Couverture de RSC_1001

Article de revue

L'arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 30 juin 2009

Les implications du traité de Lisbonne sur le droit pénal européen

Pages 111 à 117

Notes

  • [1]
    K. Ambos, P. Rackow, Erste Überlegungen zu den Konsequenzen des Lissabon-Urteils des Bundesverfassungsgerichts für das Europäische Strafrecht, Zeitschrift für Internationale Strafrechtsdogmatik (ZIS), n° 8, 2009, p. 397-405 ; M. Zöller, Europäische Strafgesetzgebung, ZIS, n° 7, 2009, p. 340-349.
  • [2]
    M. Heger, Perspektiven des Europäischen Strafrechts nach dem Vertrag von Lissabon, ZIS, n° 8, 2009, p. 406-417 ; B. Hecker, Der Vertrag von Lissabon und das europäische Strafrecht, Iurratio, 2009, p. 81-85.
  • [3]
    K. Ambos, P. Rackow, ZIS, n° 8, 2009, p. 397-405 ; S. Braum, Europäisches Strafrecht im Fokus konfligierender Verfassungsmodelle, ZIS, n° 8, 2009, p. 418-426 ; M. Heger, ZIS, n° 8, 2009, p. 406-417.
  • [4]
    V. CJCE, Gde Chambre, 13 sept. 2005, Commission des Communautés européennes c/ Conseil de l'Union européenne, aff. C-176/03 sur l'annulation de la décision-cadre relative à la protection de l'environnement par le droit pénal ; CJCE 10 févr. 2009, Irlande c/ Parlement européen et Conseil de l'Union européenne, aff. C-301/06 concernant la directive sur la conservation des données.
  • [5]
    K. Ambos, P. Rackow, ZIS, n° 8, 2009, p. 397-405.

1 L'intérêt de l'arrêt rendu le 30 juin 2009 par la Cour constitutionnelle allemande (V. l'entretien avec C. Maurer, D. 2009, p. 2912) repose principalement sur le problème de la constitutionnalité de la loi allemande de ratification du traité de Lisbonne et plus précisément sur la question de son caractère plus ou moins démocratique. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre et analyser les remarques de la Cour sur les conséquences du traité de Lisbonne sur le droit pénal européen. On peut les comprendre comme un véritable rappel au respect des limites des traités notamment par rapport à la juridiction européenne qui s'est efforcée de faire avancer le droit pénal européen de son propre chef. En conséquence, les juges allemands laissent entrevoir qu'ils entendent, le cas échéant, procéder eux-mêmes à un contrôle de conformité dit en allemand Ultra-vires-Kontrolle des actes juridiques émanant des organes et institutions européennes aux traités européens.

2 Après l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe en 2005, les différents Conseils européens avaient décidé qu'il fallait s'engager sur une nouvelle voie ce qui a conduit fin 2007 à l'adoption d'un nouveau traité simplifié, signé le 13 décembre 2007 : le traité de Lisbonne. Ont alors débuté les différentes procédures de ratification du traité par les États membres. En France, le traité de Lisbonne a été ratifié le 4 février 2008 par révision constitutionnelle.

3 En Allemagne, la procédure de ratification avait été interrompue par des plaintes déposées par plusieurs députés à la Cour constitutionnelle allemande. Ceux-ci reprochaient en effet au traité de Lisbonne d'affaiblir le Parlement allemand et d'être contraire au principe de la démocratie ; les plaignants s'estimaient lésés dans leurs droits fondamentaux en tant que parlementaires.

4 Entre autres, ils demandaient à ce que soit constaté que la loi allemande de ratification du traité de Lisbonne, la loi d'accompagnement au Traité de Lisbonne, la loi de révision de la Loi fondamentale et la loi sur le développement et la consolidation des droits du Bundestag et du Bundesrat dans les affaires de l'Union européenne bafouaient leurs droits. De plus, le Président allemand Horst Köhler avait déclaré qu'il n'entendait pas signer la loi de ratification avant que la Cour constitutionnelle ne se soit définitivement prononcée sur le sort de la ratification du traité de Lisbonne.

