site qu’il visite. Le but est d’établir une relation durable par un engagement renouvelé et réitéré grâce à des actes signifiants.

15 Savoir qu’un ami a apprécié un site, voir qu’un grand nombre de personnes l’utilise quotidiennement ou bien yrepérer des individus d’apparence sympathique semblables à l’internaute, va générer de la réassurance, et donc induire une augmentation de la conversion. En outre, lorsqu’un internaute affiche son opinion ou publie un commentaire, il s’expose et s’affirme publiquement, il met en jeu sa propre notoriété (J. Denouël et F. Granjon, 2011) : ce qu’il diffuse l’engage et d’une certaine manière, le fidélise à son ou ses groupes. L’engagement participatif qui comporte une double dimension, d’implication psychologique et de lien social, jouerait donc un véritable rôle de ciment interne et externe dans la construction de l’identité, et donc de la fidélité.

1.3. La fidélité et l’engagement participatif vus par la psychologie sociale

16 De nombreux auteurs se sont penchés sur le concept d’identité et sur son rôle dans les processus d’achat. Il existe un lien affectif fort entre l’individu et ses environnements. Ce qui est important dans la relation entre le lieu et l’individu, c’est l’histoire qui se crée. Le lien avec l’environnement, physique et social, est un construit identitaire, qui nécessite un temps de maturation (V. Des Garets et al., 2003). Ces retombées sociales sont liées aux engagements réciproques qui se tissent entre l’individu et le groupe dans une forme de relation solidaire.

17 Les attachements identitaires et communautaires ne sont pas neutres dans les choix de consommation et les relations entre les individus jouent ainsi un rôle important dans le fait de leur appartenance, ou pas, aux communautés virtuelles. Il existerait deux dimensions de cet attachement : la première serait concrète et révélée par des faits matériels, repérables objectivement, comme la participation régulière, le temps passé, le nombre de clics… Et la deuxième, plus fantasmatique, projective et imaginaire, comme la place dans les favoris, sur la page ou le profil, la qualité et le sens des interventions, les significations profondes des raisons de l’investissement affectif. Par exemple, pourquoi est-on attaché profondément à une communauté qui défend le patrimoine maritime ou à un groupe qui promeut le Nutella ?… La dimension psychanalytique des investissements affectifs ne nous échappera pas. Mais nous la considérerons comme une variable explicative en dehors de notre champ d’investigation et impossible à opérationnaliser. Pour autant, par souci de rigueur scientifique il semble important de ne pas assimiler les dimensions sociales et psychologiques de l’attachement.

18 En effet, les deux niveaux sont parfois confondus par les auteurs et les termes d’attachement, de dépendance et de sentiment d’appartenance ne sont pas toujours différenciés. La dimension psychologique de l’attachement nous renvoie à des significations profondes de la consommation en tant qu’expressiondu soi individuel et simultanément, du soi collectif. Pourtant, même en se limitant à des explications de type social de la participation et de l’engagement, on peut se demander pourquoi certains clients s’impliquent à ce point dans des réseaux à vocation commerciale, comme s’il s’agissait d’œuvres caritatives, dont ils ne tirent pourtant aucun profit matérielni bénéfice moral, si ce n’est celui d’être client privilégié. S’agit-il d’un nouveau statut, en émergence : celui de « consommateur-citoyen » ? (C. Cristau 2006, F. Reniou, 2009). En réponse à cette question, nous pouvons citer bien entendu, le sentiment d’appartenance communautaire, qui va, grâce aux réseaux sociaux et à leurs communautés d’amis, être réactivé (M. A. De Gail, 2013). Mais les logiques comportementales du consommateur à l’ère numérique seraient hybrides.

19 Selon les psychologues sociaux (F. Girandola, 2003,F. Girandolaet R. V. Joule, 2008), plusieurs facteurs seraient des ingrédients pertinents pour établir un lien entre les individus et leurs actes, notamment d’engagement et donc de fidélité :

20

  • le caractère public qui augmenterait la propension à rester fidèle à ses promesses,
  • la « force de l’habitude », le fait de répéter ou de reproduire des scénarios bien rodés,
  • le caractère irrévocable de l’engagement (un engagement lié financièrement, légalement, juridiquement, sacramentellement…),
  • le coût de l’engagement (psychologique, financier, de temps…),
  • le caractère explicite (un acte qui a un sens clairement intelligible dans un contexte donné, par exemple un acte valorisé par la morale, la culture, la religion…),
  • le sentiment de liberté ou de libre arbitre au moment de l’engagement.

