Notes
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[1]
Accounting and Auditing Organization of Islamic Financial Institutions.
-
[2]
Islamic Financial Services Board. En mars 2011, l’IFSB a été institué en 2002 à Kuala Lumpur en Malaisie. Ce dispositif comporte 187 membres y compris la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la BIS, etc. (57 autorités de réglementation et de supervision, 8 organisations gouvernementales internationales et 122 acteurs de marchés et banques opérant dans 43 juridictions) http://www.ifsb.org/membership.php.
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[3]
Paragraphe 2, Norme 5, AAOIFI 2008.
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[4]
Paragraphe 8, Norme 6, AAOIFI 2008.
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[5]
Le contrat Musharaka est un contrat par l’intermédiaire duquel deux ou plusieurs partenaires associent leurs capitaux pour financer un projet.
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[6]
Paragraphe 8, Norme 6, AAOIFI 2008.
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[7]
Voir section 3.
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[8]
Paragraphe 16, Norme 11, AAOIFI 2008.
-
[9]
Paragraphe 17, Norme 11, AAOIFI 2008.
-
[10]
Paragraphe 22, Norme 11, AAOIFI 2008.
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[11]
Paragraphe 23, Norme 11, AAOIFI 2008.
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[12]
Paragraphe 23, Norme 11, AAOIFI 2008.
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[13]
Pour le reste des pays échantillonnés, le reporting financier des banques islamiques ne nous permet pas de conclure si la banque islamique retient ou non des réserves pour gérer le risque commercial déplacé.
1 Les entreprises socialement responsables et éthiques sont parfois confrontées à des risques différents des entreprises conventionnelles du fait des contraintes qu’elles s’imposent et de la spécificité de leur mode de gestion. Pour survivre et se développer, elles doivent développer des méthodes de gestion des risques appropriées sans nécessairement avoir accès à toutes les techniques à la disposition des entreprises conventionnelles. Les banques islamiques, dont la résistance face à la crise financière de 2008 a illustré la nature spécifique de leur exposition aux risques ainsi que leur mode de gestion, nous semblent fournir une excellente illustration de cette problématique. Du fait des contraintes éthiques qu’elles s’imposent, leur exposition aux risques traditionnels (marché, crédit, opérationnel) est différente de celle des banques conventionnelles. Les institutions financières islamiques font face également à des risques qui leur sont propres du fait de leurs modes de fonctionnement particulier.
2 Dans cet article, nous analyserons le principal risque propre aux institutions financières islamiques : le risque commercial déplacé. Ce risque résulte de la mobilisation des fonds par la banque islamique sous forme de comptes d’investissement participatifs. Il découle plus spécifiquement du comportement de leurs titulaires qui, insatisfaits de la rémunération aléatoire offerte par leur banque, peuvent retirer leurs fonds, faisant courir un grave risque d’illiquidité à l’établissement. Face à ce risque, les banques islamiques ont développé des techniques originales de lissage des revenus sur les comptes d’investissement participatifs.
3 En dépit de ces techniques, un risque prudentiel demeure. L’accord Bâle II sur les fonds propres ne tient pas compte des risques associés aux instruments financiers islamiques, notamment le risque lié aux comptes d’investissement participatifs. Les institutions islamiques internationales de réglementationprudentielle, telles que l’AAOIFI [1] et l’IFSB [2], reconnaissent la particularité des banques islamiques et procèdent ainsi à des ajustements de l’accord de Bâle dans le but de développer une approche plus sensible aux caractéristiques spécifiques de ces institutions financières.
4 L’objectif de cet article est d’étudier de manière approfondie la nature du risque généré par les comptes d’investissement participatifs, les modes de gestion de ce risque ainsi que la réglementation prudentielle associée. La section 1 présente le fonctionnement des comptes d’investissement participatifs et identifie le risque commercial déplacé auquel la banque islamique est exposée suite à la gestion des comptes d’investissement participatifs. La section 2 expose les différentes méthodes de gestion du risque développées par ces établissements pour maîtriser le risque associé aux comptes d’investissement. Enfin, la section 3 fait une présentation critique des propositions de réglementation prudentielle des banques islamiques et, à partir d’un échantillon de ces banques, illustre la diversité des environnements réglementaires auxquels elles sont confrontées.
1. Les comptes d’investissement participatifs : théorie et pratique
1.1. Fonctionnement des comptes d’investissement participatifs
5 L’originalité des banques islamiques consiste à la mobilisation des fonds sous forme de comptes d’investissement participatifs, gouvernés par le contrat Mudaraba. Ce contrat spécifique met en relation un investisseur (apporteur de fonds/Rab al mal) et un entrepreneur (gestionnaire des fonds/Mudarib). Les titulaires des comptes d’investissement (les déposants) représentent les apporteurs des fonds, la banque islamique joue le rôle de gestionnaire de ces fonds pour le compte des déposants. La relation entre les titulaires des comptes d’investissement et la banque est donc une relation du type entrepreneur – investisseur, et non une relation créancier - débiteur comme dans le modèle conventionnel.
6 Les fonds placés en comptes d’investissement participatifs sont rémunérés au taux de rendement réel généré par les actifs financés par ces fonds d’investissement. Le taux de répartition du profit réel entre la banque islamique et les titulaires des comptes d’investissement doit être fixé à l’avance [3]. La banque islamique, en tant qu’entrepreneur, reçoit une rémunération pour son activité de gestion des fonds. En dehors du cas de violation du contrat ou de négligence, la banque (en tant qu’entrepreneur) n’a pas à garantir le capital investi ou la réalisation d’un profit minimum [4]. En pratique, la distribution des profits est un peu plus complexe car la banque islamique joue aussi le rôle d’investisseur. Le partage des profits se réalise alors de la manière suivante :
- Les profits sont alloués tout d’abord entre les actionnaires de la banque et les titulaires des comptes d’investissement (Composante Musharaka [5]). Selon l’AAOIFI, les profits générés par les investissements, conjointement financés par les fonds de la banque islamique et les titulaires des comptes d’investissement, sont répartis entre eux au prorata de leurs contributions en capital.
- La part des titulaires des comptes d’investissement est appelée le revenu de Mudaraba. De ce revenu, la banque prélève sa rémunération appelée couramment « Mudarib share » pour son rôle en tant que gestionnaire de fonds (Composante Mudaraba). Cette répartition se fait selon un ratio prédéfini. Les pertes résultant d’une mauvaise gestion ou de négligence de la part de la banque islamique, doivent être déduites de sa part du profit. Si les pertes dépassent cette part du profit, la différence est déduite de la part du profit rémunérant ses capitaux propres [6].