5 Dans son arrêt du 30 juin 2009 la Cour constitutionnelle allemande a décidé que la loi de ratification et la loi de révision de la Loi fondamentale sont conformes à la Loi fondamentale, mais que des modifications seraient nécessaires quant aux droits du Parlement de participer au processus d'intégration européenne avant qu'elle puisse approuver la loi d'accompagnement. Quant aux changements que le traité de Lisbonne apporte pour le droit pénal européen, la Cour précise qu'ils ne sont pas contraires à la Loi fondamentale tant que le respect du principe des compétences d'attribution sera assuré et que les compétences nouvelles de l'Union seront interprétées de manière restrictive.

Réaffirmation du principe des compétences d'attribution

6 Dans un premier temps, la Cour constitutionnelle allemande rappelle brièvement les fondements de la justice pénale dans le but d'affirmer l'importance fondamentale d'une interprétation restrictive des compétences accordées à l'Union européenne par les traités européens.

La justice pénale et sa signification en tant que devoir central du pouvoir public

7 La Cour estime que la protection de la paix juridique via l'administration du droit pénal constitue depuis toujours un devoir central du pouvoir public ; elle précise par ailleurs que le droit pénal est indispensable pour empêcher le déclin de l'ordre juridique sur lequel se fonde ce devoir, afin de créer, de protéger et de renforcer une vie commune réglementée des citoyens entre eux tout en protégeant les valeurs élémentaires de cette communauté.

8 Chaque norme pénale contient un jugement d'autorité publique par la négative de valeurs sociales et éthiques du comportement qu'elle sanctionne. Le contenu concret de ce verdict résulte des éléments constitutifs d'une infraction pénale et de la peine encourue. Au travers du droit pénal une communauté de droit se donne un code de conduite, ancré dans ses valeurs, et dont la violation est estimée d'après l'opinio necessitatis commune, c'est-à-dire la conviction commune du caractère obligatoire et nécessaire d'une règle, être tellement grave et insupportable pour la coexistence dans la communauté qu'elle nécessite une punition. La décision concernant l'étendue du droit pénal et les domaines dans lesquels une communauté politique souhaite l'utiliser en tant qu'instrument de contrôle social est d'une importance fondamentale. Car avec sa décision sur le comportement punissable, le législateur assume une responsabilité démocratiquement légitimée pour exercer une action souveraine qui compte parmi les atteintes les plus importantes à la liberté individuelle dans un État constitutionnel moderne. Le législateur est en principe libre de décider s'il veut défendre, par le biais du droit pénal, un certain intérêt juridique dont il estime la protection essentielle, et surtout comment il souhaite s'y prendre le cas échéant. En outre, le législateur peut décider librement, dans les limites de la Constitution, quelles peines seront encourues par un comportement fautif. L'investigation d'un crime, l'identification de son auteur, la constatation de sa responsabilité pénale et sa punition incombent aux organes de l'administration du droit pénal qui doivent à cette fin, et dans les conditions prévues par la loi, ouvrir et conduire des procédures pénales ainsi qu'exécuter les peines prononcées.

9 Cependant, cette souveraineté nationale qui est celle de légiférer en matière pénale peut être restreinte par des engagements que l'État a pris envers une entité intergouvernementale ou supranationale.

La nécessité d'une interprétation restrictive des compétences conférées à l'Union européenne

10 Ainsi, la liberté d'action du législateur peut être restreinte constitutionnellement par l'obligation de faire prévaloir le droit supranational dans son domaine de responsabilité en vertu de l'intégration de l'État dans l'ordre juridique du droit international public. Peut donc s'imposer à lui de sanctionner certains comportements en vue de faire prévaloir vis-à-vis de l'individu certaines normes essentielles du droit international public général. Cela s'applique avant tout au processus de formation d'une justice pénale internationale pour le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Mais en tant que membre de l'Union européenne, l'Allemagne a également souscrit d'autres engagements. Avec la construction et l'expansion de l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice, l'Union poursuit le but de lier le processus de rapprochement et ouverture des frontières au bénéfice des personnes, marchandises, services et capitaux à une meilleure coopération des autorités de poursuites pénales. Les États membres ont convenu de créer des dispositions de droit pénal et de procédure pénale dans certains domaines qui tiennent compte des conditions de circonstances européennes transfrontalières.

