Notes
-
[1]
Le rapport Bouton définit l’administrateur indépendant comme étant celui qui n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement.
-
[2]
F. Degeorge, J. Patel et R. Zeckhauser (1999) ont défini la gestion du résultat comme « l’utilisation de la discrétion managériale pour influencer le résultat diffusé auprès des parties prenantes ». H. Stolowy et G. Breton (2003) ont défini la gestion de résultat comme « l’aptitude d’augmenter ou de diminuer le résultat net enregistré ».
-
[3]
Règlement Européen 1602/2002.
1 La comptabilité financière sert à refléter la réalité économique de toute entreprise et les premiers responsables de l’élaboration des états financiers sont incontestablement les dirigeants de cette entreprise. Ces derniers sont susceptibles de manipuler les chiffres comptables divulgués à des fins de maximisation de leurs richesses personnelles (M. Jensen et W. Meckling, 1976). Pour cela, les entreprises font appel à des auditeurs externes qui ont pour mission de contrôler les états financiers et de rassurer les investisseurs de la fiabilité et de la sincérité de l’information financière divulguée. Cependant, la cascade des révélations de fraudes comptables qui a suivi la faillite de plusieurs grands groupes a provoqué une profonde crise de confiance. Les déboires de ces affaires ont eu, toutefois, l'avantage de remettre en cause la capacité de l’auditeur externe, à lui seul, à protéger les intérêts des partenaires d’une firme. En effet, les intérêts des investisseurs pour garantir une bonne qualité des états financiers nécessitent la mise en place de tout un processus de gouvernement des entreprises.
2 Les mécanismes de contrôle des dirigeants constituent les principaux ingrédients de l’analyse du gouvernement d’entreprise. G. Charreaux (1997) stipule, en effet que, le gouvernement d’entreprise recouvre l'ensemble des mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d'influencer les décisions des dirigeants. Parmi ces mécanismes le conseil d’administration a reçu une attention particulière dans le contexte international. En effet, plusieurs rapports sont apparus recommandant l’implantation de comités spécialisés (Comité d’audit, de vérification, de nomination…) et insistant sur le renforcement du rôle joué par le conseil d’administration dans la surveillance des comportements discrétionnaires des gestionnaires et la veille sur les intérêts des actionnaires. Nous citons, les rapports Treadway aux États-Unis, Cadbury au Royaume-Uni, Viénot et Bouton en France, et le rapport de Toronto Stock Exchange au Canada.
3 Notre étude s’inscrit dans un courant de recherche théorique et empirique très développé aux États-Unis. Des études principalement anglo-saxonnes ont étudié le rôle du conseil d’administration dans la gestion des résultats par les dirigeants (M. Beasley, 1996 ; P. Dechow et al. 1995 et B. Xie et al. 2003 aux E.U ; K. Peasnell et al. (2005) auRoyaume-Uni ; Y.W. Park et H.H. Shin (2004) au Canada ; R. Davidson et al. (2005) en Australie et L. Kao et A. Chen (2004) à Taïwan. En France, seules quelques études apportent leurs contributions à la compréhension de la thématique de la gestion des résultats et du contrôle exercé par le conseil d’administration (T. Jeanjean, 2001) ouvrant ainsi des perspectives inédites de recherche. Ce travail a donc l’ambition d’apporter un éclairage supplémentaire sur un sujet d’actualité encore très peu abordé en France.
4 Nous étudions dans cette recherche la relation entre le rôle du conseil d’administration, en tant que mécanisme de contrôle des dirigeants, et un aspect subtil de la fiabilité des états financiers, à savoir la gestion des résultats et ce, pour le cas des sociétés françaises cotées qui se sont engagées dans l’application des normes comptables internationales de l’International Accounting Standard Board (IASB). En effet, le conseil européen de mars 2002 a adopté un règlement rendant obligatoire à partir du premier janvier 2005, l’application des normes comptables internationales pour l’établissement des comptes consolidés des sociétés faisant appel public à l’épargne [Journal Officiel de la Communauté Européenne du 11/09/2002].