8 Les comptes d’investissement participatifs représentent théoriquement un mécanisme puissant d’atténuation des risques pour les banques islamiques. En théorie, elle n’a donc pas besoin d’exigences minimales en fonds propres si elle applique parfaitement le principe de partage des pertes et des profits avec les titulaires des comptes d’investissement. Mais, en pratique, la banque islamique doit prendre en charge tout ou partie du risque supporté par les déposants.
1.2. La pression commerciale
9 Les banques islamiques opèrent dans un environnement concurrentiel. Les concurrents peuvent être d’autres banques islamiques, ou, comme c’est le cas dans la majorité des pays, des banques conventionnelles. Les clients ont donc la possibilité de changer de banque facilement en cas d’insatisfaction.
10 Un taux de rendement trop faible sur les comptes d’investissement participatifs pourrait provoquer l’insatisfaction des déposants. Les titulaires de ces comptes risquent alors de retirer leurs fonds pour les placer dans une banque concurrente, cherchant ainsi une rémunération plus élevée sur d’autres investissements alternatifs. La banque islamique se trouve exposée à un risque de retrait massif des fonds et doit faire face à un problème de liquidité. Ce risque fait référence au risque lié à un taux de rendement des comptes d’investissement non compétitifs. Pour éviter ce risque, la banque islamique va essayer d’augmenter le taux de rendement offert sur les comptes d’investissement participatifs lorsqu’il est bas et prélever une partie du revenude ces comptes pour alimenter une réserve lorsqu’il est haut. La pression commerciale, incite donc les banques islamiques à lisser les revenus des comptes d’investissement.
11 Pour bien analyser le risque de retrait des fonds des comptes d’investissement, il faut comprendre la logique du comportement des détenteurs de ces fonds. Ces détenteurs poursuivent deux objectifs qui peuvent être conflictuels : d’une part, le respect de la loi islamique qui devrait les conduire à accepter les pertes éventuelles sur leurs dépôts et d’autre part, l’optimisation financière qui aboutit à la recherche de la meilleure relation rendement-risque pour leurs investissements. La pondération entre les deux objectifs dépend en grande partie du degré de conviction religieuse des déposants.
12 La littérature empirique sur le sujet se décompose en deux grandes familles. Une première catégorie d’études s’est intéressée à l’analyse du comportement des clients des banques islamiques et plus particulièrement, à comprendre les motifs qui les incitent à construire une relation avec les banques islamiques, soit pour le placement de leurs fonds soit pour la recherche de financements. La deuxième catégorie étudie les déterminants du volume des dépôts dans les banques islamiques et conventionnelles. Les résultats des études empiriques sur les motivations des clients des banques islamiques et conventionnelles (voir tableau 1) confirment que les deux critères principaux de sélection motivant le client à entretenir une relation durable avec une banque islamique sont le respect des exigences de la Shariah et la recherche de la rentabilité. S’ajoutent à ces deux motifs, des critères de choix classiques : la réputation de la banque, la proximité, la qualité de services bancaires, les coûts de financement, la relation avec le personnel, la compétence du personnel, etc. Ces résultats montrent que le risque de perte de clientèle est réel pour la classe des déposants guidés par la maximisation des profits car ces derniers peuvent se tourner soit vers les dépôts conventionnels, soit vers d’autres investissements islamiques en cas de rémunération insuffisante des comptes d’investissement. Le risque est plus faible pour les déposants qui cherchent à respecter leurs croyances religieuses.
13 Les études portant sur les interactions qui existent entre les taux d’intérêt, les taux de rendement et les volumes des dépôts islamiques (voir tableau 2), confirment également qu’une proportion non négligeable des clients des banques islamiques est guidée par la théorie de maximisation des profits. La majorité des études a montré qu’il existe une relation de long terme entres les taux d’intérêt, les taux de rendement des comptes d’investissement et le volume des dépôts conventionnels et islamiques. En effet, la fluctuation des taux d’intérêt sur les dépôts conventionnels cause la variabilité des taux de rendement sur les dépôts d’investissement dans les banques islamiques. L’augmentation des taux d’intérêt cause la hausse du volume des dépôts conventionnels et la baisse de celui des dépôts islamiques.
14 Certaines études montrent aussi que les banques islamiques ajustent leurs taux de rendement à la hausse (baisse) quand ce taux est inférieur (supérieur) aux taux conventionnels.
Revue de littérature sur les motivations des clients des banques islamiques (par ordre chronologique).
Auteur | Pays - Échantillon | Principaux résultats |
Cenzig Erol et al., (1990) |
Jordanie
434 clients des banques islamiques et conventionnelles | Le respect des exigences de la Shariah ne représente pas un critère de sélection significatif dans le choix d’une banque islamique. Les critères les plus pertinents incitant les clients à avoir une relation durable avec ces institutions : l’efficacité et la rapidité des services bancaires, la réputation de la banque et la confidentialité. La maximisation des rendements figure parmi les critères de sélection. |
Sudin Haron et al., (1994) |
Malaisie
301 clients des banques islamiques et conventionnelles (musulmans et non musulmans) | Les clients musulmans et non musulmans ont les mêmes critères de sélection des banques. Le respect des exigences de la Shariah ne représente pas la motivation principale pour être client d’une banque islamique. De ce fait, ces institutions ne doivent pas utiliser l’argument de la religion pour augmenter leur portefeuille client. Les deux catégories des clients (musulmans et non musulmans) considèrent la rapidité et la qualité des services bancaires en tant que critères de sélection les plus importants. La majorité des personnes interviewées disposent de faibles connaissances sur la finance islamique et sa dimension éthique. |
Ibrahim Hegazy, (1995) |
Égypte
400 clients des banques islamiques et conventionnelles |
L’étude montre que les clients musulmans et non musulmans ne présentent pas les mêmes critères de sélection pour choisir une banque. Les clients de banques islamiques, la majorité des musulmans, veulent se conformer aux principes de la Shariah. Les clients des banques conventionnelles (musulmans et non musulmans) ont classé la rentabilité comme premier facteur de sélection. D’autres facteurs comme : la proximité, le contact relationnel avec la banque, les recommandations des clients de la banque, etc., sont pris en compte par les clients. |
M. Metwally, (1996) |
Kuwait, L’Arabie
Saoudite et l’Égypte 385 personnes interviewées Interview téléphonique |
L’étude montre que le respect des principes de la Shariah est le facteur le plus important qui affecte le processus de décision des clients de confession musulmane pour choisir une banque islamique. Le second critère est l’offre de services bancaires habituels. La majorité des musulmans dans un système bancaire dual choisissent leurs banques pour des raisons liées à leurs croyances. Les banques islamiques ne diffèrent pas de celles conventionnelles en termes de rendements offerts. |
