Notes
-
[1]
P. Poncela, De la déviance à la délinquance: une microphysique du détail, Délinquances des jeunes. Quels actes ? Quelles réponses juridiques ?, Paris, L'Harmattan, 2009, p. 11.
-
[2]
P. Poncela, De la déviance à la délinquance: une microphysique du détail, idem, p. 13.
-
[3]
A. Binet-Grosclaude, Légiférer sur la délinquance des jeunes (2002-2008), op. cit., p. 17.
-
[4]
Z. Carvajal, Du happy slapping au vidéo lynchage, op. cit., p. 153.
-
[5]
P. Poncela, Out Rage! Les jeunes et la police en viennent aux mots, op. cit., p. 79.
-
[6]
C. Trassard Cédric, L'embuscade : quand les évènements font loi, op. cit., p. 99.
-
[7]
T. Nzashi-Luhusu, Les jeunes pris dans les mailles délinquogènes d'internet, op. cit., p. 135.
-
[8]
C. Lojou, Des jeunes et des noctiliens jusqu'au bout de la nuit, op. cit., p. 185.
-
[9]
W. Ayed, Le viol en réunion, op. cit., p. 119.
-
[10]
C. Viennot, Punir les parents ?, op. cit., p. 165.
-
[11]
E. Fortis, P. Beauvais, Du jeu à la violence: les rackets en milieu scolaire, op. cit., p. 65.
-
[12]
N. Gorchon, Les jeunes dans le bizness, op. cit., p. 41.
-
[13]
Docteur en criminologie de l'Université de Montréal, Philippe Bensimon travaille pour le ministère de la Sécurité publique du Canada depuis 22 ans, dont une quinzaine d'années passées en milieu carcéral et sept ans à la recherche et il a par ailleurs enseigné la criminologie à temps partiel à l'Université d'Ottawa de 1996 à 1999, avant de le faire depuis 1999 à l'Université de Montréal.
-
[14]
Principalement en langue anglaise, mais avec un certain nombre de titres en langue française.
-
[15]
V. R. Gassin, Criminologie, Dalloz, 6e éd. 2007, n° 290.
-
[16]
Sur cette notion, V. R. Merle et A.Vitu, Traité de droit criminel, t.1, Droit pénal général, Cujas, 7e éd. 1997, n° 94.
Politique criminelle
1. COLLECTIF, Les addictions, Les Archives de politique criminelle, Paris, éditions A. Pédone, vol. 31, 2009, 308 pages
1 Le volume n° 31 des Archives de politique criminelle est consacré aux addictions. L'ouvrage s'ouvre sur un article de médecins du CHU de Nantes sur la question de Qu'est-ce que l'addiction ? Il est intéressant de noter que la définition qu'ils en donnent ne se borne pas aux addictions aux produits stupéfiants mais s'étend, par exemple, au sexe. Les développements sur les facteurs déclenchants, ainsi que sur les critères diagnostiques sont particulièrement éclairants. L'article suivant d'Olivier Sautel aborde le traitement des addictions par le droit pénal et s'interroge sur les motivations du recours aux incriminations, ainsi qu'à leurs contours. Jean Danet et Virginie Gautron s'intéressent aux fondements des incriminations liées aux stupéfiants, l'occasion de « méditer un peu sur ces valeurs que le tabou des stupéfiants nous révèle ». Les jeux d'argent sont le sujet de l'article d'Elisabeth Fortis. Face à une offre de jeu traditionnelle et une offre « en ligne » en plein développement, le législateur projette de faire peser sur les opérateurs autorisés les mesures de prévention et de traitement des addictions.
2 Le premier article de la partie Politique criminelle appliquée s'intéresse également au joueur compulsif. Thilo Firchow et Audrey Rizzarello décrivent le parcours d'un sujet depuis les raisons psychologiques de sa dépendance jusqu'à la transgression de la loi et l'intervention judiciaire. Le traitement des addictions en prison fait l'objet d'un article d'Emmanuel Brillet qui expose la diversité de l'offre de réponses en milieu carcéral : si l'éventail des offres s'est élargi et que leur accès est plus facile, il n'en demeure pas moins aléatoire. Jean-Paul Jean s'attaque à un sujet plus restreint, mais non moins intéressant, l'aggravation de la répression des usagers de stupéfiants par la loi du 5 mars 2007. Cette évolution législative traduit la volonté de punir de façon systématique des simples consommateurs. Sur ce sujet, les statistiques policières et judiciaires sont éclairantes.
