Couverture de RSG_223

Article de revue

Réseau social du dirigeant et performance de la TPE

Pages 75 à 85

Notes

  • [1]
    La robustesse est d’autant bonne que le coefficient de détermination tend vers 1.
  • [2]
    Cette expression anglo-saxonne désigne le rendement des actifs et correspond en terme financier à la rentabilité des investissements.
  • [3]
    En effet, nous avons déjà souligné que les dirigeants en Afrique considèrent tout ce qui a trait à la performance de leur entreprise comme relevant du secret absolu. Il faut ajouter à cela leur forte propension à considérer toute question de cette nature comme devant servir à l’administration fiscale. D’où notre préférence pour les questions indirectes dans le but de réduire les non-réponses qui nuiraient au traitement statistique.
  • [4]
    Le constat de ces auteurs est cité par Altan Cöner et Mustafa Özgür Güngör, « Factors Affecting Customer Loyalty in the Competitive Turkish Metropolitan Retail Markets », The Journal of American Academy of Business, 2002. p. 192.
  • [5]
    Il s’agit ici du répondant au questionnaire.
  • [6]
    Il faut bien souligner que le répondant ici est le dirigeant principal de l’entreprise, c’est-à-dire celui qui occupe le poste de direction le plus élevé. A cet égard, nous avons donné pour consigne aux enquêteurs d’arrêter l’entretien s’il se rend compte que le répondant ne vérifie pas cette caractéristique. Du moins, ils ont reçu comme consigne de n’interviewer que celui qui, dans l’entreprise enquêtée, se déclare comme dirigeant principal, qu’il soit propriétaire ou salarié.
  • [7]
    Selon Y. Evrard et al., Market, Paris, Nathan, 1997, p. 335, ce coefficient est nul lorsque les observations sont réparties équitablement autour de la moyenne. Par contre, lorsqu’il est différent de zéro, il y a asymétrie de la distribution et sa valeur positive indique une concentration vers les valeurs inférieures à la moyenne, alors qu’une valeur négative indique une concentration vers les valeurs supérieures à la moyenne.
  • [8]
    Dans le cas d’une distribution plutôt aplatie par rapport à une distribution normale, ce coefficient est négatif. Voir à cet égard Y. Evrard et al., 1997, Idem.
  • [9]
    Le principe conduit à ne retenir que les valeurs propres supérieures ou égales à 1.
  • [10]
    Elle désigne la variance de l’item expliquée par le système de composantes principales retenu par l’ACP

1 Les très petites entreprises encore appelées micro-entreprises, c’est-à-dire celles qui emploient entre 0 et 9 salariés constituent une catégorie très importante dans la plupart des économies de nos jours. A titre d’illustration de cette importance, les TPE représentaient en 1986, 91,3 % de la population des entreprises de l’Europe des douze alors que les PME n’en représentaient que 8,6 % et les grandes entreprises 0,1 % (De Montaigne, 1997). En France, elles représentaient en 1986 près de 93,5 % de la population des entreprises et employaient près de 19,15 % de la population salariée (Bred-Charreton et Raffegrau, 1993). Selon le rapport de la Banque Mondiale de 1978, les très petites entreprises créeraient généralement plus d’emplois par unité d’investissement que les grandes. Par ailleurs, la littérature dans le domaine de l’entrepreneuriat montre qu’elle joue plusieurs rôles : rôle de pépinière d’entrepreneurs, rôle d’école de formation et de perfectionnement de techniciens, rôle de source d’épargne (Banque Mondiale, 1978).

2 Toutefois, cette importance contraste avec l’instabilité qui caractérise la catégorie dite petite entreprise, en général, et les très petites entreprises en particulier. En effet, toutes les statistiques soulignent quasi unanimement que c’est cette dernière qui connaît le taux le plus élevé de faillite quelle que soit la période d’études retenue. Guertin (1987) reprenant les conclusions d’une étude réalisée par le gouvernement canadien, souligne que sur cinq petites entreprises nouvellement créées, quatre font faillite avant leur cinquième anniversaire. Parmi les causes les plus récurrentes de cette faillite, les insuffisances de gestion figurent en première place ; ce qui laisse penser que le problème de la performance, bien que constituant une constance pour toute entreprise, est encore plus prégnant pour la très petite entreprise. Il l’est davantage lorsqu’on connaît que ces petites entreprises ont difficilement accès aux ressources par les mécanismes de marché, et que, dans le contexte actuel, les organismes d’assistance aux petites entreprises sont quasiment en situation de faillite. C’est notamment la situation que connaissent au Cameroun les organismes tels que le CAPME (centre d’assistance aux petites et moyennes entreprises) et le FOGAPE (fonds d’Aide et de garantie de crédit aux petites et moyennes entreprises).

3 Ainsi, la réflexion sur la stratégie qu’adoptent les dirigeants des TPE en vue d’assurer une certaine performance à leurs entreprises, condition réelle de leur stabilité, est d’un grand intérêt scientifique et managérial. Ceci d’autant plus que cette catégorie n’est plus considérée comme simple avatar de l’histoire, mais comme celle qui peut être un véritable moyen de lutte contre la pauvreté et un vecteur de développement, comme c’est le cas dans les pays scandinaves. Aussi, étant donné que la TPE a difficilement accès aux ressources par les mécanismes de marché et que le système étatique d’aides pouvant l’accompagner dans ce sens est quasiment en faillite, il ne resterait plus qu’à explorer la voie stratégique d’utilisation du réseau social du dirigeant comme moyen pouvant assurer la performance de la TPE.

4 Il convient de noter que l’importance du réseau social du dirigeant a fait l’objet de nombreuses études. Il est démontré, par exemple, que les créateurs d’entreprises satisfont l’essentiel de leurs besoins de financement de démarrage grâce à leur réseau social. De même, avec l’émergence du phénomène d’alliance interentreprises qui caractérise les économies contemporaines, le réseau social du dirigeant est de plus en plus considéré comme un moyen de création et de stabilité des partenariats devenus incontournables en matière de recherche de la compétitivité dans le contexte actuel de la globalisation des marchés (Djeumene, 2004 ; Froehlicher, 2000 ; Detchessahar, 1998 ; Barnir et Smith, 2002). En bref, le réseau social du dirigeant est de plus en plus reconnu comme moyen d’accès de son entreprise aux ressources dont elle a besoin pour assurer sa performance.

