Notes
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[1]
L'auteur tient à remercier sa collègue Eudoxie Gallardo, maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille, pour sa collaboration dans la collecte des sources et la rédaction de cet article.
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[2]
Signalons aussi le délit de destruction, dégradation ou détérioration involontaire d'un bien par l'effet d'une explosion ou d'un incendie (art. 322-5), lequel visait simplement le « manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ». La rédaction de cette disposition est demeurée la même par la suite.
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[3]
Auparavant, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà montré sa volonté de ne pas limiter aux seuls élus et fonctionnaires désignés par la loi l'application de la nouvelle rédaction de l'art. 121-3, al. 3. Des arrêts ont été ainsi rendus aux visas combinés des art. 121-3 et 221-6 C. pén. (Crim. 19 févr. 1997, Bull. crim. n° 67 ; Crim. 17 juin 1997, Bull. crim. n° 237) et des art. 121-3 et 222-19 C. pén. (Crim. 14 oct. 1997, Bull. crim. n° 334).
-
[4]
Cf. Crim. 23 avr. 1955, D. 1955. 524 : « le délit d'homicide involontaire [...] est constitué dès lors que cet homicide est le résultat d'une faute, même légère » ; Crim. 28 oct. 1971, Bull. crim. n° 287, qui déclare « erroné en droit mais surabondant » le motif d'une cour d'appel selon lequel une faute lourde professionnelle est nécessaire pour caractériser le délit prévu par l'art. 319 C. pén.
-
[5]
V., spécialement net sur ce point : Crim. 11 avr. 1970, Bull. crim. n° 117, qui admet que les juges du fond ont à juste titre prononcé la relaxe du prévenu dès lors qu'ils n'avaient relevé à l'encontre de ce dernier ni imprudence, ni inobservation des règlements. V. aussi : Crim. 8 juill. 1958, Bull. crim. n° 527 et Crim. 25 févr. 1960, Bull. crim. n° 119, qui censurent sur cette seule base, pour s'être contredites, des cours d'appel qui n'avaient pas retenu la faute de piétons ayant traversé une chaussée sans emprunter le passage protégé. Peu importe que la loi ou le règlement aient été abrogés depuis les faits reprochés (Crim. 28 juin 1995, Bull. crim. n° 242) ou que leur violation ne constitue en elle-même qu'une contravention déjà prescrite (Crim. 22 févr. 1951, Bull. crim. n° 61 ; Crim. 3 févr. 1953, Bull. crim. n° 31). L'interprétation préalable du règlement peut être nécessaire pour connaître sa portée : Crim. 16 nov. 1944, Bull. crim. n° 177 ; Crim. 23 nov. 1944, Bull. crim. n° 186.
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[6]
Cf. Crim. 23 oct. 1931, Bull. crim. n° 210 : « faute d'une exceptionnelle gravité » ; Crim. 24 janv. 1956, Bull. crim. n° 92 : méconnaissance « grave » des règles du sport ; Crim. 19 mars 1956, Bull. crim. n° 272 : « grosse imprudence ».
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[7]
Ex. : Crim. 30 avr. 1931, Bull. crim. n° 119 ; Crim. 12 déc. 1952, Bull. crim. n° 306.
-
[8]
Ex. : Crim. 15 mars 1914, Bull. crim. n° 151 (à propos du fait de faire circuler un taureau sans prendre les mesures de protection prescrites par un arrêté municipal) ; Crim. 31 janv. 1956, Bull. crim. n° 110, D. 1956. 251 (à propos du fait, pour un médecin, de renouveler l'injection d'un sérum antitétanique malgré les symptômes réactionnels du patient suite à la première injection). De façon générale, la Cour de cassation, tout en laissant les juges du fond libres d'apprécier les faits d'imprudence ou de négligence reprochés aux prévenus, vérifie que leur motivation n'est pas contradictoire (Crim. 20 mars 1956, Bull. crim. n° 285) ou qu'elle n'est pas insuffisante (Crim. 15 juin 1960, Bull. crim. n° 325).
-
[9]
Crim. 29 oct. 1969, Bull. crim. n° 269.
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[10]
Cf. Crim. 15 juin 1960, préc. : cassation pour motivation insuffisante.
-
[11]
Crim. 29 oct. 1968, Bull. crim. n° 274 ; Crim. 17 juill. 1973, Bull. crim. n° 332 (cassation) ; Crim. 4 juin 1973, Bull. crim. n° 252 (rejet) ; Crim. 31 mars 1976, Bull. crim. n° 191. Un arrêt particulièrement solennel a rappelé ce principe à propos de la responsabilité pénale d'un chirurgien suite au décès d'un patient : Ass. plén., 30 mai 1986, Bull. crim. n° 184.
-
[12]
Cf. Crim. 17 nov. 1933, Bull. crim. n° 210 (train prioritaire au passage à niveau) ; Crim. 24 mai 1960, Bull. crim. n° 280 (« le droit de priorité n'est absolu qu'autant que celui qui s'en prévaut a respecté ses obligations réglementaires ») ; Crim. 1er mars 1961, Bull. crim. n° 129 (priorité à un carrefour) ; Crim. 2 mars 1961, Bull. crim. n° 136 (idem). Pendant une courte période, cependant, la chambre criminelle de la Cour de cassation a paru considérer que l'exercice d'un droit de priorité conférait bien une sorte d'immunité, tant pour le piéton qui traverse un passage protégé (Crim. 19 mai 1969, Bull. crim. n° 174 et 175) que pour l'automobiliste prioritaire à une intersection (Crim. 18 nov. 1969, Bull. crim. n° 301). Mais ces solutions n'ont plus jamais été rééditées par la suite.
-
[13]
Crim. 14 mars 1974, Bull. crim. n° 115.
-
[14]
Crim. 31 mars 1965, Bull. crim. n° 96. L'arrêt relève que la seule négligence établie suffit à engager la responsabilité pénale du directeur, « sans qu'il soit nécessaire de se référer en outre à la violation des règlements, autrement que pour caractériser la négligence [du directeur] par le fait qu'il connaissait leurs prescriptions en matière de sécurité ».
-
[15]
Crim. 9 mai 1957, Bull. crim. n° 396.
-
[16]
Civ. 27 févr. 1951, D. 1951. 329, note Ph. Dubois ; JCP 1951. II. 6193, note P. Mihura.
-
[17]
Civ. 2e, 14 juin 1972, D. 1973. 423, note E. Lepointe. V. aussi : Civ. 2e, 6 oct. 1960, D. 1960. 721.
-
[18]
Civ. 18 déc. 1912, S. 1914. 1. 249, note R.-L. Morel ; D. 1915. 1. 17, note L. S.
-
[19]
Req. 17 janv. et 13 nov. 1917, DP. 1922. 1. 52 ; Grenoble 15 juin 1993, D. 1994. 239, note M.-C. Lebreton ; Dr. soc. 1994. 789, note J. Savatier. V. déjà : Paris, 11 nov. 1910 et 31 oct. 1912, S. 1915. 2. 42.
-
[20]
Crim. 6 juill. 1934, DH 1934. 446.
-
[21]
Civ. 30 déc. 1929, DP 1930. 1. 41, 3e esp., note R. Savatier.
-
[22]
Cf. S. Jacopin, Mise au point sur la responsabilité pénale des élus et des agents publics : limitation ou élargissement des responsabilités ?, D. 2002. 507 ; Y. Monnet, Regards sur la nature de la faute civile et celle de la faute pénale dans les infractions non intentionnelles, Mélanges J. Buffet ; LPA 2004. 335 s. Des décisions alors récentes des juges du fond les avaient alertés : Grenoble 5 août 1992, JCP 1992. II. 21959, note P. Sarraz-Bournet (responsabilité pénale d'un maire d'une commune sur laquelle se trouvait une station de sports d'hiver, pour n'avoir pas pris les mesures visant à sécuriser les pistes de ski pour le cas d'avalanche).
-
[23]
Cf. A. Pirovano, Faute civile et faute pénale, Bibl. dr. privé, t. LXX, LGDJ, 1966, préf. P. Bonassies, n° 127 s.
-
[24]
V. J. Pradel, Droit pénal général, 21e éd., Cujas, 2016, n° 577 ; F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 16e éd., 2009, n° 484-1 ; Y. Mayaud, Droit pénal général, PUF, Droit fondamental, 5e éd., 2015, n° 244 ; A. d'Hauteville, Brèves remarques sur le nouveau principe de la dualité des fautes civile et pénale, Mélanges R. Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 145 s ; M. Bénillouche, La subjectivisation de l'élément moral de l'infraction : plaidoyer pour une nouvelle théorie de la culpabilité, RSC 2005. 529 s. Adde, déjà en ce sens : A. Pirovano, op. cit., n° 128 s.
-
[25]
Cf. TGI Lyon, 26 sept. 1996, D. 1997. 200, note H. Seillan ; RSC 1997. 833, obs. Y. Mayaud.
-
[26]
La majorité de la doctrine pénale est d'ailleurs en ce sens : M.-L. Rassat, Droit pénal général, Ellipses, 3e éd., 2014, n° 318 ; J.-H. Robert, Droit pénal général, PUF, Thémis, 5e éd., 2001, p. 326 s. ; Ph. Conte et P. Maistre du Chambon, Droit pénal général, Armand Colin, 7e éd., 2004, n° 385 s. ; E. Dreyer, Droit pénal général, Litec, 4e éd., 2016, n° 831 s. Adde : Ph. Salvage, l'imprudence en droit pénal, JCP 1996. I. 3984, n° 26.
-
[27]
Sur ces distinctions, décisives à notre sens, v. A. Sériaux, La faute du transporteur, Economica, 2e éd., 1998. Dans la foulée de la thèse de N. Dejean de la Bâtie (Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, Bibl. dr. privé, t. 57, LGDJ, 1965, préf. H. Mazeaud), certains auteurs considèrent que le critère d'une appréciation in concreto consiste dans le comportement habituellement adopté par le prévenu (cf. M.-L. Rassat, op. cit., loc. cit.). Sur la critique de cette conception, v. A. Sériaux, Droit des obligations, PUF, Droit fondamental, 2e éd., 1998, n° 67 ; Contrats civils, PUF, Droit fondamental, 2001, n° 98. Au mieux, l'habitude permet de présumer la conscience et la volonté. L'appréciation in concreto ne débute véritablement qu'avec « l'analyse psychologique des personnes mises en cause » (comp. J. Pradel, op. cit., loc. cit.). Notre conception de l'appréciation in concreto a été critiquée au motif qu'il ne s'agirait pas d'une appréciation, mais d'une simple constatation (V. Malabat, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit pénal, th. Bordeaux IV, 1999, n° 5). Il y a là un malentendu. Rechercher si quelqu'un a effectivement conscience de quelque chose suppose, à l'évidence, apprécier son état psychologique au moment de l'acte répréhensible. Mais que l'on sache, la preuve d'un état de conscience est rarement évidente. Tout autant que l'appréciation in abstracto, elle suppose un jugement, comme il en va chaque fois que la question de la culpabilité de l'accusé est posée aux juges ou aux jurés. Ce jugement porte bien sur les particularités de l'individu, mais sans que l'on cherche à le comparer à d'autres. C'est lui et lui seul qui est jugé. Dire que l'appréciation in concreto s'opère par « référence à un individu doté des mêmes caractéristiques que la personne dont on veut évaluer le comportement » (ibid.) ne nous fait pas en réalité sortir du terrain de l'appréciation in abstracto.
-
[28]
Certaines expressions doivent à cet égard être prises avec précautions. Enoncer, comme l'a fait une cour d'appel (Nîmes, 28 mai 1966, JCP 1967. II. 15311, note P. Chauveau), qu'« action ou omission, l'imprudence suppose la prévisibilité raisonnable, compte tenu du comportement usuel des hommes » est sans doute exact si l'on s'en tient au canon générique de l'appréciation in abstracto, mais devient faux si l'on s'interroge sur les critères spécifiques de ce type d'appréciation.
-
[29]
Cf. M.-L. Rassat, op. cit, loc. cit., pour qui la loi de 1996 n'a fait qu'introduire d'inutiles complications.
-
[30]
La Cour de cassation a, au moins une fois, rappelé aux juges du fond que pour apprécier la faute d'imprudence en dehors de la violation d'une loi ou d'un règlement, ils devaient s'attacher aux circonstances concrètes de l'accident : Crim. 15 juin 1960, préc. Dès lors qu'il existe, compte tenu des compétences normalement attendues de l'agent, des moyens concrets de prévoir ou d'éviter le dommage subi par les personnes, son imprudence ou sa négligence sont retenues. Ainsi :
- pour l'inspecteur d'une voie ferrée, qui n'a pas mis en place le dispositif nécessaire au franchissement d'un passage à niveau, alors qu'il était averti qu'un train spécial devait circuler et que « les pièces comptables qui passaient sous ses yeux lui révélaient que [le] gardiennage n'avait plus lieu au passage à niveau » (Crim. 30 avr. 1931, préc.) ;
- pour le directeur d'une usine de distribution d'eau, qui n'a fait aucune diligence pour éviter que les eaux polluées s'échappent par des fissures, alors que « des fissures s'étaient déjà produites trois ans auparavant et que de nouveaux indices du mauvais état de l'aqueduc [étaient] apparents » (Crim. 23 oct. 1931, préc.) ;
- pour le mécanicien dont le train a heurté un autocar à un passage à niveau, alors qu'il « a pu suivre du regard [à 300 m. de distance] la manœuvre du conducteur de l'autocar » et aurait eu le temps de s'arrêter (Crim. 17 nov. 1933, préc.) ;
- pour le propriétaire d'un chien, qui le laisse divaguer alors que l'animal avait l'habitude, en jouant, d'attaquer les passants (Crim. 3 juin 1957, Bull. crim. n° 466). Comp., pour l'absence d'imprudence d'un propriétaire de chevaux qui avaient causé un accident mortel en divagant sur une route : Crim. 1er oct. 1997 (Bull. crim. n° 316), arrêt rendu par application de l'ancien code pénal ;
- pour l'apiculteur qui lève les cadres de miel des ruches sans prendre les précautions nécessaires pour éviter les piqûres à son voisin (Crim. 7 mai 1957, Bull. crim. n° 384) ;
- pour un conducteur qui, pour remonter dans sa voiture, ouvre la portière alors qu'il voit qu'un autre véhicule arrive à sa hauteur (Crim. 22 déc. 1969, Bull. crim. n° 360) ;
- pour le gérant administrateur d'un immeuble, qui procède à la location sans faire remettre en état l'installation de chauffage, alors qu'il en connaît les défectuosités (Crim. 1er juill. 1976, Bull. crim. n° 240) ou aurait dû s'assurer de leur existence (Crim. 13 sept. 1988, Bull. crim. n° 321) ;
- pour le conducteur qui a une défaillance physique, alors que ce malaise était prévisible (Crim. 12 févr. 1976, Bull. crim. n° 57) ;
-
[31]
Cf. Crim. 20 nov. 1996, Bull. crim. n° 414 ; 12 déc. 2000, Bull. crim. n° 371, BICC 2001, n° 529, p. 3, concl. Commaret, rapp. Ferrari, RSC 2001. 157, obs. Y. Mayaud.
-
[32]
Crim. 26 mars 1997, Bull. crim. n° 123.
-
[33]
Crim. 29 juin 1999, Bull. crim. n° 161. Voir aussi, sous l'empire de l'ancien code pénal : Crim. 14 juin 1957, D. 1957. 512.
-
[34]
Crim. 13 nov. 2002, D. 2004. 1336, note Ph. Conte, RSC 2003. 331, obs. Y. Mayaud.
-
[35]
Grenoble, 5 août 1992, préc.
-
[36]
Crim. 29 juin 1999, Bull. crim. n° 161.
-
[37]
Cf. Crim. 29 juin 1999, Bull. crim. n° 162, à propos de la responsabilité d'un gynécologue.
-
[38]
Lyon, 28 juin 2001, Gaz. Pal. 2001. 2. 1140, note S. Petit.
-
[39]
Bastia, 30 juin 1999, Gaz. Pal. 2000. 1. 623.
-
[40]
Cf. A. Pirovano, op. cit., n° 150 s.
-
[41]
Cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, op. cit., n° 490-1 ; J. Pradel et A. Varinard, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 6e éd., 2007, p. 553 ;
-
[42]
En ce sens : TGI Lyon, 26 sept. 1996, préc. ; T. corr. Toulouse, 19 févr. 1997, AJDA 1998. 72, note P. Brossard ; RSC 1997. 832, obs. Y. Mayaud ; ibid. 835, obs. Y. Mayaud ; Gaz. Pal. 1997. 1. 396, note R. Riera et en appel : Toulouse, 29 janv. 1998, D. 1999. 56, note J. Benoit.
-
[43]
Dans l'affaire jugée par le T. corr. de Toulouse le 19 févr. 1997 (préc.), puis par la cour d'appel de Toulouse le 29 janv. 1998 (préc.), la chambre criminelle s'est bornée à approuver les juges du fond d'avoir déduit du fait qu'un maire n'avait pas respecté et fait respecter la réglementation en vigueur, « qu'au regard de sa mission, de son expérience et des pouvoirs et moyens qu'il tenait de la réglementation, [ce] maire n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient et que son abstention fautive a contribué à la mort des nombreuses victimes » (Crim. 29 juin 1999, Bull. crim. n° 163). De même, dans une autre affaire, où un plaisancier avait été électrocuté par suite du contact d'une ligne électrique à haute tension avec un plan d'eau, la ligne se trouvant à une hauteur inférieure à celle prescrite par un arrêté interministériel du 26 mai 1978, le responsable local d'EDF fut, avec l'approbation de la Cour de cassation, sans doute condamné pour n'avoir pas procédé au rehaussement de la ligne conformément au règlement susvisé, mais au-delà du règlement violé, cette condamnation se recommandait surtout de l'imprudence du prévenu dont l'attention aurait dû être attirée par un accident antérieur (Crim. 3 déc. 1997, Bull. crim. n° 413).
-
[44]
Crim. 2 avr. 1997, n° 95-85.564, Bull. crim. n° 132 ; RSC 1997. 837, obs. Y. Mayaud.
-
[45]
Cf. pour une application de cette idée, sous l'empire du droit nouveau : Crim. 12 mars 1997, Bull. crim. n° 101 : faute d'un importateur pour n'avoir pas rempli correctement son obligation de contrôle de la sécurité des produits importés.
-
[46]
E. Dreyer, op. cit., n° 848.
-
[47]
Cf. Civ. 1re, 30 janv. 2001, Bull. civ. I, n° 19 ; D. 2002. 1320, et les obs., obs. Ph. Delebecque ; ibid. 2001. 2232, obs. P. Jourdain ; RSC 2001. 613, obs. A. Giudicelli ; RTD civ. 2001. 376, obs. P. Jourdain ; Civ. 2e, 16 sept. 2003, Bull. civ. II, n° 263 ; D. 2004. 721, note Ph. Bonfils ; ibid. 2003. 2862, obs. X. Prétot. Sur le travail antérieur de la jurisprudence, tendant déjà à réduire la portée du principe, voir : Y. Monnet, art. préc., p. 338.
-
[48]
Crim. 15 avr. 1889, S. 1891. 1. 292, D. 1891. 1. 727.
-
[49]
Parmi ces difficultés, un arrêt (Amiens, 9 mai 2000, Gaz. Pal. 2000. 2. 1413, note S. Petit) évoque le manque de moyens humains, matériels et financiers. Mais pour n'en tirer aucune conséquence.
-
[50]
Cf. A. d'Hauteville, art. préc., II, C. V. aussi Ph. Conte et P. Maistre du Cambon, op. cit., n° 385, qui l'envisagent simplement comme une possibilité.
-
[51]
Il s'agit, comme on l'a fort bien dit, de sanctionner « l'indiscipline dans des matières graves » (F. Desportes et F. Le Gunehec, op. cit., n° 489).
-
[52]
V. not. Crim. 5 sept. 2000, Bull. crim. n° 262 ; D. 2000. 256, et les obs. ; RSC 2001. 154, obs. B. Bouloc ; ibid. 156, obs. Y. Mayaud (médecin) ; JCP 2001. II. 10507, note J.-Y. Chevalier ; Crim. 12 déc. 2000, Bull. crim. n° 371 ; BICC 2001, n° 529, p. 3, concl. Commaret, et rapp. Ferrari ; RSC 2001. 157, obs. Y. Mayaud (directrice d'école et institutrice). Adde, sur renvoi : Lyon, 28 juin 2001, Gaz. Pal. 2001. 2. 1140, note S. Petit, RSC 2001. 804, obs. Y. Mayaud, confirmé par Crim. 18 juin 2002, Gaz. Pal. 2002. 2. 994, note S. Petit) ; Crim. 10 janv. 2001, Bull. crim. n° 3 ; Gaz. Pal. 2001. 2. 1198, note Y. Monnet ; RSC 2001. 572, obs. B. Bouloc (gynécologue) ; Crim. 20 mars 2001, Bull. crim. n° 75, deux arrêts (maire et directrice d'école) ; Crim. 22 mai 2001, n° 00-85.179, inédit (employeur et maître d'œuvre).
-
[53]
V. entre autres : Crim. 30 janv. 1913, Bull. crim. n° 53 ; Crim. 27 mai 1948, Bull. crim. n° 145 ; Crim. 17 déc. 1953, Bull. crim. n° 347 ; Crim. 3 nov. 1955, Bull. crim. n° 447 ; Crim. 9 mai 1956, Bull. crim. n° 355 ; Crim. 14 févr. 1996, Bull. crim. n° 78. Sur ce sujet, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juill. 2000, cf. en particulier : Ph. Conte, L'obscur article 121-3 du code pénal, D. 2014. 1137.
-
[54]
Douai, 26 mars 2002, JCP 2003. IV. 1041.
-
[55]
Crim. 12 sept. 2000, Bull. crim. n° 268 ; D. 2000. 282, et les obs. ; RDI 2001. 67, obs. M. Segonds ; Dr. soc. 2000. 1075, note P. Morvan ; RSC 2001. 154, obs. B. Bouloc ; ibid. 156, obs. Y. Mayaud ; ibid. 399, obs. A. Cerf-Hollender ; ibid. 824, obs. G. Giudicelli-Delage ; RTD com. 2001. 259, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 2001, comm. 3, obs. M. Véron ; Crim. 24 mai 2016, n° 14-88.401 (inédit). Dans le même sens : Rennes, 6 mars 2003, JurisData n° 2003-216059.
-
[56]
Crim. 12 juin 2007, Bull. crim. n° 156.
-
[57]
Cf. E. Dreyer, op. cit., n° 860.
-
[58]
V. Crim. 18 nov. 2008, Bull. crim. n° 232 : non-respect, par le propriétaire d'un aéronef, des dispositions d'arrêtés relatifs au maintien de l'aptitude en vol des aéronefs (tenue du livret-moteur et du livret de l'aéronef).
-
[59]
Crim. 16 oct. 2007, Bull. crim. n° 246 ; Dr. pénal 2008, n° 3 (2e esp.), obs. M. Véron.
-
[60]
Crim. 9 mars 1999, D. 2000. 81, note M.-C. Sordino et A. Ponseille ; ibid. 227, obs. J. Mouly ; RSC 1999. 581, obs. Y. Mayaud ; ibid. 808, obs. B. Bouloc ; JCP 1999. II. 10188, note J.-M. Do Carmo Silva.
-
[61]
Contra : TGI Saint-Etienne, 10 août 1994, Gaz. Pal. 1994. 2. 775, RSC 1995. 575, obs. Y. Mayaud.
-
[62]
Crim. 16 févr. 1999, D. 2000. 9, note A. Cerf. Adde : TGI Saint-Etienne, 10 août 1994, préc. ; Angers, 27 nov. 2001, JCP 2002. IV. 2843. Contra : Grenoble 19 févr. 1999, D. 1999. 480, note M. Redon ; JCP 1999. II. 10171, note P. Le Bas.
-
[63]
Cf. TGI Saint-Etienne, 10 août 1994, préc.
-
[64]
E. Dreyer, op. cit., n° 843.
-
[65]
A. Ponseille, La faute caractérisée en droit pénal, RSC 2003. 79 ; A. d'Hauteville, La gradation des fautes pénales en matière d'atteinte à la vie et à l'intégrité physique, in Réflexions sur le Nouveau code pénal, Pédone, 1995, p. 31.
-
[66]
P. Morvan, l'irrésistible ascension de la faute caractérisée : l'assaut avorté du législateur contre l'échelle de la culpabilité, in Mélanges Pradel, éd. Cujas, 2006, p. 461.
-
[67]
F. Alt-Maes, La grande illusion : la dépénalisation attachée à l'application de la loi du 10 juillet 2000 au médecin, in Mélanges Bouloc, Dalloz, 2006, p. 1 s.
-
[68]
V. not. Crim. 16 mai 2006, deux arrêts, Bull. crim. n° 136 et 137.
-
[69]
Solution constante. V. par ex. : Crim. 5 déc. 2000, Bull. crim. n° 363 : « en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et procédant de son appréciation souveraine... » ; Crim. 9 juin 2015, n° 14-86.469 (inédit) : « en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance comme de contradiction [...] les moyens qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause [...] ne sauraient être admis ».
-
[70]
V. par ex. : Crim. 11 févr. 2003, n° 02-85.810, Bull. crim. n° 28, RSC 2003. 801, obs. C. Giudicelli-Delage.
-
[71]
V. Crim. 27 mars 2001, n° 00-83.799, inédit, RDI 2001. 509, obs. M. Segonds ; Crim. 22 mai 2001, n° 00-86.692, inédit ; Crim. 6 juin 2001, n° 00-86.683, inédit. Un arrêt pourtant publié paraît même confondre faute caractérisée et faute simple : Crim. 11 juin 2003, Bull. crim. n° 121.
-
[72]
V. Crim. 12 sept. 2006, Bull. crim. n° 219 ; Crim. 18 nov. 2008, Bull. crim. n° 233. La requalification était nécessitée par le fait que, selon la Cour de cassation, les juges du fond avaient considéré à tort que les prévenus étaient les auteurs directs des coups et blessures ou de l'homicide.
-
[73]
V. Crim. 20 févr. 2001, n° 00-83.880, inédit : « Claude X., compte tenu de ses qualifications, ne pouvait ignorer... ».
-
[74]
Cf. Crim. 30 janv. 2001, n° 00-84.109, inédit, Dr. soc. 2001. 654, chron. P. Morvan : « le prévenu savait que, lors de la représentation (d'un spectacle d'équitation), la bombe ne serait pas portée, les participants devant revêtir un costume composé notamment d'une casquette ; [...] en tolérant, en violation des prescriptions de l'art. R. 233-1 du code du travail, le défaut d'utilisation d'un équipement de protection approprié, le prévenu a commis une imprudence en relation avec le décès de la victime » ; Crim. 16 oct. 2001, n° 01-81.406, inédit : le prévenu « a commis une faute caractérisée en ne veillant pas au respect des prescriptions de l'art. 102 du décret du 8 janvier 1965, alors qu'il connaissait la nature des travaux à effectuer, dont il avait reconnu qu'ils étaient effectivement délicats, et alors que, professionnel du bâtiment, il ne pouvait méconnaître les risques découlant d'un mode opératoire inadapté » ; Crim. 15 oct. 2002, Bull. crim. n° 186 ; Dr. pénal 2003, comm. 4, obs. M. Véron : un prévenu « connaissait l'insuffisance professionnelle » du commandant de bord, tandis que l'autre « connaissait les graves lacunes » du manuel d'exploitation de l'avion ; Crim. 13 nov. 2002, Bull. crim. n° 204 ; RSC 2003. 326, obs. B. Bouloc ; ibid. 337, obs. Y. Mayaud : le prévenu « avait constaté [...] le danger que représentait la grume en équilibre instable et recommandé à la personne qui l'accompagnait de ne pas rester en aval du tronc ; malgré ce constat, et bien que sachant que les lots d'affouage venaient d'être distribués et que certains bénéficiaires profiteraient du 8 avril, jour férié, pour ramasser du bois, il n'avait pris aucune disposition » ; Crim. 6 sept. 2005, Bull. crim. n° 218 : « connaissant la dangerosité de la situation résultant de l'ouverture des fenêtres pour les enfants, [le prévenu] n'a pas pris à leur arrivée dans la classe les mesures de fermeture permettant d'éviter le dommage » ; Crim. 31 janv. 2006, JCP 2006. II. 10079, note E. Dreyer : « « le coordinateur (des travaux) et l'architecte avaient adressé, avant l'accident, de nombreux rappels [au prévenu] qui y avait opposé la plus totale inertie » ; Crim. 14 déc. 2010, Bull. crim. n° 200 : le prévenu « cédant à l'insance de M. Y. qui voulait "faire un tour" avec sa voiture, lui en a remis volontairement les clés alors qu'il savait que celui-ci n'était pas titulaire du permis de conduire et se trouvait sous l'emprise de l'alcool » ; Crim. 1er oct. 2013, n° 12-84.762, inédit : le prévenu « s'est abstenu de tout examen permettant d'établir en urgence un diagnostic fiable [...] malgré le signalement par son confrère d'une aorte battante dilatée chez un patient présentant des antécédents polyvasculaires ».
-
[75]
V., insistant sur ce devoir : Crim. 18 nov. 2008, préc.
-
[76]
Cf. Crim. 2 déc. 2003, Bull. crim. n° 226 ; Dr. pénal 2004, comm. 17, obs. M. Véron : « Claude X. [...] ne pouvait ignorer eu égard à son expérience de praticien et aux informations qui lui étaient communiquées... ».
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[77]
Il est des arrêts où cette connaissance n'est pas relevée explicitement par les juges, mais fonde manifestement la condamnation de la personne dotée des compétences requises, réelles ou présumées, pour la rendre apte à percevoir le danger et à réagir opportunément : Crim. 5 déc. 2000, Bull. crim. n° 363 ; Crim. 10 janv. 2001, Bull. crim. n° 2 ; Crim. 16 janv. 2001, Bull. crim. n° 15 ; Dr. soc. 2001. 654, chron. P. Morvan ; RSC 2001. 571, obs. B. Bouloc ; ibid. 577, obs. Y. Mayaud ; ibid. 824, obs. G. Giudicelli-Delage ; Crim. 13 févr. 2007, Bull. crim. n° 43 ; Crim. 12 janv. 2010, Bull. crim. n° 5.
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[78]
Cf. Crim. 10 déc. 2002, Bull. crim. n° 223 : « l'institutrice, qui ignorait que (l'enfant) se livrait depuis peu au jeu dangereux dont il a été victime, n'a pas [...] commis de faute caractérisée exposant la victime à un risque qu'elle ne pouvait envisager ».
-
[79]
V. E. Dreyer, note JCP 2006. II. 10079.
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[80]
L'idée est implicitement défendue par tous les auteurs qui estiment que le code pénal établit une hiérarchie objective des fautes fondée sur leur gravité respective : la faute délibérée, moins grave que la faute intentionnelle mais plus grave que la faute caractérisée. En ce sens : Y. Mayaud, op. cit., n° 240 s., qui affirme en particulier que faute délibérée et faute caractérisée sont « complémentaires, d'une complémentarité dictée par la différence de degré qui les sépare » (n° 244) ; J. Pradel, op. cit., n° 567 s., qui considère que l'existence d'une faute caractérisée permet de présumer l'existence d'une faute délibérée (n° 573). Rappr. M.-L. Rassat, op. cit., n° 319, qui critique l'emploi de la notion de faute délibérée parce que la délibération est difficile à prouver et lui préfère en conséquence la référence à une imprudence d'une particulière gravité typique de la faute caractérisée. Ce point de vue hiérarchique est en partie alimenté par les dispositions du code pénal qui prévoient une aggravation de la peine encourue pour coups et blessures ou homicide par imprudence « en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » (cf. C. pén., art. 221-6, al. 2, 222-19, al. 2, et 222-20). Mais cette aggravation paraît mieux se justifier par le souci du législateur de sanctionner spécialement ceux qui ne respectent pas sciemment les lois ou les règlements (et non des règles de moindre envergure, fixeraient-elles des obligations déterminées de prudence ou de sécurité. Cf. E. Dreyer, op. cit., n° 863), indépendamment (et en sus) de la punition due pour le résultat dommageable (homicide ou blessures).
-
[81]
Expression de L. Mazeaud, in l'assimilation de la faute lourde au dol, DH 1933. Chron. 44.
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[82]
Une imprudence est, par définition, toujours inconsciente quant au risque qu'elle fait naître pour soi-même ou pour autrui. Ce qui peut être délibéré n'est pas l'imprudence mais la transgression d'une règle positive extérieure à l'agent. Le « manquement conscient à une obligation "générale" de sécurité et de prudence » évoqué par M. Dreyer (préc.) n'est selon nous qu'une vue de l'esprit.
-
[83]
Rappr. M. Pralus, Réflexions autour de l'élément moral des délits, Dr. pénal 2002. Chron. 41, I.
-
[84]
V. J. Cedras, Le dol éventuel : aux limites de l'intention, D. 1995. Chron. 18.
-
[85]
C. com., art. L. 133-8, issu d'une loi n° 2009-1503 du 8 déc. 2009.
11. Fruit d'une histoire aussi courte que mouvementée, l'actuel article 121-3 du code pénal dispose en son alinéa 3 : « Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. » La rédaction actuelle de cette disposition remonte à une loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000. Auparavant, mais seulement depuis une loi n° 96-393 du 13 juillet 1996, ce même alinéa 3 édictait qu'« il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou les règlements sauf si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Cette version venait elle-même remplacer l'ancien alinéa 2 de l'article 121-3 qui, depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal de 1992, disposait simplement : « Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d'imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d'autrui ». De tels sursauts de rédaction en si peu de temps ont de quoi surprendre.
2Passons sur le changement de rédaction intervenu le 10 juillet 2000. Il s'agit tout au plus de l'amélioration formelle d'un énoncé qui, sans cela, aurait pu laisser croire qu'en cas de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, il incombait à l'auteur des faits de s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu'il avait « accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Quoi de plus contraire au principe, fondamental s'il en est, qui veut que la preuve entière d'une responsabilité pénale incombe à l'accusateur ? La modification législative intervenue en 1996 paraît en revanche autrement plus substantielle. Si elle ne touche pas vraiment aux infractions de mise en danger délibérée de la personne d'autrui, puisque celles-ci se trouvent désormais envisagées à l'alinéa 2 de l'article 121-3, l'ample addition qu'elle apporte à la définition des infractions d'imprudence laisse le lecteur méditatif.
32. Dans la rédaction que lui avaient donnée les auteurs du nouveau code pénal, l'article 121-3 possédait parfois un caractère performatif, mais parfois aussi un caractère simplement énonciatif. Sans entrer dans les détails toujours subtils de la détermination de l'élément moral propre à chaque infraction, il avait notamment pour vocation de rappeler quelles sont, en cette matière, les grandes orientations retenues par les codificateurs. Aussi cette disposition se bornait-elle à indiquer sobrement qu'en matière de crimes et de délits, la preuve de l'intention de les commettre est en principe toujours requise chez l'agent (al. 1), à moins qu'il ne s'agisse de délits spécifiques « d'imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d'autrui », pour lesquels la loi se satisfait d'une culpabilité plus atténuée (al. 2), ou de contraventions, dont la constitution ne requiert de l'auteur, au moins prima facie, aucune intentionnalité (al. 3). La référence aux délits d'imprudence et de négligence, en particulier, s'avérait ici spécialement cursive. Pour trouver la véritable définition de l'élément moral de ces infractions - la seule qui importe en définitive au justiciable - il fallait se reporter aux dispositions spéciales réglant ces matières : les articles 221-6 (homicide involontaire) et 222-19 (coups et blessures involontaires), respectivement. Or, chacun de ces délits précisait de la même manière son élément moral. Dans les deux cas il s'agissait de « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements » [2]. En revanche, aucune de ces dispositions ne se référait, expressément ou tacitement, à la nécessité d'établir que « l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ».
4La modification de l'article 121-3 opérée par la loi du 13 juillet 1996 innove donc sur deux points. Tout d'abord, elle réintroduit dans cette disposition générale une notion qui avait déjà cours dans les dispositions spéciales : le « manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». L'innovation, qui demeure dans la perspective simplement énonciatrice du texte, paraît a priori assez mince. Mais elle prend davantage de relief dès lors que le législateur de 1996 a souhaité l'accompagner de cette exigence inédite qui oblige les juges à rechercher si, oui ou non, l'auteur des faits dommageables a accompli les « diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ».
53. La nouveauté était d'autant plus remarquable que, d'assez curieuse façon, la loi du 13 juillet 1996 n'a pas éprouvé le besoin de modifier les dispositions spéciales auxquelles renvoyait implicitement mais nécessairement l'article 123-1 : la rédaction des articles 221-6 et 222-19 demeura inchangée. La même loi a au contraire introduit la nouvelle exigence dont elle était porteuse dans diverses dispositions spéciales relatives aux élus locaux (cf. CGCT, art. L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28) et aux fonctionnaires et agents non titulaires de droit public (cf. loi n° 83-634 du 13 juill. 1983, art. 11 bis A). Çà et là il fut désormais question d'établir que ces diverses personnes n'ont pas accompli les « diligences normales compte tenu de [leurs] compétences, du pouvoir et des moyens dont [elles disposaient] ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi [leur] confère ». Le législateur aurait-il entendu faire deux poids, deux mesures, l'une pour le commun des mortels, l'autre réservée aux seuls élus et agents publics ?
6Il fallut attendre la loi du 10 juillet 2000 pour que le doute soit officiellement levé [3]. Fruits de cette intervention législative, les articles 221-6 et 222-19, jusqu'ici laissés pour compte, portent désormais un renvoi exprès aux « conditions [...] prévues à l'article 121-3 ». De disposition principalement énonciative, ce dernier en vint à constituer dorénavant le droit commun des délits d'imprudence. Quant aux délits d'homicide ou de blessures involontaires, ils requièrent désormais toujours l'appréciation de la diligence circonstanciée telle que définie depuis 1996 par l'alinéa 3 de l'article 121-3 du code pénal. Seule dissonance, les dispositions relatives aux élus, aux fonctionnaires et autres agents publics continuent de faire référence, pour l'appréciation de la diligence des intéressés, aux « difficultés propres aux missions que la loi [leur] confie », ce qui sonne à tout le moins comme une incitation à l'indulgence dont ne profitent pas, du moins explicitement, les autres justiciables.
74. À s'en tenir à ce seul aspect, la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels s'affiche donc plutôt comme une loi d'apaisement et d'harmonisation du droit en vigueur. Avec elle, c'est désormais clairement au parquet qu'il revient d'établir l'absence de diligence reprochée aux prévenus d'homicide ou de coups et blessures involontaires ; grâce à elle, le mode d'appréciation de cette absence de diligence se trouve grosso modo le même quelle que soit la personne retenue dans les liens de la prévention.
8Cette impression s'estompe sitôt constaté l'autre versant de l'œuvre législative. La loi de 2000 a en effet eu aussi pour objectif d'introduire dans l'article 121-3 un nouvel alinéa 4, dont l'objectif avoué est de réduire sur un autre terrain la portée de la définition de la faute pénale d'imprudence retenue à l'alinéa 3. « Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, [dispose ce nouvel alinéa], les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». Ainsi, à certaines conditions préalablement constatées (personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage servant de base à la répression), la faute d'imprudence susceptible d'engager la responsabilité pénale de son auteur doit revêtir un degré de culpabilité plus exigeant, consistant soit dans la violation manifestement délibérée d'une loi ou d'un règlement imposant une obligation particulière de prudence ou l'adoption de mesures de sécurité déterminées, soit dans une faute caractérisée par l'exposition d'autrui à un risque d'une gravité particulière qu'il est impossible d'ignorer. Ainsi, après avoir, dès 1996, tenté de rehausser le degré commun de la faute d'imprudence, le législateur récidivait en plaçant un cran plus haut le degré attendu de certaines fautes d'imprudence commises par certaines personnes. Le législateur n'hésita d'ailleurs pas cette fois à généraliser d'emblée cette solution à tous les délits d'homicide ou de blessures involontaires contemplés par les dispositions spéciales, incluses ou non dans le code pénal. Toutes renvoient expressément sur ce point aux « conditions » et aux « distinctions prévues à l'article 121-3 », ce qui englobe à n'en pas douter tant l'alinéa 3 que le nouvel alinéa 4 du texte référencié.
95. Il apparaît ainsi que la qualification de faute pénale d'imprudence est susceptible d'évoluer entre deux extrêmes. Au plus bas, l'on trouve la faute ordinaire. Elle concerne toutes les personnes morales, dont la responsabilité pénale est appréhendée à travers l'action de leurs représentants, ainsi que les seules personnes physiques qui ont causé directement un homicide ou des blessures involontaires. À l'encontre de toutes ces personnes, le droit pénal actuel se satisfait de la preuve d'un manquement à une diligence normale circonstanciée. Au plus haut, l'on trouve la faute renforcée, qui ne concerne que les seules personnes physiques dont le lien avec le dommage n'est qu'indirect. Contre celles-ci, il est devenu nécessaire d'établir soit une faute « délibérée », soit une faute « caractérisée ».
10Abstraction faite de leurs champs d'application différenciés, ce minimum et ce maximum méritent d'être envisagés comme tels. Les juges répressifs y trouveront matière à dicter des sentences mieux motivées dans les divers cas où ils sont appelés à statuer. La doctrine juridique devrait pour sa part en profiter pour perfectionner la gradation théorique des fautes pénales telle qu'elle s'évince de notre droit positif.
I - Le plancher
116. Entré en vigueur le 1er mars 1994, le nouveau code pénal n'a d'abord fait que maintenir, pour les délits d'homicide et de blessures involontaires, la définition de l'élément moral déjà consacrée par le code antérieur. Les articles 221-6 et 222-19 du nouveau code pénal continuèrent de fustiger la « maladresse, [l']imprudence, [l']inattention, [la] négligence ou [le] manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements » déjà envisagés par les articles 319 et 320 de l'ancien code. Or, sur cette base et avec l'approbation de la chambre criminelle de la Cour de cassation, les juridictions correctionnelles se sont toujours montrées peu enclines à la relaxe des prévenus des chefs d'homicide ou de blessures involontaires. Il était admis en particulier, d'une part, que la faute reprochée n'avait nul besoin d'être lourde [4] et, d'autre part, que le seul fait de manquer à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement était en principe suffisant pour retenir la faute pénale d'imprudence [5]. Certes - qui peut le plus, peut le moins - rien n'interdisait aux juges de relever des fautes d'une particulière gravité [6] ou, à tout le moins, de procéder à une meilleure caractérisation des manquements reprochés [7]. Mais la Cour de cassation, se réfugiant derrière l'appréciation souveraine des juges du fond, n'exigeait d'eux aucune argumentation particulière en ce sens [8]. Témoin privilégié de cette attitude, la haute juridiction n'a pas hésité, au moins une fois, à approuver la condamnation d'un entrepreneur de construction qui, aux termes du cahier des charges, avait contracté l'obligation d'assurer la sécurité d'un chantier, dès lors qu'il était constaté « sans aucune justification de force majeure » que cette obligation n'avait pas été remplie [9]. L'on est ici pratiquement renvoyé au régime beaucoup plus strict de la simple faute contraventionnelle.
12Les seuls cas où la jurisprudence se montrait davantage tatillonne concernaient l'hypothèse inverse, où les juges du fond se bornaient à relever, pour prononcer la relaxe, que le prévenu avait agi conformément à la loi ou au règlement ou même que, du point de vue légal ou réglementaire, il était dans son droit d'agir comme il l'avait fait. La Cour régulatrice censurait alors de telles sentences au motif qu'elles auraient dû rechercher si, compte tenu des circonstances, l'on ne pouvait reprocher au prévenu un manquement à la prudence commune [10]. Le respect des règles n'élimine pas pour autant le devoir d'être prudent [11], pas plus que le fait d'être « dans son droit » n'exonère de l'obligation générale de prudence et de diligence qui pèse sur chacun [12]. Toutes ces solutions s'appliquaient aussi bien en matière d'accidents de la circulation, où le poids du code de la route s'avère traditionnellement très contraignant, que dans d'autres domaines évidemment plus diversifiés. Elles ont été par exemple retenues pour un maire [13], pour le directeur technique d'une entreprise [14], voire pour un président-directeur général [15].
137. L'interprétation prétorienne de la faute pénale des articles 319 et 320 de l'ancien code rejoignait ainsi sans hiatus celle que la jurisprudence civile a toujours retenue pour l'application de l'article 1383 du code civil. La « négligence » ou l'« imprudence » dont il est question dans cet article concerne aussi bien des manquements à « une obligation légale, réglementaire ou conventionnelle », voire professionnelle [16], que la transgression de « l'obligation générale de prudence et de diligence » qui pèse sur chacun [17]. Nul ne s'en étonnera : les notions employées çà et là par la loi ne sont-elles pas exactement les mêmes ?
14C'est justement ce constat d'une superposition totale des notions de faute pénale et civile qui conduisit la jurisprudence à consacrer, à partir du célèbre arrêt Brochet et Deschamps du 18 décembre 1912 [18], le principe de l'unité des fautes pénales et civiles d'imprudence. La règle, qui vaut tout aussi bien pour les juges civils que pour les juges répressifs en cas d'action civile en réparation portée devant eux, est surtout connue pour sa principale conséquence : la condamnation pénale pour faute d'imprudence doit également entraîner condamnation civile à réparer le dommage ; réciproquement, une relaxe pour absence de faute pénale se soldera nécessairement, en l'absence de faute civile, par le rejet d'une demande de réparation fondée sur les articles 1382 et 1383 du code civil [19]. Mais elle n'a pu être ainsi énoncée que parce qu'aux yeux de la Cour de cassation, chambre criminelle [20] comme chambre civile [21], la faute pénale d'imprudence « se confond » ou « comprend tous les éléments » de la faute civile.
158. C'est sur cet état du droit que la loi du 13 mai 1996 a entendu revenir. Ses travaux préparatoires, tout autant que son libellé, ne laissent aucun doute à ce sujet. Députés et sénateurs s'inquiétaient de la trop grande facilité avec laquelle les juges correctionnels risquaient de rendre les élus locaux, qu'ils étaient souvent eux-mêmes, pénalement responsables des homicides ou des blessures involontaires dus aux défauts de sécurité d'ouvrages ou d'activités publiques juridiquement placés sous leur contrôle [22]. Aussi s'efforcèrent-ils de mieux préciser les conditions susceptibles de constituer les délits en cause. Exiger d'établir que « l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait », vise aussi à conférer, dans le sillage de certaines propositions doctrinales [23], une plus grande densité psychologique à la faute pénale d'imprudence. Mais dans quelle mesure ?
16Un point paraît d'ores et déjà certain. Nonobstant l'opinion de divers auteurs [24] et même de certains juges [25], avant comme après l'entrée en vigueur de la loi du 13 mai 1996 la faute pénale d'imprudence continue de s'apprécier in abstracto [26]. La lettre même du nouvel alinéa 3 de l'article 121-3 l'impose : il s'agit de tester les « diligences normales » du prévenu, c'est-à-dire ce qu'il était capable de prévoir et d'éviter compte tenu des circonstances auxquelles il s'est trouvé confronté. Le fait que le législateur ait cru bon de préciser que le juge devait aussi tenir compte de la nature des missions ou des fonctions du prévenu, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ne fait pas pour autant pénétrer dans la sphère propre à une appréciation in concreto. Celle-ci suppose en effet de dépasser résolument le stade des interrogations sur ce que l'agent pouvait ou devait prévoir et faire, pour scruter sa conscience et rechercher ce qu'il savait et voulait réellement ou, à tout le moins, ce dont il avait effectivement conscience [27]. Tel n'est assurément pas le cas ici, où le législateur enjoint simplement aux juges de statuer par comparaison avec une personne dotée de compétences ou de missions analogues à celles du prévenu. Nous demeurons dans l'univers typique d'une appréciation in abstracto [28] qui tient traditionnellement compte des circonstances de temps, de lieux et de personnes, car il serait contraire à toute justice de juger du comportement attendu d'un simple quidam à l'aune de celui qu'on est en droit d'espérer d'une personne dotée de charges ou de pouvoirs plus relevés, et inversement. Le juge qui manie ce type d'appréciation se demandera en définitive si lui-même, à la place de la personne qu'il juge, aurait été capable de prévoir ou d'éviter l'homicide ou les blessures dont un tiers a été la victime.
179. S'ensuit-il pour autant, comme on a pu aussi le soutenir [29], que la nouvelle rédaction de l'article 121-3, alinéa 3, du code pénal soit dénuée de toute incidence sur la manière d'apprécier l'élément moral des délits d'homicide ou de blessures involontaires ? La question appelle, semble-t-il, une réponse nuancée. Lorsqu'on ne peut reprocher à l'auteur aucun manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, la recherche de ses éventuelles imprudences ou négligences passe nécessairement par l'examen de sa capacité de prévoir ou d'éviter l'événement dommageable, compte tenu des circonstances dans lesquelles il se trouve placé. La jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 13 mai 1996 procédait déjà ainsi [30] et elle a continué de le faire après en s'appuyant simplement sur des dispositions qui, pour être nouvelles, n'ont fait à cet égard que la confirmer dans sa démarche [31]. Aujourd'hui comme hier, un médecin doit savoir réagir dans les meilleurs délais à la nécessité d'un traitement urgent [32], un gynécologue prendre les mesures requises pour éviter un risque dont il a tout lieu de craindre la survenance compte tenu de l'état alarmant de l'accouchée [33] et un pédiatre mettre en place une surveillance adaptée pour éviter le risque majeur, compte tenu de l'accouchement difficile d'un nouveau-né, d'extension rapide d'un hématome superficiel et des complications hémorragiques qui peuvent en résulter [34]. Comme autrefois d'un maire [35], l'on attend d'une société concessionnaire de l'exploitation du domaine skiable d'une station de sports d'hiver qu'elle soit capable de parer aux conséquences néfastes d'avalanches « prévisibles en l'état des données météorologiques » [36]. Ni les uns ni les autres ne sauraient se retrancher derrière le caractère pour eux inopiné de l'événement dommageable, dès lors que, de par leurs missions et leurs compétences, ils auraient dû le prévoir [37]. En revanche, l'on n'en voudra pas à une simple institutrice de ne pas s'être comportée comme un officier d'état-major [38] ou à une directrice d'école de n'avoir pas interdit un jeu dont rien ne laissait soupçonner le caractère dangereux [39].
18Lorsqu'est au contraire en cause la violation d'une prescription de sécurité ou de prudence d'origine légale ou réglementaire, le libellé actuel de l'article 121-3, alinéa 3, du code pénal paraît condamner toute la tradition prétorienne antérieure qui se contentait du constat d'une telle violation pour admettre la condamnation du prévenu d'homicide ou de blessures involontaires. Dans cette perspective, le seul fait de la transgression ne devrait plus suffire à constituer la faute d'imprudence ; encore faudrait-il systématiquement vérifier si l'agent, en agissant ainsi, pouvait se rendre compte des conséquences dommageables que son attitude risquait d'entraîner et pouvait être à même de les éviter. Déjà envisagée de longue date [40], prônée par divers auteurs contemporains [41] et même par certains juges [42], cette exigence d'une motivation renforcée n'a pas trouvé pour l'instant d'écho auprès de la Cour de cassation [43]. Mieux, dans une affaire où un conducteur avait perdu la maîtrise de son véhicule en raison de l'humidité qui imprégnait la chaussée, alors que le pourvoi faisait expressément grief aux juges du fond, d'une part, de s'être borné à relever un manquement au devoir de maîtrise de son véhicule qui pèse sur tout conducteur et, d'autre part, de n'avoir pas recherché si « l'auteur des faits [n'avait] pas accompli de diligence normale », elle n'a pas hésité à répondre que « tout manquement par le conducteur d'un véhicule à ses obligations de prudence et de diligence est nécessairement incompatible avec les diligences normales que lui impose le code de la route et caractérise, à sa charge, la faute définie par l'article 121-3, alinéa 3, du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1996 » [44]. Cette position pour le moins réservée mérite pensons-nous l'approbation. Lorsque, en raison de ses charges et de ses fonctions ou même tout simplement de ses activités (la conduite d'un véhicule ici), une personne se voit soumise à une réglementation particulière, la seule violation de ces prescriptions révèle le manque de diligence raisonnablement attendue d'elle [45]. « Est nécessairement plus grave la violation de l'obligation de vigilance qui s'impose à un professionnel déterminé, que la violation de l'obligation générale de prudence qui s'impose à tout père de famille », a-t-on justement pu relever en ce sens [46]. Seules des hypothèses où la prescription enfreinte s'avèrerait particulièrement secondaire ou anodine, autoriseraient peut-être un examen plus approfondi de la diligence du prévenu. Mais ces hypothèses ne se sont pas encore présentées et, de toute façon, elles n'auront probablement jamais qu'un caractère résiduel.
1910. Encore convient-il que nos juridictions répressives aient intellectuellement les coudées-franches pour se montrer plus exigeantes. Or, tout en les incitant à une telle liberté, le législateur de 1994 n'a pas songé à en éliminer le principal empêchement : le principe de l'unité des fautes pénales et civiles dont, nous le savons, toute la cohérence repose sur l'identité parfaite des diverses fautes d'imprudence. Comment le juge des délits pénaux pourrait-il écarter l'existence d'une faute d'imprudence s'il sait que, sur le plan civil, le même comportement qu'il est appelé à juger serait qualifié de fautif ? En régime d'unité des fautes, la relaxe au pénal devrait pouvoir toujours s'accompagner d'un refus de réparation, tant devant le juge civil que devant le juge correctionnel si l'action civile s'est déroulée devant lui. De fait, ce n'est qu'avec sa loi n° 2000-647 du 12 juillet 2000 que le législateur a cherché à remédier à cette difficulté en prévoyant, à l'adresse du premier, que « l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1383 du code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie » (C. pr. pén., art. 4-1) et, à l'adresse du second, que « le tribunal saisi [...] de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent [...] pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite » (C. pr. pén., art. 470-1). Notre jurisprudence y a vu sans difficulté l'arrêt de mort du principe d'unité [47].
20Désormais libres d'apprécier comme elles l'entendent la faute pénale d'imprudence, les juridictions correctionnelles peuvent, si bon leur semble, renouer avec la jurisprudence antérieure à l'arrêt Brochet et Deschamps qui, au moins dans un arrêt de 1889, avait admis qu'« il appartient au juge [pénal] de décider, d'après les circonstances de fait et la gravité de l'imprudence alléguée, si cette imprudence constitue un délit punissable d'une peine correctionnelle ou une simple faute ne donnant lieu qu'à une action civile en dommages-intérêts » [48]. Ils peuvent encore, comme le leur suggèrent les dispositions spéciales sur les homicides ou blessures involontaires commis par des élus locaux ou autres fonctionnaires et assimilés, faire usage d'une clémence ad hominem en tenant compte des « difficultés propres aux missions que la loi [leur] confère » [49]. Certains auteurs souhaitent même les voir passer franchement à une appréciation in concreto, où ce qui compte est la conscience effective, chez l'agent, du dommage qu'il cause ou du moins qu'il risque de causer [50]. Mais il est douteux qu'ils se laissent trop tenter par l'aventure. L'imprudence, en droit pénal, a son statut propre, qu'il est sans doute bon de sauvegarder [51]. Une appréciation in concreto des fautes pénales d'imprudence serait de plus un non-sens, qu'il convient à tout prix d'éviter. Enfin, la loi du 12 juillet 2000 n'a-t-elle pas ouvrée à contre-emploi en réservant les fautes plus graves aux seuls auteurs indirects du dommage causé à autrui dans son corps ou dans sa vie ?
II - Le plafond
2111. Destinée à soulager la responsabilité pénale de certaines personnes, notamment les décideurs publics, des chefs de blessures et d'homicides involontaires, la loi du 10 juillet 2000 est venue ajouter à l'article 121-3 du code pénal un alinéa 4 aux termes duquel « dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». Ces dispositions, plus favorables à la personne poursuivie, ont été interprétées comme telles par la Cour de cassation, qui leur a appliqué le régime de la rétroactivité in mitius. Des condamnations prononcées par application du droit antérieur ont ainsi pu être annulées pour qu'il soit procédé à un nouvel examen de l'affaire, soit parce que les protagonistes n'avaient pu être que la cause indirecte du dommage, soit parce que la gravité des fautes qui leur étaient reprochées n'avait pas été suffisamment établie par les juges du fond [52].
22La notion de causalité indirecte n'est pas définie par la loi, conduisant ainsi le juge pénal à explorer une distinction entre auteur direct et auteur indirect d'un homicide ou de coups et blessures, ce à quoi la chambre criminelle de la Cour de cassation s'était toujours opposée sous l'empire des textes antérieurs [53]. Cette discrétion contraste avec le soin que le législateur a mis à définir la faute aggravée susceptible d'engager la responsabilité pénale de l'auteur indirect du dommage. En fait, ce n'est pas une mais deux fautes aggravées qui viennent chacune se superposer à un aspect distinct de la faute d'imprudence de base telle que définie à l'alinéa 3. Pour le « manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement », la faute aggravée consiste en une violation « manifestement délibérée » de ce genre d'obligation ; pour la « faute d'imprudence [ou] de négligence », la faute aggravée se caractérise par le fait d'exposer autrui « à un risque d'une particulière gravité que [l'agent] ne pouvait ignorer ». Se trouve ainsi scindé par l'alinéa 4 ce que l'alinéa 3 tâche tant bien que mal de préserver uni.
2312. La première de ces qualifications concerne celui qui, sachant pertinemment qu'il désobéit à la loi ou au règlement, prend ainsi le risque - qui, de fait, s'est bel et bien réalisé - de causer un dommage à autrui. Une violation par simple maladresse ou inattention ne suffit donc pas ; il faut une transgression consciente. Un tel comportement s'apprécie toujours in concreto : il doit être établi que l'auteur savait effectivement qu'il enfreignait des règles précises que lui imposaient la loi ou le règlement. Même si elle est encore peu abondante, la jurisprudence s'est d'ores et déjà fixée en ce sens. Un arrêt a ainsi relaxé un prévenu parce qu'il « ignorait effectivement » les mesures qui auraient dû être prises [54] ; à l'inverse, diverses personnes ont été condamnées car les faits démontraient qu'elles avaient volontairement décidé d'enfreindre telle ou telle règle de sécurité [55] ou encore parce que leur attention avait été attirée à de multiples reprises sur l'absence de telles mesures [56]. Çà et là, c'est toujours la conscience effective de la transgression qui est recherchée. Cette conscience doit être « manifeste », est-il précisé. Il faut, en d'autres termes qu'elle résulte à l'évidence des faits de l'espèce [57]. État psychologique, la conscience de l'agent doit être suffisamment claire : le doute sur ce point profite à l'accusé. Il va cependant de soi que, plus la norme transgressée est fondamentale pour la sécurité des personnes, plus le caractère délibéré de cette transgression sera facilement admis [58].
24Ces solutions méritent d'être rapprochées de celles que retient l'article 223-1 du code pénal au sujet du délit de mise en danger de la personne d'autrui. Certes, il ne s'agit alors que d'une infraction-obstacle, qui ne trouve à s'appliquer que si, par chance, aucun dommage n'est résulté pour autrui du comportement de l'auteur. Mais l'on retrouve ici le même élément moral tiré de la « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité ». Dans les deux cas il s'agit de sanctionner celui ou celle qui, faisant fi des risques de mort ou de blessures qu'il est susceptible de faire courir à autrui, accepte consciemment de transgresser une règle de prudence ou de sécurité. Ici encore cette attitude s'apprécie in concreto. La Cour de cassation a pu ainsi censurer des juges du fond pour avoir condamné un chasseur qui avait tiré un coup de fusil à 143 mètres d'une maison alors qu'un arrêté préfectoral interdisait l'usage d'armes à feu à moins de 150 mètres des habitations : rien n'établissant que le prévenu avait effectivement conscience de la distance où il se trouvait par rapport aux maisons, son comportement relevait tout au plus de la simple négligence [59]. Avec les mêmes critères, la haute juridiction a pu cette fois approuver d'autres juges qui, pour déclarer pénalement responsables des skieurs ayant causé une avalanche, ont notamment constaté que lesdits skieurs avaient pratiqué le surf sur une piste interdite par un arrêté municipal, que l'un deux avait récidivé deux jours plus tard, et que les prévenus, qui étaient des pratiquants expérimentés, s'étaient engagés sur une piste barrée par une corde et signalée par des anneaux d'interdiction réglementaires, en dépit d'une mise en garde du conducteur du télésiège [60]. La seule transgression consciente d'une règle de prudence ou de sécurité suffit. Nul besoin que cette transgression soit intentionnelle [61]. Nul besoin non plus que le prévenu soit en outre conscient des risques que sa transgression fait courir à autrui [62], même s'il est vrai que la conscience d'un tel risque est implicitement comprise dans le fait de la transgression [63].
2513. La seconde qualification concerne l'individu qui, par son comportement, a exposé autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer. Une telle faute doit être « caractérisée », nous dit-on. Entendons par là non seulement l'obligation, pour le juge, de relever avec soin les éléments qui la caractérisent, mais encore la nécessaire gravité du comportement adopté par l'individu fautif. En l'occurrence, cette gravité résulte du fait que l'agent « ne pouvait ignorer » l'importance du risque qu'il faisait courir à autrui, risque qui, une fois de plus, s'est finalement réalisé. Nous sommes ici pleinement sur le terrain d'une appréciation in abstracto. De l'examen des faits, il doit ressortir que l'agent aurait dû savoir, compte tenu de ses compétences réelles ou supposées, compte tenu aussi de la dangerosité particulière de son action, qu'en agissant comme il l'a fait il risquait de causer des blessures ou d'enlever une vie. La persistance dans son action démontre alors une grave incurie qui mérite d'être sanctionnée pénalement. Faute « lourde », « grossière et inacceptable », relève-t-on en doctrine [64] pour fustiger ce comportement. L'agent n'a sans doute pas pris délibérément le risque de causer le dommage, mais son manque total de clairvoyance compte tenu des circonstances de temps, de lieux et de personnes l'accuse tout autant ; nul besoin de creuser davantage.
26Ainsi conçue, cette faute suppose chez qui l'a commise un comportement d'une gravité supérieure à celui requis pour la faute d'imprudence simple qui sert de plancher à la répression. L'une et l'autre sont certes de même nature [65]. Ce sont des fautes d'imprudence qui, comme telles, s'apprécient in abstracto, par rapport au comportement qu'auraient pu ou dû avoir une personne normalement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances. Mais, si les mots ont un sens, de l'une à l'autre devrait exister une différence de degré. La faute caractérisée est a priori plus lourde que la faute simple en ce que le risque de survenance du dommage est ici particulièrement prévisible, au point que, selon les termes mêmes de la loi, le prévenu « ne peut l'ignorer ». De la prévisibilité ordinaire (ce que l'on peut prévoir) à la prévisibilité particulière (ce que l'on ne peut pas ne pas prévoir), la distance s'avère néanmoins des plus ténues et l'on conçoit fort bien que, d'une juridiction correctionnelle à l'autre, la ligne de partage entre les deux sortes de fautes tende naturellement à s'estomper. La doctrine en a conscience, qui tantôt relève « l'irrésistible ascension de la faute caractérisée » [66], tantôt dénonce la « grande illusion » [67] que représente en définitive la dépénalisation partielle des infractions d'homicide ou de blessures par imprudence opérée par la loi du 10 juillet 2000. Ce flou est d'autant plus prégnant que la Cour de cassation l'encourage. Si elle paraît bien admettre que la faute caractérisée est plus que la faute simple [68], elle s'exempte de tout contrôle en la matière par l'abandon de la question aux lumières des juges du fond [69]. Seules sont censurées les motivations insuffisantes ou contradictoires [70].
2714. De fait, à l'abri de cette relative impunité, nombre d'arrêts d'appel ou de jugements franchissent sans difficulté l'écueil de la censure de la haute juridiction, alors que l'on ne sait pas très bien en quoi les fautes qu'ils retiennent sont d'une intensité particulière [71]. La Cour de cassation a d'ailleurs prêté la main à ce mouvement en requalifiant motu propio en fautes caractérisées des comportements où les juges du fond n'avaient vu au départ que des fautes simples [72]. La plupart des arrêts rendus par notre cour régulatrice savent toutefois se montrer plus sourcilleux. Par divers biais, ils s'efforcent de montrer en quoi l'agent « ne pouvait ignorer » le risque d'une particulière gravité auquel, tantôt par son activité, tantôt par sa passivité, il exposait autrui. Cette impossible ignorance tient à la combinaison entre, d'une part, les compétences attendues de l'agent compte tenu de ses qualités ou de ses fonctions [73] et, d'autre part, les circonstances connues de lui [74] qui auraient dû [75] l'alerter sur les risques qu'il faisait courir à autrui. C'est ce cumul de compétences réelles ou supposées et d'informations effectives [76] qui justifie en dernière analyse, explicitement ou implicitement [77], la condamnation du prévenu pour faute caractérisée. Les rares décisions de relaxe insistent au contraire sur le fait que le prévenu ignorait tout du danger couru par la victime et ne pouvait par conséquent pas y remédier, même en agissant au mieux de ses compétences [78].
28L'on n'adhèrera donc pas à la thèse [79] selon laquelle, sous couvert de faute caractérisée, la jurisprudence chercherait en réalité à sanctionner des manquements délibérés à une obligation générale de prudence et de diligence, afin de compléter la lacune laissée par un dispositif légal se bornant à réprimer la violation délibérée d'une obligation particulière de sécurité et de prudence imposée par la loi ou le règlement. Nulle trace, ici, d'une appréciation in concreto de la conscience qu'avait l'agent du dommage qu'il risquait de causer et de sa volonté conséquente de passer outre ; ce que nos arrêts tentent plutôt de cerner, c'est l'inconscience de celui qui, sachant tout ce qu'il sait ou devrait savoir, n'a cependant pas réagi de façon à parer à un risque grave pour autrui. Nous demeurons bien ici sur le terrain d'une appréciation in abstracto. Simplement, comme il s'agit de faute caractérisée, les juges se doivent de relever toutes ces informations en possession de l'agent qui rendent ses carences d'autant plus injustifiables. Un meilleur contrôle de leur motivation passe, nous semble-t-il, par ce genre de vérification.
2915. Voilà donc deux fautes qui ne sont pas de même nature. L'une - la violation délibérée - suppose une conscience avérée de la transgression d'une règle de conduite ; l'autre - la faute caractérisée - s'évince d'une grave négligence face à des risques dont on aurait dû avoir conscience. La première dénote une certaine méchanceté, alors que la seconde relève encore de la simple ignorance. D'un point de vue moral, ces deux fautes n'ont pas la même gravité : de droit naturel, la méchanceté est toujours plus condamnable que la bêtise. Pourquoi, dans ces conditions, le législateur accepte-t-il ici de les traiter de la même manière ? Il est tentant, ici, d'acclimater au droit pénal l'adage civiliste culpa lata dolo aequiparatur [80]. Pour les besoins de la répression de comportements qui font bon marché de la sécurité d'autrui, n'est-il pas expédient d'assimiler l'ignorance crasse à la méchanceté et d'empêcher ainsi le prévenu de se réfugier derrière le « masque facile de la bêtise [81] » ?
30La lettre de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal invite cependant à une autre interprétation. En cas de causalité indirecte, la loi ne cherche à réprimer que les comportements à haut risque pour la sécurité d'autrui. La simple négligence ne suffit pas ; il faut une carence impardonnable. Mais selon le type d'obligation qui pèse sur l'agent, cette carence est susceptible de revêtir deux formes complémentaires. Quand il s'agit d'une obligation spécifique liée aux dangers suscités par une activité déterminée, la gravité de la faute requiert une transgression délibérée. Seule cette délibération permet d'établir, chez son auteur, la prise en considération au moins implicite des risques encourus par autrui. Quand il s'agit en revanche d'une obligation générale de prudence et de diligence, la gravité de la faute ne peut tenir qu'au caractère particulièrement prévisible pour l'agent, compte tenu des circonstances dans lesquelles il se trouve placé, des risques de dommage auxquels autrui se trouve exposé. Une imprudence, en effet, n'est comme telle jamais consciente [82] ; sa gravité ne peut s'apprécier que par rapport au danger effectif qu'elle est susceptible de faire courir à autrui. L'alinéa 4 de l'article 121-3 du code pénal n'établit aucune assimilation entre des fautes plus ou moins graves. Les deux fautes qu'il retient sont au contraire étroitement complémentaires [83]. Chacune à sa façon, elles contribuent ainsi à mieux définir la figure de ce que d'aucuns nomment, sans crainte du paradoxe, des « imprudences délibérées » [84]. Si un rapprochement avec les droits civils mérite d'être réalisé, c'est du côté de la catégorie des fautes inexcusables qu'il convient de se tourner. La faute inexcusable ne se caractérise-t-elle pas elle aussi, selon une définition récente empruntée au droit des transports, comme une « faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable » [85] ?
Notes
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[1]
L'auteur tient à remercier sa collègue Eudoxie Gallardo, maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille, pour sa collaboration dans la collecte des sources et la rédaction de cet article.
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[2]
Signalons aussi le délit de destruction, dégradation ou détérioration involontaire d'un bien par l'effet d'une explosion ou d'un incendie (art. 322-5), lequel visait simplement le « manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ». La rédaction de cette disposition est demeurée la même par la suite.
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[3]
Auparavant, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà montré sa volonté de ne pas limiter aux seuls élus et fonctionnaires désignés par la loi l'application de la nouvelle rédaction de l'art. 121-3, al. 3. Des arrêts ont été ainsi rendus aux visas combinés des art. 121-3 et 221-6 C. pén. (Crim. 19 févr. 1997, Bull. crim. n° 67 ; Crim. 17 juin 1997, Bull. crim. n° 237) et des art. 121-3 et 222-19 C. pén. (Crim. 14 oct. 1997, Bull. crim. n° 334).
-
[4]
Cf. Crim. 23 avr. 1955, D. 1955. 524 : « le délit d'homicide involontaire [...] est constitué dès lors que cet homicide est le résultat d'une faute, même légère » ; Crim. 28 oct. 1971, Bull. crim. n° 287, qui déclare « erroné en droit mais surabondant » le motif d'une cour d'appel selon lequel une faute lourde professionnelle est nécessaire pour caractériser le délit prévu par l'art. 319 C. pén.
-
[5]
V., spécialement net sur ce point : Crim. 11 avr. 1970, Bull. crim. n° 117, qui admet que les juges du fond ont à juste titre prononcé la relaxe du prévenu dès lors qu'ils n'avaient relevé à l'encontre de ce dernier ni imprudence, ni inobservation des règlements. V. aussi : Crim. 8 juill. 1958, Bull. crim. n° 527 et Crim. 25 févr. 1960, Bull. crim. n° 119, qui censurent sur cette seule base, pour s'être contredites, des cours d'appel qui n'avaient pas retenu la faute de piétons ayant traversé une chaussée sans emprunter le passage protégé. Peu importe que la loi ou le règlement aient été abrogés depuis les faits reprochés (Crim. 28 juin 1995, Bull. crim. n° 242) ou que leur violation ne constitue en elle-même qu'une contravention déjà prescrite (Crim. 22 févr. 1951, Bull. crim. n° 61 ; Crim. 3 févr. 1953, Bull. crim. n° 31). L'interprétation préalable du règlement peut être nécessaire pour connaître sa portée : Crim. 16 nov. 1944, Bull. crim. n° 177 ; Crim. 23 nov. 1944, Bull. crim. n° 186.
-
[6]
Cf. Crim. 23 oct. 1931, Bull. crim. n° 210 : « faute d'une exceptionnelle gravité » ; Crim. 24 janv. 1956, Bull. crim. n° 92 : méconnaissance « grave » des règles du sport ; Crim. 19 mars 1956, Bull. crim. n° 272 : « grosse imprudence ».
-
[7]
Ex. : Crim. 30 avr. 1931, Bull. crim. n° 119 ; Crim. 12 déc. 1952, Bull. crim. n° 306.
-
[8]
Ex. : Crim. 15 mars 1914, Bull. crim. n° 151 (à propos du fait de faire circuler un taureau sans prendre les mesures de protection prescrites par un arrêté municipal) ; Crim. 31 janv. 1956, Bull. crim. n° 110, D. 1956. 251 (à propos du fait, pour un médecin, de renouveler l'injection d'un sérum antitétanique malgré les symptômes réactionnels du patient suite à la première injection). De façon générale, la Cour de cassation, tout en laissant les juges du fond libres d'apprécier les faits d'imprudence ou de négligence reprochés aux prévenus, vérifie que leur motivation n'est pas contradictoire (Crim. 20 mars 1956, Bull. crim. n° 285) ou qu'elle n'est pas insuffisante (Crim. 15 juin 1960, Bull. crim. n° 325).
-
[9]
Crim. 29 oct. 1969, Bull. crim. n° 269.
-
[10]
Cf. Crim. 15 juin 1960, préc. : cassation pour motivation insuffisante.
-
[11]
Crim. 29 oct. 1968, Bull. crim. n° 274 ; Crim. 17 juill. 1973, Bull. crim. n° 332 (cassation) ; Crim. 4 juin 1973, Bull. crim. n° 252 (rejet) ; Crim. 31 mars 1976, Bull. crim. n° 191. Un arrêt particulièrement solennel a rappelé ce principe à propos de la responsabilité pénale d'un chirurgien suite au décès d'un patient : Ass. plén., 30 mai 1986, Bull. crim. n° 184.
-
[12]
Cf. Crim. 17 nov. 1933, Bull. crim. n° 210 (train prioritaire au passage à niveau) ; Crim. 24 mai 1960, Bull. crim. n° 280 (« le droit de priorité n'est absolu qu'autant que celui qui s'en prévaut a respecté ses obligations réglementaires ») ; Crim. 1er mars 1961, Bull. crim. n° 129 (priorité à un carrefour) ; Crim. 2 mars 1961, Bull. crim. n° 136 (idem). Pendant une courte période, cependant, la chambre criminelle de la Cour de cassation a paru considérer que l'exercice d'un droit de priorité conférait bien une sorte d'immunité, tant pour le piéton qui traverse un passage protégé (Crim. 19 mai 1969, Bull. crim. n° 174 et 175) que pour l'automobiliste prioritaire à une intersection (Crim. 18 nov. 1969, Bull. crim. n° 301). Mais ces solutions n'ont plus jamais été rééditées par la suite.
-
[13]
Crim. 14 mars 1974, Bull. crim. n° 115.
-
[14]
Crim. 31 mars 1965, Bull. crim. n° 96. L'arrêt relève que la seule négligence établie suffit à engager la responsabilité pénale du directeur, « sans qu'il soit nécessaire de se référer en outre à la violation des règlements, autrement que pour caractériser la négligence [du directeur] par le fait qu'il connaissait leurs prescriptions en matière de sécurité ».
-
[15]
Crim. 9 mai 1957, Bull. crim. n° 396.
-
[16]
Civ. 27 févr. 1951, D. 1951. 329, note Ph. Dubois ; JCP 1951. II. 6193, note P. Mihura.
-
[17]
Civ. 2e, 14 juin 1972, D. 1973. 423, note E. Lepointe. V. aussi : Civ. 2e, 6 oct. 1960, D. 1960. 721.
-
[18]
Civ. 18 déc. 1912, S. 1914. 1. 249, note R.-L. Morel ; D. 1915. 1. 17, note L. S.
-
[19]
Req. 17 janv. et 13 nov. 1917, DP. 1922. 1. 52 ; Grenoble 15 juin 1993, D. 1994. 239, note M.-C. Lebreton ; Dr. soc. 1994. 789, note J. Savatier. V. déjà : Paris, 11 nov. 1910 et 31 oct. 1912, S. 1915. 2. 42.
-
[20]
Crim. 6 juill. 1934, DH 1934. 446.
-
[21]
Civ. 30 déc. 1929, DP 1930. 1. 41, 3e esp., note R. Savatier.
-
[22]
Cf. S. Jacopin, Mise au point sur la responsabilité pénale des élus et des agents publics : limitation ou élargissement des responsabilités ?, D. 2002. 507 ; Y. Monnet, Regards sur la nature de la faute civile et celle de la faute pénale dans les infractions non intentionnelles, Mélanges J. Buffet ; LPA 2004. 335 s. Des décisions alors récentes des juges du fond les avaient alertés : Grenoble 5 août 1992, JCP 1992. II. 21959, note P. Sarraz-Bournet (responsabilité pénale d'un maire d'une commune sur laquelle se trouvait une station de sports d'hiver, pour n'avoir pas pris les mesures visant à sécuriser les pistes de ski pour le cas d'avalanche).