5 Nous avons eu recours à la méthode des équations structurelles avec comme variables latentes la gestion des résultats modélisée par les modèles de J. Jones (1991), J. Jones modifié (1995) et le modèle de L. Rees et al. (1996) et le contrôle exercé par le conseil d’administration. Les résultats de l’étude montrent que la proportion des administrateurs indépendants ainsi que la présence d’un comité d’audit renforcent le rôle du conseil d’administration en tant que mécanisme de contrôle des dirigeants. En effet, il existe une relation négative entre le contrôle exercé par le conseil d’administration et la manipulation des résultats. Les entreprises françaises cotées ont tendance à manipuler leurs comptes lorsque le contrôle des dirigeants par le conseil d’administration est peu efficace.
6 Cet article est organisé comme suit : la deuxième section illustre le cadre théorique de la gestion des résultats et du rôle de contrôle du conseil d’administration. La troisième section présente l’échantillon et la méthodologie, suivis des résultats et discussions. La dernière section conclut le papier.
1. Cadre théorique et revue de la littérature
7 La théorie de l’agence propose un modèle contractualiste de la firme dans lequel celle-ci est considérée comme un nœud de contrats reliant les divers partenaires sociaux de l’entreprise. La théorie positive de l’agence de M. Jensen et W. Meckling (1976), utilise le cadre qui en découle afin de comprendre et d’expliquer le comportement réel des organisations. Les conflits d’intérêts, nés de la séparation entre les dirigeants chargés de la gestion et les propriétaires, constituent l’idée fondamentale du cadre théorique de l’agence.
8 Mise à part la divergence d’intérêt entre ces deux parties, les conflits d’agence se caractérisent également par une situation d’incertitude.
9 Les propriétaires ne peuvent surveiller l’étendue et la qualité des efforts de gestion des dirigeants. Cette situation d’incertitude est directement liée aux problèmes d’observabilité et d’asymétrie informationnelle. Le problème d’observabilité, plus connu sous le nom de « risque moral » se traduit par le fait qu’aucun contrat ne peut spécifier préalablement et précisément toutes les tâches du dirigeant.
10 De plus, aucune mesure de performance ne permet de juger correctement et sans ambiguïté les efforts réels du gestionnaire. L’asymétrie informationnelle, quant à elle, s’identifie à un problème de circulation et de communication de l’information. Appliquée à la relation dirigeant – actionnaires, elle se traduit par le fait que les dirigeants ont une meilleure connaissance de l’entreprise que les propriétaires.
11 Ainsi, un dirigeant opportuniste peut avoir un comportement contraire aux intérêts des propriétaires dans la mesure où l’environnement est incertain, où ses efforts sont difficilement appréciables, et où l’asymétrie d’information est relativement importante. Deux hypothèses comportementales sont à la base des fondements principaux de la théorie de l’agence. La première hypothèse précise que tous les individus sont supposés agir de façon à maximiser leur fonction d’utilité. Ce comportement conduit les différentes parties à mettre en avant leurs propres intérêts au détriment de ceux des autres intervenants. La seconde hypothèse souligne le principe de rationalité des individus qui leur permet, selon G. Charreaux (1997), « d’anticiper rationnellement et sans biais, l’incidence des relations d’agence sur la valeur future de leur patrimoine ».
12 La théorie d’agence a connu au fur et à mesure des développements théoriques une certaine évolution de son cadre d’analyse. Elle est également à l’origine de plusieurs analyses et notamment du champ théorique de la « gouvernance des entreprises ». Qu’il s’agisse de résoudre les conflits d’intérêts entre les actionnaires et les dirigeants, de maximiser la richesse des propriétaires ou de définir l’espace discrétionnaire du dirigeant, les actionnaires sont amenés à introduire des mécanismes disciplinaires afin de prévenir des transferts de valeur à la discrétion des dirigeants. G. Charreaux (1995) parle des leviers d’alignement du comportement du dirigeant mis en place pour lutter contre ses déviations. Le mécanisme suprême de contrôle interne des dirigeants est le conseil d’administration.