Thabet Edris, (1997) |
Kuwait
304 clients (des entreprises) de banques commerciales et islamiques |
La majorité des entreprises font affaire plus avec des banques commerciales que celles Islamiques. Par contre, « les pratiques bancaires islamiques » sont classées parmi les premiers critères de séléction d’une banque islamique. La majorité des entreprises sont multibanques. D’autres facteurs déterminants du choix d’une banque : la taille de la banque, l’efficacité du personnel, l’expérience de la banque, le relationnel avec le staff, la réputation et la proximité. |
Auteur | Pays - Échantillon | Principaux résultats |
Philip Gerrard & J. Barton Cunningham, (1997) |
Singapore
190 personnes interrogées (Musulmans et non musulmans) | L’étude montre que les interviewés disposent de faibles connaissances sur la finance islamique. La réponse à une question sur la possibilité de maintenir les dépôts dans la banque islamique même en cas d’un taux de rendement négatif était la suivante : 62.1 % de musulmans ont répondu qu’ils garderaient leurs dépôts tandis que 66.5 % des clients non musulmans retireraient leurs fonds. Le critère de sélection « avoir une rentabilité élevée » sur les dépôts est le plus dominant. Ce comportement est plus présent chez les clients non musulmans. |
Saad Metawa & Mohammad Al Mossawi, (1998) |
Bahreïn
300 clients des banques islamiques | Adhérer aux principes de la finance islamique est le plus important critère pour la sélection d’une banque islamique. Un taux de rendement élevé est le second critère de sélection suivi par les recommandations faites par la famille ou les amis. L’étude montre également que 75 % des clients des banques islamiques avaient déjà des comptes dans d’autres banques. 54 % d’entre eux ont maintenu une relation avec les banques islamiques de plus de 6 ans. 85 % des clients sont bien informés du fonctionnement des comptes d’investissement. Le profil des clients qui déposent leurs fonds dans des comptes d’investissement correspond à des personnes fortunées et bien instruites. |
Naser Kamal & al., (1999) |
Jordanie
206 clients des banques islamiques | L’étude montre que 73 % ded répondants estiment que la réputation de la banque est le premier critère de sélection d’une banque islamique. 70,4 % des répondants adhèrent aux services bancaires islamiques seulement par respect aux exigences de la Shariah. 29.6 % des répondants justifient leur choix d’une banque islamique seulement pour des raisons de rentabilité. 75 % des répondants disposent de différents comptes dans des banques islamiques et conventionnelles dans le but de diversifier leurs portefeuilles. |
Abdul Halim Abdul Hamid & Norizaton Azmin Mohd Nordin, (2001) |
Kuala Lumpur
967 clients des banques |
La majorité des personnes interrogées est informée de l’existence de banques islamiques en Malaisie. 50 % des interviewés entretiennent des relations avec des banques islamiques mais plus de 60 % d’entre eux ne font pas la différence entre les produits bancaires islamiques et conventionnels. |
Ahmed Norafifah & Haron Sudin, (2002) |
Malaisie
45 professionnels de la finance | La majorité des personnes interrogées indique que les facteurs économiques et la religion sont les facteurs les plus importants pour la sélection de services bancaires islamiques. Bien que les interviewés soient non musulmans, la majorité estime que la finance islamique est une alternative à la finance conventionnelle. La majorité des personnes interrogées dispose d’un niveau de connaissances faible sur les produits bancaires islamiques. 75 % des répondants estiment que les banques islamiques doivent faire un effort pour promouvoir les services bancaires islamiques. |
Saduman Okumus, (2005) |
Turquie
161 clients des banques islamiques | 77 % des clients expriment leur souhait de respecter les exigences de la Shariah comme premier critère de sélection d’une banque islamique. 67 % apprécient que les banques islamiques offrent les mêmes facilités bancaires que les banques conventionnelles. 24,2 % des répondants considèrent seulement le critère de rentabilité pour choisir une banque islamique. Le critère de rentabilité est classé 19e (sur 19 critères proposés dans le questionnaire). 31,7 % de répondants considèrent les deux critères en sélectionnant une banque islamique. |
Ashraf Wadji Dusuki & Nurdianawati Irwani Abdullah, (2007) |
Malaisie
750 clients des banques islamiques | Par ordre d’importance des critères de sélection : (1) la compétence du personnel de la banque, (2) le bon relationnel avec le personnel de la banque, (3) la qualité des services bancaires, (4) la réputation ‘islamique’ de la banque, (12) la proximité de la banque. L’étude ne considère pas la rentabilité comme critère de sélection d’une banque islamique. |
Alsadek Gait & Andrew Worthington, (2008) | Moyen orient-Asie |
L’étude différencie entre les clients particuliers et les entreprises et entre les musulmans et les non musulmans. L’étude analyse comment ces différentes catégories d’acteurs prennent leur décision pour être en relation avec une banque islamique. L’étude révèle que la conviction religieuse représente un critère de sélection-clé des banques islamiques surtout pour les particuliers musulmans. La réputation de la banque, la qualité des services, le coût de financement déterminent également la prise de décision. |
Jasim Al-Ajmi & al., (2009) |
Bahreïn
1000 clients des banques islamiques et conventionnelles | L’étude différencie trois catégories de clients : ceux des banques islamiques, ceux des banques conventionnelles et ceux qui sont clients des deux catégories de banques. Les clients de banques conventionnelles et islamiques partagent un certain nombre de motifs : la qualité des services bancaires, le bon relationnel avec le personnel de la banque, la compétence du personnel ; et diffèrent significativement sur d’autres : l’obligation religieuse, la réputation de la banque islamique. |
Ismail Ould Moulaye, Abdelkader Moulaye & Joël Jallais (2011) | Les interviewés sont classés en 3 catégories : Des personnes refuseraient d’être clientes dans une banque islamique à cause de l’emploi du terme « islamique ». D’autres adhèrent au principe éthique de la banque islamique mais se sentiraient comme intruses dans le système islamique. Pour d’autres encore, ils peuvent être séduits par le système bancaire islamique mais plus par intérêt pécuniaire que par éthique du système. |
Revue de littérature sur les motivations des clients des banques islamiques (par ordre chronologique).
15 Le risque d’insuffisance de rendements entraîne donc un risque de liquidité qui lui-même entraîne un risque lié au coût du refinancement. Ce risque est important lorsque la banque islamique dispose d’une clientèle attirée essentiellement par la rentabilité.
2. Gestion du risque lié aux comptes d’investissement participatifs
16 Le partage du profit sur les comptes d’investissement participatifs n’est donc pas la pratique commune d’un grand nombre de banques islamiques et ce, par pression commerciale, comme nous venons de le voir, ou par pression de l’autorité de régulation [7](Simon Archer & Rifaat Ahmed Abdel Karim, (2006 et 2009) ; Venkataraman Sundararajan, (2007 et 2008).