-
[23]
Cf. A. Pirovano, Faute civile et faute pénale, Bibl. dr. privé, t. LXX, LGDJ, 1966, préf. P. Bonassies, n° 127 s.
-
[24]
V. J. Pradel, Droit pénal général, 21e éd., Cujas, 2016, n° 577 ; F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 16e éd., 2009, n° 484-1 ; Y. Mayaud, Droit pénal général, PUF, Droit fondamental, 5e éd., 2015, n° 244 ; A. d'Hauteville, Brèves remarques sur le nouveau principe de la dualité des fautes civile et pénale, Mélanges R. Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 145 s ; M. Bénillouche, La subjectivisation de l'élément moral de l'infraction : plaidoyer pour une nouvelle théorie de la culpabilité, RSC 2005. 529 s. Adde, déjà en ce sens : A. Pirovano, op. cit., n° 128 s.
-
[25]
Cf. TGI Lyon, 26 sept. 1996, D. 1997. 200, note H. Seillan ; RSC 1997. 833, obs. Y. Mayaud.
-
[26]
La majorité de la doctrine pénale est d'ailleurs en ce sens : M.-L. Rassat, Droit pénal général, Ellipses, 3e éd., 2014, n° 318 ; J.-H. Robert, Droit pénal général, PUF, Thémis, 5e éd., 2001, p. 326 s. ; Ph. Conte et P. Maistre du Chambon, Droit pénal général, Armand Colin, 7e éd., 2004, n° 385 s. ; E. Dreyer, Droit pénal général, Litec, 4e éd., 2016, n° 831 s. Adde : Ph. Salvage, l'imprudence en droit pénal, JCP 1996. I. 3984, n° 26.
-
[27]
Sur ces distinctions, décisives à notre sens, v. A. Sériaux, La faute du transporteur, Economica, 2e éd., 1998. Dans la foulée de la thèse de N. Dejean de la Bâtie (Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, Bibl. dr. privé, t. 57, LGDJ, 1965, préf. H. Mazeaud), certains auteurs considèrent que le critère d'une appréciation in concreto consiste dans le comportement habituellement adopté par le prévenu (cf. M.-L. Rassat, op. cit., loc. cit.). Sur la critique de cette conception, v. A. Sériaux, Droit des obligations, PUF, Droit fondamental, 2e éd., 1998, n° 67 ; Contrats civils, PUF, Droit fondamental, 2001, n° 98. Au mieux, l'habitude permet de présumer la conscience et la volonté. L'appréciation in concreto ne débute véritablement qu'avec « l'analyse psychologique des personnes mises en cause » (comp. J. Pradel, op. cit., loc. cit.). Notre conception de l'appréciation in concreto a été critiquée au motif qu'il ne s'agirait pas d'une appréciation, mais d'une simple constatation (V. Malabat, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit pénal, th. Bordeaux IV, 1999, n° 5). Il y a là un malentendu. Rechercher si quelqu'un a effectivement conscience de quelque chose suppose, à l'évidence, apprécier son état psychologique au moment de l'acte répréhensible. Mais que l'on sache, la preuve d'un état de conscience est rarement évidente. Tout autant que l'appréciation in abstracto, elle suppose un jugement, comme il en va chaque fois que la question de la culpabilité de l'accusé est posée aux juges ou aux jurés. Ce jugement porte bien sur les particularités de l'individu, mais sans que l'on cherche à le comparer à d'autres. C'est lui et lui seul qui est jugé. Dire que l'appréciation in concreto s'opère par « référence à un individu doté des mêmes caractéristiques que la personne dont on veut évaluer le comportement » (ibid.) ne nous fait pas en réalité sortir du terrain de l'appréciation in abstracto.
-
[28]
Certaines expressions doivent à cet égard être prises avec précautions. Enoncer, comme l'a fait une cour d'appel (Nîmes, 28 mai 1966, JCP 1967. II. 15311, note P. Chauveau), qu'« action ou omission, l'imprudence suppose la prévisibilité raisonnable, compte tenu du comportement usuel des hommes » est sans doute exact si l'on s'en tient au canon générique de l'appréciation in abstracto, mais devient faux si l'on s'interroge sur les critères spécifiques de ce type d'appréciation.
-
[29]
Cf. M.-L. Rassat, op. cit, loc. cit., pour qui la loi de 1996 n'a fait qu'introduire d'inutiles complications.
-
[30]
La Cour de cassation a, au moins une fois, rappelé aux juges du fond que pour apprécier la faute d'imprudence en dehors de la violation d'une loi ou d'un règlement, ils devaient s'attacher aux circonstances concrètes de l'accident : Crim. 15 juin 1960, préc. Dès lors qu'il existe, compte tenu des compétences normalement attendues de l'agent, des moyens concrets de prévoir ou d'éviter le dommage subi par les personnes, son imprudence ou sa négligence sont retenues. Ainsi :
- pour l'inspecteur d'une voie ferrée, qui n'a pas mis en place le dispositif nécessaire au franchissement d'un passage à niveau, alors qu'il était averti qu'un train spécial devait circuler et que « les pièces comptables qui passaient sous ses yeux lui révélaient que [le] gardiennage n'avait plus lieu au passage à niveau » (Crim. 30 avr. 1931, préc.) ;
- pour le directeur d'une usine de distribution d'eau, qui n'a fait aucune diligence pour éviter que les eaux polluées s'échappent par des fissures, alors que « des fissures s'étaient déjà produites trois ans auparavant et que de nouveaux indices du mauvais état de l'aqueduc [étaient] apparents » (Crim. 23 oct. 1931, préc.) ;
- pour le mécanicien dont le train a heurté un autocar à un passage à niveau, alors qu'il « a pu suivre du regard [à 300 m. de distance] la manœuvre du conducteur de l'autocar » et aurait eu le temps de s'arrêter (Crim. 17 nov. 1933, préc.) ;
- pour le propriétaire d'un chien, qui le laisse divaguer alors que l'animal avait l'habitude, en jouant, d'attaquer les passants (Crim. 3 juin 1957, Bull. crim. n° 466). Comp., pour l'absence d'imprudence d'un propriétaire de chevaux qui avaient causé un accident mortel en divagant sur une route : Crim. 1er oct. 1997 (Bull. crim. n° 316), arrêt rendu par application de l'ancien code pénal ;
- pour l'apiculteur qui lève les cadres de miel des ruches sans prendre les précautions nécessaires pour éviter les piqûres à son voisin (Crim. 7 mai 1957, Bull. crim. n° 384) ;
- pour un conducteur qui, pour remonter dans sa voiture, ouvre la portière alors qu'il voit qu'un autre véhicule arrive à sa hauteur (Crim. 22 déc. 1969, Bull. crim. n° 360) ;
- pour le gérant administrateur d'un immeuble, qui procède à la location sans faire remettre en état l'installation de chauffage, alors qu'il en connaît les défectuosités (Crim. 1er juill. 1976, Bull. crim. n° 240) ou aurait dû s'assurer de leur existence (Crim. 13 sept. 1988, Bull. crim. n° 321) ;
- pour le conducteur qui a une défaillance physique, alors que ce malaise était prévisible (Crim. 12 févr. 1976, Bull. crim. n° 57) ;
-
[31]
Cf. Crim. 20 nov. 1996, Bull. crim. n° 414 ; 12 déc. 2000, Bull. crim. n° 371, BICC 2001, n° 529, p. 3, concl. Commaret, rapp. Ferrari, RSC 2001. 157, obs. Y. Mayaud.
-
[32]
Crim. 26 mars 1997, Bull. crim. n° 123.
-
[33]
Crim. 29 juin 1999, Bull. crim. n° 161. Voir aussi, sous l'empire de l'ancien code pénal : Crim. 14 juin 1957, D. 1957. 512.
-
[34]
Crim. 13 nov. 2002, D. 2004. 1336, note Ph. Conte, RSC 2003. 331, obs. Y. Mayaud.
-
[35]
Grenoble, 5 août 1992, préc.
-
[36]
Crim. 29 juin 1999, Bull. crim. n° 161.
-
[37]
Cf. Crim. 29 juin 1999, Bull. crim. n° 162, à propos de la responsabilité d'un gynécologue.
-
[38]
Lyon, 28 juin 2001, Gaz. Pal. 2001. 2. 1140, note S. Petit.
-
[39]
Bastia, 30 juin 1999, Gaz. Pal. 2000. 1. 623.
-
[40]
Cf. A. Pirovano, op. cit., n° 150 s.
-
[41]
Cf. F. Desportes et F. Le Gunehec, op. cit., n° 490-1 ; J. Pradel et A. Varinard, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 6e éd., 2007, p. 553 ;
-
[42]
En ce sens : TGI Lyon, 26 sept. 1996, préc. ; T. corr. Toulouse, 19 févr. 1997, AJDA 1998. 72, note P. Brossard ; RSC 1997. 832, obs. Y. Mayaud ; ibid. 835, obs. Y. Mayaud ; Gaz. Pal. 1997. 1. 396, note R. Riera et en appel : Toulouse, 29 janv. 1998, D. 1999. 56, note J. Benoit.
-
[43]
Dans l'affaire jugée par le T. corr. de Toulouse le 19 févr. 1997 (préc.), puis par la cour d'appel de Toulouse le 29 janv. 1998 (préc.), la chambre criminelle s'est bornée à approuver les juges du fond d'avoir déduit du fait qu'un maire n'avait pas respecté et fait respecter la réglementation en vigueur, « qu'au regard de sa mission, de son expérience et des pouvoirs et moyens qu'il tenait de la réglementation, [ce] maire n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient et que son abstention fautive a contribué à la mort des nombreuses victimes » (Crim. 29 juin 1999, Bull. crim. n° 163). De même, dans une autre affaire, où un plaisancier avait été électrocuté par suite du contact d'une ligne électrique à haute tension avec un plan d'eau, la ligne se trouvant à une hauteur inférieure à celle prescrite par un arrêté interministériel du 26 mai 1978, le responsable local d'EDF fut, avec l'approbation de la Cour de cassation, sans doute condamné pour n'avoir pas procédé au rehaussement de la ligne conformément au règlement susvisé, mais au-delà du règlement violé, cette condamnation se recommandait surtout de l'imprudence du prévenu dont l'attention aurait dû être attirée par un accident antérieur (Crim. 3 déc. 1997, Bull. crim. n° 413).
-
[44]
Crim. 2 avr. 1997, n° 95-85.564, Bull. crim. n° 132 ; RSC 1997. 837, obs. Y. Mayaud.
-
[45]
Cf. pour une application de cette idée, sous l'empire du droit nouveau : Crim. 12 mars 1997, Bull. crim. n° 101 : faute d'un importateur pour n'avoir pas rempli correctement son obligation de contrôle de la sécurité des produits importés.
-
[46]
E. Dreyer, op. cit., n° 848.
-
[47]
Cf. Civ. 1re, 30 janv. 2001, Bull. civ. I, n° 19 ; D. 2002. 1320, et les obs., obs. Ph. Delebecque ; ibid. 2001. 2232, obs. P. Jourdain ; RSC 2001. 613, obs. A. Giudicelli ; RTD civ. 2001. 376, obs. P. Jourdain ; Civ. 2e, 16 sept. 2003, Bull. civ. II, n° 263 ; D. 2004. 721, note Ph. Bonfils ; ibid. 2003. 2862, obs. X. Prétot. Sur le travail antérieur de la jurisprudence, tendant déjà à réduire la portée du principe, voir : Y. Monnet, art. préc., p. 338.
-
[48]
Crim. 15 avr. 1889, S. 1891. 1. 292, D. 1891. 1. 727.
-
[49]
Parmi ces difficultés, un arrêt (Amiens, 9 mai 2000, Gaz. Pal. 2000. 2. 1413, note S. Petit) évoque le manque de moyens humains, matériels et financiers. Mais pour n'en tirer aucune conséquence.
-
[50]
Cf. A. d'Hauteville, art. préc., II, C. V. aussi Ph. Conte et P. Maistre du Cambon, op. cit., n° 385, qui l'envisagent simplement comme une possibilité.
-
[51]
Il s'agit, comme on l'a fort bien dit, de sanctionner « l'indiscipline dans des matières graves » (F. Desportes et F. Le Gunehec, op. cit., n° 489).