3 La troisième partie comparatiste des Archives de politique criminelle nous donne une perspective utile à la compréhension de la situation française. Italie, Espagne, Royaume-Uni, tous les pays européens sont confrontés au problème des addictions. Après un aperçu du problème des dépendances et un historique du traitement juridique des drogues illicites Outre-manche, Nicola Padfield expose les différentes mesures de dissuasion et leurs évolutions, qu'ils s'agissent d'alternatives aux poursuites ou de véritables peines.
4 Nous noterons l'apparition d'une nouvelle rubrique, « varia », incluant des articles sur des thèmes différents de ceux du numéro. Ainsi, Frédérique Fiechter-Boulvard s'interroge sur une notion d'actualité avec la création de la rétention de sûreté, la « dangerosité » et l'étudie du point de vue de la criminologie et du droit pénal.
5 Nous ne manquerons pas de remarquer l'hommage à Louk Hulsman décédé en 2009 par Josefina Alvarez. Le père de la pensée abolitionniste dont les travaux n'ont eu de cesse de questionner le système pénal a marqué de façon durable la recherche.
6 Caroline JEAN-MEÏRE
Droit international et européen
2. Jean-Baptiste JEANGÈNE VILMER, Réparer l'Irréparable, Les réparations aux victimes devant la Cour pénale internationale, Préface d'Antoine Garapon, PUF, mars 2009, 201 pages
7 Le présent ouvrage, dont le style clair et vivant en rend la lecture fort agréable, suggère une refonte importante du régime des réparations devant la CPI. L'auteur, en introduction, semble pourtant sur la défensive, en se posant la question de savoir si « la réparation de tels crimes n'est pas particulière » (p.6) ; il affirme sans tarder que « pour les crimes qui nous occupent ici, il n'existe pas de “vraie” réparation, complète, intégrale. [...] Ce qui signifie que, telle qu'on l'entend ici, la réparation ne répare pas, elle soulage seulement ». L'auteur s'est fixé deux objectifs : « présenter et expliquer de manière complète et panoramique le régime de réparation de la CPI. D'autre part, évaluer l'efficacité et la justice » de cette « innovation » (p. 17). L'intérêt de l'ouvrage tient surtout à cette dernière dimension, puisque l'auteur, bien au-delà de l'évaluation de l'efficacité et de la justice de cette innovation, propose même, en les argumentant, des réformes majeures.
8 La chapitre premier porte sur l'« Étroitesse du champ d'application du régime de réparation de la CPI », tant ratione personae que ratione materiae. L'auteur y défend l'introduction de la responsabilité étatique au niveau de la CPI, tout en gardant le régime actuel de responsabilité internationale de l'État, ce qui suppose de reconnaitre la satisfaction (y compris les réparations symboliques) et les garanties de non-répétition de l'illicite devant la Cour de la Haye. Selon cet auteur, la reconnaissance d'une telle responsabilité étatique est déjà implicite (notamment par la responsabilité du supérieur) et le régime actuel des réparations devant la CPI « reste encore trop dans une logique rétributiviste ». Il suggère de substituer ce qu'il appelle « une logique conséquentialiste, qui évalue moralement l'action en fonction de ses conséquences ».
9 Le chapitre II constitue une critique des « défauts de l'individualisation de la procédure devant la Cour ». Après avoir rappelé la procédure applicable, l'auteur dénonce l'absence d'égal accès des victimes à la justice, puisque seules les victimes d'un crime ayant donné lieu à des poursuites devant la Cour, peuvent espérer obtenir réparation devant la CPI. Il met en exergue tout autant les entraves matérielles et psychologiques que subiront les victimes les plus pauvres. L'auteur en vient ainsi à considérer que la judiciarisation de cette procédure de réparations devant la CPI devrait être abandonnée pour faire l'objet d'un programme de réparations distinct.