5 Evidemment, les mécanismes par lesquels le réseau social du dirigeant influence la performance de son entreprise sont relativement bien élucidés dans la littérature. Toutefois, il ne nous semble pas que les chercheurs se soient intéressés à la question de savoir si des dirigeants ayant des réseaux sociaux aux caractéristiques identiques en obtiendraient des productivités identiques en terme de performance pour leurs entreprises. Or, il s’agit là d’une question très importante puisqu’elle touche à l’usage stratégique du réseau social. Du moins, elle laisse penser que la productivité du réseau social est une virtualité qui ne devient réalité qu’en fonction de la stratégie que l’ego adopte pour exploiter son réseau social. Aussi, on peut se poser la question suivante : les dirigeants des TPE utilisent-ils leur réseau social de façon productive pour leurs entreprises ? En d’autres termes, les réseaux sociaux des dirigeants des TPE expliquent-ils significativement les différentielles de performance entre leurs entreprises ?

6 Notre objectif, dans ce travail, est de mesurer la relation entre les réseaux sociaux des dirigeants et la performance des TPE pour ainsi rendre compte de l’existence ou non d’une véritable stratégie d’utilisation d’un tel moyen pour la mobilisation des ressources. Evidemment, le degré de robustesse [1] d’une telle relation attestera de la qualité de la stratégie d’utilisation du réseau social par les dirigeants des TPE.

1. Cadre conceptuel de l’étude

7 Pour élucider la compréhension de la relation qui existe entre le réseau social du dirigeant et la performance de son entreprise, il importe d’examiner successivement les concepts de performance, de réseau social et les bases qui fondent la relation entre réseau social du dirigeant et performance de son entreprise.

1.1. Du concept de performance à la mesure de la performance de la TPE

8 Bien que la performance soit un enjeu en sciences de gestion, il n’en demeure pas moins que le concept en soi reste sujet à de nombreux débats dans la littérature. De plus, il s’agit d’un concept auquel plusieurs disciplines scientifiques s’intéressent ; chacune dans son langage propre et selon sa propre démarche d’analyse ; ce qui conduit à une tendance consistant à décrire et expliquer la performance sans que sa définition fasse l’unanimité (Bourguignon, 1995). Cette situation semble imputable au caractère polysémique du mot performance. En effet, lorsqu’on remonte à ses origines étymologiques, on se rend compte que les termes français et anglais sont proches et signifient l’accomplissement, pour évoquer par la suite l’exploit et le succès (Gauzente, 2000). Au-delà du caractère polysémique du concept de performance, la diversité d’approche au sein même des sciences de gestion est criarde.

9 En effet, Morin et al. (1994) recensent quatre grandes approches théoriques de l’efficacité ou performance : une approche économique, une approche sociale, une approche systémique et une approche politique.

10 L’approche économique repose sur la notion centrale d’objectifs à atteindre. Ces objectifs traduisent les attentes des propriétaires dirigeants et sont, le plus souvent, énoncés en termes économiques et financiers, notamment la maximisation du profit.

11 Pour ce qui est de l’approche sociale, elle est issue des apports de l’école des relations humaines, qui met l’accent sur les dimensions humaines de l’organisation. Cette approche intègre non seulement les aspects précédents, mais aussi les activités nécessaires au maintien de l’organisation. Pour cela, le point focal devient la morale et la cohésion au sein de l’entité considérée. Elle est fondée sur le postulat selon lequel l’atteinte des objectifs sociaux permet la réalisation des objectifs économiques et financiers.

12 L’approche systémique, contrairement aux approches précédentes considère ces dernières comme trop partielles et met l’accent sur les capacités de l’organisation. C’est ainsi qu’elle envisage la performance du point de vue de l’efficacité organisationnelle qui est « le degré auquel une organisation, en tant que système social disposant des ressources et moyens, remplit ses objectifs sans obérer ses moyens et ressources et sans mettre une pression indue sur ses membres » (Georgopoulos et Tannenbaum, 1957, p. 535). Dans cette optique, l’harmonie et la pérennité des sous-systèmes au regard de l’environnement du système entreprise sont alors primordiaux.

13 L’approche politique, enfin, repose sur la critique des précédentes. En fait, chacune des trois approches précédentes assigne certaines fonctions et certains buts à l’entreprise de façon définitive. Or, ces objectifs sont généralement ceux du groupe dominant à un moment donné, selon le processus de négociation en vigueur dans l’organisation. Ce qui conduit à une vision relative de la performance. Cette dernière s’appréciant comme le degré d’atteinte des objectifs assignés au groupe. Dans ces conditions, chaque organisation aurait ses propres critères pour juger sa performance, et la tâche du chercheur se trouve davantage complexe dans cette perspective.

14 Pour Hall (1980), concevoir la performance peut se réduire à deux approches majeures : l’approche par les buts et l’approche par les ressources. Bien que cette distinction soit contestée par certains auteurs (Bluedom, 1980), elle apparaît utile pour appréhender la mesure de la performance.

15 Comme on peut s’en rendre compte, le débat sur le nombre d’approches à adopter pour appréhender le concept de performance semble difficile à trancher compte tenu de la relative pertinence des contributions. Il importe tout simplement de souligner que la diversité des approches du concept encourage à le considérer comme multidimensionnel. C’est cette voie qu’empruntent dorénavant les chercheurs dans leurs efforts de mesure de la performance.

16 Dans cet effort de mesure de la performance, un autre problème crucial, auquel les chercheurs sont confrontés, est celui de la disponibilité des données objectives sur les indicateurs pertinents du phénomène. Ce faisant, les chercheurs ne peuvent très souvent avoir accès qu’à des données subjectives, c’est-à-dire les perceptions que les dirigeants de l’entreprise ont de sa performance. Dans ces conditions, plusieurs auteurs ont recherché la convergence entre les données objectives de mesure de la performance et les données subjectives. C’est ainsi que, Dess et Robinson (1984) ont examiné la possibilité d’utiliser des mesures subjectives de la performance, lorsque des indicateurs objectifs ne sont pas accessibles. Ce qui les a conduits à analyser la convergence de ces indicateurs en confrontant deux points de vue sur la performance d’une entreprise : le point de vue du dirigeant et celui des cadres. Ils ont donc interrogé les dirigeants et les cadres d’entreprise sur le degré d’atteinte des objectifs de leur organisation au cours de la période de référence, en termes de « return on assets [2] » (ROA), de croissance du chiffre d’affaires et de la performance globale. Ils considèrent que la performance objective est celle fournie par le seul directeur général sur les indicateurs précités. Aussi, ont-ils trouvé des corrélations significativement positives entre la mesure subjective (celle des cadres) et objective (celle des dirigeants) à la fois pour le ROA, la croissance du chiffre d’affaires et la performance globale.