21 C’est la force du lien qui déterminerait la puissance et la pérennité de l’engagement. Si les notions de motivation ou d’attitudes, dans de telles situations, sont loin d’être suffisantes et si un lien doit être créé entre le sujet et son acte, quelle est la nature de ce lien ? Il semble que le caractère public puisse aider à consolider une promesse en lui donnant un « poids social » et une « visibilité » qui incite l’individu à être cohérent vis-à-vis de lui-même et des autres. La communication numérique a ceci de particulier qu’elle est visible du plus grand nombre. L’individu qui expose ses idées publiquement, engage sa notoriété et sa cohérence et ce, même s’il agit sous un pseudo (P. Lardellier, 2013). Il en va de même sur les réseaux sociaux : les commentaires sur une marque, un produit, une entreprise, restent inscrits dans l’histoire numérique de l’individu. La plupart des clients numériques, comme les clients IRL, ont pris l’habitude de faire leurs courses sur certains sites et ne souhaitent pas forcément en changer. Dans le commerce électronique, un certain temps de pratiques régulières engage aussi le consommateur à devenir fidèle. Une action entraîne une autre action, dans ce domaine, les actes seraient plus engageants que les idées. Ceci reviendrait à dire que la fidélité entraîne la fidélité. Pour simplifier, l’on pourrait dire que l’essentiel du coût psycho-cognitif est la conséquence du temps passé, de l’antériorité, de l’implication émotionnelle et aussi de l’accoutumance et de l’habitude.

22 Fidéliser se transpose ainsi sur le net, mais si l’on se réfère aux théories de l’engagement qui sous-tendent la notion de fidélité, la première condition est que la personne se sente libre. Une étude réalisée en 2010 par A. Martin et al., a montré que la simple induction sémantique d’un sentiment de liberté, « vous êtes libre de… », dans une requête envoyée par mail à plus de 900 internautes pour visiter un site humanitaire augmente considérablement le taux d’acceptation, et que le caractère humanitaire ne change rien à ce taux. D’un autre côté, des expériences démontrent que le fait que le client-internaute se sentelibre de s’engager ou de s’impliquer augmente le nombre de clics, le temps passé sur le site et le nombre d’achats. Le concept d’engagement explique que l’individu se sent lié à ses actes notamment parce qu’il a le sentiment de décider d’agir de son plein gré. Plus l’individu a le sentiment d’agir dans un contexte de liberté, surtout si ce contexte est public, plus il persistera de façon durable dans son action et il sera prêt à la justifier (C. Jacob et al., 2004). L’internaute doit se sentir libre de surfer au gré de ses humeurs sans contrainte. Le moindre sentiment inverse risque de provoquer ce que les psychologues sociaux appellent de « la réactance » qui pourrait être à l’origine d’un certain nombre de comportements regrettables (agressivité au téléphone, commentaires négatifs sur les forums, bad buzz sur les réseaux sociaux, procédures abusives voire blocage de sites…).

23 L’époque de la passivité du consommateur seraitdonc révolue. Mais sidonner son avis est assimilable à un acte préparatoire à l’engagement, la participation de l’internaute serait ainsi canalisée dans le sens des dispositifs disponibles.

24 Dans certains cas, le marketing numérique peut faire appel à ce que l’on nomme des techniques d’engagement librement consenti : cliquer « J’aime » sur un produit engage le consommateur et multiplie la probabilité qu’il accepte plus tard, soit d’adhérer à un groupe de consommateurs, soit de devenir client privilégié, soit même d’acheter le produit. Ainsi en dotant la cible d’un statut d’acteur, on la pousse dans une démarche de communication engageantequi se distingue d’une démarche de communication persuasive « classique » (R. V. Joule et al., 2004, F. Bernard, 2007).