11 La Cour constitutionnelle insiste donc sur le fait qu'en raison de l'atteinte particulièrement grave à l'autodétermination démocratique par ces dispositions de droit pénal et de procédure pénale, les fondements de ces compétences dans les traités doivent être interprétés très strictement — en aucun cas de manière extensive — et que leur utilisation requiert une justification particulière. Selon la Cour, le droit pénal dans son essence n'est pas un instrument juridique simplement technique pour effectuer une coopération internationale, mais représente une décision particulièrement sensible au niveau démocratique sur le minimum juridique et éthique. De plus, les juges annoncent qu'ils se réservent de procéder à un contrôle de conformité des actes juridiques émanant des organes et institutions européennes par rapport aux traités européens. C'est-à-dire que la Cour constitutionnelle allemande examinera si ces actes juridiques européens observent les limites des compétences accordées à l'Union en vertu du principe de compétences d'attribution et dans le respect du principe de subsidiarité (art. 5 et art. 12 nouveau TUE). Ceci signifie donc que, désormais, la Cour constitutionnelle pourra déclarer une règle européenne comme étant contraire à la Loi fondamentale et donc inapplicable en Allemagne. Certes, cette annonce pourrait être considérée comme une complication inutile du processus d'intégration européenne. Mais elle a été approuvée par la doctrine pour la raison qu'il serait rassurant que la Cour allemande se réserve ce contrôle constitutionnel dans la mesure où la Cour de justice de l'Union européenne n'inspirerait plus confiance en sa juridiction en raison de son engagement envers une progression du droit pénal européen qui ignorerait le principe de compétences d'attribution  [1]. Dans ce contexte, la Cour se réfère à l'article 83 § 3 TFUE qui assortit justement les nouvelles compétences pour l'administration du droit pénal d'un « frein de secours » qui permet à un membre du Conseil, représentant d'un État membre et donc responsable devant son Parlement, d'empêcher un projet de directive (en tout cas pour son pays) qui porterait atteinte aux aspects fondamentaux de son système de justice pénale. Compte tenu des principes de proportionnalité et de subsidiarité énoncés à l'article 5 du nouveau TUE, de l'intégration des parlements nationaux à la formation d'actes juridiques européens via l'article 12 du nouveau TUE et de la procédure du « frein de secours » de l'article 83 § 3 TFUE, certains auteurs voient là le principe d'épargner le droit pénal qui serait consolidé par cet arrêt du 30 juin 2009  [2].

12 Même au regard de ces préoccupations ou encore en raison de ce « frein de secours », la Cour constitutionnelle n'a pas voulu rejeter en bloc les normes conférant à l'Union européenne certaines compétences nouvelles. Elle les a plutôt examinées isolément avant de se prononcer pour leur conformité à la condition de certaines exigences additionnelles.

Le positionnement effectif de la Cour constitutionnelle allemande par rapport à ces nouvelles compétences

13 Dans un second temps, la Cour constitutionnelle allemande reconnaît la constitutionnalité des compétences de l'article 83 TFUE, mais insiste sur l'interprétation nécessairement restrictive de ces nouvelles compétences conférées à l'Union européenne par le traité de Lisbonne et affirme la qualité particulière du droit pénal eu égard au principe de culpabilité tout en réclamant des mesures de sécurité quant à la procédure de législation.