17 En adoptant la même démarche que celle de Dess et Robinson (1984), certains auteurs (Pearce et al., 1987 ; Covin et al., 1994 ; Hart et Banbury, 1994) ont obtenu pour les indicateurs comme la croissance du chiffre d’affaires, la part de marché et la rentabilité, des corrélations se situant pour la plupart aux alentours de 0,5 à 0,6. Ce qui indique une convergence importante bien qu’imparfaite.

18 Evidemment, la particularité des études ainsi réalisées est de procéder par des questions portant directement sur les indicateurs de performance recherchés. Ce qui est bien adapté à un environnement dans lequel dirigeants et cadres peuvent fournir sincèrement des informations concernant ces indicateurs. Or, la situation des TPE en Afrique est caractérisée non seulement par l’absence de données objectives -la plupart de ces entreprises fonctionnent dans l’informel-, mais surtout par la propension des dirigeants à considérer tout ce qui a trait aux indicateurs de performance comme relevant du secret (Tsapi, 1997) ; ce qui veut dire que, non seulement on ne peut faire recours aux seules données subjectives sur la performance, mais aussi que les questions visant à obtenir les déclarations des dirigeants des TPE sur la performance de leur entreprise doivent être formulées de façon indirecte.

19 C’est dans cette perspective que Gauzente (2000) a cherché la convergence entre les données obtenues au travers de telles questions indirectes et les données objectives recueillies dans les rapports sur les entreprises dans le but de validation des données subjectives. De façon générale, la convergence est significative pour certains indicateurs de la performance, même si les seuils de signification restent modestes comparativement à ceux qu’on obtiendrait avec des questions portant directement sur de tels indicateurs.

20 Aussi, bien que les questions indirectes constituent un « second best » pour la mesure de la performance, c’est cette approche que nous adoptons dans cette recherche, pour des raisons évidentes [3]. Ce faisant, nous appréhendons la performance des TPE à partir des cinq indicateurs mis en évidence par Gauzente (2000) à savoir : l’atteinte des objectifs stratégiques, le climat social, la position sur le marché, la maîtrise des coûts et la perception de la survie de l’organisation à moyen terme.

1.2. Du concept de réseau au réseau social du dirigeant

21 Le concept de réseau est, de nos jours, utilisé dans plusieurs domaines du savoir en raison de son double aspect fonctionnel. D’une part, le réseau est utilisé comme instrument d’analyse structurale, autrement dit pour décrire l’ensemble des relations entre les acteurs sociaux. D’autre part, il s’agit d’un concept approprié pour expliquer les comportements des acteurs sociaux, puisqu’il concilie à la fois la liberté individuelle et la contrainte du groupe et partant, renvoie à des réalités aussi diverses que l’échange, la communication, le marché, l’entreprise, le pouvoir, la sociabilité, la coopération, etc.

22 L’un des domaines qui a connu d’importants bouleversements rendant nécessaire l’introduction du réseau social comme cadre et concept explicatif des comportements est le marketing. Bourgne (1998) insiste sur trois bouleversements qui influencent l’objet du marketing et son paradigme transactionnel : la transformation des frontières de l’entreprise, les difficultés grandissantes pour attirer de nouveaux clients et les modifications des modes de consommation.

23 En effet, sous l’influence de la globalisation, la concurrence a changé de nature, pour devenir davantage une compétition intergroupes stratégiques qu’une compétition entre entreprises isolées stratégiquement. Par conséquent, la maîtrise de la relation entreprise-environnement par les mécanismes de coordination hors marché, est dorénavant un impératif de compétitivité puisque la frontière de l’entreprise s’en trouve éclatée. Or, la gestion de cette relation impose que l’on ne raisonne plus uniquement sur les données propres à l’entreprise, mais au contraire en intégrant les relations avec l’environnement, comme variable d’action. Aussi, le réseau apparaît comme un cadre approprié d’analyse complexe.

24 Par ailleurs, la conquête de nouveaux clients est de plus en plus onéreuse. En effet, l’intensité de la concurrence et la stagnation de la demande de la plupart des biens ont rendu plus coûteuse la transformation du prospect en client comme le déclarent Kotler et Armstrong (1999) [4], cités par Altan Cöner et Mustafa Özgür Güngör, (2002, p. 192) : « il est cinq fois plus coûteux de conquérir un nouveau client que de garder le client satisfait ». Ainsi, la rentabilisation du client s’inscrit dans la durée et dépend de l’interaction de l’entreprise avec ce dernier. Aussi, le marketing relationnel est-il réapparu et revendique l’intégration des clients, fournisseurs et autres partenaires dans le développement de la firme. Comme le souligne Iacobucci (1996), ce changement légitime l’utilisation du réseau qui apparaît comme l’instrument pertinent pour mieux comprendre les interactions et les gérer.

25 Enfin, il apparaît dans les pays occidentaux à dominance individualiste certaines modifications des modes de consommation marquées par une tendance prononcée de la recherche du lien social à travers la consommation. Ainsi, l’expérience de consommation fondée sur les émotions partagées avec les autres consommateurs devient une variable explicative du comportement de consommation. Par conséquent, l’accent se doit d’être mis tout autant sur les facteurs individuels que communautaires à l’instar de la tribu (Cova et Badot, 1994), pour expliquer les comportements de consommation.

26 Il est évident que si la recherche du lien social à travers la consommation apparaît comme une modification de comportement du consommateur dans le contexte occidental, c’est une constance dans le contexte africain. Dans ce sens, Bikanda (2002) a démontré comment le lien social de fidélisation est explicatif de la réussite ou de l’échec dans le secteur informel des services au Cameroun, en particulier pour les formes de Bar-restaurant appelées « circuits ».