1.4. Limites du concept

25 À partir de cette dimension multifactorielle de la participation qui, nous l’avons constaté, nécessite à la fois un haut degré de confiance, de sens et de sentiment de liberté, certaines fragilités apparaissent. En donnant l’opportunité aux consommateurs de participer, l’entreprise peut se démarquer des concurrents en véhiculant des valeurs sociales, d’écoute, de dialogue et surtout de transparence. Mais lorsque ces consommateurs se fédèrent en communautés puissantes non générées ou contrôlées par la marque, cette dernière peut perdre la main sur la définition de son territoire, de ses valeurs, etc. En lien avec le phénomène internet, la consommation a effectué une véritable mutation (P. Hébel, 2013) : quand l’individu-consommateur prend l’ascendant dans la relation, il s’engage lui-même, mais sa participation peut devenir négative si le sens de son acte n’est pas clairement attaché à une motivation socialement positive. Si le consommateur ressent une pression, une entrave, réelle ou imaginaire, ous’il est déçu notamment par un discrédit lié à la notoriété du produit, de l’entreprise ou du site, il risque de chercher à s’affirmer comme un consommateur « rebelle » dans les interactions communautaires (L. Bobot et I. Barth, 2010).

26 En 2008, la proportion de consommateurs déclarant être incités à l’achat d’un produit parce que la marque leur inspire confiance a fortement chuté, passant de 65 % en 2007à 53 %, cette proportion étant remontée à 57 % en 2009 (P. Hébel, 2009). Il s’agit d’une baisse sans précédent depuis que le CRÉDOC [4] analyse cette motivation d’achat des consommateurs. Ayant longtemps été les seules à diffuser de l’information sur leurs produits, les marques se voient aujourd’hui concurrencées par les consommateurs eux-mêmes. Désormais, la communication des marques ne constitue plus qu’une source d’information parmi d’autres, soumise à caution, alors que celle provenant des autres internautes est valorisée. Internet transforme donc fondamentalement la relation que les consommateurs entretiennent avec les marques en rééquilibrant le rapport de force. Les consommateurs en sont conscients : 39 % estiment que, grâce à internet, ils ont plus de pouvoir face aux marques. Cette proportion passe à 45 % chez les internautes en général et 57 % chez les internautes recherchant des avis de consommateurs sur le net (TNS Sofres et BearingPoint).

27 Les réseaux sociaux sont donc de formidables viviers pour créer de nouveaux liens avec les consommateurs mais sont aussi une prise de risque. Avec les réseaux sociaux, il est difficile de contrôler les commentaires des internautes. Pour exemple, Hasbro ayant sollicité les internautes pour imaginer un nouveau jeu de Monopoly, a dû créer une édition avecla ville de Montcuq en complément de la célèbre version parisienne ! Les marques qui souhaitent contribuer à ces communautés doivent le faire de manière transparente par l’apport d’outils et de contenus de type informationnel (réponses à des questions de consommateurs, diffusion d’informations sur les marques et les produits aux responsables de la communauté, etc.).

28 Au final, si la coproduction spontanée peut de prime abord paraître valorisante pour la marque, on s’aperçoit que ses aspects ambivalents et incontrôlables selon le contexte obligent les praticiens à relativiser fortement son utilité.

Schéma 1

Modélisation de la recherche

figure im2

Modélisation de la recherche

2. Étude sur le contexte et les motivations des internautes à évaluer des sites marchands

29 La collecte des données s’est organisée d’abord à travers une phase qualitative, au cours de laquelle nous avons rencontré, dans le cadre d’entretiens en face-à-face, des responsables et des experts en marketing relationnel. Nous avons complété le dispositif de recueil de l’information par deux vagues de questionnaires administrés en ligne (132 répondants puis 187) : la population ciblée est constituée de toute personne utilisant Internet, les réseaux sociaux et ayant une expérience de visite ou d’achat sur des sites de vente en ligne. L’effectif consulté est composé d’hommes et de femmes (à part sensiblement égale), principalement jeune (moins de 50 ans) et résidant majoritairement dans les grandes métropoles françaises.