2.1. Identification du risque commercial déplacé
17 Le lissage des taux de rendement sur les comptes d’investissement expose la banque islamique au risque commercial déplacé, un risque unique qui leur est spécifique. Ce risque est identifié pour la première fois par l’AAOIFI en 1999. Le conseil des services financiers islamiques (IFSB) définit le risque commercial déplacé par :
18 “Displaced Commercial Risk refers to the risk arising from assets managed on behalf of Investment Account Holders which is effectively transferred to the Islamic Financial Institutions (IFI) own capital because the IFI forgoes part or all of its Mudarib’s share (profit) of on such fund, when it considers this necessary as a result of commercial pressure in order to increase the return that would otherwise be payable to Investment Account Holder’s” (IFSB 2005 ; Norme 76)
19 Le risque commercial déplacé fait référence aux pertes que la banque islamique absorbe pour s’assurer que les titulaires des comptes d’investissement participatifs sont rémunérés à un taux de rendement équivalent à un taux compétitif et ce, par pression commerciale. La banque islamique peut décider de réduire sa marge afin d’assurer une rémunération compétitive à ses clients. On assiste alors à un transfert d’une part des profits des actionnaires vers les titulaires des comptes d’investissement. Il y a donc un transfert de risque, théoriquement supporté par les titulaires des comptes d’investissement, vers les actionnaires, d’où le nom attribué à ce risque spécifique : le risque commercial déplacé. Ce risque spécifique résulte de la détention des comptes d’investissement dont la proportion varie considérablement d’une banque islamique à une autre, elle peut atteindre 80 % du volume total des dépôts.
Déterminants de volume de dépôts dans les banques islamiques.
Auteurs | Principaux Résultats |
(Beng.Soon. Chong & Ming-Hua Liu, 2009), Malaisie 1995-2004 | La fluctuation des taux d’intérêt cause la variabilité des taux de rendement sur les dépôts d’investissement dans les banques islamiques. Cette relation de causalité est vraie dans un seul sens. La rémunération des comptes d’investissement est positivement corrélée avec les taux d’intérêt sur les dépôts conventionnels à long terme. Les banques islamiques ajustent leur taux de rendement à la hausse (baisse) quand ce taux est inférieur (supérieur) au taux conventionnel. |
(Rahmatina Awaliah Kasri & Salina Hj. Kassim, 2008), Indonésie 2000-2005 | Une relation négative existe entre les taux d’intérêt et le volume des dépôts dans les banques islamiques. Une relation positive existe entre le nombre d’agences des banques islamiques et le volume des dépôts d’investissement participatifs. Un comportement de maximisation des profits est décelé chez les clients des banques islamiques. |
(Sudin Haron & Wan Nursofiza Wan Azmi 2008), Malaisie 2000-2005 | La variabilité des taux de rendement sur les dépôts islamiques (comptes d’investissement + épargne) et les taux d’intérêt sur les dépôts conventionnels affectent significativement le volume de dépôts (investissement, courant, épargne) dans les banques islamiques. L’augmentation des taux d’intérêt cause la hausse des dépôts conventionnels et la baisse des dépôts islamiques. Les clients des deux catégories de banques sont très sensibles aux rendements de leur placement. Les clients des banques islamiques considèrent l’aspect « rentabilité » en plus de l’aspect religieux. |
(Erna Rachmawati & Ekki Syamsulhalim, 2004), Indonésie, 1993-2003 |
Une relation positive existe entre les taux de rendement et le volume des dépôts dans les banques islamiques. Une relation de co-intégration (relation de long terme) se crée entre la série de volume des dépôts dans les banques islamiques et la série des taux de rendement. Un comportement de maximisation des profits est décelé chez les clients des banques islamiques. |
(Obiyathulla Bacha, 2004) Malaisie 1994-2003 | Les trajectoires des taux de rendement et des taux d’intérêt présentent des comouvements sur la période étudiée. L’étude révèle une proximité dans les mouvements de la série des taux d’intérêt et la série des taux de rendement. La fluctuation des taux d’intérêt conventionnels cause la fluctuation des taux de rendement sur les dépôts en banques islamiques. La variabilité du volume des dépôts dans les banques conventionnelles cause la variabilité du volume des dépôts islamiques. |
(Ahmad Kaleem & Md. Isa Mansor, 2003) Malaisie 1994-2002 |
La variabilité des taux d’intérêt cause la variabilité des taux de rendement sur les dépôts islamiques. Les Banques islamiques considèrent les taux d’intérêt avant d’ajuster les taux de rendement sur les dépôts en banques islamiques. |
Déterminants de volume de dépôts dans les banques islamiques.
2.2. Les outils de la gestion du risque commercial déplacé
20 La banque islamique peut s’engager dans un ensemble de pratiques qui servent à lisser les taux de rendement sur les comptes d’investissement de manière à offrir à leurs titulaires un taux de rendement comparable au taux d’intérêt sur les dépôts conventionnels ou à un taux de rendement offert sur les dépôts d’investissement d’autres banques islamiques, ou à tout autre investissement comparable. Les techniques de lissage des taux de rendement reposent principalement sur le transfert de revenu en faveur des titulaires de comptes d’investissement et la mise en place de réserves.
21 La banque islamique peut être amenée à faire varier le ratio de partage du profit, réduisant ainsi sa rémunération en tant que Mudarib (gérante des fonds d’investissement). En effet, la part des profits de la banque déterminée initialement est la part maximale, alors que la part distribuée réellement varie d’une période à une autre en fonction du taux de rendement réel (Simon Archer & Rifaat Ahmed Abdel Karim, 2006). La banque islamique peut réduire ou même abandonner sa commission de Mudarib au-dessous de la part contractée et attribuer temporairement de faibles bénéfices ou de plus grandes pertes aux actionnaires et ce, au profit des titulaires des comptes d’investissement. Elle atténue ainsi l’impact d’un faible rendement sur les dépôts d’investissement et évite un retrait massif des fonds.
22 La banque islamique peut prélever des réserves à partir des profits attribuables aux titulaires des comptes d’investissement et aux actionnaires. Elle peut inclure une clause dans les termes du contrat, donnant le droit à la banque islamique de retenir une certaine proportion du profit attribuable aux titulaires des comptes d’investissement (Simon Archer and Rifaat Ahmed Abdel Karim, 2006). Généralement, le montant prélevé pour les réserves est corrélé positivement avec le taux de rendement réel (Venkataraman Sundararajan, 2007). La banque islamique dispose de deux pratiques standards de rétention de réserves pour atténuer le risque commercial déplacé : Profit Equalisation Reserve [8] (PER) et Investment Risk Reserve [9] (IRR) (Simon Archer & Rifaat Ahmed Abdel Karim, 2006 ; Simon Archer et al., 2010 ; Venkataraman Sundararajan, 2008). Ces deux réserves sont recommandées par l’IFSB et l’AAOIFI.