27 Dans cette même perspective, Djeumene (2004) a, dans une approche qualitative, souligné la pertinence de la « valeur de lien » dans le comportement de fidélité au point de vente ; en particulier dans les points de vente de boissons appelés « alimentations » et ayant modifié le contexte d’interaction entre consommateurs. Tous ces travaux attestent de la nécessité de l’usage du concept de réseau comme facteur explicatif des comportements de consommation en marketing. Bien plus, ils soulignent la prise en compte du réseau social comme facteurs d’explication de plusieurs phénomènes.

28 Le concept de réseau social résulte effectivement de l’utilisation du réseau comme facteur d’explication de la sociabilité, puisqu’on s’en tient au réseau personnel décrit au travers des pratiques telles que les sorties, les rencontres, la vie associative, les conversations etc. Bref, à travers les échanges interpersonnels de l’ego. La définition qu’en donnent Barnir et Smith (2002) mérite alors d’être retenue, à savoir : « le réseau social du dirigeant est l’ensemble de ses relations et contacts avec les autres. »

29 Cette définition apparemment simple est cependant à la base d’une question qui ne trouve pas encore une réponse simple dans le domaine de la sociologie, à savoir : « combien de personnes connaît-on ? » (Degenne et Forsé, 1994). Il est difficile de répondre à cette interrogation dans la mesure où les relations sociales sont transitives et le réseau social n’a pas de frontière naturelle. Aussi, plusieurs auteurs à l’exemple de Granovetter (1976) ont-ils souligné que cette question n’a pas en tant que telle de signification sociologique. En effet, les questions qui ont un sens sont celles qui peuvent être mises en œuvre sous forme d’enquête dont on peut évaluer la qualité des résultats. Autrement dit, elles doivent déboucher sur une méthodologie de questionnement et une procédure d’échantillonnage fiable.

30 Ainsi, la question « combien de personnes connaît-on ? », n’a pas de sens en dehors de la procédure qui est mise en œuvre pour obtenir une liste de noms de la part d’un enquêté. De ce point de vue, l’essentiel des études concernant le problème qualifié en sociologie de « problème du petit monde » conduit à saisir les liens dits virtuels car aucune référence n’est faite à un contact sur une période précise ; pas plus d’ailleurs qu’à la nature des échanges qui peuvent exister entre la personne interrogée et celles qu’elle cite. Il s’agit de faire lister le plus grand nombre de noms possibles répondant au critère : « connaître personnellement ».

31 Cependant, la distinction entre lien virtuel et lien réel ne se réfère pas à la présence ou à l’absence de contacts, mais au fait qu’il existe un principe de reconnaissance entre les personnes. Le lien familial, la proximité spatiale, le travail en commun, l’appartenance à une même association, etc. ne sont rien d’autre que des principes de reconnaissance et donc de sociabilité auxquels l’enquêteur fait référence pour tracer la carte des liens virtuels sur laquelle il fonde son interrogation qui, elle, peut concerner le contenu, la forme et la fréquence des échanges qui sont les manifestations de la sociabilité. Dans ces conditions, « La taille de l’univers social d’une personne est donc étroitement liée à la question posée et par là à la facette du réseau qui est explorée. Le réseau d’un individu apparaît comme un ensemble de cercles concentriques au centre desquels il se trouverait. Le plus large est le cercle des connaissances. C’est un réseau virtuel, il rassemble toutes les personnes que l’on connaît ou que l’on a connues. Sa taille est de plusieurs milliers de personnes, 5000 en moyenne. Plus restreint est le cercle des personnes que quelqu’un connaît dans son entourage immédiat : quelques centaines. Cent à deux cents personnes pourraient être contactées comme intermédiaires pour joindre quelqu’un que l’on ne connaît pas. Les personnes avec lesquelles un individu parle régulièrement au cours d’une semaine sont en moyenne moins d’une vingtaine. Cela varie bien sûr en fonction de l’âge, du sexe, du niveau d’instruction et d’autres critères socio-démographiques. Enfin les confidents, ceux avec lesquels on parle de questions personnelles, ne sont plus que trois en moyenne » (Degenne et Forsé, 1994, p. 28).

32 De ce résumé des études sur le problème du petit monde, il se dégage que l’impératif dans l’étude du réseau social est qu’il faut bien expliciter le principe de reconnaissance qui est à la base de l’étude et qui doit autant que possible avoir un sens univoque. C’est ce principe qui assure la frontière du réseau social. De plus, les études sur le réseau social peuvent adopter deux courants. Le premier courant concerne le réseau personnel d’un individu et qu’on désigne dans la littérature anglo-saxonne par « personal network » ou « ego network ». Le deuxième courant est celui du réseau complet encore appelé « whole network » ou « total network » et qui, à l’échelle d’une société à l’instar de la ville de Ngaoundéré, par exemple, nécessite une étude très coûteuse.

33 Notre travail s’intéresse à la première catégorie et il est question de l’analyse du réseau social du principal dirigeant de la TPE. Plus précisément, il s’agit de l’analyse de ce qu’on appelle « étoile d’ego » et qui consiste à ne s’intéresser qu’aux liens de l’ego avec ses alters, sans que les liens entre ces derniers fassent l’objet d’analyse. Bien entendu, en nous limitant à cette facette du réseau social, nous perdons les possibilités d’une analyse structurale (ce qui n’est d’ailleurs pas notre objet de recherche). Toutefois, nous appréhendons toutes les dimensions du réseau social qui nous permettent d’élucider les mécanismes d’influence du réseau social des dirigeants sur la performance leur entreprise.

1.3. Relation entre le réseau social du dirigeant et la performance de l’entreprise

34 Comme nous l’avons déjà souligné, les travaux sur le réseau social reconnaissent en général l’importance du réseau personnel des dirigeants pour leur entreprise. L’idée étant que le réseau personnel du dirigeant constitue un moyen par lequel son entreprise a accès aux ressources. Ces ressources sont variées : information, soutien affectif, réputation de crédibilité, personnel qualifié, capitaux pour financement, etc. La mobilisation de toutes ces ressources est une des conditions premières de la performance.

35 Plus spécifiquement, dans leur effort de compréhension de la propension des entreprises de petite taille aux alliances vues comme moyen de compétitivité, Barnir et Smith (2002) ont mis en évidence quatre dimensions du réseau personnel du dirigeant qui nous semblent aussi pertinentes pour expliquer les différences de performances entre TPE, toute chose égale par ailleurs. Il s’agit respectivement de la propension de l’ego au réseau, de l’étendue de son activité de réseau, de l’intensité de ses relations avec les alters et, enfin, du prestige de ses alters.

