Notes
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[1]
Les cinq dernières années ont vu l’extension de nouvelles mesures pour favoriser la création et la reprise d’entreprise. Après la loi Dutreil (2003), la loi en faveur des PME (JO du 3 août 2005), dite loi PME a pour objectif d’assurer la pérennité des entreprises nouvellement créées et des entreprises existantes et également d’améliorer les conditions de leur transmission afin de préserver les savoir-faire et l’emploi. De plus, le décret du 29 mars 2007 relatif à la mise en place d’une prestation de tutorat du chef d’entreprise partant à la retraite auprès de son repreneur illustre bien une certaine volonté politique en ce domaine.
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[2]
Les concepts d’entrée et de socialisation organisationnelles sont traditionnellement plutôt mobilisés en gestion des ressources humaines et, notamment, à ses pratiques en matière de processus de recrutement (Lacaze, 2001 ; Perrot, 2001 ; d’Andria, 2004, 2007 ; Lacaze et Fabre, 2005).
-
[3]
D’après l’étude Oséo-Bdpme (2005), dans le secteur de l’hôtellerie, les possibilités de croissance sont limitées. La reprise d’un établissement (de plus grande taille ou mieux situé) est souvent une solution qui s’impose pour évoluer. Par ailleurs, alors qu’aucune réglementation ne l’impose, la majorité des repreneurs ont une formation professionnelle ou supérieure technique (à 80 %). De plus, ils ont une expérience du tourisme (88 % des cas), ce qui est significativement supérieur à ce qui est constaté dans les autres secteurs. Les repreneurs sont pour la plupart d’anciens hôteliers – restaurateurs ou des salariés souhaitant s’établir à leur propre compte. Dans ce secteur, 41 % des reprises sont le fait de deux personnes (très souvent en couple). L’âge moyen des repreneurs s’établit à 39 ans avec des repreneurs âgés entre 35 et 45 ans représentant 40 %.
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[4]
Cette étude s’est déroulée sur une période de 30 mois de mi 2003 à fin 2005.
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[5]
Nous empruntons le principe de récursivité (M. Hlady-Rispal, 2002) qui renvoie aux itérations successives inhérentes au processus de recherche qualitative. Comme le spécifient D. Chabaud et O. Germain (2006, p. 203), « Dans l’itinéraire même du chercheur, il existe des ruptures entre les temps propres à la conduite de chaque recherche, mais les données servent parfois de fil conducteur parce qu’elles circulent de projet en projet ».
-
[6]
Les entretiens se sont déroulés courant 2007.
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[7]
Concernant le thème 1, les points suivants ont été abordés : positionnement de l’établissement (catégorie, nombre de chambres), âge de l’établissement, principaux établissements concurrents ou partenaires, localisation, composition du personnel, principaux points forts/points faibles de l’établissement ainsi que des éléments personnels (âge, formation, famille)… Concernant le thème 2, il a été demandé d’expliciter les motivations de la reprise, les raisons qui ont fait basculer pour cet établissement, comment s’est déroulée la reprise, ce qui a été marquant, quel était le projet, ce qui a été fait, où en sont-ils aujourd’hui…
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[8]
Hôtel bureau = hôtels sans restaurant ; numéros = nombre de chambres
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[9]
C’est une association regroupant exclusivement des hôtels indépendants 3 et 4 étoiles ainsi que des monuments historiques ouverts à la visite. Pour être membre, un hôtel doit être obligatoirement situé dans un Château, un Manoir, une Abbaye ou une Demeure de Charme. La chaîne s’appuie sur un tourisme culturel et chaque hôtel doit être associé à un partenaire culturel (une galerie d’art, un musée, un château, un jardin d’exception, un artisan…) qui lui est proche géographiquement. Les valeurs défendues allient la beauté des lieux, le caractère unique de la demeure, la qualité de l’accueil, à un souci permanent de l’enracinement culturel et de la découverte des richesses patrimoniales de la région.
-
[10]
Comme le souligne l’analyse, cela signifie que les deux univers hôteliers suivent désormais des stratégies plus complémentaires que de confrontation. « L’une des tendances lourdes observées depuis quelques années se traduit par une plus forte concentration de l’offre hôtelière au coeur des métropoles et le long des axes majeurs de circulation. Le déclin de la petite hôtellerie économique rurale et familiale se poursuit, mais elle est en partie compensée par les nouveaux projets des entrepreneurs indépendants qui n’abandonnent pas totalement le créneau. En effet, le solde net est loin d’être dramatique pour les hôteliers indépendants, contrairement aux cris d’alarme lancés pour déplorer les fermetures d’exploitations qui n’ont plus de justification économique. La substitution entre une hôtellerie vétuste, inadaptée, s’opère sans crise majeure au profit d’une modernisation lente, mais régulière du parc économique ». http://www. mkg-worldwide.com/CP_glf_2008.pdf
1 Devenir entrepreneur a longtemps été considéré comme une option hasardeuse et risquée. Mais les temps ont changé et il existe aujourd’hui une sorte de consensus, versus litanie, pour dire qu’il faut des entrepreneurs capables de créer de nouvelles entreprises et des repreneurs aptes à restructurer et/ ou développer celles qui existent déjà. Les principaux arguments récurrents et couramment avancés sont le vieillissement de la population (et celle des dirigeants d’entreprise) et la menace de perte de nombreux emplois (de l’ordre de 300000 emplois en France chaque année) (Oséo, 2005 ; KPMG, 2008). Aussi des mesures techniques ont été prises par les pouvoirs publics pour faciliter le passage à l’acte d’entreprendre, encourager et accompagner les reprises [1]. Cet intérêt accordé aujourd’hui à l’entrepreneuriat (et au repreneuriat) n’est pas le fruit du hasard. Il s’agit du résultat d’un enchaînement qui a débuté au milieu des années 1970 où il a bien fallu admettre la fin des « trente glorieuses » et le début d’un certain désenchantement progressif vis-à-vis des perspectives infinies de croissance (T. Verstraete et B. Saporta, 2006) et du pacte social longtemps dominé en France par le salariat, l’emploi à vie et les grandes entreprises (E.M. Hermandez, 2006).