30 À partir des réponses apportées par les participants, nous avons choisi d’effectuer des tests de khi-deux d’indépendance afin de vérifier l’impact de nos variables explicatives d’étude (hypothèses présentées dans le modèle) sur la contribution évaluative du client (variable expliquée).

31 Il ressort en premier lieu qu’un grand nombre de personnes pensent, et c’est une évidence, qu’il est utile d’être informé avant d’acheter. Il est intéressant d’observer les habitudes et les outils qu’utilise notre panel de personnes interrogées pour s’informer avant achat, et l’on remarque qu’Internet est un outil largement exploité pour la recherche d’informations. En effet, 65 % des personnes vont sur des forums en ligne pour trouver les renseignements qu’il leur faut. Près de 43 % ont pour habitude d’aller s’informer directement sur le site et 36 % sur des sites spécialisés sur internet. 83 % des sondés reconnaissent lire les avis déposés sur les sites et 67 % les considèrent comme fiables. Cependant, même si aujourd’hui les clients sont indéniablement sensibles à ce type d’information, ils restent encore peu nombreux à participer et à laisser des observations. D’après les résultats de cette enquête, seulement 11 % de l’échantillon laisseraient des remarques.

32 H1 : La contribution du client numérique à l’évaluation des offres agit sur sa satisfaction et sa fidélité

33 Cette hypothèse a pour but d’évaluer l’importance des avis des internautes tant pour le site marchand que pour le consommateur lui-même, mais surtout d’analyser le lien entre la participation, la fidélité et la satisfaction. Nous pensons qu’un client actif (cyberconsommateur qui s’engage dans un processus évaluatif d’un site) est aussi un client plus satisfait, plus enclin à la fidélité qu’un client passif (cyberconsommateur non contributeur). Nous allons donc comparer le comportement des personnes qui ont déjà laissé des avis sur des sites d’achat en ligne avec ceux qui, à l’inverse, n’en ont pas rédigés. Tout d’abord, on constate que 30 % des personnes interrogées ont déjà donné leur avis sur des sites d’achat en ligne. Dans le cadre de l’évaluation des sites de réservation d’hôtel, la pratique de l’évaluation est plus courante que dans les achats de biens de consommation en général. L’évaluation est ici plus facile, ces sites proposant eux-mêmes et systématiquement des questionnaires d’évaluation quelque temps après le séjour du client dans l’hôtel : il y a une participation aux évaluations presque trois fois plus élevée (30 % contre 11,5 % en moyenne). Ce procédé est donc ici déjà généralisé puisque presqu’une personne sur trois y a déjà eu recours dans notre panel [5]. On observe que83,6 % des personnes ayant donné leur avis (PA) regardent les commentaires sur les sites marchands contre 77,3 % pour les autres. Ils sont également 67,7 % à estimer que ces évaluations sont d’une importance majeure contre 38 % pour les personnes n’ayant pas donné leur avis (PSA), soit une différence notable de presque 30 %.

34 On remarque également que 85,5 % des PA sont vraiment satisfaits de ces sites marchands alors que seulement 60,2 % de PSA le sont. On peut donc dire que le fait de participer, d’interagir sur les sites ou du moins de commenter des produits ou des services a une incidence positive sur la satisfaction du consommateur : 57,4 % des PA ont un site privilégié et 64,5 % d’entre eux se considèrent fidèles à ce site ; 26 % des PSA ont un site privilégié et 48,5 % d’entre eux se considèrent fidèles à ce site. On constate donc que le fait d’interagir a également une incidence positive sur la fidélité du consommateur.

35 L’hypothèse H1 est donc confirmée (khi-deux significatif).

36 Les résultats de l’enquête sont présentés en annexe dans les tableaux 1,2 et 3.

37 H2 : Plus l’implication et l’engagement du client numérique vis‑à-vis de l’offre sont importants, plus ce dernier est motivé pour participer à son évaluation et plus il sera actif dans sa participation Le principal axiome du marketing participatif est que permettre aux personnes de participer favorise l’adhésion à la décision prise, quelle que soit cette décision (« effet de Hawthorne ») [6]. Transposée aux opérations participatives, notamment sur le Web, cette idée signifie que le consommateur invité à donner son avis sur une marque ou un produit, sera plus enclin à s’attacher au site commercial de l’annonceur et à faire preuve de fidélité qu’en l’absence de consultation. Le levier viral peut donc être actionné pour inciter les contributeurs à enrichir et partager des informations, et à rechercher de nouveaux participants en activant notamment les réseaux sociaux (D. Burstein, 2012). Nous avons choisi de vérifier cette notion dans notre étude.

