Couverture de RSG_258

Article de revue

Dynamique des banques coopératives dans les expérimentations du microcrédit personnel : vers une nouvelle stratégie bancaire solidaire ?

Pages 101 à 108

Notes

  • [1]
    Le microcrédit personnel est qualifié de « garanti » dans la mesure où le Fonds de Cohésion Sociale garantit les prêts accordés à hauteur de 50 %.
  • [2]
    Page d’accueil du site internet construit en 2009 par la Caisse des Dépôts en vue de promouvoir le microcrédit personnel garanti : http://www.france-microcredit.org.
  • [3]
    Chiffres de la Caisse des Dépôts (22 mars 2011), extraits du site : http://www.caissedesdepots.fr/actualite.
  • [4]
    Nous définissons les finances solidaires comme l’ensemble des activités de microfinance (microcrédits personnel et professionnel, micro-assurance, et mobilisation de l’épargne solidaire), de garantie et d’expertise financières au service des personnes physiques et morales, en marge des services bancaires et financiers standards.
  • [5]
    Etude menée pour la DIIESES (aujourd’hui « Direction générale de la cohésion sociale ») sur la période 2008-2010.
  • [6]
    Nous rappelons ici que la loi de janvier 1984, appliquée en juillet, définit un établissement de crédit comme « une personne morale qui effectue à titre de profession habituelle des opérations de banques, comprenant : la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle ou la gestion des moyens de paiement ».
  • [7]
    Avant le changement de directeur en 2009.
  • [8]
    Caisse des Dépôts, Rapport d’activité, Exercice 2007, p. 22.
  • [9]
    Le COSEF est l’entité institutionnelle porteuse de la mise en œuvre du Fonds de Cohésion Sociale. Il représente un comité technique composé de banques et de têtes de réseaux accompagnants.
  • [10]
    Entretien du 27 avril 2009.
  • [11]
    Entretien du 27 avril 2009.
  • [12]
    Entretien du 26 avril 2009.
  • [13]
    Entretien du 26 avril 2009.

1 En temps de crise, la montée en charge des exclusions socioéconomiques interroge l’accès des personnes qui apparaissent les plus fragiles, non seulement au crédit bancaire pour soutenir des projets personnels, mais aussi aux moyens de paiement indispensables à toute intégration économique et sociale. Le microcrédit personnel garanti peut être considéré, dans ce contexte, comme un outil innovant d’inclusion à la fois financière et sociale (Georges Gloukoviezoff et al., 2008). Le microcrédit, tel qu’il est expérimenté en France, est dual : « professionnel » depuis le début des années 1980, et « personnel garanti [1] » avec le Plan de Cohésion Sociale, dit « Plan Borloo », en2005. Le premier est destiné à financer la création d’une microentreprise tandis que le second offre l’opportunité aux personnes exclues des systèmes financiers locaux de financer un « projet personnel, un parcours d’insertion, l’accès ou le maintien dans le logement, l’emploi[2]  ». La Caisse des Dépôts, gestionnaire du fonds de Cohésion Sociale, annonce pour l’année 2010 près de 8000 microcrédits personnels accordés, soit une progression de plus de 40 % par rapport à 2009. Le résultat 2010 porte à 19403 le nombre de prêts octroyés depuis 2005 [3].

2 Selon le modèle développé par la Caisse des Dépôts, le microcrédit personnel allie nécessairement « financement » et « accompagnement » ; ce qui le place au sein des finances solidaires [4]. Il repose sur la coopération entre un établissement bancaire prêteur et une structure d’accompagnement. Dès le lancement du dispositif, les banques de la sphère coopérative et mutualiste participent activement à l’offre du microcrédit personnel, tissant des « partenariats solidaires » avec des associations et collectivités locales (Marie-Claire Malot et Benoît Tremblay, 2004). Certains réseaux ont été très réactifs en menant très vite des actions d’accompagnement financier en faveur des plus démunis, tel le Point Passerelle du Crédit Agricole (Marie-Anne Barbat-Layani, 2006). Le Fonds de Cohésion Sociale renforce, depuis sa mise en œuvre, ces initiatives solidaires et en génère de nouvelles, comme celle notamment des « Parcours Confiance » de la Caisse d’Epargne.

3 En quoi le microcrédit personnel garanti constitue-t-il une nouvelle stratégie bancaire solidaire ? Dans quelle mesure renouvelle-t-il les pratiques de la sphère financière coopérative ?

4 Pour apporter des premiers éléments de réponse à ces questions, nous mobilisons les enseignements tirés de l’analyse interdisciplinaire des dispositifs expérimentaux de microcrédit personnel garanti de la région Pays de la Loire [5], l’un des territoires les plus dynamiques en la matière, et de la Ville de Paris, conceptrice d’un modèle original. Dans une première partie, nous montrons que le microcrédit personnel incarne une stratégie particulière qui semble inciter le système bancaire coopératif à innover en faveur d’un système solidaire alternatif. Dans une seconde partie, nous présentons une première typologie des dynamiques coopératives qui caractérisent l’expérimentation de l’offre de microcrédit personnel et, tentons de montrer que, sous certaines conditions, ces dynamiques peuvent provoquer une évolution significative du champ et, parfois même des pratiques, des banquiers de la sphère coopérative et mutualiste.