13 Ce dernier est le principal organe chargé de représenter les intérêts des actionnaires. Le rôle du conseil d’administration dans le contrôle des dirigeants est appréhendé à travers deux mesures largement utilisées dans la littérature, il s’agit de la proportion des administrateurs indépendants (M. Beasley, 1996 ; Zhang et al. 2004 ; K. Peasnell, 2005 ; Benkel et al. 2006) et de la présence d’un comité d’audit au sein du conseil (B. Xie et al. 2003 ; R. Davidson et al. 2005 ; C. Piot et R. Janin, 2007). Le conseil d’administration joue un rôle primordial dans le contrôle des performances des dirigeants. Il a un rôle disciplinaire qui devient plus efficace lorsque le conseil est dominé par des administrateurs indépendants [1]. R. Leftwich et al. (1981) admettent que la présence soutenue des administrateurs indépendants conduit à un contrôle plus efficace des dirigeants. E.F. Fama et M.C. Jensen (1983) préconisent l’indépendance du conseil pour réduire la probabilité d’entente avec les dirigeants, d’où une protection plus efficace des intérêts des actionnaires. Les administrateurs indépendants peuvent s’opposer aux décisions les plus contestables. Les administrateurs internes sont recrutés parmi les salariés ou les cadres de l’entreprise, il leur sera donc difficile de s’opposer aux décisions de leurs responsables hiérarchiques directs sans porter atteinte à leur carrière. L’hypothèse de base de la théorie de l’agence est que l’efficacité du conseil croît avec la proportion d’administrateurs indépendants mais également par l’existence d’un comité d’audit au sein du conseil d’administration.
14 En effet, ce comité permet d’empêcher certains comportements discrétionnaires de la part des managers et de garantir des chiffres fiables reflétant réellement la gestion réelle de l’entreprise (D.A. Mc Mullen, 1996). Plusieurs réformes et règlementations ont vu le jour attestant du rôle primordial du comité d’audit dans une bonne gouvernance des entreprises. Le rapport de Cadbury (1992) exige que toutes les entreprises doivent créer un comité d’audit avec un minimum de trois membres totalement indépendants du management.
15 Le Sarbanes Oxley Act (2002) a renforcé les responsabilités et l’indépendance du comité d’audit. En France, la mise en place d’un tel comité a été recommandée dans les rapports Viénot afin de s’assurer de la pertinence et de la performance des méthodes comptables et de vérifier la qualité des procédures internes de collecte et de contrôle des informations. L’audit est ainsi introduit par les actionnaires pour s’assurer que le dirigeant agit dans l’intérêt de l’entreprise et pour faire savoir aux investisseurs potentiels que les états financiers sont sincères et réguliers et qu’ils sont établis en respectant les principes et méthodes comptables généralement admis (K. Pincus, M. Rusbarsky et J. Wong, 1989 ; et K. Menon et J.D. Williams, 1994).
16 Plusieurs travaux ont examiné le lien entre le rôle du conseil d’administration en tant que mécanisme de gouvernement de l’entreprise et le niveau de gestion des résultats. Certaines études confirment l’effet du contrôle exercé par le conseil sur la gestion des résultats comptables alors que d’autres l’infirment [2]. Or, la gouvernance d’entreprise définie comme un mécanisme qui délimite l’espace discrétionnaire des dirigeants est considérée parfois comme une contrainte à la supercherie de la comptabilité et la subjectivité des chiffres (W. Parfet, 2000). La résultante de la pratique de la gestion des résultats est sans doute une vague des faillites fabuleuse confirmant le postulat selon lequel la gestion des résultats est utilisée d’une manière opportuniste par les directeurs et perçue ainsi comme une problématique nécessitant des actions pour y remédier.
17 D’après les travaux de M. Beasley (1996) et A. Klein (2002), plus le nombre d’administrateurs indépendants augmente moins sont les manipulations et fraudes comptables. Plus récemment, K. Peasnell et al. (2005) étudient l’influence des administrateurs indépendants et de l’audit sur la gestion des résultats en Grande Bretagne. Ils montrent que l’indépendance du conseil d’administration influence négativement la manipulation des comptes alors que la présence d’un comité d’audit n’a pas d’effet significatif sur la gestion des résultats.