38 On remarque également que 41,5 % des PA pensent que répondre aux évaluations est un bon moyen d’être reconnu et respecté en tant que client alors que seulement 26,9 % des PSA pensent que c’est le cas. On devine donc que le fait de participer à la vie des sites, ici sous forme d’évaluation, amène les consommateurs à se sentir privilégiés et reconnus. Ce qui pourrait également augmenter la satisfaction et la fidélité.

39 L’hypothèse H2 est confirmée (khi-deux significatif).

40 Les résultats de l’enquête sont présentés en annexe dans le tableau 4.

41 H3 : Le client numérique est d’autant plus enclin à déposer son avis qu’il se sent libre de le faire

42 Les individus qui d’une façon générale se sentent libres d’agir seraient aussi ceux qui globalement seraient davantage participants, donc davantage satisfaits, et donc davantage fidèles. Dans notre deuxième questionnaire de 187 répondants, nous avons voulu introduire une autre dimension sur le sentiment de liberté dans le contexte de l’intention de s’engager. Cette étude abordait indirectement, et sans doute de façon fortuite au départ, la question « vous sentez-vous libre de répondre au questionnaire ». Cet item montrait que les répondants qui se sentaient plus libres de répondre au questionnaire étaient globalement plus participants ou plus enclins à s’impliquer dans des opérations participatives. On observe que 41,1 % des personnes interrogées affirment se sentir obligées de répondre à ce questionnaire, alors que 48,1 % affirment quant à elles ne pas s’y sentir obligées.

43 Pour faciliter la compréhension des résultats, nous poserons (P1), les individus qui ressentent une obligation et (P2), ceux qui ont un sentiment de libre arbitre.

44 On remarque que 32,6 % des P2 ont déjà donné leur avis sur un site marchand alors que seulement 22,4 % des P1 admettent avoir déjà transmis leur opinion. On note également que 72,4 % des P2 se sentent satisfaits de ces sites marchands contre 61,8 % des P1. D’après les résultats des tableaux 6 et suivants, 41,9 % des P2 disent avoir un site privilégié contre 29,3 % pour les P1. On observe également que la fidélité est plus importante chez les personnes avec un sentiment de liberté que chez les autres. En effet 48,2 % des personnes P2 affirment être fidèles à ces sites contre seulement 33,3 % des P1.

45 L’hypothèse H3 est confirmée (khi-deux significatif).

46 Les résultats de l’enquête sont présentés en annexe dans les
tableaux 5,6,7 et 8.

47 H4 : Le client numérique actif passe globalement plus de temps sur internet

48 Les résultats obtenus nous apprennent que 87,1 % des personnes interrogées, soit une grande majorité, sont habituées à faire des achats en ligne : entre un et cinq achats par mois. Les produits les plus couramment achetés sont en premier les vêtements, puis les transports en commun tels que des billets de train, des billets d’avion, ou encore l’utilisation de sites de covoiturage. On observe également que les personnes interrogées sont, pour la plupart, de gros consommateurs d’internet. En effet, près de 60 % d’entre elles y passeraient entre 1 heure et 3 heures par jour et plus de 20 % entre 3 heures et 6 heures Nous remarquons que ce sont les personnes qui passent le plus de temps sur internet qui sont également les plus participatives et les plus enclines à laisser des avis. En effet, seulement 5,6 % des personnes passant moins d’une heure sur internet donnent leur avis sur des sites de vente en ligne. Pour les personnes passant entre 1 heure et 3 heures, le pourcentage double et passe à 11,4 %. Pour les deux dernières catégories, les personnes passant entre 3 heures et 6 heures et plus de 6 heures sur internet, le pourcentage passe à 14,3 %. Il y a donc une relation entre le temps passé sur internet et la participation des internautes aux sites d’achat en ligne.