10 Ce programme distinct pourrait précisément être assuré par le fonds d'indemnisation, qui est l'objet du dernier chapitre. L'auteur examine en détails l'origine puis l'utilisation des ressources du fonds. Selon l'auteur, ce fonds doit constituer le moteur principal du régime des réparations de la CPI, par sa compétence non limitée aux victimes liées à une procédure pénale devant la CPI, et par la flexibilité de ses procédures. Il demeure pourtant que les fonds sont, à ce jour, encore très limités.
11 Le style est vivant, l'auteur très agréable à lire. Il s'agit, en résumé, d'un ouvrage proposant une approche personnelle stimulante et convaincante, car s'appuyant sur une connaissance solide du droit des victimes, de lege ferenda, dont il faut souhaiter que le régime de la CPI saura s'inspirer à l'avenir.
12 Elisabeth LAMBERT ABDELGAWAD
Criminologie
3. Pierrette PONCELA (sous la dir. de), Délinquances des jeunes. Quels actes ? Quelles réponses juridiques ? Paris, L'Harmattan, 2009, 201 pages
13 Cet ouvrage est le fruit d'une recherche collective proposée par le Centre de droit pénal et de Criminologie de l'université de Paris Ouest Nanterre La Défense. Cette dernière a donné lieu à un colloque qui s'est tenu le 28 novembre 2008.
14 Le point de départ de cette recherche réside dans le constat que, ces dernières années, les pouvoirs publics et les médias portent un intérêt grandissant à la délinquance des mineurs. En effet, la commission Varinard, chargée de proposer une réforme de l'ordonnance de 1945 a rendu ses conclusions en décembre 2008, entrainant une grande controverse, notamment autour de la distinction qui s'opère entre la protection des mineurs en danger et la répression des mineurs délinquants.
15 Mais ce constat prend toute son importance lorsque l'on observe qu'« en revanche les publications sont rares sur les actes commis [...] sur les caractéristiques des qualifications juridiques de ces actes, autrement dit sur ce qu'un juriste désigne par droit pénal spécial » [1].
16 C'est pourquoi, cette recherche propose d'interroger ce domaine au prisme d'une méthode qui, s'appuyant sur les travaux de Michel Foucault, entend considérer que « les discours, les pratiques ou formations discursives — dont le droit — forment systématiquement les objets dont ils parlent» [2].
17 Ainsi, le titre qui pose la question des actes et de « leurs réponses » juridiques, est en fait, évocateur d'une analyse ayant pour objet « le passage des faits au droit ». De plus, la volonté d'interroger ce discours particulier explique également le choix de l'expression « délinquances des jeunes », qui permet de remettre en cause la notion même de minorité. La question est ici posée qu'entend-on par délinquance des jeunes ?
18 C'est donc en toute logique que la première contribution a pour objet le discours législatif en la matière [3]et s'interroge, notamment, sur « la criminalisation de comportements inédits ».
19 Ces comportements inédits font ensuite l'objet d'analyses et le lecteur trouvera traité de phénomènes récents tels que le happy-slapping [4] , les rapports police/jeunes [5] sous l'angle des insultes et outrages, l'embuscade [6] qui fait écho aux évènements de 2006, mais également le rôle d'internet [7], qui sert de plus en plus d'outil à la commission d'infractions. Ces derniers offrent ainsi à cet ouvrage une présentation à la fois ludique et lucide des enjeux qui encadrent la délinquance des jeunes.
20 Outre l'actualité, cette recherche collective a également l'avantage de dépasser le cadre analytique strictement juridique, pour adopter une démarche de sociologie et l'ensemble des raisonnements est, en grande partie, fondé sur des enquêtes de terrain. À titre d'exemple, la dernière intervention [8] est totalement construite sur une immersion du chercheur au sein des Noctiliens afin de déterminer si « le Noctilien est un transport sûr, les solutions proposées pour améliorer ce type de transport ».