23 La PER est retenue à partir du résultat brut de la banque islamique avant l’allocation des profits entre les actionnaires de la banque et les titulaires des comptes d’investissement (voir figure 1). Elle réduit ainsi les fonds réellement attribuables aux titulaires des comptes d’investissement et aux actionnaires. En période où le taux de rendement des investissements est supérieur à celui des investissements comparables sur le marché, la banque islamique peut maintenir une rémunération comparable à la rémunération du marché tout en prélevant une partie des revenus pour alimenter la PER (Simon Archer & Rifaat Ahmed Abdel Karim, 2006 ; Venkataraman Sundararajan, 2008). Le montant de la réserve appartient aux actionnaires et aux titulaires des comptes d’investissement participatifs (suivant le même ratio de partage du profit convenu dans le contrat Mudaraba) et servira à lisser un taux de rendement faible mais positif.
24 L’IRR est retenue à partir du revenu de Mudaraba qui représente la part du profit attribué aux titulaires des comptes d’investissement. Elle est prélevée après le calcul de la rémunération de la banque entant que Mudarib (Mudarib share) (voir figure 1). A la différence de la PER, le montant retenu d’IRR appartient entièrement aux titulaires des comptes d’investissement participatifs et servira à absorber les pertes sur leur capital investi. Cette réserve est donc utilisée dans le scénario extrême où le taux de rendement sur les comptes d’investissement participatifs est négatif.
La rétention des réserves PER et IRR (d’après l’AAOIFI).
La rétention des réserves PER et IRR (d’après l’AAOIFI).
25 En résumé, deux scénarios sont prévus. Dans le 1er scénario, le taux de rendement sur les dépôts d’investissement participatifs est faible (inférieur à un taux benchmark) mais positif. La banque islamique puise donc dans la part de la PER qui revient aux titulaires des comptes d’investissement pour lisser le taux de rendement. Dans le cas où la part de réserves de ces derniers n’est pas suffisante, la banque peut avoir recours à la part de la PER qui revient aux actionnaires. Dans le 2e scénario, le taux de rendement sur les dépôts d’investissement participatifs est négatif (perte). La banque islamique fait appel dans ce cas aux deux types de réserves. L’IRR servira à absorber les pertes. La PER servira à augmenter la rémunération jusqu’au taux benchmark pour assurer une rémunération compétitive aux titulaires des comptes d’investissement. Il est clair qu’en dépit de ces deux réserves, le revenu final des titulaires de comptes d’investissement participatifs peut être inférieur au benchmark faisant subir un risque résiduel à la banque.
26 La gestion du risque commercial déplacé exige une évaluation adéquate des montants de PER et IRR à prélever. Plus le montant des réserves est élevé, plus le risque commercial déplacé est faible mais plus le coût d’opportunité est fort. Cependant le niveau des réserves ne dépend pas uniquement des décisions de la banque, il varie en fonction de l’historique des rentabilitésdes investissements financés par les comptes d’investissement. Si les rentabilités ont été faibles dans le passé, le niveau des réserves sera probablement insuffisant pour faire face à un nouveau choc. De plus, la détention d’un niveau élevé de réserves fait subir un coût à la banque islamique et aux détenteurs de comptes d’investissement participatifs. La banque doit donc se doter de modèles statistiques sophistiqués pour gérer au mieux le niveau des réserves.
27 La combinaison de ces différentes politiques, à savoir la rétention des réserves, la réduction de la commission de Mudarib et le transfert des revenus des actionnaires aux titulaires des comptes d’investissement, modifie la rentabilité des actionnaires ainsi que l’ampleur des risques auxquels ils s’exposent (Venkataraman Sundararajan, 2008). Ces modifications auront des répercussions sur les décisions d’investir dans les banques islamiques qu’il conviendrait également d’étudier.
3. La réglementation prudentielle des comptes d’investissement participatifs
28 Les modèles conventionnels de réglementation prudentielle bancaire, notamment la réglementation de Bâle II, ne reconnaissent pas la particularité des banques islamiques (Simon Archer & Rifaat Ahmed Abdel Karim, 2007). La présence des comptes d’investissement participatifs affecte pourtant considérablement le ratio prudentiel proposé par Bâle II (Rifaat Ahmed Abdel Karim, 1996 ; Simon Archer & Rifaat Ahmed Abdel Karim, (2006 et 2009) ; Simon Archer et al., 2010). En application de l’accord de Bâle II, certaines banques islamiques ont tendance à comptabiliser les comptes d’investissement en hors bilan. Cette pratique tend à affaiblir leur capital.
29 Les autorités réglementaires islamiques internationales, l’AAOIFI et l’ISFB, essaient de combler le vide laissé par les accords de Bâle. La première est une organisation à but non lucratif créée pour promouvoir les principes de la loi islamique auprès des institutions financières islamiques. Sa mission consiste à harmoniser les pratiques comptables des institutions financières islamiques. Elle établit des standards en matière de comptabilité, d’audit, de gouvernance et d’éthique à l’attention des institutions financières qui souhaitent développer leur activité sur le marché de la finance islamique. L’objectif des standards publiés par l’AAOIFI est de contribuer à une plus grande harmonisation des produits et techniques de financement islamiques. La seconde représente un dispositif de supervision et de réglementation des institutions financières islamiques. Son travail complète celui du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Cet organisme a pour objectif principal de mettre l’accent sur la gestion prudente des risques dans les institutions financières islamiques. Il fournit un ensemble d’instructions sur les meilleures pratiques pour la mise en œuvre d’une gestion efficace des risques. L’IFSB s’est notamment efforcée de résoudre le problème lié au risque commercial déplacé.
3.1. L’analyse prudentielle des comptes d’investissement
30 La quantification du risque transféré des titulaires des comptes d’investissement aux actionnaires représente un défi pour les superviseurs en raison de leur caractère ambigu vu la divergence des pratiques en termes de partage des profits. La première question qui se pose aux superviseurs consiste à évaluer dans quelle catégorie sont classés les comptes d’investissement participatifs d’une banque spécifique, opérant dans une juridiction spécifique. Cette évaluation permettra d’estimer le niveau de risque supporté par les actionnaires et donc le besoin en capital réglementaire et/ou économique (Venkataraman Sundararajan, 2008).