49 L’hypothèse H4 est confirmée (khi-deux significatif).

50 Les résultats de l’enquête sont présentés en annexe dans le tableau 9.

Conclusion et discussion générale

51 Nous constatons que nos hypothèses sont encouragées par les résultats de cette étude : les personnes qui participent aux évaluations sont globalement plus engagéesdans leurs interactions avec le site. Le temps passé sur internet est en général corrélé avec l’importance donnée aux commentaires et la participation aux évaluations. Les participants sont eux-mêmes plus attentifs aux évaluations des autres, mais ils sont surtout nettement plus satisfaits et se déclarent plus fidèles.

52 L’analyse des pratiques nous permet d’identifier différents types d’opérations participatives proposées sur le net : les jurys de consommateurs, les évaluations via des questionnaires de satisfaction, les concours, les forums, les blogs… Il est possible, même si ces modalités sont intrinsèquement hétérogènes, d’esquisser une comparaison analytique sur trois critères fondamentaux : primo, la possibilité de contrôler le processus participatif (faire en sorte que les contributions soient cohérentes avec la stratégie marketing de la marque) ; secundo, le niveau de simplicité de mise en œuvre du dispositif pour l’entreprise et tertio, la facilité pour le public de contribuer activement à l’opération.

53 Les jurys de consommateurs, invités à départager des projets et à évaluer des propositions de messages (Nespresso), répondent de façon satisfaisante à ces trois critères. L’entreprise garde une maîtrise complète du processus, simple à mettre en œuvre et très convivial pour les internautes. Cependant, les contributions apportées par les participants restent souvent limitées, puisqu’elles sont inscrites dans un cadre directif étroit (donner une note, répondre à une question à choix alternatif…). Il est donc important de compléter ce dispositif par une plate-forme créative dans laquelle, le contributeur peut véritablement apporter de la valeur ajoutée. La mutuelle Macif a ainsi, dans le cadre d’une campagne de prévention des risques associésaux pratiques nautiques, incité les internautes à réaliser des vidéos sur ce thème et à poster leur film sur une page dédiée au sein de leur site.

54 Uneobservation empirique des médias participatifs indique que seulement 1 % des visiteurs en ligne créent quelque chose, 9 % votent ou s’expriment sur ce qui a été créé et 90 % consomment cette création (J. Nielsen, 2006). Pour autant, cela ne remet pas en cause les avantages présentés par cette démarche coactive et les entreprises qui ont fait le choix de cette option n’envisagent aucun retour en arrière possible. Plus encore, avec la hantise d’être dépassées par l’univers numérique, les entreprises, à l’instar des dix plus grandes firmes mondiales, à l’exception d’Apple, font appel à la créativité des internautes(Y. Roth, 2012). C’est sans doute du côté des consommateurs que les perspectives sont plus incertaines. On peut penser que l’excès de sollicitations risque d’éroder leur intérêt. À cette lassitude, peut s’ajouter un certain découragement à l’idée que les professionnels de la communication captent de manière inique la valeur ainsi créée, même si l’argent n’est pas une motivation centrale dans leur participation. Ils peuvent aussi se sentir « grugés » et penser que leur besoin de reconnaissance est détourné (A. Caillé, 2007). C’est pourquoi il est indispensable que le contrat moral soit clair entre les parties pour ne pas risquer de décevoir. Hier, un engagement bilatéral réel et sincère était judicieux, aujourd’hui il est indispensable. L’explosion des moyens de communication entre l’entreprise et ses publics en accroissant la visibilité, est un facteur de risque pour les GRC qui seraient perçues comme manipulatoires. Si connaître les usages respectueux des réseaux sociaux est un atout considérable pour les marketeurs qui souhaitent s’y installer, dans l’idéal il serait de plus en plus nécessaire de se faire accompagner d’un guide initié qui saura décrypter les moindres traces et indices dans cette forêt de signes parfois énigmatiques.