La constitutionnalité des compétences de l'article 83 TFUE – à la condition d'une interprétation stricte

14 Le traité de Lisbonne accorde de nombreuses compétences nouvelles au niveau pénal en matière de coopération policière et judiciaire à l'Union européenne. L'article 83, § 1, alinéa 1, TFUE donne au Parlement européen et au Conseil la compétence d'établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière. La Cour reconnaît que la lutte contre une criminalité particulièrement grave qui profite de la limitation territoriale des poursuites par les autorités publiques d'un seul État, ou qui menace, comme le fait la corruption, la viabilité d'un État de droit et la démocratie au sein de l'Union européenne, peut être une justification particulière pour le transfert de compétences souveraines dans ce domaine. Cependant, l'article 83, § 1, alinéa 1, TFUE dispose que cette dimension transfrontière doit résulter du caractère ou des incidences de ces infractions, ou encore d'un besoin particulier de les combattre sur des bases communes. Ici, les juges émettent une critique, en ce qu'un tel besoin ne peut pas être établi simplement par la formation d'une intention politique à ce sujet par les organes et ne peut pas être séparé du caractère et des incidences de l'infraction. Il serait en effet impossible d'expliquer d'où résulterait ce besoin particulier de combattre des infractions sur des bases communes si ce n'est du caractère et des incidences des infractions en question. Il n'est donc pas surprenant que la critique par la Cour constitutionnelle de cette formulation relativement vague de « besoin particulier » fasse l'unanimité  [3].

15 La Cour constitutionnelle exige donc, à juste titre, que la protection de l'espace primaire démocratique selon la compréhension de la Constitution se fasse à la lumière d'une interprétation restrictive de l'article 83, § 1, alinéa 1, TFUE et notamment de l'élément de « besoin particulier » sur laquelle doit également se fonder chaque décision du représentant allemand au Conseil dans le domaine de la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires ainsi qu'en général de la procédure pénale (art. 82, § 1 et § 2, TFUE).

16 Une autre indication en faveur de l'interprétation stricte de l'habilitation générale concernant la définition d'infractions pénales et de sanctions selon l'article 83, § 1, TFUE est celle relative au catalogue des domaines de criminalité particulièrement grave (établi par l'art. 83, § 1, al. 2, TFUE) qui peuvent faire l'objet de règles minimales tout en laissant aux États membres une marge de manœuvre substantielle quant aux modalités d'application. Néanmoins, l'autodétermination démocratique est atteinte de manière particulièrement délicate si une communauté de droit est empêchée de décider elle-même, et selon des valeurs qui lui sont propres, sur la pénalisation de certains comportements voire sur l'infliction de peines privatives de liberté. Ceci pèse d'autant plus lourd dans la balance que ces valeurs sont liées à des expériences historiques, des traditions religieuses et d'autres facteurs essentiels pour l'image de soi qu'ont un peuple et sa société. En conséquence, il ne peut être autorisé que de manière restrictive d'attribuer des compétences de législation en matière pénale à l'Union et il est en tout cas nécessaire de respecter les exigences de l'article 23, § 1, alinéa 2, de la Loi fondamentale allemande pour le transfert d'une seule compétence souveraine dans le cadre d'un élargissement de la liste des domaines de criminalité attribués à la législation de l'Union. C'est-à-dire que l'utilisation de l'autorisation en blanc dynamique d'élargir la liste de domaines de criminalité « en fonction des développements de la criminalité » selon l'article 83, § 1, alinéa 3, TFUE correspond sur le fond à un élargissement des compétences écrites de l'Union. Par conséquent, elle est soumise à la condition de l'établissement d'une loi selon l'article 23, § 1, alinéa 2, de la Loi fondamentale.

17 À l'occasion de la réalisation des objectifs minimaux, il doit en outre être pris en considération que les dispositions cadres européennes ne se réfèrent qu'à la seule dimension transfrontière d'une infraction pénale concrète. La Cour propose donc de préserver la compétence pénitentiaire des États membres qui n'est, en principe, pas susceptible d'être intégrée, en n'appliquant les règles minimales qu'à une partie des éléments constitutifs de l'infraction et non pas au domaine complet d'un crime (voir article 2 § 2 de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 sur le mandat d'arrêt européen et la procédure de remise entre les États membres).