31 Les comptes d’investissement sont des capitaux à maturité déterminée, ils ne doivent donc pas faire partie du capital de la banque. Cependant, ces fonds partagent avec les fonds propres la propriété d’être « risk absorbent ». Théoriquement, les fonds d’investissement mobilisés sur la base du contrat Mudaraba ne devraient pas être le sujet des exigences minimales de capital, sauf pour les pertes résultant d’une mauvaise gestion de la part de la banque islamique. Dans ce cas, la banque est soumise à un risque opérationnel classique. Par conséquent, le dénominateur du ratio prudentiel ne devrait inclure que le risque opérationnel associé aux comptes d’investissement. En pratique, la banque islamique se trouve obligée également d’assurer un minimum de fonds propres pour couvrir le risque commercial déplacé. Le risque commercial déplacé affecte le capital de la banque islamique et requiert ainsi une charge de capital additionnelle. Cette charge dépend de la politique de lissage et des réserves constituées dans le cadre de cette politique.
3.2. L’analyse des réserves PER et IRR par les autorités réglementaires
32 L’AAOIFI et l’IFSB considèrent PER et IRR comme des réserves prudentielles. Jusqu’à présent, la rétention des deux types de réserves n’est pas obligatoire. Par contre elle est fortement recommandée par ces deux institutions. L’AAOIFI recommande de présenter la part de PER réservée aux actionnaires comme composante des réserves totales et de l’intégrer aux capitaux propres [10]. Quant à l’IRR, l’AAOIFI recommande de l’inscrire comme composante des capitaux des titulaires des comptes d’investissement [11]. Elle effectue le même raisonnement pour la part de PER qui leur revient [12]. Contrairement à l’AAOIFI, l’IFSB (2005)recommande de ne pas inscrire les deux types de réserves avec les capitaux propres.
33 La majorité des autorités de régulation n’interviennent pas sur la méthode de calcul du taux de rendement sur les comptes d’investissement participatifs ainsi que sur le calcul des PER et IRR. La Banque Centrale de Malaisie par exemple, propose un intervalle de détermination de la PER par rapport au profit total mais pas un pourcentage spécifique.
3.3. Les ratios prudentiels proposés
34 L’AAOIFI a publié en 1999 « the Statement on the purpose and calculation of the capital adequacy ratio for islamic banks ». Cette proposition représente la première tentative pour développer un ratio d’adéquation en capital qui prend en considération les spécificités des banques islamiques. Le ratio proposé par l’AAOIFI est :
35 Avec CC : Comptes courants, CP : Capitaux propres, CI : Comptes d’investissement participatifs.
36 Ce ratio a le mérite de constituer un premier pas dans l’analyse réglementaire du risque commercial déplacé mais il ne propose aucune justification concernant le pourcentage de 50 % choisi. Actuellement ce ratio n’est plus utilisé.
37 L’IFSB a publié en 2005 « Capital Adequacy Standard for Institutions (other than Insurance Institutions) offering only Islamic Financial Services (IIFS) » et propose deux méthodes : une méthode standard et une méthode plus avancée. Dans la méthode standard, l’IFSB ne considère que l’aspect théorique des comptes d’investissement participatifs collectés à la base du contrat Mudaraba. La logique théorique dit que le capital investi par les déposants n’est pas garanti par la banque islamique, sauf en cas de mauvaise gestion des fonds de la part de la banque islamique (risque opérationnel). Le ratio est alors :
38 Avec CI : Comptes d’investissement participatifs.
39 Dans l’approche avancée (The supervisory discretion method), l’IFSB (2005) propose un ratio plus proche de la pratique :
40 Avec CIR : comptes d’investissement participatifs restrictifs,
41 CINR : comptes d’investissement participatifs non restrictifs.
42 L’intégration d’une proportion ? des risques de crédit et de marché des actifs, financés par les comptes d’investissement participatifs, permet de prendre en compte le risque commercial déplacé. Plus la valeur de ? est grande, plus la banque islamique absorbe une plus grande proportion de risques liés aux actifs financés par les comptes d’investissement participatifs (risque de crédit et risque de marché). Une valeur proche de zéro reflète des dépôts assimilables à des dépôts d’investissement purs. Par contre, une valeur proche à l’unité reflète des dépôts assimilables à des dépôts conventionnels. La politique de la banque islamique quant à la détermination des réserves PER et IRR affecte l’estimation de la valeur et donc la valeur des fonds propres minimum pour couvrir le risque commercial déplacé.
43 Le risque commercial déplacé résulte seulement de la gestion des comptes d’investissement non restrictifs. La banque islamique n’absorbe en aucun cas les pertes sur les actifs financés par la deuxième catégorie des comptes d’investissement (restrictifs) puisque la gestion est assurée par leurs titulaires.
44 L’IFSB (2005) laisse la détermination de la valeur de ? à la discrétion des autorités de supervision nationales. A ce jour, la majorité des autorités de régulation fixe arbitrairement la valeur de ? à un certain niveau et impose la même valeur à toutes les banques islamiques opérant sous son contrôle. Par exemple, la banque centrale à Bahreïn exige une valeur de 30 %. En d’autres termes, les banques islamiques supportent 30 % des risques pondérés (crédit et marché) des actifs financés par les fonds d’investissement pour atténuer l’effet du risque commercial déplacé. Les 70 % restants sont supportés par les titulaires des comptes d’investissement participatifs non restrictifs. Cette valeur est de 35 % à Dubaï et 100 % en Malaisie.
45 Simon Archer et al. (2010) critiquent le caractère en partie arbitraire, forfaitaire et indifférencié de ?. L’estimation de la charge de capital additionnelle liée au risque commercial déplacé est basée sur une estimation globale de l’autorité de régulation, indépendamment des caractéristiques spécifiques de chaque banque islamique sur le marché (exposition aux risques, nature des portefeuilles clients, pratiques de lissage des rendements sur les comptes d’investissement, etc.). L’application d’une valeur ? spécifique à chaque banque islamique serait plus appropriée que l’application d’une valeur unique (Venkataraman Sundararajan, (2007 et 2008) ; Simon Archer et al., 2010. Dans ce contexte, les banques islamiques doivent développer leur propre modèle interne pour quantifier la charge de capital pour le risque commercial déplacé.
3.4. La diversité des environnements réglementaires des banques islamiques
46 La pression réglementaire pour lisser les taux de rendement sur les comptes d’investissement participatifs diffère selon les régions du monde (Simon Archer & Rifaat Ahmed Abdel Karim, 2009). Dans la majorité des pays, avec un système bancaire dual, les autorités de régulation adoptent une politique protectrice desdéposants. Elles considèrent ainsi que les banques islamiques ne devraient pas permettre aux titulaires des comptes d’investissement participatifs de subir une perte sur leur capital déposé ou même une chute majeure du rendement de leurs placements. Dans ces conditions, les banques islamiques ont une obligation de continuer cette pratique de lissage des rendements. Ainsi, au lieu d’être volontaire (sous pression commerciale), la pratique de lissage devient obligatoire et les comptes d’investissement participatifs deviennent « virtually certain capital », un investissement virtuellement sans risque pour les déposants. Une ambiguïté considérable existe par conséquent en pratique sur la nature des comptes d’investissement participatifs.