Annexe

Tableau 1

Croisement : participation/consultation des avis

figure im3

Croisement : participation/consultation des avis

Tableau 2

Croisement : participation/importance des avis

figure im4

Croisement : participation/importance des avis

Tableau 3

Croisement : participation/satisfaction

figure im5

Croisement : participation/satisfaction

Tableau 4

Croisement : participation/reconnaissance

figure im6

Croisement : participation/reconnaissance

Tableau 5

Croisement : participation/sentiment de liberté

figure im7

Croisement : participation/sentiment de liberté

Tableau 6

Croisement : satisfaction/sentiment de liberté

figure im8

Croisement : satisfaction/sentiment de liberté

Tableau 7

Croisement : site privilégié/sentiment de liberté

figure im9

Croisement : site privilégié/sentiment de liberté

Tableau 8

Croisement : fidélité/sentiment de liberté

figure im10

Croisement : fidélité/sentiment de liberté

Tableau 9

Croisement : participation/temps sur internet

figure im11

Croisement : participation/temps sur internet

Bibliographie

  • Anderson R. E. etSrinivasan S.S. (2003), « E-satisfaction and e-loyalty ». Psychology and Marketing, 20 (2), 123-138.
  • Arnone L. ; Geerts A et Scoubeau C.(2010), Vers un modèle pratique des stratégies internationales de création de Communauté virtuelle B‑to‑C. Travail de séminaire, Université de Mons.
  • Bernard F. (2007), « Communication engageante, environnement et citoyenneté ». Communication & Organisation, n° 31, pp. 26-41.
  • Bobot L. et Barth I. (2010), « Du client « Roi » au client « déviant »».15es Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne, Dijon.
  • Burstein, D (2012), « 5 Lessons in Participatory Marketing from Doritos’. “Crash The Super Bowl” And CM0 Ann Mukherjee” » www.fastcocreate.com/1679605/
  • Caillé A. (2007), La quête de reconnaissance. Nouveau phénomène social total. Paris : La découverte, coll. « Textes à l’appui », 302 p.
  • Cova B., Louyot M.C. et Louis-Louisy M. (2003), « Les innovations marketing en réponse à la montée de l’hédonisme : Articulation avec CRM ? » Actes du 3e Congrès sur les tendances du Marketing en Europe, Université de Venise - ESCP-EAP
  • Cova B. (2006), « Développer une communauté de marque autour d’un produit de base : l’exemple de my Nutella The Community ». Décisions Marketing, n° 42, pp. 53-62.
  • Cova B. (2008), « Consumer Made : quand le consommateur devient producteur ». Décisions Marketing, n° 50, pp.19-27.
  • Cova B. et Ezan P. (2008), « La confusion des rôles de consommateur et de producteur dans les communautés de marque : une complicité dangereuse ? ». Décisions Marketing, n° 52, pp. 51-60.
  • Cristau C., (2006), « L’attachement à une marque : conjonction de la dépendance et l’amitié ». Revue Française du Marketing, n° 207, p. 5-24.
  • Cyr D., Hassanein K., Head M. et Ivanov K. (2007), « The role of social presence in establishing loyalty in e-Service environments ». Interacting with Computers, n° 19 (1), pp. 43-56.
  • De Gail M. A. (2013), « La ritualisation des interactions sur Facebook ». Les Cahiers du Numérique, Lavoisier, Vol. 9, n° 3-4, pp. 111-133.
  • Des Garets V., Lamarque E. et Plichon V. (2003), « La relation entreprises-clients : de la fidélité à la dépendance ». Revue Française de Gestion, n° 144, p 23-41.
  • Denouël J. et Granjon F.(2011), Communiquer à l’ère numérique. Regards croisés sur la sociologie des usages. Paris : Presses des Mines, coll. « Sciences Sociales », 320 p.
  • Divard R. (2011), Le marketing participatif 2.0, Paris : Dunod, 160 p.
  • Girandola F. (2003), « Psychologie de la persuasion et de l’engagement ». Presses universitaires de Franche‑Comté, Besançon.
  • Girandola F. et Joule R. V. (2008), « La communication engageante ». Revue électronique de Psychologie Sociale, n° 2, pp. 41-51.
