Couverture de RSC_2101

Article de revue

Infractions relevant du droit de l’information et de la communication

Pages 101 à 116

Notes

  • [1]
    En matière audiovisuelle, une atteinte à l'honneur est supplémentairement requise mais le droit de réponse n'y bénéficie curieusement d'aucune protection pénale (V., E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, nos 885 s.).
  • [2]
    Crim. 3 nov. 2020, n° 19-85.276 P, D. 2020. 2174 ; AJ pénal 2021. 36, obs. N. Verly ; Légipresse 2020. 588 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; ibid. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy.
  • [3]
    Crim. 1er sept. 2020, n° 19-81.448 P, D. 2020. 1680 ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 468 et les obs. ; ibid. 608, étude B. Domange ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; Dr. pénal 2020, comm. 187, obs. Ph. Conte ; CCE 2020, comm. 81, obs. A. Lepage ; JCP 2020. 1344, obs. B. Beignier ; Légipresse 2020, p. 608, note B. Domange.
  • [4]
    V., Crim. 3 nov. 2020, n° 19-85.276 P, préc.
  • [5]
    Crim. 24 mars 2020, n° 19-80.783, Légipresse 2020. 273 et les obs. ; ibid. 362, étude T. Hochmann ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy.
  • [6]
    Crim. 17 juin 1997, n° 94-85.126 P, D. 1998. 50, note J.-P. Feldman ; RSC 1998. 576, obs. J. Francillon.
  • [7]
    Crim. 18 nov. 2020, n° 19-85.895.
  • [8]
    V., E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ, coll. « Manuel », 2020, n° 1086.
  • [9]
    V., p. ex., Crim. 24 juin 2015, n° 14-82.890, Légipresse 2015. 518 et les obs. ; Dr. pénal 2015, comm. 110, obs. M. Véron.
  • [10]
    V., p. ex., Crim. 10 janv. 2017, n° 16-81.558, Dr. pénal 2017, comm. 55, obs. Ph. Conte.
  • [11]
    Crim. 13 oct. 2020, n° 19-85.632.
  • [12]
    V., pour un rappel de cette solution contestable, E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, nos 1901 s.
  • [13]
    Précisons que la Cour de cassation s'est « rachetée » en censurant l'arrêt sur un second moyen, non commenté ici, faisant reproche à la cour d'appel d'avoir statué sans vérifier si la condamnation n'était pas excessive au regard de l'art. 10, Conv. EDH (« sans répondre aux conclusions du prévenu qui faisait valoir qu'il n'avait pas excédé les limites de sa liberté d'expression en alertant ses concitoyens sur ce qu'il considérait être de graves dysfonctionnements de l'étude d'huissier »). Toutefois, l'ensemble du droit interne ne saurait se dissoudre dans la Convention. Il suffisait, pour ménager la liberté d'expression, d'appliquer correctement le droit commun.
  • [14]
    Cons. const. 6 déc. 2019, n° 2019-817 QPC, Mme Claire L., § 14, AJDA 2019. 2521 ; D. 2019. 2355, et les obs. ; ibid. 2020. 1324, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJ pénal 2020. 76, étude C. Courtin ; Légipresse 2019. 666 et les obs. ; ibid. 2020. 118, étude E. Derieux ; ibid. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie ; Constitutions 2019. 590, Décision ; RSC 2020. 99, obs. E. Dreyer.
  • [15]
    Crim. 24 mars 2020, n° 19-81.769 P, D. 2020. 877 ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; ibid. 1750, chron. G. Barbier, A.-S. de Lamarzelle, A.-L. Méano, M. Fouquet, E. Pichon, C. Carbonaro et L. Ascensi ; Légipresse 2020. 212 et les obs. ; ibid. 301, étude B. Ader ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; Gaz. Pal. 1er sept. 2020, n° 29, p. 68, obs. F. Fourment.
  • [16]
    V., E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, n° 1077.
  • [17]
    Crim. 1er sept. 2020, n° 20-80.281 P, D. 2020. 1679 ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 532 et les obs. ; Dr. pénal 2020, comm. 190, obs. Ph. Conte ; Gaz. Pal. 17 nov. 2020, n° 40, p. 48, obs. S. Detraz.
  • [18]
    V., not. E. Raschel, La procédure pénale en droit de la presse, Gazette du Palais, coll. « Guide pratique », 2019, p. 39 s.
  • [19]
    Crim. 1er sept. 2020, n° 19-84.505 P, D. 2020. 1680 ; ibid. 2021. 197, obs. E. Dreyer ; AJ pénal 2020. 470, obs. J.-B. Thierry ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 467 et les obs. ; ibid. 544, étude V. Tesnière ; Dr. pénal 2020, comm. 204, obs. Ph. Conte.
  • [20]
    V., aussi, J. Bossan, Réflexions sur l'application du droit pénal aux liens hypertextes, Légipresse 2021. 83.
  • [21]
    Crim. 7 mai 2019, n° 19-81.627, D. 2020. 237, obs. E. Dreyer ; Légipresse 2019. 620, obs. Y. Monerris ; et n° 19-81.629, Légipresse 2020. 193, étude N. Verly.
  • [22]
    Crim. 7 janv. 2020, n° 18-87.048, Légipresse 2020. 86 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; JCP 2020. 874, n° 6, obs. O. Mouysset.
  • [23]
    Crim. 5 févr. 2014, n° 12-80.154, Bull. crim. n° 35 ; D. 2014. 807, note L. Saenko ; ibid. 1414, chron. B. Laurent, C. Roth, G. Barbier, P. Labrousse et C. Moreau ; AJ pénal 2014. 422, obs. C. Renaud-Duparc.
  • [24]
    V., plus généralement sur ce point, E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, n° 1901.
  • [25]
    Crim. 25 févr. 2020, n° 18-85.418, Légipresse 2020. 148 et les obs. ; Gaz. Pal. 19 mai 2020, n° 19, p. 33, obs. F. Fourment.
  • [26]
    Crim. 3 nov. 2020, n° 19-85.276 P, D. 2020. 2174 ; AJ pénal 2021. 36, obs. N. Verly ; Légipresse 2020. 588 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; ibid. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy.
  • [27]
    Crim. 3 nov. 2020, n° 19-81.768.

1. Actualité du droit de réponse

1(Crim. 3 nov. 2020, n° 19-85.276 P., D. 2020. 2174 ; AJ pénal 2021. 36, obs. N. Verly ; Légipresse 2020. 588 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; ibid. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; Crim. 1er sept. 2020, n° 19-81.448 P, D. 2020. 1680 ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 468 et les obs. ; ibid. 608, étude B. Domange ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy)

2Plusieurs arrêts marquants sont à signaler, au cours de l'année écoulée, s'agissant du délit de refus d'insertion d'une réponse. On sait que ce délit repose sur une double condition préalable : une mise en cause est nécessaire qui provoque une demande de publication en réponse. Or, la Cour de cassation est revenue sur ces deux points.

3S'agissant de la mise en cause, sa forme est indifférente, du moins à l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 : il suffit qu'une personne ait été évoquée. Peu importe qu'elle ait été nommée ou seulement rendue identifiable [1]. Dès qu'il est question de soi, chacun a le droit de répliquer. La solution est simple mais elle pose tout de même régulièrement difficulté, ce qui a contraint la Cour de cassation à rappeler que le droit de réponse « est strictement personnel » tout en ajoutant que : « celui qui entend en user ne peut répondre qu'à sa propre mise en cause, et non à celle d'un tiers, celui-ci aurait-il été également nommé ou désigné dans la publication suscitant la réponse » [2]. Lorsque la mise en cause concerne une personne morale et sa dirigeante, celle-ci ne saurait donc demander l'insertion d'une réponse tant en son nom personnel qu'au nom de la personne morale : elle ne peut à titre personnel s'exprimer à la place du groupement. C'est d'abord une question de fond (à défaut de laquelle aucune infraction ne peut être caractérisée) avant d'être une question de forme (liée à la recevabilité de sa constitution de partie civile).

4S'agissant ensuite de la réquisition d'insertion, il convient de rappeler qu'elle doit en principe être suivie de la publication du texte de la réponse dès lors qu'il respecte les exigences de forme prévues à l'article 13 de la loi sur la liberté de la presse. Toutefois, plusieurs conditions de fond ont été ajoutées par la jurisprudence afin d'éviter les « abus » de droit de réponse : il importe que « la réponse dont l'insertion est demandée ne porte pas, dans des conditions de nature à interdire sa publication, atteinte à l'honneur du journaliste, auteur de l'article auquel il est répondu, lorsqu'elle se contente de critiquer, dans des termes proportionnés à cet article, la légitimité du but poursuivi par celui-ci, le sérieux de l'enquête conduite par son auteur, sa prudence dans l'expression ou son absence d'animosité personnelle » [3]. Cette formule est nouvelle et, sans doute, spécifique. Elle ne couvre pas toutes les hypothèses dans lesquelles la réponse est considérée comme abusive. D'ailleurs, dans un autre arrêt rendu au cours de l'année écoulée, la Cour reprend la formule plus générale qui est, en principe, en usage : « l'insertion d'une réponse présentée dans les conditions de forme qu'il [article 13] prévoit ne peut être refusée que si ladite réponse est contraire aux lois, à l'intérêt légitime des tiers, n'est pas en corrélation avec l'article auquel il est répondu et met en cause l'honneur du journaliste ou de l'organe de presse de façon disproportionnée au regard de la teneur de l'article initial » [4]. Cette longue liste de motifs justifiant un refus d'insertion n'est donc pas abandonnée. La formule plus étroite qui précède tend seulement à expliciter l'atteinte à l'honneur du journaliste qui peut expliquer qu'aucune suite ne soit donnée à la réquisition d'insertion. Il faut éviter qu'un tel motif ne soit un peu trop rapidement invoqué. Une atteinte à l'honneur ne peut être retenue par un directeur de la publication chaque fois qu'un manquement professionnel est reproché à l'auteur d'un article mettant en cause autrui. La Cour de cassation confirme qu'une telle atteinte n'est pas constituée lorsque la réponse conteste la démarche du journaliste. Les paramètres qu'elle utilise sont ceux de la bonne foi légitimant la diffamation. Cela peut surprendre car cela revient à dire que mettre en doute la bonne foi d'un journaliste n'affecte pas son honneur. Mais cela se comprend car un directeur de la publication ne peut invoquer l'honneur (perdu) d'un journaliste de mauvaise foi pour s'opposer à la publication d'une réponse à sa mise en cause. Au cas particulier, la cour d'appel avait considéré que le directeur de la publication n'avait pas l'obligation de publier une réponse dénonçant l'approche « caricaturale » d'une affaire judiciaire en reprochant au journaliste l'ayant couverte d'avoir manqué d'objectivité. La Haute juridiction censure son arrêt au motif qu'elle est « en mesure de constater que, dans sa réponse, qui restait intégralement en corrélation avec l'article initial, M. V… se contente de contredire plusieurs des affirmations de celui-ci, en regrettant à trois reprises que son auteur n'ait pas pris contact avec lui ou avec son avocat, ce qui aurait, selon lui, évité la publication de ce qu'il qualifie d'approximations ou d'informations inexactes, et aurait permis d'informer les lecteurs sur le fait que le jugement dont il était rendu compte était frappé d'appel » : pour la Cour de cassation, « cette critique des méthodes du journaliste, exprimée en termes sévères mais mesurés, est restée proportionnée à la teneur de l'article initial, dont l'arrêt a exactement retenu le ton ironique ». Une telle conclusion apparaît finalement assez conforme à la jurisprudence dominante mais elle est justifiée par un chapeau de principe qui témoigne d'un souci de pédagogie redoublé.

2. Persistance du révisionnisme : on ne conteste pas la rafle du Vel d'Hiv !

5(Crim. 24 mars 2020, n° 19-80.783, Légipresse 2020. 273 et les obs. ; ibid. 362, étude T. Hochmann ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy)

6On sait que désormais le révisionnisme peut prendre deux formes. La première, historique, apparaît à l'alinéa 1er de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Ce texte dispose que : « Seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du Tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article  9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ». Mais une loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 a ajouté dans ce même article 24 bis un alinéa précisant que : « Seront punis des mêmes peines ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière, par un des moyens énoncés à l'article  23, l'existence d'un crime de génocide autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d'un autre crime contre l'humanité, d'un crime de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ou d'un crime de guerre défini aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 et aux articles 211-1 à 212-3, 224-1 A à 224-1 C et 461-1 à 461-31 du code pénal, lorsque… ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale ». Un arrêt intéressant a été rendu, au cours de l'année écoulée, sur l'application du premier alinéa de l'article 24 bis et son articulation avec le deuxième alinéa du même texte. Se posait la question de savoir s'il y a contestation publique d'un crime contre l'humanité à « tweeter » les deux formules suivantes à quelques instants d'intervalle : « Pour être obsédé par le #veldhiv, il faut avoir un petit vélo dans la tête. Épisode mineur de la déportation » et « Le #veldhiv est un épisode mineur de la déportation, qui est elle-même un épisode mineur de la Seconde Guerre mondiale » ? L'auteur de ces tweets ayant été poursuivi, un tribunal puis une cour d'appel ont admis l'existence du délit. Le prévenu a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation en soulevant deux objections.

7D'abord, le prévenu a fait observer que la rafle du Vel d'Hiv est le fait de la police française et non d'individus reconnus coupables directement (par une juridiction française ou internationale) ou indirectement (en tant que membres d'une organisation déclarée criminelle) d'un crime contre l'humanité, de sorte que la minoration outrancière reprochée en l'espèce n'équivaudrait pas à la contestation du crime prévue à l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881. Néanmoins, la Cour de cassation écarte la critique en relevant que ce texte « n'exige pas que les crimes contre l'humanité contestés aient été exclusivement commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 du statut dudit tribunal, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale, mais qu'il suffit que les personnes ainsi désignées les aient décidés ou organisés, peu important que leur exécution matérielle ait été, partiellement ou complètement, le fait de tiers » [5]. La formule peut sembler un peu lourde en ce qu'elle s'efforce de reprendre les termes de l'article 24 bis tout en soulignant la marge d'appréciation laissée à l'interprète. Cependant, on comprend que la contestation publique d'un crime contre l'humanité est punissable dès lors que ce crime a été exécuté par les personnes désignées dans l'incrimination ou sur leur ordre. Pour établir l'infraction, il suffit donc de démontrer que le crime contre l'humanité contesté a été matériellement ou intellectuellement commis soit par les membres d'une organisation reconnue criminelle, soit par des personnes expressément déclarées coupables par une juridiction française ou internationale. Peu importe que, pour faciliter l'exécution matérielle de ce crime, des tiers aient été sollicités. Ce qui ne posait d'ailleurs aucune difficulté en l'espèce. En effet, après avoir relaté les circonstances dans lesquelles est intervenue la rafle des 16 et 17 juillet 1942, ayant conduit à la déportation vers le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau de plus de 13 000 juifs, la cour d'appel avait souligné « que ces faits ont été décidés et planifiés par l'occupant nazi » et que les SS étaient « donneurs d'ordre et coorganisateurs » de cette rafle mise en œuvre « avec l'active participation du gouvernement de Vichy, de ses fonctionnaires et de sa police ». Or, l'organisation SS a été déclarée criminelle en application de l'article 9 du Statut du Tribunal international de Nuremberg, de sorte que ses membres peuvent être déclarés auteurs intellectuels de la rafle qu'ils ont ordonnée et qui participe du crime contre l'humanité dont l'article 24 bis, alinéa 1er, interdit la contestation publique. Même si la démonstration peut sembler laborieuse, le premier moyen du pourvoi n'avait donc aucune chance de succès.

8Ensuite, le prévenu a mis en doute le fait que les tweets en question aient véritablement contesté l'existence d'un crime contre l'humanité. Pour retenir le délit, la cour d'appel avait estimé que les affirmations « sans nuances » reprochées au prévenu « ne constitue[ent] pas une opinion critique sur l'importance, qui serait exagérée, que certains accorderaient à cet événement, mais que l'emploi de l'expression “épisode mineur”, pour qualifier ladite rafle et plus généralement la déportation, est bien une minoration outrancière, par leur relativisation et leur banalisation, de ces crimes contre l'humanité ». La Cour de cassation l'approuve en rappelant que « la contestation de crimes contre l'humanité est caractérisée même si elle est présentée sous forme déguisée ou dubitative ou encore par voie d'insinuation, de sorte que la minoration outrancière de tels crimes, qu'opère le recours à l'expression incriminée, entre dans les prévisions de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ». Là encore, il faut l'en féliciter avec - cependant - une réserve. En effet, cette approche de la contestation d'un crime contre l'humanité est jurisprudentielle. C'est la Cour de cassation elle-même qui a cru pouvoir assimiler la minoration outrancière à la contestation [6]. Le législateur est certes intervenu en 2017 pour légitimer cette analogie mais il ne l'a fait qu'à l'alinéa 2 de l'article 24 bis, laissant ainsi le champ libre à un raisonnement a contrario stupide qui voudrait qu'une telle extension du délit n'est pas légitime à l'alinéa 1er du même article, c'est-à-dire dans l'hypothèse même où elle a été dégagée par le juge. Sans surprise, l'arrêt commenté s'y oppose. La Cour de cassation entend voir appliquée cette solution dans les deux hypothèses où la contestation de crimes contre l'humanité est désormais incriminée. En effet, il n'y a aucune raison de distinguer sur ce point. S'il faut dénoncer ici une incohérence, c'est celle du législateur qui a considéré la solution acquise à l'alinéa 1er sans se rendre compte que, en la consacrant uniquement à l'alinéa 2 de l'article 24 bis, il permet un débat qui n'a manifestement pas lieu d'être. Ce texte mériterait d'être réécrit.

3. Concours de qualifications entre droit pénal de la presse (diffamation et injure publiques) et droit pénal commun (outrage et harcèlement moral)

9(Crim. 13 oct. 2020, n° 19-85.632)

10Les distinctions sibyllines du droit de la presse, sur le fond comme sur la forme, effraient. La tentation peut donc être grande d'appliquer à des propos irrespectueux une qualification de droit commun plutôt que d'y voir une diffamation ou une injure (publique ou non publique). Mais la Cour de cassation envisage ce raisonnement avec méfiance : les cumuls de qualification sont, en réalité, assez rares en la matière et, lorsqu'ils existent, ils ne doivent pas être résolus en tenant en échec les garanties propres à la loi du 29 juillet 1881. Bref, les magistrats s'efforcent d'en limiter les occurrences et de les priver, à défaut, d'intérêt. La suprématie du droit pénal de la presse est ainsi sauvegardée.

11Deux arrêts le montrent bien au cours de l'année écoulée.

121. Le premier revenait sur une difficulté classique en la matière. En l'occurrence, l'exploitant d'une boucherie suspecté de l'avoir lui-même incendiée afin de toucher la prime d'assurance avait ajouté sur les murs les inscriptions suivantes : « toi+maire+mosquée ts des batar » et « va sucer ton maire J… ». Le projet ayant été découvert, cet individu a bien évidemment été poursuivi pour dégradation volontaire d'un bien immobilier par incendie et tentative d'escroquerie mais aussi, plus étonnamment, pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique. Le premier juge l'a déclaré coupable de l'ensemble de ces faits et condamné. Son jugement a été confirmé en appel, sachant que sur le terrain du délit d'outrage, qui seul nous intéresse ici, l'arrêt attaqué s'est contenté d'observer « que l'auteur de l'incendie est nécessairement celui des inscriptions injurieuses adressées au maire de la commune de […] et retenues à la prévention ». C'était un peu mince ! Le pourvoi critiquant ce seul motif de l'arrêt est logiquement accueilli par la Cour de cassation qui rappelle, au visa des articles 433-5 du code pénal (incriminant l'outrage) et l'article 593 du code de procédure pénale (imposant aux juges de motiver leurs décisions) que : « est constitutif d'un outrage toute parole, gestes, menaces, écrits, image ou envoi d'objet, adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à sa fonction ». Cette définition de l'outrage découle directement du texte appliqué. Ce qui est plus intéressant, ce sont les conséquences que la Haute juridiction en tire s'agissant des faits objet de la poursuite : après avoir rappelé la motivation indigente de l'arrêt d'appel, elle juge que : « en se déterminant ainsi, sans rechercher si les écrits reprochés étaient de nature à porter atteinte à l'autorité morale de la personne visée ou à diminuer le respect dû à sa fonction de maire et si leur auteur avait conscience que ses propos seraient nécessairement rapportés à ce dernier, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision » [7]. Au cas particulier, elle reproche donc à la cour d'appel de n'avoir établi ni la condition préalable, ni les éléments constitutifs du délit d'outrage.

13S'agissant de la condition préalable, c'est-à-dire du contenu du message en cause, elle peut être entendue plus largement que la condition préalable du délit de diffamation envers un agent public prévu à l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881. En effet, sont également prises en compte en matière d'outrage les messages (quelle qu'en soit la forme) qui visent le serviteur de l'État dans sa vie privée dès lors qu'ils sont de nature à rejaillir sur sa fonction, ce qui n'est pas le cas en matière de diffamation publique [8]. Ici, la Haute juridiction le rappelle élégamment en soulignant que le propos doit être « de nature à porter atteinte à l'autorité morale de la personne visée ou à diminuer le respect dû à sa fonction de maire ». Elle n'innove pas sur ce point. Dès lors, qu'en était-il en l'espèce ? S'agissant de la première inscription, on peut admettre sans difficulté qu'elle était outrageante à l'égard du maire, désigné en cette seule qualité et nécessairement chargé à ce titre d'une mission de service public : être traité de « bâtard », dans l'exercice de ses fonctions, c'est nécessairement être atteint dans sa dignité d'élu au service de tous. En revanche, on peine à voir un outrage dans la seconde inscription qui ne concerne pas le maire mais d'avantage l'exploitant de la boucherie. Dès lors que le maire n'était pas suspecté d'agir de la sorte, il ne pouvait s'estimer atteint par une formule qui ne le mettait pas directement en cause.

14Mais ce n'est pas tout. Il est essentiel de constater que, s'agissant des éléments constitutifs de l'infraction, la déclaration de culpabilité posait également problème. L'élément matériel n'était pas nécessairement établi. C'est là tout l'intérêt du rappel opéré par la Cour de cassation de ce que l'outrage suppose un message « adressé » à la personne qu'il vise et non simplement rendu public. D'une manière générale et contestable, la Haute juridiction admet que cette communication à l'intéressé peut être directe ou indirecte. Elle est directe lorsque l'agent s'adresse à l'agent public ; elle est indirecte lorsqu'il lui fait parvenir le message, en se servant notamment d'un tiers. Ce raisonnement par analogie n'apparaît guère légitime. Néanmoins, les magistrats l'admettent dès lors qu'il est étayé par une volonté certaine de s'adresser à autrui : si la faible matérialité des faits est renforcée par une intention coupable évidente, l'infraction est retenue [9]. Or, en l'espèce, rien n'était moins établi. On peut fortement douter que l'auteur des inscriptions qui ne s'exprimait pas en présence du maire ait spécialement voulu que son message lui soit transmis. D'où la critique adressée à l'arrêt d'appel de ne pas avoir établi que l'auteur des inscriptions « avait conscience que ses propos seraient nécessairement rapportés à ce dernier ». La cassation sur ce point rassure car, dans d'autres décisions, la Haute juridiction semble avoir accepté qu'une telle intention puisse s'établir par voie de présomption : il lui est arrivé d'admettre que celui qui prend le risque que son propos soit rapporté à l'agent public outragé agit comme s'il recherchait une telle transmission et voulait, en conséquence, outrager [10]. L'intention se déduit alors de faits qui n'ont rien d'explicites, ce qui livre l'intéressé à l'arbitraire du juge. Au cas d'espèce, l'absence de tout motif a empêché les Hauts magistrats de tenir un tel raisonnement. Ils ont été contraints d'exiger la preuve de l'intention d'outrager. Cette preuve était nécessaire car c'est elle qui fait toute la différence entre outrage et diffamation ou injure publique. En droit de la presse, en effet, le propos n'est pas adressé à la personne qu'il concerne mais à des tiers : il est « publié ». L'opinion est prise à partie s'agissant d'un agent public diffamé (auquel un fait attentatoire à l'honneur est imputé) ou injurié (auquel un propos offensant est associé). Le champ d'application de ces différentes infractions ne devrait donc jamais se recouper. Spécialement, ici, il y avait peut-être injure publique (le propos s'adressant à tous) mais pas outrage. C'est du moins ce que la cour de renvoi devra vérifier.

152. Le second arrêt est plus intéressant encore. Il concerne une poursuite pour harcèlement moral à la suite d'une campagne de calomnie organisée par un ancien client d'une étude d'huissier : cet individu n'avait pas hésité à apposer des affiches dans la localité et aux alentours, ainsi qu'à distribuer des tracts dans les boîtes aux lettres, présentant l'huissier en question comme un officier ministériel malhonnête. Il était même allé jusqu'à reprendre ces accusations devant d'autres clients de l'étude. Un délit de harcèlement moral a été retenu tant par le premier que par le second juge. Le prévenu a alors formé un pourvoi contre l'arrêt confirmatif en dénonçant une fraude à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Car, en effet, les propos invoqués à l'appui de la démonstration du harcèlement moral pouvaient passer pour injurieux, voire diffamatoires. Or, en réduisant ces injures et diffamations au rang de simple moyen de commettre un harcèlement moral, l'autorité de poursuite avait trouvé l'occasion d'agir sur le fondement du droit commun en tenant en échec les dispositions protectrices de la liberté d'expression prévues par le droit spécial. Cette conséquence de la règle de solution du conflit de qualifications en cause (l'infraction-fin prévalant sur l'infraction-moyen) était assez inédite. Et, pour la première fois, à notre connaissance, l'enjeu en termes de procédure a été pris en compte par la Cour de cassation. En effet, en réponse à ce pourvoi, elle relève d'abord que « l'apposition d'affiches accessibles à la vue du public et la distribution publique de tracts, retenues comme caractérisant le délit de harcèlement dans les conditions de vie des personnes que ces affiches et tracts visent, est susceptible d'être le support d'infractions prévues et réprimées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » [11]. Puis, la Haute juridiction laisse entendre que ce moyen aurait pu aboutir s'il avait été soulevé une première fois devant les juges du fond : « le moyen tiré de ce qu'en pareil cas, seules ces infractions de presse pourraient faire l'objet de poursuites, n'a pas été soumis aux juges du fond, qui auraient alors dû vérifier que la qualification retenue n'avait pas pour effet d'éluder les règles protectrices de la liberté d'expression instituées par la loi sur la liberté de la presse s'agissant des modalités de poursuite de ces infractions ». Au cas particulier, la censure de l'arrêt d'appel n'est donc écartée que pour cette raison de procédure : le moyen, mélangé de fait et de droit, a été présenté trop tardivement pour être examiné par la Cour de cassation. Même en matière de presse où elle exerce pourtant un contrôle approfondi des décisions frappées de pourvoi, cette Haute juridiction refuse de se transformer en troisième degré de juridiction. En l'occurrence, elle relève spécialement qu'un tel moyen suppose « l'appréciation d'éléments de fait, et spécialement la détermination de la teneur, qui ne résulte ni du jugement ni de l'arrêt, des propos figurant sur les affiches et les tracts, dont le caractère diffamatoire ou injurieux ne saurait résulter du seul fait qu'ils ont été retenus comme caractérisant un harcèlement moral des personnes visées ».

16En l'état de notre organisation procédurale, une telle irrecevabilité, sans doute, s'imposait. Mais, là n'est pas l'important. Cet arrêt peut sembler tout à fait essentiel en ce qu'il laisse clairement entendre que les garanties procédurales du droit de la presse ne peuvent être tenues en échec par l'application du droit commun : lorsqu'il est matériellement établi que les faits relèvent à la fois du droit commun et du droit de la presse, les garanties de ce dernier doivent être respectées. Cette revendication des spécialistes du droit de la presse atteint la chambre criminelle de la Cour de cassation ! Comme sa deuxième puis sa première chambre civile, qui ont considéré que la responsabilité civile délictuelle n'est pas applicable dans le périmètre de la liberté d'expression et que les fautes civiles ne peuvent donner lieu à réparation du dommage occasionné qu'à partir du moment où les règles de procédure pénale dérogatoire, prévues par la loi de 1881, sont respectées [12], la chambre criminelle laisse ainsi entendre qu'une qualification de droit commun ne saurait être appliquée au terme d'une procédure ne respectant pas la loi sur la liberté de la presse. Peu importe le montant des sanctions encourues ; peu importe que l'atteinte à l'honneur n'ait pas été une fin en soi mais seulement un moyen d'atteindre une personne. Or, il nous semble qu'une telle solution est très préoccupante quant à l'avenir des poursuites pour harcèlement, qu'il soit sexuel ou moral, car dans les deux cas, c'est une atteinte à la dignité d'autrui que l'on cherche à sanctionner. Les propos ne peuvent plus être pris en compte à ce titre ; seuls les comportements permettront demain de les caractériser. Est-il légitime de retrancher ainsi du champ d'application des articles 222-33 et 222-33-2 du code pénal la moitié des moyens de commettre ces infractions ?

17En réalité, le problème ne se pose peut-être pas ainsi. En effet, le rapprochement de cet arrêt avec le précédent ouvre une autre piste de réflexion. Il faut tenir compte du fait qu'ici le moyen n'a pas été présenté aux juges du fond, de sorte que - comme l'observe la Cour de cassation - il n'y a pas eu de véritable discussion sur le texte applicable à la poursuite. Or, il existe une incompatibilité de principe entre les différentes qualifications en concours qui devrait exclure tout cumul et donc toute application de la règle nouvellement dégagée. La question de la fraude à la loi de 1881 ne devrait jamais se poser si les conditions du harcèlement étaient plus strictement appréciées. Il suffirait pour cela de juger, comme en matière d'outrage, que les propos qui portent atteinte à la dignité de la victime (du harcèlement) sont des propos qui lui sont « adressés ». C'est parce qu'ils lui sont directement ou indirectement transmis qu'ils l'affectent dans son intégrité morale. Inversement, on ne peut se sentir harcelé, au sens des articles précités, par une campagne de presse ou d'affichage. La répétition de publications injurieuses ou diffamatoires ne fait pas un acte de harcèlement parce qu'elle prend à partie le public et non l'intéressé. Peu importe alors que toutes ces infractions aient une condition préalable commune (un propos diffamatoire ou injurieux) ; leurs éléments constitutifs sont distincts. Partant de là, leurs champs d'application sont différents. Le risque de fraude évoqué par la Cour de cassation n'a plus l'occasion de se vérifier. Tenir un tel raisonnement serait infiniment préférable à celui tenu - un peu trop rapidement - par la Haute juridiction. Malgré tout le respect qu'on lui doit, il nous semble possible d'indiquer que ce n'est pas la « teneur » des propos qui aurait dû être vérifiée par la cour de renvoi mais les faits constitutifs de chacune des infractions en concours. Ici, il y avait bien une difficulté qui aurait dû conduire à la cassation de l'arrêt mais elle ne concernait pas le droit de la presse. Elle concernait le droit commun qui a été abusivement appliqué : il ne pouvait y avoir harcèlement moral dès lors que les propos n'ont pas été adressés à la personne qu'ils visaient mais à des tiers. Dans l'exercice de son pouvoir de qualification, la Haute juridiction aurait pu le relever. Ce serait alors posé la question de savoir si, à tout le moins une poursuite pour diffamation ou injure publique était envisageable, qui aurait sûrement échoué… sur le constat de l'acquisition de la courte prescription et du non-respect du formalisme prévu par la loi sur la presse ! Dégager un principe inapplicable n'est sans doute pas le meilleur moyen de protéger la liberté d'expression [13].

4. Prohibition des enregistrements d'audience : circulez, il n'y a rien à voir non plus sous l'angle conventionnel…

18(Crim. 24 mars 2020, n° 19-81.769 P, D. 2020. 877 ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; ibid. 1750, chron. G. Barbier, A.-S. de Lamarzelle, A.-L. Méano, M. Fouquet, E. Pichon, C. Carbonaro et L. Ascensi ; Légipresse 2020. 212 et les obs. ; ibid. 301, étude B. Ader ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy)

19On sait que le Conseil constitutionnel a estimé conforme à la Constitution l'interdiction d'enregistrer des paroles ou fixer des images dès l'ouverture d'une audience prévue à l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse [14]. À la suite, la Cour de cassation a écarté le moyen tiré d'une contrariété de ce texte à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme : « si, en effet, toute personne a droit à la liberté d'expression et si le public a un intérêt légitime à recevoir des informations relatives, notamment, aux procédures en matière pénale ainsi qu'au fonctionnement de la justice, l'interdiction de tout enregistrement, fixation ou transmission de la parole ou de l'image après l'ouverture de l'audience des juridictions administratives ou judiciaires, et de leur cession ou de leur publication, constitue une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à garantir la sérénité et la sincérité des débats judiciaires, qui conditionnent la manifestation de la vérité et contribuent ainsi à l'autorité et à l'impartialité du pouvoir judiciaire » [15]. Toutefois, un tel motif ne saurait entièrement convaincre car il est beaucoup trop abstrait pour satisfaire au contrôle de conventionnalité qui s'impose en la matière. C'est la sanction prononcée à la suite qui aurait mérité d'être évaluée à l'aune du droit européen. Or, il n'en a rien été.

20Sous un angle purement technique, on relèvera essentiellement que, dans cette affaire, la cour d'appel avait jugé que l'interdiction perdure pendant le délibéré : « l'atteinte faite à l'image de l'accusé pendant l'attente du verdict alors qu'il importe de garder à l'enceinte judiciaire son caractère préservé ». Cette opinion est confirmée par la Cour de cassation selon laquelle « l'interdiction instituée par l'article »38 »ter précité, qui commence dès l'ouverture de l'audience et se prolonge jusqu'à ce que celle-ci soit levée, s'applique pendant les périodes de suspension de l'audience ». Ce qui peut sembler conforme à la lettre du texte en question mais pas à la justification avancée pour le légitimer. En effet, à ce stade, on ne saurait prétendre qu'il s'agit de « garantir la sérénité et la sincérité des débats judiciaires ». Une telle contradiction de motifs sème le doute sur la légitimité de la conception large de l'incrimination retenue ici.

5. Imputation des infractions de presse : l'imbécile heureux

21(Crim. 1er sept. 2020, n° 20-80.281 P, D. 2020. 1679 ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 532 et les obs.)

22L'auteur d'une infraction de presse est a priori celui qui décide de rendre le contenu litigieux public dès lors que cette publicité est effectivement réalisée (par lui ou des tiers). Le premier acte de publication rend celle-ci certaine. Il permet de demander à celui qui l'a ordonné d'en répondre [16]. En matière de presse écrite périodique, une telle solution est quelque peu aménagée aux articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881. Mais ces dispositions ne s'appliquent pas à l'égard d'autres imprimés. Quid des responsabilités dans la distribution du bulletin d'une association contenant des imputations diffamatoires ? Si l'on conçoit que l'auteur de l'article litigieux et le président de l'association éditrice puissent être poursuivis, en va-t-il de même pour l'agent d'exécution qui a mis les exemplaires dans les boîtes à lettres ? C'est lui qui a matériellement réalisé la diffusion nécessaire à la consommation du délit mais, en l'espèce, les juges du fond lui accordent une relaxe qu'approuve la Cour de cassation [17]. Elle note en effet qu'à partir du moment où le président de l'association est déclaré auteur de l'infraction, la responsabilité du distributeur ne peut être que secondaire. Il ne peut être réputé complice (qualité réservée à l'auteur du propos). Les conditions de la complicité doivent être établies à son encontre dans les termes du droit commun. Or, à partir du moment où les juges du fond admettent que l'auteur de la distribution ignorait la portée diffamatoire des imputations formulées dans le bulletin qu'il a distribué, aucune aide ou assistance ne peut lui être reprochée : « l'élément intentionnel » de la complicité fait défaut. Ce qui est une application bien venue du droit commun en droit de la presse. La loi du 29 juillet 1881 ne constitue pas un champ clos et autosuffisant. Elle ouvre des fenêtres sur le code pénal, qui limitent la répression au lieu de l'accentuer. Ici, tout recours à la preuve par voie de présomption est écarté : il n'est pas prétendu que celui qui distribue doit d'abord s'informer, de sorte qu'il transmet nécessairement en connaissance de cause l'imputation diffamatoire présente dans le document distribué.

6. Actualité de la prescription en matière de presse

23(Crim. 1er sept. 2020, n° 19-84.505 P., D. 2020. 1680 ; ibid. 2021. 197, obs. E. Dreyer ; AJ pénal 2020. 470, obs. J.-B. Thierry ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 467 et les obs. ; ibid. 544, étude V. Tesnière ; Crim. 3 nov. 2020, n° 19-81.627 et n° 19-81.629, D. 2020. 237, obs. E. Dreyer ; Légipresse 2019. 620, obs. Y. Monerris ; ibid. 2020. 193, étude N. Verly)

24Compte tenu des brefs délais qui sont applicables en matière de presse, la prescription de l'action publique est toujours à l'origine d'un contentieux abondant, qui concerne tant le point de départ que l'interruption de ce délai [18]. À ce titre, plusieurs arrêts retiennent l'attention au cours de l'année écoulée.

25Le premier a trait au point de départ du délai en question. Chacun sait que, en cette matière, c'est la publication qui fait le délit. Sur internet, l'infraction est donc consommée à l'instant de la mise en ligne du propos diffamatoire, injurieux ou provocant. Mais l'usage des liens hypertextes complique cette présentation. La création par un tiers d'un lien pointant vers un contenu mis en ligne depuis un temps dépassant celui de la prescription fait-elle courir un nouveau délai permettant de demander à celui qui en prend l'initiative de répondre du contenu en cause ? Rappelant d'une manière pédagogique sa jurisprudence en la matière, la Cour de cassation admet une telle solution : « un lien hypertexte qui, comme au cas présent, renvoie directement à un écrit qui a été mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription, de sorte que l'action publique n'était pas prescrite » [19]. Il n'y a donc pas lieu de distinguer suivant que le propos est formellement reproduit ou simplement signalé à l'attention des internautes. En générant un lien profond jusqu'à lui, l'animateur d'un site se l'approprie et doit donc en répondre comme s'il avait lui-même mis en ligne ce contenu. La création du lien est analysée comme un nouvel acte de publication, ce qui semble parfaitement justifié au regard de sa fonction. Il s'agit d'attirer à nouveau l'attention du public sur un contenu déterminé. La grande innovation de l'arrêt tient au fait que la solution n'est pas réservée au cas où le créateur du lien est l'auteur même du propos auquel il est renvoyé. Il va falloir que les internautes prennent conscience de leurs responsabilités en la matière [20].

26Par ailleurs, dans deux arrêts du 3 novembre 2020, la Cour de cassation revient sur les conditions dans lesquelles la consignation permet d'interrompre à la suite ce délai de prescription. Elle juge, au visa des articles 9-2, 85 et 88 du code de procédure pénale, ainsi que de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, « que, si le plaignant acquiert la qualité de partie civile par sa manifestation de volonté accompagnée du versement de la consignation fixée par le juge d'instruction, sauf dispense ou obtention de l'aide juridictionnelle, de sorte que l'auteur d'une plainte avec constitution de partie civile non signée peut confirmer sa volonté de se constituer en versant la consignation mise à sa charge, c'est à la condition que cette manifestation de volonté intervienne dans le délai de la prescription que la plainte imparfaite n'a pu interrompre » [21]. Ces décisions confirment que la signature de la plainte avec constitution de partie civile n'est pas une formalité substantielle prescrite à peine de nullité. Pour échapper à l'annulation, il suffit que le plaignant manifeste sans équivoque son intention de se constituer partie civile, notamment en consignant la somme demandée. Toutefois, cette manifestation de volonté doit intervenir dans le temps de la prescription. Cette exigence rend la régularisation de la plainte difficile (compte tenu de la brièveté du délai) mais elle est indiscutable car la plainte non signée ne peut avoir interrompu la prescription. La volonté de poursuivre doit se manifester avec certitude dans les 3 ou 12 mois suivant la publication (L. 1881, art. 65 et 65-3). Peu importe que la consignation intervienne dans les trois mois de l'enregistrement de la plainte, si c'est au-delà de ce délai. La plainte ne peut alors être validée ; la prescription est d'ores et déjà acquise.

7. Plainte préalable nécessaire à l'engagement des poursuites : complexité au carré

27(Crim. 7 janv. 2020, n° 18-87.048, Légipresse 2020. 86 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy)

28La diffamation publique envers une commune est une diffamation spéciale incriminée à l'article 30 de la loi du 29 juillet 1881. Toutefois, les conditions dans lesquelles cette commune peut provoquer la mise en mouvement de l'action publique en se constituant partie civile posent difficulté. En effet, l'article 48, 1°, de la même loi sur la liberté de la presse dispose que : « dans le cas d'injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l'article 30, la poursuite n'aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n'a pas d'assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève ». Rappelant notamment ce texte, la Cour de cassation a jugé, au cours de l'année écoulée, « que la plainte avec constitution de partie civile déposée par une commune n'est régulière que si elle est précédée d'une délibération du conseil municipal, laquelle doit mentionner avec une précision suffisante les faits qu'elle entend dénoncer, ainsi que la nature des poursuites qu'elle requiert, sans que ses insuffisances puissent être réparées par ladite plainte ou par le réquisitoire introductif » [22]. Ce qui revient en pratique à étendre, de la plainte à la délibération qui l'autorise, les exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 : il faut, de la même façon, que les faits soient précisés, qualifiés et identifiés à travers le texte qui édicte la peine encourue. À défaut, la plainte avec constitution de partie civile ne peut être prise en compte, ni même le réquisitoire introductif puisque le parquet ne peut agir d'office en la matière. La validité de la mise en mouvement de l'action publique par la commune dépend entièrement de la régularité de la délibération du conseil municipal l'autorisant.

29Par ailleurs, le même arrêt tranche une autre difficulté. Car les propos poursuivis mettaient également en cause la police municipale. Restait à déterminer comment celle-ci pouvait agir pour en demander réparation. C'est là encore la commune qui entendait se constituer partie civile. Mais la Cour de cassation censure à nouveau l'arrêt ayant admis la recevabilité de cette action. Elle rappelle que « lorsqu'il est imputé à une administration publique un fait qui porte atteinte à son honneur ou à sa considération, la poursuite ne peut avoir lieu, si le corps concerné n'a pas d'assemblée générale, que sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève ». Or, au cas d'espèce, la police municipale est apparue comme un service administratif qui n'a pas d'assemblée générale et qui relève non de la commune mais directement du maire : visant les articles L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, L. 511-1 et L. 511-2 du code de la sécurité intérieure, la Haute juridiction relève que ce service est « placé sous l'autorité du maire, qui en nomme les agents, et ce pour exécuter des tâches qui relèvent de sa compétence propre ». En conséquence, elle estime « que le maire doit être regardé comme le chef de corps de la police municipale, au sens de l'article 48, 1°, précité ». C'était donc à lui, et non à la commune, qu'il appartenait de porter plainte et de se constituer partie civile. La solution paraît effectivement s'imposer dans la mesure où il appartient aux agents de police municipale d'exécuter, dans la limite de leurs attributions mais sous l'autorité du maire, les tâches que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques. Peu importe qu'ils soient davantage, à ce titre, attachés au service de la commune que du maire dont ils ne constituent pas la garde prétorienne. La solution se comprend donc. Elle est importante au regard du développement actuel de ce type de poursuites. Elle est aussi de nature à les faciliter. Ce qui finira par poser problème au regard de la liberté d'expression.

8. Action civile sur appel d'un jugement de relaxe : résistance du droit spécial au droit commun

30(Crim. 25 févr. 2020, n° 18-85.418 ; Légipresse 2020. 148 et les obs. ; Crim. 3 nov. 2020, n° 19-85.276 P, D. 2020. 2174 ; AJ pénal 2021. 36, obs. N. Verly ; Légipresse 2020. 588 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; ibid. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy)

31On sait que, depuis 2014, la Haute juridiction considère que, en cas d'appel de la seule partie civile formé contre un jugement de relaxe, la juridiction du second degré ne peut déclarer le prévenu coupable de l'infraction poursuivie afin d'en tirer les conséquences civiles demandées : elle doit caractériser une faute civile « démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite » [23].

32Évidemment, ce principe pose problème en matière de presse où toute référence à l'article 1240 du code civil est bannie [24]. Néanmoins, la chambre criminelle de la Cour de cassation s'efforce de concilier les exigences contradictoires du droit spécial et du droit commun. Au visa de la loi du 29 juillet 1881 ainsi que des articles 2 et 497 du code de procédure pénale, elle juge qu'« il se déduit du premier de ces textes que l'action de la partie civile à l'encontre de la personne relaxée du chef d'une infraction de presse ne peut être fondée que sur la loi susvisée » et que, « selon les deuxième et troisième, le dommage, dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation, doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite » [25]. Il s'ensuit qu'il appartient aux juges du fond « d'apprécier, au terme de l'analyse des éléments de fait contradictoirement débattus, si l'existence d'une faute était ou non caractérisée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, sur la seule base de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés » : ils ne peuvent se contenter d'écarter toute faute (sans la qualifier spécialement). Ce qui s'avère doublement curieux. Tout d'abord, on aurait pu penser que la définition plus large de la faute prévue à l'article 1240 du code civil permet de considérer que l'absence de faute, sur le fondement du droit commun, entraîne l'absence de faute, sur le terrain du droit spécial (qui peut le plus, ne peut-il pas le moins ?). Ensuite, cette référence au texte spécial d'incrimination fait réapparaître l'infraction derrière la faute et remet donc en cause la pertinence d'une telle interprétation jurisprudentielle (qui devait éviter qu'une atteinte à la présomption d'innocence soit commise lors du débat sur la seule action civile). C'est tout l'intérêt de ce revirement, en dehors du droit de la presse, que de maintenir la prise en compte du fait poursuivi (justifiant la compétence, même civile, de la juridiction répressive) tout en interdisant d'évoquer sa qualification pénale (puisqu'aucune culpabilité ne peut plus être reconnue). Ici, on semble revenu à la situation antérieure car il convient d'établir une infraction de presse pour pouvoir en tirer des conséquences civiles.

33Le problème s'est trouvé accentué encore dans une autre affaire. La poursuite avait été engagée pour non-insertion d'une réponse : l'auteur de la demande, constitué partie civile, avait seul interjeté appel du jugement de relaxe. Mais la cour d'appel avait refusé d'ordonner l'insertion à raison du caractère irrévocable de la décision sur l'action publique. Son arrêt est censuré au visa des articles 2, 497 et 509 du code de procédure pénale ainsi que de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 au motif qu'il se déduit de ces textes « que l'autorité de la chose jugée attachée aux dispositions relatives à l'action publique ne fait pas obstacle au droit, pour la partie civile, seule appelante d'une décision de relaxe, d'obtenir, au cas où une faute civile est démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, que soit ordonnée par la cour d'appel, statuant sur les seuls intérêts civils, en réparation du préjudice résultant directement de cette faute, l'insertion de la réponse dans les conditions prévues par l'alinéa 8 du dernier de ces textes » [26]. Il s'ensuit donc qu'en cas d'appel par la seule partie civile d'un jugement de relaxe pour non-insertion d'une réponse, la cour d'appel peut non seulement vérifier s'il existe une infraction au sens de l'article 13 de la loi sur la liberté de la presse (vérifier la légitimité du refus d'insérer) mais aussi ordonner la principale conséquence de cette infraction, à savoir l'insertion de la réponse objet de la réquisition. On peut se demander, en l'état, ce qui reste du principe ci-dessus évoqué.

9. Voies de recours en matière de presse : quid de l'appel sur incident, interjeté par le prévenu, devenu sans objet suite à une décision de relaxe dont la partie civile fait appel sur le fond ?

34(Crim. 3 nov. 2020, n° 19-81.768)

35Une question originale a été tranchée par la Cour de cassation dans une affaire où le jugement de relaxe n'avait été frappé d'appel que par la partie civile. Il semble que cette relaxe ait été prononcée sur le fond, le premier juge ayant au préalable écarté une exception de prescription. L'appel du prévenu sur ce point n'avait pas été (et, pour cause !) réitéré en même temps que l'appel de la partie civile sur le fond. S'est donc posée devant la cour d'appel, saisie des seuls intérêts civils, la question de savoir si le prévenu pouvait reprendre son exception de prescription pour démontrer qu'en toute hypothèse l'action dirigée contre lui était depuis longtemps éteinte. La cour d'appel l'accepta au curieux motif que l'appel de la partie civile du jugement sur le fond « a pour effet de saisir la cour de l'entier litige en ses dispositions civiles, en ce compris les fins de non-recevoir et les exceptions de procédure, peu important à cet égard le sort de l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 6 juillet 2017 sur la seule exception de prescription ». Mais la Cour de cassation s'y oppose : « c'est à tort que les juges ont retenu que, de façon générale et quoique l'appel contre un jugement rejetant des incidents n'ait pas été réitéré en même temps que l'appel sur le jugement sur le fond, ce dernier appel les saisissait de l'entier litige, peu important le sort de cet appel » [27]. En effet, la Haute juridiction rappelle que, en vertu de l'article 59 de la loi du 29 juillet 1881, « l'appel formé immédiatement contre un jugement rendu, en matière de presse, sur un incident autre qu'une exception d'incompétence et qui ne met pas fin à l'instance, est nul, faute d'avoir été déclaré immédiatement recevable, en application des dispositions des articles 507 et 508 du code de procédure pénale ». Or, si l'appel n'est pas réitéré en même temps que l'appel contre le jugement rendu au fond, les dispositions du jugement sur incident passent en force de chose jugée. La solution semble donc claire…

36Cependant, la règle n'est pas aussitôt affirmée que la Cour lui adjoint une exception. Contre toute attente, l'arrêt d'appel n'est pas cassé car, selon la Haute juridiction, « il n'en va pas de même lorsque le jugement ne mettant pas fin à l'instance a écarté un moyen tiré de la prescription de l'action, l'acquisition de la prescription, cause d'extinction de l'action publique, étant un moyen d'ordre public qui peut être soulevé en tout état de la procédure et que les juges doivent, si nécessaire, relever d'office ». Ainsi, le caractère d'ordre public de la prescription de l'action publique fait obstacle à l'application de l'article 59, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881. Pourtant, ce texte n'excepte de ses dispositions que les exceptions d'incompétence (alinéa 3). C'est donc contra legem que la Haute juridiction renforce encore ici le poids de la courte prescription applicable en matière de presse. Toutefois, la solution n'apparaît pas sans logique. Parce que l'action civile est indissociablement liée à l'action publique, elle suit le même régime de prescription qu'elle devant la juridiction répressive. Si la prescription était acquise en première instance, elle doit pouvoir être constatée en appel, même si la cour d'appel n'est plus saisie de l'action publique en l'absence de recours du ministère public contre le jugement de relaxe. Le cas de figure est curieux mais la solution s'impose : si les faits sont prescrits, les juridictions répressives ne peuvent être saisies d'aucune action. À l'argument tiré du caractère d'ordre public de la prescription, on ajoutera qu'il serait sans doute excessif, au regard du respect des droits de la défense, d'imposer au prévenu bénéficiant d'un jugement de relaxe, non contesté par l'autorité de poursuite, d'interjeter appel d'un précédent jugement écartant son exception de prescription en même temps que la partie civile interjette appel du jugement sur le fond pour se réserver le droit de dénoncer le caractère tardif d'une telle action.

Notes

  • [1]
    En matière audiovisuelle, une atteinte à l'honneur est supplémentairement requise mais le droit de réponse n'y bénéficie curieusement d'aucune protection pénale (V., E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, nos 885 s.).
  • [2]
    Crim. 3 nov. 2020, n° 19-85.276 P, D. 2020. 2174 ; AJ pénal 2021. 36, obs. N. Verly ; Légipresse 2020. 588 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; ibid. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy.
  • [3]
    Crim. 1er sept. 2020, n° 19-81.448 P, D. 2020. 1680 ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 468 et les obs. ; ibid. 608, étude B. Domange ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; Dr. pénal 2020, comm. 187, obs. Ph. Conte ; CCE 2020, comm. 81, obs. A. Lepage ; JCP 2020. 1344, obs. B. Beignier ; Légipresse 2020, p. 608, note B. Domange.
  • [4]
    V., Crim. 3 nov. 2020, n° 19-85.276 P, préc.
  • [5]
    Crim. 24 mars 2020, n° 19-80.783, Légipresse 2020. 273 et les obs. ; ibid. 362, étude T. Hochmann ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy.
  • [6]
    Crim. 17 juin 1997, n° 94-85.126 P, D. 1998. 50, note J.-P. Feldman ; RSC 1998. 576, obs. J. Francillon.
  • [7]
    Crim. 18 nov. 2020, n° 19-85.895.
  • [8]
    V., E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ, coll. « Manuel », 2020, n° 1086.
  • [9]
    V., p. ex., Crim. 24 juin 2015, n° 14-82.890, Légipresse 2015. 518 et les obs. ; Dr. pénal 2015, comm. 110, obs. M. Véron.
  • [10]
    V., p. ex., Crim. 10 janv. 2017, n° 16-81.558, Dr. pénal 2017, comm. 55, obs. Ph. Conte.
  • [11]
    Crim. 13 oct. 2020, n° 19-85.632.
  • [12]
    V., pour un rappel de cette solution contestable, E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, nos 1901 s.
  • [13]
    Précisons que la Cour de cassation s'est « rachetée » en censurant l'arrêt sur un second moyen, non commenté ici, faisant reproche à la cour d'appel d'avoir statué sans vérifier si la condamnation n'était pas excessive au regard de l'art. 10, Conv. EDH (« sans répondre aux conclusions du prévenu qui faisait valoir qu'il n'avait pas excédé les limites de sa liberté d'expression en alertant ses concitoyens sur ce qu'il considérait être de graves dysfonctionnements de l'étude d'huissier »). Toutefois, l'ensemble du droit interne ne saurait se dissoudre dans la Convention. Il suffisait, pour ménager la liberté d'expression, d'appliquer correctement le droit commun.
  • [14]
    Cons. const. 6 déc. 2019, n° 2019-817 QPC, Mme Claire L., § 14, AJDA 2019. 2521 ; D. 2019. 2355, et les obs. ; ibid. 2020. 1324, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJ pénal 2020. 76, étude C. Courtin ; Légipresse 2019. 666 et les obs. ; ibid. 2020. 118, étude E. Derieux ; ibid. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie ; Constitutions 2019. 590, Décision ; RSC 2020. 99, obs. E. Dreyer.
  • [15]
    Crim. 24 mars 2020, n° 19-81.769 P, D. 2020. 877 ; ibid. 1643, obs. J. Pradel ; ibid. 1750, chron. G. Barbier, A.-S. de Lamarzelle, A.-L. Méano, M. Fouquet, E. Pichon, C. Carbonaro et L. Ascensi ; Légipresse 2020. 212 et les obs. ; ibid. 301, étude B. Ader ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; Gaz. Pal. 1er sept. 2020, n° 29, p. 68, obs. F. Fourment.
  • [16]
    V., E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, n° 1077.
  • [17]
    Crim. 1er sept. 2020, n° 20-80.281 P, D. 2020. 1679 ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 532 et les obs. ; Dr. pénal 2020, comm. 190, obs. Ph. Conte ; Gaz. Pal. 17 nov. 2020, n° 40, p. 48, obs. S. Detraz.
  • [18]
    V., not. E. Raschel, La procédure pénale en droit de la presse, Gazette du Palais, coll. « Guide pratique », 2019, p. 39 s.
  • [19]
    Crim. 1er sept. 2020, n° 19-84.505 P, D. 2020. 1680 ; ibid. 2021. 197, obs. E. Dreyer ; AJ pénal 2020. 470, obs. J.-B. Thierry ; Dalloz IP/IT 2020. 701, obs. E. Derieux ; Légipresse 2020. 467 et les obs. ; ibid. 544, étude V. Tesnière ; Dr. pénal 2020, comm. 204, obs. Ph. Conte.
  • [20]
    V., aussi, J. Bossan, Réflexions sur l'application du droit pénal aux liens hypertextes, Légipresse 2021. 83.
  • [21]
    Crim. 7 mai 2019, n° 19-81.627, D. 2020. 237, obs. E. Dreyer ; Légipresse 2019. 620, obs. Y. Monerris ; et n° 19-81.629, Légipresse 2020. 193, étude N. Verly.
  • [22]
    Crim. 7 janv. 2020, n° 18-87.048, Légipresse 2020. 86 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; JCP 2020. 874, n° 6, obs. O. Mouysset.
  • [23]
    Crim. 5 févr. 2014, n° 12-80.154, Bull. crim. n° 35 ; D. 2014. 807, note L. Saenko ; ibid. 1414, chron. B. Laurent, C. Roth, G. Barbier, P. Labrousse et C. Moreau ; AJ pénal 2014. 422, obs. C. Renaud-Duparc.
  • [24]
    V., plus généralement sur ce point, E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, n° 1901.
  • [25]
    Crim. 25 févr. 2020, n° 18-85.418, Légipresse 2020. 148 et les obs. ; Gaz. Pal. 19 mai 2020, n° 19, p. 33, obs. F. Fourment.
  • [26]
    Crim. 3 nov. 2020, n° 19-85.276 P, D. 2020. 2174 ; AJ pénal 2021. 36, obs. N. Verly ; Légipresse 2020. 588 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; ibid. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy.
  • [27]
    Crim. 3 nov. 2020, n° 19-81.768.
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