Les approches adoptées pour la réglementation prudentielle des banques islamiques.
Les approches adoptées pour la réglementation prudentielle des banques islamiques.
47 En fonction de l’ampleur des risques absorbés par la banque islamique, les comptes d’investissement participatifs sont positionnés entre deux catégories extrêmes. La première catégorie est celle des dépôts conventionnels purs où les déposants n’encourent aucun risque de perte sur leurs placements en comptes d’investissement participatifs. La deuxième catégorie est celle des dépôts d’investissement purs où les déposants partagent le résultat réel avec la banque, comme le stipule le contrat Mudaraba à la base duquel ces fonds d’investissement sont mobilisés (Venkataraman Sundararajan, 2008 ; Simon Archer & Rifaat Ahmed Abdel Karim, 2006).
48 Nous avons étudié les directives des règlements bancaires publiés par les autorités de régulation de 33 pays où opèrent des banques islamiques dans le but de comparer les pratiques en termes de réglementations prudentielles des banques offrant des services financiers islamiques.
49 Les banques de notre échantillon opèrent dans un système bancaire totalement islamique (2 pays) ou un système bancaire dual (31 pays). Les pays échantillonnés sont présentés dans le tableau 3. L’étude des directives prudentielles confirme que les pratiques réglementaires gouvernant les banques islamiques varient à travers les pays. Cependant, les réglementations, même lorsqu’elles sont spécifiques, ne prennent pas toujours en compte les caractéristiques uniques du secteur bancaire islamique, tels que les comptes d’investissement participatifs et les risques spécifiques liés.
Les pays échantillonnés pour l’étude de la réglementation prudentielle des banques islamiques.
Système bancaire islamique | Système bancaire dual | |
Directives spécifique aux banques islamiques | Iran, Soudan |
Bahreïn, Émirats arabes unis, Kuweit, Jordanie, Qatar, Soudan, Pakistan, Égypte, Liban, Turquie, Singapour, Malaisie, Brunei, Indonésie. |
Pas de directives spécifiques aux banques islamiques |
Bangladesh, Sri-Lanka, Yémen, Arabie Saoudite, Oman, Palestine, Iraq, Tunisie, Algérie, Libye, Afrique du Sud, Gambie, Mauritanie, Niger, Suisse, Angleterre. |
Les pays échantillonnés pour l’étude de la réglementation prudentielle des banques islamiques.
50 Seules les autorités de surveillance des Émirats arabes unis, Malaisie et de Bahreïn ont examiné la réglementation prudentielle des banques islamiques pour s’assurer que leurs régimes sont conformes aux normes publiés par l’IFSB et l’AAOIFI. Ils reconnaissent explicitement le risque commercial déplacé et publient des directives sur ce risque. La Banque Centrale du Soudan considère aussi les normes sur les comptes d’investissement participatifs publiées par l’IFSB et l’AAOIFI dans la réglementation du secteur bancaire islamique, mais aucune directive spécifique sur le partage du risque avec les déposants n’est publiée.
51 Les autorités de régulation du Qatar, Pakistan et d’Égypte reconnaissent implicitement le risque commercial déplacé. La Banque centrale du Qatar a, par exemple, publié des directives traitant les comptes d’investissement participatifs. Les banques islamiques à Qatar sont obligées d’informer la Banque Centrale, au début de chaque période financière, de la proportion de partage des profits avec les déposants (le ratio de Mudarib share). Dans le cas où la banque islamique souhaite changer cette proportion, elle doit obtenir l’accord préalable de la Banque Centrale de Qatar avant l’allocation de la part des profits aux détenteurs des comptes d’investissement. En plus, toutes les banques islamiques doivent considérer que les profits distribués aux déposants ne doivent pas excéder leurs parts de bénéfices nets (après déduction de la commission de Mudarib). Dans le cas où la banque islamique désire distribuer plus de profits à ces déposants, elle peut diminuer sa part de commission de gestion (sa part de Mudarib share) de la période.
52 La banque centrale du Pakistan recommande aux banques islamiques de gérer les espérances de rentabilité de leurs actionnaires et des déposants en comptes d’investissement participatifs. Quand les taux de rendement du marché (de référence) des concurrents sont plus hauts que les rendements réels sur les comptes d’investissement participatifs, la banque islamique doit évaluer la rentabilité espérée par les déposants et doit évaluer ainsi le montant de l’écart entre les taux des concurrents et les taux de rendement attendus par la clientèle.
53 La Banque Centrale Égyptienne recommande que les banques islamiques déterminent les taux de rendement sur les dépôts en fonction du résultat. Par contre, ces taux de rendement pourraient être changés pour diminuer le risque.
54 Les institutions financières islamiques, dans un environnement réglementaire non adapté à leurs spécificités, fonctionnent conformément aux réglementations gouvernant les banques conventionnelles. Dans ce contexte, les comptes d’investissement participatifs basés sur le contrat Mudaraba sont assimilés à des dépôts conventionnels et donc le capital déposé doit être garanti. Les autorités de ces pays cherchent à promouvoir une situation équitable entre les banques conventionnelles et islamiques mais elles annoncent clairement qu’elles sont des régulateurs financiers et pas des régulateurs religieux. Néanmoins, l’autorité financière au Royaume-Uni (Bank of England) reconnaît qu’il y a un conflit potentiel entre la loi du Royaume-Uni qui exige des dépôts « garantis » et la loi de la Shariah qui exige que le client accepte le risque d’une perte pour avoir la possibilité d’un gain. Les banques islamiques au Royaume-Uni résolvent ce problème en offrant aux déposants le « remboursement complet » de leur capital investi, mais elle les informe tout de même de la part du profit réel qu’ils devraient recevoir en appliquant le vrai ratio de partage des profits. Cela permet aux déposants en comptes d’investissement participatifs de ne pas accepter « le remboursement total » si leurs convictions religieuses l’imposent.
55 Une grande diversité existe également en ce qui concerne la réglementation des réserves pour lisser les rendements des déposants en comptes d’investissement participatifs.
56 Les autorités de régulation du Bahreïn, des Émirats arabes unis et du Soudan prennent en compte les normes recommandées par l’AAOIFI et l’IFSB concernant la PER et l’IRR. La Malaisie autorise seulement la rétention de la réserve PER. Parmi les 20 banquesoffrant des services financiers islamiques au Royaume-Uni, seulement Islamic Bank of Britain publie la rétention de PER bien que l’autorité de supervision (La Banque d’Angleterre) n’ait émis aucune directive concernant la PER.