  • Gounaris S. et Statakopoulos V. (2004), « Antecedents and consequences of brand loyalty : An empirical study ». Journal of Brand Management, n° 11 (4), pp. 283-306.
  • Gurviez P. et Korchia M. (2002), « Proposition d’une échelle de mesure multidimensionnelle de la confiance dans la marque ». Recherche et Applications en Marketing, vol.17, n° 3, pp. 41-62.
  • Hébel P. (2013), La révolte des moutons, les consommateurs au pouvoir. Paris : Broché, 124 p.
  • Hetzel P. (2002), Planète conso. Marketing expérientiel et nouveaux univers de consommation. Paris : Éditions d’organisation, 392 p.
  • Isaac H. et Volle P.(2008), E‑Commerce : De la stratégie à la mise en œuvre opérationnelle. Pearson Education, 352 p.
  • Jacob C., Guéguen N. et Pascual A.(2004), « Evocation sémantique de la liberté et sollicitation d’une requête sur Internet : Analyse d’une nouvelle procédure d’influence du comportement de l’Internaute », La Revue des sciences de Gestion, Direction et Gestion, n° 201-202, pp33-41.
  • Joule R. V., Py J. et Bernard F. (2004) « Qui dit quoi, à qui, en lui faisant faire quoi ? Vers une communication engageante ». Dans M. Bromberg et A. Trognon (Eds), Psychologie sociale de la communication, Paris : Dunod, pp 205-218.
  • Lardellier P. (2013), Nos modes, nos mythes, nos rites. Le social, entre sens et sensible. Paris : Éditions EMS, coll. « Societing », 271 p.
  • Lopez M. (2012), « Présence des marques dans les communautés virtuelles de consommation », Thèse de doctorat en gestion, Université Paris 2 Panthéon-Assas.
  • Lusch R.F. et Vargo S.L. (2006b), « The service‑dominant logic of marketing : Dialog, debate and directions ». Armonk, NY : M.E. Sharpe, pp. 406-420.
  • Martin A., Guéguen N. et Fischer-Lokou J. (2010), « The Impact of Guilt on Mimicry Behavior ». Social Behavior and Personality : an international journal, vol.38, n° 7, pp. 987-991.
  • Mencarelli R. et Puhl M. (2009), « La communication 2.0 : un dialogue sous conditions » Décisions Marketing, n° 54, pp. 71-75.
  • Moulins J.L. et Roux E. (2008), « Un modèle tridimensionnel des relations à la marque : de l’image de marque de fidélité et aux communications de bouche-à-oreille ». Actes du Congrès Marketing Trends, Venise.
  • Nielsen J (2006), « Digital divide : the three stages ». www.useit.com/alertbox/digital‑divide.html
  • O’Reilly T. (2005), « Qu’est-ce que le web 2.0 ?
  • Reichheld F. F. et Schefter P. (2000), « E-Loyalty- Your secret Weapon on the Web ». Harvard Business Review, July/august, pp. 417-444.
  • Reniou F (2009), « Opérations participatives des marques : pourquoi et comment faire participer des marques », Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Université Paris-Dauphine.
  • Roth Y., « 9 des 10 plus grandes marques font appel au crowdsourcing créatif », site de l’ESSCA Ecole de Management, Créateurs d’avenir, [En ligne] le 17 avril 2012, consulté le 15 mars 2016, URL : http://www.essca.fr/blogs/digital/2012/04/17/marques-crowdsourcing/
  • Srinivasan S.S., Anderson R. et Ponnavolu K. (2002), « Customer loyalty in e-commerce : an exploration of its antecedents and consequences ». Journal of Retailing, 78 (1), pp. 41-50.

Mots-clés éditeurs : GRC, relation client, e-consommateur

Date de mise en ligne : 30/09/2016

https://doi.org/10.3917/rsg.278.0031

Notes

  • [1]
    Technologies de l’Information et de la Communication.
  • [2]
    « In real Life »
  • [3]
    Gestion de la Relation Client
  • [4]
    Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de vie.
  • [5]
    Pour faciliter la lecture des résultats, on identifiera par (PSA), les personnes n’ayant pas donné leur avis et par (PA), celles ayant donné leur avis.
  • [6]
    Cet effet tire son nom des études de sociologie du travail menées par E. Mayo, F. Roethlisberger et W. Dickson dans une usine près de Chicago de 1924 à 1932.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions