Couverture de RSG_228

Article de revue

Le rôle du système de gouvernement d'entreprise dans le développement de l'innovation technologique 

Une étude empirique dans le secteur agro-alimentaire tunisien

Pages 33 à 43

Notes

  • [1]
    Dans le contexte tunisien, pour qu’un actionnaire détienne le contrôle légal d’une entreprise, il doit avoir au moins 50 % du capital de cette entreprise. En appliquant cette définition, la famille est en mesure d’exercer un contrôle de l’entreprise.

1 Confrontées à un environnement de plus en plus turbulent et caractérisé par des changements structurels touchant en particulier l’activité économique, les entreprises sont obligées de réagir en conséquence. Elles essaient de mettre une infrastructure efficace qui favorise la création de la valeur économique, sociale, environnementale et surtout technologique. Dans cette optique, la compétitivité de l’entreprise est appréciée par sa capacité à innover (Cohen W. et al., 2000).

2 En tant que décision stratégique (Porter M., 1986 ; cité par Coulon R., 2003), plusieurs études ont montré que l’innovation technologique est un processus collectif. Néanmoins, sa mise en œuvre est un peu difficile ; d’une part, ce processus entraîne une incertitude accrue résultant de son caractère fondamentalement immatériel, d’autre part, elle dépend étroitement de l’existence des financements appropriés notamment ceux produits par le capital-risque. En effet, les investissements dans l’immatériel engendrent pour les entreprises des situations d’asymétrie informationnelle et des conflits d’intérêts (Shleifer A. et Vishny R.W., 1989). Dès lors définir les principes de gouvernement d’entreprise capable de stimuler ce processus devient un débat important (Lazonick W. et O’Sullivan M., 1998 et 2000 ; Rubinstein M., 2001).

3 Nous pouvons développer notre problématique de recherche en la rapportant au postulat selon lequel l’organisation interne de l’entreprise est nécessaire pour supporter l’innovation (Vas A, 2005), mais reste difficile à concrétiser. En effet, le système de gouvernement d’entreprise s’efforce souvent de créer la valeur ajoutée pour les différentes parties prenantes et ce, par la prise de décisions stratégiques portant sur l’innovation technologique. Cependant, cet effort est souvent entaché par des problèmes d’ordre économique, technique et institutionnel. Plusspécifiquement, ces investissements engendrent pour l’entreprise des coûts énormes. En conséquence, des conflits d’intérêts et d’asymétrie d’information voient le jour. Il en résulte que certains actionnaires refusent de s’engager pour financer les nouveaux projets. Dès lors, les intérêts des stakeholders sont touchés. En outre la perturbation de l’environnement peut influencer négativement tout genre d’innovation. Ce dernier problème se rapportera au manque d’encadrement pour favoriser les actions d’apprentissage organisationnel qui sont, souvent citées comme des déterminants pour le développement de l’innovation technologique.

4 Ceci nous amène à poser la question suivante : comment le système de gouvernement d’entreprise permet-il de garantir la cohérence entre les objectifs à long terme de l’entreprise et les intérêts des différentes parties prenantes en se basant sur ses différents mécanismes et afin de favoriser le développement de l’innovation technologique ? et comment peut-on mesurer ou évaluer cette cohérence ?

5 L’objectif central de notre présente recherche essaiera d’étudier le rôle du système de gouvernement d’entreprise, dans la mise en place des stratégies d’innovation technologique au sein de 61 entreprises tunisiennes opérant dans le secteur agroalimentaire.

6 Le reste du présent travail est structuré de la façon suivante. Un premier volet présentera le cadre théorique et conceptuel de recherche. Le deuxième volet traitera des aspects méthodologiques. L’analyse et la discussion de nos résultats font l’objet du dernier volet. La conclusion résume les principaux résultats de cette recherche, en rappelle les limites et présente des voies nouvelles de réflexion.

1. Le cadre théorique et les hypothèses

7 Face aux exigences de la nouvelle économie, les entreprises investissent de plus en plus dans les activités innovantes créatrices de la valeur aux yeux des différentes parties prenantes de l’entreprise (Cassiman B. et Veugelers R., 2002). Néanmoins, la mise en place d’une stratégie de l’innovation est un exercice très difficile. D’une part, l’innovation est la résultante d’un effort collectif entre les différentes composantes de l’entreprise. D’autre part, la prise en compte d’une politique d’innovation est un processus coûteux et risqué dans lequel la divergence des intérêts et les problèmes d’asymétrie d’information sont des problèmes qui freinent la réussite de ladite innovation (Caro J.-Y., 2003 ; Cherif M., 1999). Ajoutons aussi à ces contraintes la nature et les caractéristiques des projets d’innovation qui se traduisant par une valeur future incertaine des investissements correspondants (Erickson G.M. et Jacobson R., 1992).

8 Pour cela, un système de gouvernance d’entreprise de qualité est un facteur favorable d’excellence pour éviter, d’une part, le manque de coordination et d’encadrement et d’autre part, pour limiter les coûts d’agence et de transactions.

9 La question qui se pose à l’évidence est : Par quel mécanisme de gouvernance peut-on aligner les intérêts des différentes parties prenantes dans l’entreprise vis-à-vis de la rentabilité attendue de l’innovation technologique ?

1.1. La justification de la légitimité de recourir au système de gouvernance d’entreprise

10 Il apparaît qu’un système de gouvernance d’entreprise pourrait favoriser un soutien permanent pour piloter efficacement le processus de l’innovation technologique. Ce système est défini comme étant l’ensemble des activités utilisées pour diriger et contrôler les affaires d’un organisme dans le but d’atteindre ses objectifs (Charreaux G., 2000).

11 La majorité des études portant sur l’influence du système de gouvernance de l’entreprise sur la politique de l’innovation s’inscrit dans une synthèse du courant disciplinaire et du courant cognitif de gouvernement d’entreprise pour minimiser l’espace discrétionnaire de dirigeants et accroître la création de la valeur (Rubinstein, 2001, Charreaux G., 2002 ; Lazonick W., 2000, Lazonick W. et O’Sullivan M., 2000). De ce fait notre raisonnement d’analyse fait référence au principe de la contingence vue qu’il n’y a pas un système comptable ou de contrôle de gestion universellement efficace qui s’applique à toutes les organisations et dans toutes les circonstances (Toomas et al, 2002). Il en découle que la diversité des approches théoriques pour étudier un même phénomène est un signal positif de la richesse du débat ouvert en la matière.

1.1.1. Le courant disciplinaire

12 Ce courant trouve son origine dans la théorie de l’agence qui étudie la relation entre les dirigeants et les actionnaires d’une part, et la firme et les créanciers financiers d’autre part. Dans cette optique, le rôle principal voulu au système de gouvernement consiste à aligner les intérêts des dirigeants avec ceux des actionnaires (Shleifer A. et Vishny R.W., 1997). À ce niveau, la littérature associée nous enseigne qu’il existe deux niveaux d’analyse différents : le niveau organisationnel et le niveau institutionnel (Rubinstein M., 2001).

A. Le niveau organisationnel

13 À ce niveau l’intérêt central porte essentiellement sur la conception de la firme. Pour cela, nous allons mobiliser deux approches distinctes, à savoir l’approche shareholder et l’approche stakeholders.

14 a. L’approche shareholder  : dans cette approche une priorité est accordée à la maximisation de la valeur actionnariale (Rubinstein M., 2001). L’efficacité de système de gouvernance est appréciée par sa capacité à maximiser la valeur de l’entreprise à un moment donné et ce, essentiellement à travers la réduction des coûts d’agence. Les travaux de Lazonick W. et O’Sullivan M. (1998) distinguent deux facteurs clés de la capacité innovatrice de la firme à savoir l’engagement financier et l’intégration organisationnelle.

15 Compte tenu du rôle joué par le dirigeant dans les décisions stratégiques et du système de gouvernement d’entreprise, il y a lieu d’intégrer le comportement des dirigeants au sein de cette approche. Cette intégration est proposée par Couderc J.- P. et Stephany M. (2005). Ainsi, le capital humain des dirigeants pourrait avoir une influence positive sur la politique de l’innovation (James C.H., 2005). Tylecote et Ramirez (2006) ont insisté sur l’importance de l’engagement des actionnaires pour stimuler le processus d’innovation technologique. Il apparaît alors que ces firmes privilégient le financement par appel public à l’épargne. Ceci peut se traduire par l’ouverture du capital. D’où la première hypothèse :

16 (H1) : La gouvernance type shareholder influence positivement le processus de développement de l’innovation technologique Cette hypothèse (H1) peut être subdivisée en deux sous hypothèses :

17 (H1-a) L’engagement des actionnaires influence positivement le processus de développement de l’innovation technologique.(H2-b) Le style de management du dirigeant influence positivement le processus de développement de l’innovation technologique.

18 b. L’approche stakeholders : Les travaux sur l’innovation et, en particulier, sur l’innovation technologique montrent que cette dernière est la résultante d’un effort collectif intégrant les différents joueurs au sein de l’entreprise (Faems D. et al., 2005). L’avantage majeur de cette approche est la prise en compte des intérêts légitimes de toutes les parties prenantes de l’entreprise (Gabriel P. et Cadiou Ch., 2005). La conception nouvelle de la firme entraîne systématiquement une vision différente de la création, de la répartition et de la distribution de la valeur créée. À ce niveau, nous parlons de la valeur partenariale au lieu de la valeur actionnariale du fait que toutes les parties prenantes de l’entreprise ont un droit légitime pour recevoir une partie de la rente organisationnelle en contrepartie des ressources allouées (Charreaux G., 2002 ; Dittrich K., 2001). Charreaux G. et Desbrières P. (1998) généralisent cette approche à l’ensemble des partenaires en considérant que certaines transactions relationnelles, non purement marchandes, contribuent également à la rente organisationnelle. L’innovation technologique y contribue largement. D’où l’hypothèse suivante :

19 (H2) : La prise en compte des intérêts des stakeholders influence positivement le processus de développement de l’innovation technologique

B. Le niveau institutionnel

20 Selon l’OCDE (2004) le système de gouvernance de l’entreprise est le reflet de l’environnement économique, social, juridique et culturel au sein duquel agit l’entreprise. De ce fait, il est bien entendu que des différences à l’échelle internationale expliquent bien la divergence des principes de ce système. Cette situation est bien illustrée par des études empiriques montrant que les deux éléments-clés du processus d’innovation sont effectivement utilisés pour expliquer le succès japonais mais apparaissent absents dans les secteurs pharmaceutiques et chimiques au niveau des États-Unis (Rubinstein M., 2001). En effet, le processus de l’innovation technologique est un processus long et trop risqué. Il exige une intervention continue des pouvoirs publics pour le stimuler à travers des mesures prises au niveau du financement de ces firmes ou bien aussi à travers la mise en place d’une législation transparente. Hoskisson R.E. et al. (2004), dans leur étude sur le lien entre les systèmes de gouvernement nationaux et les systèmes de l’innovation, indiquent qu’un pays qui gagne la compétitivité globale dans les marchés supporte les exigences de l’innovation de la part de son système du gouvernement national. D’où l’hypothèse suivante :

21 (H3) : L’environnement institutionnel territorial de l’entreprise influence positivement le processus de développement de l’innovation technologique

1.1.2. L’apprentissage organisationnel : cadre d’analyse de courant cognitif

22 Lazonik W. et O’Sullivan M. (2000) considèrent que le processus de l’innovation est une décision stratégique prise par l’entreprise vu que ce processus est très long et en touchant les différents partenaires de l’entreprise. Une revue de la littérature portant sur les recherches en stratégie montre beaucoup de constats. Le premier constat insiste sur le rôle central des connaissances, des capacités et des compétences acquises par l’entreprise afin de réussir dans la stratégie (Nonaka I., 1994). Le second est relatif à la création de la valeur. Cette dernière ne se limite plus à discipliner les dirigeants, mais elle fait appel aux capacités organisationnelles, aux connaissances et aux compétences spécifiques de la haute équipe dirigeante. Ceci constitue un avantage compétitif durable donnant lieu à une création permanente de la valeur au sein de l’entreprise. Ce courant regroupe notamment la théorie comportementale de la firme, la théorie évolutionniste et les théories des ressources et des compétences (Charreaux G., 2002). Foray D. (2000) insiste sur le rôle essentiel joué par la connaissance et l’apprentissage dans la création et le développement des activités d’innovation et ce, conformément à ce qui a été avancé. D’où l’émission de l’hypothèse suivante : (H4) : L’apprentissage organisationnel influence positivement le processus de développement de l’innovation technologique.

1.2. Le modèle conceptuel de la recherche

23 Notre propos est d’étudier le rôle de système de gouvernance d’entreprise, retenu dans sa conception la plus large dans le dynamisme d’une politique d’innovation technologique. La prudence nous conduit ainsi à intégrer des variables de contrôle comme la taille et le secteur d’activité qui ont un impact sur le déclenchement des innovations. Pour des causes méthodologiques nous nous limitons à intégrer seulement la variable taille.

2. Les aspects méthodologiques de la recherche

24 Les développements théoriques avancés ont contribué à présenter les facteurs clés de succès de la réussite des stratégies d’innovation technologique, et à délimiter un cadre spécifique pour étudier les aspects qui se rapportent à cette réussite. Cette section vise à étudier les principes méthodologiques de cette étude.

2.1. Présentation de l’échantillon et des sources d’informations

25 Notre attention s’est portée dans notre présente recherche sur la problématique du rôle du système de gouvernement d’entreprise dans la promotion de l’innovation technologique en Tunisie. Pour y parvenir, le choix de la population a été guidé par un critère essentiel, à savoir : le critère juridique. Le fait de ne retenir qu’un seul secteur à, savoir celui de l’agroalimentaire, nous a permis d’avoir l’avantage de limiter l’hétérogénéité des entreprises et d’homogénéiser leur environnement institutionnel. Ceci nous permettra d’éviter de biaiser les résultats.

26 La détermination de la base des données de notre étude a été facilitée par la consultation du guide des entreprises commerciales et industrielles auprès de l’agence de promotion de l’industrie (API). Notre population, objet de notre étude, s’avère relativement importante et difficile à enquêter exhaustivement. Pour cela, nous nous sommes contentés de consulter trois grandes régions (Tunis, Sfax, Nabeul) connaissant un progrès économique croissant en Tunisie.

2.2. Les techniques d’investigation

27 La collecte des données est réalisée moyennant un questionnaire administré auprès de quelques entreprises tunisiennes, ayant la forme juridique de société anonyme, opérant dans le secteur agroalimentaire. Nous nous sommes basés pour cela sur les apports de la littérature, d’une enquête auprès des entreprises agroalimentaires du Languedoc-Roussillon (France en 2003) et surtout sur les recommandations présentées dans le manuel O’SLO de l’OCDE (1997). Le questionnaire comprend uniquement des questions fermées. Les entreprises en question ont été interrogées sur une période de trois ans allant de l’année 2002 à 2004. Ce choix temporel trouve son origine dans les recommandations du manuel O’SLO.

Schéma n° 01

Le modèle conceptuel de la recherche.

figure im1

Le modèle conceptuel de la recherche.

2.3. Choix des instruments de mesure

28 Conformément à ce qui a été avancé tout au long de la partie théorique et à l’étude empirique Française déjà citée et qui a été menée par Couderc J.-P. et Stephany E. (2005), notre démarche s’étend aux deux modèles de la gouvernance : l’approche shareholder et l’approche stakeholders. De plus en plus liée à l’innovation, la capacité d’apprentissage est un élément déterminant pour les entreprises innovatrices. De ce fait, elle influence la politique d’innovation.

29 Comme nous l’avons souligné précédemment, l’ensemble des variables et des facteurs que nous cherchons à étudier sont des construits. Raison pour laquelle, nous les opérationnalisons en nous basant sur la littérature associée. L’échelle de mesure utilisée est l’échelle de likert en cinq modalités. L’identification des items correspondant à la mesure des variables est effectuée à partir de la littérature.

2.4. La purification des mesures

30 Étant donné que plusieurs variables ont été retenues pour opérationnaliser les construits, il est nécessaire de procéder à une purification de ces mesures. Cette étape permet de s’assurer que les items choisis produisent une représentation parfaite des construits en question. Pour cela, nous avons recours au test de la fiabilité basé sur le calcul du coefficient alpha de Cronbach.

31 Vu que l’étude du système de gouvernement d’entreprise en matière d’innovation technologique est peu explorée dans lecontexte tunisien, nous acceptons l’alpha de Cronbach pour des valeurs comprises entre 0,6 et 0,7.

2.5. La mesure des variables explicatives

32 Ces mesures sont présentées comme suit :

2.5.1. La mesure des caractéristiques de la gouvernance shareholder

33 Il s’agit de trois caractéristiques retenues pour la recherche à savoir :

34 a. Le degré d’ouverture de capital  : Dans notre contexte, la majorité des entreprises de notre échantillon sont familiales. De ce fait, nous avons adopté la définition proposée par Astrachan J.H. et Kolenko T.A. (1994). Cette définition a été aussi utilisée dans le contexte tunisien par Gherib J. et Souissi L. (2004). L’entreprise familiale est ainsi définie comme étant une entreprise dont une seule famille détient au moins 50 % [1]du capital pour les entreprises ne faisant pas appel à l’épargne et 10 % dans le cas inverse, et qui a au moins dix ans d’activité continue.

35 Sur la base de ce seuil, et en suivant les travaux de Shabou R. (2003), nous pouvons mesurer le degré d’ouverture du capital et ce, en attribuant 1 si la famille détient moins de 50 % du capital, 0 sinon.

36 b. Le comportement des dirigeants  : Pour analyser le comportement des dirigeants en fonction du degré de risque qu’ils acceptent d’assumer pour atteindre les objectifs prioritaires qu’ils se sont fixés, en particulier sur les projets d’innovation technologique, des travaux analysant les liens entre l’aversion au risque, l’incertitude et la prise de décision stratégique ont été menés, en particulier, les travaux de Julien P.A. et Marchesnay M. (1987). Dans ce cadre, les auteurs distinguent deux grandes catégories d’entrepreneurs : les « PIC » (pérennité, indépendance, croissance), dont l’une des préoccupations principales est d’assurer la survie de leur firme et les « CAP » (croissance, autonomie, pérennité), pour lesquels la valorisation de leur patrimoine passe par une prise de risque supérieure.

37 Pour les besoins de notre recherche, cette variable prend 1 si les répondants choisissent les « CAP » ; 0 dans le cas inverse.c. Le processus décisionnel  : les travaux de Julien P.A. (2003) proposent une synthèse des éléments favorisant l’innovation dans la PME. À côté de l’environnement socio-économique, des compétences technologiques et des capacités organisationnelles, nous trouvons le processus de prise de décision que ce soit individuel ou collectif. Les répondants ont été priés de déterminer la façon de prendre des décisions. Comme le cas précédent, cette variable prend 1 si le processus de prise de décision est collectif ; 0 si non.

2.5.2. La mesure des caractéristiques de la gouvernance stakeholders

38 La collaboration avec les clients et les fournisseurs a été décrite comme évidente dans l’optimisation des compétences de création et de répartition de la valeur ajoutée. Dans cette perspective, Zingales L. (2000) a insisté sur le rôle de l’État, considéré comme un joueur à part entière poursuivant ses propres objectifs, mais également comme contraint par les interactions avec les autres joueurs. L’échelle de mesure employée pour mesurer l’importance de chaque partie prenante dans la mise en place d’une politique de l’innovation technologique repose sur la construction de Kalika M. (1995). Selon cet auteur, l’évaluation de chaque partie prenante est appréciée sur une échelle de type likert en sept points. Pour nous, et pour des besoins d’homogénéité, nous allons employer une échelle à cinq points. Pour mesurer cette variable, deux items ont été engagés.

39 Les répondants sont amenés à répondre à la question suivante : Veuillez déterminer l’importance des clients et des fournisseurs dans la mise en place d’une politique d’innovation en procédant par une échelle de likert en cinq points (où 1 correspond à « Pas du tout d’accord », 5 à « Tout à fait d’accord »).

2.5.3. La mesure des caractéristiques de la gouvernance institutionnelle

40 Les répondants ont été priés d’apporter une évaluation subjective sur l’échelle de likert allant de « Pas du tout d’accord » à « Tout à fait d’accord » pour indiquer l’effet de l’environnement institutionnel qui les incitera à la mise en place des innovations technologiques. Pour y parvenir trois items ont été construits (Couderc J.-P. et Stephany E., 2005) :

41

  • les incitations fiscales ;
  • l’importance des subventions dans le financement de l’innovation ;
  • l’importance de partenariats de recherche avec le secteur public et les universités.

2.5.4. La mesure des caractéristiques de l’apprentissage organisationnel

42 Les items relatifs à la capacité de l’apprentissage organisationnel sont adaptés des travaux de Anderson F. et Schaan S. (2001) portant sur une enquête sur l’innovation, les technologies et pratiques de pointe dans l’industrie de la construction et les industries connexes au Canada.

2.5.5. La mesure de la variable à expliquer

43 La variable à expliquer, objet de notre recherche est le développement de l’innovation technologique au sein des entreprises. Dans notre contexte, nous entendons par innovation l’introduction d’une nouveauté dans le champ économique. Pour cela, la conception et la mesure du développement de l’innovation font référence au manuel de l’OCDE (1997). Tout au long de notre enquête, nous respectons les standards élaborés par ce manuel. Parmi ces recommandations, nous trouvons la période d’étude choisie. Ce manuel propose une période de trois années. De ce fait, les interrogés sont amenés à répondre à la question suivante : « Au cours des 3 dernières années, avez-vous réalisé : au moins une innovation de produits et/ou de procédés ».

2.5.6. La mesure des variables de contrôle (la taille)

44 Afin de s’assurer de la crédibilité de nos résultats, il est préférable d’intégrer dans notre modèle la variable « la taille » pour contrôler l’effet de cette dernière sur la politique de l’innovation technologique menée par les entreprises. La prudence nous conduit aussi à vérifier si l’appartenance à une filière est un facteur incitateur des entreprises à développer des innovations technologiques. En raison des contraintes méthodologiques, cette variable n’est pas intégrée dans notre modèle. L’interprétation de cette variable peut, facilement, se faire lors de la collecte des données. Cependant, nous allons choisir l’effectif des salariés comme moyen de mesure de cette variable, conformément aux recommandations présentées par le manuel de l’OCDE (1997).

2.6. La méthode de traitement des données

45 Dans le cadre de notre recherche, nous allons utiliser la méthode de l’analyse discriminante. Ce choix trouve son fondement dans la nature des variables. Cette méthode sert à identifier, parmi un ensemble de variables métriques, celles qui discriminent le plus entre un ensemble de groupes identifiés préalablement par une variable à expliquer nominale (Evrard Y., Pras B. et Roux R., 2003).

46 L’objectif prédictif de l’analyse discriminante se présente comme suit. Il s’agit de retenir une (ou plusieurs) combinaison(s) linéaire(s) des variables explicatives de la forme : equation im2 ai xi ou Z est une variable composite qui a un pouvoir discriminant le plus élevé (a le coefficient discriminant, xvariable explicative initiale).

3. Les résultats de la recherche

47 Avant de tester les hypothèses de la recherche, il convient de vérifier les conditions d’application de la méthode. Nous présenterons, ensuite, les résultats de la recherche.

3.1. La vérification des conditions d’application de la méthode

48 Il s’agit de vérifier la réunion des conditions suivantes :

49

  • la vérification de la variable à expliquer : Il est bien entendu que notre variable à expliquer est de caractère nominal ;
  • la vérification des variables explicatives : la plupart de ces variables ont été mesurées sur une échelle de likert. Cette échelle se classe parmi les échelles métriques. En outre, nous avons des variables binaires qui peuvent être considérées comme étant des variables métriques. Enfin, nous avons la variable ‘la taille’ qui est purement métrique ;
  • la vérification de l’absence de multicolinéarité entre les variables explicatives : l’analyse a dégagé un KMO = 0,59. Cet indice est faible pour qu’il y ait une relation entre les variables explicatives ;
  • la vérification de l’égalité des variances-covariances des groupes : le test M de Box sert à vérifier l’hypothèse H0 : égalité des variances-covariances dans les groupes. Le résultat de ce test a dégagé M de Box = 20,165. Nous ne disposons pas d’une base de comparaison de M de Box. Nous pouvons se servir du test de Fisher qui affiche un F approximatif de 1,217 avec une signification de 0,250 ;
  • le risque de rejet de Hest de 25 %. C’est un taux élevé pour rejeter cette hypothèse. Nous devons l’accepter. D’où, l’égalité des variances-covariances des groupes.

3.2. Les tests d’hypothèses de la recherche

50 Dans ce qui suit, nous allons présenter les tests d’égalité des moyennes relatifs à chaque hypothèse.

3.2.1. La vérification de l’hypothèse (H1)

51 L’hypothèse (H1) sert à établir la relation entre l’innovation technologique et le système de gouvernement d’entreprise type shareholders. Pour l’item Degré d’ouverture, la valeur prise par le lambda est moins proche de 1 et la valeur prise par F est élevée (Acceptation de H1-a). Pour l’item processusde prise de décision ainsi que pour l’item comportement du dirigeant, les valeurs prises par le lambda sont moins proches de 1 avec des probabilités de significativité inférieures à 0,05 (Acceptation de H1-b). Ces résultats confirment l’hypothèse (H 1).