2 Dans le même temps, naissait du coté anglo-saxon un débat pour savoir ce qui faisait la différence entre un propriétaire d’une petite entreprise et un entrepreneur (J. W Carland et al. 1984, 1998 ; W.B. Gartner, 1988, 1990). Si, pour J.W. Carland et al. (1988), il y a deux termes, c’est bien parce qu’il y aurait deux réalités. Or, pour W.B. Gartner (1990), la réalité est que toute forme d’entrepreneuriat nécessite une approche processuelle mêlant émergence d’une nouvelle forme organisationnelle et comportement entrepreneurial. Dès lors, et comme le souligne R. Paturel (2005), l’entrepreneuriat doit s’entendre dans une conception plus large, où il ne s’agit pas seulement de création d’entreprise en tant que finalité simple de création de valeur, mais englobe également les reprises et les successions d’organisations saine ou en difficulté.
3 Que dire alors de la reprise d’une entreprise par une (ou des) personne(s) physique(s) ? Un repreneur est un entrepreneur qui en assume les responsabilités et les risques, s’implique dans la structure et en devient le chef (Julien et Marchesnay, 1996 ; Brazeal et Herbert, 1999 ; Sharma et Christman, 1999). Ceci ne va pas sans soulever un certain nombre de questions. La transmission d’une entreprise n’est pas inscrite dans une trajectoire déterministe et n’assure pas obligatoirement la pérennité de l’entreprise. Période de transition caractérisée par le transfert de l’autorité et du pouvoir, l’entrée du repreneur reste délicate à gérer puisqu’elle combine continuité et rupture dans et de l’entreprise (S. Haddadj et A. d’Andria, 1998, p. 62). La question est de savoir non seulement combien de temps, et jusqu’à quel point, le nouveau dirigeant doit se conformer à son territoire d’accueil (A. d’Andria et M.C. Chalus-Sauvannet, 2007, p. 121), mais également jusqu’où peut-il donner une nouvelle impulsion à l’entreprise dont il est le nouveau propriétaire et le dirigeant ? C’est pourquoi notre problématique se focalise plus particulièrement sur le fait que la reprise accompagnée d’une démarche volontairement entrepreneuriale, avec la mise en place de changements importants dans l’entreprise, peut aussi perturber le processus repreneurial (T. Bah, 2004 ; S. Boussaguet, 2005).
4 L’article s’articule autour de trois parties. Dans une première partie, nous abordons quelques éléments clés du cadre théorique autour du débat entrepreneuriat/repreneuriat et de l’entrée et de la socialisation du repreneur à son territoire d’accueil. Dans une deuxième partie, nous exposons le choix de la méthode et la mise en œuvre de la recherche dans le cadre de trois reprises du secteur hôtelier indépendant. Enfin, dans une troisième partie, nous analysons et discutons des particularités observées où une volonté trop affichée vers l’entrepreneuriat semble pénaliser le processus repreneurial.
1. Éléments clés du cadre théorique
5 L’entrepreneuriat n’est pas une donnée « intangible », il résulte d’un processus complexe et multidimensionnel (Gartner, 1990 ; Marchesnay, 2000 ; Bruyat et Julien, 2001). Parmi les multiples causes ou facteurs susceptibles de l’expliquer, il est fréquemment mis en avant qu’entreprendre est le résultat d’une culture, d’un système de valeurs, d’un mode de vie et de pensée qui sont influencés par le milieu familial, le milieu éducatif, le milieu socio-professionnel, l’histoire locale, les médias, et l’ensemble des facteurs institutionnels, juridiques, économiques et fiscaux qui peuvent soit le développer, soit le freiner.
1.1. Quelques points supports au débat entrepreneuriat-repreneuriat
6 L’entrepreneur affiche de multiples visages venant de contingences spatio-temporelles. Cheminant avec les grandes mutations du capitalisme, le concept d’entrepreneur repose schématiquement sur trois traits majeurs : la prise de risque, le fait d’endosser la direction (au sens large) et la volonté de développer de l’innovation (A. Tounés et A. Fayolle, 2006, p. 27). Et le repreneur acquiert le « statut » d’entrepreneur lorsqu’il achète une entreprise pour la transformer. Le changement apparaît plus ou moins intense, selon la nature de captation de la valeur existante (R. Paturel, 2005 ; B. Deschamps et R. Paturel, 2005, 2008). Par conséquent, pour être qualifié d’entrepreneur, il faut être capable de savoir bouleverser le cours des choses et l’ordre établi. De même, la reprise d’entreprise par des personnes physiques (RPP) est considérée comme une pratique à part entière de l’entrepreneuriat (R. Paturel, 2005) dans laquelle le repreneur entre dans une entité dont les employés n’ont pas été recrutés par lui et qui ont leurs habitudes, leur culture, etc. Ce point est important et explique une bonne part des réussites et des échecs dans le processus global de reprise. Autrement dit, si par un certain nombre d’aspects (le profil, les motivations et le fait d’exercer une fonction de dirigeant), le créateur et le repreneur se ressemblent, il s’avère que la reprise a des particularités intrinsèques indéniables liées à la réalité tangible de l’entreprise. Ainsi, le « métier » de repreneur diffère de celui de créateur dans la mesure où le repreneur part d’une entreprise qui existe déjà en termes de localisation, d’affaires, de positionnement sur un marché, etc. et que le repreneur n’a pas à constituer ex nihilo les réseaux de relations et la combinaison des outils de production que constitue l’entreprise (L. Cadieux, 2005 ; B. Deschamps et R. Paturel, 2005 et 2008).
7 Selon les auteurs, la reprise d’entreprise est un processus dans lequel s’enchaînent trois ou quatre phases particulières et successives. Pour B. Deschamps (2000, 2002), la première phase est la prise de décision d’entreprendre par le « futur » repreneur, la deuxième phase concerne le processus technique du dossier de reprise (détection de la « cible », étude de l’entreprise visée et négociation), la troisième phase, phase ultime du processus repreneurial, concerne le processus d’entrée du repreneur dans l’entreprise qu’il vient de racheter. Pour C. Picard et C. Thévenard-Puthod (2004), le processus de reprise se découpe en quatre phases distinctives : la préparation de la reprise et la recherche de la cible, la négociation et l’accord avec le cédant, la transition ou passage de relais du cédant et le management de la reprise. Et comme le soulignent, à juste titre, M.C. Barbot et K. Richomme-Huet (2007), « finalement, les auteurs s’accordent sur l’ensemble du processus, seuls les découpages de ce dernier diffèrent d’une recherche à l’autre » (p. 67). Comme elles et avec S. Haddadj et A. d’Andria (2001), nous ne privilégions pas, a priori, le déroulement d’un processus successoral ou repreneurial exclusif, voire figé, et nous retenons une démarche commune à ces deux processus et pour lesquels il existe un processus global de transmission aboutissant, à terme, à l’une ou l’autre de ces solutions. Les étapes ne s’enchaînent d’ailleurs pas toujours de façon linéaire et on assiste parfois à des itérations et des allers et des retours lorsque des difficultés surgissent. Le processus peut donc s’arrêter momentanément, avec une durée variable selon le type d’entreprise reprise (entreprise de services ou entreprise industrielle), le profil du repreneur (avec ses compétences et ses expériences), la motivation affichée ou réelle du cédant, pour redémarrer à une étape précédente. Bien que les facteurs économiques et financiers restent déterminants, les circonstances qui entourent la reprise de et à l’intérieur de l’entreprise le sont tout autant. Il n’est pas rare que même les organismes accompagnateurs de la reprise se focalisent davantage sur les aspects techniques du « dossier », c’est-à-dire sur les questions juridiques et fiscales, que sur les aspects managériaux qui, pourtant, soulèvent encore des problèmes (C. Picard et C. Thévenart-Punod, 2004).