21 Le présent ouvrage est aussi l'occasion de faire le point sur des questions classiques qui trouvent une place toute particulière dans les discours autour de la délinquance des jeunes à l'instar de celle des violences sexuelles [9], ou encore celle de la responsabilité parentale [10] pour laquelle l'auteur met en avant « les adaptations d'un champ para-pénal modulable dans une logique de responsabilisation des parents ».
22 L'apport principal de cet ouvrage réside donc en ce qu'il interroge sur la manière dont le droit pénal saisit des réalités sociales, ses moyens d'actions mais aussi ses carences et comment il s'y adapte. La confrontation entre les phénomènes de rackets en milieu scolaire [11], ou de « bizness » [12] et les incriminations qui leur sont associées, en sont deux illustrations parlantes.
23 En somme, cette compilation de monographies constitue un balayage complet des différents niveaux d'analyse possibles de la délinquance des jeunes.
24 Marc-Antoine JULIEN
4. Philippe BENSIMON, Profession : criminologue. Analyse clinique et relation d'aide en milieu carcéral, Montréal, Éditions Guérin, 2009, 576 pages
25 Les étudiants dans les diverses sciences de l'homme et de la société sont souvent attirés par des écrits, des discours ou des relations de faits divers que l'on a pris l'habitude de qualifier de criminologiques. La criminologie leur apparaît ainsi, à travers ce qu'ils en entendent ou lisent, comme une discipline très séduisante et en même temps quelque peu incertaine, car ils ne perçoivent guère sur quel contenu professionnel son étude peut déboucher. En d'autres termes : en quoi consiste la profession de criminologue ?
26 M. Philippe Bensimon, qui est à la fois praticien, chercheur et professeur d'Université au Canada [13], répond parfaitement, sinon à toute la question dans ses diverses dimensions, du moins à son aspect sans doute le plus important et le plus caractéristique : celui de criminologue clinicien auprès des détenus (mais qui doit aussi servir au moins en partie au clinicien opérant en milieu libre) dans un ouvrage intitulé « Profession : criminologue. Analyse clinique et relation d'aide en milieu carcéral », publié aux éditions Guérin de Montréal en 2009. Sa dédicace : « À tous mes confrères et consœurs de travail qui œuvrent à l'ombre des murs », concrétise bien le but de son gros ouvrage de 555 pages, tout à fait remarquable tant par son contenu que par son style simple, clair, direct, très concret, assorti de multiples exemples, et utilisant souvent la deuxième personne du pluriel de l'impératif comme pour mieux exprimer les conseils qu'il entend donner à partir de l'expérience de sa longue pratique (rappelez-vous que..., dites-vous que...), doté en même temps d'une bibliographie de 90 pages [14], et présenté dans une typographie très agréable et sous une couverture fortement cartonnée, ce qui n'est pas courant aujourd'hui.
27 L'ouvrage mérite d'autant plus l'attention que, comme le souligne son auteur dans l'introduction, la prise en charge des condamnés aux peines privatives de liberté par un criminologue clinicien professionnel « pouvant évaluer, mesurer, encadrer la personne détenue en la préparant à son insertion sociale » n'existe qu'au Canada, et de façon particulièrement marquée au Québec. Ailleurs, et notamment en France, cette « prise en charge » est répartie entre de multiples acteurs depuis le JAP jusqu'au Conseiller d'insertion et de probation, sans qu'aucun n'ait la formation spécifique poussée et l'étendue des attributions du criminologue clinicien canadien. Or, à l'heure où le rapport Lamanda du 30 mai 2008 recommande de « favoriser l'enseignement universitaire approprié à l'acquisition de la qualification de criminologue clinicien », l'ouvrage de M. Bensimon est particulièrement bienvenu chez nous.
28 L'ouvrage est composé de sept chapitres de longueur inégale, accompagnés de quatre annexes et de la bibliographie.
29 Le chapitre 1er (p. 1-34) est consacré à la description du milieu carcéral au Canada, avec son historique et sa classification des établissements carcéraux en pénitenciers pour longues peines et prisons pour courtes peines, avec la présentation des principaux acteurs sociaux du traitement pénitentiaire, enfin avec la description du réseau des lois, règlements, déontologie, éthique et enjeux dans le cadre duquel sont organisés et fonctionnent ces établissements. On y apprend notamment que la présence du criminologue clinicien au sein de ces derniers a été le produit empirique de la diffusion remarquable de l'enseignement de la criminologie au Canada, et spécialement au Québec, à partir des années 1960, avant qu'il soit reconnu officiellement comme l'un des acteurs sociaux majeurs du milieu carcéral, à côté de l'agent de correction, du psychologue, etc.
30 Le chapitre 2 développe sur près de 150 pages (p. 35-185) les aptitudes et les capacités requises pour travailler en milieu carcéral. Pour ce faire, l'auteur part d'une étude longitudinale qu'il a lui-même réalisée et dont il a extrait 16 thèmes destinés à mesurer, comprendre et analyser l'adaptation des futurs personnels des établissements carcéraux (satisfaction au travail, motivation, aptitudes sociales, empathie, orientation vers le travail social, soutien à la réinsertion sociale etc.). Chacun de ces thèmes fait l'objet d'une analyse approfondie comme par exemple l'empathie (à ne pas confondre avec la sympathie) « pierre angulaire de toute relation d'aide puisqu'il (ce concept) consiste à comprendre, percevoir, ressentir ce que vit émotionnellement une autre personne » (p. 90).
31 Le chapitre 3 (p. 187-220), « La relation d'aide sous toutes ses formes », s'emploie à élucider ce que l'on entend exactement par relation d'aide en milieu carcéral. L'étude minutieuse des divers types de cette relation montre toute l'ampleur de la tâche du criminologue clinicien. Le risque de suicide lui-même doit constituer pour ce dernier une préoccupation particulièrement importante (p. 209-220).
32 Le chapitre 4 sur « Le travail du criminologue » est, on le devine aisément, un chapitre majeur pour un ouvrage sur la profession de criminologue clinicien. Aussi l'auteur y consacre-t-il pas moins de 100 pages (p. 221-320), qui vont, de la première lecture du dossier du condamné à la privation de liberté, jusqu'à l'inventaire des échelles et outils actuariels en usage dans la profession. On y apprend dans quel esprit et comment on doit procéder à la lecture du dossier (p. 223-231), la distinction de l'entrevue et de l'interrogatoire (p. 247), le cadre de l'entrevue, ses diverses phases, la manière de le mener avec un inventaire fort intéressant des multiples mécanismes de défense de l'interviewé (p. 242-246), les types de questions à lui poser pouvant aller jusqu'à une véritable confrontation face à un détenu menteur et agressif, ce qu'il faut faire en cas de silence ou d'incapacité de parler de l'interlocuteur. On y découvre encore ce qu'est le rapport d'évaluation criminologique, comment le composer et les diverses parties qu'il doit contenir : les antécédents criminels, les délits pour lesquels le sujet a été condamné et le profil sous forme de diagnostic/pronostic. Le chapitre se clôt sur des développements substantiels relatifs aux controverses sur la pertinence des échelles et outils actuariels et cependant leur véritable utilité au Canada.
33 Dans le chapitre 5 « Entre commettre ou non un geste criminel » (p. 322-358), l'auteur livre le produit de sa longue expérience de clinicien sur la dynamique de l'agir criminel et en particulier sur celle de la récidive. Il y expose des résultats qui, comme nous le verrons, sont loin de concorder avec nombre de représentations courantes en circulation dans l'univers étriqué des pénologues et criminologues français.
34 Sous l'intitulé « Relation d'aide et populations carcérales en mouvance », le chapitre 6 (p. 359-409) focalise spécialement l'attention sur 3 catégories de plus en plus nombreuses de détenus qui nécessitent une adaptation particulière de la relation d'aide : 1) les détenus âgés condamnés à de longues peines, dont le nombre s'accroît parallèlement au vieillissement général de la population du pays ; 2) les détenus qui sont membres des organisations criminelles et dont l'importance a cru parallèlement au développement du crime organisé et des bandes criminelles dans le Canada contemporain, comme aux États-Unis ou ailleurs en Europe ; 3) les détenus en isolement préventif principalement volontaires, isolement administratif distinct de l'isolement disciplinaire, et dont la demande est motivée par les craintes sérieuses suscitées par d'autres codétenus.
35 Le dernier chapitre « La pyramide des besoins versus la délinquance » (p. 409-424) élève le débat au niveau philosophique en relevant ce que la délinquance doit à l'aspiration à l'impossible et à la part de rêve qui existent chez tout homme, inventorie les besoins de l'individu en utilisant « la pyramide de Maslow » bien connue des sociologues et la limitation particulière de la satisfaction de certains de ces besoins dans le milieu carcéral pour finir par l'analyse du phénomène de la « désistance » (désistement) de la délinquance et ses limites.
36 Par delà l'inventaire des divers chapitres de l'ouvrage, ce qui mérite encore plus l'attention du lecteur, c'est la conception de la délinquance que s'en fait son auteur à la suite tant de sa longue expérience pratique de clinicien que de ses connaissances acquises comme chercheur et transmises comme enseignant, et les conséquences qu'il en tire sur le rôle du criminologue en milieu pénitentiaire, les aptitudes qui sont requises de lui et la nature du travail qui lui est demandé.
37 Sans ignorer pour autant les objections classiques tirées de l'imperfection des statistiques criminelles (p. 330-344), M. Bensimon considère l'agir criminel comme le produit d'un choix de la part de l'auteur de l'acte qui est animé par la recherche du plaisir et la certitude de l'impunité : « Sans plaisir, sans satisfaction ni certitude d'impunité, pas de crime » (p. 326). « La récidive, écrit-il encore, n'est pas le résultat d'un échec ou d'une faille dans la supervision comme plusieurs seraient amenés à le croire mais bien du choix de la personne. Cela ne sera jamais assez répété. La situation dans laquelle elle se trouve au moment précis où elle choisit de tuer, d'agresser, de voler, de frauder ou de trafiquer n'étant qu'un facteur d'opportunité parmi d'autres. Le goût de l'action et la notion de plaisir qui s'y trouvent associés l'emportent de très loin sur la peur du bâton. La dissuasion ne peut donc jouer son rôle uniformément. Même la peine de mort n'a jamais été un frein suffisamment fort pour retenir la personne de passer à l'action » (p. 329). « [...] Pour beaucoup seule la vieillesse et la désistance mettront un terme à la récidive » (p. 348). On ne manquera pas de percevoir dans ces propos l'écho de la théorie nord américaine du rational choice [15] .
38 Face à cette conception de l'agir criminel, quel est alors pour M. Bensimon le rôle du criminologue clinicien ? Il tombe sous le sens que l'agir criminel et la récidive étant un choix du sujet, le criminologue clinicien ne peut pas se substituer au délinquant pour effectuer le choix à sa place. Il ne peut s'agir que de l'aider à faire désormais un choix conforme à une vie sociale normale, c'est-à-dire sans récidive.
39 C'est pourquoi l'action du criminologue clinicien consiste, comme l'indique le sous-titre de l'ouvrage, en une relation d'aide, notion apparemment proche du counseling théorisée par Carl Rogers dans les années 1940, mais qui s'en distingue cependant par trois traits importants : la problématique n'est pas la même car il ne s'agit pas de résoudre une situation conflictuelle entre deux personnes, mais d'évaluer a posteriori les besoins d'un individu incarcéré après qu'il ait commis un acte délictueux (p. 195) ; la relation d'aide porte aussi bien sur la personne physique que morale (idem) ; la relation d'aide en milieu carcéral... s'applique avec une plus grande fermeté, beaucoup plus directive puisque sous-jacente à la sécurité du public » (idem).
40 Sur ce dernier point on peut relever, notamment, cette sorte d'injonction adressée à ses collègues : « [...] À ce point de jonction très précis entre chute (la récidive) et prise de contact avec la réalité..., en tant que criminologue clinicien vous avez l'obligation d'intervenir sans ménagement. Amener cet Autre (le détenu) à prendre conscience qu'il a deux choix, pas trois ni quatre, mais deux et pas un de plus ; vivre sa vie selon les règles établies pour tous et chacun ou continuer dans ce qui causera inéluctablement sa perte au détour du temps » (p. 412).
41 Cette relation d'aide criminologique doit de ce fait s'exercer dans trois directions.
42 En premier lieu, comme elle est consécutive à la prise en charge du condamné par l'Administration pénitentiaire, elle doit s'opérer en direction de la sécurité du public par l'entremise du détenu car elle contribue à la paix sociale, au même titre que la police et les tribunaux répressifs. À cette fin, le criminologue clinicien doit indiquer, en fonction de l'évaluation de l'état dangereux, les grandes lignes à suivre pour toute la durée de la privation de liberté et, au-delà, de la libération conditionnelle (p. 200).
43 La deuxième direction a pour objectif de préparer graduellement le détenu à sa réinsertion sociale (p. 201). Cela implique d'abord un diagnostic et un pronostic du comportement criminel au regard d'une récidive éventuelle, puis se concrétise par l'emploi des techniques appropriées à la résolution de chaque cas individuel au regard de la perspective de sa réinsertion.
44 La troisième direction concerne la solution des incidents ou situations de crise qui viennent jalonner le cheminement carcéral d'une majorité de détenus : incidents ponctuels, tels que l'agression d'un détenu par d'autres, situations de crise de plus ou moins longue durée, débouchant sur un passage à l'acte, tel que le suicide ou l'automutilation (p. 202). Il appartient à la fonction du criminologue clinicien de contribuer à une fin heureuse de ces événements.
45 Avec un tel rôle comment s'étonner des multiples aptitudes et capacités à travailler en milieu carcéral qui sont requises du criminologue clinicien et qui doivent répondre conjointement à l'exercice de ces trois fonctions (p. 35-185) ? Et comment s'étonner également de la complexité et de la difficulté du travail du criminologue (p. 221-320) ?
46 En conclusion on peut dire que M. Bensimon se situe certes loin de la vulgate sans cesse ressassée de la resocialisation à n'importe quel prix, mais aussi que, prenant en considération le fait que tout détenu doit être tôt ou tard élargi, il considère que la réadaptation sociale doit être recherchée chaque fois que cela est possible et sans courir cependant le risque de compromettre pour autant la sécurité du public. Il se montre ainsi à la fois réaliste et humaniste. Cela peut s'appeler du neo-pragmatisme en politique criminelle [16].
47 Raymond GASSIN
Criminologie
5. Jasna STARK, Au palais de justice de Paris, Préface de Jean-Pierre Dintilhac, Paris, L'Harmattan, 2008, 124 pages
48 Jasna Stark, avocate au barreau de Paris, a rédigé un « véritable traité de pratique judiciaire » selon les termes de Jean-Pierre Dintilhac, président de chambre honoraire à la Cour de cassation qui a préfacé ce livre, en soulignant qu'en « associant rappel historique, description architecturale et analyse fonctionnelle », l'auteur permet au lecteur de connaître ce palais de justice chargé d'histoire. C'est sans aucun doute un défi que cette praticienne du droit s'est efforcée de relever, tant l'édifice par sa complexité topographique — il abrite la Cour de cassation, la cour d'appel de Paris et le gigantesque tribunal de grande instance — que par la variété du fonctionnement judiciaire qui s'y déroule décourage les meilleures volontés à en rendre compte de manière synthétique. Jasna Stark a découpé son ouvrage en trois parties : le palais et son histoire, les audiences au palais, le palais et ses acteurs. En retraçant l'histoire de ce bâtiment, monument historique classé, l'auteur évoque naturellement l'histoire de la justice en France à travers les siècles et les différentes étapes de sa construction dont la partie la plus ancienne est la sainte chapelle, édifiée à la demande de saint Louis, qui attire de nos jours une foule continuelle de touristes. Un paragraphe, consacré à la symbolique dans la décoration palatiale distingue les références antiques, bibliques, républicaines ainsi que celles se rapportant au monde animal ou végétal.
49 Le chapitre dédié aux audiences judiciaires permet de comprendre l'organisation de celle-ci, indique la localisation des juridictions, et décrit la configuration matérielle des audiences illustrée par des schémas précisant la situation des protagonistes dans les salles d'audience, le déroulement d'un procès civil et pénal. Il est dommage que la création de pôles de compétence, postérieure à la rédaction de cet ouvrage, n'ait pu être prise en compte car elle rend caduques l'identification et les attributions des différentes chambres de la cour d'appel qui relèvent désormais d'une nouvelle organisation.
50 Dans le cadre du troisième chapitre intitulé « le palais et ses acteurs », l'auteur présente successivement les magistrats, les auxiliaires de justice, les forces de sûreté et les justiciables. L'ensemble de l'ouvrage permet au lecteur de se familiariser avec le palais de justice de Paris et aussi avec la réalité de son fonctionnement. C'est dire que les qualités pédagogiques de celui-ci exprimées non seulement par l'écriture mais aussi par les plans du bâtiment dessinés par Claire Maugey et le lexique des termes juridiques, placés en annexes, sont remarquables compte tenu du volume modeste de ce livre. En complément, un index facilite les renvois aux pages traitant des différents sujets. Dans la bibliographie très sommaire, avant la table des matières, on regrettera que le beau livre richement illustré de Jean Favard dans la collection découvertes Gallimard ne soit pas mentionné. Celui-ci constitue en effet un utile complément au lecteur qui souhaite approfondir ses connaissances et admirer l'iconographie très riche qu'offre ce palais, au cœur de l'île de la Cité, « la tête, le cœur et la moelle de Paris » selon un auteur du XIIe siècle.
51 L'ouvrage de Jasna Stark, pour un prix modique, intéressera tous ceux qui souhaitent examiner de plus près ce célèbre palais et en découvrir la vie au jour le jour, c'est-à-dire la justice contemporaine.
52 Raymond DARBEDA
Notes
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[1]
P. Poncela, De la déviance à la délinquance: une microphysique du détail, Délinquances des jeunes. Quels actes ? Quelles réponses juridiques ?, Paris, L'Harmattan, 2009, p. 11.
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[2]
P. Poncela, De la déviance à la délinquance: une microphysique du détail, idem, p. 13.
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[3]
A. Binet-Grosclaude, Légiférer sur la délinquance des jeunes (2002-2008), op. cit., p. 17.
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[4]
Z. Carvajal, Du happy slapping au vidéo lynchage, op. cit., p. 153.
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[5]
P. Poncela, Out Rage! Les jeunes et la police en viennent aux mots, op. cit., p. 79.
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[6]
C. Trassard Cédric, L'embuscade : quand les évènements font loi, op. cit., p. 99.
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[7]
T. Nzashi-Luhusu, Les jeunes pris dans les mailles délinquogènes d'internet, op. cit., p. 135.
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[8]
C. Lojou, Des jeunes et des noctiliens jusqu'au bout de la nuit, op. cit., p. 185.
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[9]
W. Ayed, Le viol en réunion, op. cit., p. 119.
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[10]
C. Viennot, Punir les parents ?, op. cit., p. 165.
-
[11]
E. Fortis, P. Beauvais, Du jeu à la violence: les rackets en milieu scolaire, op. cit., p. 65.
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[12]
N. Gorchon, Les jeunes dans le bizness, op. cit., p. 41.
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[13]
Docteur en criminologie de l'Université de Montréal, Philippe Bensimon travaille pour le ministère de la Sécurité publique du Canada depuis 22 ans, dont une quinzaine d'années passées en milieu carcéral et sept ans à la recherche et il a par ailleurs enseigné la criminologie à temps partiel à l'Université d'Ottawa de 1996 à 1999, avant de le faire depuis 1999 à l'Université de Montréal.
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[14]
Principalement en langue anglaise, mais avec un certain nombre de titres en langue française.
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[15]
V. R. Gassin, Criminologie, Dalloz, 6e éd. 2007, n° 290.
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[16]
Sur cette notion, V. R. Merle et A.Vitu, Traité de droit criminel, t.1, Droit pénal général, Cujas, 7e éd. 1997, n° 94.