1. Le microcrédit personnel : Émergence d’une stratégie bancaire solidaire

5 La financiarisation de l’économie contraint les banques coopératives, depuis plus de vingt ans, à des acquisitions d’établissements ainsi qu’à des diversifications de production qui les placent face au « défi de la performance et de la solidarité »(Nadine Richez-Battesti et Patrick Gianfaldoni, 2006). Ainsi, le « microcrédit personnel garanti » représente un nouveau produit bancaire solidaire (Pascal Glémain et Pascale Moulévrier, 2011). Mais l’innovation attendue est moins neuve qu’on ne le laisse entendre.

6 En effet, l’histoire bancaire solidaire nous rappelle que, depuis l’Ancien Régime, pour aider les populations en situation de grande précarité à survivre, seule l’innovation bancaire solidaire – celle des « prêteurs de rue » au Nord ou des « banquiers aux pieds nus » au Sud (Jean-Michel Servet, 2006) – a pu offrir des éléments de réponse à l’exclusion bancaire en fonction des contextes et des périodes particuliers.

1.1. De la relativité de l’innovation bancaire solidaire…

7 L’économie bancaire et financière solidaire illustre parfaitement l’histoire de la banque et des banquiers en France (Hubert Bonin, 1992), et en Europe (Laurence Fontaine, 2008). Si les grandes étapes de la révolution bancaire ont placé à la fois les établissements de crédit [6] et leurs métiers face à une « modernité nouvelle » (Hubert Bonin, 1992, 13), certaines pratiques relevant de l’Ancien Régime (Laurence Fontaine, 2008) ont encore cours aujourd’hui, surtout quand il s’agit de services octroyés à des personnes morales et physiques en situation de précarité. Dans la seconde partie du XIXe siècle, comme le rappelle Patricia Toucas (2005, 28) à propos du modèle Raiffeisen, l’innovation bancaire coopérative « est de permettre aux cultivateurs pauvres d’éviter de contracter des emprunts auprès des banquiers ou des usuriers, en leur proposant des prêts avec un taux faible, et remboursables sur une longue période ».

8 Le principe de « solidarité illimitée des adhérents » était alors posé, faisant des banques coopératives des établissements nés « pour répondre au défi de l’exclusion bancaire » (Nadine Richez-Battesti et Patrick Gianfaldoni 2006, 145). Les différentes expérimentations au Nord et au Sud, y compris celle qui a été initiée par le Prix Nobel de la Paix 2006, Pr. Muhammad Yunus, relèvent plus ou moins du continuum de cette histoire bancaire solidaire, dont elles sont héritières.

9 Les prêts sur gage pratiqués en régime monopolistique par les établissements publics de crédit et d’aide sociale, que sont les Crédits Municipaux, constituaient déjà dans leur pratique, une forme particulière de microcrédit personnel dès le XIXe siècle, pour couvrir le plus souvent une trésorerie domestique en délicatesse de façon plus ou moins chronique. Cette pratique a été renouvelée avec l’expérimentation du « prêt stabilité » depuis la fin des années 1990, en coproduction avec les centres communaux d’action sociale (CCAS).

10 Le projet porté [7], notamment, par le Crédit Municipal de Nantes (en activité depuis 1815) consiste à lier ingénierie sociale et ingénierie financière, pour offrir un prêt honnête (à faible taux : 1 %) à ceux qui sont en besoin de financement, et qui se trouvent être plus ou moins privés d’accès aux services bancaires de base. Cette innovation bancaire solidaire, comme celles qui l’ont précédée, s’inscrit dans la lignée des instruments financiers solidaires dont l’ambition consiste, selon Benoît Granger et INAISE (1998, 111), à :

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  • contrer l’exclusion bancaire,
  • explorer le financement de nouveaux créneaux (recyclage, agriculture biologique…),
  • aider au financement de projets et à la création d’entreprises (TPE et FINES),
  • favoriser une dynamique locale par la coopération.

12 Contrer l’exclusion bancaire, c’est-à-dire la privation d’accès aux services bancaires de base, suppose que soit renouvelée la tradition coopérative bancaire. Mais le plus important, à notre sens, c’est que les expérimentations du microcrédit personnel renouvellent la théorie de la circulation (Richard Arena, 1984). En effet, les finances solidaires participent à la création d’une monnaie-flux, une monnaie endogène comme le fruit d’un crédit bancaire solidaire – le microcrédit personnel – destiné au financement des avances qui dévoilent de nouvelles capacités de dépense pour des bénéficiaires qui, jusqu’alors, en étaient privés. Ainsi, dans une perspective keynésienne, le microcrédit personnel, tel qu’il est défendu par les finances solidaires, s’apparente à une nouvelle forme de détention de monnaie qui calme les inquiétudes de ses détenteurs, en proie à des incertitudes socioéconomiques importantes. Il y a donc enrichissement du champ du « social banking » porté par l’économie bancaire coopérative et solidaire.