18 Toutefois, B. Xie et al. (2003) montrent que l’indépendance du conseil et la présence d’un comité d’audit atténuent considérablement le niveau de gestion des résultats et sont considérés comme des leviers efficaces dans la restriction de l’opportunisme managérial. En France, T. Jeanjean (2001) montre que la proportion d’administrateurs indépendants a un effet négatif sur la tendance à s’engager dans une pratique de gestion des résultats. C. Piot et R. Janin (2007) confirment le rôle du comité d’audit en France comme un mécanisme de contrôle des dirigeants en contraignant la pratique de gestion des résultats. N. Vafeas (2000) a également attesté du rôle important que joue un comité d’audit indépendant dans la diminution du management abusif des bénéfices comptables. J.V. Carcello et al. (2006) ont pu affirmer que les membres indépendants du comité d’audit et ayant une expertise financière, sont plus efficaces dans l’atténuation des manipulations des résultats comptables.
19 Par ailleurs, R. Davidson et al. (2005) montrent sur un échantillon de 434 entreprises australiennes cotées que la présence d’administrateurs indépendants et de comité d’audit sont associés à des faibles niveaux de gestion de résultats. Dans le même contexte, M. Benkel et al. (2006) aboutissent à des résultats similaires relatifs au rôle de l’indépendance du conseil dans la réduction du montant des accruals. A. Agrawal et S. Chadha (2005) ont examiné la relation entre la composition du conseil d’administration et de son comité de vérification et la probabilité de retraitement. Les résultats de cette étude prouvent que les firmes ayant effectué des retraitements ont moins de membres externes dans leurs conseils. Cette probabilité est faible lorsqu’un membre de comité d’audit possède une expertise financière ou comptable.
20 Les résultats des études précitées ainsi que les apports de la théorie de l’agence attestent de l’influence considérable du rôle du conseil d’administration soutenu par la présence d’administrateurs indépendants et d’un comité d’audit sur la manipulation des comptes. Nous pouvons par conséquent formuler l’hypothèse suivante : il existe une relation négative entre le contrôle exercé par le conseil d’administration et la gestion des résultats.
2. Échantillon et méthodologie
2.1. Échantillon et collecte des données
21 Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéressons exclusivement aux sociétés françaises cotées. Ce choix est motivé par l’application du référentiel IAS/IFRS [3] par ces sociétés.
22 Notre échantillon est constitué de la manière suivante :
- sélection des sociétés françaises cotées.
- exclusion de toutes les sociétés à caractère financier (Banques, Assurances, Sociétés immobilières…) du fait de leur législation comptable particulière.
24 Les données ont été collectées dans les rapports annuels. Ces rapports ont été téléchargés dans les sites web des sociétés faisant partie de notre échantillon et utilisés pour extraire les données financières et les informations sur les mécanismes de gouvernement d’entreprise : nombre d’administrateurs indépendants et l’existence d’un comité d’audit.
25 Les observations sont regroupées par secteur d’activité. La taille de l’échantillon est de 167 sociétés. La période de l’étude est l’année 2005 qui est l’année du passage aux normes IAS/IFRS par les sociétés cotées.
26 Le tableau suivant présente la répartition du notre échantillon par secteur d’activité.
Répartition de l’échantillon par secteur d’activité
Secteur d’activité |
Nombre de sociétés |
1. Commerce | 12 |
2. Construction | 8 |
3. Production et distribution d’énergie | 11 |
4. Service | 40 |
5. Transport et communication | 21 |
6. Industrie chimique | 30 |
7. Industrie automobile | 21 |
8. Fabrication des machines et appareils électriques | 24 |
TOTAL | 167 |
Répartition de l’échantillon par secteur d’activité
2.2. Choix de la méthodologie
27 Nous avons opté pour une approche transversale plutôt qu’une approche en série chronologique à l’instar de M.L. Defond et J. Jiambalvo (1994), L. Rees et al. (1996) et M. Beneish (1997) pour les avantages méthodologiques de cette technique qui produit des estimateurs peu variables. De plus, le contexte de la présente recherche ne se prête pas à l’utilisation des séries chronologiques (approche longitudinale). En effet, nous cherchons à élucider l’effet conjoint de l’indépendance du conseil d’administration et de la présence de comité d’audit sur la gestion des résultats dans le cadre de l’application du référentiel IASB en 2005.