Tableau n° 1

Les tests d’égalité des moyennes relatif à (H1)

Items Lambda de Wilks F Signification
Comportement des dirigeants 0,874 8,533 0,005
Processus de prise de décision 0,874 8,533 0,005
Degré d’ouverture du capital 0,865 9,218 0,004
Seuil de significativité : p < 0,05
figure im3

Les tests d’égalité des moyennes relatif à (H1)

Tableau n° 2

Les tests d’égalité des moyennes relatif à (H2)

Items Lambda de Wilks F Signification
Partenariat avec les clients 0,699 25,373 0,000
Par tenariats
avec les fournisseurs
0,799 14,858 0,000
Seuil de significativité : p < 0,05
figure im4

Les tests d’égalité des moyennes relatif à (H2)

Tableau n° 3

Les tests d’égalité des moyennes relatif à (H3)

Items Lambda de Wilks F Signification
Les incitations fiscales 0,974 1,555 0,217
L’importance des subventions publiques 0,977 0,150 0,700
Partenariat de recherche avec le secteur public et les universités. 0,999 0,067 0,797
Seuil de significativité : p < 0,05
figure im5

Les tests d’égalité des moyennes relatif à (H3)

3.2.2. La vérification de l’hypothèse (H2)

52 Les valeurs prises par F sont très élevées, allant de 14,858 pour l’item partenariat avec les fournisseurs à 25,373 pour l’item partenariat avec les clients et avec des probabilités de significativité nulles. Ces résultats montrent que la prise en compte des intérêts des clients et des fournisseurs influence positivement le comportement des entreprises, dans la mise en place d’une politique d’innovation technologique. Ces résultats confirment l’hypothèse H2.

3.2.3. La vérification de l’hypothèse (H3)

53 Pour la variable « l’importance des subventions publiques », la valeur de lambda de Wilks tend vers 1, la valeur de F = 0,150 et le risque associé p = 0,700. Ces résultats montrent que cette variable n’a pas d’effet significatif sur l’innovation technologique. Ce qui infirme partiellement l’hypothèse H3. Pour les deux autres items à savoir, « les incitations fiscales » et « Partenariat de recherche avec le secteur public et les universités » ; les résultats présentent des valeurs de F respectives de 1,555 et 0,067 avec des probabilités de significativité supérieures à 0,05 à savoir 0,217 et 0,797 respectivement. Ces résultats montrent que ces deux éléments de l’environnement institutionnel n’ont aucun effet significatif sur la mise en place d’une politique de l’innovation technologique dans les entreprises tunisiennes. Ces résultats infirment l’hypothèse (H 3).

3.2.4. La vérification de l’hypothèse (H4)

54 L’hypothèse (H4) est destinée à établir la relation entre l’apprentissage organisationnel et l’innovation technologique.En d’autres termes, la politique menée par l’entreprise au niveau des ressources humaines afin de favoriser l’innovation technologique.

Tableau n° 4

Les tests d’égalité des moyennes relatif à (H4)

Items Lambda de Wilks F Signification
Former des équipes qui regroupent des personnes possédant des compétences diverses 0,908 5,956 0,018
Engager des employés expérimentés 0,974 1,580 0,214
Veiller à ce que les employés soient au courant des questions clefs pour l’entreprise 0,907 6,083 0,017
Participer à des programmes de formation 0,615 36,931 0,000
Encourager et récompenser les employés qui trouvent des moyens d’améliorer la technologie 0,791 15,614 0,000
Encourager et récompenser les employés qui mettent en œuvre des améliorations organisationnelles 0,742 20,525 0,000
Encourager et récompenser les employés qui mettent en œuvre des idées innovatrices 0,754 19,272 0,000
Seuil de significativité : p < 0,05
figure im6

Les tests d’égalité des moyennes relatif à (H4)

55 Les items utilisés pour mesurer l’apprentissage organisationnel dans les entreprises tunisiennes présentent dans la majorité des cas un effet significatif sur la politique de l’innovation technologique et dans d’autres, un effet non significatif (en effet pour l’item « Engager des employés expérimentés », les valeurs prises par F sont faibles avec des probabilités de significativité supérieurs à 0,05). Ces résultats confirment en majorité et non pas pour la totalité l’hypothèse (H4). Ainsi, l’hypothèse (H4) est relativement confirmée.

3.2.5. La vérification de l’influence de la taille

56 Le tableau suivant présente les résultats des tests d’égalité des moyennes concernant notre variable de contrôle à savoir la taille. Pour la variable de la taille, la valeur prise par le lambda de Wilks est égale à 1 et la valeur de F est trop faible et le seuil de significativité est trop élevé. Ceci signifie que la taille des entreprises n’a aucune influence sur la mise en place d’une politique d’innovation technologique. Il en est de même pour la nature d’activité des entreprises (ces résultats ne sont pas fournis par le modèle, mais sont obtenus lors du recueil des données).

Tableau n° 5

les tests d’égalité des moyennes de la taille

Variable Lambda de Wilks F Signification
Taille 1,000 0,003 0,955
Seuil de significativité : p < 0,05
figure im7

les tests d’égalité des moyennes de la taille

3.3. L’interprétation de la fonction discriminante

57 La fonction discriminante présente l’ensemble des variables explicatives qui discriminent entre les groupes des individus. Dans le cas de deux groupes, l’analyse fait ressortir une seule fonction discriminante. La fonction discriminante est retenue en recourant aux coefficients discriminants standardisés ou non standardisés. Pour notre recherche, le choix de coefficients discriminants standardisés s’impose parce que les unités de mesure des variables ne sont pas les mêmes (Evrard Y. et al., 2003). D’où, la fonction discriminante s’écrit de la façon suivante : Z = 0,334 comportement des dirigeants + 0,510 partenariat avec les clients + 0,366 Veiller à ce que les employés soient au courant des questions clefs pour l’entreprise + 0,514 participer à des programmes de formation + 0,501 Encourager et récompenser les employés qui mettent en œuvre des améliorations organisationnelles.