1.2.… au défi de la formalisation d’un autre système bancaire coopératif en France

13 Si « les coopératives résultent de projets volontaires et construits »(Jean-François Draperi, 2009, 508), alors le microcrédit personnel garanti est bien une innovation coopérative. L’histoire bancaire coopérative – y compris mutualiste (Pascale Moulévrier, 2002) – souligne l’implication de ces établissements coopératifs de crédit pour produire une nouvelle solidarité bancaire au service du local, définissant ainsi une véritable territorialisation de l’action bancaire solidaire, qui permet au territoire « d’advenir, d’exister, voire de devenir opératoire » (Martin Vanier 2009, p. 12), et à la cohésion sociale de trouver un outil de redistribution bancaire et monétaire qui fait sens, dans le cadre de la circulation effective de monnaie endogène qu’il induit.

14 Ce n’est pas « l’économique » qui structure ici la coopération entre les acteurs de l’offre de microcrédit personnel en vue de l’inclusion sociale de publics en difficulté, mais bien la recherche d’une territorialisation de l’activité bancaire et monétaire solidaire pour répondre à une demande d’accès au service bancaire et solidaire de base.

15 N’oublions pas que : « la fonction essentielle (de tout) système financier est celle de servir d’intermédiaire entre la demande de financement et l’offre de fonds » (P.H. Dembinski 2000, 54). La question reste de savoir comment elle s’exprime et, à quel prix pour quel risque ?

16 Dans la mesure où le système financier solidaire répond à des problèmes de financement et non à des besoins, il s’évertue à porter les valeurs de solidarité, d’aide aux personnes défavorisées (lutte contre les injustices), et de promotion des entreprises à vocation humaine en les soutenant financièrement.

17 Nous sommes proches ici du modèle italien de la Banca Etica, créée en 1988, dont l’objectif est de tisser des liens forts avec les entreprises d’économie sociale et solidaire, avec les collectivités locales, et les comités locaux (« gruppo iniziativa territoriale ») tournés vers le modèle de développement socialement soutenable. Nous ne sommes pas en présence d’un social business ; parce que l’accès au financement est considéré comme un droit social supposant une autre approche du risque client et du financement de l’intermédiaire financier via le taux d’intérêt. En effet, l’intermédiation bancaire solidaire ne s’inscrit pas dans la théorie traditionnelle du capital, qui suppose que « le produit ou rendement du capital n’est pas assimilé aux loyers des biens instrumentaux » (Paul Anthony Samuelson 1972, 320). Le microcrédit personnel peut être assimilé à un intrant qui permet de produire un service bancaire et monétaire solidaire de base. Or, les loyers des biens instrumentaux dépendent bien d’abord des conditions de la demande, et non des besoins de couverture des coûts de production du côté de l’offre. Les innovations bancaires solidaires n’ont pas pour caractéristique principale de faire de l’intérêt un outil de compensation « des chances » (Paul Anthony Samuelson 1972, 336).

18 L’idée consiste bien à extraire les « pauvres hères d’un pouvoir de négociation dont sont armés les riches prêteurs » (Paul Anthony Samuelson 1972, 336), en leur redonnant la force de la détention de cette forme particulière de monnaie sociale.

19 Pour comprendre cet « autre » système financier bancaire et monétaire, encore faut-il en observer ses acteurs. La coopération entre une banque « solidaire » et une structure sociale ne peut se réduire à une démarche institutionnalisée. Elle répond à des stratégies locales.

2. L’offre expérimentale de microcrédit personnel garanti : observation des dynamiques coopératives

20 Le microcrédit personnel met en lien deux mondes aux logiques différentes, mais qui s’articulent : le monde bancaire dont la fonction est de produire de l’argent, et le monde du social dont la vocation est le souci d’un « mieux-être » pour des personnes en difficulté dans une société monétarisée. Ces univers se positionnent sur deux aspects complémentaires que sont « l’avoir », l’argent, et « l’être », la personne. Un individu sans argent ne peut vivre et l’argent sans une personne ne peut avoir d’utilité. La mise en place d’un dispositif de microcrédit personnel provoque la rencontre de ces deux sphères. Elle jette les bases de coopérations interorganisationnelles, à la fois bancaires et sociales, basées sur la mutualisation de compétences et un ancrage territorial en vue de la réalisation d’un but commun : la lutte contre les injustices sociales.

2.1. Approche de la relation partenariale dans le modèle du microcrédit personnel

21 En 2006, la Caisse des Dépôts lance un appel à projets auprès du secteur bancaire pour délivrer des agréments aux partenaires qui souhaitent se lancer dans une phase nouvelle d’expérimentation du dispositif de microcrédit personnel. Les critères de sélection [8] des établissements sont les suivants :

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  • la pertinence de la stratégie bancaire pour atteindre les objectifs du microcrédit personnel,
  • l’appréciation de la mobilisation du réseau bancaire pour assurer une large couverture territoriale,
  • la mesure de leur capacité à nouer des partenariats avec les structures sociales et associatives en charge de l’accompagnement.