28 Dans notre modèle, la gestion du résultat et le rôle du conseil d’administration en tant que levier de contrôle des dirigeants sont considérés comme deux variables latentes (non observables) mesurées par des indicateurs. La gestion des résultats est mesurée par trois indicateurs qui sont : les accruals discrétionnaires estimés à partir des modèles de J. Jones (1991), J. Jones modifié (voir P. Dechow et al. 1995) et de L. Rees et al. (1996). Le choix de ces modèles est justifié par l’exercice d’un événement qui est l’application des normes IAS/IFRS pour lequel nous soupçonnons la gestion des résultats. Ainsi, le modèle de mesure de gestion des résultats est le suivant :
ACD Jones modifié (1995) = ?2 GR + ?2
ACD Rees et al. (1996) = ?3 GR + ?3
29 Avec : ACD : Ajustement Comptable Discrétionnaire
30 ACD Jones (1991) = TAijt/Aijt-1 – [?0 (1/Aijt-1) + ?1 (?REVijt/ Aijt-1) + ?2 (PPEijt/Aijt-1)]
31 TAijt : Ajustements comptables totaux de l’entreprise i dans le secteur j à l’année t.
32 ?REVijt : Variation du chiffre d’affaires de l’entreprise i dans le secteur j entre l’année t-1 et l’année t.
33 PPEijt : Immobilisations brutes hors immobilisations financières de l’entreprise i dans le secteur j à l’année t.
34 Aijt-1 : Total de l’actif de l’entreprise i dans le secteur j de l’année t-1.
35 ACD Jones modifié (1995) = TAijt/Aijt-1 – [?0 (1/Aijt-1) + ?1 [(?REVijt – ?CREijt)/Aijt-1)] + ?2 (PPEijt/Aijt-1)]
36 ?CREijt : Variation des ventes à crédit nettes de l’entreprise i dans le secteur j entre l’année t- 1 et l’année t.
37 ACD Rees et al. (1996) = TAijt/Aijt-1 – [?0 (1/Aijt-1) + ?1 [(?REVijt)/ Aijt-1)] + ?2 (PPEijt/Aijt-1) + ?3 (CFEijt/Aijt-1)]
38 CFEijt : Les flux de trésorerie liés à l’exploitation de l’entreprise i dans le secteur j à l’année t.
39 La seconde variable latente à savoir le contrôle exercé par le conseil d’administration est mesurée par le biais de 3 variables : la proportion d’administrateurs indépendants, la proportion d’administrateurs indépendants au carré et l’existence d’un comité d’audit au sein du conseil. Cette dernière est une variable dichotomique égale à 1 si l’entreprise dispose d’un comité d’audit et 0 sinon. Conformément aux conventions de l’analyse factorielle confirmatoire, le système d’équations structurelles peut être représenté graphiquement comme suit : les variables observables par des rectangles et les variables latentes (non observables) par des ovales (Voir figure 1).
3. Résultats et discussions
3.1. Analyse en composantes principales
40 Afin d’étudier les variables latentes mesurées par les indicateurs, une analyse factorielle exploratoire est entreprise. La méthode d’analyse factorielle exploratoire est une technique qui peut être employée pour découvrir la structure sous-jacente d’un grand ensemble de variables. L’analyse factorielle ne peut être conduite que si l’indice de Kaiser – Meyer – Olkin (KMO) est supérieur à 0,6 et le test de la sphéricité de Bartlett est inférieur à 0,05.
41 Le tableau n° 2 illustre les tests d’exécution d’une analyse factorielle exploratoire :
Résultat du test de l’unidimensionnalité
K.M. O (> 0,6) |
Signification du test de sphéricité de Bartlett (< 0,05) |
Variance totale expli quée | |
Gestion du résultat | 0,694 | 0,0010 | 87,511 % |
Indépendance du conseil | 0,706 | 0,00107 | 90,873 % |
Résultat du test de l’unidimensionnalité
42 Pour évaluer la cohérence interne des indicateurs, on doit connaître le degré de fiabilité de ces indicateurs mesurant les variables latentes : la gestion des résultats et le contrôle exercé par le conseil d’administration. L’indicateur, qui permet de mesurer cette fiabilité, est appelé l’alpha de Cronbach. Ainsi, quand alpha se rapproche de 1, la cohérence interne des indicateurs est bonne. Le tableau n° 3 montre que la cohérence interne de nos indicateurs est acceptable car l’alpha de Cronbach est supérieur à 0,7.