1.2. Processus de socialisation du repreneur et acculturation au territoire d’accueil
8 Un repreneur déterminé, un dossier de reprise bien ficelé ou des négociations bien menées ne préjugent en rien de la réussite de l’opération. En effet, si l’entrée du nouveau dirigeant n’est pas correctement réalisée, le succès de la « greffe » n’est pas assuré (S. Boussaguet, 2005). À partir du constat, de formulation somme toute triviale, que la reprise d’une entreprise implique le remplacement d’un dirigeant par un autre, émerge un certain nombre de questions. Comment accompagner et garantir la réussite de cette « substitution » ? Comment gérer ce nouveau départ pour l’entreprise ? D’où (re)part d’ailleurs exactement le repreneur ? Quand, combien de temps et jusqu’où doit-il bouleverser les orientations stratégiques de son entreprise ? Le repreneur ne postule pas seulement à un poste de direction, il reprend une entreprise dans sa totalité, et y (r)entre en endossant la responsabilité et le risque qui en découlent. Cela rejoint la notion de « socialisation repreneuriale » étudiée à la fois sous l’angle de la socialisation et de la prise de pouvoir (S. Boussaguet, 2005).
9 Cette approche se justifie dans la mesure où lors de l’entrée et de la socialisation organisationnelles, chaque fois qu’un individu change de rôle ou franchit une « frontière » de l’organisation (J. Van Maanen et E.H. Schein, 1979), il met en œuvre un ensemble de mécanismes en vue d’acquérir les valeurs, les comportements et les connaissances nécessaires pour assumer pleinement ses rôles dans l’organisation afin d’en devenir membre à part entière (D.C. Feldman, 1976 ; J. Van Maanen et E.H. Schein, 1979 ; M.R. Louis, 1980 ; J.-P. Wanous, 1980) [2].
10 Ce choix est en phase avec la position de L. Cadieux et J. Lorrain (2004), puisque les auteurs résument les modèles existants, en contexte de transmission interne (ou succession), en quatre temps : l’initiation, l’intégration, le règne – conjoint et le retrait du fondateur et pour lesquels ils établissent une typologie des rôles endossés par le prédécesseur durant les deux dernières phases (règne-conjoint, désengagement ou retrait). Autrement dit, il s’agit, bien implicitement, d’un mécanisme de socialisation organisationnelle avec un processus d’interactions entre une organisation et un (des) individu(s) en phase de transition organisationnelle (D. Lacaze et C. Fabre, 2005, p. 274). Plus précisément, on a en réalité un double processus d’acquisition et de transmission de connaissances et de compétences impliquant deux ensembles d’acteurs, l’entrant (le nouvel embauché pour le recrutement ou le repreneur pour la reprise) et l’organisation en tant qu’acteur collectif (A. d’Andria et Chalus-Sauvannet, 2007, p. 125). Mais, comme le soulignent B. Boussaguet et al. (2004) tant dans les travaux sur le recrutement que sur les opérations de reprises d’entreprises, les besoins d’acculturation, voire d’inculturation, des nouveaux arrivants (nouveau cadre ou repreneur) sont trop souvent encore négligés. Ces auteurs spécifient que « l’acculturation demande d’adapter plus ou moins sa culture à celle du territoire d’accueil […] L’inculturation va plus loin, elle exige de se soumettre à la culture du territoire d’accueil pour pouvoir entrer en relation satisfaisante avec ses acteurs, ses pratiques et sa symbolique institutionnelle ». (p. 12) Or, la relation entre le prédécesseur (cédant) et le successeur (ou repreneur) a un fort impact sur l’évolution et le succès de l’opération de transmission ou de reprise. Pour L. St Cyr et R. Inoussa (2000), le successeur doit prendre ses responsabilités en participant à une démarche d’évaluation de ses capacités à prendre efficacement la direction de l’entreprise et son leadership.
2. Design de la recherche
11 Compte tenu du caractère singulier que représente chaque événement de reprise, il est fait le choix de relater trois cas de reprises d’établissements hôteliers français, le repreneuriat étant le mode d’installation privilégié dans ce secteur (Oséo, 2005 ; A. d’Andria et M.C. Chalus-Sauvannet, 2007). L’intérêt de ce type de démarche de nature qualitative est de permettre une certaine compréhension du terrain lorsque « les frontières entre le phénomène et le contexte n’apparaissent pas clairement » (R. K ; Yin, 1989, p. 25). En effet, lorsque les concepts à étudier et les liens entre eux ne sont que peu définis par manque de connaissances théoriques, les méthodes traditionnelles de collecte de données de type questionnaire ne peuvent être utilisées. La visée empirique de cette recherche se veut donc exploratoire et le choix d’une recherche de nature qualitative semble approprié.
2.1. Pour une continuité discursive
12 Concrètement notre recherche s’inscrit dans une sorte de continuité discursive.
Parc hôtelier | Offre globale | Indépendants et Chaînes volontaires | Chaînes intégrées | |||
Catégories | Hôtels | Chambres | Hôtels | Chambres | Hôtels | Chambres |
0*/1 * | 4617 | 131979 | 3481 | 52647 | 1136 | 79332 |
2 * | 10554 | 294890 | 9391 | 216455 | 1163 | 78435 |
3 * | 4109 | 185825 | 3217 | 109385 | 892 | 76440 |
4 * | 796 | 59192 | 560 | 21751 | 236 | 37441 |
Total | 20076 | 671886 | 16649 | 400238 | 3427 | 271648 |
100 % | 100 % | 83 % | 60 % | 17 % | 40 % |
13 Continuité puisque nous poursuivons le but de mieux comprendre la reprise dans le secteur de l’hôtellerie – restauration indépendante. Selon l’Insee, confirmé par Oséo (2005), le secteur de l’hôtellerie et de la restauration constitue une part importante des transmissions d’entreprises, avec un turn over de 7 % des entreprises existantes qui font l’objet d’une reprise, contre 1,6 % pour l’ensemble des entreprises. Le nombre de transmissions familiales est quasiment nul (1 %) et, dans 88 % des cas, le repreneur est externe à l’entreprise.