23 Nous retrouvons ici la triple dimension stratégique, territoriale et solidaire de l’offre de microcrédit personnel. La volonté originelle des décideurs au moment de la mise en place du Fonds de Cohésion Sociale, est bien d’encastrer le dispositif d’offre dans la coopération entre des structures bancaires et des structures dites « accompagnantes ». Cette approche est construite à partir d’une hypothèse forte sur le profil des demandeurs selon laquelle « la préparation des dossiers, la gestion des contacts avec le monde bancaire et le suivi de l’emprunt apparaissent souvent insurmontables pour des personnes qui s’avèrent, ensuite, d’excellents payeurs » (Marie-Anne Barbat-Layani, 2006). Au-delà d’un crédit, le microcrédit personnel consiste aussi en une proposition d’accompagnement destinée à réduire les injustices entre les individus. Afin de formaliser cette idée, un comité technique- le COSEF [9]- composé de banques et de têtes de réseaux accompagnants a rédigé une charte de l’accompagnement. Cette charte annexée à chacune des conventions établies entre une structure bancaire et sociale, précise quelques règles de collaboration entre les deux établissements.

24 L’analyse de l’offre de microcrédit personnel relève donc d’une approche partenariale, à travers une coordination basée sur la coopération. La logique coopérative, « qui se situe ainsi entre hiérarchie et marché, serait durable car la coordination requise entre les différentes entreprises membres du réseau est importante. » (Michel Ferrary et Yvon Pesqueux, 2004). Elle est décrite comme un “accord établi dans une perspective de longue durée, impliquant une interaction entre les membres d’organisations indépendantes qui combinent ou mettent en commun des actifs immatériels et/ou matériels afin de réaliser l’objet de l’accord et d’atteindre des objectifs communs et individuels” (Marc Ingham, 1994).

25 La coopération mise en œuvre par les partenaires de l’offre de microcrédit personnel incarne une stratégie relationnelle (Gérard Koenig, 2004). L’engagement apparaît alors comme une variable clé de succès de cette relation (Jakki Mohr et Robert Spekman, 1994). Il exprime la volonté des acteurs de fournir des efforts pour le compte de la relation et se manifeste par l’investissement en ressources tangibles et intangibles. L’accompagnement social et bancaire inhérent à l’octroi d’un microcrédit personnel incarne cette relation. Il consiste en un suivi individualisé et engagé qui a vocation à dépasser la seule demande de prêt pour aborder la situation bancaire et sociale du client. Il vise à prendre en compte l’ensemble des difficultés rencontrées par les emprunteurs dans l’accès au crédit. Les futurs bénéficiaires du prêt doivent être accompagnés par un référent, professionnel ou non, d’une structure sociale (associative ou publique). D’un côté, l’établissement bancaire ne peut a priori octroyer seul des microcrédits personnels car il ne peut proposer l’accompagnement nécessaire à l’intégration ou à la ré-intégration de l’emprunteur sur le marché bancaire classique. D’un autre côté, les structures sociales ne sont pas, pour la plupart, en mesure de gérer techniquement l’offre de prêts. Aussi, la coopération entre les partenaires bancaires et sociaux de l’offre de microcrédit personnel est motivée par le recours à des actifs spécifiques. Elle repose sur le partage de compétences : le partenaire bancaire possède l’ingénierie bancaire et le partenaire accompagnant met en œuvre l’ingénierie sociale.

26 La confiance, au même titre que l’engagement, anime la coopération. À partir des travaux de Patrick Gianfaldoni et Nadine Richez-Battesti (2006), nous pouvons observer que la coopération entre les banques coopératives et les associations s’explique à la fois par la confiance économique et par la confiance institutionnelle. En particulier, dans le cadre du dispositif d’octroi de microcrédits personnels, la confiance entre les structures partenairess’établit sur la base « d’un risque calculé et minimisé du côté de la banque, d’un prix minimisé et d’une prestation maximisée du côté de l’association ». Mais la confiance repose également sur le partage de règles de fonctionnement. Elle suppose un partage clair des rôles entre les acteurs, un échange d’information et d’outils de communication efficaces et des mécanismes de coordination clairs. Ainsi, la procédure d’octroi de microcrédits personnels coconstruite par l’établissement bancaire et la structure accompagnante offre un socle à la relation partenariale. Au-delà d’un simple mode de coordination, la coopération transforme les perceptions des acteurs et parfois même leurs comportements. Les organisations apprennent de l’apprentissage des individus qui la composent (Chris Argyris et Donald Schön, 1978). Cet apprentissage organisationnel, incarné en un répertoire de connaissances et/ou de procédures, revêt un caractère stratégique pour les partenaires de l’offre de microcrédit personnel. Ici, l’apprentissage dépasse les frontières de l’organisation et se situe dans « l’interorganisationnel ». La nature de la coopération entre les partenaires « bancaires » et « sociaux » va déterminer la nature de l’apprentissage. Selon le degré et la forme de la coopération à l’œuvre au sein du réseau, il est possible d’identifier un apprentissage mutuel, apprentissage individuel par influence réciproque des acteurs, et un apprentissage collectif qui correspond à un mode d’apprentissage en groupe, le « faire ensemble » caractérisant de l’économie sociale et solidaire.