36 La propension au réseau de l’ego reflète sa tendance à créer et à maintenir des contacts sociaux. Elle constitue un indicateur des ressources potentielles auxquelles il a accès. On estime que l’intensité selon laquelle une personne crée et maintient les contacts sociaux, exprime son engagement dans l’établissement des relations. Cette tendance personnelle est souvent la manifestation des traits variés de personnalité comme l’extraversion, le besoin d’affiliation, etc. La propension au réseau de l’ego est mieux exprimée par sa participation-reposant sur une adhésion volontaire- dans les organisations sociales, professionnelles, commerciales. Cette propension affecte la performance de son entreprise de plusieurs façons. Premièrement, la participation aux organisations lui permet de partager avec les autres les informations qui sont autant d’opportunités de développement pour son entreprise.

37 Deuxièmement, ces organisations sont des lieux de formation de la demande pour son entreprise ; ce type de demande est souvent très stable, puisqu’elle repose beaucoup plus sur des contrats sociaux.

38 Etant donné que le réseau social apparaît, avant tout, comme un moyen d’accès aux ressources, l’étendue de l’activité dans le réseau de l’ego peut servir d’indicateur du potentiel de ressources disponibles pour son entreprise. Aussi, la taille du réseau social de l’ego et la fréquence ou maturité des interrelations constituent autant de moyens pour créer et améliorer son capital social (Ostgaard et Birley 1994). Dans ces conditions, l’étendue de l’activité de réseau de l’ego est aussi considérée comme le reflet de sa dextérité managériale à mobiliser les ressources (Burt 1992).

39 Cette facette du réseau a été traditionnellement mesurée par le nombre de personnes avec lesquelles le dirigeant discute de son business et par le temps investi dans la création et le maintien des contacts (Ostgaard et Birley 1994). En effet, la taille du réseau confère une réputation de crédibilité à l’ego et constitue en même temps une multiplicité des canaux d’afflux d’informations dont il peut bénéficier. Or, il ne fait aucun doute de nos jours que ces deux ressources sont centrales dans toute réussite en affaires.

40 Une autre dimension importante du réseau est l’intensité des liens du réseau social de l’ego. Cette intensité peut être faible ou forte et le réseau de l’ego ne présentera pas la même potentialité en terme de ressources. En effet, les relations faibles reflètent un réseau social plutôt lâche alors que les relations fortes reflètent un réseau social riche en émotion partagée, en échange de ressources et qui a requis du temps et de l’énergie pour sa création et son maintien (Granovetter 1973). Traditionnellement, une relation forte est vue comme assurant plus le partage du contenu de l’information à tous les membres de la relation. De plus, l’avantage des relations fortes est de fournir le support social dont l’ego a souvent besoin en périodes difficiles pour son entreprise. Aussi, si la relation fournit l’accès aux ressources, il semble bien que la force des relations du réseau social d’un dirigeant constitue un moyen pour obtenir le soutien social en période de difficultés.

41 La quatrième dimension concerne le prestige du réseau social. En effet, les statuts des personnes avec qui on a une sociabilité constituent également une importante ressource puisque apportant de la réputation à l’ego. Ainsi, l’appartenance des alters à des organisations prestigieuses et variées confère une réputation de crédibilité qui peut être utilisée stratégiquement par l’ego pour obtenir les ressources précieuses dont aurait besoin son entreprise à un moment donné.

42 Il apparaît donc évident que le réseau social du dirigeant, lorsqu’il est utilisé de façon stratégiquement appropriée, constitue un moyen de mobilisation de ressources diverses pour son entreprise. Ainsi, le réseau social du dirigeant a une productivité en terme de performance de son entreprise. Cette productivité est d’autant élevée qu’il existe une stratégie efficace d’exploitation du réseau. Or dans le contexte africain la communauté reste encore sui generis et l’adhésion des individus aux associations peut relever du simple respect des contraintes communautaires. De ce fait, on peut trouver des dirigeants d’entreprise ayant d’importants réseaux sociaux, sans que cela influence substantiellement la performance de leurs entreprises. Aussi, notre hypothèse dans ce travail est que les réseaux sociaux des dirigeants des TPE expliquent seulement une faible proportion des différences de performance entre leurs entreprises ; puisque l’activité de réseau de ces dirigeants n’a pas actuellement une visée stratégique.

2. Démarche d’investigation

43 Pour procéder à la validation de notre hypothèse, nous avons entrepris une enquête auprès des dirigeants des TPE de la ville de Ngaoundéré. En l’absence de fichiers pouvant servir de base de sondage à notre étude, nous avons adopté une démarche proche du recensement. Elle a consisté à lancer les enquêteurs par itinéraire dans la ville en vue d’administrer en face-à-face un questionnaire d’environ 10 à 15 minutes auprès du dirigeant principal de toute entreprise dont la signalisation répondrait à notre description. Comme la performance peut être influencée par le secteur d’appartenance de l’entreprise, nous avons considéré essentiellement les entreprises du secteur des services. Ce secteur a été retenu parce que son activité est avant tout très relationnel. Nous y avons choisi les branches comme la restauration, le pressing, la bureautique, le traitement photographique, le courtage en assurance, la coiffure. Une particularité des entreprises dans ces branches est d’être de très petite taille pour ce qui est de la ville d’étude.

44 Pour la mesure des variables liées au concept de réseau social du dirigeant (au nombre de quatre), nous avons utilisé l’échelle de ratio en nous inspirant de l’opérationnalisation de Barnir et Smith (2002) et de notre enquête exploratoire. Ainsi, la propension de l’ego [5] au réseau est mesurée par le nombre d’associations dont il se déclare membre au moment de l’enquête ; l’étendue de l’activité dans le réseau social de l’ego est appréhendée par le nombre de personnes du réseau avec qui il (ego) déclare discuter régulièrement de l’activité de son entreprise ; l’intensité des liens dans le réseau social de l’ego est mesurée par la durée du plus ancien des liens avec les personnes discutant régulièrement de cette activité, multiplié par la durée moyenne de leur discussion hebdomadaire ; enfin, le prestige du réseau social du dirigeant (ego) est mesuré par le nombre des alters les plus proches de l’ego qui occupent des fonctions importantes dans certaines organisations, à l’instar des banques, des coopératives d’épargne, des associations de tontine, des administrations chargées des finances publiques etc. Il va sans dire que de ce point de vue, toutes les dimensions du réseau social du dirigeant sont mesurées par des faits et l’échelle de ratio nous semble ainsi bien adaptée.