Étude comparative des réglementations prudentielles des banques islamiques dans le monde
Pays | Système bancaire | Nbre de banques Is* |
Directives
spéciales aux banques Is | Directives pour le RCD | Types de réserves publiées | Régulation des banques Is |
UAE | Dual | 8 | Oui | Oui | PER, IRR | IFSB, Basel II |
Bahreïn | Dual | 27 | Oui | Oui | PER, IRR | IFSB, Basel II |
Arabie Saoudite | Dual | 10 | Non | Non | - | Basel II |
Kuwait | Dual | 5 | Oui | Non | - | Basel II |
Qatar | Dual | 10 | Oui | Oui | - | Basel II |
Yemen | Dual | 4 | Oui | Non | - | |
Oman | Dual | 3 | Non | Non | - | |
Jordan | Dual | 3 | Oui | Oui | Investment Risk Account | |
Égypte | Dual | 5 | Non | Oui | - | |
Palestine | Dual | 2 | Non | Non | - | Basel1>basel II |
Liban | Dual | 3 | Oui | Non | - | |
Iraq | Dual | 7 | Non | Non | - | |
Iran | Islamique | 18 | Oui | Non | Retained allocable profit | |
Turkie | Dual | 4 | Oui | Non | Reserve deposits | Basel1>basel II |
Tunisie | Dual | 2 | Non | Non | - | Basel II |
Algérie | Dual | 2 | Non | Non | - | |
Libye | Dual | 2 | Non | Non | - | |
Soudan | Islamique | 31 | Oui | Non | PER, IRR | |
Afrique du sud | Dual | 5 | Non | Non | - | Basel II |
Gambie | Dual | 1 | Non | Non | - | |
Mauritanie | Dual | 2 | Non | Non | - | Basel I |
Niger | Dual | 1 | Non | Non | - | |
Singapore | Dual | 1 | Oui | Non | - | Basel II |
Malaysia | Dual | 21 | Oui | Oui | PER | IFSB, Basel II |
Indonésie | Dual | 161 | Oui | Non | - | Basel II |
Brunei | Dual | 2 | Oui | Non | ||
Bangladesh | Dual | 18 | Oui | Non | Investment loss off setting res. | Basel II |
Pakistan | Dual | 18 | Oui | Oui | - | Basel II, IFSB |
Sri-lanka | Dual | 3 | Oui | Non | - | Basel II |
Uk | Dual | 20 | Non | Non | PER | Basel II |
Suisse | Dual | 1 | Non | Non | - | Basel II |
Étude comparative des réglementations prudentielles des banques islamiques dans le monde
* d’après la liste des banques disponible sur le site de l’autorité de régulation.57 La Banque Centrale de la Jordanie oblige les banques islamiques à maintenir un compte appelé « investment risk fund » pour couvrir les pertes éventuelles. Ce type de compte est assimilable à l’IRR. Nous observons également que beaucoup de banques islamiques en Iran, Turquie et Bangladesh prélèvent d’autres types de réserves ayant le même objectif. Ces réserves sont respectivement “retained allocable profit”, “reserve deposits” and “Investment loss off setting reserve” [13].
58 Le tableau 4 synthétise la réglementation prudentielle en termes de comptes d’investissement participatifs et de rétention de réserves dans différents environnements réglementaires.
Conclusion
59 L’objectif de notre article était d’étudier de manière approfondie le risque commercial déplacé. Ce risque, propre aux banques islamiques, résulte de la gestion des comptes d’investissement participatifs. Le risque existe lorsqu’une banque islamique n’assure pas une rentabilité suffisante aux détenteurs de ces comptes. Ceux-ci comparent la rémunération qui leur est attribuée à celle des banques concurrentes et en conséquence retirent leurs fonds provocant ainsi un grand risque d’illiquidité pour la banque. La littérature montre que les pratiques des banques islamiques divergent de la théorie en ce qui concerne les comptes d’investissement. Sous pression commerciale et/ou réglementaire, les banques islamiques sont quelquefois contraintes de ne pas respecter le principe de partage du profit réel comme le stipule le contrat Mudaraba et lissent ainsi les revenus sur les comptes d’investissement participatifs. Ces pratiques bancaires sont prises en compte par la réglementation prudentielle des banques islamiques. Les dispositifs existant actuellement, notamment de l’IFSB, ne sont pas encore efficaces malgré les efforts qui ont été entrepris et beaucoup de critiques peuvent y être adressées. La principale limite de l’apport de l’IFSB est le caractère arbitraire, forfaitaire et indifférencié de la mesure proposée du risque commercial déplacé. L’estimation de la charge de capital additionnelle liée à ce risque est fondée sur une estimation globale de l’autorité de régulation, indépendamment des caractéristiques spécifiques de chaque banque islamique sur le marché (exposition aux risques, nature des portefeuilles clients, pratiques de lissage des rendements sur les comptes d’investissement, etc.). Développer leur propre modèle interne, pour quantifier la charge de capital pour le risque commercial déplacé, serait la meilleure solution pour les banques islamiques. Le modèle interne doit tenir compte des spécificités de la banque islamique ainsi que leurs pratiques en termes de lissage des profits.
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Mots-clés éditeurs : IFSB, réglementation prudentielle, Lissage des rendements, comptes d'investissement participatifs, Banque islamique, risque commercial déplacé
Mise en ligne 08/08/2013
https://doi.org/10.3917/rsg.259.0131Notes
-
[1]
Accounting and Auditing Organization of Islamic Financial Institutions.
-
[2]
Islamic Financial Services Board. En mars 2011, l’IFSB a été institué en 2002 à Kuala Lumpur en Malaisie. Ce dispositif comporte 187 membres y compris la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la BIS, etc. (57 autorités de réglementation et de supervision, 8 organisations gouvernementales internationales et 122 acteurs de marchés et banques opérant dans 43 juridictions) http://www.ifsb.org/membership.php.
-
[3]
Paragraphe 2, Norme 5, AAOIFI 2008.
-
[4]
Paragraphe 8, Norme 6, AAOIFI 2008.
-
[5]
Le contrat Musharaka est un contrat par l’intermédiaire duquel deux ou plusieurs partenaires associent leurs capitaux pour financer un projet.
-
[6]
Paragraphe 8, Norme 6, AAOIFI 2008.
-
[7]
Voir section 3.
-
[8]
Paragraphe 16, Norme 11, AAOIFI 2008.
-
[9]
Paragraphe 17, Norme 11, AAOIFI 2008.
-
[10]
Paragraphe 22, Norme 11, AAOIFI 2008.
-
[11]
Paragraphe 23, Norme 11, AAOIFI 2008.
-
[12]
Paragraphe 23, Norme 11, AAOIFI 2008.
-
[13]
Pour le reste des pays échantillonnés, le reporting financier des banques islamiques ne nous permet pas de conclure si la banque islamique retient ou non des réserves pour gérer le risque commercial déplacé.