2.2. Analyse empirique de la coopération dans les dispositifs de microcrédit personnel

27 L’analyse est menée en région Pays de la Loire, terre historique du maillage bancaire territorial, qui est l’une des plus dynamiques dans l’offre de microcrédits personnels garantis. La méthodologie employée repose sur l’analyse d’entretiens semi-directifs auprès des différents acteurs bancaires et sociaux de l’offre de microcrédit personnel (notamment les agents bancaires opérationnels et dirigeants du Crédit Mutuel, du Parcours Confiance… et les bénévoles opérationnels et dirigeants du Secours Catholique, des Restaurants du Cœur…). Trente-six entretiens ont été réalisés de septembre 2008 à juillet 2009 au sein de six structures bancaires et de dix structures sociales. Ces entretiens ont été complétés par l’observation des rencontres entre acteurs bancaires et sociaux lors de comités de crédit destinés à évaluer les dossiers de demande. Des entretiens ont également été réalisés en avril 2009 auprès du porteur de projet et de deux responsables du dispositif original conçu par la Mairie de Paris. La confrontation de nos résultats à la littérature sur la coopération interorganisationnelle et les dynamiques d’apprentissage permet d’identifier, pour le moment, trois formes de coopération principales entre les établissements bancaires et les structures d’accompagnement que nous qualifions de coopération « distanciée », de coopération « rapprochée » et de coopération « orchestrée ».

2.2.1. La coopération « distanciée »

28 Cette forme de coopération émane d’une volonté forte des porteurs de projet qui se diffuse plus difficilement au sein des organisations. Les dirigeants portent « à bout de bras » l’introduction du dispositif du microcrédit personnel au sein de leurs structures. Par exemple, la responsable d’une structure accompagnante se présente comme une « professionnelle du social » mais elle précise que les aspects de gestion l’ont toujours intéressée. Le projet du microcrédit a été une façon, en plus de son poste de direction, de mettre à profit son intérêt et les compétences qu’elle voulait développer. Le directeur de l’établissement bancaire avoue que, dans sa participation au dispositif de microcrédit personnel, c’est « le côté social qui (l’) intéresse ».Ainsi, il s’attache à mettre en place ce qu’il appelle le « banquier social », terme qu’il emploie fréquemment. Force est de constater que le projet n’est pas relayé avec le même enthousiasme au sein des structures respectives dirigées par ces porteurs de projet. Au sein de ce type de coopération, l’engagement des partenaires tient essentiellement à celui des dirigeants.

29 Les échanges d’informations entre les partenaires se réduisent à la construction et à la mise en œuvre de la procédure d’octroi du prêt. Les vecteurs d’informations entre les deux structures prennent essentiellement deux formes :

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  • Des informations institutionnelles plutôt informelles pour la mise en place du dispositif. Les deux porteurs de projet se sont rencontrés de nombreuses fois au démarrage de l’expérimentation. Paradoxalement, peu de rencontres ont été réalisées entre les membres de ces deux structures.
  • Des informations sous forme de procédures « obligatoires », réalisées de manière systématique, entre le personnel des structures partenaires pour obtenir l’information utile au dispositif d’octroi et de suivi du microcrédit (renseignement sur le fichage du demandeur, instruction des formulaires de demande de prêt, lettre d’information pour signifier les manquements au remboursement du crédit…).

31 Le partage des compétences est clairement identifié au départ : la banque détient l’expertise bancaire et la structure sociale celle de l’accompagnement. Une certaine convergence des compétences entre les partenaires peut se produire ensuite par l’expérience des dossiers de prêts instruits et non par la pratique des relations interpersonnelles.

32 L’analyse de l’évolution du partenariat révèle comment chaque structure a pu apprendre l’une de l’autre. Au début, les cultures des établissements s’opposent. Les agents de l’établissement prêteur révèlent une approche bancaire « classique ». Aussi, les dirigeants organisent des temps de rencontre pour se connaître et pour échanger. Ces moments aboutissent à la construction d’une « méthode » tenant compte des compétences collectives de chacune des structures : « l’écoute sociale » est réservée aux accompagnants et « l’écoute bancaire » aux agents de l’établissement prêteur. Dans une deuxième phase du partenariat, les agents bancaires découvrent les difficultés sociales des demandeurs de microcrédit et s’inscrivent parfois « dans le don » en validant la plupart des demandes. Dans une troisième phase, les dirigeants se satisfont d’un partenariat équilibré qui a mis environ deux ans à se construire. Ils témoignent : « On est bien calés ». « On a trouvé un équilibre ». « Nous avons des compétences solidaires, mutualisées ». Les agents bancaires deviennent moins « jugeants » grâce à leur participation au microcrédit personnel et se montrent plus ouverts lorsqu’ils sont amenés à recevoir des demandeurs de prêts dans le cadre d’autres partenariats. Les accompagnants reconnaissent avoir développé une meilleure connaissance du milieu bancaire même s’ils avouent avoir encore quelques difficultés « à parler d’argent ». Leur activité d’accompagnement dans le cadre du microcrédit personnel les pousse à sortir progressivement d’une relation d’assistance avec les bénéficiaires. Cet apprentissage est inhérent à la pratique, c’est-à-dire à l’instruction de dossiers de prêts, et non à l’interaction entre les acteurs opérationnels partenaires.

33 En résumé, cette forme de coopération se caractérise par un assemblage de logiques d’action « bancaire » et « sociale » émanant respectivement de l’acteur bancaire et de l’acteur social. L’engagement des dirigeants ne se concrétise pas par la création de ressources spécifiques communes, à l’exception d’une procédure d’octroi de prêts. L’information se transmet de façon structurée entre les partenaires opérationnels à travers un recours majeur à l’écrit. La construction de la dynamique coopérative a mis du temps à s’installer et reste fragile car les membres opérationnels des structures, les agents bancaires et les accompagnants, ne se sont pas pleinement approprié l’outil « microcrédit ». Les structures partenaires n’ont qu’une seule activité commune : la réalisation de microcrédits personnels garantis. Si les acteurs opérationnels ont changé de regard, ils n’ont pas réellement fait évoluer leurs pratiques en dehors de l’activité « microcrédit ».

2.2.2. La coopération « rapprochée »

34 Dans le cadre de cette forme de coopération, les partenaires révèlent un engagement fort à travers la mise en commun de ressources permettant la création d’un savoir-faire spécifique. Par exemple, l’association « Parcours Confiance » de la Caisse d’Epargne est une structure dédiée à l’offre de microcrédits personnels garantis. Elle met entièrement à disposition un agent bancaire pour former les accompagnants de la structure sociale, notamment les bénévoles, à l’offre de microcrédits. Ce type de coopération existe également entre le Crédit Mutuel et ses associations partenaires, comme les Restaurants du Cœur ou Familles Rurales. La finalité de la banque est non seulement de réinsérer un public spécifique dans une démarche bancaire « accompagnée » mais également de rester attachée à son territoire en consolidant ses liens avec les partenaires associatifs. L’association bénéficie de la confiance de l’établissement bancaire dans sa démarche d’accompagnement. Les échanges d’informations sont réguliers à la fois entre les responsables des structures partenaires et les acteurs opérationnels. Les bénévoles de la structure accompagnante rencontrent de manière régulière les partenaires bancaires puisqu’ils accompagnent le bénéficiaire au siège de la banque au moment de la signature de l’offre de prêt.

35 Un responsable du microcrédit personnel au Crédit Mutuel témoigne de cette relation avec les partenaires associatifs : « On se réunit très régulièrement, au minimum une fois par trimestre, et on fait le point sur les dossiers et on échange… on échange tous ensemble parce qu’on s’est dit que ce serait très enrichissant de se rencontrer et d’échanger tous ensemble[10] . »

36 Dans le cadre du partenariat entre Parcours Confiance et le Secours Catholique, la création d’une commission paritaire, le « comité de crédit », pour valider les dossiers de demande de microcrédit personnel permet aux acteurs de la structure bancaire et de la structure sociale non seulement de se rencontrer mais de se connaître. En dehors de cette instance décisionnelle, des temps de rencontre réguliers sont organisés entre les bénévoles et le banquier pour discuter des enjeux de l’accompagnement. La reconnaissance d’emblée des expertises respectives génère entre les acteurs opérationnels un climat de confiance favorable à l’apprentissage.

37 Les structures bancaires et sociales sont très éloignées culturellement : la première porte la culture de la banque ; la seconde, celle du don. Pourtant, les partenaires mettent en œuvre un modèle coopératif abouti à travers un respect mutuel des compétences respectives. Chaque partenaire respecte « le terrain » de l’autre. Au-delà, le banquier met en place une forme de tutorat à l’égard des accompagnants bénévoles qui manquent de connaissances bancaires.

38 Les bénévoles du Secours Catholique disent se sentir « plus en confiance » avec les agents bancaires et se montrent « moins réticents à « faire » du microcrédit personnel ». La structure accompagnante est sensibilisée au langage et au milieu bancaire tandis que le métier de banquier prend une dimension « sociale ». Il se produit une coconstruction des compétences. Parce que les relations entre les partenaires sont largement basées sur l’entraide, l’accompagnement réalisé par les bénévoles « de terrain » est facilité. Un banquier de Finances & Pédagogie, organisme de la Caisse d’Epargne, délivre de manière permanente et renouvelée des formations spécifiques, quasiment du « sur-mesure », aux bénévoles accompagnants du Secours Catholique. Au fil du processus d’instruction, les bénévoles « de terrain » bénéficient également, à la demande, du soutien du banquier formateur qui peut aller jusqu’à rencontrer avec eux le demandeur de microcrédit. Les bénévoles améliorent leur connaissance, au fil de l’instruction des dossiers et lors des contacts fréquents avec la banque, leur rapport à l’argent. Les agents bancaires de leur côté développent leur « sensibilité sociale ». Les accompagnants soulignent qu’« ils ont été obligés d’avoir un autre regard sur les demandes de prêt ». Ils parviennent à mieux cerner les attentes spécifiques de publics en difficulté. Un banquier témoigne de cet apprentissage mutuel : « On voit que les modes de fonctionnement ne sont pas les mêmes dans cesassociations, mais on s’enrichit mutuellement et dès qu’on est entré dans le processus de microcrédit personnel, on s’est dit qu’on ne savait pas où on allait ; on ne savait pas comment ça allait fonctionner ; qu’on était dans l’innovation et que dans tous les cas il fallait changer dès qu’on pouvait notre fonctionnement et adapter au cas par cas. C’est pour ça que nos partenariats fonctionnent bien, c’est qu’on est assez souple et on discute, on échange sur les pratiques des uns et des autres[11] . »

39 L’expérimentation du microcrédit personnel permet aux bénévoles des structures accompagnantes de changer leur regard sur les personnes en situation de pauvreté et de modifier en partie les caractéristiques des relations qu’ils établissent avec elles. Le résultat, même s’il existe, semble plus mitigé du côté des salariés de la banque qui ont pu évoluer dans leur perception sans pour autant changer radicalement leurs pratiques. Cet apprentissage mutuel se complète d’un apprentissage collectif qui produit un savoir-faire commun.