45 Par contre, le concept de performance est mesuré par la perception de ses différentes dimensions par le répondant [6]. Conformément à la mesure de Gauzente (2000), nous avons utilisé des items mesurés avec l’échelle d’intervalle de Likert à cinq points. En fait, le répondant devrait marquer son degré d’accord ou de désaccord avec ces items selon qu’ils caractérisent plus ou moins la situation actuelle de son entreprise. Ces items concernent bien évidemment les dimensions de la performance mises en évidence par Gauzente (2000) à savoir : l’atteinte des objectifs stratégiques, le climat social, la position sur le marché, la maîtrise des coûts, et la survie de l’entreprise à moyen terme. Toutefois, contrairement à cet auteur qui pour la dimension maîtrise des coûts, utilise un item formulé autour du terme de contrôle des coûts, nous avons, pour éviter le caractère polysémique de cette notion, utilisé deux items ; l’un concernant le paiement des factures des fournisseurs dans les délais convenus et l’autre, le paiement des autres charges, notamment les charges salariales et fiscales dans les délais impar tis.

46 Enfin, si nous avons pu contrôler l’effet du secteur en adoptant une enquête mono- sectorielle, il subsiste d’autres variables dont les effets à la fois sur la performance et sur le réseau social ont été mis en évidence dans la littérature. Il s’agit essentiellement de l’âge et de la taille de l’entreprise pour ce qui est de la performance, et de l’âge de l’ego pour ce qui est du réseau social. Ne pouvant contrôler a priori ces variables, nous avons procédé à une régression multiple à deux niveaux. Dans une première étape, nous avons introduit dans la régression multiple seulement les variables à contrôler. Dans la deuxième étape, nous avons introduit dans la régression multiple à la fois les variables à contrôler et les variables mesurant le réseau social du dirigeant. Ainsi, la variation du coefficient de détermination entre les deux étapes de régression est considérée comme l’effet du réseau social des dirigeants sur la performance de leurs entreprises. De plus, nous avons opéré l’analyse en composante principale sur les items mesurant la performance, dans le but de réduire le nombre des dimensions. De ce fait, la régression multiple concerne chacune des composantes principales obtenues à l’issu de l’ACP.

3. Résultats et discussions

47 La méthode des itinéraires, adoptée pour notre enquête, nous a permis de recueillir un ensemble de 120 questionnaires traitables concernant notre population d’étude dans la ville de Ngaoundéré. Nous avons traité les données obtenues dans deux perspectives : descriptive et explicative.

3.1. Description des données de l’enquête

48 Du point de vue descriptif, les entreprises de la présente étude sont toutes des TPE. En effet, l’analyse montre que l’effectif du personnel salarié de ces entreprises est compris entre un minimum de 0 salarié et un maximum de 8 salariés avec une moyenne de 2 salariés et une médiane égale à 1 salarié. La forme de la distribution de cette variable est asymétrique vers les valeurs inférieures à la moyenne et pointue comme en témoignent les coefficients Skewness [7] de 1,679 et Kurtosis [8] de 3,089. Ces entreprises sont gérées en majorité par des dirigeants salariés. Une distribution des répondants selon le statut dans l’entreprise indique que 51,7 % sont des salariés et seulement 48,3 % des propriétaires. Ce résultat contraste avec la littérature courante selon laquelle les dirigeants des petites entreprises sont généralement des propriétaires. Cette situation est très probablement due au fait que la crise économique a conduit les cadres d’entreprise et les fonctionnaires à investir dans la création des TPE notamment dans la bureautique, la restauration, etc. Or, ne pouvant laisser leurs postes de travail pour s’occuper exclusivement de leurs TPE, ils sont amenés à employer des dirigeants salariés devant s’en occuper tout au moins pour les aspects opérationnels de la gestion.

49 La répartition par branche d’activité donne le diagramme ci-dessous, lequel montre une prédominance de la restauration et de la bureautique.

50 Ces entreprises sont pour l’essentiel individuelles du point de vue de la forme juridique. Il se dégage de l’analyse de la variable forme juridique de l’entreprise que 107 entreprises de l’échantillon, soit 89,2 % sont de forme individuelle, 12 entreprises sont des SARL, soit 10 % alors qu’une seule existe sous la forme d’une SA, soit 0,8 %. Cette configuration nous semble refléter la réalité, puisque la création des TPE dans le secteur des services ne nécessiterait pas d’importants investissements comme dans le secteur manufacturier, par exemple. Dans ces conditions, le secteur semble moins incitatif au partage de risque et par conséquent, les opérateurs économiques adoptent davantage la forme individuelle pour leurs entreprises.

51 Il apparaît également que les TPE enquêtées sont majoritairement dirigées par les femmes. En effet, une analyse de la variable « sexe du répondant » montre que 69 répondants, soit 57,5 % de l’échantillon d’étude sont des femmes alors que 51 répondants, soit 42,5 % sont des hommes. Lorsqu’on effectue un croisement entre le sexe et le statut du dirigeant dans l’entreprise, on trouve que 30 femmes dirigeantes sont propriétaires, soit 43,5 % des femmes dirigeantes de l’échantillon. Ceci corrobore le point de vue de Hull (1995) selon lequel la petite entreprise a favorisé l’émergence d’un entrepreneuriat féminin. On peut dire, eu égard à nos données, que dans les branches du secteur des services étudiées, non seulement il y a émergence d’un entrepreneuriat féminin, mais que les femmes occupent de plus en plus des postes de direction. La TPE constitue alors de ce point de vue une école de gestion pour elles.

Figure 1

Répartition par branche d’activité.

figure im1

Répartition par branche d’activité.

3.2. Analyse de l’influence du réseau social du dirigeant sur la performance de l’entreprise

52 Nous avons, dans un premier temps, réduit le nombre de variables relatives à la performance des TPE de l’échantillon d’étude et dans un deuxième, évalué l’influence du réseau social des dirigeants sur les dimensions de la performance, obtenues par l’ACP.

3.2.1. Les dimensions cachées de la performance

53 Lorsqu’on fait l’analyse des corrélations de Pearson entre les items constitutifs de la performance, il s’en dégage que ceux-ci (items) ne sont pas orthogonaux puisqu’il existe des corrélations significatives entre eux. Ce qui a conduit à procéder à une analyse en composante principale (ACP) pour identifier les dimensions pertinentes mais cachées du concept. Les résultats de l’analyse sont contenus dans le tableau 1.

54 En effet, le test de sphéricité de Bartlett donne une valeur de 119,09231 au seuil de signification de 0,000. Ce qui montre bien que la structure des matrices de corrélations pour les données de l’échantillon d’étude se prête bien à l’ACP. Cette analyse retient, suivant le principe de Kaiser [9], deux composantes principales. Une première analyse des résultats nous a permis de constater que l’item « Le climat social de notre entreprise est tendu » a une communalité [10] de 0,32. Ce qui est faible comparativement au seuil de 0,5 généralement admis. Aussi, avons-nous éliminé cet item de l’analyse définitive puisqu’il semble contenir un effet de prestige conduisant les dirigeants interrogés à donner des réponses peu sincères.

55 Il est évident que les valeurs de l’alpha de Cronbach pour les facteurs principaux ainsi dégagés sont en général acceptables puisqu’elles sont toutes supérieures à 0,5 qui est le seuil minimum ; ce qui traduit une fiabilité acceptable de l’échelle utilisée pour la mesure de la performance. La première dimension de la performance concerne la disponibilité des ressources (FAC1_1), alors que la deuxième a trait à l’efficacité organisationnelle de l’entreprise (FAC2_1).

3.2.2. Essai de validation de l’hypothèse de la recherche

56 Avant de procéder à la régression multiple, nous avons fait l’analyse de corrélation entre les deux facteurs principaux et les variables ayant théoriquement une influence sur la performance de l’entreprise, notamment les variables de contrôle et celles mesurant le réseau social des dirigeants. Les résultats de cette analyse de corrélation sont donnés dans le tableau 2.

Tableau 1

Analyse factorielle de la performance de l’entreprise (rotation VARIMAX)

Code item Intitulé item FAC1_1 FAC2_1 Communal
ité
V84 Nous payons les factures de nos fournisseurs dans les délais. 0,87 0,77
V85 Nous payons le loyer et les autres charges de notre entreprise dans les délais 0,74 0,59
V86 Notre entreprise a une part de marché faible par rapport à celle de son plus proche concurrent. 0,70 0,56
V82 Notre entreprise atteint toujours ses principaux objectifs. 0,85 0,73
V83 Nous craignons pour la survie à moyen terme de notre entreprise. 0,80 0,65
Valeurs propres 2,07 1,23
% variance expliquée 41,3 24,7
% cumulé variance expliquée 41,3 66
Coefficient ? de Cronbach 0,66 0,58
figure im2

Analyse factorielle de la performance de l’entreprise (rotation VARIMAX)

Tableau 2

coefficient de corrélation de Pearson entre les variables explicatives et les dimensions de la performance de l’entreprise.

Code variables Intitulé variables FAC1_1 FAC2_1
V10 Age de l’entreprise - 0,2025 (p = 0,027) 0,1142 (NS)
V11 Effectif du personnel salarié 0,1991 (p = 0,029) - 0,1868 (p = 0,041)
V14 Age du répondant - 0,2489 (p = 0,006) - 0,1947 (p = 0,033)
V1 Propension au réseau 0,0709 (NS) 0,1378 (NS)
V3 Etendu de l’activité du réseau 0,1029 (NS) - 0,0843 (NS)
V45 Intensité des liens du réseau 0,0900 (NS) - 0,0050 (NS)
V7 Prestige du réseau - 0,0216 (NS) 0,1285 (NS)
P = probabilité du seuil de signification NS = non significatif au seuil de 0,10
figure im3

coefficient de corrélation de Pearson entre les variables explicatives et les dimensions de la performance de l’entreprise.

57 Par simple lecture de ce tableau, on comprend qu’aucune dimension du réseau social du dirigeant n’influence significativement l’une ou l’autre dimension de la performance de l’entreprise. Toutefois, cette absence de corrélation significative entre variables prises individuellement peut cacher une influence plutôt significative si l’on considère l’ensemble des variables prises simultanément. Aussi, pour avoir une idée nette par rapport à notre hypothèse de départ, nous avons procédé à une régression multiple en deux étapes.

58 Dans la première étape de la régression, nous avons introduit dans le modèle pour chaque dimension de la performance, uniquement les variables de contrôle, à savoir : l’âge de l’entreprise, l’effectif du personnel salarié et l’âge du répondant. Pour ce qui est de la relation entre la disponibilité des ressources (FAC1_1) et les variables sus-citées, la régression multiple donne un coefficient de détermination (R2) égal à 0,13086 avec un F de à 5,82176 au seuil de signification de 0,0010. En ce qui concerne l’efficacité organisationnelle (FAC2_1) la régression multiple donne un (R2) égal à 0,14663 avec un F de 6,64402 au seuil de signification de 0,0004. On peut conclure que ces variables expliquent à un pourcentage relativement faible la variation de la performance quelle que soit la dimension utilisée puisque le (R2) est inférieur à 15 % dans tous les cas.

59 Dans la deuxième étape de la régression, nous avons introduit en plus des variables de contrôle, les variables mesurant le réseau social du dirigeant. Pour ce qui est de la disponibilité des ressources (FAC1_1), la régression donne un (R2) égal à 0,18223 avec un F de 3,56543 au seuil de signification de 0,0017. La différence entre les (R2) des deux étapes donne 0,05137 qui est attribuable au réseau social. Ce qui signifie que le réseau social n’explique qu’à peine environ 5 % de la variation de la performance entre les TPE dans sa dimension disponibilité des ressources. Autrement dit, les dirigeants des TPE n’utilisent pas assez leur réseau social pour mobiliser les ressources en faveur de leur entreprise.

60 En ce qui concerne l’efficacité organisationnelle (FAC2_1), la régression donne un (R2) égal à 0,17014 avec un F de 3,28040 au seuil de signification de 0,0033. Comme pour la dimension précédente, nous trouvons une variation de (R2) égale à 0,02351 ; indiquant que la variation de la performance sur cette dimension n’est attribuable à l’influence du réseau social du dirigeant que pour à peine 2 %. Il se dégage de ces résultats que les dirigeants des TPE utilisent très peu leur réseau social pour améliorer le fonctionnement de leur entreprise.

61 Notre hypothèse selon laquelle « les réseaux sociaux des dirigeants des TPE expliquent seulement une faible proportion des différences de performance entre leurs entreprises » est confirmée pour l’échantillon d’étude. En effet, les coefficients de corrélation entre les variables du réseau social du dirigeant et la performance de l’entreprise sont tous non significatifs au seuil de 0,10. De plus, ces variables n’expliquent qu’une infime partie des différences de performance entre les TPE (2 à 5 % suivant les dimensions de la performance étudiées).

Conclusion

62 Cette recherche avait pour objectif de répondre à la question de savoir si les dirigeants des TPE utilisent leur réseau social dans l’optique d’amélioration de la performance de leurs entreprises. Dans le cas affirmatif, on devrait avoir une relation significative et robuste entre les différentes dimensions du réseau social et la performance des entreprises. A l’issue des analyses effectuées, il s’est dégagé que les corrélations entre les variables du réseau social du dirigeant et la performance des TPE sont non significatives et que ces variables n’expliquent globalement qu’une faible proportion des différences de performance entre ces entreprises. Il devient dès lors évident que ces dirigeants n’utilisent pas de façon stratégique leur réseau social dans l’optique de développement de leurs entreprises.

63 En effet, dans leur immense majorité, les dirigeants interrogés déclarent adhérer à des associations diverses. Ce qui traduit une propension forte au réseau. Par contre, lorsqu’il leur est demandé une évaluation du temps qu’ils consacrent par semaine à discuter de l’activité de leurs entreprises avec leurs alters, bon nombre d’entre eux trouvent cette estimation très difficile. Cet aspect des choses laisse penser qu’ils n’ont pas d’objectifs clairs en termes de ressources à mobiliser ou d’apprentissage à réaliser à travers leur réseau social en faveur de leurs entreprises

64 Il va donc sans dire que le réseau social du dirigeant n’est véritablement productif pour son entreprise que dans la mesure où il met en oeuvre une stratégie efficace pour son utilisation. Cette stratégie doit indiquer clairement les ressources qui doivent être mobilisées et les moyens à mettre en oeuvre pour le faire. Ces ressources sont : les disponibilités financières, la réputation de crédibilité, le soutien moral et affectif, l’information, l’expertise, l’échange d’expériences, la demande privilégiée ; lesquelles n’exigent pas la même démarche pour leur mobilisation.

65 Il est donc opportun dans le contexte actuel qui interpelle davantage les dirigeants des TPE à plus d’efforts pour favoriser la performance de leurs entreprises, que ces derniers aient de véritables stratégies d’utilisation de leur réseau social. Ceci d’autant plus que, les institutions étatiques qui avaient pour vocation de les appuyer dans leur recherche de ressources par les mécanismes de marché sont quasiment en faillite et deviennent d’ailleurs caduques avec la tendance ultra-libérale qu’impose la globalisation des marchés. Dans cette perspective, la stratégie d’utilisation du réseau social apparaît dorénavant incontournable pour ces dirigeants des TPE ; encore qu’à l’heure actuelle ils n’en ont presque aucune dans ce sens comme en témoigne les résultats de cette étude. Cet impératif est davantage catégorique puisque les transactions hors marché s’imposent de plus en plus dans les économies contemporaines avec l’émergence et l’expansion de formes variées de partenariat entre entreprises. A cet égard, les recherches convergent pour souligner que la création et la stabilité de ces partenariats reposent sur des contrats sociaux et, par conséquent, sur les réseaux sociaux des dirigeants d’entreprises (Froehlicher, 2000).

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Mots-clés éditeurs : réseau social, Red social, MPE (Muy Pequeña Empresa), T.P.E, performance, resultado

Date de mise en ligne : 01/05/2011

https://doi.org/10.3917/rsg.223.0075

Notes

  • [1]
    La robustesse est d’autant bonne que le coefficient de détermination tend vers 1.
  • [2]
    Cette expression anglo-saxonne désigne le rendement des actifs et correspond en terme financier à la rentabilité des investissements.
  • [3]
    En effet, nous avons déjà souligné que les dirigeants en Afrique considèrent tout ce qui a trait à la performance de leur entreprise comme relevant du secret absolu. Il faut ajouter à cela leur forte propension à considérer toute question de cette nature comme devant servir à l’administration fiscale. D’où notre préférence pour les questions indirectes dans le but de réduire les non-réponses qui nuiraient au traitement statistique.
  • [4]
    Le constat de ces auteurs est cité par Altan Cöner et Mustafa Özgür Güngör, « Factors Affecting Customer Loyalty in the Competitive Turkish Metropolitan Retail Markets », The Journal of American Academy of Business, 2002. p. 192.
  • [5]
    Il s’agit ici du répondant au questionnaire.
  • [6]
    Il faut bien souligner que le répondant ici est le dirigeant principal de l’entreprise, c’est-à-dire celui qui occupe le poste de direction le plus élevé. A cet égard, nous avons donné pour consigne aux enquêteurs d’arrêter l’entretien s’il se rend compte que le répondant ne vérifie pas cette caractéristique. Du moins, ils ont reçu comme consigne de n’interviewer que celui qui, dans l’entreprise enquêtée, se déclare comme dirigeant principal, qu’il soit propriétaire ou salarié.
  • [7]
    Selon Y. Evrard et al., Market, Paris, Nathan, 1997, p. 335, ce coefficient est nul lorsque les observations sont réparties équitablement autour de la moyenne. Par contre, lorsqu’il est différent de zéro, il y a asymétrie de la distribution et sa valeur positive indique une concentration vers les valeurs inférieures à la moyenne, alors qu’une valeur négative indique une concentration vers les valeurs supérieures à la moyenne.
  • [8]
    Dans le cas d’une distribution plutôt aplatie par rapport à une distribution normale, ce coefficient est négatif. Voir à cet égard Y. Evrard et al., 1997, Idem.
  • [9]
    Le principe conduit à ne retenir que les valeurs propres supérieures ou égales à 1.
  • [10]
    Elle désigne la variance de l’item expliquée par le système de composantes principales retenu par l’ACP

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