3.4. Le pouvoir prédictif de la fonction discriminante

58 Pour apprécier l’objectif prédictif de la fonction discriminante, nous allons juger la qualité de prédiction de cette fonction. En effet, le pourcentage de bien-classés est égal à 88,5 % c.a.d que la fonction discriminante est capable de prédire 88,5 % du nombre des entreprises. Elle peut se tromper à raison de12, 5 %. Pour pouvoir retenir la fonction discriminante fournie par l’analyse, il convient d’apprécier le pourcentage de bien-classés. À ce niveau, nous allons comparer ce pourcentage au résultat d’une classification aléatoire, et ce par le biais de la statique z. La statique z est l’un des critères d’apprécier le pourcentage de bien-classés. Ce critère a été proposé par lehman (1979).

59 Pour notre cas,

equation im8

60 Où : P est le pourcentage de bien-classés, n1 est le nombre d’entreprises du groupe 1, n2 est le nombre d’entreprises du groupe 2). Cela veut dire que les variables explicatives retenues dans la fonction discriminante disposent d’une contribution significative dans la prédiction des groupes.

3.5. La discussion des résultats

61 Aux termes de cette recherche, les résultats ont dégagé l’importance de cinq variables sur la mise en place d’une politique d’innovation technologique.

62 Ces variables sont le comportement des dirigeants, le partenariat avec les clients et les actes pris pour favoriser l’apprentissage organisationnel.

Le comportement des dirigeants

63 À cet égard, les dirigeants qui font partie des catégories des entrepreneurs « PIC », et conformément à la typologie de Julien P.A. et Marchesnay M. (1987), sont averse au risque en matière d’innovation technologique. En effet, le plus important pour la catégorie de ces dirigeants est d’assurer la survie de leur entreprise, ce qui justifie pour eux une forte aversion au risque.

64 À l’inverse, les dirigeants qui font partie des catégories des entrepreneurs « CAP », et pour lesquels la valorisation de leur patrimoine passe par une prise de risque supérieur, ce qui constitue un préalable nécessaire pour s’engager dans ledit processus. Ceci explique en grande partie le comportement de ces entreprises pour s’engager continuellement dans des projets d’innovation technologique.

Partenariat avec les clients

65 La prise en compte des intérêts des acteurs externes (les clients, les fournisseurs, etc.) par le système de gouvernement d’entreprise constitue une condition nécessaire pour la mise en place d’une politique d’innovation. En effet, comme l’ont souligné Julien P.A. et Vaghely I. (2002), les propositions émises par les clients et fournisseurs peuvent servir de catalyseurs pour la mise en place d’innovations au sein des entreprises. Cette vision élargie aux stakeholders de l’entreprise constitue un facteur essentiel poussant les entreprises à améliorer continuellement leurs services pour fidéliser les clients et surtout assurer la création de la valeur ajoutée aux différentes parties prenantes. De leur côté, Christensen C et Overdorf M. (2000) ont insisté sur la coopération avec les clients et les fournisseurs dans les projets d’innovation, dans la mesure où cette coopération est, aussi, bénéfique pour ces derniers. Ceci peut être expliqué par le fait que les fruits de l’innovation technologique sont partagés par les différents acteurs qui ont des intérêts dans l’entreprise. Ce qui rejoint les résultats de Faems D. et al. (2005).

La valorisation des ressources humaines

66 L’implication ou l’engagement des employés dans la stratégie des entreprises constitue une condition nécessaire pour stimuler le processus d’innovation technologique. Cette intégration des salariés dans la politique générale de l’entreprise est un facteur essentiel, étant donné que la valorisation du capital humain des salariés permet d’accumuler les compétences nécessaires pour déclencher l’innovation. En effet, la capacité technologique d’une entreprise repose en partie sur son personnel. Avoir des employés compétents est un atout majeur pour une entreprise innovante.

67 En outre, la participation à des programmes de formation a été la plus marquante pour les items consacrés à mesurer l’apprentissage organisationnel au sein de nos entreprises tunisiennes. Puisque, elle permet de discriminer entre les groupes d’entreprises en matière d’innovation. En effet, plus la formation des employés est soutenue, plus les entreprises seront incitées à innover. Ce qui donne à ces investissements des aspects purement stratégiques et cognitifs car viseront à développer chez le personnel touché les savoirs et les savoir-faire.

68 Globalement, nos résultats montrent l’importance du style de management des dirigeants dans l’innovation technologique. Les preneurs de risque qui prennent l’initiative et qui optent pour la participation représentative sont les plus inciter à innover. Ces résultats confirment les travaux de Couderc J.- P. et Stephany E. (2005). De même, le comportement des dirigeants et l’ouverture du capital permettent, d’une part, de réduire les conflits potentiels entre les différentes parties prenantes dans l’entreprise, et d’autre part, de renforcer la création de la valeur ajoutée afin de redistribuer les fruits de cette dernière. Ceci va attribuer au système de gouvernement d’entreprise un rôle central pour veiller à s’assurer que l’entreprise est en mesure de créer de la valeur et que ce fruit de la richesse sera équitablement distribué.

69 Si la formation et l’encouragement des employés sont relativement valorisés par les entreprises tunisiennes, il en reste un effort supplémentaire de la part des entreprises tunisiennes en matière d’engagement des salariés expérimentés et d’encadrement des personnes possédant des compétences diverses. Il s’agit d’une question de culture entrepreneuriale des dirigeants. Nos résultats nous permettent de confirmer en par tie les études empiriques antérieures. En ef fet, Rosanvallon A. (1990) (cité par Couderc J. Pet Stephany E., 2005) a montré l’impact de la formation du personnel dans la mise en place d’une dynamique d’innovation au sein des PME. Notre étude n’a pas dégagé un effet significatif de l’environnement institutionnel sur la dynamique de l’innovation technologique. Ces résultats contredisent les travaux empiriques de Foss N. (1999) et Lazonick W. et O’Sullivan M. (2000). Ceci peut être expliqué, d’une part, par l’insuffisance de l’intervention des pouvoirs publics et d’autre part, par le manque d’une accoutumance de la part des dirigeants pour lancer des partenariats avec les universités ou les centres de recherche publique. Ainsi, sur les 35 entreprises qui ont déclaré innover, seules 10 ont conclu des conventions de recherche avec des universités ou des centres de recherche publique.

70 Afin de conforter nos résultats, nous avons, également, souhaité contrôler l’influence de deux variables susceptibles d’avoir une influence sur la politique d’innovation technologique que sont la taille de l’entreprise et son appartenance à une filière. Les tests statistiques montrent que la taille des entreprises n’a aucun effet sur la politique d’innovation dans nos entreprises tunisiennes. Ce qui rejoint avec les résultats de Cohen W. et al. (2000) qui ont également validé l’idée que la taille de la firme n’apparaît pas être relié à l’intensité de recherche et de développement. Enfin, l’enquête montre aussi que l’appartenance à une filière n’a aucun impact sur la dynamique de l’innovation technologique. En effet, les entreprises qui ont déclaré innover appartiennent aux différentes filières et non pas pour une filière unique.

Conclusion

71 Ce travail a pour objectif d’étudier les déterminants de la mise en place de l’innovation technologique par le biais du gouvernement d’entreprise.

72 Le cadre théorique proposé dans cette recherche repose sur les apports du modèle « micro » et « macro » de la gouvernance de l’entreprise innovante (Lazonick W., 2000). Nous avons essayé de dégager à travers cette littérature et l’ensemble destravaux menés dans ce domaine, les différents facteurs pouvant influencer la politique d’innovation technologique. Les hypothèses émises ont déjà évoqué les variables et les facteurs correspondants.

73 La validation empirique de cette étude a montré que (H1) et (H2) sont confirmées. (H3) est totalement infirmée. Cependant (H4) est partiellement confirmée. Ainsi nous avons pu comprendre que les entreprises tunisiennes, objet de notre étude, ont tendance à améliorer les mécanismes de gouvernance pour rendre efficace leurs processus d’innovation technologique.

74 Les résultats empiriques permettent de compléter les contributions théoriques de la recherche et de mettre en avant les facteurs permettant de prédire la volonté d’innover. En effet, les tests statistiques de l’analyse discriminante ont montré que les partenariats avec les clients, le comportement des dirigeants et l’engagement des employés sont susceptibles de distinguer les entreprises innovatrices de celles qui ne le sont pas. Ainsi, plus l’engagement et la collaboration avec les clients sont importants, plus les entreprises seront incitées à innover. De même, plus les entreprises sont engagées dans des programmes de formation et de compensation, plus elles seront incitées à investir dans des projets porteurs d’innovation.

75 Au-delà de ces résultats, cette recherche présente certaines limites théoriques et méthodologiques. Sur le plan théorique, le nombre des variables testées dans le cadre de cette recherche reste réduit au regard de l’ensemble des déterminants de l’innovation. Sur le plan méthodologique, nous nous sommes limités à un échantillon représentatif d’un seul secteur. En outre, l’échantillon en question est de convenance ce qui nous prive d’effectuer des généralisations. Par ailleurs, nous nous sommes limités à l’analyse de la fiabilité pour les mesures des variables de gouvernance et d’apprentissage et ce, en raison des caractéristiques de cette étude qui reste peu explorée dans le contexte tunisien. Enfin, en raison de la difficulté à mesurer la capacité d’innovation des entreprises, nous nous sommes basés seulement sur les déclarations des dirigeants.

76 Prendre en compte ces limites conduit à proposer des pistes de recherches futures. Il s’agit de tester l’impact d’un mécanisme de gouvernement d’entreprise, pris individuellement comme le conseil d’administration sur le dynamisme d’une politique d’innovation technologique.

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Mots-clés éditeurs : l'apprentissage organisationnel, gouvernement d'entreprise, l'approche stakeholders, l'approche shareholder, innovation technologique

Mise en ligne 01/05/2011

https://doi.org/10.3917/rsg.228.0033

Notes

  • [1]
    Dans le contexte tunisien, pour qu’un actionnaire détienne le contrôle légal d’une entreprise, il doit avoir au moins 50 % du capital de cette entreprise. En appliquant cette définition, la famille est en mesure d’exercer un contrôle de l’entreprise.
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