40 Les acteurs se rencontrent régulièrement, échangent, partagent leurs connaissances et leurs expertises jusqu’à apprendre ensemble. Cet apprentissage collectif et informel produit des pratiques sociales (ou routines) qui reflètent à la fois l’évolution de la résolution des problèmes et des relations interpersonnelles. Ces pratiques contribuent également à la production d’outils nouveaux. Par exemple, les accompagnants construisent avec le banquier des procédures formalisées, des guides d’entretien ou des outils d’aide à la gestion de budget.

41 L’établissement bancaire et la structure accompagnante peuvent être codécisionnaires dans l’octroi du prêt. Par exemple, Parcours Confiance et le Secours Catholique 49 ont coconstruit une instance décisionnelle : le comité de crédit. La mixité du comité de crédit fonde un équilibre du pouvoir entre les partenaires. Cette forme de coopération rapproche non seulement les univers bancaire et social des partenaires mais elle repose également sur la création d’un espace commun durable. La coopération dépasse le cadre de l’octroi de microcrédits personnels garantis. Par exemple, les bénévoles du Secours Catholique ont construit avec le soutien de la structure Parcours Confiance un projet de « garage solidaire » suite à l’expérience « microcrédit » qui a mis à jour de nouveaux besoins sociétaux.

2.2.3. La coopération « orchestrée »

42 Ce troisième type de coopération trouve pour illustration le modèle original adopté par le Crédit Municipal de Paris. Arrivant deux années après le lancement effectué par la Caisse des Dépôts, le Crédit Municipal de Paris s’empare du dispositif non pas pour être « la banque » qui offre du microcrédit personnel mais pour coordonner une plate-forme de partenaires bancaires et sociaux. Avant de se lancer dans le dispositif, le Crédit Municipal de Paris a réalisé une rapide enquête sur les modes de gouvernance existants et a choisi celui qui lui paraissait le plus efficace. Au départ, l’engagement est politique. La Mairie de Paris est à l’origine du projet. Elle est convaincue du bien-fondé du dispositif et le soutient en termes financiers, logistiques et politiques. Le Crédit Municipal de Paris est choisi comme porteur de projet sur la base à la fois de sa compétence et de son engagement caractérisé par une « fibre sociale ». Cette reconnaissance est également liée à la présence du directeur du Crédit Municipal de Paris qui connaît bien le milieu politique local et qui a déjà été impliqué dans des projets d’envergure. « Le Maire de Paris a pensé que ce serait bien de faire du microcrédit à Paris. C’est son idée. Ensuite son cabinet que je connais bien, m’a demandé ce que je pourrais faire par rapport à cette idée. C’est là que nous avons conçu le dispositif en dialogue avec, à la fois le cabinet du Maire de Paris qui nous a poussés dans cette affaire, avec d’autre part les services sociaux en s’appuyant sur les expériences existantes[12] ».

43 Cet engagement est relayé au niveau de l’équipe opérationnelle puisque les accompagnants bénévoles sont recrutés sur la base de leur militantisme.

44 Par ailleurs, le Crédit Municipal a actionné les réseaux politiques et sociaux pour informer les structures accompagnantes du nouvel outil bancaire mis à disposition. Les échanges sont structurés. Les permanences téléphoniques et les rendez-vous avec les demandeurs de prêts sont assurés par l’équipe accompagnante bénévole cinq jours sur sept dans les locaux du Crédit Municipal. Les bénévoles se trouvent sur les mêmes lieux que l’équipe de salariés et peuvent échanger à tout moment sur des problématiques liées aux projets et aux prêts. Les documents sont formalisés et permettent une clarté du dispositif : par exemple, un schéma récapitulatif complexe des acteurs mobilisés et de leurs missions ainsi que les différentes étapes et circuits d’un dossier ont été transmis à chacun.

45 Le Crédit Municipal a réussi à mettre en place un management où la rigueur et la souplesse dans le mode de fonctionnement vont de pair : les bénévoles réalisent un travail de professionnel mais rien ne les oblige à le faire que leur propre motivation. « L’orchestration » caractérise ce réseau. Le Crédit Municipal de Paris manage l’activité d’accompagnement, pilote le comité de crédits et assure le suivi des dossiers jusqu’au remboursement total des prêts. « On nous reconnaît un rôle d’orientation sociale mais qu’est-ce qu’on fait vraiment ? Nous voulons réaliser des choses réelles. C’est pourquoi on se soucie de la façon dont on va auditer notre travail[13] . »

46 Les liens entre le monde de la banque et le monde du « social » reposent sur la seule coordination de cet acteur central qui a mis en place un programme de formation propre et a réuni l’ensemble des partenaires bancaires pour réaliser un dossier d’instruction commun. Quatre banques concurrentes ont accepté de jouer le jeu.

47 Elles se retrouvent régulièrement autour de la table pour se répartir les prêts. Au sein de cette forme particulière de comité de crédit, elles agissent comme de véritables partenaires ets’appuient sur l’expérience collective pour juger de la recevabilité des demandes.

48 Ce type de coopération se fonde sur un engagement important des acteurs, pas seulement bancaires et sociaux mais également d’un acteur « politique » qui joue le rôle de chef d’orchestre. La mise en commun de ressources et d’activités entraîne la constitution d’actifs forts au niveau du réseau : procédure d’octroi du prêt, langage bancaire, méthode d’accompagnement… Ces actifs spécifiques consolident la confiance réciproque entre les partenaires et participent de l’efficacité et de la pérennité du dispositif.

Conclusion

49 Comme l’observe Alain Bernard (2006), responsable de l’économie solidaire au Secours Catholique et membre du COSEF, au lancement du dispositif de microcrédit personnel : « on ne prend du temps qu’avec ceux qui ont de l’argent. » Les contraintes économiques de marché auxquelles sont confrontés les systèmes bancaires coopératifs en Europe depuis 1992 (OCDE, 1992) les incitent à privilégier les clientèles qui répondent à la maximisation de leur produit net bancaire.

50 Afin d’éviter les dégâts de la discrimination entre les clientèles pour ne retenir que les plus rentables, les banques coopératives cherchent à promouvoir une nouvelle territorialisation de leurs opérations bancaires et financières solidaires. La nouvelle stratégie bancaire solidaire incarnée par le microcrédit personnel garanti redonne une actualité à la théorie de la circulation de la monnaie que l’économie capitaliste avait oubliée. Les partenariats tissés avec les structures associatives dans le cadre de l’expérimentation du microcrédit personnel permettent aux banques coopératives de renouer avec leurs origines. Parce qu’ils reposent sur l’engagement pour un projet commun et une confiance réciproque, ils conduisent à un apprentissage mutuel chez les partenaires. La participation au dispositif de microcrédit personnel réinjecte des pratiques sociales au sein de la banque coopérative tandis qu’elle favorise la professionnalisation des structures associatives.

51 Mais la portée de cet apprentissage repose largement sur le partage de règles et d’outils de communication communs. La formalisation d’une procédure d’offre de prêt ne constitue que le premier ingrédient de la relation. Le « faire ensemble », incarné dans des réunions de discussion et des comités de crédit où le pouvoir de décision est équitablement partagé entre les participants, soutient une dynamique d’apprentissage collectif favorable au développement du « banquier solidaire ».

52 Pour autant, il est impossible à ce stade de conclure à une réelle transformation des pratiques de la sphère financière coopérative et mutualiste par la coproduction de microcrédits personnels. La poursuite de l’étude du côté « demande », sur les impacts socioéconomiques de l’accompagnement, pourra apporter de nouveaux enseignements en la matière.

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Mots-clés éditeurs : stratégie bancaire solidaire, microcrédit personnel garanti, banques coopératives, coopération interorganisationnelle

Mise en ligne 02/05/2013

https://doi.org/10.3917/rsg.258.0101

Notes

  • [1]
    Le microcrédit personnel est qualifié de « garanti » dans la mesure où le Fonds de Cohésion Sociale garantit les prêts accordés à hauteur de 50 %.
  • [2]
    Page d’accueil du site internet construit en 2009 par la Caisse des Dépôts en vue de promouvoir le microcrédit personnel garanti : http://www.france-microcredit.org.
  • [3]
    Chiffres de la Caisse des Dépôts (22 mars 2011), extraits du site : http://www.caissedesdepots.fr/actualite.
  • [4]
    Nous définissons les finances solidaires comme l’ensemble des activités de microfinance (microcrédits personnel et professionnel, micro-assurance, et mobilisation de l’épargne solidaire), de garantie et d’expertise financières au service des personnes physiques et morales, en marge des services bancaires et financiers standards.
  • [5]
    Etude menée pour la DIIESES (aujourd’hui « Direction générale de la cohésion sociale ») sur la période 2008-2010.
  • [6]
    Nous rappelons ici que la loi de janvier 1984, appliquée en juillet, définit un établissement de crédit comme « une personne morale qui effectue à titre de profession habituelle des opérations de banques, comprenant : la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle ou la gestion des moyens de paiement ».
  • [7]
    Avant le changement de directeur en 2009.
  • [8]
    Caisse des Dépôts, Rapport d’activité, Exercice 2007, p. 22.
  • [9]
    Le COSEF est l’entité institutionnelle porteuse de la mise en œuvre du Fonds de Cohésion Sociale. Il représente un comité technique composé de banques et de têtes de réseaux accompagnants.
  • [10]
    Entretien du 27 avril 2009.
  • [11]
    Entretien du 27 avril 2009.
  • [12]
    Entretien du 26 avril 2009.
  • [13]
    Entretien du 26 avril 2009.
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