18 Relativement au domaine de la compétence implicite prévue par l'article 83, § 2, TFUE qui permet le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres en matière pénale dans des domaines politiques ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation, la Cour juge que la loi allemande de ratification du traité de Lisbonne est conforme à la Loi fondamentale allemande pour la seule raison que cette compétence doit, selon le traité, être interprétée de manière restrictive.

19 Selon la Cour, il est vrai que cette compétence implicite recèle une extension marquante de la compétence d'administration du droit pénal par rapport à la situation juridique antérieure, c'est-à-dire antérieure à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009. Car désormais, l'Union peut, dans l'objectif d'assurer la « mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union », établir par directives des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions par rapport à tous les domaines où elle détient des compétences d'harmonisation du droit. Cette compétence implicite n'est proprement considérée compatible ni avec le principe d'un transfert de compétences souveraines restreint et nécessairement déterminé objectivement ni avec la protection nécessaire du législateur national qui est démocratiquement lié à la décision majoritaire du peuple.

20 Cependant, les juges de la Cour constitutionnelle admettent que le traité de Lisbonne prévoit suffisamment d'indications pour une interprétation conforme à la Loi fondamentale allemande. En effet, l'article 83, § 2, alinéa 1, TFUE pose la condition que le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres doit s'avérer indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation.

21 Ainsi, les éléments constitutifs accordant le pouvoir de législation en matière pénale à l'Union sont formulés de manière restreinte.

22 Néanmoins, la Cour précise qu'il doit être établi qu'un grave déficit d'exécution existe effectivement et que l'on ne peut y remédier que par le biais d'une sanction afin que cette compétence implicite de légiférer en matière pénale puisse être considérée comme étant conférée à l'Union. Ces conditions s'appliquent également à l'existence de la compétence implicite en matière de droit pénal qui a d'ores et déjà été approuvée par la juridiction européenne  [4].

Les exigences posées par le principe de culpabilité quant à la procédure de législation

23 La Cour renvoie également à un principe fondamental du droit pénal allemand, le principe de culpabilité qui présuppose la responsabilité propre des personnes, c'est-à-dire l'imputabilité d'un comportement à son auteur (nulla poena sine culpa). Ce principe repose sur l'idée que les individus déterminent eux-mêmes leur comportement et peuvent de leur propre chef choisir entre justice et injustice. Le principe de culpabilité fait, en droit allemand, partie de l'identité constitutionnelle indisponible, c'est-à-dire qu'il ne peut être ni modifié ni abrogé et qu'il est également protégé contre l'autorité publique supranationale (voir art. 79 § 3 de la Loi fondamentale). Selon les juges, les compétences de l'Union européenne dans le domaine de l'administration du droit pénal doivent être interprétées d'une manière qui correspond aux exigences de ce principe de culpabilité. En effet, la protection de la dignité humaine est fondée sur l'idée de l'homme en tant qu'être spirituel et moral qui a la capacité de se déterminer lui-même et de se développer en liberté. Dans le domaine de l'administration du droit pénal, l'article 1, § 1, de la Loi fondamentale détermine la conception de la sanction et la relation entre culpabilité et expiation. Le principe que chaque sanction doit présupposer la culpabilité est donc fondé dans la garantie de la dignité humaine de l'article 1, § 1, de la Loi fondamentale.

