Couverture de RSC_1004

Article de revue

Procédure pénale

Pages 879 à 895

Notes

  • [1]
    Crim, 19 oct. 2010, arrêts n° 5699, 5700 et 5701.
  • [2]
    CEDH, 14 oct. 2010, n° 1466/07, Brusco c/ France, D. 2010. 2950, note J.-F. Renucci ; ibid. 2425, édito. F. Rome ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; ibid. 2850, point de vue D. Guérin. L'arrêt ne deviendra définitif qu'à défaut de saisine de la Grande Chambre dans le délai de trois mois ou du rejet du pourvoi par celle-ci (art. 43 et 44 de la Conv. EDH).
  • [3]
    C. Lazerges, Les désordres de la garde à vue, cette Revue 2010. 275.
  • [4]
    Les documents de travail du Sénat, Série Législation comparée, La garde à vue, n° LC 204, déc. 2009.
  • [5]
    Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22-QPC, AJDA 2010. 1556 ; D. 2010. 1928, entretien C. Charrière-Bournazel ; ibid. 1949, point de vue P. Cassia ; ibid. 2254, obs. J. Pradel ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier ; RTD civ. 2010. 513, obs. P. Puig ; ibid. 517, obs. P. Puig, JORF 31 juill. 2010, p. 14198.
  • [6]
    Les considérants 12 et 13 précisent que la question prioritaire de constitutionnalité est exclue lorsqu'elle porte sur une disposition ayant déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (art. 23-2 al. 3 et 23-5 al. 3 de l'ord. du 7 nov. 1958 modifiée), alors qu'aucun changement de circonstance n'est intervenu, justifiant un nouvel examen. V. le commentaire de P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la constitution, D. 2010.1949.
  • [7]
    Décision n° 2010-30/34/35/47/48/49/50, QPC 6 août 2010, JORF 7 août 2010, p. 14618.
  • [8]
    Décision n° 2010-31, QPC 22 sept. 2010, JORF 23 sept. 2010, p. 17290.
  • [9]
    V. P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la constitution, préc. : le Conseil constitutionnel refuse de retenir un changement de circonstances dans l'application des régimes dérogatoires de la garde à vue, alors qu'il vient de remettre totalement en question le régime de droit commun. Il déclare en outre dans sa décision n° 2010-31 QPC du 22 sept. 2010 que les quatre derniers alinéas de l'art. 706-88 du code de procédure pénale relatif aux régimes dérogatoires sont bien conformes à la Constitution.
  • [10]
    Décision n° 2010-30/34/35/47/48/49/50, QPC 6 août 2010 préc.
  • [11]
    Décision n° 75-54 du 15 janv. 1975, loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, JORF 16 janv., V. not. O. Dutheillet de Lamothe, Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité, in Mélanges en l'honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz 2007, p. 315. L'auteur explique que « malgré des différences apparentes, ce contrôle de conventionalité nous paraît s'apparenter très largement à un contrôle de constitutionnalité des lois », en ce qui concerne ses effets. Le Conseil constitutionnel a récemment rappelé qu'il ne lui appartient pas, lorsqu'il est « saisi en application de l'art. 61 ou de l'art. 61-1 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux ou européens de la France », Cons. const., 12 mai 2010, n° 2010-605 DC, AJDA 2010. 1048 ; D. 2010. 1321, note A. Levade ; ibid. 1229, chron. P. Fombeur ; ibid. 1234, chron. P. Cassia et E. Saulnier-Cassia ; ibid. 1495, chron. V. Lasserre-Kiesow et P. Le More ; RFDA 2010. 458, note P. Gaïa ; Cah. Cons. const. 2010. 63, étude D. Simon et A. Rigaux ; RTD civ. 2010. 499, obs. P. Deumier, Loi relative à l'ouverture de la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, cons. 11 et 16.
  • [12]
    Communiqué de la Cour de cassation du 19 oct. 2010.
  • [13]
    Ord. n°58-1067 du 7 nov. 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la L. org. n° 2009-1523 du 10 déc. 2009.
  • [14]
    Art. 23-2 al. 3 de l'Ord. n° 58-1067 préc.
  • [15]
    Les déclarant conformes à la Constitution, Décision n° 2010-31, QPC 22 sept. 2010, JORF du 23 sept., p. 17290.
  • [16]
    P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc. ; Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22-QPC, AJDA 2010. 1556 ; D. 2010. 1928, entretien C. Charrière-Bournazel ; ibid. 1949, point de vue P. Cassia ; ibid. 2254, obs. J. Pradel ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier ; RTD civ. 2010. 513, obs. P. Puig ; ibid. 517, obs. P. Puig.
  • [17]
    P. Cassia., Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc., p. 1951.
  • [18]
    Compétence reconnue sur le fondement de la primauté des traités et engagements internationaux de la France sur la loi interne et l'incompétence du Conseil constitutionnel pour apprécier la conventionalité d'une loi dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité : Décision n° 75-54 du 15 janv. 1975, loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, JORF 16 janv. ; Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, Administration des douanes c/ Cafés Jacques Vabre, Bull. civ. I, no 4., V. not. O. Dutheillet de Lamothe, Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité, préc. ; J-F. Lachaume, Droit international et juridictions judiciaires, Rép. internat., Dalloz 2009, n° 113 s.
  • [19]
    G. Roujou de Boubée, L'assistance de l'avocat pendant la garde à vue, D. 2010. 868 ; C. Saas., Défendre en garde à vue : une révolution...de papier ?, AJ pén. 2010. 27.
  • [20]
    C. Saas, Défendre en garde à vue : une révolution...de papier ?, préc., p. 27.
  • [21]
    V. not. Guinchard S., Buisson J., Procédure pénale, éd. Litec, 5e éd. 2009, p. 80.
  • [22]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02, cons. 59 : « Pour être effective aux fins de la Convention, la renonciation doit se trouver établie de manière non équivoque et être entourée d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité », à propos de la renonciation au droit au silence.
  • [23]
    Art. 64, alinéa 1 in fine C. pr. pén.
  • [24]
    CEDH, 9 oct. 1979, Airey c/ Irlande, cons. 24.
  • [25]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5699, préc.
  • [26]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5701, préc.
  • [27]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02.
  • [28]
    CEDH, 13 oct. 2009, n° 7377/03, Dayanan c/ Turquie, D. 2009. 2897, note J.-F. Renucci ; AJ pénal 2010. 27, étude C. Saas ; Rev. science crim. 2010. 231, obs. D. Roets.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, préc., cons. n° 55.
  • [31]
    Arrêt n° 5700, du 19 oct. 2010, préc.
  • [32]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02, cons. n° 55. Cet arrêt renforce la solution d'un arrêt plus ancien, CEDH, 8 févr. 1996, n° 18731/91, Rev. science crim. 1997. 476, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 481, obs. R. Koering-Joulin.
  • [33]
    Décision n° 2010-14/22, QPC 30 juill. 2010, préc., cons. n° 28.
  • [34]
    Pour le juge Zagrebelsky, le doute n'est pas permis et son opinion concordante dans la décision Salduz souligne « L'importance des interrogatoires est évidente dans le cadre de la procédure pénale, de sorte que, comme l'arrêt le souligne, l'impossibilité de se faire assister d'un avocat pendant les interrogatoires s'analyse, sauf exceptions, en une grave défaillance par rapport aux exigences du procès équitable. ». Le doute a été levé depuis, notamment dans l'arrêt Karabil c/ Turquie du 16 juin 2009, n° 5256/02, cons. 44 : « En l'espèce, nul ne conteste que le requérant n'a pas bénéficié de l'assistance d'un conseil lors de sa garde à vue - donc pendant ses interrogatoires », et tout récemment dans l'arrêt Brusco c/ France du 14 oct. 2010 : « la personne placée en garde à vue a le droit d'être assistée d'un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires », voir infra.
  • [35]
    Cassia P., Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc. ; C. Saas, Défendre en garde à vue : une révolution...de papier ?, préc.
  • [36]
    Pour reprendre l'affirmation de C. Saas à propos de l'interprétation de l'affaire Salduz sur ce point, C. Saas, Défendre en garde à vue : une révolution...de papier ?, préc., p. 27. V. également D. Roets, Du droit à l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue, cette Revue 2010. 231 ; G. Roujou de Boubée, Garde à vue et exigences européennes, D. 2010. 72 ; C. Lazerges, Les désordres de la garde à vue, cette Revue 2010. 275 ; contra V. Lesclous, Un an de droit de la garde à vue, janv. 2009 - mai 2010, Revue de droit pénal n° 9, sept. 2010, chron. 7 ; J-F. Renucci, L'avocat et la garde à vue : exigences européennes et réalités nationales, D. 2009. 2897.
  • [37]
    CEDH, 17 févr. 2009, Ibrahim Ozturk c/ Turquie, n° 16500/04, cons. 46, 48 et 49.
  • [38]
    CEDH, 29 juin 2010, Karadag c/ Turquie, n° 12976/05, cons. 46 et 47.
  • [39]
    CEDH, 20 oct. 2009, Yunus Aktas et autres c/ Turquie, n° 24744/03, cons.52.
  • [40]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5699 préc.
  • [41]
    CEDH, 8 févr. 1996, John Murray c/ Royaume Uni, n° 18731/91, cons. 45, Rev. science crim. 1997. 476, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 481, obs. R. Koering-Joulin.
  • [42]
    Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, art. 8.
  • [43]
    Loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, art. 3 II.
  • [44]
    Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, art. 19.
  • [45]
    CEDH, 5e sect., 14 oct. 2010, n° 1466/07, Brusco c/ France, D. 2010. 2950, note J.-F. Renucci ; ibid. 2425, édito. F. Rome ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; ibid. 2850, point de vue D. Guérin .
  • [46]
    Ibid. cons. 44.
  • [47]
    Ibid. cons. 50 et 54.
  • [48]
    Ibid, cons. n° 45.
  • [49]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5701 préc.
  • [50]
    CEDH, 13 oct. 2009, Dayanan c/ Turquie, préc., cons. n° 32.
  • [51]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5700 préc.
  • [52]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02 cons. n° 51, la Cour reprenant ici sa jurisprudence Artico c/ Italie du 13 mai 1980, cons. 33.
  • [53]
    C. Lazerges, Les désordres de la garde à vue, préc.
  • [54]
    G. Roujou de Boubée, Garde à vue et exigences européennes, préc.
  • [55]
    Crim 19 oct. 2010, arrêt n° 5699, préc.
  • [56]
    Décision n° 2010-14/22, QPC 30 juill. 2010, préc., cons. n° 30.
  • [57]
    O. Dutheillet de Lamothe, Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité, préc., point 1.2.
  • [58]
    V. sur ce point l'analyse d'O. Bachelet, La garde à vue, entre inconstitutionnalité virtuelle et inconventionalité réelle, Gaz. Pal. 5 août 2010, n° 217, p. 14.
  • [59]
    Décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, loi relative à l'ouverture de la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, Cons. 11 et 16, préc., V. note n° 9.
  • [60]
    CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique, n° 6833/74 ; Salvia (de) M., La place de la notion de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 11, 2001, p. 140.
  • [61]
    N. Molfessis (dir.), Rapport sur les revirements de jurisprudence, 30 nov. 2004.
  • [62]
    J-G. Huglo, La Cour de cassation et le principe de sécurité juridique, Les Cahiers du Conseil constitutionnel n°11, 2001, p. 124 s., not. p. 135 s. En revanche, elle use parfois de deux techniques, dont la limitation des effets dans le passé, permettant de ne pas remettre en cause trop de situations juridiques.
  • [63]
    Cass., ass. plén., 21 déc. 2006, n° 00-20.493, D. 2007. 835, et les obs., note P. Morvan ; RTD civ. 2007. 72, obs. P. Deumier ; ibid. 168, obs. P. Thery, Bull. 2006, Ass. plén, n° 15, p. 52
  • [64]
    Com. 13 nov. 2007, Bull. 2007, IV, n° 243 ; Soc. 26 mai 2010, Bull.
  • [65]
    CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique, préc., cons. 58.
  • [66]
    Pour la même appréciation portée sur la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, V. P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc.
  • [67]
    Ce qui est également critiquable au regard de la Convention européenne des droits de l'homme, V. P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc.
  • [68]
    C. Charriere-Bournazel, Garde à vue : le sursaut républicain, D. 2010. 1928.
  • [69]
    Projet de loi relatif à la garde à vue, n° 2855, déposé à l'Assemblée Nationale le 13 oct. 2010.
  • [70]
    V. l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi.
  • [71]
    G. Roujou de Boubée, L'assistance de l'avocat pendant la garde à vue, D. 2010. 868, préc.
  • [72]
    Article 63-4-2 du projet.
  • [73]
    Les Cahiers du Conseil constitutionnel n° 30.
  • [74]
    TA n° 597.
  • [75]
    Projet de loi n° 253 enregistré au Sénat le 25 janv. 2011.
  • [76]
    Le projet initial énonçait au contraire que l’avocat peut assister aux auditions.