-
[52]
V. not. Crim. 5 sept. 2000, Bull. crim. n° 262 ; D. 2000. 256, et les obs. ; RSC 2001. 154, obs. B. Bouloc ; ibid. 156, obs. Y. Mayaud (médecin) ; JCP 2001. II. 10507, note J.-Y. Chevalier ; Crim. 12 déc. 2000, Bull. crim. n° 371 ; BICC 2001, n° 529, p. 3, concl. Commaret, et rapp. Ferrari ; RSC 2001. 157, obs. Y. Mayaud (directrice d'école et institutrice). Adde, sur renvoi : Lyon, 28 juin 2001, Gaz. Pal. 2001. 2. 1140, note S. Petit, RSC 2001. 804, obs. Y. Mayaud, confirmé par Crim. 18 juin 2002, Gaz. Pal. 2002. 2. 994, note S. Petit) ; Crim. 10 janv. 2001, Bull. crim. n° 3 ; Gaz. Pal. 2001. 2. 1198, note Y. Monnet ; RSC 2001. 572, obs. B. Bouloc (gynécologue) ; Crim. 20 mars 2001, Bull. crim. n° 75, deux arrêts (maire et directrice d'école) ; Crim. 22 mai 2001, n° 00-85.179, inédit (employeur et maître d'œuvre).
-
[53]
V. entre autres : Crim. 30 janv. 1913, Bull. crim. n° 53 ; Crim. 27 mai 1948, Bull. crim. n° 145 ; Crim. 17 déc. 1953, Bull. crim. n° 347 ; Crim. 3 nov. 1955, Bull. crim. n° 447 ; Crim. 9 mai 1956, Bull. crim. n° 355 ; Crim. 14 févr. 1996, Bull. crim. n° 78. Sur ce sujet, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juill. 2000, cf. en particulier : Ph. Conte, L'obscur article 121-3 du code pénal, D. 2014. 1137.
-
[54]
Douai, 26 mars 2002, JCP 2003. IV. 1041.
-
[55]
Crim. 12 sept. 2000, Bull. crim. n° 268 ; D. 2000. 282, et les obs. ; RDI 2001. 67, obs. M. Segonds ; Dr. soc. 2000. 1075, note P. Morvan ; RSC 2001. 154, obs. B. Bouloc ; ibid. 156, obs. Y. Mayaud ; ibid. 399, obs. A. Cerf-Hollender ; ibid. 824, obs. G. Giudicelli-Delage ; RTD com. 2001. 259, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 2001, comm. 3, obs. M. Véron ; Crim. 24 mai 2016, n° 14-88.401 (inédit). Dans le même sens : Rennes, 6 mars 2003, JurisData n° 2003-216059.
-
[56]
Crim. 12 juin 2007, Bull. crim. n° 156.
-
[57]
Cf. E. Dreyer, op. cit., n° 860.
-
[58]
V. Crim. 18 nov. 2008, Bull. crim. n° 232 : non-respect, par le propriétaire d'un aéronef, des dispositions d'arrêtés relatifs au maintien de l'aptitude en vol des aéronefs (tenue du livret-moteur et du livret de l'aéronef).
-
[59]
Crim. 16 oct. 2007, Bull. crim. n° 246 ; Dr. pénal 2008, n° 3 (2e esp.), obs. M. Véron.
-
[60]
Crim. 9 mars 1999, D. 2000. 81, note M.-C. Sordino et A. Ponseille ; ibid. 227, obs. J. Mouly ; RSC 1999. 581, obs. Y. Mayaud ; ibid. 808, obs. B. Bouloc ; JCP 1999. II. 10188, note J.-M. Do Carmo Silva.
-
[61]
Contra : TGI Saint-Etienne, 10 août 1994, Gaz. Pal. 1994. 2. 775, RSC 1995. 575, obs. Y. Mayaud.
-
[62]
Crim. 16 févr. 1999, D. 2000. 9, note A. Cerf. Adde : TGI Saint-Etienne, 10 août 1994, préc. ; Angers, 27 nov. 2001, JCP 2002. IV. 2843. Contra : Grenoble 19 févr. 1999, D. 1999. 480, note M. Redon ; JCP 1999. II. 10171, note P. Le Bas.
-
[63]
Cf. TGI Saint-Etienne, 10 août 1994, préc.
-
[64]
E. Dreyer, op. cit., n° 843.
-
[65]
A. Ponseille, La faute caractérisée en droit pénal, RSC 2003. 79 ; A. d'Hauteville, La gradation des fautes pénales en matière d'atteinte à la vie et à l'intégrité physique, in Réflexions sur le Nouveau code pénal, Pédone, 1995, p. 31.
-
[66]
P. Morvan, l'irrésistible ascension de la faute caractérisée : l'assaut avorté du législateur contre l'échelle de la culpabilité, in Mélanges Pradel, éd. Cujas, 2006, p. 461.
-
[67]
F. Alt-Maes, La grande illusion : la dépénalisation attachée à l'application de la loi du 10 juillet 2000 au médecin, in Mélanges Bouloc, Dalloz, 2006, p. 1 s.
-
[68]
V. not. Crim. 16 mai 2006, deux arrêts, Bull. crim. n° 136 et 137.
-
[69]
Solution constante. V. par ex. : Crim. 5 déc. 2000, Bull. crim. n° 363 : « en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et procédant de son appréciation souveraine... » ; Crim. 9 juin 2015, n° 14-86.469 (inédit) : « en l'état de ces énonciations exemptes d'insuffisance comme de contradiction [...] les moyens qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause [...] ne sauraient être admis ».
-
[70]
V. par ex. : Crim. 11 févr. 2003, n° 02-85.810, Bull. crim. n° 28, RSC 2003. 801, obs. C. Giudicelli-Delage.
-
[71]
V. Crim. 27 mars 2001, n° 00-83.799, inédit, RDI 2001. 509, obs. M. Segonds ; Crim. 22 mai 2001, n° 00-86.692, inédit ; Crim. 6 juin 2001, n° 00-86.683, inédit. Un arrêt pourtant publié paraît même confondre faute caractérisée et faute simple : Crim. 11 juin 2003, Bull. crim. n° 121.
-
[72]
V. Crim. 12 sept. 2006, Bull. crim. n° 219 ; Crim. 18 nov. 2008, Bull. crim. n° 233. La requalification était nécessitée par le fait que, selon la Cour de cassation, les juges du fond avaient considéré à tort que les prévenus étaient les auteurs directs des coups et blessures ou de l'homicide.
-
[73]
V. Crim. 20 févr. 2001, n° 00-83.880, inédit : « Claude X., compte tenu de ses qualifications, ne pouvait ignorer... ».
-
[74]
Cf. Crim. 30 janv. 2001, n° 00-84.109, inédit, Dr. soc. 2001. 654, chron. P. Morvan : « le prévenu savait que, lors de la représentation (d'un spectacle d'équitation), la bombe ne serait pas portée, les participants devant revêtir un costume composé notamment d'une casquette ; [...] en tolérant, en violation des prescriptions de l'art. R. 233-1 du code du travail, le défaut d'utilisation d'un équipement de protection approprié, le prévenu a commis une imprudence en relation avec le décès de la victime » ; Crim. 16 oct. 2001, n° 01-81.406, inédit : le prévenu « a commis une faute caractérisée en ne veillant pas au respect des prescriptions de l'art. 102 du décret du 8 janvier 1965, alors qu'il connaissait la nature des travaux à effectuer, dont il avait reconnu qu'ils étaient effectivement délicats, et alors que, professionnel du bâtiment, il ne pouvait méconnaître les risques découlant d'un mode opératoire inadapté » ; Crim. 15 oct. 2002, Bull. crim. n° 186 ; Dr. pénal 2003, comm. 4, obs. M. Véron : un prévenu « connaissait l'insuffisance professionnelle » du commandant de bord, tandis que l'autre « connaissait les graves lacunes » du manuel d'exploitation de l'avion ; Crim. 13 nov. 2002, Bull. crim. n° 204 ; RSC 2003. 326, obs. B. Bouloc ; ibid. 337, obs. Y. Mayaud : le prévenu « avait constaté [...] le danger que représentait la grume en équilibre instable et recommandé à la personne qui l'accompagnait de ne pas rester en aval du tronc ; malgré ce constat, et bien que sachant que les lots d'affouage venaient d'être distribués et que certains bénéficiaires profiteraient du 8 avril, jour férié, pour ramasser du bois, il n'avait pris aucune disposition » ; Crim. 6 sept. 2005, Bull. crim. n° 218 : « connaissant la dangerosité de la situation résultant de l'ouverture des fenêtres pour les enfants, [le prévenu] n'a pas pris à leur arrivée dans la classe les mesures de fermeture permettant d'éviter le dommage » ; Crim. 31 janv. 2006, JCP 2006. II. 10079, note E. Dreyer : « « le coordinateur (des travaux) et l'architecte avaient adressé, avant l'accident, de nombreux rappels [au prévenu] qui y avait opposé la plus totale inertie » ; Crim. 14 déc. 2010, Bull. crim. n° 200 : le prévenu « cédant à l'insance de M. Y. qui voulait "faire un tour" avec sa voiture, lui en a remis volontairement les clés alors qu'il savait que celui-ci n'était pas titulaire du permis de conduire et se trouvait sous l'emprise de l'alcool » ; Crim. 1er oct. 2013, n° 12-84.762, inédit : le prévenu « s'est abstenu de tout examen permettant d'établir en urgence un diagnostic fiable [...] malgré le signalement par son confrère d'une aorte battante dilatée chez un patient présentant des antécédents polyvasculaires ».
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[75]
V., insistant sur ce devoir : Crim. 18 nov. 2008, préc.
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[76]
Cf. Crim. 2 déc. 2003, Bull. crim. n° 226 ; Dr. pénal 2004, comm. 17, obs. M. Véron : « Claude X. [...] ne pouvait ignorer eu égard à son expérience de praticien et aux informations qui lui étaient communiquées... ».
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[77]
Il est des arrêts où cette connaissance n'est pas relevée explicitement par les juges, mais fonde manifestement la condamnation de la personne dotée des compétences requises, réelles ou présumées, pour la rendre apte à percevoir le danger et à réagir opportunément : Crim. 5 déc. 2000, Bull. crim. n° 363 ; Crim. 10 janv. 2001, Bull. crim. n° 2 ; Crim. 16 janv. 2001, Bull. crim. n° 15 ; Dr. soc. 2001. 654, chron. P. Morvan ; RSC 2001. 571, obs. B. Bouloc ; ibid. 577, obs. Y. Mayaud ; ibid. 824, obs. G. Giudicelli-Delage ; Crim. 13 févr. 2007, Bull. crim. n° 43 ; Crim. 12 janv. 2010, Bull. crim. n° 5.
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[78]
Cf. Crim. 10 déc. 2002, Bull. crim. n° 223 : « l'institutrice, qui ignorait que (l'enfant) se livrait depuis peu au jeu dangereux dont il a été victime, n'a pas [...] commis de faute caractérisée exposant la victime à un risque qu'elle ne pouvait envisager ».
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[79]
V. E. Dreyer, note JCP 2006. II. 10079.
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[80]
L'idée est implicitement défendue par tous les auteurs qui estiment que le code pénal établit une hiérarchie objective des fautes fondée sur leur gravité respective : la faute délibérée, moins grave que la faute intentionnelle mais plus grave que la faute caractérisée. En ce sens : Y. Mayaud, op. cit., n° 240 s., qui affirme en particulier que faute délibérée et faute caractérisée sont « complémentaires, d'une complémentarité dictée par la différence de degré qui les sépare » (n° 244) ; J. Pradel, op. cit., n° 567 s., qui considère que l'existence d'une faute caractérisée permet de présumer l'existence d'une faute délibérée (n° 573). Rappr. M.-L. Rassat, op. cit., n° 319, qui critique l'emploi de la notion de faute délibérée parce que la délibération est difficile à prouver et lui préfère en conséquence la référence à une imprudence d'une particulière gravité typique de la faute caractérisée. Ce point de vue hiérarchique est en partie alimenté par les dispositions du code pénal qui prévoient une aggravation de la peine encourue pour coups et blessures ou homicide par imprudence « en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » (cf. C. pén., art. 221-6, al. 2, 222-19, al. 2, et 222-20). Mais cette aggravation paraît mieux se justifier par le souci du législateur de sanctionner spécialement ceux qui ne respectent pas sciemment les lois ou les règlements (et non des règles de moindre envergure, fixeraient-elles des obligations déterminées de prudence ou de sécurité. Cf. E. Dreyer, op. cit., n° 863), indépendamment (et en sus) de la punition due pour le résultat dommageable (homicide ou blessures).
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[81]
Expression de L. Mazeaud, in l'assimilation de la faute lourde au dol, DH 1933. Chron. 44.
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[82]
Une imprudence est, par définition, toujours inconsciente quant au risque qu'elle fait naître pour soi-même ou pour autrui. Ce qui peut être délibéré n'est pas l'imprudence mais la transgression d'une règle positive extérieure à l'agent. Le « manquement conscient à une obligation "générale" de sécurité et de prudence » évoqué par M. Dreyer (préc.) n'est selon nous qu'une vue de l'esprit.
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[83]
Rappr. M. Pralus, Réflexions autour de l'élément moral des délits, Dr. pénal 2002. Chron. 41, I.
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[84]
V. J. Cedras, Le dol éventuel : aux limites de l'intention, D. 1995. Chron. 18.
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[85]
C. com., art. L. 133-8, issu d'une loi n° 2009-1503 du 8 déc. 2009.