24 La Cour estime qu'au vu de cette importance du droit pénal pour la liberté individuelle, la règle accordant à un État membre des droits spéciaux quant à la procédure législative doit répondre à des exigences additionnelles (voir art. 82, § 3, et article 83, § 3, TFUE). Selon les principes du droit constitutionnel allemand, le degré nécessaire de légitimation démocratique à travers les parlements nationaux ne peut donc être garanti que si les droits d'un État membre stipulés à l'article 82, § 3, et l'article 83, § 3, TFUE sont exercés par le représentant allemand au Conseil et ceci exclusivement sur instruction du Bundestag et du Bundesrat dans la mesure où cela est requis par les règles sur la législation. Dans l'ensemble, la concrétisation des autorisations selon les articles 82, § 2, 83, § 1, et 83, § 2, TFUE ressemble dans sa dimension à une modification du traité et exige donc l'intégration des autorités de législation nationales dans le cadre de la procédure du « frein de secours ». Dans la mesure où l'Union européenne souhaite appliquer la procédure générale de l'article 48, § 7, du nouveau TUE afin de passer de l'unanimité requise au sein du Conseil à la majorité qualifiée dans le domaine de l'administration du droit pénal dans le cadre de l'autorisation de l'article 82, § 2, alinéa 2, lit. d), TFUE pour établir des règles minimales concernant d'autres aspects spécifiques de procédure pénale, les exigences stipulées pour la procédure générale de l'article 48, § 7, du nouveau TUE doivent s'appliquer. Le représentant allemand au Conseil européen ne peut approuver une modification des traités que si le Bundestag et le Bundesrat ont établi une loi selon l'article 23, § 1, alinéa 2, de la Loi fondamentale en l'espace d'un délai faisant appel au sens de l'article 48, § 7, alinéa 3, du nouveau TUE qui doit encore être déterminé. Cela s'applique également au cas où il est envisagé de transférer le domaine d'identification à d'autres domaines de criminalité selon l'article 83, § 1, alinéa 3, TFUE par le biais de la procédure de l'article 48, § 7, alinéa 3, du nouveau TUE de l'unanimité à la majorité qualifiée. En effet, l’intégration du Parlement allemand et du Bundesrat au processus de législation européenne ne peut qu’approfondir la légitimation démocratique du droit pénal européen  [5].

25 En conclusion, on peut dire que, malgré les diverses critiques plus ou moins justifiées concernant l'arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 30 juin 2009 sur le traité de Lisbonne, dans l'ensemble les remarques de la doctrine quant aux implications de cet arrêt sur le droit pénal européen approuvent la décision de la Cour d'insister sur le principe de compétences d'attribution et de prendre la répartition des compétences dans le TFUE au pied de la lettre. Ainsi, les énoncés de la Cour sur l'interprétation restrictive de l'article 83 TFUE pourraient être vus comme la constatation de simples évidences s'il n'y avait pas la juridiction expansive de la CJUE à ce sujet.

Notes

  • [1]
    K. Ambos, P. Rackow, Erste Überlegungen zu den Konsequenzen des Lissabon-Urteils des Bundesverfassungsgerichts für das Europäische Strafrecht, Zeitschrift für Internationale Strafrechtsdogmatik (ZIS), n° 8, 2009, p. 397-405 ; M. Zöller, Europäische Strafgesetzgebung, ZIS, n° 7, 2009, p. 340-349.
  • [2]
    M. Heger, Perspektiven des Europäischen Strafrechts nach dem Vertrag von Lissabon, ZIS, n° 8, 2009, p. 406-417 ; B. Hecker, Der Vertrag von Lissabon und das europäische Strafrecht, Iurratio, 2009, p. 81-85.
  • [3]
    K. Ambos, P. Rackow, ZIS, n° 8, 2009, p. 397-405 ; S. Braum, Europäisches Strafrecht im Fokus konfligierender Verfassungsmodelle, ZIS, n° 8, 2009, p. 418-426 ; M. Heger, ZIS, n° 8, 2009, p. 406-417.
  • [4]
    V. CJCE, Gde Chambre, 13 sept. 2005, Commission des Communautés européennes c/ Conseil de l'Union européenne, aff. C-176/03 sur l'annulation de la décision-cadre relative à la protection de l'environnement par le droit pénal ; CJCE 10 févr. 2009, Irlande c/ Parlement européen et Conseil de l'Union européenne, aff. C-301/06 concernant la directive sur la conservation des données.
  • [5]
    K. Ambos, P. Rackow, ZIS, n° 8, 2009, p. 397-405.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.175

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions