Notes
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[1]
L'auteur remercie chaleureusement Geneviève Giudicelli-Delage et Christine Lazerges de lui témoigner leur confiance en lui ouvrant les portes de cette chronique.
-
[2]
« Nous sommes aujourd'hui en capacité de présenter un projet de loi qui va quand même changer le paradigme, qui va changer le paradigme sur l'appréhension que nous avons du phénomène délinquant (…). C'est donc un projet de loi ambitieux qui inclut plusieurs ruptures », Discours de Christiane Taubira, Visite au Service pénitentiaire d'insertion et de probation de Melun, 5 juill. 2013.
-
[3]
Christiane Taubira : Le tout-carcéral augmente les risques de récidive, Le Monde.fr, 19 sept. 2012.
-
[4]
Christine Lazerges, La tentation du bilan 2002-2009 : une politique criminelle du risque au gré des vents, cette Revue 2009. 689.
-
[5]
Pour n'en citer qu'un : l'adoption des peines planchers affichant une volonté d'enfermement massive des délinquants violents et récidivistes (C. pén., art. 131-19-1 et 2), contredite par l'obligation introduite par la loi pénitentiaire du 24 nov. 2009 d'aménager les peines inférieures à deux ans d'emprisonnement ou à un an pour les récidivistes (C. pr. pén., art. 723-15).
-
[6]
Loi n° 2012-954 du 6 août 2012, adoptée au lendemain de la censure du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, décis. n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 (Cons. const., 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC, AJDA 2012. 1490, étude M. Komly-Nallier et L. Crusoé ; D. 2012. 1372, note S. Detraz ; ibid. 1177, édito. F. Rome ; ibid. 1344, point de vue G. Roujou de Boubée ; ibid. 1392, entretien C. Radé ; ibid. 2917, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et T. Potaszkin ; ibid. 2013. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1235, obs. REGINE ; ibid. 1584, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; AJ pénal 2012. 482, obs. J.-B. Perrier ; Dr. soc. 2012. 714, note B. Lapérou-Scheneider ; ibid. 720, chron. R. Salomon et A. Martinel ; ibid. 944, obs. L. Lerouge ; cette Revue 2012. 371, obs. Y. Mayaud ; ibid. 380, obs. A. Cerf-Hollender ; ibid. 2013. 436, obs. B. de Lamy). Sur cette nouvelle définition, V. not. Guillaume Beaussonie, Loi relative au harcèlement sexuel, cette Revue 2012. 906 ; Philippe Conte, Invenias disjecti membra criminis : lecture critique de la nouvelle définition du harcèlement sexuel, Droit pénal 2012. Étude 24 ; E. Dreyer, Commentaire des dispositions de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, Gaz. Pal. 2012, n° 301, p. 8.
-
[7]
Qui ne fait que confirmer une politique pénale constante en la matière depuis les années 1990 : J. Alix, Fallait-il étendre la compétence des juridictions pénales en matière terroriste ? (à propos de l'article 2 de la loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme), D. 2013. 518 ; M.-H. Gozzi, Sécurité et lutte contre le terrorisme : l'arsenal juridique encore renforcé, D. 2013. 194 ; D. Brach-Thiel, AJ pénal 2013. 90.
-
[8]
O. Boscovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert, K. Parrot, Chronique Droit des étrangers et de la nationalité, D. 2013. 324.
-
[9]
Ni la directive du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, ni celle du 25 oct. 2012 relative aux droits des victimes n'ont été transposées, semble-t-il parce que le délai de transposition n'est pas encore expiré. Sur l'impact de ces textes sur le droit français, V. E. Vergès, Chronique législative : Émergence européenne d'un régime juridique du suspect, une nouvelle rationalité juridique, cette Revue 2012. 635 et Chronique législative : Un corpus juris des droits des victimes : le droit européen entre synthèse et innovations, cette Revue 2013. 121. La méthode retenue par cette loi est discutable. La transposition des directives par et dans des lois fourre-tout prive d'une grosse partie de la réflexion qu'implique l'intégration de la norme européenne et internationale dans l'ordre juridique interne. Pourtant, le texte « adapte notre législation pénale à sept textes de l'Union européenne (trois directives, deux décisions-cadre, une décision et un accord international conclu par l'Union européenne) et à quatre instruments internationaux, adoptés dans le cadre du Conseil de l'Europe ou dans celui des Nations unies » et réagit à 2 décisions des juridictions européennes (M. Karamanli, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, 2013, n° 840, p. 9). Ajoutons que cette loi a rompu avec la numérotation du C. pén. en introduisant des art. 224-1 A,B et C qui précèdent désormais l'art. 224-1…
-
[10]
Loi n° 2013-669 du 25 juill. 2013, commentée, infra, I B.
-
[11]
Circulaire de politique pénale CRIM 2012-16/E-19.09.2012.
-
[12]
Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, Assemblée nationale, 2013, n° 1011, complété par le Projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, n° 1019.
-
[13]
Projet de loi relatif à la lutte contre la récidive et à l'individualisation des peines, NOR : JUSX1322682L.
-
[14]
Projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, Assemblée nationale, 2013, n° 815.
-
[15]
F. Hollande : « L'indépendance n'est pas une concession, c'est une exigence à accorder aux justiciables », cité dans : François Hollande propose de supprimer la Cour de justice de la République, Le Monde, 7 févr. 2012.
-
[16]
M. Segonds, (Ré)écrire le(s) délit(s) de corruption, AJ pénal 2006. 193 ; W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent, JCP 2002. I. 166 ; F. Stasiak, Les règles de forme du délit de corruption (ou pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?), in Mélanges en l'honneur du Professeur Jacques-Henri Robert, LexisNexis, 2012, p. 737 ; O. Cahn, La politique criminelle de lutte contre la corruption en France ou la théorie du chapon, in Mélanges en l'honneur de Christine Lazerges, Dalloz, 2014, à paraître.
-
[17]
OCDE, Rapport de phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption, oct. 2012, http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/FrancePhase3fr.PDF ; C. Cutajar, La France et la lutte contre la corruption d'agents publics : un rapport accablant ! À propos du rapport de l'OCDE du 23 oct. 2012, JCP 2012, AR, 1190.
-
[18]
Transparency International France, État de droit menacé : l'indispensable réforme de la justice financière, juin 2011, http://www.transparency-france.org/e_upload/pdf/ti_france_rapport_moyens_de_la_justice_juin_2011.pdf.
-
[19]
Initiative des poursuites réservée à l'administration fiscale en matière de fraude fiscale, dite « verrou de Bercy » ; rejet de l'action civile des associations de lutte contre la corruption (sous réserve d'une décision en sens contraire : Crim., 9 nov. 2010, n° 09-88.272, D. 2010. 2707, obs. S. Lavric ; ibid. 2641, édito. F. Rome ; ibid. 2760, entretien G. Roujou de Boubée ; ibid. 2011. 112, point de vue M. Perdriel-Vaissière ; cette Revue 2011. 858, obs. X. Salvat, rendue dans l'affaire dite des « biens mal acquis »).
-
[20]
Liées au statut du ministère public, détenteur de l'action publique, not. en matière de corruption : cf. infra.
-
[21]
Nouvelles lois de réaction, dénoncées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans son Avis sur la probité de la vie publique, 27 juin 2013, § 7.
-
[22]
C. Cutajar, Plaidoyer pour suppression du « verrou de Bercy ». À propos du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, JCP 2013. 728.
-
[23]
Ibid.
-
[24]
CNCDH, Avis sur la probité, 27 juin 2013, § 33.
-
[25]
Ibid.
-
[26]
J.-H. Robert, Nul ministre ne plaide par procureur, Dr. pénal 2013. Repère 7.
-
[27]
Qui craignait une « privatisation de l'action publique » : Sénat, Débats, séance du 17 juill. 2013 (not. les interventions de J.-J. Hyest et G. Longuet).
-
[28]
Comme il vient de le faire par la loi du 5 août 2013, introduisant dans le code de procédure pénale un art. 2-22 ouvrant la constitution de partie civile aux associations ayant pour objet statutaire la lutte contre la traite des êtres humains et l'esclavage.
-
[29]
Art. 122-46 s. de l'avant-projet de réforme du C. pr. pén., version du 1er mars 2010 soumise à concertation.
-
[30]
Réforme de la procédure pénale : l'action citoyenne, nouvel outil de lutte contre la corruption transnationale ?, C. Cutajar et M. Perdriel-Vaissière, D. 2010. 1295.
-
[31]
La CNCDH, dans son avis précité, avait demandé le retrait de cette condition. À ce jour, seuls trois types d'associations autorisées à se constituer partie civile par le C. pr. pén. sont soumises à cet agrément : les associations de défense de la langue française (art. 2-14), les associations de victimes d'accidents collectifs ou d'accidents survenus dans un transport collectif (art. 2-15) et les associations de protection du patrimoine archéologique (art. 2-21).
-
[32]
O. Cahn, dans son article précité, estime que cet agrément permet à l'État de « choisir les éventuels contradicteurs du ministère public ».
-
[33]
Alors que la Cour européenne des droits de l'homme a expressément considéré que la soumission des associations étrangères (n'ayant pas d'établissement en France) à l'exigence de déclaration à la préfecture est constitutive d'une violation du droit d'accès au juge (à propos de la condition générale de respect de l'art. 5 de la loi de 1901) : CEDH, 15 janv. 2009, n° 36497/05 et 37172/05, Ligue du monde islamique et organisation islamique mondiale du secours islamique c/ France, D. 2009. 374, obs. M. Léna ; ibid. 2771, obs. J.-F. Renucci ; cette Revue 2009. 134, obs. A. Giudicelli et Crim., 8 déc. 2009, n° 09-81.607, Bull. crim. 2009, n° 205 : D. 2010. 202, obs. M. Léna ; ibid. 2254, obs. J. Pradel ; ibid. 2323, obs. L. d'Avout et S. Bollée ; AJ pénal 2010. 142, obs. L. Ascensi ; cette Revue 2010. 182, obs. A. Giudicelli.
-
[34]
C. pr. pén., art. 85.
-
[35]
En témoigne l'affaire précitée dite des « biens mal acquis », dans laquelle la procédure a finalement été initiée par une association dont la constitution de partie civile a été jugée recevable sur le fondement de l'art. 2 C. pr. pén. V. également le Rapport préc. de l'organisation Transparency International France.
-
[36]
Même si cette la portée de cette abrogation est largement diminuée par le jeu des règles du droit pénal international : O. Cahn, La politique criminelle de lutte contre la corruption en France ou la théorie du chapon, op. cit., ; J. Lelieur, La loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption : quelles avancées du droit français par rapport aux exigences du droit international ?, Dr. pénal 2008. Étude 25.
-
[37]
Y. Galut, Rapport fait au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, Assemblée nationale, 2013, n° 1130 et 1131, p. 26.
-
[38]
Projet d'art. 705 C. pr. pén. : « Le procureur de la République financier, le juge de l'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions suivantes »…
-
[39]
Elle a d'ailleurs été rejetée par le Sénat : séance du 18 juill. 2013.
-
[40]
J.-J. Hyest, Sénat, Débats, séance du 18 juill. 2013.
-
[41]
Art. 38-2 de l'ord. n° 58-1270 du 22 déc. 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature tel que modifié par le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale le 17 sept. 2013.
-
[42]
La nomination de ce procureur financier devait, elle aussi, bénéficier de la réforme avortée du Conseil supérieur de la magistrature qui prévoyait une nomination après avis conforme de cette instance.
-
[43]
CNCDH, Avis sur la probité, préc., § 29.
-
[44]
Du moins dans ses 60 engagements pour la France : « Je garantirai l'indépendance de la justice et de tous les magistrats : les règles de nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet ; je réformerai le Conseil supérieur de la magistrature. J'interdirai les interventions du gouvernement dans les dossiers individuels. Je remettrai à plat la procédure pénale pour la rendre efficace dans le respect des principes fondamentaux de l'État de droit. », F. Hollande, Mes 60 engagements pour la France, 22 avr. 2012.
-
[45]
Justice must not only be done ; it must also be seen to be done.
-
[46]
Projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, Assemblée nationale, 2013, n° 815.
-
[47]
Le projet comportait deux axes. D'abord, comme l'indiquait son titre, la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Il s'agissait de rétablir la majorité des magistrats dans cette enceinte. Ensuite, la nomination et la carrière des magistrats du parquet. Il s'agissait là de conférer aux avis du Conseil supérieur de la magistrature un caractère obligatoire en imposant qu'ils soient conformes et pas simplement consultatifs. Le Sénat ayant refusé la première disposition (Sénat, séance du 3 juill. 2013), le gouvernement a suspendu la réforme, estimant ne pas pouvoir, dans ces conditions, réunir le Congrès : Le gouvernement suspend la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, LeMonde.fr, 4 juill. 2013. Relevons tout de même que la modification des conditions de nomination des magistrats du parquet avait été adoptée et semble donc faire l'objet d'un consensus. Ne faut-il pas, dès lors, privilégier la voie d'une réforme constitutionnelle exclusivement consacrée au statut des magistrats du parquet ?
-
[48]
Nouvel art. 30 C. pr. pén.
-
[49]
Présentation du texte sur le site du ministère de la Justice.
-
[50]
L'art. 36 C. pr. pén. dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004 n'est pas modifié : « Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes ».
-
[51]
Art. 35 C. pr. pén. N'assiste-t-on pas à une bureaucratisation excessive du fonctionnement des parquets ? Sans même parler de la nouvelle obligation de présentation du Rapport à l'Assemblée des magistrats, consacrant ainsi implicitement le rôle des magistrats du siège dans la politique pénale dont on peut s'interroger sur la compatibilité avec les exigences d'impartialité et d'indépendance (C. pr. pén., art. 39-1).
-
[52]
CEDH, 29 mars 2010, n° 3394/03, Medvedyev c/ France, AJDA 2010. 648 ; D. 2010. 1386, obs. S. Lavric, note J.-F. Renucci ; ibid. 952, entretien P. Spinosi ; ibid. 970, point de vue D. Rebut ; ibid. 1390, note P. Hennion-Jacquet ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ; cette Revue 2010. 685, obs. J.-P. Marguénaud ; CEDH, 23 nov. 2010, n° 37104/06, Moulin c/ France, AJDA 2011. 889, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2011. 338, obs. S. Lavric, note J. Pradel ; ibid. 2010. 2761, édito. F. Rome ; ibid. 2011. 26, point de vue F. Fourment ; ibid. 277, note J.-F. Renucci ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ; cette Revue 2011. 208, obs. D. Roets ; CEDH, 27 juin 2013, n° 62736/09, Vassis c/ France, D. 2013. 1687, obs. O. Bachelet ; AJ pénal 2013. 549, obs. G. Roussel.
-
[53]
Crim., 15 déc. 2010, n° 10-83.674, D. 2011. 338, obs. S. Lavric, note J. Pradel ; cette Revue 2011. 142, obs. A. Giudicelli.
-
[54]
S. Guinchard, Procédure pénale, Paris, LexisNexis, 2011, n° 414.
-
[55]
Salas et Ph. Milburn, « Les procureurs de la République. De la compétence personnelle à l'identité collective », Archives de politique criminelle, 2007, p. 95-115.
-
[56]
Comment, en effet, ne pas regretter cette occasion manquée de ne pas à nouveau poser la question d'une police judiciaire rattachée au ministère de la Justice.
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[57]
J. Carbonnier, Sociologie juridique, Paris, PUF, 2004, 2e éd., p. 400.
-
[58]
Constitutive, par les conditions de détention qu'elle implique le plus souvent, d'un traitement inhumain et dégradant : CEDH, 25 avr. 2013, n° 40119/09, Canali c/ France, D. 2013. 1138, obs. M. Lena ; AJ pénal 2013. 403, note J.-P. Céré, § 53 : « L'effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles d'hygiène ont provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d'infériorité propres à l'humilier et à le rabaisser. Dès lors, la Cour estime que ces conditions de détention s'analysent en un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition ». V. déjà, CEDH, 22 oct. 2009, n° 17599/05, Norbert Sikorski c/ Pologne, cette Revue 2010. 645, chron. P. Poncela, § 132 : « À chaque fois que la Cour sera saisie par un détenu se plaignant d'une incarcération prolongée dans une cellule où il ne dispose pas d'un espace personnel d'au moins 3 m², il existera une forte présomption que l'article 3 de la Convention a été violé ».
-
[59]
Le recours massif aux partenariats public-privé dans la gestion du parc pénitentiaire a pour effet de dissocier budgétairement les dépenses d'investissement et les dépenses d'exploitation (loyers) qui permet un report de la dépense. La Cour des comptes relève ainsi, à propos du contrat « 13200 places » : « Ce contrat de PPP représente un coût, intérêts compris, de près de 2 Mds € sur la période 2011 à 2038. Le montant total des intérêts au cours de la période s'élèvera à plus de 266 M €. Le montant total des loyers versés au titre de ce seul contrat passera de 19 M € en 2011 à 53,6 M € en 2012, et poursuivra une croissance annuelle pour atteindre 92,4 M € en 2037 » : Cour des comptes, Les partenariats public-privé pénitentiaires, 2011, p. 84.
-
[60]
Cet éloignement temporel entre le prononcé de la sanction et son exécution, à nouveau stigmatisée dans le projet de loi, anéantit le sens même de la peine lorsque celle-ci n'est pas exécutée, ou exécutée plusieurs années après les faits. Beccaria l'écrivait déjà en 1764 (Traité des délits et des peines, ch. XIX).
-
[61]
Malgré la difficulté d'évaluer la récidive (et sa variabilité selon l'âge et le type d'infractions), la récidive ne diminue pas depuis une dizaine d'années malgré l'augmentation significative du taux d'incarcération. V. not. « Mesurer la récidive », Contribution du Service statistique du ministère de la Justice à la Conférence de consensus, janv. 2013 ; F. Leturcq, Peines planchers : application et impact de la loi du 10 août 2007, Infostat Justice oct. 2012, n° 118 ; A. Kensey et A. Benaouda, Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation, Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, 2011 n° 36.
-
[62]
Car il faut (faudra) anticiper la sortie, et en fin de peine doivent (devront) primer les fonctions de prévention et de réinsertion.
-
[63]
http://conference-consensus.justice.gouv.fr
-
[64]
Dont la discussion au Parlement est prévue au printemps 2014.
-
[65]
Projet de loi relatif à la lutte contre la récidive et à l'individualisation des peines, Exposé des motifs.
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[66]
C. pén., art. 132-19- 2, introduit par la loi du 14 mars 2011.
-
[67]
Récidive qui, si elle n'a pas explosé comme le fait penser une lecture rapide des chiffres, a néanmoins continué de progresser depuis l'introduction des peines planchers : « Sur la période 2004-2010, le nombre de condamnations prononcées en récidive a été multiplié par plus de 2, alors que le nombre des condamnations prononcées hors récidive est demeuré relativement stable. Le taux de récidive dans les condamnations s'est ainsi accru, passant de 5 % en 2004 à 13 % en 2010. Cette évolution ne reflète pas une explosion de la récidive au sens criminologique, elle s'explique davantage par les changements législatifs décrits ci-dessus ainsi que par les pratiques des juridictions qui enregistrent de façon plus systématique la récidive. Cette hypothèse est confirmée par le fait que le rythme de progression des condamnations avec réitération, qui s'établit autour de 5 % par an sur la période, soit sensiblement le rythme de progression de l'ensemble des condamnations » : Fabrice Leturcq, Peines planchers : application et impact de la loi du 10 août 2007 , Infostat Justice, oct. 2012, n° 118. Ce constat de l'échec des peines d'exclusion n'est pas propre à la France : V. M. Haravon, Tolérance zéro : où en est le tout-carcéral en Angleterre et aux États-Unis ?, D. 2013. 2235.
-
[68]
Projet d'art. 5.
-
[69]
V. déjà, J.-L. Warsmann, Rapport de la mission parlementaire : « Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison », 28 avr. 2003.
-
[70]
Projet d'art. 707 C. pr. pén. : « IV. - Toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté, dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte, afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ».
-
[71]
Projet d'art. 720 et 730-3 C. pr. pén.
-
[72]
Telle est la situation en droit positif français (même les condamnés à la réclusion à perpétuité réelle ont vocation à être libérés : art. 720-4 C. pr. pén.). Telle est également la situation imposée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur les peines perpétuelles : V. récemment, CEDH, 9 juill. 2013, n° 66069/09, Vinter c/ Royaume-Uni, D. 2013. 2081, obs. M. Lena, note J.-F. Renucci ; AJ pénal 2013. 494, obs. D. van Zyl Smit, § 119 : « En ce qui concerne les peines perpétuelles, l'article 3 doit être interprété comme exigeant qu'elles soient compressibles, c'est-à-dire soumises à un réexamen permettant aux autorités nationales de rechercher si, au cours de l'exécution de sa peine, le détenu a tellement évolué et progressé sur le chemin de l'amendement qu'aucun motif légitime d'ordre pénologique ne permet plus de justifier son maintien en détention ».
-
[73]
Dont les modalités retenues actuellement vont déjà beaucoup plus loin que l'actuel art. 723-28 qui prévoit, à la toute fin des courtes peines d'emprisonnement, le principe d'un placement sous surveillance électronique.
-
[74]
Y contribuent également les dispositions mettant fin aux révocations automatiques des sursis simples : projet d'art. 132-36 C. pén. On peut s'interroger sur la pertinence de cette mesure au regard du sens de la peine. Par hypothèse, la peine « avec sursis » est une peine prononcée en attente d'être exécutée (ou pas). Une amélioration de l'information de la juridiction de jugement aurait peut-être suffi à éviter les dérives du système, « les révocations intervenant en aveugle de façon inopportune » (exposé des motifs) sans altérer le sens de la peine prononcée.
-
[75]
Compte tenu de la nécessité - imposée par les organes de protection des droits fondamentaux - de réduire la population carcérale et de l'impossibilité financière de construire de nouvelles places de prison (V. supra, notes 58 et 59).
-
[76]
Sous réserve de l'apparente atteinte à l'autorité de la chose jugée qu'elle légitime… En réalité, il n'y a pas d'atteinte à l'autorité de la chose jugée si l'on admet que celle-ci s'attache à la déclaration de la culpabilité, seule expression de la vérité judiciaire. La peine, elle, n'est pas l'expression d'une vérité mais exprime la mesure de la réaction sociale à l'infraction. Mais l'atteinte est apparente : elle est même l'argument invoqué par le projet de loi pour justifier la remise en cause de ce seuil d'aménagement. Au contraire, la résolution de cette contradiction nuisible au sens de la peine pourrait conduire à s'interroger sur l'intérêt de généraliser la césure du procès pénal et de confier intégralement au juge de l'application des peines le prononcé et l'application des peines (en le transformant en un juge des peines)… On peut aussi admettre, avec Michel van de Kerchove, que le prononcé de la peine est déjà une peine à part entière : M. van de Kerchove, Quand dire, c'est punir. Essai sur le jugement pénal, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2005, p. 223 s.
-
[77]
Rappelons qu'elle avait été adoptée sous la précédente législature.
-
[78]
S. Portelli, La contrainte pénale, Dalloz actualité, 9 sept. 2013.
-
[79]
Recommandation CM/Rec(2010)1 du Comité des Ministres aux États membres sur les règles du Conseil de l'Europe relatives à la probation ; Recommandations 1 et 3 du jury de la Conférence de consensus.
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[80]
Qui ont, notamment, été exprimées par le ministre de l'Intérieur : La lettre de Valls à Hollande qui torpille la réforme Taubira, Le Monde, 13 août 2013.
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[81]
Le positionnement proposé à l'article 131-8-2 C. pén., après le travail d'intérêt général et la sanction-réparation, conduisent à penser qu'il s'agit plutôt d'une peine alternative à l'emprisonnement, même si la rédaction ne fait pas référence à l'emprisonnement : comparer les termes des art. 131-8, 131-8-1 et le projet d'art. 131-8-2.
-
[82]
Proximité des obligations imposées au délinquant, proximité de la sanction de leur non-exécution.
-
[83]
Not. parce que le sursis avec mise à l'épreuve peut n'être prononcé que partiellement, en complément d'une partie d'emprisonnement ferme, et pour des infractions faisant encourir bien plus de cinq ans d'emprisonnement dès lors que le critère de son prononcé n'est pas la peine encourue mais la peine prononcée.
-
[84]
Introduite par la loi du 25 févr. 2008. Sur cette mesure, V. not. Ph. Conte, Aux fous ?, Dr. pénal 2008, Repères n° 4 ; B. de Lamy, La rétention de sûreté : pénal or not pénal, cette Revue 2009. 166 ; Christine Lazerges, La rétention de sûreté : le malaise du Conseil constitutionnel, cette Revue 2008. 731 ; Y. Mayaud, La mesure de sûreté après la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-562 DC du 21 février 2008, D. 2008. 1359 ; J. Alix, Une liaison dangereuse. Dangerosité et droit pénal en France, in La dangerosité saisie par le droit pénal, Ch. Lazerges et G. Giudicelli-Delage (dir.), PUF, 2011, p. 49-78.
-
[85]
Y. Mayaud, La mesure de sûreté après la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-562 DC du 21 février 2008, D. 2008. 1364.
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[86]
Budget en augmentation de 1,7 % en 2014 après avoir augmenté de 4,2 % en 2013 : ministère de la Justice, Présentation du projet de budget de la Justice pour 2014.
1C'est une chance de faire ses premiers pas à la « Chronique de politique criminelle » peu après l'arrivée au pouvoir d'un Président de la République qui avait annoncé, ici comme ailleurs, un « changement ». La garde des Sceaux avait même été plus loin, promettant de rompre [2] avec une politique criminelle dénoncée comme excessivement sécuritaire [3], mais avant tout rendue complètement illisible par une « hyperinflation pénale » [4] et qui n'était pas dénuée de paradoxes [5]. Un peu plus d'un an après l'alternance politique, quel bilan peut-on déjà esquisser de la politique criminelle élaborée par le nouveau gouvernement ?
2Le premier constat est que la rupture annoncée n'a pas (encore) eu lieu. Aucune loi pénale majeure n'a été adoptée au cours de cette première année de la législature. Ni la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel [6], ni la loi 21 décembre 2012 relative à la lutte contre le terrorisme [7], ni la loi du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier [8], ni encore la loi du 5 août 2013 transposant certaines [9] obligations issues des engagements internationaux de la France, ni même la loi 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique [10] n'auront permis de rompre avec une politique criminelle pourtant si décriée. Ces lois n'auront du reste pas non plus permis d'identifier clairement la politique criminelle qu'entend conduire le gouvernement. À cet égard, des orientations ont été fournies par une circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 [11], qui n'a cependant ni la vocation, ni le pouvoir de contredire les lois en vigueur. À ces quelques instruments, il faut ajouter, pour chercher des indicateurs de politique criminelle, les projets et propositions de loi en cours (ou en perspective) de discussion, en particulier le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière [12] ainsi que le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines [13].
3Que nous révèlent ces lois adoptées, projetées voire abandonnées [14] ? Bien loin de fixer un cap intelligible, elles révèlent avant tout les hésitations qui minent la politique pénale. Ces hésitations affectent non seulement l'institution judiciaire et les acteurs qui la font vivre (I), mais encore la politique de la sanction pénale à mettre en œuvre (II).
I - Quelle politique institutionnelle ?
4C'est sur la question institutionnelle que les propositions étaient les plus fermes, de rendre l'institution judiciaire, une fois pour toutes, véritablement indépendante [15]. L'affaire semblait soulever une large adhésion. Pourtant, les discours semblent aujourd'hui un horizon dont les actes s'éloignent progressivement. L'étude des acteurs de la lutte contre la corruption tels que les dessine le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale (A) et du statut plus général du parquet (B) relègue l'indépendance de l'institution judiciaire, une nouvelle fois, au rang de vœu pieux et révèle que les tergiversions et les compromis ont largement guidé la production normative.
A - Les acteurs de la lutte contre la délinquance économique et financière
5Malgré un dispositif existant déjà très complet - voire excessivement complexe - de lutte contre la corruption, la faible efficacité du système français est dénoncée, tant par la doctrine [16] que par les organisations internationales [17] ou non gouvernementales [18]. En particulier, le système, quoi que potentiellement performant, achopperait sur les restrictions [19] et les résistances [20] institutionnelles : en cette matière, peut-être plus qu'en toute autre, la question des acteurs de la poursuite est essentielle, compte tenu des accointances possibles entre délinquants et décideurs. Les projets de loi présentés au lendemain de l'affaire Cahuzac [21] entendent renforcer l'efficacité du système de lutte contre la grande délinquance économique et financière en associant lutte contre la corruption et lutte contre la fraude fiscale. D'un point de vue institutionnel, la lutte contre la corruption et la fraude fiscale fait l'objet d'une répression ciblée confiée à des acteurs spécifiques que le projet de loi pérennise, institue ou renforce : le ministère de l'Économie et des Finances, les associations et les parquets.
L'administration fiscale
6L'intervention de l'administration fiscale au procès pénal en matière de fraude fiscale est prévue par l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales. Cette particularité de la procédure pénale française, qui serait justifiée par la dimension budgétaire de la fraude fiscale, a pour conséquence que, « à la différence des autres délits, la fraude fiscale ne peut être poursuivie d'office par le procureur de la République. Celui-ci ne peut mettre en mouvement l'action publique que si l'administration fiscale a préalablement déposé une plainte. L'opportunité des poursuites est ainsi conférée à l'administration fiscale qui l'exerce sur avis conforme de la Commission des infractions fiscales (CIF) comme le prévoit l'article L. 228, alinéa 1du Livre des procédures fiscales. La CIF n'ayant pas une nature juridictionnelle, la jurisprudence considère que l'avis n'a pas à être motivé » [22]. Si la « dimension budgétaire » de la fraude fiscale peut justifier, dans une certaine mesure - et encore -, que la qualification (et la procédure) fiscale soit préférée à la qualification (et la procédure) pénale, une telle alternative n'est guère envisageable lorsque la fraude est de grande ampleur et s'accompagne de phénomènes de corruption et de blanchiment. Dans ces conditions, maintenir le monopole de l'administration fiscale pour déclencher les poursuites en matière de fraude fiscale de grande ampleur « heurte de front le principe de justice » [23] : « elle permet des arrangements opaques et en opportunité contraires au principe d'égalité devant l'impôt » et devant la justice [24]. Davantage, elle est contraire à l'efficacité de la répression dès lors que « la fraude fiscale, qui constitue pourtant une atteinte dangereuse au pacte social, apparaît ainsi comme une infraction moins grave et moins illégitime dès lors qu'elle peut « se régler à l'amiable » [25].
7 La quête d'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale - et indirectement contre la corruption -, devait logiquement conduire à abolir cette procédure d'une autre époque. Tel ne sera pas le cas : en l'état, le projet de loi ne revient pas sur ce verrou administratif, ce verrou de l'exécutif [26].
Les associations de lutte contre la corruption
8Mais la fraude fiscale n'est qu'un aspect de la grande délinquance économique et financière, et sur le front de la lutte contre la corruption, le projet a ouvert une brèche. Malgré l'opposition du Sénat [27], un article 2-23 du code de procédure pénale devrait voir le jour, qui autorise « toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions » traduisant un manquement au devoir de probité, de corruption et de trafic d'influence, de recel ou de blanchiment du produit de ces infractions, ainsi que de certaines infractions électorales. Progrès de la lutte contre la corruption ? Certainement.
9Toutefois, le législateur, en choisissant d'allonger la liste des associations susceptibles de déclencher l'action publique [28] suivant un modèle bien connu mais peu intelligible, a laissé passer l'occasion de réfléchir à une forme d'action plus novatrice et peut-être plus adaptée : l'action citoyenne. On se souvient que l'avant-projet de réforme du code de procédure pénale [29] envisageait l'introduction d'une « action civile exercée par une partie citoyenne » [30], qui permettait à toute personne physique ou morale de se voir reconnaître la qualité de partie citoyenne par une juridiction dès lors que cette personne présentait un intérêt légitime à agir, que l'infraction dénoncée causait un préjudice à la collectivité publique et que la dénonciation avait été suivie, soit d'une décision de classement, soit d'une inertie du parquet. Une telle action avait vocation à concerner essentiellement les faits de corruption ou de grande délinquance économique, ou encore de délinquance environnementale, sans pour autant être restrictive quant au type de criminalité en cause ou quant à la structure des personnes susceptibles d'accéder à la qualité de partie citoyenne.
10Sur cet aspect que le texte relatif à la fraude fiscale est excessivement restrictif lorsqu'il prévoit que ne pourra se constituer partie civile qu'une « association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption », et uniquement pour des infractions déterminées. En particulier, l'exigence d'un agrément administratif dont les conditions d'obtention seront fixées par décret est problématique [31] : qui en bénéficiera effectivement [32] ? cet agrément n'exclut-il pas de facto les associations étrangères [33] ?
11On peut tout autant regretter que le projet de loi ne revienne sur la priorité conférée au ministère public dans le déclenchement des poursuites [34], alors que, précisément, la lutte contre la corruption et la grande délinquance économique et financière reste un domaine dans lequel le ministère public fait preuve d'une extrême prudence [35]. La voie vers l'indépendance des magistrats du parquet ne passe-t-elle pas par cet accompagnement par les citoyens dans le déclenchement de l'action publique ? À cet égard, il faut néanmoins saluer l'abrogation des articles 435-6 et 435-11 instaurant un monopole des poursuites au profit ministère public dans les affaires mettant en cause des agents publics étrangers (hors Union européenne) [36]. Cette abrogation révèle que le législateur est parfaitement conscient des enjeux et des difficultés.
Le procureur de la République financier
12C'est dans cette même perspective de renforcement de l'efficacité par une autonomie accrue que s'inscrit la création d'un procureur financier. Ce procureur financier « autonome » [37] à compétence nationale aura vocation à connaître de certaines affaires économiques et financières de très grande complexité, tout en ayant, en théorie au moins, une compétence concurrente à celle des juridictions interrégionales spécialisées, des pôles financiers, mais aussi des juridictions de droit commun [38]. Cette nouvelle institution suscite plus de scepticisme que d'enthousiasme [39]. Comment prétendre améliorer la lutte contre la corruption en compliquant un peu davantage l'édifice de la lutte contre la grande délinquance financière ? Le rejet du projet par le Sénat s'est principalement fondé sur le refus de créer un « objet judiciaire non identifié » [40] au détriment du renforcement, soit des juridictions interrégionales spécialisées, soit des pôles financiers.
13À la différence des parquetiers de ces services, qui sont placés sous l'autorité du procureur de la République, le procureur financier serait placé « aux côtés du procureur de la République », soit sous l'autorité du procureur général de Paris, après avoir été nommé par décret du Président de la République sur proposition du garde des Sceaux [41] … Où l'on voit que l'autonomie n'est pas synonyme d'indépendance et que l'efficacité du dispositif est finalement abandonnée à l'éthique individuelle, nécessairement insuffisante [42]. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a relevé l'incongruité qu'il y a à concentrer « dans les mains d'une seule personne, particulièrement exposée aux pressions de toute part, l'intégralité des pouvoirs actuellement confiés à différents procureurs », alors que « le procureur de la République financier ne dispose d'aucune garantie particulière d'indépendance » [43]. D'autant moins, faut-il ajouter, que l'avènement de l'indépendance du parquet est une perspective qui s'éloigne à nouveau.
B - L'indépendance du parquet
14À bien relire le programme du candidat Hollande à l'élection présidentielle, l'indépendance du parquet était la seule véritable promesse formulée en matière de justice pénale [44] : une promesse guère révolutionnaire, mais la promesse d'une justice meilleure - au moins en apparence, ce qui, en matière de justice, compte beaucoup [45].
15Deux textes devaient consacrer cette indépendance : le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature [46] ainsi que le projet de loi relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique. L'échec du premier [47] anéantit toute perspective de voir le parquet indépendant, dès lors qu'il faut renoncer à modifier le mode de nomination et d'évolution de carrière des magistrats du ministère public. Le minimalisme du second rend encore plus criant le constat d'une institution judiciaire enfermée dans une forme d'immobilisme statutaire qui contraste fortement avec l'importance des fonctions qui lui sont conférées. La principale disposition de la loi du 25 juillet 2013 consiste à interdire expressément au ministre de la Justice d'adresser des instructions dans les affaires individuelles [48]. Un alinéa qui, à lui seul, redéfinit les rapports entre le garde des Sceaux et « ses » procureurs et « garantit l'indépendance de la justice » [49] ?
16Loin s'en faut. Si les instructions individuelles disparaissent, subsiste un fort pouvoir hiérarchique. Lien hiérarchique entre le garde des Sceaux et les procureurs généraux qui - outre le fait qu'ils sont toujours nommés par décret présidentiel sur proposition du garde des Sceaux et sans avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature - sont astreints à une obligation accrue de rendre des comptes : « Outre les rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande du ministre de la Justice, le procureur général adresse à ce dernier un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ainsi qu'un rapport annuel sur l'activité et la gestion des parquets de son ressort ». Entre les nominations et la reddition des comptes sur la mise en œuvre de la politique pénale, un maillon a disparu : les instructions individuelles. Mais la logique du système est, elle, confortée. Confortée également par la réaffirmation du pouvoir hiérarchique du procureur général sur les procureurs de la République qui ont vu leur situation pérennisée - nomination, soumission au parquet général et à ses instructions individuelles qui, elles, ne sont pas prohibées [50] - voire aggravée par une obligation accrue, ici aussi, de rendre compte de la mise en œuvre de la politique pénale [51].
17L'indépendance serait-elle, alors, renforcée par l'affirmation d'une obligation d'impartialité ? L'article 31 du code de procédure pénale dispose désormais que « Le ministère publique exerce l'action publique et requiert l'application de la loi dans le respect du principe d'impartialité auquel il est tenu ». Il s'agit ici de combattre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme [52] et de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui dénie au procureur la qualité de membre de l'autorité judiciaire « alors qu'il ne présente pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par ce texte et qu'il est partie poursuivante » [53]. Mais l'impartialité, comme l'indépendance, ne se décrète pas… Si « l'impartialité est une vertu » [54], son déploiement doit être fonctionnellement possible. L'impartialité, caractère de ce qui est impartial, sans parti-pris, objectif, n'est pas de l'essence de la fonction de magistrat du parquet : la mise en œuvre d'une politique pénale nationale et la définition d'une politique locale de sécurité, la direction de l'enquête, la définition des stratégies de poursuite ou encore la poursuite de l'accusation au procès pénal ne sont pas des fonctions détachables. Le magistrat du parquet doit prendre le parti de la loi en respectant les priorités et les directives définies par les circulaires de politique pénale et par les « Instructions permanentes » relatives au traitement de certaines infractions courantes, présentes dans chaque parquet - il est un individu doté d'une « identité collective » [55]. L'affirmation de l'impartialité par la loi du 25 juillet 2013 ne s'accompagne d'aucune mesure destinée à rendre cette impartialité effective, notamment en termes de redéfinition des compétences ou des partenariats [56] - puisque toute perspective d'évolution statutaire est pour l'heure écartée.
18Dans ces conditions, la loi du 25 juillet 2013 s'ajoute à la liste des trop nombreuses lois symboliques - celles qui n'agissent pas sur les « comportements concrets » mais sur les « représentations psychologiques » [57], et dont on se demande si elles ne sont pas précisément adoptées parce qu'elles seront dénuées d'efficacité réelle. Ni l'indépendance, ni l'impartialité des magistrats en charge du ministère public ne sortent renforcées après l'entrée en vigueur de ce texte qui, au contraire, exprime en creux le consensus qui existe sur la structure du parquet : indivisible et pyramidale - donc sur un parquet nécessairement subordonné.
19Ce maigre bilan institutionnel traduit une nouvelle fois que, du discours aux actes, il existe un fossé que seule une véritable volonté collective peut combler. Il exprime surtout les malaises et tergiversations qui privent la politique pénale d'un véritable cap. Ce constat qu'inspire le bilan institutionnel est conforté par la recherche d'indicateurs d'une politique de la sanction pénale.
II - Quelle politique de la sanction pénale ?
A - Les données du problème
20La réforme des peines est un chantier inévitable. Inévitable pour des raisons conjoncturelles - le contexte de surpopulation carcérale [58], le coût de la prison [59], mais encore l'encombrement des services en charge de l'exécution des peines qui alourdit dangereusement les délais de mise à exécution de la peine [60] - qui, de façon réaliste, portent nécessairement vers une rationalisation du recours à l'emprisonnement. Inévitable pour des raisons structurelles : la protection de la société comme l'exigence de réinsertion mènent à une conclusion identique. Protéger la société de la récidive - assurer la fonction de prévention spéciale endossée par la peine - ne peut se faire que par le recours à des peines efficaces, des peines qui punissent tout en rééduquant le délinquant (en le corrigeant, pourrait-on écrire) ; réinsérer les délinquants exige, à l'heure où les réflexions et les dispositifs existent, de multiplier les peines dites de « contrôle social » - dont il ne faut pas négliger la dimension punitive et coercitive pour le délinquant.
21Les fonctions assignées à la peine - telles que nous les indique l'actuel article 132-24 du code pénal - sont en effet plurales, semblent parfois contradictoires, mais doivent néanmoins être conciliées : protection effective de la société, sanction du condamné, respect des intérêts de la victime, nécessité de favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions. On peut enfermer cette multiplicité derrière le triptyque répression-prévention-(ré)insertion. Or, l'on sait qu'aujourd'hui, la prison échoue à concilier ces fonctions. Sauf pour quelques délinquants rationnels, la prison n'est pas préventive (car elle n'est pas dissuasive) [61] ; sauf pour quelques détenus exceptionnels, elle est un facteur de désinsertion sociale. Ainsi, la prison doit être réservée aux délinquants pour lesquels la fonction répressive prime légitimement toutes les autres - dans un premier temps [62]. Pour les autres situations délictuelles, la prison n'est pas la bonne réponse parce qu'elle n'est pas protectrice de la société, parce qu'elle est désinsérante et qu'elle ne constitue pas, par conséquent, un rempart contre la récidive.
22C'est dans ce contexte pénal, économique et social que s'inscrit le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines. Annoncé en juillet 2012, suivi par l'instauration d'une Conférence de consensus sur la prévention de la récidive [63] chargée d'élaborer des Recommandations en ce sens, le projet de loi [64] est sous-tendu par une philosophie de rupture affichée, mais est servi par des dispositions qui peinent à masquer une autre réalité : en l'absence d'une politique de la sanction pénale assumée, l'analyste se perd dans des dispositions peu intelligibles qui traduisent en réalité, une nouvelle fois, les tergiversations - voire les résistances - qui ont présidé à l'élaboration du texte.
B - Les réponses au problème
23Le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines part du constat que le droit de la peine, incessamment modifié, « est devenu particulièrement complexe, parfois contradictoire et pour partie contestable au regard des principes qui le régissent » [65]. Le projet lui-même n'échappe ni à cette complexité, ni à ces contradictions dénoncées. Avant même d'être discuté au Parlement, le texte est déjà rendu inintelligible par les compromis auxquels il a donné lieu. Ces compromis affectent encore davantage la compréhension de la politique pénale qui le sous-tend, et un grand absent apparaît à la lecture du texte : le mot « humanisme ». Pourtant, c'est tout l'esprit de la réforme. (Ré)instaurer un équilibre entre le délinquant et la société dans la politique de sanction pénale, c'est (ré)humaniser celle-ci en réaffirmant la nécessité de croire en l'homme et en sa capacité de désistance - pour peu que l'État y mette les moyens. La lettre du texte est en retrait, rongée par les compromis et les renoncements.
Compromis
24Le premier compromis conduit à abroger les peines planchers tout en réduisant le seuil d'aménagement des peines ab initio.
25Pourquoi abroger les peines planchers ? Parce que ces peines minimales prononcées en principe par un juge, initialement réservées aux cas de récidive puis étendues à des infractions violentes commises par des délinquants primaires [66], n'ont pas permis de lutter contre la récidive [67]. En revanche, elles ont incontestablement produit un envoi accru vers la détention [68]. Pourquoi donc conserver des peines qui n'ont pas rempli l'objectif qui leur était assigné et qui ont aggravé le phénomène de surpopulation carcérale, tout limitant - de façon inutile, donc - le principe constitutionnel d'individualisation de la peine. L'abrogation des peines planchers traduira le retour à la confiance envers une institution judiciaire responsable et capable de prononcer les peines adaptées à chaque situation, la réintroduction du principe d'individualisation des peines dans toute sa plénitude. Or, ce principe d'individualisation de la peine n'est pas une fin en soi ; il est un principe-outil, le moyen d'un traitement judiciaire individualisé destiné à assurer une efficacité optimale des fonctions de la peine. Assuré dans sa plénitude, le principe d'individualisation des peines doit permettre, à l'issue du processus pénal, au juge de l'application des peines d'organiser et d'accompagner la sortie des - de tous les - détenus.
26La démonstration n'est en effet plus à faire des dangers d'une sortie « sèche » en termes de risque de récidive [69]. Le projet propose à cet égard d'introduire des principes directeurs de l'exécution de la peine, dont l'un consacre la nécessité d'un retour progressif à la liberté [70]. La déclinaison de ce principe conduit à instaurer un examen obligatoire de la situation des condamnés aux deux tiers de la peine [71]. L'avant-projet allait plus loin, puisqu'il instaurait une sortie encadrée obligatoire avant l'achèvement de la peine. Il s'agissait d'une révolution culturelle qui modifiait substantiellement la conception du parcours carcéral en faisant de la détention un temps de la peine, et non toute la peine. Les peurs ont conduit à revenir sur ce point, pourtant incontournable dès lors que toute personne détenue a vocation à sortir de prison, quelles que soient l'infraction commise et la peine prononcée [72].
27On ignore dans quelle mesure l'abrogation des peines planchers et l'incitation aux sorties encadrées [73] contribueront à réduire la récidive. En revanche, ces mesures auront pour effet certain de réduire l'ampleur de la surpopulation carcérale [74].
28Mais cet effet - pourtant impératif [75] - est aussitôt anéanti par l'abaissement du seuil obligatoire d'aménagement de peine. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 avait introduit à l'article 723-15 du code de procédure pénale le principe selon lequel toute peine inférieure à deux ans d'emprisonnement - sous réserve qu'aucun mandat de dépôt n'est prononcé - doit donner lieu à un aménagement ab initio par le juge de l'application des peines. Compte tenu de l'état des connaissances relatives à l'efficacité des courtes peines d'emprisonnement, cette faculté offerte au juge de l'application des peines d'aménager les peines inférieures à deux ans d'emprisonnement est une bonne mesure [76]. Le projet de loi relatif à la lutte contre la récidive et à l'individualisation des peines revient sur cette mesure pourtant consensuelle [77] en abaissant de deux ans à un an le seuil d'aménagement de peine ab initio, brouillant doublement le message sur l'importance de l'individualisation des peines et sur l'objectif de réduction de la surpopulation carcérale.
29Le message est également obscurci autour de la nouvelle peine proposée de contrainte pénale. Peine qui s'exécute en milieu ouvert et « ne s'adosse pas à une peine d'emprisonnement » [78], elle est la concrétisation des recommandations du Conseil de l'Europe et du jury de la Conférence de consensus pour la prévention de la récidive qui préconisent de substituer autant que possible une logique de contrôle à une logique d'enfermement [79].
30Cette peine a été pensée comme une troisième peine principale, à côté de l'emprisonnement et de l'amende qu'elle est censée supplanter dans le traitement judiciaire des infractions de faible ou de moyenne gravité. Mais les réticences dont elle fait l'objet [80] ont conduit à élaborer un projet qui a perdu en ambition et, nécessairement, en vision.
31Dans le projet, la nature de la contrainte pénale n'est pas définie : s'agit-il d'une peine principale ou d'une peine alternative à l'emprisonnement - auquel cas elle demeure adossée, au moins intellectuellement, à l'emprisonnement ? [81]. Mais surtout, ses rapports avec les autres peines ne sont pas précisés : où se situe-t-elle dans la hiérarchie - judiciaire et informelle - des peines ? avant le sursis simple ou entre le sursis simple et le sursis avec mise à l'épreuve ?. On peut notamment regretter que la création d'une peine de contrainte pénale ne s'accompagne d'aucun éclaircissement sur le champ respectif de celle-ci et du sursis avec mise à l'épreuve, dont elle est excessivement proche [82], même si, en l'état, la suppression du sursis avec mise à l'épreuve est difficilement possible [83], sauf à fusionner les deux peines.
32Ce manque d'intelligibilité du dispositif proposé traduit en réalité les atermoiements et embarras qui entourent ce projet. La philosophie du contrôle - dont, à nouveau, il ne faut pas méconnaître la dimension contraignante donc punitive - impose de repenser le parcours pénal d'un délinquant en privilégiant, pour les infractions de moyenne gravité, les mesures de contrôle en milieu ouvert à l'enfermement et en imposant, pour toute la population carcérale, une sortie encadrée, contrôlée. Loin de cette ligne claire, le projet demeure suggestif et, en introduisant des dispositifs facultatifs, ne porte pas les mutations culturelles nécessaires à sa mise en œuvre. Au contraire, en multipliant les messages contradictoires, il risque de conduire à un nouvel empilement de textes et de dispositifs, sans emporter de changement des pratiques : l'échec est alors prévisible tant sur le plan de la lutte contre la récidive que sur celui de la baisse de la surpopulation carcérale.
Renoncements
33À côté de ces compromis qui entachent la compréhension de la politique criminelle, le renoncement à abolir la rétention de sûreté [84] pèse encore plus lourdement sur la qualification de cette politique. En refusant d'abolir cette peine ultime, cette mesure qui permet d'« atteindre ce que la répression elle-même renonce à cautionner, à savoir un retour déguisé à une perpétuité réelle » [85], en perpétuant un dispositif d'élimination qui contredit toute capacité humaine d'amendement et de désistance, le gouvernement renonce à une politique criminelle humaniste.
34Renoncement, il y a encore dans le refus de mener une réflexion ambitieuse sur les incriminations et les peines qu'elles font encourir. Le projet se cantonne à la phase sentencielle et post-sentencielle, alors que les échecs de la politique de la peine sont, avant tout, la conséquence d'une politique de l'incrimination.
35Loin d'une étude exhaustive des projets de loi pénale actuellement en débat, il s'est agi ici, en saisissant certains dispositifs en cours d'adoption ou de discussion, de rechercher les indicateurs d'une politique criminelle. Ces indicateurs existent et tentent de définir une ligne. Mais ils sont souvent brouillés, obscurcis. Dans le domaine de la lutte contre la criminalité économique et financière comme dans celui de la lutte contre la récidive, on est tentée de conclure « Beaucoup de bruit pour rien »… Si le budget de la justice est, dans cette période de pénurie, un des seuls budgets en hausse [86], traduisant que la réforme et l'amélioration de la justice pénale sont une priorité de l'action gouvernementale, les textes censés mettre en œuvre cette action souffrent d'un cruel manque d'ambition. Au fond, ce bilan de la politique pénale menée depuis plus d'un an traduit le désintérêt des plus hautes sphères de l'État pour les questions pénales, laissant vacant un espace pour que les peurs s'enracinent et que les populismes y apportent des réponses, évidemment simplistes.
Notes
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[1]
L'auteur remercie chaleureusement Geneviève Giudicelli-Delage et Christine Lazerges de lui témoigner leur confiance en lui ouvrant les portes de cette chronique.
-
[2]
« Nous sommes aujourd'hui en capacité de présenter un projet de loi qui va quand même changer le paradigme, qui va changer le paradigme sur l'appréhension que nous avons du phénomène délinquant (…). C'est donc un projet de loi ambitieux qui inclut plusieurs ruptures », Discours de Christiane Taubira, Visite au Service pénitentiaire d'insertion et de probation de Melun, 5 juill. 2013.
-
[3]
Christiane Taubira : Le tout-carcéral augmente les risques de récidive, Le Monde.fr, 19 sept. 2012.
-
[4]
Christine Lazerges, La tentation du bilan 2002-2009 : une politique criminelle du risque au gré des vents, cette Revue 2009. 689.
-
[5]
Pour n'en citer qu'un : l'adoption des peines planchers affichant une volonté d'enfermement massive des délinquants violents et récidivistes (C. pén., art. 131-19-1 et 2), contredite par l'obligation introduite par la loi pénitentiaire du 24 nov. 2009 d'aménager les peines inférieures à deux ans d'emprisonnement ou à un an pour les récidivistes (C. pr. pén., art. 723-15).
-
[6]
Loi n° 2012-954 du 6 août 2012, adoptée au lendemain de la censure du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, décis. n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 (Cons. const., 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC, AJDA 2012. 1490, étude M. Komly-Nallier et L. Crusoé ; D. 2012. 1372, note S. Detraz ; ibid. 1177, édito. F. Rome ; ibid. 1344, point de vue G. Roujou de Boubée ; ibid. 1392, entretien C. Radé ; ibid. 2917, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et T. Potaszkin ; ibid. 2013. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1235, obs. REGINE ; ibid. 1584, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; AJ pénal 2012. 482, obs. J.-B. Perrier ; Dr. soc. 2012. 714, note B. Lapérou-Scheneider ; ibid. 720, chron. R. Salomon et A. Martinel ; ibid. 944, obs. L. Lerouge ; cette Revue 2012. 371, obs. Y. Mayaud ; ibid. 380, obs. A. Cerf-Hollender ; ibid. 2013. 436, obs. B. de Lamy). Sur cette nouvelle définition, V. not. Guillaume Beaussonie, Loi relative au harcèlement sexuel, cette Revue 2012. 906 ; Philippe Conte, Invenias disjecti membra criminis : lecture critique de la nouvelle définition du harcèlement sexuel, Droit pénal 2012. Étude 24 ; E. Dreyer, Commentaire des dispositions de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, Gaz. Pal. 2012, n° 301, p. 8.
-
[7]
Qui ne fait que confirmer une politique pénale constante en la matière depuis les années 1990 : J. Alix, Fallait-il étendre la compétence des juridictions pénales en matière terroriste ? (à propos de l'article 2 de la loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme), D. 2013. 518 ; M.-H. Gozzi, Sécurité et lutte contre le terrorisme : l'arsenal juridique encore renforcé, D. 2013. 194 ; D. Brach-Thiel, AJ pénal 2013. 90.
-
[8]
O. Boscovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert, K. Parrot, Chronique Droit des étrangers et de la nationalité, D. 2013. 324.
-
[9]
Ni la directive du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, ni celle du 25 oct. 2012 relative aux droits des victimes n'ont été transposées, semble-t-il parce que le délai de transposition n'est pas encore expiré. Sur l'impact de ces textes sur le droit français, V. E. Vergès, Chronique législative : Émergence européenne d'un régime juridique du suspect, une nouvelle rationalité juridique, cette Revue 2012. 635 et Chronique législative : Un corpus juris des droits des victimes : le droit européen entre synthèse et innovations, cette Revue 2013. 121. La méthode retenue par cette loi est discutable. La transposition des directives par et dans des lois fourre-tout prive d'une grosse partie de la réflexion qu'implique l'intégration de la norme européenne et internationale dans l'ordre juridique interne. Pourtant, le texte « adapte notre législation pénale à sept textes de l'Union européenne (trois directives, deux décisions-cadre, une décision et un accord international conclu par l'Union européenne) et à quatre instruments internationaux, adoptés dans le cadre du Conseil de l'Europe ou dans celui des Nations unies » et réagit à 2 décisions des juridictions européennes (M. Karamanli, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, 2013, n° 840, p. 9). Ajoutons que cette loi a rompu avec la numérotation du C. pén. en introduisant des art. 224-1 A,B et C qui précèdent désormais l'art. 224-1…
-
[10]
Loi n° 2013-669 du 25 juill. 2013, commentée, infra, I B.
-
[11]
Circulaire de politique pénale CRIM 2012-16/E-19.09.2012.
-
[12]
Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, Assemblée nationale, 2013, n° 1011, complété par le Projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, n° 1019.
-
[13]
Projet de loi relatif à la lutte contre la récidive et à l'individualisation des peines, NOR : JUSX1322682L.
-
[14]
Projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, Assemblée nationale, 2013, n° 815.
-
[15]
F. Hollande : « L'indépendance n'est pas une concession, c'est une exigence à accorder aux justiciables », cité dans : François Hollande propose de supprimer la Cour de justice de la République, Le Monde, 7 févr. 2012.
-
[16]
M. Segonds, (Ré)écrire le(s) délit(s) de corruption, AJ pénal 2006. 193 ; W. Jeandidier, Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent, JCP 2002. I. 166 ; F. Stasiak, Les règles de forme du délit de corruption (ou pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?), in Mélanges en l'honneur du Professeur Jacques-Henri Robert, LexisNexis, 2012, p. 737 ; O. Cahn, La politique criminelle de lutte contre la corruption en France ou la théorie du chapon, in Mélanges en l'honneur de Christine Lazerges, Dalloz, 2014, à paraître.
-
[17]
OCDE, Rapport de phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption, oct. 2012, http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/FrancePhase3fr.PDF ; C. Cutajar, La France et la lutte contre la corruption d'agents publics : un rapport accablant ! À propos du rapport de l'OCDE du 23 oct. 2012, JCP 2012, AR, 1190.
-
[18]
Transparency International France, État de droit menacé : l'indispensable réforme de la justice financière, juin 2011, http://www.transparency-france.org/e_upload/pdf/ti_france_rapport_moyens_de_la_justice_juin_2011.pdf.
-
[19]
Initiative des poursuites réservée à l'administration fiscale en matière de fraude fiscale, dite « verrou de Bercy » ; rejet de l'action civile des associations de lutte contre la corruption (sous réserve d'une décision en sens contraire : Crim., 9 nov. 2010, n° 09-88.272, D. 2010. 2707, obs. S. Lavric ; ibid. 2641, édito. F. Rome ; ibid. 2760, entretien G. Roujou de Boubée ; ibid. 2011. 112, point de vue M. Perdriel-Vaissière ; cette Revue 2011. 858, obs. X. Salvat, rendue dans l'affaire dite des « biens mal acquis »).
-
[20]
Liées au statut du ministère public, détenteur de l'action publique, not. en matière de corruption : cf. infra.
-
[21]
Nouvelles lois de réaction, dénoncées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans son Avis sur la probité de la vie publique, 27 juin 2013, § 7.
-
[22]
C. Cutajar, Plaidoyer pour suppression du « verrou de Bercy ». À propos du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, JCP 2013. 728.
-
[23]
Ibid.
-
[24]
CNCDH, Avis sur la probité, 27 juin 2013, § 33.
-
[25]
Ibid.
-
[26]
J.-H. Robert, Nul ministre ne plaide par procureur, Dr. pénal 2013. Repère 7.
-
[27]
Qui craignait une « privatisation de l'action publique » : Sénat, Débats, séance du 17 juill. 2013 (not. les interventions de J.-J. Hyest et G. Longuet).
-
[28]
Comme il vient de le faire par la loi du 5 août 2013, introduisant dans le code de procédure pénale un art. 2-22 ouvrant la constitution de partie civile aux associations ayant pour objet statutaire la lutte contre la traite des êtres humains et l'esclavage.
-
[29]
Art. 122-46 s. de l'avant-projet de réforme du C. pr. pén., version du 1er mars 2010 soumise à concertation.
-
[30]
Réforme de la procédure pénale : l'action citoyenne, nouvel outil de lutte contre la corruption transnationale ?, C. Cutajar et M. Perdriel-Vaissière, D. 2010. 1295.
-
[31]
La CNCDH, dans son avis précité, avait demandé le retrait de cette condition. À ce jour, seuls trois types d'associations autorisées à se constituer partie civile par le C. pr. pén. sont soumises à cet agrément : les associations de défense de la langue française (art. 2-14), les associations de victimes d'accidents collectifs ou d'accidents survenus dans un transport collectif (art. 2-15) et les associations de protection du patrimoine archéologique (art. 2-21).
-
[32]
O. Cahn, dans son article précité, estime que cet agrément permet à l'État de « choisir les éventuels contradicteurs du ministère public ».
-
[33]
Alors que la Cour européenne des droits de l'homme a expressément considéré que la soumission des associations étrangères (n'ayant pas d'établissement en France) à l'exigence de déclaration à la préfecture est constitutive d'une violation du droit d'accès au juge (à propos de la condition générale de respect de l'art. 5 de la loi de 1901) : CEDH, 15 janv. 2009, n° 36497/05 et 37172/05, Ligue du monde islamique et organisation islamique mondiale du secours islamique c/ France, D. 2009. 374, obs. M. Léna ; ibid. 2771, obs. J.-F. Renucci ; cette Revue 2009. 134, obs. A. Giudicelli et Crim., 8 déc. 2009, n° 09-81.607, Bull. crim. 2009, n° 205 : D. 2010. 202, obs. M. Léna ; ibid. 2254, obs. J. Pradel ; ibid. 2323, obs. L. d'Avout et S. Bollée ; AJ pénal 2010. 142, obs. L. Ascensi ; cette Revue 2010. 182, obs. A. Giudicelli.
-
[34]
C. pr. pén., art. 85.
-
[35]
En témoigne l'affaire précitée dite des « biens mal acquis », dans laquelle la procédure a finalement été initiée par une association dont la constitution de partie civile a été jugée recevable sur le fondement de l'art. 2 C. pr. pén. V. également le Rapport préc. de l'organisation Transparency International France.
-
[36]
Même si cette la portée de cette abrogation est largement diminuée par le jeu des règles du droit pénal international : O. Cahn, La politique criminelle de lutte contre la corruption en France ou la théorie du chapon, op. cit., ; J. Lelieur, La loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption : quelles avancées du droit français par rapport aux exigences du droit international ?, Dr. pénal 2008. Étude 25.
-
[37]
Y. Galut, Rapport fait au nom de la commission des lois (…) sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, Assemblée nationale, 2013, n° 1130 et 1131, p. 26.
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[38]
Projet d'art. 705 C. pr. pén. : « Le procureur de la République financier, le juge de l'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions suivantes »…
-
[39]
Elle a d'ailleurs été rejetée par le Sénat : séance du 18 juill. 2013.
-
[40]
J.-J. Hyest, Sénat, Débats, séance du 18 juill. 2013.
-
[41]
Art. 38-2 de l'ord. n° 58-1270 du 22 déc. 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature tel que modifié par le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale le 17 sept. 2013.
-
[42]
La nomination de ce procureur financier devait, elle aussi, bénéficier de la réforme avortée du Conseil supérieur de la magistrature qui prévoyait une nomination après avis conforme de cette instance.
-
[43]
CNCDH, Avis sur la probité, préc., § 29.
-
[44]
Du moins dans ses 60 engagements pour la France : « Je garantirai l'indépendance de la justice et de tous les magistrats : les règles de nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet ; je réformerai le Conseil supérieur de la magistrature. J'interdirai les interventions du gouvernement dans les dossiers individuels. Je remettrai à plat la procédure pénale pour la rendre efficace dans le respect des principes fondamentaux de l'État de droit. », F. Hollande, Mes 60 engagements pour la France, 22 avr. 2012.
-
[45]
Justice must not only be done ; it must also be seen to be done.
-
[46]
Projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, Assemblée nationale, 2013, n° 815.
-
[47]
Le projet comportait deux axes. D'abord, comme l'indiquait son titre, la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Il s'agissait de rétablir la majorité des magistrats dans cette enceinte. Ensuite, la nomination et la carrière des magistrats du parquet. Il s'agissait là de conférer aux avis du Conseil supérieur de la magistrature un caractère obligatoire en imposant qu'ils soient conformes et pas simplement consultatifs. Le Sénat ayant refusé la première disposition (Sénat, séance du 3 juill. 2013), le gouvernement a suspendu la réforme, estimant ne pas pouvoir, dans ces conditions, réunir le Congrès : Le gouvernement suspend la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, LeMonde.fr, 4 juill. 2013. Relevons tout de même que la modification des conditions de nomination des magistrats du parquet avait été adoptée et semble donc faire l'objet d'un consensus. Ne faut-il pas, dès lors, privilégier la voie d'une réforme constitutionnelle exclusivement consacrée au statut des magistrats du parquet ?
-
[48]
Nouvel art. 30 C. pr. pén.
-
[49]
Présentation du texte sur le site du ministère de la Justice.
-
[50]
L'art. 36 C. pr. pén. dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004 n'est pas modifié : « Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes ».
-
[51]
Art. 35 C. pr. pén. N'assiste-t-on pas à une bureaucratisation excessive du fonctionnement des parquets ? Sans même parler de la nouvelle obligation de présentation du Rapport à l'Assemblée des magistrats, consacrant ainsi implicitement le rôle des magistrats du siège dans la politique pénale dont on peut s'interroger sur la compatibilité avec les exigences d'impartialité et d'indépendance (C. pr. pén., art. 39-1).
-
[52]
CEDH, 29 mars 2010, n° 3394/03, Medvedyev c/ France, AJDA 2010. 648 ; D. 2010. 1386, obs. S. Lavric, note J.-F. Renucci ; ibid. 952, entretien P. Spinosi ; ibid. 970, point de vue D. Rebut ; ibid. 1390, note P. Hennion-Jacquet ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ; cette Revue 2010. 685, obs. J.-P. Marguénaud ; CEDH, 23 nov. 2010, n° 37104/06, Moulin c/ France, AJDA 2011. 889, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2011. 338, obs. S. Lavric, note J. Pradel ; ibid. 2010. 2761, édito. F. Rome ; ibid. 2011. 26, point de vue F. Fourment ; ibid. 277, note J.-F. Renucci ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ; cette Revue 2011. 208, obs. D. Roets ; CEDH, 27 juin 2013, n° 62736/09, Vassis c/ France, D. 2013. 1687, obs. O. Bachelet ; AJ pénal 2013. 549, obs. G. Roussel.
-
[53]
Crim., 15 déc. 2010, n° 10-83.674, D. 2011. 338, obs. S. Lavric, note J. Pradel ; cette Revue 2011. 142, obs. A. Giudicelli.
-
[54]
S. Guinchard, Procédure pénale, Paris, LexisNexis, 2011, n° 414.
-
[55]
Salas et Ph. Milburn, « Les procureurs de la République. De la compétence personnelle à l'identité collective », Archives de politique criminelle, 2007, p. 95-115.
-
[56]
Comment, en effet, ne pas regretter cette occasion manquée de ne pas à nouveau poser la question d'une police judiciaire rattachée au ministère de la Justice.
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[57]
J. Carbonnier, Sociologie juridique, Paris, PUF, 2004, 2e éd., p. 400.
-
[58]
Constitutive, par les conditions de détention qu'elle implique le plus souvent, d'un traitement inhumain et dégradant : CEDH, 25 avr. 2013, n° 40119/09, Canali c/ France, D. 2013. 1138, obs. M. Lena ; AJ pénal 2013. 403, note J.-P. Céré, § 53 : « L'effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles d'hygiène ont provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d'infériorité propres à l'humilier et à le rabaisser. Dès lors, la Cour estime que ces conditions de détention s'analysent en un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition ». V. déjà, CEDH, 22 oct. 2009, n° 17599/05, Norbert Sikorski c/ Pologne, cette Revue 2010. 645, chron. P. Poncela, § 132 : « À chaque fois que la Cour sera saisie par un détenu se plaignant d'une incarcération prolongée dans une cellule où il ne dispose pas d'un espace personnel d'au moins 3 m², il existera une forte présomption que l'article 3 de la Convention a été violé ».
-
[59]
Le recours massif aux partenariats public-privé dans la gestion du parc pénitentiaire a pour effet de dissocier budgétairement les dépenses d'investissement et les dépenses d'exploitation (loyers) qui permet un report de la dépense. La Cour des comptes relève ainsi, à propos du contrat « 13200 places » : « Ce contrat de PPP représente un coût, intérêts compris, de près de 2 Mds € sur la période 2011 à 2038. Le montant total des intérêts au cours de la période s'élèvera à plus de 266 M €. Le montant total des loyers versés au titre de ce seul contrat passera de 19 M € en 2011 à 53,6 M € en 2012, et poursuivra une croissance annuelle pour atteindre 92,4 M € en 2037 » : Cour des comptes, Les partenariats public-privé pénitentiaires, 2011, p. 84.
-
[60]
Cet éloignement temporel entre le prononcé de la sanction et son exécution, à nouveau stigmatisée dans le projet de loi, anéantit le sens même de la peine lorsque celle-ci n'est pas exécutée, ou exécutée plusieurs années après les faits. Beccaria l'écrivait déjà en 1764 (Traité des délits et des peines, ch. XIX).
-
[61]
Malgré la difficulté d'évaluer la récidive (et sa variabilité selon l'âge et le type d'infractions), la récidive ne diminue pas depuis une dizaine d'années malgré l'augmentation significative du taux d'incarcération. V. not. « Mesurer la récidive », Contribution du Service statistique du ministère de la Justice à la Conférence de consensus, janv. 2013 ; F. Leturcq, Peines planchers : application et impact de la loi du 10 août 2007, Infostat Justice oct. 2012, n° 118 ; A. Kensey et A. Benaouda, Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation, Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, 2011 n° 36.
-
[62]
Car il faut (faudra) anticiper la sortie, et en fin de peine doivent (devront) primer les fonctions de prévention et de réinsertion.
-
[63]
http://conference-consensus.justice.gouv.fr
-
[64]
Dont la discussion au Parlement est prévue au printemps 2014.
-
[65]
Projet de loi relatif à la lutte contre la récidive et à l'individualisation des peines, Exposé des motifs.
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[66]
C. pén., art. 132-19- 2, introduit par la loi du 14 mars 2011.
-
[67]
Récidive qui, si elle n'a pas explosé comme le fait penser une lecture rapide des chiffres, a néanmoins continué de progresser depuis l'introduction des peines planchers : « Sur la période 2004-2010, le nombre de condamnations prononcées en récidive a été multiplié par plus de 2, alors que le nombre des condamnations prononcées hors récidive est demeuré relativement stable. Le taux de récidive dans les condamnations s'est ainsi accru, passant de 5 % en 2004 à 13 % en 2010. Cette évolution ne reflète pas une explosion de la récidive au sens criminologique, elle s'explique davantage par les changements législatifs décrits ci-dessus ainsi que par les pratiques des juridictions qui enregistrent de façon plus systématique la récidive. Cette hypothèse est confirmée par le fait que le rythme de progression des condamnations avec réitération, qui s'établit autour de 5 % par an sur la période, soit sensiblement le rythme de progression de l'ensemble des condamnations » : Fabrice Leturcq, Peines planchers : application et impact de la loi du 10 août 2007 , Infostat Justice, oct. 2012, n° 118. Ce constat de l'échec des peines d'exclusion n'est pas propre à la France : V. M. Haravon, Tolérance zéro : où en est le tout-carcéral en Angleterre et aux États-Unis ?, D. 2013. 2235.
-
[68]
Projet d'art. 5.
-
[69]
V. déjà, J.-L. Warsmann, Rapport de la mission parlementaire : « Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison », 28 avr. 2003.
-
[70]
Projet d'art. 707 C. pr. pén. : « IV. - Toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté, dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte, afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ».
-
[71]
Projet d'art. 720 et 730-3 C. pr. pén.
-
[72]
Telle est la situation en droit positif français (même les condamnés à la réclusion à perpétuité réelle ont vocation à être libérés : art. 720-4 C. pr. pén.). Telle est également la situation imposée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur les peines perpétuelles : V. récemment, CEDH, 9 juill. 2013, n° 66069/09, Vinter c/ Royaume-Uni, D. 2013. 2081, obs. M. Lena, note J.-F. Renucci ; AJ pénal 2013. 494, obs. D. van Zyl Smit, § 119 : « En ce qui concerne les peines perpétuelles, l'article 3 doit être interprété comme exigeant qu'elles soient compressibles, c'est-à-dire soumises à un réexamen permettant aux autorités nationales de rechercher si, au cours de l'exécution de sa peine, le détenu a tellement évolué et progressé sur le chemin de l'amendement qu'aucun motif légitime d'ordre pénologique ne permet plus de justifier son maintien en détention ».
-
[73]
Dont les modalités retenues actuellement vont déjà beaucoup plus loin que l'actuel art. 723-28 qui prévoit, à la toute fin des courtes peines d'emprisonnement, le principe d'un placement sous surveillance électronique.
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[74]
Y contribuent également les dispositions mettant fin aux révocations automatiques des sursis simples : projet d'art. 132-36 C. pén. On peut s'interroger sur la pertinence de cette mesure au regard du sens de la peine. Par hypothèse, la peine « avec sursis » est une peine prononcée en attente d'être exécutée (ou pas). Une amélioration de l'information de la juridiction de jugement aurait peut-être suffi à éviter les dérives du système, « les révocations intervenant en aveugle de façon inopportune » (exposé des motifs) sans altérer le sens de la peine prononcée.
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[75]
Compte tenu de la nécessité - imposée par les organes de protection des droits fondamentaux - de réduire la population carcérale et de l'impossibilité financière de construire de nouvelles places de prison (V. supra, notes 58 et 59).
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[76]
Sous réserve de l'apparente atteinte à l'autorité de la chose jugée qu'elle légitime… En réalité, il n'y a pas d'atteinte à l'autorité de la chose jugée si l'on admet que celle-ci s'attache à la déclaration de la culpabilité, seule expression de la vérité judiciaire. La peine, elle, n'est pas l'expression d'une vérité mais exprime la mesure de la réaction sociale à l'infraction. Mais l'atteinte est apparente : elle est même l'argument invoqué par le projet de loi pour justifier la remise en cause de ce seuil d'aménagement. Au contraire, la résolution de cette contradiction nuisible au sens de la peine pourrait conduire à s'interroger sur l'intérêt de généraliser la césure du procès pénal et de confier intégralement au juge de l'application des peines le prononcé et l'application des peines (en le transformant en un juge des peines)… On peut aussi admettre, avec Michel van de Kerchove, que le prononcé de la peine est déjà une peine à part entière : M. van de Kerchove, Quand dire, c'est punir. Essai sur le jugement pénal, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 2005, p. 223 s.
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[77]
Rappelons qu'elle avait été adoptée sous la précédente législature.
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[78]
S. Portelli, La contrainte pénale, Dalloz actualité, 9 sept. 2013.
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[79]
Recommandation CM/Rec(2010)1 du Comité des Ministres aux États membres sur les règles du Conseil de l'Europe relatives à la probation ; Recommandations 1 et 3 du jury de la Conférence de consensus.
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[80]
Qui ont, notamment, été exprimées par le ministre de l'Intérieur : La lettre de Valls à Hollande qui torpille la réforme Taubira, Le Monde, 13 août 2013.
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[81]
Le positionnement proposé à l'article 131-8-2 C. pén., après le travail d'intérêt général et la sanction-réparation, conduisent à penser qu'il s'agit plutôt d'une peine alternative à l'emprisonnement, même si la rédaction ne fait pas référence à l'emprisonnement : comparer les termes des art. 131-8, 131-8-1 et le projet d'art. 131-8-2.
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[82]
Proximité des obligations imposées au délinquant, proximité de la sanction de leur non-exécution.
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[83]
Not. parce que le sursis avec mise à l'épreuve peut n'être prononcé que partiellement, en complément d'une partie d'emprisonnement ferme, et pour des infractions faisant encourir bien plus de cinq ans d'emprisonnement dès lors que le critère de son prononcé n'est pas la peine encourue mais la peine prononcée.
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[84]
Introduite par la loi du 25 févr. 2008. Sur cette mesure, V. not. Ph. Conte, Aux fous ?, Dr. pénal 2008, Repères n° 4 ; B. de Lamy, La rétention de sûreté : pénal or not pénal, cette Revue 2009. 166 ; Christine Lazerges, La rétention de sûreté : le malaise du Conseil constitutionnel, cette Revue 2008. 731 ; Y. Mayaud, La mesure de sûreté après la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-562 DC du 21 février 2008, D. 2008. 1359 ; J. Alix, Une liaison dangereuse. Dangerosité et droit pénal en France, in La dangerosité saisie par le droit pénal, Ch. Lazerges et G. Giudicelli-Delage (dir.), PUF, 2011, p. 49-78.
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[85]
Y. Mayaud, La mesure de sûreté après la décision du Conseil constitutionnel n° 2008-562 DC du 21 février 2008, D. 2008. 1364.
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[86]
Budget en augmentation de 1,7 % en 2014 après avoir augmenté de 4,2 % en 2013 : ministère de la Justice, Présentation du projet de budget de la Justice pour 2014.