14 Pourtant, à notre connaissance, il n’existe que peu d’études dans le champ de la gestion sur ce secteur qui, à bien des égards, recèle tout à la fois des spécificités propres à ses métiers, mais aussi des traits plus classiques dans la reprise de TPE et PME généralement familiales (M.C. Chalus-Sauvannet, 2004 ; A. d’Andria et MC. Chalus Sauvannet, 2007) [3].
15 Assez significativement, le secteur est majoritairement indépendant (à 83 %) et composé de TPE/PME familiales. Au 1er janvier 2008, le parc hôtelier français homologué compte 20076 hôtels et 671886 chambres (cf. Tableau 1).
16 Discursivité puisque notre recherche s’incrémente au fur et à mesure des terrains et résultats de recherche dans une sorte « d’opportunisme méthodique », et « d’opportunisme méthodologique », en privilégiant « un travail d’observation en cours de route, en fonction des spécificités du terrain » (J. Girin, 1986, 1990, p. 175). Nous avons opté pour une stratégie de recherche fondée sur les études de cas qui permettent d’étudier en profondeur et de façon intensive une ou plusieurs situations dans une ou plusieurs organisations (Y. Évrard et al., 2000). Cette méthode semble faire l’objet d’un consensus pour accompagner la compréhension d’un certain cheminement (R.K. Yin et K.A. Heald, 1975 ; K. Eisenhardt, 1989 ; F. Wacheux, 1996).
17 La collecte des matériaux a été réalisée en deux temps. Tout d’abord, compte tenu de la richesse d’une première étude [4], il nous est apparu intéressant de reprendre le cas à la lumière de la « nouvelle » problématique et d’examiner en quoi et comment une démarche volontairement entrepreneuriale pouvait perturber le processus repreneurial. En quelque sorte, nous avons procédé à la réutilisation de nos données qualitatives. Bien que cela ne soit pas une pratique courante en sciences de gestion (D. Chabaud et O. Germain, 2006), elle nous a semblé appropriée dans notre logique de capitalisation des connaissances empiriques et nous permet ainsi de revenir sur un aspect des données qui n’avait pas été suffisamment envisagé (p. 200) [5]. Nous avons ensuite pu suivre deux cas supplémentaires de reprise qui nous ont permis d’étayer ce nouveau questionnement [6].
18 Les données ont été recueillies à partir d’entretiens semi-directifs d’une durée d’une heure à une heure et demi en moyenne. Une retranscription des entretiens a été envoyée par courriel aux interlocuteurs afin de leur permettre de valider, confirmer ou infirmer l’échange, et un suivi téléphonique a permis de compléter des éléments ou des faits qu’ils pensaient utiles de préciser. Au total, nous disposons pour cette recherche de sept entretiens qui ont fait l’objet d’une analyse de contenu de type heuristique. Concrètement, le guide d’entretien (sous forme de questions ouvertes) comportait les thèmes suivants : Éléments d’information et de compréhension de l’établissement (Thème 1), Éléments sur la reprise de l’établissement (Thème 2) [7].
2.2. Présentation des trois cas
19 Ce point présente, pour chacun des trois cas, les faits marquants de la reprise et la situation à la date des entretiens.
Cas n° 1 : Hôtel-Restaurant Bon Repos
20 Il s’agit d’un hôtel-restaurant de 2 étoiles en région Auvergne. Situé dans une petite ville, au cœur d’une station thermale, il jouit d’une position géographique et touristique favorable. L’hôtel-restaurant a été racheté par deux repreneurs associés (non en couple), en 2002. Au moment du rachat, il a 32 ans. Son associée (âgée de 51 ans) est issue du milieu de l’hôtellerie et de la restauration et a travaillé dans les différentes gammes d’hôtel. L’associé précise : « J’ai déjà monté une affaire qui marche très bien dans la région […]. J’avais envie d’investir dans une autre affaire […] Je suis jeune et j’aime entreprendre ». La partenaire explique : « J’étais responsable du développement commercial […] J’avais fait le tour de mon job […] Il était temps de capitaliser mes compétences et de me mettre à mon compte ».
21 Lorsqu’ils reprennent l’hôtel, l’outil de production est en parfait état, les anciens propriétaires étaient âgés et fatigués : « Ils voulaient vendre et partir à la retraite ». Entreprise familiale depuis plus de 150 ans, les cédants ont une fille qui ne souhaite pas reprendre. Il n’y a pas eu à proprement parler de période de transition. Les nouveaux propriétaires n’ont pas changé l’organisation de l’établissement (ils ont conservé le personnel et les mêmes fournisseurs, du moins au début). Cependant, ils ont mis en œuvre leur projet de se tourner vers un nouveau segment de clientèle aimant les randonnées et les circuits à vélo dans la région et développent une politique marketing offensive. Ils démarchent les tours operators et les comités d’entreprises, créent un site internet, aménagent deux salles de réunion et réduisent certains coûts (baisse de la qualité des produits offerts). Pour accompagner le changement, d’autres décisions de gestion importantes sont prises comme l’ouverture à l’année et le changement radical de la salle de restaurant et de la carte.
22 Finalement, malgré l’expérience et les compétences des repreneurs, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. « L’établissement se porte bien mais de manière étonnante, les résultats sont fragiles ».
Cas n° 2 : Hôtel Europa
23 Bien que rien ne les obligeait à envisager une reconversion rapide sur le plan professionnel, Monsieur et Madame X (deux enfants), ont acquis en 2004 un hôtel bureau de 2 étoiles et de 43 numéros [8] dans une ville de province de la région Val de Loire à fort attrait historique et touristique. Âgés respectivement de 48 et 44 ans, à « mi-parcours de notre carrière professionnelle », ils ressentaient le désir d’avoir « une meilleure position économique et sociale » et étaient mus « par un fort besoin d’indépendance ». Madame est enseignante en lettres classiques (et légèrement fatiguée par son métier), Monsieur a été responsable produits dans une PME de la région pendant près de 15 ans. Le critère de rentabilité de l’affaire a été primordial afin de se préparer une fin de vie agréable avec une grande autonomie financière. À la suite d’un héritage lucratif, ils disposent d’un apport de l’ordre de 450K€, de quoi rassurer leur banquier qui va les aider dans le montage du dossier. Ils ont cherché et mûri leur projet pendant près d’un an et apprennent, par l’intermédiaire de leur banquier, que leur futur hôtel est à vendre. L’ancienne propriétaire, très âgée (veuve et sans enfant), vient de décéder et ses héritiers (neveux et nièces) vendent tout (murs et fonds). « C’est vrai qu’on a eu le coup de cœur malgré l’état […] Il fallait tout casser et tout refaire. […] L’hôtel était à l’abandon mais cela ne nous a pas fait peur ». Les nouveaux propriétaires vont faire des travaux de réhabilitation substantiels (avec notamment la création d’un ascenseur). Avec l’aide d’un architecte, ils ont repensé entièrement les chambres (leur disposition et leur nombre). Ils ont ciblé une clientèle touristique (classe moyenne — aisée) et ont misé sur des chambres plus spacieuses, plus confortables et mieux équipées. Actuellement, l’hôtel comprend 28 numéros et est en passe d’être référencé 3 étoiles. La clientèle se répartit pour 35 % « affaires » et 65 % « tourisme », avec une forte présence d’une clientèle étrangère (européenne, essentiellement : britannique, allemande et néerlandaise notamment) qui représente plus de la moitié de la clientèle « tourisme ». Actuellement, le bilan est encore mitigé. Bien que les prix pratiqués aient fortement augmenté en rapport avec le confort, les efforts d’investissement pèsent encore lourdement et l’emplacement, éloigné du centre-ville, semble freiner les perspectives au niveau d’un taux d’occupation régulier. La réduction du nombre de chambres a obéré de façon quasi automatique les possibilités de rentabilité économique à moyen terme. Enfin, bien qu’ils aient « bricolé » leur site internet, les propriétaires hésitent encore à s’affilier à une centrale de réservation en ligne, du fait des frais de commission pratiqués. Très dynamiques et ouverts, ils butent néanmoins sur l’utilité de l’outil pour se faire connaître.
Cas n° 3 : Hôtel- Restaurant Beau Manoir
24 Demeure datant du XVIIe siècle et partiellement rénovée, le manoir a ouvert ses portes en 1991. Situé dans la région Poitou-Charentes, il propose 13 chambres (5 chambres et 4 suites) de catégorie 4 étoiles. La clientèle est plutôt aisée, mais elle accueille aussi des personnes plus variées qui ont envie de se faire plaisir en s’offrant des séjours ou escapades pour un week-end ainsi que l’organisation de réceptions et mariages. Le domaine possède centre équestre, sauna, fitness, plus la possibilité de faire du golf (à 20 km). Suite à des difficultés financières, la propriété est mise en vente. « L’ancienne propriétaire n’a pas remboursé la société à qui elle devait plus de 800 kF euros. […] du coup, le manoir a manqué d’argent pour sa politique commerciale et pour effectuer les investissements nécessaires au maintien d’un certain standing ». Un chef d’entreprise de la région, non professionnel de l’hôtellerie, rachète le manoir en 2002 et entreprend, à grands frais, des travaux de transformation de la bâtisse. Une nouvelle partie est dédiée à la location de grands appartements haut de gamme pour clientèle (plutôt étrangère) très aisée et une prairie est aménagée pour recevoir des tentes lors de manifestations. Afin d’asseoir sa nouvelle notoriété, il cherche à s’affilier en 2004 à un réseau de chaîne volontaire spécialisée dans ce type de demeures et de prestations [9]. Le directeur de la chaîne précise : « J’étais plutôt réticent […] quelqu’un de prétentieux. […] Comme on n’était pas trop installé sur la région, c’était une occasion ». En 2005, il y a un changement à la direction de l’hôtel, mais la nouvelle directrice n’est que peu présente et toute la gestion quotidienne en souffre beaucoup. Les résultats ne sont pas probants. « C’est quand même la campagne […], les appartements bungalows ont été un bide ». En octobre 2005, « c’était la catastrophe » : la fréquentation n’a pas dépassé les 15 %. « C’était devenu un hôtel fantôme. […] On n’a pas renouvelé l’adhésion, il ne nous apportait rien et même pire on n’avait plus envie de s’afficher avec eux. Je ne sais pas trop où ils en sont aujourd’hui. Je ne pense pas que cela soit très glorieux ». Bien qu’il s’agisse dans les trois cas de reprise par des personnes physiques, force est de constater des différences importantes selon les cas. Le tableau 2 fournit un récapitulatif des principaux éléments caractérisant les trois établissements au moment de la reprise. Après avoir présenté les principaux éléments concernant la reprise de ces établissements, il convient de proposer une analyse des données ainsi collectées afin de mieux comprendre les enjeux et les contraintes auxquels ont dû faire face les nouveaux repreneurs compte tenu de la particularité de chacun de leur établissement.
Quelques éléments récapitulatifs sur les établissements repris
Cas n° 1. Bon repos | Cas n° 2. Europa | Cas n° 3. Beau manoir | |
Ancienneté | Plus de 150 ans | Plus de 50 ans | 16 ans |
Nombre de générations | 5 / 6 | 2 | 1 |
Catégorie | Hôtel-restaurant ** | Hôtel Bureau ** | Hôtel-restaurant **** |
Implantation | Centre-ville | Ville | Campagne |
Propriété et Direction |
Propriétaire Dirigeant et exploitant (en couple) |
Propriétaire Dirigeant et exploitant (veuve) |
Propriétaire Directeur Gérant |
Contexte de la reprise | Départ à la retraite | Décès |
Défaillance financière |
Raison de la vente | Pas de successeur familial | Pas de successeur familial | Dettes |
Année de la reprise | 2002 | 2004 | 2002 |
Quelques éléments récapitulatifs sur les établissements repris
3. Et si la volonté entrepreneuriale pénalisait la réalité repreneuriale ?
25 Dans le secteur de l’hôtellerie et plus généralement du tourisme, les possibilités de croissance sont limitées et la voie de la reprise d’un établissement s’impose le plus souvent. Les repreneurs sont souvent d’anciens hôteliers-restaurateurs ou des salariés souhaitant s’établir à leur propre compte. Leurs motivations reposent comme dans la plupart des cas de création ou de reprise, sur une volonté d’indépendance (54 %), combinés à une recherche de gains financiers (12 %) tout en reprenant une affaire plus importante (9 %) (Oséo, 2005). Dans l’ensemble, à quelques exceptions près, un développement à outrance n’est plus à l’ordre du jour au sein des hôtels indépendants (seuls ou en chaînes volontaires), ni même dans le secteur de l’industrie hôtelière intégrée. La tendance de fond s’oriente vers l’amélioration des prestations et du produit offert par chacun des membres. Le tout accompagné d’une augmentation significative des moyens de promotion et de communication.
26 D’après la dernière enquête de MKG Hospitality (du 14 février 2008), l’activité hôtelière française enregistre de bons résultats depuis la fin de l’année 2005. Les chiffres montrent le caractère « mature » de ce secteur qui vit une perpétuelle restructuration interne. Un double mouvement de transfert semble s’opérer entre l’offre de l’hôtellerie indépendante et des chaînes, d’une part, et entre les différentes catégories hôtelières, d’autre part. Au sein des enseignes intégrées, c’est le segment des hôtels 0* et 1* qui s’est le plus fortement développé (+3 %), alors que chez les hôteliers indépendants, c’est dans le haut de gamme que la nouvelle offre a été la plus importante (+2,1 % dans les 3* et 4*) [10].
3.1. Éléments de changements majeurs après la reprise
27 Lorsqu’un repreneur achète une entreprise, il impulse une nouvelle direction stratégique tout en endossant les risques de gestion. Comme le souligne R. Paturel (2005), les changements peuvent être plus ou moins intenses selon le statut précédent, les fonctions exercées, le métier de l’entreprise, son organisation et le lieu géographique d’implantation. La captation de la valeur existante peut être enrichie si le repreneur rend possible la réalisation d’une innovation tant organisationnelle que matérielle. Or, à partir des cas étudiés, nous mettons en avant le fait que la volonté de se montrer différent et capable d’initier, puis de mettre en place des changements importants avec l’ancienne organisation est tout à la fois un acte entrepreneurial, mais en même temps cristallise des ruptures avec le territoire d’accueil.
28 Les résultats ont été synthétisés au regard des principaux éléments de changements majeurs après la reprise de chacun des établissements. Ils sont présentés en deux tableaux : d’une part, les principaux éléments structurels engageant le long terme et, d’autre part, les éléments afférant aux orientations stratégiques prises à la suite de la reprise (cf. Tableaux 3 et 4).
Éléments structurels après la reprise
Cas Bon repos | Cas Europa | Cas Beau manoir | ||||
AVANT | APRÈS | AVANT | APRÈS | AVANT | APRÈS | |
Informations/la reprise | 3 / 4 ans | 3 ans | 3 ans | |||
Positionnement et référencement * | 2 étoiles (++) | 2 étoiles (-) | 2 étoiles (--) | 3 étoiles (-) | 4 étoiles | 3/ 4 étoiles (-) |
Infrastructure et équipe ments | 2 bâtiments | Nouvelles salles | Vétuste |
Confort Ascenseur | 1 bâtiment |
2 bâtiments (restauration) |
Nombre de chambres | 35 chambres | 35 chambres | 48 chambres | 23 chambres |
5 chambres 4 suites |
5 chambres 4 suites 4 appartements |
Outil de production | Excellent | Moyen | Mauvais | Excellent | Moyen | Bon |
Clientèle |
Curistes Seniors |
Sportifs Dynamiques |
VRP Touristes FF |
Affaires Touristes français et étrangers |
Tourisme Fin de semaine Réceptions | Tourisme |
Ouverture | Saisonnier | Année | Année | Année | Saisonnier | Saisonnier |
Éléments financiers | Pas de dettes | ? | Pas de dettes | Dettes | Dettes | Dettes |
Éléments structurels après la reprise
* Les signes entre parenthèses nuancent le référencement officiel au regard des prestations réelles.
Éléments liés aux orientations stratégiques après la reprise
Cas Bon repos | Cas Europa | Cas Beau manoir | ||||
AVANT | APRÈS | AVANT | APRÈS | AVANT | APRÈS | |
Style des dirigeants |
Propriétaires exploi tants (2) Couple Familial et tradi tionnel |
Propriétaires exploi tants (2) Moderne et efficace |
Propriétaire exploitant (1) Veuve Traditionnel |
Propriétaires exploitants (2) Couple Dynamique Convivial |
Gérant Directeur / |
Gérant Directrice Peu impliquée |
Nature du « marché » | Clientèle captive | Clientèle volatile |
Clientèle modeste |
Clientèle aisée |
Clientèle régionale |
Clientèle aisée et étrangère |
Salariés | 8 + saisonniers | 6 + saisonniers | 1 | 2 | 34 + extra | 28 + extra |
Réseaux sociaux |
Bien implanté ville et région | Peu de partenariats |
Bien implanté dans ville | Bien implanté | Bien implanté | ? |
Référencements |
Nombreux référen cements dans guides hôteliers et gastro nomiques |
Abandon référence ments dans guides gastronomiques Référencement guides hôteliers et touristiques | Peu développés |
Référencement dans guides hôteliers et touris tiques |
Présence dans guides hôteliers |
Référencement temporaire dans une chaîne volon taire haute de gamme |
Outils de communica tion et de commercialisation |
Limités mais efficaces Office du tourisme |
Site internet Politique commer ciale | Aucun |
Site internet (-) Office du tourisme |
Corrects Brochures Site internet |
Site internet Centrale réserva tion |
Bilan général * | Bon (+) | Moyen | Moyen (-) | Potentiel (++) | Bon (-) | Délicat |
Éléments liés aux orientations stratégiques après la reprise
Les signes entre parenthèses nuancent le bilan général en rapport avec les perspectives pressenties.
3.2. Trop ou pas assez d’entrepreneuriat ?
29 Bien que la présentation des trois études de cas de reprise ne prétende aucunement être représentative de l’ensemble des transmissions et/ou reprises du secteur hôtelier, elle nous amène à nous questionner. En effet, dans les trois cas, un ensemble de facteurs est réuni pour « faire une bonne reprise » et pourtant des particularités émergent et nous invitent à rester nuancé sur le caractère probant des choix décisionnels.
30 Dans le cas Bon Repos, il a été constaté que les deux repreneurs (non en couple) possèdent les qualités et compétences nécessaires pour mener leur affaire. Ils ont l’envie de s’imposer : « J’avais envie de faire autrement et j’étais pressé de le prouver » et sont prêts à assumer une nouveauté comme le renouvellement total de la stratégie commerciale : « Il fallait changer tout çà […] ». Pour autant, force est de constater que leur choix brutal a manqué d’une certaine maturité par rapport au territoire d’accueil qu’est un hôtel, une ville ou sa région et un réseau économique et social plus globalement. En effet, la passation avec l’ancien propriétaire a été sommaire (3 semaines tout au plus), le choix de la clientèle sportive et volatile a étendu bien malgré eux la concurrence à d’autres formes de tourisme vert. Autrement dit, en voulant se démarquer, les repreneurs se sont retrouvés à la fois dans un tourisme de masse aux beaux jours et bien seuls pendant la morte-saison avec des coûts de structure assez lourds. À la fin de l’enquête, les perspectives étaient plutôt ternes.
31 Pour nous, le choix d’une clientèle « rajeunie » et dynamique est lié à la nature intrinsèque des repreneurs : ils sont plus jeunes et entreprenants que l’ancien propriétaire ; ils veulent faire « bouger les choses ». Cependant, ils sont probablement allés « trop vite », il leur a manqué la « sagesse du cédant » (qu’ils n’ont pas vraiment voulu associer) ou, en termes juridiques, de son intuitu personae. L’ancien propriétaire avait avec lui, non seulement son expérience et son savoir-faire mais une culture de son établissement et de son environnement plus que centenaire. Aussi, et bien que natifs de la région, les nouveaux repreneurs n’ont peut-être pas bien su évaluer les difficultés potentielles d’un tourisme élargi dans cette toute petite ville.
32 Dans le cas Europa, la reprise a lieu à la suite du décès de l’ancienne propriétaire. Les repreneurs se retrouvent immédiatement propriétaires, dirigeants et managers. « Au début, on ne réalisait pas trop […] On passait de l’euphorie et par des moments d’angoisse ». Ils sont un peu atypiques par rapport aux repreneurs du secteur, mais leur projet est très cohérent (cf. Oséo-Bdpme, 2005). Disposant d’atouts financiers, ils entreprennent les travaux nécessaires pour remettre l’hôtel en conformité avec les attentes des clients et rejoignent de ce fait la tendance actuelle sur le marché des 3 étoiles. À cela se conjuguent la localisation de l’hôtel et l’apport de touristes (notamment étrangers) qui leur permettent de pratiquer des prix légèrement supérieurs en lien avec le confort de l’hôtel. Mais le choix de réduire le nombre de chambres et l’implantation loin du centre, s’ils assurent un niveau de qualité réelle, limitent de fait les recettes. Par ailleurs et assez paradoxalement, les propriétaires hésitent encore à développer un outil de communication indispensable aujourd’hui dans l’hôtellerie indépendante de moyenne/haute gamme avec, d’abord, un site internet performant (avec traduction en anglais et en allemand au moins) et, probablement à terme, une ou des adhésions à une chaîne volontaire, voire une affiliation à une centrale de réservation (française ou européenne).
33 Il est vrai que, dans leur volonté de reprise, ils ont probablement besoin de « souffler un peu ». Nous faisons le constat que si le couple « prise de risque et décision », et fort changement pour les repreneurs sont bien présents, ils ne s’accompagnent pas de l’innovation (avec la maîtrise d’un outil technologique de communication et de commercialisation, somme toute, indispensable au marché des 3 étoiles indépendant et à sa clientèle). Or, l’entrepreneuriat (et le repreneuriat) sont des processus, et comme tels il faut tout mettre en œuvre pour que le processus ne s’arrête pas au bout de quelque mois ou quelques années.
34 Dans le cas Beau manoir, le repreneur est chef d’entreprise, mais il n’est pas du métier. Il est ambitieux et à envie de « se payer un château ». Outre ses motivations de démonstration de réussite, il a su racheter un domaine avec des potentialités. Son coté entrepreneur ne fait aucun doute dans la mesure où il rachète une « opportunité d’affaires » dans une logique plutôt financière avec divers changements pour sa personne (voir plus haut). A-t-il cherché la possibilité d’une plus-value par une revente à court ou moyen terme ? Nous ne disposons pas d’assez d’éléments pour répondre par l’affirmative. Pour autant, les dépenses de restauration du manoir, ainsi que le mode de management confié à un directeur puis une nouvelle directrice, nous incitent à envisager cette stratégie. Mais « l’extravagance » des travaux et l’extension de l’exploitation avec des appartements ne rencontrent pas les attentes de ce type de clientèle. De plus, le management de la direction ne semble pas à la hauteur des exigences de la gamme luxe. Il demande un suivi et un encadrement renforcés du personnel au contact de la clientèle. En effet, il est souvent spécifié que reprendre une entreprise ne se limite pas à l’acquisition d’un capital financier, immobilier, mobilier, etc. C’est aussi reprendre un capital humain. La « distance » de la nouvelle directrice par rapport à la gestion quotidienne dénote probablement d’une acculturation déficiente au manoir et à ses salariés. Or, dans notre cas, il est clair que le processus de reprise, suite à la mise en vente du manoir pour raisons financières, a dû perturber les équipes de production tant hôtelières qu’à la restauration. Le malaise n’a pas dû se dissiper à l’arrivée du nouveau propriétaire et le changement dans l’équipe de direction ; l’année suivante n’a fait que renforcer la perception par les salariés d’un « navire sans capitaine ».
Conclusion
35 Il existe une variété dans les situations de reprise et, notamment, dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. L’intérêt de ce travail est d’illustrer au travers de trois études de cas à fort contenu empirique, le fait que les entrepreneurs (et par extension les repreneurs) et leurs projets entrepreneuriaux (ici repreneuriaux) sont différents les uns des autres (Gartner, 1990). Trois cas de reprise d’établissements sont représentés : une reprise d’un hôtel-restaurant familial pour cause de départ à la retraite, une reprise d’un hôtel bureau suite à un décès, une reprise d’hôtel-restaurant dans un cadre prestigieux en prise à des difficultés financières. Trois profils de repreneurs sont présents : deux repreneurs associés, un couple de repreneur avec reconversion professionnelle, un chef d’entreprise investisseur. Les trois projets sont potentiellement cohérents avec un changement de clientèle avec baisse de gamme dans le cas n° 1, une (re)constitution d’une clientèle avec augmentation du niveau de gamme dans le cas n° 2, une diversification d’activité en gamme luxe dans le cas n° 3. L’examen des caractéristiques personnelles de nos trois repreneurs et la façon dont chacun a abordé la reprise de son établissement laisse à penser qu’ils ont su saisir, comme le dit la littérature, une opportunité entrepreneuriale liée à l’émergence d’une nouvelle activité économique (Shane et Venkataraman, 2000) sans toutefois poursuivre sa construction. C’est peut-être là qu’il faut rechercher d’autres éléments expliquant les résultats observés.
36 La communication comporte des limites inhérentes à son statut et notamment son caractère exploratoire. De plus, la validation d’un processus de recherche fondée sur une investigation idiographique doit tenter de dépasser les caractéristiques idiographiques de l’entreprise pour aboutir à une modélisation de portée plus générale (V.I. de La Ville, 2000, p. 73). La réalité est construite par l’expérience que retire le chercheur du terrain, mais elle n’est jamais directement accessible, si bien que l’interprétation des résultats reste conjecturale.
37 Dès lors, il reste encore à faire pour mieux comprendre la complexité du phénomène. Nous entrevoyons déjà l’importance du couple individu/projet dans une relation dialogique où le système entrepreneurial (changement plus ou moins intense pour l’individu et captation de valeur existante ou nouvelle) est en interaction avec son environnement et dans lequel le temps constitue une dimension incontournable (C. Bruyat et P.A. Julien, 2001). Or, justement dans la reprise d’un établissement, il nous semble que la dimension du temps n’est pas assez bien prise en compte. Dans les trois cas présentés, on remarque que la passation ne s’est pas faite, faute de temps ou faute d’interlocuteur. De même, le recueil des données, encore proches du moment de la reprise (en moyenne trois années), peut occulter la mise en place d’une sorte d’effet d’apprentissage des repreneurs aux signaux de l’organisation, lissant les à-coups dans le processus de repreneuriat et venant tempérer une volonté entrepreneuriale en lien avec la réalité repreneuriale.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Les cinq dernières années ont vu l’extension de nouvelles mesures pour favoriser la création et la reprise d’entreprise. Après la loi Dutreil (2003), la loi en faveur des PME (JO du 3 août 2005), dite loi PME a pour objectif d’assurer la pérennité des entreprises nouvellement créées et des entreprises existantes et également d’améliorer les conditions de leur transmission afin de préserver les savoir-faire et l’emploi. De plus, le décret du 29 mars 2007 relatif à la mise en place d’une prestation de tutorat du chef d’entreprise partant à la retraite auprès de son repreneur illustre bien une certaine volonté politique en ce domaine.
-
[2]
Les concepts d’entrée et de socialisation organisationnelles sont traditionnellement plutôt mobilisés en gestion des ressources humaines et, notamment, à ses pratiques en matière de processus de recrutement (Lacaze, 2001 ; Perrot, 2001 ; d’Andria, 2004, 2007 ; Lacaze et Fabre, 2005).
-
[3]
D’après l’étude Oséo-Bdpme (2005), dans le secteur de l’hôtellerie, les possibilités de croissance sont limitées. La reprise d’un établissement (de plus grande taille ou mieux situé) est souvent une solution qui s’impose pour évoluer. Par ailleurs, alors qu’aucune réglementation ne l’impose, la majorité des repreneurs ont une formation professionnelle ou supérieure technique (à 80 %). De plus, ils ont une expérience du tourisme (88 % des cas), ce qui est significativement supérieur à ce qui est constaté dans les autres secteurs. Les repreneurs sont pour la plupart d’anciens hôteliers – restaurateurs ou des salariés souhaitant s’établir à leur propre compte. Dans ce secteur, 41 % des reprises sont le fait de deux personnes (très souvent en couple). L’âge moyen des repreneurs s’établit à 39 ans avec des repreneurs âgés entre 35 et 45 ans représentant 40 %.
-
[4]
Cette étude s’est déroulée sur une période de 30 mois de mi 2003 à fin 2005.
-
[5]
Nous empruntons le principe de récursivité (M. Hlady-Rispal, 2002) qui renvoie aux itérations successives inhérentes au processus de recherche qualitative. Comme le spécifient D. Chabaud et O. Germain (2006, p. 203), « Dans l’itinéraire même du chercheur, il existe des ruptures entre les temps propres à la conduite de chaque recherche, mais les données servent parfois de fil conducteur parce qu’elles circulent de projet en projet ».
-
[6]
Les entretiens se sont déroulés courant 2007.
-
[7]
Concernant le thème 1, les points suivants ont été abordés : positionnement de l’établissement (catégorie, nombre de chambres), âge de l’établissement, principaux établissements concurrents ou partenaires, localisation, composition du personnel, principaux points forts/points faibles de l’établissement ainsi que des éléments personnels (âge, formation, famille)… Concernant le thème 2, il a été demandé d’expliciter les motivations de la reprise, les raisons qui ont fait basculer pour cet établissement, comment s’est déroulée la reprise, ce qui a été marquant, quel était le projet, ce qui a été fait, où en sont-ils aujourd’hui…
-
[8]
Hôtel bureau = hôtels sans restaurant ; numéros = nombre de chambres
-
[9]
C’est une association regroupant exclusivement des hôtels indépendants 3 et 4 étoiles ainsi que des monuments historiques ouverts à la visite. Pour être membre, un hôtel doit être obligatoirement situé dans un Château, un Manoir, une Abbaye ou une Demeure de Charme. La chaîne s’appuie sur un tourisme culturel et chaque hôtel doit être associé à un partenaire culturel (une galerie d’art, un musée, un château, un jardin d’exception, un artisan…) qui lui est proche géographiquement. Les valeurs défendues allient la beauté des lieux, le caractère unique de la demeure, la qualité de l’accueil, à un souci permanent de l’enracinement culturel et de la découverte des richesses patrimoniales de la région.
-
[10]
Comme le souligne l’analyse, cela signifie que les deux univers hôteliers suivent désormais des stratégies plus complémentaires que de confrontation. « L’une des tendances lourdes observées depuis quelques années se traduit par une plus forte concentration de l’offre hôtelière au coeur des métropoles et le long des axes majeurs de circulation. Le déclin de la petite hôtellerie économique rurale et familiale se poursuit, mais elle est en partie compensée par les nouveaux projets des entrepreneurs indépendants qui n’abandonnent pas totalement le créneau. En effet, le solde net est loin d’être dramatique pour les hôteliers indépendants, contrairement aux cris d’alarme lancés pour déplorer les fermetures d’exploitations qui n’ont plus de justification économique. La substitution entre une hôtellerie vétuste, inadaptée, s’opère sans crise majeure au profit d’une modernisation lente, mais régulière du parc économique ». http://www. mkg-worldwide.com/CP_glf_2008.pdf