Principes directeurs de la procédure pénale
1. Le point de départ du délai d'un an de l'article R. 53-21 du code de procédure pénale en cas de condamnation avec sursis et la proportionnalité (Crim., 17 juin 2014, n° 13-80.914, publié au bulletin, D. 2014. 1328)
1Le refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à l'identification de l'empreinte génétique opposé par une personne définitivement condamnée constitue un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, les peines étant aggravées en cas de condamnation pour crime. L'article R. 53-21 du code de procédure pénale dispose que ce prélèvement doit intervenir dans un délai d'un an à compter de l'exécution de la peine.
2La question posée à la chambre criminelle était ici de savoir à quelle date, en cas de condamnation avec sursis, doit être fixé le point de départ de ce délai d'un an.
3Condamné en octobre 2008 à un mois d'emprisonnement avec sursis du chef de violences, M. D. fut convoqué en juin 2011 pour un prélèvement biologique qu'il refusa. Poursuivi devant le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article 706-56 du code de procédure pénale, il fut relaxé, le prélèvement en cause n'ayant pas été requis dans le délai d'un an visé à l'article R 53-21 du même code. Sur appel du parquet, la cour de Lyon le condamna à 300 euros d'amende. La Cour d'appel retenait comme date d'exécution de la peine et point de départ du délai de l'article R. 53-21, la date d'expiration du délai d'épreuve. Se fondant d'une part sur l'article 132-25 du code pénal et au motif qu'avant l'expiration du délai de cinq ans, le sursis peut être révoqué, elle en déduisait que la condamnation avec sursis ne peut être considérée comme exécutée avant cette date. D'autre part, elle se fondait sur l'article 133-13 du même code relatif à la réhabilitation, le délai en la matière et en cas de condamnation avec sursis ne courant qu'à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue.
4Ces déductions sont écartées par la chambre criminelle et l'arrêt d'appel cassé sans renvoi, la relaxe du tribunal devenant ainsi définitive.
5Si dans deux arrêts antérieurs (Crim., 24 juin 2009, n° 08-87.614 et Crim., 13 déc. 2011, n° 11-81.514) la chambre criminelle avait jugé que le fait de refuser de se soumettre à un prélèvement exigé après l'expiration du délai d'un an prévu à l'article R 53-21 n'est pas constitutif de délit, la question du point de départ du délai en cas de condamnation avec sursis ne lui avait pas été directement soumise. Le présent arrêt apporte donc une précision intéressante.
6Dans son avis, M. l'avocat général F. Desportes analyse les arguments techniques qui doivent faire écarter la solution de la cour d'appel. Sauf commission d'une nouvelle infraction, la peine avec sursis n'est pas ramenée à exécution et à l'expiration du délai, sous réserve d'une violation commise avant et sanctionnée après l'expiration, « son inexécution devient en quelque sorte définitive ». « On ne saurait considérer » écrit M. Desportes, « qu'une peine assortie du sursis est exécutée à la date à laquelle il devient certain qu'elle ne pourra plus l'être ». De la même manière, le délai fixé par l'article 133-13 ne saurait signifier que pour le législateur la condamnation avec sursis doit être regardée exécutée à la date où la condamnation est non avenue. Au contraire, si pour les peines fermes, la loi pouvait fixer comme point de départ de la réhabilitation la date d'exécution ou de la prescription de la peine accomplie, pour les condamnations avec sursis, par définition non exécutées, il fallait fixer une autre date qui ne soit pas plus défavorable aux condamnés avec sursis qu'aux condamnés à une peine ferme. L'analyse des règles applicables en matière de récidive temporaire, avant comme après la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 qui a complété l'article 133-16 du code pénal, conduit à la même conclusion : une condamnation non avenue ne s'analyse pas en une condamnation exécutée.
7Mais au-delà des ces arguments de textes, l'avocat général soulignait l'exigence de proportionnalité affirmée en ce domaine tant par la CEDH que par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 16 sept. 2010, n° 2010-25 QPC, D. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ pénal 2010. 545, étude J. Danet). Comment imaginer en effet que le prélèvement ne puisse intervenir que dans l'année qui suit l'exécution d'une peine ferme, d'un mois par exemple, soit treize mois au plus après la condamnation en cas de détention à l'audience, mais six ans après le prononcé de la même peine assortie du sursis ? Nous avions déjà souligné que l'analyse de cette infraction de refus en une infraction successive permet, selon le Conseil constitutionnel, la pluralité de poursuites en cas de refus successifs opposés dans le délai d'un an de l'article R. 53-21, sans manquer au principe ne bis in idem. Cette situation permet déjà de relever -et disons le de fabriquer un peu artificiellement - des réitérations par le simple fait de convocations successives pendant un an. Est-il bien utile de susciter ainsi des vocations de « rebelles fonctionnels » pour emprunter à Emile Durkheim cette notion qui reste toujours d'actualité ? Et pouvait-on imaginer qu'en cas de sursis, ces convocations multiples puissent s'échelonner durant cinq ans ?
8La solution de la chambre criminelle est à la fois raisonnable au regard du critère de proportionnalité et fondée en droit : la réquisition de prélèvement doit intervenir dans le délai d'un an à compter du jour où la condamnation assortie du sursis est devenue définitive.
9J. D.
2. Computation de la période de sûreté : quand simplicité et prévisibilité riment avec finalité et conventionalité (Crim., 25 juin 2014, n° 14-81.793, D. 2014. 1379, obs. M. Léna)
10La question fit du bruit bien avant l'arrêt commenté. La publication d'un article en fin 2013 (L. Griffon, La computation de la période de sûreté, AJ pénal 2013. 591) du à un magistrat du parquet de Nantes suscita l'émotion. Au nom de la logique juridique mais aussi du respect de la volonté du « législateur et des juges », « l'exécution synchrone de la peine et de la période de sûreté qui l'assortit » devait selon l'auteur prévaloir. Et « comme la période de sûreté doit s'exécuter lorsque la peine elle-même est en cours d'exécution, la durée de la détention provisoire qui doit venir en déduction de la peine prononcée [et de la période de sureté] ne concerne que les périodes au cours desquelles le détenu n'exécutait pas d'autres condamnations ». En mars 2014, le premier avocat général D. Boccon-Gibod et Madame Laurent conseiller référendaire répondaient à cette thèse dans la même revue en présentant une toute autre analyse (M. D. Boccon-Gibod et Mme Laurent, Période de sûreté et pluralité de peines : un autre regard, AJ pénal 2014. 101).
11À dire vrai, la question était déjà posée dans cette affaire avant même que le premier article ne parut. En effet, placé en détention provisoire dans une affaire criminelle en février 2005, et condamné, comparant détenu, en avril 2009, à vingt ans de réclusion criminelle, M. B. avait pendant le temps de détention provisoire exécuté trois peines prononcées en 2004, 2005, et 2006. Il avait saisi en 2012 le tribunal correctionnel de Roanne d'une difficulté relative à la détermination du point de départ de la période de sûreté. Le tribunal avait sollicité l'avis de la Cour de cassation. La demande avait été déclarée irrecevable en avril 2013 le tribunal étant incompétent et l'intéressé avait alors saisi la chambre de l'instruction de Lyon qui, par arrêt du 28 février 2014, avait jugé que la période de sûreté de dix ans attachée à la condamnation du 8 avril 2009 avait commencé de courir le 4 octobre 2008, c'est-à-dire après déduction sur le temps de détention provisoire des peines mises à exécution. Cette décision reportait le terme de la période de sûreté du 24 février 2015 au 4 octobre 2018.
12Notons au passage qu'une logique très rigoureuse pouvait mener encore plus loin : si, au motif que la période de sûreté est une modalité d'exécution de la peine, son déroulement doit exactement coïncider avec l'exécution de la peine, ne devrait-elle pas courir alors du jour du prononcé de la peine sans tenir compte du temps passé en détention provisoire ni des périodes au cours desquelles vont être exécutées d'autres peines ?
13Le pourvoi formé par M. B permet à la chambre criminelle de mettre un terme rapide à ce débat (moins de quatre mois après le pourvoi, soulignons-le !), une célérité particulièrement bienvenue quand, selon les services de deux maisons centrales, Clairvaux et Moulins, soixante sept condamnés étaient concernés avec des enjeux sur le report du terme de la période de sûreté allant de moins de six mois à plus de cinq ans.
14La chambre criminelle adopte une solution qui dans la pratique avait été systématiquement retenue jusqu'à l'affaire en cause et qui avait initialement découlé d'une circulaire du 19 mars 1998 (circulaire AP 98-01 GA3 du 19 mars 1998, sous art. 720-5 abrogé, Code de procédure pénale Dalloz).
15La totalité de la durée de la détention provisoire doit s'imputer sur la durée de la période de sûreté. Sans autre considération, dans un déroulé linéaire, continu et sans qu'il soit affecté par la mise à exécution d'autres peines.
16Divers arguments militaient dans le sens de cette décision que l'avis de l'avocat général M. Boccon-Gibod reprenait. Si la circulaire de 1998, faute d'avoir été publiée sur le site du Premier ministre doit aux termes de l'article 2 du décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 être considérée comme abrogée, pour autant la pertinence de son contenu méritait d'être examinée.
17Nul ne songe à remettre en cause le principe posé dans tous les cas par la loi du 17 juillet 1970 après celle du 15 novembre 1892, selon lequel la détention provisoire s'impute sur la peine prononcée y compris lorsque cette détention a été subie à l'étranger (Crim., 5 oct. 2011, n° 11-90.087, D. 2011. 2477 ; ibid. 2811, chron. N. Maziau ; AJ pénal 2012. 356, obs. M. Herzog-Evans et Crim., 13 mars 2013, n° 12-83.024, D. 2013. 915 ; AJ pénal 2013. 425, obs. J. Lasserre Capdeville). Si le statut de prévenu ne se confond pas avec celui de condamné, rétroactivement, la détention provisoire est bien pensée comme un temps d'exécution de la peine. Et l'imputation de la détention provisoire sur la période de sûreté est alors justifiée. Par ailleurs, si le temps passé à l'exécution d'une peine alors que le condamné est sous le coup d'un mandat de dépôt ne s'impute pas sur la peine prononcée à l'issue de la détention provisoire, le détenu demeure, pendant ce temps, soumis au régime des prévenus qui, à ce titre, le prive d'accéder à toutes mesures d'aménagement auxquelles l'exécution d'une autre peine le rend éligible.
18L'argument est d'importance parce que la période de sûreté a aussi pour fonction d'empêcher d'accéder à tout aménagement de peine. Comme en détention provisoire, même en cas d'exécution d'une autre peine, le statut de prévenu empêche d'accéder aux aménagements de peine, l'imputation de la totalité de la durée de la détention provisoire sur la durée de la période de sûreté ne trahit donc aucunement la finalité même de celle-ci.
19L'argument de politique criminelle des détracteurs de la solution tombe alors. Il n'y a aucune raison en termes de politique criminelle pour qu'entre deux détentions provisoires de durée égale, l'une ait non seulement pour effet de priver le détenu de tout aménagement d'une peine qu'il exécute en même temps qu'il est sous mandat de dépôt mais aussi de reculer le terme de la période de sûreté tandis que ce ne serait pas le cas à défaut d'exécution d'une autre peine durant la détention provisoire. Cela reviendrait à allonger la durée totale durant laquelle le premier condamné est privé de tout aménagement possible. L'exécution d'une peine durant la détention provisoire éloignant déjà le terme de la peine qui lui fait suite, il n'a pas lieu d'aboutir à priver d'aménagement le condamné à d'autres peines en plus de lui faire subir, hors ces temps d'exécution des autres peines, la période de sûreté prononcée. L'inégalité de traitement serait patente avec le cas où la mise à exécution des autres peines interviendrait après la période de sureté. Le risque d'arbitraire selon le moment choisi pour l'exécution était d'ailleurs souligné par l'avocat général.
20Seule la solution retenue évite que la mise à exécution d'autres peines ait pour effet de proroger au préjudice du condamné la date d'expiration de la période de sûreté. C'est d'ailleurs ce qu'avait répondu la chambre criminelle à l'auteur d'un pourvoi qui se plaignait de ce que le découplage entre la période de sûreté et le temps d'exécution de sa peine (du fait de l'exécution de sept peines d'emprisonnement durant sa détention provisoire) empêchait de considérer la période de sûreté comme une modalité d'exécution de la peine et ce puriste de réclamer à partir de là… sa libération immédiate (Crim., 1er févr. 2012, n° 10-84.178, D. 2012. 612 ; ibid. 1775, chron. C. Roth, B. Laurent, P. Labrousse et Marie-Lucie Divialle ; AJ pénal 2012. 493, obs. M. Herzog-Evans). On peut avoir l'esprit de système et rêver en même temps !
21En tout cas, la Cour de cassation considérait déjà dans cette réponse que le caractère de modalité d'exécution de la peine de la période de sûreté ne faisait pas obstacle à une exécution dissociée de l'une et de l'autre.
22La solution simple retenue ne trahit aucunement, on l'a vu, les finalités de la période de sûreté et sa prévisibilité la rend conforme à la jurisprudence de Strasbourg.
23Dans une décision du 21 oct. 2013, Rio del Prada c/ Espagne (CEDH, n° 42750/09, AJ pénal 2012. 494, obs. M. Herzog-Evans ; RSC 2012. 698, obs. D. Roets) la violation de l'article 7 de la convention pour atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale est retenue dans une affaire où la prise en compte d'une doctrine avait conduit à un revirement de jurisprudence du Tribunal suprême en matière d'imputation des remises de peines qui aboutissait à rallonger de plusieurs années la détention de certains condamnés.
24J. D.
Voies de recours
3. Quand les erreurs répétées du greffe de la maison d'arrêt n'effacent pas celle du détenu (Crim., 12 juin 2014, n° 14-82.233, publié au bulletin, D. 2014. 1328)
25L'arrêt cité ci-dessus fait une application assez prévisible des articles 148-1et 148-2 du code de procédure pénale au vu des jurisprudences antérieures de la chambre criminelle (v. not. Crim., 23 janv. 2013, n° 12-86.986, D. 2013. 308 ; Just. & cass. 2014. 215, rapp. B. Le Corroller ; ibid. 215, avis C. Mathon ; AJ pénal 2013. 224, obs. L. Belfanti ; RSC 2013. 395, obs. D. Boccon-Gibod) mais dans une espèce qui peut doles demandeurs aux pourvois soutenaient que la création d'un tel site constituait un stratagème et que, par suite, donner l'impression que la justice se montre plus exigeante avec un prévenu qu'avec l'administration de la justice ce qui, pour justifiable que la solution soit en droit, n'est jamais très satisfaisant.
26Condamné par jugement du tribunal correctionnel de Bobigny le 5 octobre 2013 avec maintien en détention, dont son conseil fait appel le 9 décembre, M. M dépose au greffe de la maison d'arrêt une demande de mise en liberté le 13 décembre. Sa déclaration d'appel est alors déjà transcrite au greffe du tribunal, elle ne le sera que le 17 décembre sur la fiche détenu de la maison d'arrêt. Le prévenu d'origine étrangère qui indique savoir lire et écrire et signe sa demande mais ne l'a pas rédigé, a donc seulement indiqué, indication transcrite, avoir été placé en détention par le juge des libertés et de la détention de Bobigny et qu'il demande sa mise en liberté au tribunal de Bobigny. Une invraisemblable série d'erreurs s'en suit dont la répétition ne s'explique pas. Le 17 décembre, le greffe du tribunal, suite à un entretien téléphonique avec le greffe de la maison d'arrêt, retourne à ce dernier la demande accompagnée d'une note indiquant que la cour d'appel de Paris est compétente. Le greffe de la maison d'arrêt renvoie la demande au tribunal de Bobigny après avoir remplacé les mots « TC de Bobigny » par … « chambre de l'instruction de la cour d'appel « (sic !). On ne sait à la suite de quelle errance cette demande de mise en liberté n'a pu arriver que le 25 février au greffe de la cour d'appel ; on sait seulement que c'est le parquet général qui fait diligence après intervention du conseil de M. M.
27M. M. formait une seconde demande de mise en liberté le 19 décembre deux jours après la transcription sur la fiche du détenu de son appel du jugement correctionnel. La compétence de la cour d'appel ne pouvait être ignorée par le greffe. Cette fois le prévenu, après avoir indiqué le titre de détention initial, précise qu'il sollicite sa mise en liberté de la chambre de l'instruction. Sa demande transcrite comme telle est signée par lui. Elle est envoyée par le greffe au tribunal de Bobigny, qui l'adresse le 13 janvier 2014 seulement au greffe de la cour d'appel de Paris lequel la dirige d'abord vers le greffe de la chambre de l'instruction !
28Le 13 mars, la cour d'appel de Paris rejette les deux demandes ; elle rejette aussi l'argumentation sur le caractère tardif de leur examen et la demande de mise en liberté d'office fondée sur l'article 148-2 du code de procédure pénale. Le fait que les demandes du détenu étaient entachées de mentions erronées suffit à la chambre criminelle à écarter la censure parce qu'elles sont de nature à rendre incertaine la désignation de la juridiction compétente. L'obligation de transmission de la demande de mise en liberté à la juridiction compétente ne doit donc pas s'entendre comme induisant une quelconque obligation d'identifier cette juridiction lorsque le détenu fournit des éléments inexacts ou incomplets.
29L'espèce tend à faire écrire qu'il en est ainsi même lorsque le greffe dispose des éléments lui permettant de le faire, ce qui était le cas après le premier retour de la première demande par le greffe de Bobigny et lors de la seconde demande, par suite de la transcription de la condamnation et de l'appel. Peu importe alors que l'absence d'examen dans les délais ne puisse s'expliquer par la seule erreur initiale du prévenu dans ses déclarations. L'erreur initiale du prévenu suffit à écarter l'application de la règle. De sorte qu'il n'est pas répondu aux branches du moyen relatives à l'absence d'évènements imprévisibles et insurmontables justifiant le retard. Les carences de l'administration de la Justice, et leurs conséquences sur le retard dans l'examen des demandes, ne sont pas discutées.
30Faudra-t-il que les barreaux réclament l'installation d'une permanence d'avocat conseil dans les greffes des maisons d'arrêt pour éviter que de telles situations ne se reproduisent ? Ou peut-on espérer que l'administration pénitentiaire reçoive pour consigne de conseiller au prévenu de vérifier auprès d'un conseil la juridiction compétente puisqu'à l'évidence elles ne veulent pas s'en mêler et ont déjà beaucoup à faire pour ne pas les envoyer n'importe où ? En attendant, de tels errements dans la transmission des demandes de mises en liberté sont déplorables.
31Quelle est ici l'effectivité de l'accès au juge ?
4. Le recours du ministère public en matière de maintien en détention provisoire après un renvoi en correctionnelle sans ordonnance sur les réquisitions de maintien en détention (Crim., 9 juillet 2014, n° 14-82.761, D. 2014. 1591)
32Les questions relatives à l'articulation entre fin de l'instruction et détention provisoire sont décidément complexes et après les deux arrêts de principe du 5 février 2014 commentés à cette revue par M. Boccon-Gibod (cette Revue 2014. 386), voici une décision rendue sur une situation plus simple mais qui donne cependant lieu à cassation.
33Placé en détention provisoire en juin 2013 du chef de violences aggravées et en état de récidive, M. B. fut renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du 9 janvier 2014 mais le juge d'instruction ne rendit aucune ordonnance sur les réquisitions de maintien en détention. Le 13 janvier le Procureur de la République saisissait la chambre de l'instruction d'une requête aux fins de voir ordonner le maintien en détention de l'intéressé. Déclarée recevable, la requête fut rejetée au fond. La cour estimait que le renvoi de l'intéressé devant le tribunal correctionnel et l'absence d'ordonnance distincte et spécialement motivée de maintien en détention avaient mis fin à l'existence même du tire de détention et que d'autre part, aucune disposition du code de procédure pénale ne permettait à la chambre de l'instruction d'ordonner après clôture de l'information le placement en détention.
34Sur pourvoi de M. le Procureur général de Versailles, l'arrêt est cassé.
35C'est la combinaison de trois textes qui conduit à la solution.
36Selon l'article 82 avant dernier et dernier alinéas du code de procédure pénale, qui traite des réquisitions du procureur de la République « à toute époque de l'information », si le juge d'instruction ne suit pas les réquisitions du procureur de la République, il doit rendre une ordonnance motivée dans les cinq jours. « À défaut d'ordonnance du juge d'instruction, le procureur peut, dans les dix jours saisir directement la chambre de l'instruction ».
37Selon l'article 179 du même code l'ordonnance de règlement met fin à la détention provisoire. « Toutefois, le juge d'instruction peut, par ordonnance spécialement motivée, maintenir le prévenu en détention ».
38L'article 207 alinéa 2 du même code dispose enfin que « lorsque […] la chambre de l'instruction […] est saisie en application des articles […] 82 dernier alinéa », « elle peut évoquer et procéder dans les conditions prévues aux articles 201… ».
39De ces trois textes, la chambre criminelle retire qu'à défaut d'une ordonnance motivée sur les réquisitions de maintien en détention provisoire, le procureur de la République peut saisir dans les dix jours directement la chambre de l'instruction qui doit, l'ordonnance de renvoi n'étant pas définitive à la date où elle a été saisie, se prononcer sur le maintien en détention.
40Il s'agit bien de maintien et non de placement en détention ; la cour est bien saisie par requête mais à défaut d'ordonnance c'est le seul moyen d'assurer au ministère public une voie de recours sur l'absence de maintien en détention. Le droit à un double degré de juridiction en matière de détention provisoire consacré par le Conseil constitutionnel (17 déc. 2010, n° 2010-81 QPC, § 87) ne saurait bénéficier seulement à la défense.
5. La gestion du délai d'examen d'un appel du parquet en matière de prolongation de la détention provisoire (Crim., 18 juin 2014, n° 14-82.677, inédit)
41Cet arrêt de rejet témoigne de la difficulté d'exercer pleinement la défense lorsque la gestion des délais d'examen des appels en matière de détention provisoire relève d'une logique de « flux tendu » à laquelle une certaine conception de la détention provisoire n'est peut être pas étrangère.
42Détenu dans une affaire criminelle depuis le 29 mars 2013, M. R. fait l'objet le mardi 18 mars 2014 d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention disant n'y avoir lieu à prolongation de la détention provisoire et le plaçant à l'expiration du mandat de dépôt le 29 mars 2014 sous contrôle judiciaire avec assignation sous surveillance électronique. Cette ordonnance n'est pas de celles qui peuvent donner lieu à une procédure de « référé- détention ». Le parquet fait appel le jeudi 20 mars, les parties étant avisées le lendemain vendredi 21 mars de ce que l'affaire sera jugée le lundi 24 mars. L'avocat consulte le dossier le samedi 22 mars au greffe de la cour, dépose un mémoire mais à l'audience sollicite un renvoi qui lui est refusé. Le pourvoi qui vise l'article 6 de la CEDH critique la motivation de la cour qu'elle juge standardisée et l'argument selon lequel la procédure d'assises étant orale, les témoignages des uns et des autres devront être reformulés devant la cour d'assises et qu'il y a donc lieu de craindre des pressions du mis en examen sur les témoins et parties civiles. Sur ces points, comme il était prévisible la chambre criminelle répond que la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de fait et de droit répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.
43Sur l'article 197 alinéa 2 du code de procédure pénale, la chambre criminelle répond que la chambre de l'instruction n'est pas tenue d'attendre l'expiration du délai d'appel du mis en examen pourvu qu'elle ait respectée le délai de 48 heures entre la date d'envoi de la lettre de convocation et la date de l'audience. Entre le vendredi 21 et le lundi 24, il y a bien 48 heures, et la Cour de cassation a jugé depuis longtemps que l'article 197 al.2 n'exige pas qu'il s'agisse de jours ouvrables (Crim., 25 juin 1991, Bull. crim. n° 274).
44Il n'en reste pas moins qu'à l'évidence la fixation immédiate et le refus de tout renvoi aboutit à éviter un examen postérieur au 29 mars et donc une mise en liberté sous contrôle judiciaire avec assignation sous surveillance électronique jusqu'à l'arrêt de la cour, c'est-à-dire au résultat qu'aurait pu atteindre un référé détention, voie de recours qui précisément n'est pas ouverte ici alors qu'elle l'eut été si le juge des libertés avait décidé non pas de refuser de prolonger la détention mais de mettre la personne en liberté avant l'expiration du mandat de dépôt (Crim., 7 avr. 2009, n° 09-80.385, AJ pénal 2009. 321 ; Crim., 6 août 2003, Bull. crim. n° 144 ; v. Guinchard et Buisson, Procédure pénale, 9e éd., n° 2313). La gestion du délai par la chambre de l'instruction aboutit de facto à atteindre les effets d'un référé détention auquel il aurait été fait droit. D'où le reproche fait par le pourvoi d'une forme de détournement de procédure.
45Rappelons qu'un examen plus tardif, après le 29 mars n'aurait pas empêché cependant la chambre de l'instruction de devoir se prononcer sur le bien fondé de l'ordonnance et de pouvoir donc l'infirmer (Crim., 6 août 2003, Bull. crim. n° 144 ; v. aussi, Desportes, Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, Economica, 3e éd., n° 2781).
46La fixation de l'audience au lundi 24 et le refus de tout renvoi laissent penser qu'il fallait pour la Cour absolument éviter toute remise en liberté du détenu avant qu'il ne soit statué sur l'appel. C'est évidemment gênant car cela incite les mauvais esprits à croire que la décision d'infirmer sous tendait déjà cette résolution.
47S'ajoutent à cela des difficultés d'organisation. Un site d'une chambre d'accusation affiche que le samedi, le greffe est ouvert de 11 heures 30 à 17 heures « pour le dépôt des mémoires uniquement ». Est-ce à dire qu'on ne peut pas consulter le dossier ?
48Faudra-t-il aller à Strasbourg pour faire juger ces questions qui devraient être résolues dans le cadre d'une commission pénale barreau -juridiction ? Existe-t-il quelque part un lieu de réflexion sur le choix des jours d'audience des chambres de l'instruction (toutes ne siègent pas le lundi !) qui permette, au vu des contentieux principaux et des délais de procédure, de rechercher les organisations optimales ? Puisque certains ont en horreur le mot de management, disons que ce serait de « bonne administration de la Justice ». Ajoutons que c'est aussi sur des questions de ce genre que la qualité d'une justice s'évalue. En attendant, les incidents auxquels il ne faut pas s'étonner que ces pratiques conduisent, nourrissent de part et d'autre les préventions entre magistrats et avocats. Exactement ce qu'il faudrait éviter.
49J. D.
Preuve
6. Poussée de fièvre scientiste à la chambre criminelle, le recours au « portrait robot génétique » (mais approximatif) est validé (Crim., 25 juin 2014, n° 13-87.493, publié au bulletin, D. 2014. 1453)
50Ceux qui contestent au ministère public la réalité et la qualité de son rôle de gardien des libertés publiques en seront pour leur frais. Voici une affaire dont l'enjeu est loin d'être négligeable à propos de laquelle le parquet général de Lyon et l'avocat général près la Cour de cassation ont fermement défendu une lecture stricte des articles 16-10 et 16-11 du code civil contre les choix d'un juge d'instruction, de la chambre de l'instruction de Lyon et de la chambre criminelle qui, sur des motivations diverses, ouvrent une voix périlleuse pour les libertés comme pour la justice : celle du prétendu « portrait robot génétique ».
51L'arrêt rendu en formation de « sections réunies » ne manque pas de laisser un sentiment de malaise devant le risque d'une certaine légèreté. L'avis de cassation de M. Desportes, avocat général se terminait pourtant sur le très sage constat de ce qu'en « une matière aussi sensible », il ne lui semblait pas qu'il « revienne au juge de se substituer au législateur pour apprécier où doit se situer le point d'équilibre entre l'intérêt de la répression et la protection des droits de la personne ».
52En un accès de fièvre scientiste dont elle aura peut-être à se déprendre, la chambre criminelle, sans vraiment s'expliquer sur le cœur de la question, valide une expertise effectuée par un laboratoire privé dont le site internet témoigne d'un bel appétit commercial. Il est permis de redouter que, sans en avoir conscience, la décision de la chambre criminelle sacrifie la protection des droits de la personne moins sur l'autel de la répression nécessaire que sur la dynamique des frais de justice telle que certains opérateurs du secteur peuvent la rêver.
53Bien entendu, l'affaire en cause fournit toutes les bonnes intentions dont l'enfer est pavé. Qui peut être insensible à l'urgence d'arrêter un agresseur sexuel qui s'en est pris à cinq jeunes femmes en quatre mois dans un arrondissement de Lyon ? Dans deux cas, des traces biologiques ont été relevées appartenant à la même personne. Le rapprochement avec les données du FNAEG ne donne aucun résultat non plus qu'une « recherche familiale » demandée par le juge au FNAEG. Dans ce contexte, le juge d'instruction demande à un laboratoire qui l'accepte ce qui n'aurait sans doute pas été le cas de tous, une expertise tendant à l'analyse des traces biologiques afin que soient extraites « les données essentielles à partir de l'ADN » et que soient fournis « tous éléments relatifs au caractère morphologique apparent du suspect ».
54Mais pour autant le juge d'instruction saisit la chambre de l'instruction d'une requête en nullité sur le fondement de l'article 170 du code de procédure pénale. Il est vrai que cette précaution et cette recherche d'une validation, sans plus attendre le développement des investigations espérées pouvait se comprendre quand on sait que le ministère de la Justice avait préconisé en 2011 par une dépêche du 29 juin (CRIM-PJ n° 08-28H5) de ne pas recourir à de telles expertise qu'on pourrait être tenté d'appeler un « portrait robot génétique de la personne ». Mais on verra que l'expression est peut-être trompeuse.
55Commençons par la question de droit. Le juge d'instruction fondait son ordonnance d'expertise sur les articles 81 et 156 du code de procédure pénale oubliant toutefois que selon l'article 427 du même code, de portée générale, la preuve des infractions n'est libre qu'autant que la loi n'en dispose pas autrement et ce n'est pas la possibilité de « procéder à tous actes d'instruction » qui remet en cause ce principe. Mais au-delà de l'intérêt qu'il trouvait à cette expertise et qu'il pensait possible en vertu de son pouvoir d'ordonner tous actes d'instruction, le juge s'interrogeait tout de même sur le point de savoir si l'article 16-11 du code civil ne l'interdisait pas. Contre les réquisitions du parquet général, la chambre de l'instruction jugea que les articles 16-10 et 16-11 qui « n'ont pour seule fonction que le respect et la protection du corps humain » ne concernaient pas l'hypothèse présente, celle d'un matériel biologique s'étant naturellement détaché du corps humain. Qu'on se rassure, la chambre criminelle n'a pas fait sienne cette lecture porteuse de lourdes menaces pour la vie privée, le principe de non-discrimination et la dignité de la personne puisqu'elle revient à vider de leur sens et à ôter toute portée aux articles 16-10 et 16-11 du code civil !
56La réponse ne peut en effet être celle-là. Le matériel détaché du corps humain est encore et toujours celui d'une personne dont la dignité doit être protégée. Comment imaginer au motif qu'elle s'est détachée du corps humain qu'on puisse en faire l'examen d'une trace génétique humaine sans le consentement de la personne aux fins de rechercher par exemple si elle présente l'anomalie génétique prédictive de telle maladie héréditaire ?
57Le pourvoi du parquet général de Lyon fort heureusement n'a pas été discuté sur cette étrange idée. La question est bien de savoir si les articles 16-10 et 16-11 bien entendu applicables en l'espèce rendent ou non possibles cette expertise. Rappelons que l'article 16-10 dispose : « L'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique. Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'examen. Il est révocable sans forme et à tout moment ». La violation des dispositions de l'article 16-10 du code civil est constitutive de l'infraction punie à l'article 226-25 du code pénal.
58Et l'article 16-11 : « L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que : 1° Dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ; 2° A des fins médicales ou de recherche scientifique ; 3° Aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes décédées ».
59L'une et l'autre opération sont distinguées jusque dans le titre de ce chapitre III du titre 1er, livre premier du code civil : « De l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne et de l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ».
60L'examen des caractéristiques génétiques n'est pas l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques et les deux opérations ne sauraient être confondues ou substituées l'une à l'autre. Disons pour faire image qu'il y a entre les deux autant de différences qu'entre une empreinte digitale et une radio du doigt.
61Au plan scientifique et juridique, en effet, l'identification des empreintes génétiques « peut techniquement et doit juridiquement » ainsi que le rappelle M. Desportes, être effectuée sur des segments non codants de l'ADN, insusceptibles de fournir des informations sur le patrimoine génétique. Parce que la structure des segments non-codants est propre à chaque individu, elle permet de dire par comparaison avec un autre échantillon si les deux empreintes sont identiques et appartiennent à une même personne. Et l'identification qui suppose, ainsi que le rappelait le parquet général, une comparaison entre deux échantillons d'ADN peut donc avoir pour finalité d'aider une enquête ou une instruction dans une procédure judiciaire.
62L'examen des caractéristiques génétiques parce qu'il opère, lui, sur des segments codants révèle des informations sur le patrimoine génétique. Ces informations très sensibles conduisent le législateur à limiter strictement son emploi. Les seules finalités qui lui sont ouvertes par l'article 16-10 du code civil sont celles de la médecine et de la recherche médicale et encore sous la réserve de l'information de la personne sur les finalités et celle de son consentement constant. Et pas pour les besoins d'une enquête ou d'une instruction.
63Quant au FNAEG, il ne peut rassembler que des empreintes génétiques réalisées à partir de segments non codants de l'ADN à l'exception du segment correspondant au marqueur de sexe (C. pr. pén., art. 706-54, al. 5).
64Or, la décision de la chambre criminelle revient à permettre que l'examen des caractéristiques d'une personne de l'article 16-10 soit effectué parce qu'il a pour finalité l'identification de la dite personne de l'article 16-11.
65On voit assez bien le raisonnement par analogie qui a pu être mené. Après tout et il semble que ce soit la motivation essentielle de la chambre criminelle, l'expertise consistait à « révéler - l'emploi du verbe révéler est symptomatique de l'analogie - les caractéristiques morphologiques » de l'auteur à partir de la trace laissée sur les lieux, tout comme une caméra de vidéo surveillance peut révéler, au sens photographique, les mêmes caractéristiques. Dès lors où est le mal ? Pourquoi s'en priver ?
66Or, non seulement, l'analogie n'est pas admise quand il s'agit d'interprétation de la loi mais on va voir qu'au surplus elle est en l'espèce mauvaise conseillère.
67L'analogie qui semble fonder de manière sous-jacente cet arrêt « l'expertise… consistait exclusivement à révéler les caractères morphologiques apparents de l'individu » conduit en tout cas à juger le contraire de ce que disent de la manière la plus explicite les articles 16-10 et 16-11 du code civil. Le premier ne distingue aucunement selon que l'examen des caractéristiques génétiques ne porte que sur des caractères morphologiques apparents ou pas. Faute de quoi, il ouvrirait la porte à toutes les discriminations. Et en aucun cas, il ne permet que le dit examen ait pour finalité une instruction judiciaire.
68L'arrêt de la chambre criminelle va nourrir des illusions et, plus grave, il peut mener des enquêtes sur de bien mauvaises voies. Il va nourrir des illusions et il n'est que de songer à la puissance de l'expression « portrait robot génétique ». D'aucuns vont croire, y compris des victimes, hélas, que la police scientifique a fait là un grand pas dans la recherche et l'élucidation des crimes. Or, la réalité est moins glorieuse. Quelles informations formidables le laboratoire a-t-il fourni au juge ? Rien que de très banal et assez limité en somme (ce qui paradoxalement a pu rassurer les magistrats de la chambre criminelle !). L'auteur serait de sexe masculin, ses yeux de « couleur marron foncée », sa peau « claire tendance mat » et les cheveux de couleur « châtain ou brun/noir tendance foncée ». Il suffit donc de lentilles de couleur portées par l'auteur au quotidien et d'une coloration des cheveux voire d'une peu de fond de teint et notre homme n'est pas prêt d'être arrêté sur sa mine. D'un autre côté, ils doivent être nombreux les bruns aux yeux marron qui n'ont pas d'alibi pour les jours en cause.
69Peut-on espérer des « portraits robots génétiques » plus précis ? La taille ou la corpulence ? Les spécialistes sont très prudents, De nombreux caractères morphologiques sont multi-géniques, y compris la couleur des yeux et le même gène qui influe sur la corpulence se traduira de façon bien différente selon que la croissance se sera effectuée dans tel ou tel environnement alimentaire et social. Croire à la vérité absolue du portrait robot génétique peut aussi conduire à négliger une bonne piste. Bref, le miracle scientifique n'est pas pour demain. Et la « révélation » des caractères morphologiques pas si nette et si sûre qu'on pourrait le croire. Il ne faudrait pas en revanche que la fièvre scientiste gagne les enquêteurs et ne leur fassent négliger d'autres pistes d'enquête.
70Cet arrêt n'est pas une bonne nouvelle pour la nécessité de contenir la progression des frais de justice mais il n'est pas si sûr qu'il fasse faire d'énormes progrès aux enquêtes.
71La solution de la chambre criminelle est-elle par ailleurs bien conforme à la recommandation R(92) du conseil de l'Europe qui n'envisageait en matière pénale que l'identification par les empreintes et pas l'examen des caractéristiques génétiques et qui, au surplus, recommanda leur mise en œuvre de « façon fiable ». En est-on là au vu des réserves des scientifiques rappelées ci-dessus ?
72Examinant la loi sur l'immigration de 2007, le Conseil constitutionnel avait relevé (Cons. const., 15 nov. 2007, n° 2007-557 DC, § 15, AJDA 2007. 2172 ; D. 2007. 3017, point de vue F. Mélin-Soucramanien ; ibid. 2008. 1435, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1638, chron. D. Turpin ; ibid. 2025, obs. V. Bernaud et L. Gay) que pour prouver une filiation dans une procédure de regroupement familial, la loi n'autorisait pas l'examen des caractéristiques génétiques mais seulement son identification par ses seules empreintes génétiques. Enfin la décision de la CEDH (CEDH, 4 déc. 2008, n° 30562/04 et 30566/04, AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss ; D. 2010. 604, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ pénal 2009. 81, obs. G. Roussel ; RFDA 2009. 741, étude S. Peyrou-Pistouley ; RSC 2009. 182, obs. J.-P. Marguénaud) du 4 décembre 2008 dans laquelle la Cour énonce notamment qu'elle « se doit de procéder à un examen rigoureux de toute mesure prise par un État pour autoriser leur conservation [des données ADN]et leur utilisation par les autorités sans le consentement de la personne concernée » (§ 104).
73De tels antécédents jurisprudentiels de ces deux juridictions auraient dû, à notre sens, éviter à la chambre criminelle de céder si facilement aux sirènes de la preuve scientifique.
74J. D.