Une révolution jurisprudentielle en trompe l'œil : les décisions de non conventionalité des régimes de garde à vue au regard des droits de la défense (Crim., 19 oct. 2010, n° 10-82.902 ; n° 10-82.306 ; n° 10-85.051, D. 2010. 2809, obs. S. Lavric, note E. Dreyer ; ibid. 2425, édito. F. Rome ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; AJ pénal 2010. 479, étude E. Allain)

1Par trois arrêts du 19 octobre 2010 [1], la Cour de cassation achève la remise en cause des régimes français de la garde à vue au regard des droits de la défense, quelques jours seulement après que la France soit condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en ce même domaine [2].

2Dans ce domaine de procédure pénale, la France continue en effet de se démarquer des autres pays européens par une législation singulière, caractérisée par « l'empilement successif des textes jusqu'à l'illisibilité » [3] régissant différents régimes de garde à vue, dispositions multiples qui retrouvent cependant leur cohérence dans la possibilité de placer une personne en garde à vue pour une infraction mineure, l'absence de dispositions constitutionnelles sur la garde à vue et le caractère limité de l'intervention de l'avocat pendant la garde à vue [4]. Il était temps de percevoir les premiers mouvements d'une évolution.

3C'est le Conseil constitutionnel qui, le 30 juillet 2010, dans le cadre de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité, a commencé d'ébranler cette institution de la procédure pénale en déclarant contraires à la Constitution les articles 62, 63, 63-1, 77 et les alinéas 1 à 6 de l'article 63-4 du code de procédure pénale [5]. Il considère notamment que le régime de droit commun de la garde à vue, qui ne permet pas au gardé à vue de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat pendant les interrogatoires, ni de la notification du droit de se taire, méconnaît les droits de la défense tels que garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il reconnaît malgré tout la possibilité de restreindre le droit à l'assistance d'un avocat en considération de circonstances particulières, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes. En revanche, il prononce un non-lieu à statuer sur les régimes dérogatoires de la garde à vue, en considérant que les dispositions des articles 63-4 al. 7 et 706-73 du code de procédure pénale ont déjà fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité qui les a déclarées conformes [6].

4Le Conseil constitutionnel a réitéré cette dernière position le 6 août dernier [7] et a déclaré l'article 706-88 du code de procédure pénale conforme à la Constitution le 22 septembre [8]. Passant outre la réticence de la juridiction constitutionnelle à s'intéresser aux régimes dérogatoires de garde à vue [9], la Cour de cassation a usé de son pouvoir de contrôle de conventionalité des lois pour reconsidérer le droit à l'assistance effective d'un avocat y compris dans les procédures dérogatoires.

5Dans la première espèce, M. X a été placé en garde à vue en exécution d'une commission rogatoire dans le cadre d'une enquête relative à une infraction à la législation sur les stupéfiants. Ayant sollicité l'assistance d'un avocat, il n'a cependant pu en bénéficier. En effet, la mesure de garde à vue a été levée à la 65e heure, alors que l'article 63-4 al. 7 du code de procédure pénale reporte l'intervention d'un avocat à la 72e heure s'agissant d'infractions à la législation sur les stupéfiants. Mis en examen, il demande l'annulation des actes accomplis durant la garde à vue et des actes subséquents pour non-respect du droit à un procès équitable sur le fondement des articles 6 §1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 591 et 593 du code de procédure pénale. Il invoque notamment le non-respect du droit à l'assistance d'un avocat et l'absence de notification du droit de se taire. La chambre de l'instruction rejette sa demande aux motifs que la France n'a pas été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme eu égard à son régime de garde à vue et qu'en l'état de la jurisprudence européenne, la restriction portée au droit à l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue en cas d'infraction d'une particulière gravité n'est pas contraire aux dispositions de la convention.

6La Cour de cassation est saisie du pourvoi de M. X accompagné d'une question prioritaire de constitutionnalité posée au Conseil constitutionnel quant à la validité des articles 62, 63, 63-4 et 64 du code de procédure pénale au regard des articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 6 août 2010, déclarant l'article 64 conforme à la Constitution et renvoyant pour les autres dispositions à sa décision du 30 juillet [10].

7La Cour examine alors la décision de la chambre de l'instruction au regard de la Convention européenne des droits de l'homme et précise que « sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ».

8Dans la deuxième espèce, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Agen, par un arrêt rendu le 15 mars 2010, a annulé les procès-verbaux de garde à vue et d'audition d'un prévenu aux motifs que l'article 63-4 du code de procédure pénale, en ne permettant pas à l'avocat de jouer pleinement son rôle de conseil, est contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne. Elle considère en effet que le droit à l'assistance d'un avocat ne se réduit pas à sa seule présence et à l'entretien de trente minutes organisé par l'article 63-4 du code de procédure pénale. Il suppose la possibilité pour le gardé à vue de bénéficier de tous les services d'un avocat : discussion de l'affaire, organisation de la défense, recherche des preuves favorables au mis en cause, préparation des interrogatoires, soutien de l'accusé en détresse et contrôle des conditions de détention. La préparation des interrogatoires est soulignée comme étant d'autant plus importante que l'avocat ne peut assister aux auditions de son client effectuées par les policiers. La Cour de cassation acquiesce au raisonnement de la chambre de l'instruction en précisant qu'elle a fait l'exacte application de l'article 6 de la Convention européenne.

9Dans la troisième espèce, un individu placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête suivie du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants n'a pu bénéficier de l'assistance d'un avocat qu'à compter de la 72e heure, conformément à l'article 706-88 du code de procédure pénale. La chambre de l'instruction, faisant partiellement droit à sa demande d'annulation de la garde à vue, prononce la nullité de certains actes de procédure aux motifs que la restriction du droit à l'assistance d'un avocat ne peut découler de la seule nature de l'infraction et doit reposer sur une raison impérieuse que l'article 706-88 du code de procédure pénale ne permet pas d'établir. Elle affirme en outre que le gardé à vue a été privé du droit à un procès équitable, l'absence de préparation des interrogatoires avec son avocat et l'absence de notification de son droit de garder le silence l'ayant conduit à s'auto-incriminer.

10Là encore, par une formule concise, la Cour de cassation reconnaît le bien-fondé de la décision de la chambre de l'instruction.

11Dans ces trois arrêts, la Cour de cassation, qui devait se prononcer sur la conventionalité des dispositions législatives relatives au droit au silence et à l'assistance d'un avocat pendant la garde à vue, reconnaît la contrariété des articles 63-4, 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale avec la Convention européenne des droits de l'homme. Elle n'en tire cependant pas les conséquences pour les intéressés. Elle considère en effet que les règles ainsi énoncées « ne peuvent s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en œuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice ; que ces règles prendront effet lors de l'entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011 ».

12Bien qu'intervenant dans deux cadres juridiques posés comme distincts de longue date [11], le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionalité, les décisions de la Cour de cassation et celles du Conseil constitutionnel relatives au respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable peuvent être reliées, quant à leur objet et quant à leurs effets. La Cour de cassation en allant au-delà voire à l'encontre de la décision du Conseil constitutionnel, améliore-t-elle véritablement la portée du droit à l'assistance d'un avocat ?

13Si la Cour de cassation, dans cette jurisprudence rendue dans un contexte qu'elle qualifie elle-même de « situation juridique inédite » [12], redéfinit en profondeur le droit à l'assistance effective d'un avocat en le généralisant à l'ensemble des procédures de garde à vue, elle reprend toutefois la même conclusion que le Conseil constitutionnel en refusant la rétroactivité de ses décisions de principe et en renvoyant au législateur le soin d'en tirer les conséquences.

I. Une redéfinition profonde du droit à l'assistance d'un avocat

14Le Conseil constitutionnel rendait ses décisions du 30 juillet 2010, du 6 août 2010 et du 22 septembre 2010 dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité, selon la procédure définie par l'article 61-1 de la Constitution et l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée [13]. Il devait donc exclure de son examen les dispositions ayant déjà fait l'objet d'une déclaration de conformité dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement de circonstances [14]. Si, au regard de ces règles, le Conseil constitutionnel a pu examiner la constitutionnalité des dispositions du régime de droit commun de la garde à vue et celles des quatre derniers alinéas de l'article 706-88 du code de procédure pénale [15], il a en revanche écarté de son examen les dispositions des articles 63-4 alinéa 7 et 706-73 du même code [16].

15En se fondant sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont découlent le respect des droits de la défense, le Conseil constitutionnel estime que si les articles 62 et 63 permettent l'interrogatoire du gardé à vu, l'article 63-4 alinéas 1 à 6 « ne permet pas à la personne ainsi interrogée, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat ; qu'une telle restriction aux droits de la défense est imposée de façon générale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ; qu'au demeurant, la personne gardée à vue ne reçoit pas la notification de son droit de garder le silence ».

16La formule n'est pas très précise et les auteurs s'interrogent sur sa signification, allant même jusqu'à suggérer une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité, « un renvoi sur renvoi », afin que le Conseil constitutionnel précise ce qu'il faut entendre par « assistance effective d'un avocat » [17].

17Une lecture littérale semble indiquer que la restriction injustifiée de l'assistance effective d'un avocat concerne l'absence de ce dernier lors des interrogatoires. En revanche, au lieu de donner la définition de l'assistance effective d'un avocat, le Conseil constitutionnel suggère ce qu'elle n'est pas, en soulignant l'insuffisance des garanties de l'article 63-4, al. 1 à 6 du code de procédure pénale. Ainsi, ne garantissent pas une assistance effective d'un avocat la possibilité de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début ou lors de la prolongation de la garde à vue, l'entretien confidentiel de trente minutes après l'information de l'avocat sur la nature et la date de l'infraction, la possibilité de présenter des observations écrites.

18Sans attendre une hypothétique précision constitutionnelle, la Cour de cassation a elle-même eu l'occasion de définir la notion de droit à l'assistance effective d'un avocat, en s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à travers un contrôle de conventionalité de la loi [18]. Cette dernière a en effet rendu plusieurs décisions récentes relatives au respect des droits de la défense et du procès équitable pendant la garde à vue [19], qualifiées de « révolution sans précédent » [20] pour les droits du gardé à vue. L'importance prise par la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière procédurale et sa très nette influence dans la jurisprudence de la Cour de cassation ont même permis d'affirmer que la Convention est « devenue un instrument de pouvoir entre les mains des juges nationaux » [21].

19Forte de ce pouvoir et à la lumière des arrêts récents de la Cour européenne, la Cour de cassation redéfinit donc le droit à l'assistance d'un avocat, en dépassant la solution du Conseil constitutionnel, non seulement quant au moment où il peut être invoqué ou quant à son contenu, mais également quant à son esprit.

A. Une nouvelle perspective du droit à l'assistance d'un avocat

20C'est d'abord l'esprit du droit à l'assistance d'un avocat qui est remis en perspective par la Cour de cassation. En effet, dans la première espèce, elle énonce que « toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ».

21L'actuelle rédaction de l'article 63-4 du code de procédure pénale donne au gardé à vue une simple possibilité de demander l'assistance d'un conseil, faisant reposer entièrement sur lui l'exercice de ce droit : « Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat ».

22La formulation choisie par la Cour de cassation impose en revanche une obligation de résultat, au même titre que l'obligation de fournir un interprète aux personnes atteintes de surdité et ne sachant ni lire ni écrire, et dont la mise en œuvre semble désormais reposer sur les services de police devant notifier ce droit au gardé à vue, conformément à l'article 63-1 du code de procédure pénale. Le droit à l'assistance d'un avocat au profit du gardé à vue se double d'un devoir mis à la charge des services de police. Le gardé à vue ne doit plus être simplement informé de sa possibilité de demander l'assistance d'un avocat et n'a plus à le demander lui-même, tout au plus il se bornerait éventuellement à communiquer les coordonnées de son avocat s'il en a déjà un.

23Ce changement de perspective permet dans le même temps à la Cour de consacrer un droit de renonciation au profit du gardé à vue, conformément à la jurisprudence européenne, exigeante sur ce point [22]. Si la rédaction de l'article 63-4 implique le choix par la gardé à vue de demander ou non l'assistance d'un avocat, elle ne garantit pas que ce choix soit librement exercé en connaissance de cause. Au contraire, le procès-verbal ne mentionne que la demande de l'assistance d'un avocat et non l'absence de demande [23]. Par sa formulation, la Cour permet au gardé à vue d'exprimer une renonciation non équivoque. Cette dernière suppose un choix délibéré et explicite du gardé à vue, dont les modalités devraient alors être précisées par le législateur. La renonciation pourrait par exemple être consignée dans le procès-verbal de garde à vue et émargée par l'intéressé.

24Le changement d'esprit ainsi opéré par la Cour de cassation s'inscrit dans celui de la Convention européenne des droits de l'homme, dont la Cour européenne considère qu'elle protège des droits qui ne sont pas « théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs. » [24].

25Le changement dans l'esprit du droit à l'assistance d'un avocat permet ensuite à la Cour de cassation d'en affirmer le bénéfice par principe dès le début de la garde à vue, mais aussi tout au long de la mesure en permettant à l'avocat de proposer à son client toute sa palette de services.

B. Une amélioration quantitative et qualitative du droit à l'assistance d'un avocat

26Le principe du droit à l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue est explicitement énoncé dans la première [25] et la troisième espèce [26], toutes deux relatives à des gardes à vue menées dans le cadre des procédures dérogatoires prévues par le code de procédure pénale en matière de trafic de stupéfiants.

27Le Conseil constitutionnel n'a pas souligné cette exigence dans sa décision du 30 juillet 2010, étant donné qu'il ne statuait que sur les six premiers alinéas de l'article 63-4 du code de procédure pénale, dispositions de droit commun prévoyant déjà la possibilité de demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure.

28La Cour de cassation considère en revanche que ce principe s'applique, conformément aux arrêts Salduz [27] et Dayanan [28], non seulement aux dispositions de droit commun de la garde à vue, mais également aux régimes dérogatoires des articles 63-4 alinéa 7, 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale. L'article 63-4 du même code dispose au contraire par principe que pour certaines infractions, le droit à l'assistance d'un avocat est différé : « Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4°, 6°, 7°, 8° et 15° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3° et 11° du même article, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures. ».

29La Cour de cassation, à l'instar de la Cour européenne, reconnaît malgré tout à côté du principe de présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, la possibilité d'apporter des restrictions à l'exercice de ce droit, à condition de justifier d'une raison impérieuse « qui ne peut découler de la seule nature de l'infraction » comme le prévoit actuellement l'article 63-4 § 7 du code de procédure pénale, mais doit dépendre « des circonstances particulières de l'espèce » [29]. Elle reconnaît donc que sont non-conformes à la Convention européenne des droits de l'homme les procédures dérogatoires prévues par les articles 63-4 § 7, 706-73 et 706-88 de ce code.

30La décision du Conseil constitutionnel, excluant elle aussi les restrictions générales, est rédigée de façon plus précise sur ce point et exige « des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ». Les objectifs d'une possible restriction au droit à l'assistance effective d'un avocat dès le début de la garde à vue sont ainsi clairement énoncés. Cependant, cette exigence n'a pas été consacrée pour garantir la présence de l'avocat dans les procédures particulières, mais seulement pour consacrer sa présence lors des interrogatoires. La Cour de cassation élargit donc là encore la perspective.

31Par ailleurs, la Cour de cassation ne reprend pas l'argument de l'arrêt Salduz selon lequel les restrictions justifiées par des raisons impérieuses ne doivent pas pour autant « indûment préjudicier aux droits découlant pour l'accusé de l'article 6 » [30]. Par cette formulation, la Cour européenne souligne la nécessaire proportionnalité de la restriction et semble ainsi suggérer une mise en balance des intérêts liés à la prévention des atteintes à l'ordre public et à la recherche des auteurs d'infractions avec les intérêts du gardé à vue et les droits de la défense. Cette appréciation est sous-entendue dans la formulation retenue par le Conseil constitutionnel, les restrictions ne pouvant avoir pour but que d'assurer le bon déroulement de la procédure ou de protéger des personnes.

32De même qu'il doit s'exercer dès le début de la garde à vue, le droit à l'assistance effective d'un avocat doit également pouvoir s'exercer tout au long de la garde à vue. La Cour de cassation souligne en effet de façon détournée la nécessité pour l'avocat d'être présent lors des interrogatoires, afin de garantir l'équité dès la phase préparatoire du procès, en mentionnant la préparation « des interrogatoires auxquels cet avocat n'a pu, en l'état de la législation française, participer » [31]. Cette précision fait écho à l'arrêt Salduz dans lequel la Cour européenne exige que « pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police » [32]. Le Conseil constitutionnel l'avait énoncé de façon lapidaire dans sa décision du 30 juillet 2010 en estimant que l'article 63-4 du code de procédure pénale ne permet pas à la personne interrogée pendant une garde à vue de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat [33]. Si des hésitations ont pu naître quant à l'interprétation des décisions de la Cour européenne [34] et du Conseil constitutionnel [35], la solution de la Cour de cassation ne semble pas faire de doute quant à la présence de l'avocat lors des interrogatoires du gardé à vue, surtout si l'on considère que « C'est à ces moments précis de la garde à vue que les droits de la défense doivent tout particulièrement être exercés. » [36].

33La Cour de cassation n'examine pas la question de l'assistance de l'avocat lors de l'accomplissement des autres actes d'enquête, ce moyen n'étant pas soulevé dans les espèces étudiées. Cependant, la jurisprudence européenne exige la présence de l'avocat lors de l'ensemble des actes d'enquête effectués durant une garde à vue [37], notamment lors des reconstitutions [38] et des confrontations [39]. La réforme en cours devrait également et logiquement en tirer les conséquences.

34C'est également en application du droit à un procès équitable que la Cour de cassation exige la notification du droit au silence dès le placement garde à vue : « toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire » [40]. Elle s'appuie là encore sur la jurisprudence européenne qui consacrait le droit au silence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination il y a plus de dix ans [41]. Le droit au silence devait être notifié selon l'article 63-1 du code de procédure pénale tel que rédigé par la loi du 15 juin 2000 [42] et précisé par la loi du 4 mars 2002 [43]. Le législateur a cependant supprimé l'obligation de notification par la loi du 18 mars 2003 [44]. Le droit au silence est toujours reconnu, tel que consacré par la Cour européenne, mais son application souffre de l'absence de notification, ce qui devrait conduire le législateur à en tirer les conséquences.

35C'est la solution consacrée par la Cour européenne qui a condamné la France seulement quelques jours avant la décision de la Cour de cassation [45]. Elle a d'abord considéré que « le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable. » [46], et donc que « lorsque le requérant a été placé en garde à vue (...) celui-ci (...) bénéficiait du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence garanti par l'article 6 § 1 et 3 de la Convention », bien que ce droit ne lui ait pas été notifié, faute d'obligation légale en ce sens [47]. Elle a également souligné que « la personne placée en garde à vue a le droit d'être assistée d'un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires, et ce a fortiori lorsqu'elle n'a pas été informée par les autorités de son droit de se taire » [48]. La Cour européenne considère que la présence de l'avocat lors des interrogatoires est indispensable car contribue à la garantie d'un procès équitable y compris en ce qu'il peut informer son client de son droit au silence. Ces deux droits de la défense sont liés.

36Elle ne semble pas pour autant valider l'absence de notification du droit de se taire par les services de police, bien qu'elle se contente de la constater en l'espèce avec l'impossibilité pour l'avocat d'informer son client sur ses droits. Si la démonstration de la Cour européenne peut prêter à discussion sur ce point, la formulation de la Cour de cassation ne laisse cependant aucun doute sur la nécessité d'assortir le droit au silence de toutes les garanties de son exercice effectif, y compris la notification de ce droit et la présence de l'avocat lors des interrogatoires.

37Malgré tout, un dernier point peut surprendre dans la formulation utilisée par la Cour de cassation dans la première espèce : « sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce, et non à la seule nature du crime ou délit reproché, toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat ». La Cour considère que des restrictions aux droits du gardé à vue sont possibles pour des raisons impérieuses, comme nous l'avons déjà souligné à propos du moment de l'intervention de l'avocat, y compris pour le droit d'être informé de son droit au silence. Cette possibilité de restriction est d'autant plus surprenante que le Conseil constitutionnel n'autorise une limitation des droits du gardé à vue qu'en « considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ». En quoi l'absence de notification du droit au silence peut se justifier par ces circonstances particulières ? En outre, la mise à l'écart du droit au silence tout autant justifiée qu'elle puisse être, ne s'accompagne pas d'une obligation de parler pour le gardé à vue. L'utilité d'une exception au droit au silence semble bien limitée en l'occurrence.

38De même, la Cour de cassation semble limiter la possibilité de sanctionner une violation de l'article 6 de la Convention européenne à l'existence de déclarations auto-incriminantes du gardé à vue : « Que les juges ajoutent, après avoir vérifié le contenu des déclarations faites par le mis en examen, en particulier celles par lesquelles il s'est incriminé lui-même, que l'intéressé, (...) a été privé d'un procès équitable » [49]. Cependant, il est permis de douter de la portée de cette restriction, celle-ci n'étant pas reprise dans les autres espèces.

39Enfin, le droit à l'assistance effective d'un avocat fait un saut qualitatif avec les décisions de la Cour de cassation. Il recouvre en effet pour la juridiction judiciaire suprême, toute la palette des services que le conseil peut rendre à son client dans le cadre d'une procédure. La Cour de cassation, en considérant dans la seconde espèce que la décision de la chambre de l'instruction est fondée, entérine la définition donnée par les juges du fond, elle-même issue de la jurisprudence européenne [50] : « l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme des interventions qui sont propres au conseil : la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse, et le contrôle des conditions de détention étant des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer » [51].

40La Cour européenne justifie cette solution par la nécessité de protéger des droits « concrets et effectifs », ainsi qu'elle le rappelle dans l'affaire Salduz : « À cet égard, il ne faut pas oublier que la Convention a pour but de « protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » et que la nomination d'un conseil n'assure pas à elle seule l'effectivité de l'assistance qu'il peut procurer à l'accusé. » [52].

41Afin de pouvoir proposer à son client l'ensemble de ses services, encore faut-il que l'avocat puisse avoir accès au dossier [53], ou du moins à certaines informations essentielles [54] qui ne lui sont manifestement pas données, l'article 63-4 limitant l'information de l'avocat à la nature et la date de l'infraction. C'est également cet aspect de notre procédure pénale que la Cour de cassation remet en cause dans la seconde espèce en validant l'argument de la chambre de l'instruction considérant que l'avocat « n'a pas été en mesure de discuter de l'affaire dont il ne savait rien, si ce n'est la date des faits et la nature de l'infraction retenue ».

42Les dispositions du code de procédure pénale sur ce point ne peuvent donc qu'être déclarées contraire à la Convention européenne, puisqu'elles ne permettent qu'un entretien de trente minutes de la personne gardée à vue avec son avocat, ce dernier n'ayant aucun accès au dossier de son client et n'étant qu'à peine informé de la nature et de la date de l'infraction.

43La Cour de cassation, dépassant la solution du Conseil constitutionnel, redéfinit donc en profondeur le droit à l'assistance d'un avocat lors de la garde à vue par une application fidèle de la jurisprudence européenne. Le nouvel esprit insufflé par ses décisions au droit à l'assistance d'un avocat lui permet de donner une définition qualitativement et quantitativement améliorée, renforçant ainsi les droits de la défense des gardés à vue. Elle en limite pourtant immédiatement les effets en différant l'application des règles énoncées par les trois espèces à l'adoption de la réforme gouvernementale en cours.

II. Une redéfinition à la portée limitée confiant sa mise en œuvre au législateur

44Par les solutions retenues dans les trois arrêts étudiés, la Cour de cassation reproduit dans le cadre d'un contrôle de conventionalité, la solution donnée par le Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité. Une telle translation peut être critiquée face à l'absence de fondement textuel le lui permettant, mais également en ce qu'elle prive les citoyens de l'exercice de droits pourtant reconnus sur le fondement de la Convention européenne des droits de l'homme.

A. Une portée différée par une extension critiquable de la décision du Conseil constitutionnel

45Dans la première espèce, la Cour de cassation énonce dans ses motifs tous les éléments permettant d'annuler la décision de la chambre de l'instruction, cette dernière ayant méconnu les principes de la Convention européenne des droits de l'homme en refusant de sanctionner la garde à vue menée sans notification du droit au silence et sans l'assistance effective d'un avocat dès le début de la mesure, quand bien même la loi en dispose autrement.

46Cependant, elle conclut en sens contraire en précisant :

47« Attendu que, toutefois, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que ces règles de procédure ne peuvent s'appliquer immédiatement à une garde à vue conduite dans le respect des dispositions législatives en vigueur lors de sa mise en œuvre, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et à la bonne administration de la justice ;

48Que ces règles prendront effet lors de l'entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue, ou, au plus tard, le 1er juillet 2011. » [55].

49C'est dans les mêmes termes que la Cour censure dans les deux autres espèces l'arrêt de deux chambres de l'instruction tout en reconnaissant qu'elles font l'exacte application des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne, confirmant alors la non conventionalité de la législation française de la garde à vue quant au droit à l'assistance effective d'un avocat et le droit au silence.

50Quelques mois plus tôt, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 30 juillet 2010 à laquelle la Cour de cassation fait référence, adoptait une position similaire :

51« Considérant, d'une part, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications des règles de procédure pénale qui doivent être choisies pour qu'il soit remédié à l'inconstitutionnalité constatée ; que, d'autre part, si, en principe, une déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté la question prioritaire de constitutionnalité, l'abrogation immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et entraînerait des conséquences manifestement excessives ; qu'il y a lieu, dès lors, de reporter au 1er juillet 2011 la date de cette abrogation afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité ; que les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité » [56] .

52Les décisions des deux juridictions, quoique proches par leurs effets, doivent cependant être distinguées du fait de la différence de nature entre le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionalité. Dans le premier, les effets sont « absolus et définitifs » et en cas d'inconstitutionnalité, la loi déclarée non-conforme à la Constitution est abrogée. En revanche, dans le cas d'un contrôle de conventionalité, les effets sont « relatifs et contingents » et la loi déclarée non-conforme à la Convention européenne des droits de l'homme ou à tout autre traité continue d'appartenir à l'ordre juridique national mais est écartée dans l'espèce considérée [57].

53En outre, la décision du Conseil constitutionnel s'impose à la Cour de cassation sur le fondement de l'article 62 alinéa 3 de la Constitution, qui dispose que les décisions du Conseil constitutionnel « s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

54Les éléments suivants doivent donc être pris en compte par la Cour. Le Conseil constitutionnel avance un argument général quant à l'abrogation encourue et ses effets. Il indique ainsi qu'il ne dispose pas du pouvoir de se substituer au législateur, argument qu'il a pourtant écarté dans d'autres décisions relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité [58]. Il ne peut donc pas abroger purement et simplement les dispositions inconstitutionnelles en l'absence de possibilité de renvoyer à un autre texte ou d'énoncer les règles applicables dans le cadre d'une réserve d'interprétation. Une telle solution générale laisserait un vide juridique empêchant toute garde à vue à venir jusqu'à l'adoption d'une loi nouvelle, ce qui n'est pas imaginable vue l'utilité de la mesure dans la recherche des auteurs d'infraction. C'est pourquoi il diffère la date d'abrogation au 1er juillet 2011, laissant ainsi le temps au Parlement d'adopter de nouvelles dispositions.

55Cette modulation des effets de sa décision est prévue par les dispositions constitutionnelles relatives à la question prioritaire de constitutionnalité. L'article 62 al. 2 de la Constitution dispose en effet qu'« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause. ». Le Conseil constitutionnel pouvait donc légitimement différer les effets de sa décision.

56C'est sur ce même fondement que dans un second temps le Conseil constitutionnel refuse de faire bénéficier de cette abrogation la partie qui a soulevé la question prioritaire de constitutionnalité. Il invoque à ce titre les « conséquences manifestement excessives » qui résulteraient de l'abrogation immédiate des dispositions en cause. En effet, la garde à vue devrait être annulée, de même que tous les actes subséquents, ce qui pourrait remettre en cause les poursuites dirigées contre M. X et donc « les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions ». Le Conseil précise enfin qu'aucune des mesures de garde à vue qui seront prises sur les fondements inconstitutionnels avant le 1er juillet 2011 ne pourra être remise en cause de ce chef.

57Cette solution s'impose alors à la Cour de cassation dans l'affaire pendante à l'occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée, mais également dans toutes les affaires portant sur le même grief, et cette dernière ne peut donc pas annuler la garde à vue et les actes déférés au regard de leur inconstitutionnalité.

58C'est ce qu'elle indique dans la première espèce en estimant « qu'il s'en déduit que le grief est devenu sans objet ».

59Cependant, si la solution du Conseil constitutionnel s'impose à la Cour de cassation quant aux pourvois invoquant l'inconstitutionnalité des dispositions relatives à la garde à vue pour en demander l'annulation, elle ne s'impose pas quant aux arguments tirés de la contrariété de ces dispositions avec la Convention européenne des droits de l'homme, dont seul le juge judiciaire en assure le contrôle. En effet, le contrôle de constitutionnalité et le contrôle de conventionalité des lois sont distincts, ainsi que l'a rappelé encore récemment le Conseil constitutionnel, et ce dernier n'a pas compétence pour examiner la conventionalité des lois [59].

60Pourtant, la Cour de cassation diffère également l'entrée en vigueur des effets de sa décision d'inconventionalité au 1er juillet 2010 au plus tard. Elle retient les mêmes arguments que le Conseil, à savoir les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice, eux-mêmes garantis par la Cour européenne des droits de l'homme [60]. Elle prend en outre le soin de préciser qu'elle adopte cette solution « conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 », alors qu'elle statue dans le cadre d'un contrôle de conventionalité, qui peut ne pas être « conforme » aux décisions de constitutionnalité du Conseil constitutionnel.

61La Cour fait donc le choix d'harmoniser ses solutions avec celle du Conseil constitutionnel en faisant prévaloir la sécurité juridique d'une procédure pénale, et donc l'intérêt de la société, sur les droits de la défense de la personne mise en cause dans cette procédure.

62Une telle solution pose alors la question du fondement juridique lui permettant de différer pour l'avenir les effets de l'inconventionalité relevée. Contrairement à la situation du Conseil constitutionnel, pour qui la Constitution a prévu la possibilité de moduler les effets de ses décisions dans le temps, il n'existe aucune disposition similaire pour la juridiction judiciaire suprême. Le contrôle de conventionalité, bien que fondé sur l'article 55 de la Constitution affirmant la supériorité des traités sur les lois sous réserve de réciprocité, est né d'une pratique jurisprudentielle. Ce sont donc des solutions prétoriennes qui se sont peu à peu dégagées, sous l'impulsion d'un rapport sur la question de la rétroactivité des arrêts de principe et des revirements de jurisprudence [61]. Bien que s'y refusant de longue date [62], la Cour de cassation a finalement admis, la possibilité d'un revirement de jurisprudence pour l'avenir en 2006 [63]. Cette décision de l'Assemblée plénière refusait de censurer un arrêt d'appel ayant écarté à tort un moyen tenant à la prescription de l'action au motif que « la censure de sa décision n'est pas encourue de ce chef, dès lors que l'application immédiate de cette règle de prescription dans l'instance en cours aboutirait à priver la victime d'un procès équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en lui interdisant l'accès au juge ». Deux autres arrêts intervenus depuis ont, de la même façon, écarté l'application immédiate d'une solution nouvelle à l'instance en cours, afin de ne pas priver le justiciable du droit d'accès au juge, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme [64].

63Or en l'espèce, la Cour de cassation ne se contente pas d'écarter la rétroactivité de sa solution pour les affaires pendantes, mais reporte à plusieurs mois les effets de l'inconventionalité des dispositions relatives à la garde à vue, justifiant par avance des milliers de gardes à vue en méconnaissance des droits de la défense. En outre, la prééminence du principe de sécurité juridique validant le report des effets dans le temps de sa décision n'est pas justifiée par la protection des droits de la défense garantis par la Convention européenne : ces derniers sont au contraire écartés au profit de la répression des atteintes à l'ordre public et de la protection des intérêts de la société.

64Dès lors, on peut s'interroger sur la validité d'une telle solution au regard des principes conventionnels garantis par la Cour européenne des droits de l'homme. Vu l'importance accordée récemment par cette dernière aux droits de la défense lors de la garde à vue, elle ne pourra que reconnaître la contrariété des dispositions législatives françaises avec la Convention européenne. L'État devra alors en tirer les conséquences pour les cas d'espèces qui auront été jugés par la juridiction européenne, conformément à l'article 46 de la Convention.

65La Cour pourrait choisir de limiter les effets dans le temps de ses propres décisions pour les situations similaires à celle de l'espèce, comme elle a déjà eu l'occasion de le préciser en 1979 : « Le principe de sécurité juridique, nécessairement inhérent au droit de la Convention comme au droit communautaire, dispense l'État belge de remettre en cause des actes ou situations juridiques antérieurs au prononcé du présent arrêt. » [65]. Cependant, il est permis d'en douter puisque ses décisions relatives à la garde à vue, ci-dessus évoquées, ont reçu un effet immédiat [66].

66Par ailleurs, si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 30 juillet 2010, interdit toute contestation de mesure de garde à vue sur le fondement de l'inconstitutionnalité des dispositions légales [67], la Cour de cassation n'a pas pu interdire les recours excipant de l'inconventionalité des mêmes dispositions, qui risquent de se multiplier, de même que les recours devant la Cour européenne [68]. Ces derniers risquent de compromettre l'impératif de sécurité juridique recherché par les solutions nationales dans l'attente d'une réforme législative à laquelle elles renvoient.

67Le report dans le temps des effets des solutions novatrices de la Cour de cassation, critiquable quant à ses justifications, a pour conséquence de confier au législateur le soin d'en tirer les conséquences pour les régimes de garde à vue.

B. Une portée ignorée dans l'attente de la réforme législative

68C'est en effet au législateur qu'il revient de tirer les conséquences de l'inconstitutionnalité et de l'inconventionalité des dispositions relatives à la garde à vue. En attendant la réforme à venir, les dispositions inconstitutionnelles et non conventionnelles continuent à s'appliquer, dans l'ignorance de la révolution ainsi opérée.

69Au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a présenté au Conseil des ministres un texte spécifique à cette mesure, précipitant sur ce point la réforme plus générale de la procédure pénale entreprise [69]. Dès la communication des décisions de la Cour de cassation, Michèle Alliot-Marie, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des libertés a déclaré que ces décisions « confortent le nouveau dispositif de la garde à vue » présenté et que « pour les régimes dérogatoires, visés par deux des trois arrêts, le Gouvernement tiendra évidemment compte de ces décisions et complètera le texte du projet de loi par voie d'amendement. ».

70Le projet de loi initial ne comporte pas toutes les garanties énoncées par la Cour de cassation, non seulement au regard des régimes dérogatoires « oubliés » de la réforme, mais également au regard du régime de droit commun de la garde à vue. En effet, son objectif premier n'était pas de renforcer les droits de la défense dans le régime existant mais de réduire le nombre de gardes à vue de droit commun, tant cette mesure attentatoire aux libertés s'est banalisée [70].

71C'est pourquoi le projet prévoit que la seule existence de raisons plausibles de soupçonner qu'une personne a commis ou tenté de commettre une infraction ne suffit plus à placer cette personne en garde à vue. L'article 62-6 du code de procédure pénale, tel que rédigé par le projet, énumère les critères permettant de recourir à cette mesure.

72Si une telle disposition est louable, il n'en est pas de même de la création de l'audition libre, statut à mi-chemin entre celui de gardé à vue et celui de témoin, applicable si la personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction consent à son audition. Elle reste alors libre et, selon la précision de l'article 62-2, « présumée innocente ».

73Bien que des précautions soient prévues par l'article 62-4 du projet quant au recueil du consentement de la personne, qui doit être consigné dès le début de mesure et renouvelé à chaque interruption de l'audition, elle ne bénéficie d'aucune des garanties du gardé à vue quant à la durée de cette audition ou quant aux droits de la défense, et notamment le droit à l'assistance d'un avocat ou le droit au silence. Le droit au silence n'est pourtant pas privé de portée même si la personne concernée a consenti à son audition. À cet égard, certains peuvent affirmer très justement que « l'admission de "l'audition libre" paraît une régression qui ne peut que susciter l'inquiétude » [71].

74Le projet ne prévoit pas non plus l'information de la personne concernée quant à ces différents statuts et leurs implications quant à la possibilité de se faire assister par un avocat. La demande d'assistance d'un avocat dans le cadre d'une audition libre permet-elle de basculer immédiatement sous le régime de la garde à vue ?

75Le régime de garde à vue de droit commun s'est en revanche enrichi de nouveaux droits au profit du gardé à vue. L'article 63-1 II du projet rétablit la notification du droit au silence ainsi libellé : « La personne placée en garde à vue est informée au début de son audition qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».

76L'article 63-1 I prévoit également, parmi les droits notifiés au gardé à vue, le « droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat conformément aux dispositions des articles 63-3-1 à 63-4-2. ». Cette rédaction semble à première vue coïncider avec le changement d'esprit insufflé par la Cour de cassation si elle n'était contredite par les articles auxquels elle renvoie. L'article 63-3-1 du projet reprend en effet la formulation actuelle faisant reposer sur le gardé à vue la diligence de demander un avocat : « Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat ». Le projet ne prévoit pas plus que le texte actuel le contrôle de la réalité d'une éventuelle renonciation au droit à l'assistance d'un avocat, contrairement à ce que semble préconiser la Cour de cassation.

77De même, si les articles 63-4-1 et 63-4-2 du projet permettent à l'avocat d'assister aux interrogatoires et de consulter le procès verbal de placement en garde à vue et les procès-verbaux d'auditions, il ne l'autorise pas à consulter l'intégralité du dossier de son client ni à être présent durant les autres actes d'enquête, comme les reconstitutions. L'entretien confidentiel est toujours limité à trente minutes et ne peut intervenir qu'en début de garde à vue et lors de son renouvellement. Toute la palette des services que le conseil peut proposer à son client est loin d'être présente dans le projet de loi du gouvernement.

78L'intervention de l'avocat peut en outre être restreinte, conformément à la jurisprudence nationale et européenne, par décision du procureur de la République qui peut différer la présence de l'avocat lors des interrogatoires pendant 12 heures, si cela est indispensable « en considération des circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation de preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes » [72]. Il peut également pour les mêmes raisons interdire à l'avocat de consulter les procès verbaux pendant la durée de la restriction autorisée.

79Enfin, en maintenant l'actuel article 63-4 alinéa 7 relatif aux régimes dérogatoires de la garde à vue et en prévoyant à l'article 706-88 du code de procédure pénale que les articles 63-4-1 et 63-4-2 du projet ne seront pas applicables à ces régimes dérogatoires, le projet de loi dans sa version du 13 octobre 2010 ne permet pas à l'avocat d'assister aux auditions de son client retenu dans ce cadre, ni de consulter les procès-verbaux rédigés. Il ne lui permet pas non plus d'être présent dès le début de la garde à vue. Pourtant, dans leur commentaire de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-31 QPC du 22 septembre 2010, certains auteurs indiquaient qu'« Indirectement, le régime de ces gardes à vue dérogatoires sera donc nécessairement affecté par la réforme imposée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010 » [73].

80Ces dispositions ont donc été modifiées par voie d'amendement ainsi que l'annonçait la Ministre d'État. Plusieurs amendements ont été déposés par le gouvernement lors de la discussion du texte devant l'Assemblée Nationale, complétés par de nombreuses modifications parlementaires. Le projet de loi qui vient d'être adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale [74] et déposé au Sénat [75] est donc bien différent du projet initial. La procédure de l'audition libre est abandonnée, la définition de la garde à vue est réécrite, tandis que le texte tire les conséquences des arrêts de la Cour de cassation quant aux régimes dérogatoires de garde à vue. Le projet propose également d'enrichir l'article préliminaire du code de procédure pénale d'un alinéa garantissant qu'aucune condamnation ne puisse reposer sur les seules déclarations d'une personne sans l'assistance d'un avocat. D'autres modifications positives renforcent les droits de la défense : la notification du droit au silence intervient en même temps que celle des autres droits ; la notification est améliorée pour les personnes étrangères ; l'avocat peut désormais prendre connaissance du certificat médical du gardé à vue et poser des questions à l'issue de chaque audition. En revanche, il appartient toujours à la personne gardée à vue de solliciter l'assistance de son avocat dès le début de la mesure et désormais lors des auditions [76]. Malgré tout la première audition est différée de deux heures afin de permettre au conseil d'y assister, sauf exception sur autorisation du Procureur de la République. Les informations communiquées à l'avocat restent limitées à la date et la nature de l'infraction, la durée de l'entretien avec son client est maintenue à trente minutes, et il ne dispose pas d'un accès à la totalité du dossier, mais seulement aux procès-verbaux de placement et d'auditions.

81Nous ne pouvons donc que porter une appréciation mitigée sur les arrêts de la Cour de cassation qui, s'ils parais- sent révolutionner le droit de la garde à vue, ne permettent pas de préjuger du contenu d'une réforme inachevée et ne permettent pas non plus de garantir les droits de la défense dans l'attente de cette réforme indispensable. La garantie d'un procès équitable à l'avenir pour les uns repose malheureusement sur le sacrifice de nombreux autres...

82Nous ne pouvons donc que porter une appréciation mitigée sur ces arrêts qui, s'ils paraissent révolutionner le droit de la garde à vue, ne permettent pas de préjuger du contenu d'une réforme inachevée et ne permettent pas non plus de garantir les droits de la défense dans l'attente de cette réforme indispensable. La garantie d'un procès équitable à l'avenir pour les uns repose malheureusement sur le sacrifice de nombreux autres...


Date de mise en ligne : 01/04/2019

https://doi.org/10.3917/rsc.1004.0879

Notes

  • [1]
    Crim, 19 oct. 2010, arrêts n° 5699, 5700 et 5701.
  • [2]
    CEDH, 14 oct. 2010, n° 1466/07, Brusco c/ France, D. 2010. 2950, note J.-F. Renucci ; ibid. 2425, édito. F. Rome ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; ibid. 2850, point de vue D. Guérin. L'arrêt ne deviendra définitif qu'à défaut de saisine de la Grande Chambre dans le délai de trois mois ou du rejet du pourvoi par celle-ci (art. 43 et 44 de la Conv. EDH).
  • [3]
    C. Lazerges, Les désordres de la garde à vue, cette Revue 2010. 275.
  • [4]
    Les documents de travail du Sénat, Série Législation comparée, La garde à vue, n° LC 204, déc. 2009.
  • [5]
    Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22-QPC, AJDA 2010. 1556 ; D. 2010. 1928, entretien C. Charrière-Bournazel ; ibid. 1949, point de vue P. Cassia ; ibid. 2254, obs. J. Pradel ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier ; RTD civ. 2010. 513, obs. P. Puig ; ibid. 517, obs. P. Puig, JORF 31 juill. 2010, p. 14198.
  • [6]
    Les considérants 12 et 13 précisent que la question prioritaire de constitutionnalité est exclue lorsqu'elle porte sur une disposition ayant déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (art. 23-2 al. 3 et 23-5 al. 3 de l'ord. du 7 nov. 1958 modifiée), alors qu'aucun changement de circonstance n'est intervenu, justifiant un nouvel examen. V. le commentaire de P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la constitution, D. 2010.1949.
  • [7]
    Décision n° 2010-30/34/35/47/48/49/50, QPC 6 août 2010, JORF 7 août 2010, p. 14618.
  • [8]
    Décision n° 2010-31, QPC 22 sept. 2010, JORF 23 sept. 2010, p. 17290.
  • [9]
    V. P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la constitution, préc. : le Conseil constitutionnel refuse de retenir un changement de circonstances dans l'application des régimes dérogatoires de la garde à vue, alors qu'il vient de remettre totalement en question le régime de droit commun. Il déclare en outre dans sa décision n° 2010-31 QPC du 22 sept. 2010 que les quatre derniers alinéas de l'art. 706-88 du code de procédure pénale relatif aux régimes dérogatoires sont bien conformes à la Constitution.
  • [10]
    Décision n° 2010-30/34/35/47/48/49/50, QPC 6 août 2010 préc.
  • [11]
    Décision n° 75-54 du 15 janv. 1975, loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, JORF 16 janv., V. not. O. Dutheillet de Lamothe, Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité, in Mélanges en l'honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz 2007, p. 315. L'auteur explique que « malgré des différences apparentes, ce contrôle de conventionalité nous paraît s'apparenter très largement à un contrôle de constitutionnalité des lois », en ce qui concerne ses effets. Le Conseil constitutionnel a récemment rappelé qu'il ne lui appartient pas, lorsqu'il est « saisi en application de l'art. 61 ou de l'art. 61-1 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'une loi avec les engagements internationaux ou européens de la France », Cons. const., 12 mai 2010, n° 2010-605 DC, AJDA 2010. 1048 ; D. 2010. 1321, note A. Levade ; ibid. 1229, chron. P. Fombeur ; ibid. 1234, chron. P. Cassia et E. Saulnier-Cassia ; ibid. 1495, chron. V. Lasserre-Kiesow et P. Le More ; RFDA 2010. 458, note P. Gaïa ; Cah. Cons. const. 2010. 63, étude D. Simon et A. Rigaux ; RTD civ. 2010. 499, obs. P. Deumier, Loi relative à l'ouverture de la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, cons. 11 et 16.
  • [12]
    Communiqué de la Cour de cassation du 19 oct. 2010.
  • [13]
    Ord. n°58-1067 du 7 nov. 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la L. org. n° 2009-1523 du 10 déc. 2009.
  • [14]
    Art. 23-2 al. 3 de l'Ord. n° 58-1067 préc.
  • [15]
    Les déclarant conformes à la Constitution, Décision n° 2010-31, QPC 22 sept. 2010, JORF du 23 sept., p. 17290.
  • [16]
    P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc. ; Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22-QPC, AJDA 2010. 1556 ; D. 2010. 1928, entretien C. Charrière-Bournazel ; ibid. 1949, point de vue P. Cassia ; ibid. 2254, obs. J. Pradel ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier ; RTD civ. 2010. 513, obs. P. Puig ; ibid. 517, obs. P. Puig.
  • [17]
    P. Cassia., Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc., p. 1951.
  • [18]
    Compétence reconnue sur le fondement de la primauté des traités et engagements internationaux de la France sur la loi interne et l'incompétence du Conseil constitutionnel pour apprécier la conventionalité d'une loi dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité : Décision n° 75-54 du 15 janv. 1975, loi relative à l'interruption volontaire de grossesse, JORF 16 janv. ; Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, Administration des douanes c/ Cafés Jacques Vabre, Bull. civ. I, no 4., V. not. O. Dutheillet de Lamothe, Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité, préc. ; J-F. Lachaume, Droit international et juridictions judiciaires, Rép. internat., Dalloz 2009, n° 113 s.
  • [19]
    G. Roujou de Boubée, L'assistance de l'avocat pendant la garde à vue, D. 2010. 868 ; C. Saas., Défendre en garde à vue : une révolution...de papier ?, AJ pén. 2010. 27.
  • [20]
    C. Saas, Défendre en garde à vue : une révolution...de papier ?, préc., p. 27.
  • [21]
    V. not. Guinchard S., Buisson J., Procédure pénale, éd. Litec, 5e éd. 2009, p. 80.
  • [22]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02, cons. 59 : « Pour être effective aux fins de la Convention, la renonciation doit se trouver établie de manière non équivoque et être entourée d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité », à propos de la renonciation au droit au silence.
  • [23]
    Art. 64, alinéa 1 in fine C. pr. pén.
  • [24]
    CEDH, 9 oct. 1979, Airey c/ Irlande, cons. 24.
  • [25]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5699, préc.
  • [26]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5701, préc.
  • [27]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02.
  • [28]
    CEDH, 13 oct. 2009, n° 7377/03, Dayanan c/ Turquie, D. 2009. 2897, note J.-F. Renucci ; AJ pénal 2010. 27, étude C. Saas ; Rev. science crim. 2010. 231, obs. D. Roets.
  • [29]
    Ibid.
  • [30]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, préc., cons. n° 55.
  • [31]
    Arrêt n° 5700, du 19 oct. 2010, préc.
  • [32]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02, cons. n° 55. Cet arrêt renforce la solution d'un arrêt plus ancien, CEDH, 8 févr. 1996, n° 18731/91, Rev. science crim. 1997. 476, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 481, obs. R. Koering-Joulin.
  • [33]
    Décision n° 2010-14/22, QPC 30 juill. 2010, préc., cons. n° 28.
  • [34]
    Pour le juge Zagrebelsky, le doute n'est pas permis et son opinion concordante dans la décision Salduz souligne « L'importance des interrogatoires est évidente dans le cadre de la procédure pénale, de sorte que, comme l'arrêt le souligne, l'impossibilité de se faire assister d'un avocat pendant les interrogatoires s'analyse, sauf exceptions, en une grave défaillance par rapport aux exigences du procès équitable. ». Le doute a été levé depuis, notamment dans l'arrêt Karabil c/ Turquie du 16 juin 2009, n° 5256/02, cons. 44 : « En l'espèce, nul ne conteste que le requérant n'a pas bénéficié de l'assistance d'un conseil lors de sa garde à vue - donc pendant ses interrogatoires », et tout récemment dans l'arrêt Brusco c/ France du 14 oct. 2010 : « la personne placée en garde à vue a le droit d'être assistée d'un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires », voir infra.
  • [35]
    Cassia P., Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc. ; C. Saas, Défendre en garde à vue : une révolution...de papier ?, préc.
  • [36]
    Pour reprendre l'affirmation de C. Saas à propos de l'interprétation de l'affaire Salduz sur ce point, C. Saas, Défendre en garde à vue : une révolution...de papier ?, préc., p. 27. V. également D. Roets, Du droit à l'assistance d'un avocat dès le début de la garde à vue, cette Revue 2010. 231 ; G. Roujou de Boubée, Garde à vue et exigences européennes, D. 2010. 72 ; C. Lazerges, Les désordres de la garde à vue, cette Revue 2010. 275 ; contra V. Lesclous, Un an de droit de la garde à vue, janv. 2009 - mai 2010, Revue de droit pénal n° 9, sept. 2010, chron. 7 ; J-F. Renucci, L'avocat et la garde à vue : exigences européennes et réalités nationales, D. 2009. 2897.
  • [37]
    CEDH, 17 févr. 2009, Ibrahim Ozturk c/ Turquie, n° 16500/04, cons. 46, 48 et 49.
  • [38]
    CEDH, 29 juin 2010, Karadag c/ Turquie, n° 12976/05, cons. 46 et 47.
  • [39]
    CEDH, 20 oct. 2009, Yunus Aktas et autres c/ Turquie, n° 24744/03, cons.52.
  • [40]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5699 préc.
  • [41]
    CEDH, 8 févr. 1996, John Murray c/ Royaume Uni, n° 18731/91, cons. 45, Rev. science crim. 1997. 476, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 481, obs. R. Koering-Joulin.
  • [42]
    Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, art. 8.
  • [43]
    Loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, art. 3 II.
  • [44]
    Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, art. 19.
  • [45]
    CEDH, 5e sect., 14 oct. 2010, n° 1466/07, Brusco c/ France, D. 2010. 2950, note J.-F. Renucci ; ibid. 2425, édito. F. Rome ; ibid. 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; ibid. 2850, point de vue D. Guérin .
  • [46]
    Ibid. cons. 44.
  • [47]
    Ibid. cons. 50 et 54.
  • [48]
    Ibid, cons. n° 45.
  • [49]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5701 préc.
  • [50]
    CEDH, 13 oct. 2009, Dayanan c/ Turquie, préc., cons. n° 32.
  • [51]
    Crim. 19 oct. 2010, arrêt n° 5700 préc.
  • [52]
    CEDH, 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02 cons. n° 51, la Cour reprenant ici sa jurisprudence Artico c/ Italie du 13 mai 1980, cons. 33.
  • [53]
    C. Lazerges, Les désordres de la garde à vue, préc.
  • [54]
    G. Roujou de Boubée, Garde à vue et exigences européennes, préc.
  • [55]
    Crim 19 oct. 2010, arrêt n° 5699, préc.
  • [56]
    Décision n° 2010-14/22, QPC 30 juill. 2010, préc., cons. n° 30.
  • [57]
    O. Dutheillet de Lamothe, Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité, préc., point 1.2.
  • [58]
    V. sur ce point l'analyse d'O. Bachelet, La garde à vue, entre inconstitutionnalité virtuelle et inconventionalité réelle, Gaz. Pal. 5 août 2010, n° 217, p. 14.
  • [59]
    Décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, loi relative à l'ouverture de la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, Cons. 11 et 16, préc., V. note n° 9.
  • [60]
    CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique, n° 6833/74 ; Salvia (de) M., La place de la notion de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 11, 2001, p. 140.
  • [61]
    N. Molfessis (dir.), Rapport sur les revirements de jurisprudence, 30 nov. 2004.
  • [62]
    J-G. Huglo, La Cour de cassation et le principe de sécurité juridique, Les Cahiers du Conseil constitutionnel n°11, 2001, p. 124 s., not. p. 135 s. En revanche, elle use parfois de deux techniques, dont la limitation des effets dans le passé, permettant de ne pas remettre en cause trop de situations juridiques.
  • [63]
    Cass., ass. plén., 21 déc. 2006, n° 00-20.493, D. 2007. 835, et les obs., note P. Morvan ; RTD civ. 2007. 72, obs. P. Deumier ; ibid. 168, obs. P. Thery, Bull. 2006, Ass. plén, n° 15, p. 52
  • [64]
    Com. 13 nov. 2007, Bull. 2007, IV, n° 243 ; Soc. 26 mai 2010, Bull.
  • [65]
    CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique, préc., cons. 58.
  • [66]
    Pour la même appréciation portée sur la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, V. P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc.
  • [67]
    Ce qui est également critiquable au regard de la Convention européenne des droits de l'homme, V. P. Cassia, Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution, préc.
  • [68]
    C. Charriere-Bournazel, Garde à vue : le sursaut républicain, D. 2010. 1928.
  • [69]
    Projet de loi relatif à la garde à vue, n° 2855, déposé à l'Assemblée Nationale le 13 oct. 2010.
  • [70]
    V. l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi.
  • [71]
    G. Roujou de Boubée, L'assistance de l'avocat pendant la garde à vue, D. 2010. 868, préc.
  • [72]
    Article 63-4-2 du projet.
  • [73]
    Les Cahiers du Conseil constitutionnel n° 30.
  • [74]
    TA n° 597.
  • [75]
    Projet de loi n° 253 enregistré au Sénat le 25 janv. 2011.
  • [76]
    Le projet initial énonçait au contraire que l’avocat peut assister aux auditions.

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