Fiabilité des indicateurs
Alpha de Cronbach (> 0,7) | |
Gestion du résultat | 0,9285 |
Indépendance du conseil d’administration | 0,78 |
Fiabilité des indicateurs
3.2. L’adéquation globale du modèle
43 L’évaluation globale du modèle cherche à évaluer l’adéquation des données (matrice "réelle" des variances ; covariances) au modèle théorique. Le logiciel AMOS 7.0 a été utilisé pour élaborer la matrice théorique. La procédure GLS (Generalized Least Square) avec bootstrap a été utilisée pour limiter les problèmes liés à la non-normalité des données.
44 Plusieurs indices existent pour évaluer la qualité de l’ajustement (P. Roussel et al. 2002). Les indices retenus sont : le Khi-deux, le GFI (Goodness of Fit), l’AGFI (Adjusted Goodness of Fit) et le RMSEA. Le tableau n° 4 indique les seuils à atteindre pour que l’ajustement du modèle soit considéré comme correct et les valeurs pour le modèle.
3.3. Évaluation des modèles de mesure
45 Le modèle proposé se décompose en deux modèles de mesure : La gestion du résultat et le contrôle du conseil d’administration. L’évaluation de ces deux modèles est réalisée à travers les deux tests de la validité convergente et de la fiabilité. La validité convergente est appréciée par les poids de régression des indicateurs. La fiabilité est mesurée par le Rhô de Jöreskog. La formule du Rhô est la suivante :
46 Avec :
47 ly = Rhô de Jöreskog ou Rhô de Ksi : indice de la fiabilité de cohérence interne de la mesure de la variable théorique y.
48 ?i = La contribution factorielle (Loading) de l’indicateur i sur sa variable théorique, issue d’une analyse factorielle confirmatoire. Var (?i) = Variance du résidu de l’indicateur i.
49 D’après P. Roussel et al. (2002), Rhô > 0,7 est considéré comme acceptable. La fiabilité de la mesure est donc bonne. La validité convergente et la fiabilité de mesure sont indiquées dans le tableau n° 5. Ce tableau montre globalement que les mesures sont valides et fiables au regard de la significativité des poids de régression et de la mesure des erreurs.
Mesures d’ajustement global
Indice | Seuil | Valeur pour le modèle |
Khi-deux (normé) GFI AGFI RMSEA |
2 < Khi-deux < 5 > 0,9 > 0,9 < 0,08 |
1,842 0,935 0,845 0,075 |
Mesures d’ajustement global
La validité convergente et la fiabilité de deux modèles de mesure
Variable latente | Indicateurs |
Validité convergente |
Fiabilité Rhô |
Gestion du résultat |
ACD Jones 91 ACD Jones modifié 95 ACD Rees et al. 96 |
1 0,870 0,844 | 0,963 |
Indépendance du conseil d’adminis tration |
Proportion d’administra teurs indépendants Proportion d’adminis trateurs indépendants au carré comité d’audit |
0,975 0,985 0,446 | 0,899 |
La validité convergente et la fiabilité de deux modèles de mesure
3.4. Évaluation du modèle structurel
50 L’évaluation du modèle structurel consiste à valider les relations entre les construits. Le tableau suivant indique les résultats empiriques de notre modèle de base.
Résultats empiriques du modèle de base
Hypothèse | Variable | Signe anticipe | Coefficient | Prob |
H1 |
Contrôle du conseil d’administration | (-) | - 0,618*** | 0,009 |
Résultats empiriques du modèle de base
51 Le résultat de notre modèle de base montre que le conseil d’administration jour un rôle important dans le contrôle des dirigeants. En effet, les résultats du tableau n° 6 montrent qu’il existe une relation négative et statistiquement significative au seuil de 1 % entre le contrôle exercé par le conseil d’administration et le niveau des acrruals discrétionnaires. Nous pouvons conclure que la proportion des administrateurs indépendants ainsi que la présence d’un comité d’audit renforcent le rôle du conseil d’administration en tant que mécanisme de contrôle de l’opportunisme des dirigeants. Notre hypothèse de base stipulant qu’il existe une relation négative entre le rôle de contrôle du conseil d’administration et la gestion des résultats est ainsi validée. En effet, les entreprises françaises cotées ont tendance à manipuler leurs comptes lorsque le contrôle des dirigeants par le conseil d’administration est peu efficace. Ce contrôle a été appréhendé à travers deux caractéristiques du conseil, à savoir la proportion des administrateurs indépendants dans le conseil et la présence d’un comité d’audit conformément à K. Peasnell (2005) ; M. Benkel et al. (2006) ; B. Xie et al. (2003) et R. Davidson et al. (2005). Notre résultat rejoint ceux trouvés sur d’autres contextes. Ainsi, T. Jeanjean (2001) trouve sur un échantillon d’entreprises françaises que plus le conseil d’administration est indépendant, plus la tendance à s’engager dans une pratique de gestion des résultats est faible. Similairement, les travaux de M. Beasley (1996) ; A. Klein (2002) ; B. Xie et al. (2003) et J.V. Carcello et al. (2006) ont pu affirmer que les membres indépendants du comité d’audit et ayant une expertise financière, sont plus efficaces dans l’atténuation des manipulations des résultats comptables. Ce résultat atteste du rôle du conseil d’administration dans la réduction des conflits d’intérêts entre actionnaires et dirigeants en exerçant un contrôle efficace sur les dirigeants dans la mise en place et la vérification des états financiers. Ce contrôle est susceptible de réduire les pratiques opportunistes des dirigeants parmi lesquelles nous citons la gestion des résultats.
Conclusion
52 Sur la base des différents développements théoriques et empiriques relatifs à l’impact du système de gouvernement d’entreprise sur la gestion des résultats, notre recherche vise essentiellement à examiner l’importance du rôle de contrôle exercé par le conseil d’administration tel que mesuré par l’indépendance du conseil et la présence d’un comité d’audit à contrecarrer la pratique de la gestion des résultats par les entreprises françaises cotées. Sur le plan méthodologique, nous avons considéré la gestion du résultat et le contrôle exercé par le conseil d’administration comme deux variables latentes. L’utilisation des méthodes des équations structurelles nous a permis de confirmer que l’indépendance du conseil et la présence d’un comité d’audit sont des facteurs déterminants dans la limitation du comportement opportuniste des dirigeants.
53 Cette étude a permis de mettre en avant des solutions au problème de la fiabilité des états financiers et de vérifier si les conseils d’administration des sociétés françaises, en tant que mécanisme de gouvernement d’entreprise, assument convenablement leur mission de contrôle des dirigeants. Ainsi, elle contribue à mieux expliquer l’impact du rôle du comité d’audit et des administrateurs indépendants sur la gestion des résultats comptables dans le contexte français.
54 Cependant l’inclusion de nouvelles variables de gouvernance se rapportant à la structure de propriété et à l’enracinement du dirigeant et l’analyse de leur impact sur l’étendue de la gestion des résultats peut constituer un axe intéressant de recherche future.
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Mots-clés éditeurs : Gestion des résultats, méthode des équations structurelles, comité d'audit, contrôle des dirigeants, indépendance du conseil d'administration
Date de mise en ligne : 17/03/2011
https://doi.org/10.3917/rsg.243.0035Notes
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[1]
Le rapport Bouton définit l’administrateur indépendant comme étant celui qui n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement.
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[2]
F. Degeorge, J. Patel et R. Zeckhauser (1999) ont défini la gestion du résultat comme « l’utilisation de la discrétion managériale pour influencer le résultat diffusé auprès des parties prenantes ». H. Stolowy et G. Breton (2003) ont défini la gestion de résultat comme « l’aptitude d’augmenter ou de diminuer le résultat net enregistré ».
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[3]
Règlement Européen 1602/2002.