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Article de revue

Évolutions des pensions de réversion : une première approche des effets redistributifs

Pages 21 à 49

Notes

  • [1]
    À l’origine, le dispositif du régime général visait explicitement les femmes veuves n’ayant aucun droit propre à la retraite.
  • [2]
    À l’exception de Cuvillier (1977).
  • [3]
    Autorisation de cumul entre droits propres et droits dérivés à la retraite à partir de 1975, droit à la réversion étendu aux conjoints divorcés à partir de 1979, hausse progressive du taux de la réversion au régime général de 50 % à 54 % entre 1985 et 1994, par exemple.
  • [4]
    Règle des 150 heures rémunérées au Smic pour valider un trimestre et salaire de référence calculé sur les 25 meilleures années de carrière au régime général, par exemple.
  • [5]
    Deux autres logiques ont été abordées dans la littérature : une logique d’aide sociale et une logique patrimoniale. Dans la première, la réversion garantit un niveau minimal de ressources au conjoint survivant. Le minimum de réversion et la condition de ressources du dispositif en vigueur au régime général s’inscrivent dans cette logique. Dans la seconde, la réversion est considérée comme l’accumulation commune de droits à la retraite pendant la vie en couple, dont le conjoint survivant récupère une partie au décès. Elle peut être assimilée à un « acquêt de mariage » (Harichaux-Ramu, 1980). Dans les régimes de retraite de la fonction publique et le régime complémentaire du secteur privé, la réversion s’apparente à un droit patrimonial, car elle n’est pas soumise à une condition de ressources.
  • [6]
    Fichiers démographiques sur les logements et les individus, Direction des statistiques démographiques et sociales.
  • [7]
    On ne traite pas ici du veuvage aux âges jeunes. On renvoie le lecteur à Bonnet et al. (2019) et HCFEA (2019) pour plus de détails.
  • [8]
    Les résultats sont obtenus à l’aide du calculateur de pensions de retraite PensIPP, de l’Institut des politiques publiques (IPP), basé sur la réglementation actuelle.
  • [9]
    Voir annexe A. Nous notons PD et PS les pensions de droits propres du défunt et du survivant, x le ratio PS/PD, N1 et N2, les niveaux de vie du ménage (revenu par unité de consommation) avant et après décès et uc l’échelle d’équivalence retenue (1 + uc) unités de consommation pour le couple, uc = 0,5 pour l’échelle standard. Le niveau de vie après décès comparé au niveau de vie avant décès est alors égal à :
    equation im23
  • [10]
    Notons par exemple DM1 la durée du premier mariage et DM2 la durée de l’éventuel deuxième mariage. S’il n’y a qu’un seul ayant droit, le coefficient de proratisation de la pension de réversion sera égal à DM1/ Dassurance. S’il y a eu remariage, le coefficient de proratisation sera égal à DM1/ (DM1+DM2). Ce coefficient sera supérieur à celui de la situation sans remariage dès lors que (DM1 + DM2) < Dassurance.
  • [11]
    La loi portant réforme des retraites de 2010 avait déjà renforcé la prise en compte des droits à la retraite dans la fixation de la prestation compensatoire, mais cet exercice pourrait être systématisé.
  • [12]
    Exception faite des cas où le conjoint survivant a une pension de droits propres qui dépasse le double de celle du conjoint décédé. En effet, le partage des droits joue en sa défaveur puisque la condition de ressources de la réversion ne compense pas, au décès de son conjoint, les droits « perdus » lors du partage.
  • [13]
    Une hypothèse implicite à l’objectif du maintien du niveau de vie est la mutualisation des ressources au sein du couple. Si tel n’était pas le cas avant le veuvage, la réversion met en œuvre in fine une mutualisation ex-post. Il semble cependant que les couples mariés mutualisent davantage leurs ressources que les autres (Ponthieux, 2012).
  • [14]
    Le calcul d’un niveau de vie s’effectue en utilisant une échelle d’équivalence pour tenir compte de la taille du ménage. L’échelle d’équivalence standard, dite OCDE « modifiée », attribue 0,5 unité de consommation à partir du deuxième adulte ou adolescent de 14 ans et 0,3 unité de consommation pour les enfants de moins de 14 ans du ménage. Si l’on considère le cas du veuvage, l’échelle d’équivalence habituellement retenue suppose que la personne veuve adapte la taille de son logement et donc déménage. Or, si le veuvage est lié à un taux de mobilité plus élevé, les déménagements restent néanmoins minoritaires (Bonnet et al., 2007). Bonnet et Hourriez (2008) recalculent une échelle d’équivalence adaptée à une personne veuve qui conserve son logement. Les auteurs estiment que le maintien du niveau de vie d’une personne veuve qui ne déménage pas se ferait à condition que ses revenus atteignent 72 % des revenus antérieurs du couple, et non 66 % si on utilise l’échelle standard.
  • [15]
    Si PS = 0, alors le taux de réversion est de 66 %. Si PS = 1/2PD, alors le taux de réversion est de 50 %, pour PS = PD, il est de 33 % et pour PS = 2PD, de 0 %.
  • [16]
    Voir annexe B pour plus de détails sur la constitution de l’échantillon à partir de Fidéli 2016.
  • [17]
    En 2016, parmi les décès d’individus mariés, 30 % concernent les femmes. Nous ignorons donc ici le fait que les veufs représentent environ 30 % des veuvages annuels et que la configuration des pensions des couples peut être différente de celle des couples dans lesquels l’homme décède en premier.
  • [18]
    Nous reportons en annexe C les résultats avec la moyenne des taux de réversion et signalons dans le texte quand il existe des différences notables entre les deux indicateurs.
  • [19]
    La moyenne des taux de réversion est un peu supérieure à la médiane dans le premier décile, égale à 61 % (annexe C). Il est probable qu’on ait dans le premier décile un certain nombre de pensions d’hommes assez faibles, conduisant à une pension de réversion rehaussée au minimum, augmentant ainsi le taux de réversion dans le régime des salariés du secteur privé.
  • [20]
    55,8 % = (60 %*30 % + 54 %*70 %).
  • [21]
    Avec une répartition régime général/régime complémentaire à 50/50, 57 % = (60 %*50 % + 54 %*50 %).
  • [22]
    Dans le dernier décile, les femmes ont une pension supérieure au plafond, elles ne bénéficient donc pas de la pension de réversion du régime général. Elles ne perçoivent que la pension de réversion du régime complémentaire égale à 60 % de la part de la pension du décédé représentée par le régime complémentaire (soit 0,6*30 % = 18 % ou 0,6*50 % = 30 %).
  • [23]
    Contre 6 % sur l’ensemble de la population étudiée.
  • [24]
    Dans ce dernier décile, les pensions des hommes et des femmes sont proches, le taux de réversion correspondant au maintien du niveau de vie est alors d’environ un tiers.
  • [25]
    La moyenne des taux de réversion est un peu supérieure à la médiane dans les deux derniers déciles, ainsi que dans le premier (annexe C).
  • [26]
    L’écart négatif entre le taux assurant le maintien du niveau de vie et le taux en vigueur dans le secteur privé est un peu plus marqué dans le premier décile quand on utilise l’indicateur de la moyenne des taux (annexe C).
  • [27]
    Cet écart est moins marqué quand on utilise l’indicateur de la moyenne des taux (annexe C). La moyenne des taux de réversion dans un dispositif assurant le maintien du niveau de vie serait supérieure de 13 points à la moyenne des taux de réversion actuels dans le secteur privé (en supposant une répartition équivalente entre le régime général et le régime complémentaire dans la pension du conjoint décédé).
  • [28]
    Au moment de la publication de l’article, un projet de loi (du 24 janvier 2020), instituant un système universel de retraite, propose de maintenir les pensions de réversion avec pour objectif le maintien du niveau de vie du conjoint survivant, suite au décès d’un des membres d’un couple marié. Pour cela, il est proposé de servir au conjoint survivant une pension d’un montant égal à 70 % de la somme des pensions du couple. Cette proposition est équivalente à notre scénario de pension maintenant le niveau de vie, avec un taux un peu supérieur (70 % au lieu de 66 % de la somme des pensions du couple dans l’article). On irait ainsi un peu au-delà du maintien du niveau de vie tel que défini dans l’article.
  • [29]
    Ces écarts sont liés aux différences de composition des niveaux de qualification des salariés de chacun de ces secteurs (Aubert et Plouhinec, 2017).
  • [30]
    Le partage des droits est, en réalité, un peu plus coûteux que l’absence de droits conjugaux pour le système, du fait du différentiel de longévité entre les femmes et les hommes. La différence de coût entre le système de partage des droits et un système totalement individualiste est 0,5 (DF-DH) (PH-PF) où PH et PF sont les pensions de droits propres de l’homme et de la femme, et DH et DF leurs durées de vie respectives à la retraite. Cette différence est positive si la femme vit plus longtemps que l’homme et si la pension de l’homme est supérieure à celle de la femme, ce qui est le cas le plus fréquent.
  • [31]
    Nous aurions pu envisager de considérer des scénarios de réformes dans lesquels les droits conjugaux à la retraite auraient été ouverts aux personnes pacsées. Cependant, la très faible proportion de couples pacsés dans notre champ d’analyse (47 milliers d’individus de plus de 65 ans et vivant en ménage d’une ou deux personnes sont pacsés contre 6 811 milliers de mariés) nous a conduits à ne pas présenter de résultats pour cette sous-population.
  • [32]
    Plus de 90 % des nouveaux retraités de 2016 ont liquidé leur pension avant 66 ans (Drees, 2018).
  • [33]
    0,1 % des observations sont jugées aberrantes et retirées du champ d’étude.

1Instaurées à une époque où le mariage était la forme prédominante de la vie en couple et se terminait rarement par un divorce, et où lhomme était le principal pourvoyeur des ressources du ménage, les pensions de réversion permettaient d’éviter aux femmes de se retrouver sans ressource au décès de leur conjoint [1]. La pertinence de ces dispositifs de droits conjugaux à la retraite a été par la suite peu discutée [2] et les années 1970 ont plutôt vu une extension de ces droits [3]. La pension de réversion est un dispositif important du système de retraite. Elle concerne en effet, fin 2012, 4,4 millions de personnes, soit environ un quart des retraités (Drees, 2019), et représente pour les bénéficiaires la moitié de leur pension (Collin, 2016). Cependant, depuis plusieurs années, accorder des droits aux personnes veuves pose question dans un contexte d’évolution profonde des comportements conjugaux, avec la hausse du divorce et le développement des formes d’union hors mariage ainsi que l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail rémunéré. Le questionnement sur le bien-fondé des pensions de réversion dépasse le cadre français (Jefferson, 2009 ; James, 2009 ; OCDE, 2018) et a conduit au durcissement de la condition de ressources dans certains pays (Allemagne, Italie), à l’ouverture des droits conjugaux à retraite aux couples non mariés (Allemagne, Finlande, Italie) ou à la suppression de la réversion (Suède).

2Le projet de réforme du système de retraite français vers un système universel en points (Delevoye, 2019) est l’occasion de relancer les réflexions sur les dispositifs de droits conjugaux. Tout d’abord, il invite à uniformiser des dispositifs dont les modalités de calcul et d’octroi sont actuellement très disparates et parfois divergentes, car elles résultent de logiques différentes. Ensuite, la mise en place d’un système universel en points rend possible certaines évolutions des droits conjugaux, jusqu’alors étudiées seulement de manière théorique. Par exemple, le partage des droits au divorce, envisagé par le COR (2008), Bonnet et Hourriez (2012), Bonnet et al. (2013) ou Lavigne (2019) comme substitut à une pension de réversion proratisée à la durée de mariage est difficile à mettre en œuvre dans le système actuel. Les différences d’acquisition des droits à la retraite selon les régimes ainsi que les multiples non-linéarités dans le calcul des droits propres compliquaient, en effet, la prise en compte des droits acquis par les conjoints pour les partager [4]. Les différentes réglementations en vigueur et la disparité de traitement entre personnes veuves qui en résulte ont été signalées à de nombreuses reprises (COR, 2008 ; Bonnet et al., 2013 ; Lavigne, 2016 ; Sterdyniak, 2019). Face à ce constat, la question des modalités d’évolution des droits conjugaux dans le système de retraite français a été régulièrement abordée (Domeizel et Leclerc, 2007 ; COR, 2008 ; Monperrus-Veroni et Sterdyniak, 2008 ; Bridenne, 2010 ; Bonnet et Hourriez, 2012 ; Bonnet et al., 2013 ; Lavigne, 2016 ; Bridenne, 2018 ; Bonnet et al., 2019 ; Sterdyniak, 2019). Elle demeure cependant non tranchée, même si l’analyse des différentes logiques et finalités sous-jacentes à la pension de réversion (Bonnet et al., 2013 ; Lavigne, 2016 ; Tagne, 2017) a semblé privilégier le maintien du niveau de vie du couple au décès d’un des deux conjoints (Bonnet et Hourriez, 2012 ; Bonnet et al., 2013 ; Delevoye, 2019 ; Sterdyniak, 2019). Cet objectif répond à une logique d’assurance sociale [5], qui couvre un risque veuvage pouvant être défini comme la baisse du niveau de vie du conjoint survivant au moment du décès de son conjoint. Le système garantit ainsi un taux de remplacement des revenus d’activité par la retraite, y compris après le décès du conjoint (COR, 2008 ; Bonnet et al., 2019). L’objectif de maintien du niveau de vie n’a jamais été explicite dans les dispositifs de réversion. Empiriquement cependant, il semble qu’il soit atteint, en moyenne (Crenner, 2008 ; Bonnet et Hourriez, 2008 ; Lacour, 2018), dans les principaux régimes de retraite (régimes général et complémentaire du privé et régimes de la fonction publique).

3Si la littérature sur les pensions de réversion s’est étoffée au fil des années, à notre connaissance, aucune recherche n’a entrepris d’étudier les effets redistributifs des différents dispositifs de droits conjugaux à la retraite en vigueur ou en tant que proposition de réforme, de manière empirique (à l’exception du travail récent de Godet et al., 2020, dans ce numéro). Cet article se propose de revenir brièvement sur les situations inéquitables engendrées par ces dispositifs entre personnes veuves. Nous exposons ensuite les évolutions envisageables de la réversion dans le système de retraite français et les implications en matière de redistribution le long de la distribution des pensions, individuelles et mesurées au niveau du couple. Nous mobilisons pour cela Fidéli 2016 [6], base de données exhaustive des foyers fiscaux français, afin de simuler des scénarios de réforme des pensions de réversion et de comparer les effets redistributifs entre les affiliés avec ceux opérés par les dispositifs en vigueur.

Le système actuel, à l’origine de disparités entre personnes veuves [7]

4La pension de réversion est calculée comme un pourcentage de la pension de retraite dont bénéficiait (ou aurait pu bénéficier) l’assuré décédé. Elle est versée au conjoint devenu veuf en suivant des modalités qui varient en fonction des régimes du système de retraite français (encadré 1), à l’origine de nombreuses disparités entre personnes veuves.

ENCADRÉ 1 La réglementation des dispositifs de réversion diffère

selon les régimes
Taux de réversion
Le taux de réversion est de 50 % dans la fonction publique. Au régime général et dans les régimes alignés, il est de 54 %. Il est majoré de 11,1 % (et donc porté à 60 %) si l’ayant droit a atteint l’âge légal d’annulation de la décote, qu’il a liquidé ses droits à pension et qu’il ne dépasse pas un plafond de ressources (cf. ci-dessous). Dans le régime complémentaire du secteur privé, le taux de réversion est de 60 %.
Condition de ressources
Il n’existe pas de condition de ressources dans la fonction publique, ni dans la complémentaire du privé. Au régime général et dans les régimes alignés, le plafond de la condition de ressources s’élève à 2080 fois le montant du Smic horaire pour une personne seule (soit des ressources annuelles brutes de 20 862,40 euros en 2019). Si l’ayant droit vit en couple, les ressources ne doivent pas être supérieures à 1,6 fois ce plafond. La condition de ressources porte sur les revenus propres du conjoint ayant droit à la réversion. En particulier, les réversions du régime complémentaire et les revenus des biens mobiliers et immobiliers acquis à l’initiative du conjoint décédé ou de la communauté ne sont pas inclus dans les ressources.
Pension minimum
Au régime général et dans les régimes alignés, la pension de réversion ne peut être inférieure à un montant minimum (287 € mensuels au 1er janvier 2019). Le minimum est servi entier si l’assuré décédé a validé 60 trimestres au régime général et est réduit proportionnellement, sinon la pension de réversion servie par le régime général et les régimes alignés ne peut dépasser un montant maximum égal à 54 % du montant opposable à l’assuré décédé (soit 911,79 € au 1er janvier 2019).
Âge minimal
L’âge minimal pour bénéficier de la réversion est de 55 ans au régime général, dans les régimes alignés et à la complémentaire du secteur privé. Il n’y en a pas dans la fonction publique, mais il y a en revanche une durée minimum de mariage. Elle est de quatre ans si le mariage a eu lieu après la liquidation des droits et de deux ans sinon. Il n’y a pas de durée minimale de mariage si un enfant est issu de l’union.
Mariage et remariage
L’ensemble des régimes de réversion français impose d’avoir été marié à la personne décédée pour bénéficier de la réversion.
Au régime général, le droit à réversion est conservé en cas de remariage. Il est supprimé dans le régime complémentaire du privé. Dans la fonction publique, le droit est suspendu en cas de remariage, pacs ou concubinage. En cas d’existence de plusieurs ayants droit à la pension de réversion (le conjoint décédé a été marié plusieurs fois), le montant est proratisé selon la durée de chaque mariage. Au régime général seulement, la proratisation est recalculée au décès de l’un des ex-conjoints. Dans le régime complémentaire du privé, en cas de divorce sans remariage, les droits à réversion sont également proratisés par la durée de mariage sur la durée d’assurance du conjoint décédé.

5En particulier, des travaux sur cas types (COR, 2008 ; Bonnet et Hourriez, 2012 ; COR, 2014 ; Bonnet et al., 2019) ont mis en évidence que la réglementation actuelle pouvait conduire à une dégradation du niveau de vie, en particulier pour les individus qui ont peu ou pas de droits propres à retraite, mais également à une surcompensation, en particulier pour les hommes. Nous rappelons ici brièvement les principaux résultats obtenus par Bonnet et al., 2019 [8], en portant une attention particulière au traitement du divorce dans le cadre de la réversion selon les régimes, dimension encore peu explorée dans les travaux sur cas types.

Variation du niveau de vie après le décès du conjoint, selon son régime d’affiliation

6Dans le secteur public et dans le régime complémentaire du privé, les pensions de réversion ne sont pas soumises à une condition de ressources. Après le décès d’un conjoint, le niveau de vie du survivant est donc maintenu dès que sa pension de droits propres atteint une certaine proportion de la pension du conjoint décédé [9]. Dans le secteur public, où le taux de réversion est de 50 %, cette proportion est de 1/2 (graphique 1). Dans le régime complémentaire du privé, où le taux de réversion est de 60 %, cette proportion est de 1/5e. Au-delà de ces seuils, le niveau de vie est surcompensé.

Graphique 1

Variation des niveaux de vie après/avant décès, en fonction du niveau de la pension du conjoint survivant (en % du plafond de la Sécurité sociale), régime de la fonction publique

Variation des niveaux de vie après/avant décès, en fonction du niveau de la pension du conjoint survivant (en % du plafond de la Sécurité sociale), régime de la fonction publique

Variation des niveaux de vie après/avant décès, en fonction du niveau de la pension du conjoint survivant (en % du plafond de la Sécurité sociale), régime de la fonction publique

PSS : plafond de la Sécurité sociale, égal à 3 428 € bruts mensuels au 01/01/2020.
Note : le conjoint décédé est un ancien fonctionnaire, dont la pension de droit propre est respectivement égale à 0,5 PSS (courbe bleue), 1 PSS (courbe orange) et 1,5 PSS (courbe grise).
Lecture : pour un conjoint survivant ayant une pension de droits propres égale à 0,5 PSS, le niveau de vie suite au décès de son conjoint diminue de 7 % si ce dernier avait une pension égale à 1,5 PSS, il reste identique dans le cas où le défunt avait une pension égale au PSS et il augmente de 12 % dans le cas où le défunt avait une pension égale à 0,5 PSS.
Source : PensIPP.

7Dans le cas des dispositifs de réversion avec condition de ressources, comme au régime général, les pensions servies sont égales à la différence entre la pension de réversion initialement calculée et un plafond. Ce système limite les gains de niveau de vie.

8Si l’individu décédé était un ancien salarié du secteur privé, il bénéficiait d’une pension servie par le régime général et d’une pension servie par le régime complémentaire du secteur privé. Après son décès, le conjoint survivant reçoit donc une pension de réversion de ces deux régimes et les effets sur son niveau de vie proviennent d’une combinaison de deux mécanismes. Le ratio de niveaux de vie « après-sur-avant » décès évolue en dents de scie avec le niveau de pension du survivant (graphique 2). On distingue trois parties dans l’évolution du ratio :

9

  • Si la pension du conjoint survivant à laquelle on ajoute la pension de réversion est inférieure au plafond de ressources du régime général, on se retrouve dans le cas d’un système de réversion sans condition de ressources. La pension est néanmoins bornée par le minimum et le maximum de pension en vigueur au régime général (partie A).
  • Si la pension du conjoint survivant à laquelle on ajoute la pension de réversion est supérieure au plafond de la condition de ressources du régime général, la partie de la pension de réversion issue du régime général est écrêtée (partie B).
  • Si le niveau de la pension de droits propres du survivant est supérieur au plafond de ressources du régime général, la réversion issue du régime général n’est pas servie. Seule la pension de réversion du régime complémentaire du privé est ajoutée à la pension de droit direct du conjoint survivant après le décès du conjoint décédé (partie C).

Graphique 2

Variation des niveaux de vie après/avant décès, en fonction du niveau de la pension du conjoint survivant, salariés du privé

Variation des niveaux de vie après/avant décès, en fonction du niveau de la pension du conjoint survivant, salariés du privé

Variation des niveaux de vie après/avant décès, en fonction du niveau de la pension du conjoint survivant, salariés du privé

PSS : plafond de la Sécurité sociale, égal à 3 428 € bruts mensuels au 01/01/2020.
Note : le conjoint décédé est un ancien salarié du secteur privé, dont la pension est respectivement égale à 0,5 PSS (courbe bleue), 1 PSS (courbe orange) et 1,5 PSS (courbe grise).
Lecture : pour un conjoint survivant ayant une pension de droits propres égale à 0,5 PSS, le niveau de vie suite au décès de son conjoint diminue de 27 % si ce dernier avait une pension égale à 1,5 PSS, de 26 % dans le cas où le défunt avait une pension égale au PSS et de 2 % dans le cas où le défunt avait une pension égale à 0,5 PSS.
Source : PensIPP.

Implications du divorce pour la réversion

10Au régime général et dans les régimes alignés (encadré 1), le droit à la réversion est conservé pour l’ayant droit en cas de divorce et la pension est servie dans son intégralité si l’ayant droit est unique (i. e. si le conjoint décédé ne s’était pas remarié). Lorsque la personne décédée s’est remariée, plusieurs ayants droit se partagent la pension de réversion, proportionnellement à la durée de chaque mariage. Le décès de l’un des ayants droit entraîne une nouvelle répartition de la retraite de réversion, au prorata de la durée de chaque mariage des ex-conjoints survivants.

11Dans le régime complémentaire du privé, quand un couple divorce et qu’il y a un unique ayant droit, la pension de réversion est proratisée par le ratio de la durée du mariage et de la durée d’assurance du conjoint décédé. Cependant, si le conjoint défunt s’était remarié, les ayants droit qui survivent doivent se partager la pension de réversion proportionnellement à la durée de chaque mariage. Quand il n’y a qu’un seul ayant droit (l’ex-mari ne s’est pas remarié), la pension de réversion croît linéairement avec la durée de mariage et la pension complète est servie dès que le mariage dépasse la durée d’assurance requise (graphique 3, courbe jaune). Quand l’ex-conjoint est remarié, la pension de réversion est proportionnelle à la durée de chaque mariage. On peut noter que dès que la durée totale des mariages est inférieure à la durée d’assurance requise [10], la pension de réversion est supérieure en cas de remariage que dans le cas d’un seul ayant droit (mariage unique).

Graphique 3

Montant de la pension de réversion servie dans le régime complémentaire du secteur privé, en fonction du nombre d’années de mariage et d’un éventuel remariage du conjoint décédé

Montant de la pension de réversion servie dans le régime complémentaire du secteur privé, en fonction du nombre d’années de mariage et d’un éventuel remariage du conjoint décédé

Montant de la pension de réversion servie dans le régime complémentaire du secteur privé, en fonction du nombre d’années de mariage et d’un éventuel remariage du conjoint décédé

PSS : plafond de la Sécurité sociale, égal à 3 428 € bruts mensuels au 01/01/2020.
Lecture : pour des ex-conjoints mariés pendant 10 ans, si l’ex-mari ne s’est pas remarié, la femme qui lui survit touche une pension de réversion égale à 3 % du PSS. Si l’ex-mari s’était remarié pendant 5, 10 ou 20 ans, la pension de réversion s’élèverait alors à 8 %, 6 % ou 4 % du PSS, respectivement.
Note : le conjoint décédé a eu une carrière complète, dont l’évolution de la rémunération est celle du plafond de la sécurité sociale (la pension correspondante s’élève à 65 % du PSS). Nous distinguons les cas selon que le conjoint décédé ne s’est pas remarié (courbe jaune) ou s’est remarié après le divorce pour un mariage d’une durée de 5 ans (courbe bleue), 10 ans (courbe orange) ou 20 ans (courbe grise).
Source : PensIPP.

Quelles évolutions pour la pension de réversion ?

12En France, le projet de réforme des retraites vers un système de retraite universel (Delevoye, 2019) invite à uniformiser les dispositifs de droits conjugaux à la retraite. Cette homogénéisation suppose en amont une clarification de la manière de couvrir le risque veuvage par le dispositif de réversion, ainsi que le traitement du divorce.

Le partage des droits en cas de divorce

13L’augmentation du nombre de divorces depuis plusieurs décennies a incité à définir un nouveau risque à couvrir : le risque divorce. En effet, dans un contexte de couples stables, la moindre acquisition de droits à la retraite par les femmes est compensée par le partage de la pension du conjoint une fois à la retraite. Puis, lors du décès de ce dernier, la pension de réversion limite la chute des revenus du survivant. Le divorce rend cette stratégie de partage des ressources risquée pour les femmes. Dans la situation actuelle, c’est la réversion qui joue ce rôle. En effet, depuis 1978, le bénéfice de la pension de réversion est étendu à l’ex-conjoint au prorata de la durée de mariage (jusqu’alors, il perdait tout droit à la réversion). Or, la pension de réversion versée à la suite d’un divorce ne remplit ni un objectif de maintien du niveau de vie, ni un rempart contre l’appauvrissement, sa perception n’intervenant qu’au décès de l’ex-conjoint, parfois de nombreuses années après le divorce. De plus, son montant n’est pas fixé à l’issue du divorce et dépend du parcours conjugal des ex-conjoints (graphique 3). Seule la logique patrimoniale semble adaptée pour couvrir le risque divorce. Au même titre que le patrimoine constitué par les époux pendant le mariage, les droits à retraite acquis ensemble pendant le mariage pourraient être partagés au moment du divorce.

14Le dispositif de prestation compensatoire pourrait être mobilisé en remplacement de la pension de réversion dans les cas de divorce (COR, 2008 ; Bonnet et al., 2013 ; Fragonard et al., 2020). Compte tenu des écarts de droits à pension accumulés entre les deux conjoints, le juge pourrait décider du versement d’un capital ou bien d’un enregistrement de droits à la retraite différés d’un des conjoints vers l’autre [11]. Cependant, l’estimation de la diminution des droits à retraite de l’un des membres du couple en lien avec le mariage resterait complexe.

15Une autre option, simple à mettre en œuvre dans un régime de retraite universel en points, est le partage des droits, comme habituellement pratiqué en Allemagne (Monticone et al., 2008). Son principe est de faire masse des droits acquis par les deux époux pendant la durée du mariage et de les partager entre eux au moment du divorce. Le partage des droits rapproche les niveaux de pension de retraite des femmes et des hommes mariés. Il renforce également le pouvoir de négociation de la femme au sein du couple, celle-ci disposant de droits propres plus élevés, compensant ainsi la dissymétrie éventuelle des droits acquis par les deux conjoints au sein du couple. À l’issue du divorce, chacun d’entre eux dispose de ses droits propres, déconnectés de la suite de son parcours conjugal.

Le partage des droits au moment de la liquidation de la retraite

16Au-delà du divorce, certains auteurs ont envisagé un partage des droits dès la liquidation, pouvant suivre deux options (Klerby et al., 2012) :

17

  • un compte partagé faisant masse des droits à pension acquis par les deux conjoints sur l’ensemble de leurs carrières respectives et versant une rente jointe à la retraite ;
  • des comptes individuels séparés dans lesquels s’accumulent les droits à pension de chaque conjoint. Au moment du calcul de la retraite, chaque conjoint reçoit la moitié de la somme des pensions individuelles.

18Ainsi, dès la liquidation, le partage des droits neutralise les choix dissymétriques de répartition des rôles pendant le mariage en égalisant les pensions des femmes et des hommes mariés.

19S’il est mis en œuvre en alternative à la réversion, ce partage est cependant moins favorable aux bénéficiaires que la réversion puisqu’il contribue à réallouer les droits acquis par les deux membres du couple entre eux, tandis que la réversion aboutit à un droit supplémentaire. En effet, par définition, le financement d’un tel dispositif de droits conjugaux est internalisé au sein de chaque couple. Moins coûteux pour l’assurance sociale et garantissant une équité horizontale en évitant les redistributions des couples non mariés vers les couples mariés, ce dispositif pose cependant la question de son acceptabilité. Par ailleurs, la suppression de la réversion pourrait avoir des effets sur les comportements démographiques. Ainsi, Persson (2020) met en évidence que la suppression de la réversion en Suède a conduit à moins de mariages, un taux de divorce de long terme plus élevé pour les générations concernées et un renforcement de l’homogamie de revenus.

20Cependant, s’il est associé à un dispositif de réversion au moment du décès de l’un des conjoints, le survivant serait assuré de bénéficier de ressources (somme des pensions de droits directs et de droits dérivés) égales à celles qu’il aurait eues sans le partage [12].

Le maintien du niveau de vie comme objectif de couverture du risque veuvage

21Maintenir le niveau de vie du conjoint survivant [13] peut s’obtenir par une pension de réversion au taux de 2/3 [14] et une condition de ressources dégressive (COR, 2008 ; Bonnet et Hourriez, 2012 ; Sterdyniak, 2019) :

equation im4

22Avec un système de ce type, le taux de réversion est croissant avec l’écart de pension entre les deux conjoints [15] :

equation im5

23Comparativement aux mécanismes actuels – qui peuvent conduire à une baisse ou à une hausse du niveau de vie du conjoint survivant (supra) – on s’attend à ce que la réversion à taux majoré rehausse le niveau de vie des survivants ayant une faible pension ou pas de pension, ainsi que celui des ex-conjoints d’un ancien salarié du privé dont les ressources dépassaient le plafond mais dont le montant de pension de droits propres ne permet pas de compenser la perte de niveau de vie due à la déséconomie d’échelle (graphique 2). À l’inverse, un tel dispositif de réversion exclut certains bénéficiaires actuels. En particulier, tous les survivants ayant une pension supérieure au double de celle de leur conjoint ne bénéficieraient plus de la réversion (graphique 1). Les bénéficiaires de pensions de régimes où les taux de réversion sont élevés (régime complémentaire du privé) ou membres d’unions égalitaires verraient, quant à eux, plus souvent leur pension de réversion diminuer.

Quels sont les effets des évolutions envisagées ?

24En lien avec les évolutions potentielles des pensions de réversion présentées ci-dessus, nous envisageons deux pistes de réforme : la mise en place d’un dispositif de réversion maintenant le niveau de vie du couple au décès de l’un des deux conjoints, d’une part, et d’un dispositif de partage des droits à la liquidation, d’autre part. Les redistributions opérées par de tels dispositifs dépendent non seulement du montant de la pension du survivant (condition de ressources au régime général) mais aussi de l’écart entre les pensions des conjoints (voir analyse sur cas types). Pour évaluer empiriquement les effets redistributifs de scénarios de réforme de la réversion, il est nécessaire de disposer des niveaux de pension de chacun des époux. Nous analysons ces effets selon le niveau de la pension de retraite de droits propres des femmes, mais aussi selon le niveau des pensions du couple.

Données et méthodologie

Données

25Nous utilisons les données des fichiers démographiques sur les logements et les individus (Fidéli 2016) comportant des informations sur les pensions de retraite des deux membres d’un couple. Fidéli est une base de données administratives produite par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Elle renseigne, pour l’exhaustivité des foyers fiscaux français, leurs différentes sources de revenus (y compris les pensions de retraite), leur structure démographique (dont le statut matrimonial indiquant les bénéficiaires potentiels de la réversion que sont les couples mariés), l’âge de ses membres et la composition des foyers. Dans cette base de données, nous considérons les personnes de plus de 65 ans, vivant en couple marié (annexe B).

26L’écart de pension entre hommes et femmes se réduit tout au long de la distribution des pensions de droits propres des femmes. En d’autres termes, le ratio des pensions des femmes sur celles des hommes augmente le long de cette distribution (graphique 4). Il est très faible dans le premier décile, car une part importante de ces femmes ont des pensions quasi nulles. Puis il augmente le long de la distribution des pensions féminines pour atteindre 94 % dans le dernier décile. Le lien entre la pension des hommes et celle des femmes suit une forme en U. Les pensions des hommes les plus élevées se retrouvent aux deux extrêmes de la distribution de pension des femmes.

Graphique 4

Niveau de la pension moyenne de l’homme et de la femme au sein des couples, selon le décile de pension de la femme

Niveau de la pension moyenne de l’homme et de la femme au sein des couples, selon le décile de pension de la femme

Niveau de la pension moyenne de l’homme et de la femme au sein des couples, selon le décile de pension de la femme

Champ : individus de plus de 65 ans, vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Lecture : dans le 5e décile de pension des femmes, les femmes ont une pension moyenne en 2016 de 720 euros et les hommes une pension moyenne de 1 660 euros 2016 (échelle de gauche), soit un ratio des pensions femme/homme de 43 % (échelle de droite).
Source : Fidéli 2016.

27Si l’on adopte la perspective du couple, la médiane des ratios entre les pensions des femmes et celles des hommes oscille autour de 50 % tout le long de la distribution des pensions des couples, à l’exception du premier décile. Au sein de ce dernier, la médiane est plus faible, égale à 25 %, tandis que le troisième quartile est à peine supérieur à 65 % (graphique 5). Le premier décile des pensions du couple concentre une part non négligeable de femmes sans droits propres : 25 % d’entre elles ont une pension nulle. Le ratio des pensions croît ensuite de manière assez régulière pour atteindre une médiane de 64 % dans le 9e décile. Il est ensuite légèrement plus faible dans le dernier décile, car la part des femmes avec très peu de droits propres est légèrement plus élevée dans ce décile que dans ceux immédiatement inférieurs (6,5 % de femmes du premier décile de pensions féminines de droits propres appartiennent aux couples les plus aisés [dernier décile] alors qu’elles ne sont que 4,7 % dans le décile 9, voir graphique 6).

Méthodologie

28Nous calculons des pensions de réversion fictives pour les femmes vivant en couple marié [16] selon quatre scénarios. Dans cet exercice, nous faisons l’hypothèse que seules les femmes connaîtront le veuvage dans les couples mariés considérés [17]. Les deux premiers scénarios correspondent aux dispositifs actuellement en vigueur et les deux suivants correspondent aux évolutions exposées précédemment :

Graphique 5

Distribution des pensions des femmes exprimées en proportion de la pension du conjoint

Distribution des pensions des femmes exprimées en proportion de la pension du conjoint

Distribution des pensions des femmes exprimées en proportion de la pension du conjoint

Champ : individus de plus de 65 ans, vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Lecture : dans le premier décile de pension du couple, en moyenne, la pension des femmes est égale à 38 % de la pension des hommes (point noir). La médiane de ce ratio est égale à 25 %.
Source : Fidéli 2016.
Graphique 6

Distribution des pensions des femmes au sein de chaque décile de pension du couple

Distribution des pensions des femmes au sein de chaque décile de pension du couple

Distribution des pensions des femmes au sein de chaque décile de pension du couple

Lecture : dans le premier décile de pensions du couple, 36 % des femmes sont issues du premier décile de pension des femmes, 19 % du deuxième, 15 % du troisième, 20 % du quatrième, 9 % du cinquième et 1 % du sixième. Aucune n’est issue des déciles de pensions féminines supérieurs.
Champ : individus de plus de 65 ans, vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.

29Scénario 1. Régime actuel des salariés du secteur privé ; Scénario 2. Régime actuel de la fonction publique ; Scénario 3. Régime fictif de maintien du niveau de vie du couple ; Scénario 4. Régime fictif de partage des droits à retraite à la liquidation.

30Nous ne disposons pas du régime de retraite du conjoint décédé dans les données utilisées, aussi nous faisons l’hypothèse que l’ensemble de la population est soumis au dispositif considéré dans chaque scénario. Pour les salariés du secteur privé, il est nécessaire d’émettre une hypothèse sur la répartition de leur pension de droits propres entre le régime de base et le régime complémentaire, la réglementation de la réversion étant différente entre les deux régimes. Nous supposons, dans un scénario central, que 70 % de la pension est servie par le régime général et que les 30 % restants sont servis par le régime complémentaire Agirc-Arrco. Ce partage correspond à la répartition moyenne observée chez les bénéficiaires d’une pension, anciens salariés du privé. Afin de prendre en compte l’hétérogénéité de la répartition entre régime de base et régime privé, nous étudions une variante dans laquelle le partage entre régime de base et régime complémentaire se fait à 50/50, représentatif de la répartition moyenne des cadres anciens salariés du privé (COR, 2017).

Quelle pension de réversion en fonction du niveau de droits propres des femmes ?

Quel taux de réversion dans les différents systèmes de réversion ?

31Nous analysons les différences entre les montants de droits conjugaux reçus par les veuves « potentielles » dans les quatre scénarios de réversion envisagés, en fonction de leur position dans la distribution des pensions de droits propres des femmes (graphique 7). Pour mesurer les droits conjugaux, nous utilisons le taux de réversion, c’est-à-dire la part de la pension du conjoint décédé reçue par le conjoint survivant. Nous présentons dans les différents graphiques la médiane des taux de réversion, mesure moins sensible aux valeurs extrêmes [18].

32Dans le système actuel des salariés du secteur privé, tant que le cumul entre la pension de réversion et celle de droits propres ne dépasse pas la condition de ressources, le taux de réversion est similaire pour toutes les femmes, quel que soit le niveau de leur pension (graphique 7) [19]. Ce taux est égal à 55,8 % [20]. Une fois la condition de ressources atteinte, au 7e décile de la distribution de pension de droits propres des femmes, la réversion du régime général devient différentielle et le taux de réversion baisse avec le niveau de pension de la femme. La condition de ressources joue assez haut dans la distribution pour deux raisons. D’une part, le niveau du plafond de ressources est assez haut relativement aux pensions de droit propre des femmes, et ce, jusqu’aux environs du 6e décile. Par ailleurs, la pension moyenne des hommes est plutôt décroissante avec le décile de pension des femmes dans cette partie (graphique 4), conduisant à un niveau de réversion du régime général (qui entre dans la condition de ressources) un peu plus bas que dans les déciles de pension inférieurs.

Graphique 7

Taux de réversion médian le long de la distribution des pensions de droits propres des femmes, selon le dispositif de droits conjugaux

Taux de réversion médian le long de la distribution des pensions de droits propres des femmes, selon le dispositif de droits conjugaux
80
Taux de réversion (en %)
60
40
20
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Déciles de pension des femmes
Partage des droits Réversion assurant le maintien du niveau de vie
Réversion secteur privé Réversion secteur privé, variante Réversion secteur public

Taux de réversion médian le long de la distribution des pensions de droits propres des femmes, selon le dispositif de droits conjugaux

Lecture : dans le premier décile des pensions des femmes, la médiane des taux de réversion dans un scénario de partage des droits est de 50 %. Elle est de 66 % dans un scénario de maintien du niveau de vie, de 57 % dans le secteur privé (et de 56 % dans la variante) et de 50 % dans le public.
Note : dans le scénario principal de la réversion du secteur privé, la pension de droits propres du conjoint décédé était servie pour 70 % par le régime général et à 30 % par le régime complémentaire. Dans la variante, le partage est de 50/50.
Champ : femmes de 65 ans et plus vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.

33La baisse du taux de réversion est ensuite particulièrement forte entre le 7e et le 8e décile car la condition de ressources joue à plein. Une partie de cette forte baisse résulte aussi des hypothèses faites sur la répartition entre le régime général et les régimes complémentaires pour le conjoint décédé. En effet, les femmes dont les conjoints ont des pensions élevées touchent de faibles retraites pour certaines et élevées pour les autres (graphique 4). L’hypothèse sur la répartition régime général/régime complémentaire a peu d’influence sur les résultats dans le bas de la distribution, jouant uniquement sur le taux de réversion. Ce dernier est alors égal à 57 % [21]. En revanche, dans le haut de la distribution, la condition de ressources joue un rôle moins important dans le cadre d’une répartition 50/50, car les pensions de réversion versées par le régime complémentaire ne sont pas prises en compte dans la condition de ressources et celles du régime général sont plus faibles. Dans le cas d’une répartition 50/50, le taux de réversion atteindrait 30 % dans le dernier décile contre 18 % avec la répartition 70/30 [22].

34Dans le système de la fonction publique, le taux de réversion de 50 % est identique quelle que soit la pension de droits propres du conjoint survivant. Ce taux est inférieur à celui reçu par les femmes réversataires des régimes du privé jusqu’au 7e décile environ, mais la réversion est plus avantageuse dans le haut de la distribution.

35Par définition, l’objectif de maintien du niveau de vie conduit à un taux de réversion décroissant le long de la distribution des pensions. Les taux de réversion s’étagent de près de 66 % pour le premier décile de pension, constitué à 25 % de femmes sans pension [23], à un tiers environ dans le dernier décile de pension [24]. Cela va de pair avec la hausse du ratio entre les pensions des femmes et celles des hommes (graphique 5) au fil des déciles de pension des droits propres des femmes : les niveaux de pension des femmes dans les derniers déciles sont plus proches de ceux des hommes que dans le bas de la distribution. Autrement dit, l’homogamie de pension est plus forte dans le haut de la distribution des pensions.

36Si l’on ne tient pas compte de la durée de perception de la pension, le partage des droits fonctionne de manière similaire à la pension de réversion maintenant le niveau de vie, quoique avec un taux inférieur (50 % au lieu de 66 %). Le taux appliqué à la pension du conjoint est donc plus faible. Pour les femmes du premier décile de pension, leur niveau atteint pratiquement celui de la réversion du régime de la fonction publique. Dans ce décile, les 25 % de femmes n’ayant pas de pension de retraite bénéficieraient de la moitié de la pension du conjoint décédé. À l’opposé, dans le dernier décile, le taux est presque nul puisque les femmes ont une pension quasi égale à celle des hommes.

Quelles sont les implications d’un passage au maintien du niveau de vie ?

37L’effet sur le taux de réversion du passage de la réversion en vigueur dans le secteur privé à un dispositif maintenant le niveau de vie suit une courbe en U (graphique 8). Avec un dispositif de maintien du niveau de vie, la médiane des taux de réversion serait plus élevée que celle actuelle pour les trois premiers déciles de pension des femmes. Le taux serait ensuite inférieur en médiane jusqu’au 7e décile (8e décile dans l’hypothèse 50/50), au-delà duquel il serait de nouveau supérieur au taux actuellement en vigueur. La pente de cette dernière partie en U de la courbe est dépendante des hypothèses émises sur la part de la complémentaire dans la pension du décédé. En effet, plus la pension du régime complémentaire représente une part importante de la pension du décédé, plus le taux de réversion est élevé et donc davantage susceptible d’être proche du taux de réversion du régime maintenant le niveau de vie. En d’autres termes, et comme relevé dans les cas types, le système actuel n’assure pas le maintien du niveau de vie pour les femmes à petite pension ou à pension élevée mais le surcompense pour les femmes se situant au milieu de la distribution. Dans le 9e décile, l’écart est particulièrement conséquent. En effet, les femmes ont une pension de droits propres élevée ne leur permettant de bénéficier dans le système actuel que de la seule réversion du régime complémentaire (à un taux de 18 % ou 30 % de la pension du conjoint décédé, selon le scénario de répartition de la pension de droit propre du décédé entre régime général et complémentaire) ; dans le dispositif de maintien du niveau de vie, le taux de réversion est d’environ 40 %, résultant d’un montant de pension des femmes proche de celui des hommes (le ratio entre la pension des femmes et celle des hommes est de l’ordre de 80 % ; il est de 95 % dans le dernier décile).

38Dans la fonction publique, le système actuel surcompense le niveau de vie des femmes dont les pensions de droits propres sont les plus fortes. En revanche, il ne garantit pas son maintien dans le bas de la distribution. Un système de maintien du niveau de vie conduirait à des taux de réversion plus élevés jusqu’au milieu de la distribution des pensions et à des taux plus faibles au-delà. L’écart de taux entre les deux systèmes atteint 17 points dans le dernier décile.

Graphique 8

Écart entre les médianes des taux de réversion dans un dispositif maintenant le niveau de vie et dans les dispositifs de réversion actuels, selon le décile de pension des femmes

Écart entre les médianes des taux de réversion dans un dispositif maintenant le niveau de vie et dans les dispositifs de réversion actuels, selon le décile de pension des femmes
25
20
Écart entre les médianes des taux
de réversion (en pts de %)
15
10
5
0
- 5 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
- 10
- 15
- 20
Déciles de pension des femmes
Secteur privé Secteur privé, variante Secteur public

Écart entre les médianes des taux de réversion dans un dispositif maintenant le niveau de vie et dans les dispositifs de réversion actuels, selon le décile de pension des femmes

Lecture : dans le premier décile des pensions des femmes, l’écart entre la médiane du taux de réversion d’un dispositif maintenant le niveau de vie et la réversion actuelle dans le secteur privé est de + 11 points (+ 10 points dans la variante) et de + 17 points par rapport à la réversion en vigueur dans le secteur public.
Note : dans le scénario principal de la réversion du secteur privé, la pension de droits propres du conjoint décédé était servie pour 70 % par le régime général et pour 30 % par le régime complémentaire. Dans la variante, le partage est de 50/50.
Champ : femmes de 65 ans et plus vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.

39En résumé, la mise en place d’un dispositif de réversion maintenant le niveau de vie à la suite du décès du conjoint opérerait une redistribution vers les femmes aux pensions de droits propres les plus faibles quel que soit le régime d’affiliation, mais aussi vers les pensions les plus élevées des femmes lorsqu’elles sont veuves d’un salarié du secteur privé.

Quelle pension de réversion en fonction de la distribution des pensions des couples ?

40La distribution des pensions de droits propres des femmes n’est pas identique au sein de chaque décile de pension du couple (graphique 6). Les effets redistributifs d’une réforme des dispositifs de réversion actuels le long de la distribution des pensions du couple ne sont donc pas similaires à ceux observés le long de la distribution des pensions féminines.

41Avec un dispositif de maintien du niveau de vie, le taux de réversion diminue, par définition, avec les écarts de pension entre les époux. Or, à l’exception du premier décile de pension des couples, cet écart est relativement stable, autour de 50 % le long de la distribution de pension des couples (graphique 5). La médiane des taux de réversion est ainsi élevée dans le premier décile, au sein duquel l’écart entre la pension des femmes et des hommes est élevé, puis diminue continûment le long de la distribution des pensions, en restant très proche de 50 % (graphique 9). Le taux de réversion est plus faible, en médiane, pour les déciles D8 et D9, car les écarts entre les pensions des femmes et des hommes sont plus réduits dans ces déciles. Dans le dernier décile de pension, le taux de réversion médian est de 50 %.

42La condition de ressources du régime général explique la baisse du montant de droits conjugaux en proportion de la pension du conjoint décédé à partir du 6e décile de pension (7e décile dans la variante du secteur privé basée sur l’hypothèse d’une répartition à parts égales de la pension du décédé entre régime général et complémentaire). Pour le secteur privé, les taux de réversion médians sont faibles dans le haut de la distribution des pensions des couples [25]. Ils correspondent au versement seul de la pension de réversion issue du régime complémentaire, car la condition de ressources ne permet pas à la plupart des femmes de ces déciles de bénéficier de la réversion issue du régime général.

43Le partage des droits apparaît beaucoup moins favorable que les autres dispositifs car aucun droit supplémentaire n’est servi. En effet, les droits conjugaux sont issus d’une réallocation des droits au sein du couple (graphique 9). Cependant, il faut noter que la dimension temporelle n’est pas prise en compte dans l’indicateur présenté. Or, les droits supplémentaires issus du partage sont servis dès la liquidation et non pas à partir du décès du conjoint. Ainsi, sur le cycle de vie, ce dispositif serait plus avantageux que la réversion pour certaines femmes. Notre analyse ne permet cependant pas de dire quelles seraient les femmes concernées.

44Les effets redistributifs d’un passage à un dispositif maintenant le niveau de vie, selon le décile de pension du couple, sont opposés à ceux observés selon le décile de pension des femmes dans le bas de la distribution, à l’exception du premier décile. Ainsi, le passage à un système de réversion maintenant le niveau de vie conduit à des taux de réversion un peu plus faibles que ceux en vigueur pour les déciles D2 et D3 de la distribution des pensions des couples [26]. Les résultats entre les deux dimensions sont différents car les déciles ne sont pas composés uniquement de femmes aux pensions de droits propres les plus faibles (graphique 6). Au milieu de la distribution, les effets redistributifs sont semblables à ceux observés le long de la distribution des pensions féminines et le taux de réversion serait inférieur à celui existant actuellement. Dans les derniers déciles de la distribution des pensions du couple, les taux dans le dispositif de maintien du niveau de vie sont en revanche supérieurs à ceux qui existent dans le régime du secteur privé actuel, avec des écarts importants (graphique 10). L’écart entre les médianes des taux de réversion dans un système de maintien du niveau de vie par rapport à celui en cours dans le secteur privé y est de + 19 points, pour la variante du partage à 50/50 du secteur privé [27]. En effet, dans ces déciles, les femmes ont une pension de droits propres élevée ne leur permettant pas de bénéficier de la réversion du régime général, soumise à une condition de ressources. Elles ne disposent que de la réversion issue du régime complémentaire (à un taux de 18 % ou 30 % selon le scénario de répartition de la pension du décédé entre les régimes général et complémentaire [70/30 ou 50/50]). Dans ces déciles, le ratio entre les pensions des femmes et celles des hommes est par ailleurs de l’ordre de 50 % (graphique 4), conduisant à un taux de réversion permettant le maintien du niveau de vie d’environ 50 %.

Graphique 9

Taux de réversion médian le long de la distribution des pensions de droits propres du couple, selon le dispositif de droits conjugaux

Taux de réversion médian le long de la distribution des pensions de droits propres du couple, selon le dispositif de droits conjugaux
70
60
50
40
Taux de réversion (en %)
30
20
10
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Déciles de pension du couple
Partage des droits Réversion assurant le maintien du niveau de vie
Réversion secteur privé Réversion secteur privé, variante Réversion secteur public

Taux de réversion médian le long de la distribution des pensions de droits propres du couple, selon le dispositif de droits conjugaux

Lecture : dans le premier décile des pensions des couples, le taux de réversion appliqué dans un scénario de partage des droits est de 37 % en médiane. Il est de 58 % dans un scénario de maintien du niveau de vie, de 56 % dans le secteur privé (et de 61 % dans la variante) et de 50 % dans le public.
Note : dans le scénario principal de la réversion du secteur privé, la pension de droits propres du conjoint décédé était servie pour 70 % par le régime général et pour 30 % par le régime complémentaire. Dans la variante, le partage est de 50/50.
Champ : individus de plus de 65 ans, vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.
Graphique 10

Écart entre les médianes des taux de réversion dans un dispositif maintenant le niveau de vie et dans les dispositifs de réversion actuels, selon le décile de pension du couple

Écart entre les médianes des taux de réversion dans un dispositif maintenant le niveau de vie et dans les dispositifs de réversion actuels, selon le décile de pension du couple
35
30 Secteur privé
Secteur privé, variante
25 Secteur public
Écart entre les médianes des taux
de réversion (en pts de %)
20
15
10
5
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
- 5
- 10
Déciles de pension du couple

Écart entre les médianes des taux de réversion dans un dispositif maintenant le niveau de vie et dans les dispositifs de réversion actuels, selon le décile de pension du couple

Lecture : dans le premier décile de pension du couple, l’écart entre la médiane du taux de réversion appliqué avec un dispositif maintenant le niveau de vie et la réversion actuelle dans le secteur privé est de +2 points (-3 points dans la variante) et de +8 points par rapport à la réversion en vigueur dans le secteur public.
Note : dans le scénario principal de la réversion du secteur privé, la pension de droits propres du conjoint décédé était servie pour 70 % par le régime général et pour 30 % par le régime complémentaire. Dans la variante, le partage est de 50/50.
Champ : individus de plus de 65 ans, vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.

45Dans les régimes de la fonction publique, le taux de réversion est de 50 %, tout le long de la distribution des pensions. L’écart de pension entre les femmes et les hommes, égal à 50 % environ pour les déciles 2 à 7 de la distribution des pensions des couples (graphique 4), explique le taux de réversion médian de 50 % observé pour la réversion assurant un maintien du niveau de vie, alors très proche de celui des régimes du public. Pour le premier décile, le taux de réversion de la fonction publique n’est pas suffisant pour assurer le maintien du niveau de vie. En revanche, pour les derniers déciles, à l’exception du tout dernier, le ratio moyen des pensions femme/homme est supérieur à 50 %, et le taux de réversion médian associé au dispositif assurant le maintien du niveau de vie est plus faible, rendant ce dispositif moins avantageux que celui existant pour l’ensemble des couples, à l’exception de ceux du dernier décile.

Conclusion

46Le système de pension de réversion français est composé de plusieurs régimes aux modalités de calcul qui varient selon les logiques à l’œuvre. Ces différences conduisent à des situations très disparates entre personnes veuves selon le régime d’affiliation du conjoint décédé, et font l’objet de critiques.

47Le contexte actuel de projet de réforme des retraites en France et en Europe conduit à relancer la réflexion sur l’évolution des droits conjugaux. Le projet de mise en place, en France, d’un système universel en points rend envisageable techniquement le passage à des dispositifs de partage des droits au moment du divorce ou au moment du calcul de la retraite [28] (Delevoye, 2019). Après un divorce, un dispositif de partage des droits neutraliserait de façon définitive la dissymétrie dans la répartition des rôles pendant le mariage. On pourrait aussi envisager un partage lors de la liquidation pour les couples mariés, qui dans une logique patrimoniale, permettrait d’égaliser les droits à la retraite des femmes et des hommes mariés, renforçant le pouvoir de négociation des femmes au sein des couples. Sous l’hypothèse que les couples mutualisent leurs ressources, un dispositif de réversion construit pour maintenir le niveau de vie à la suite du décès d’un conjoint pourrait, alternativement ou en complément, être mis en place. L’adjonction d’une pension de réversion minimale à ce dernier dispositif ajouterait une dimension d’aide sociale à celle assurantielle.

48Cet article contribue aux réflexions sur l’évolution des droits conjugaux, analysant empiriquement les effets d’un passage du système actuel de réversion à un système de partage des droits ou de maintien du niveau de vie. Cela nous permet en particulier d’étudier les redistributions opérées le long de la distribution des pensions de droits propres des femmes d’une part et le long de celle des couples, d’autre part. On met ainsi en évidence que le passage à un dispositif de réversion maintenant le niveau de vie conduirait à des taux de réversion supérieurs pour les femmes aux pensions de droits propres les plus faibles, quel que soit le régime d’affiliation de leur ex-conjoint décédé, mais aussi pour les femmes aux pensions les plus élevées lorsqu’elles ont été mariées à un salarié du privé. Les femmes du milieu de la distribution, pour le secteur privé, ou au-delà du 5e décile, pour la fonction publique, auraient des taux de réversion inférieurs. Selon le décile de pension du couple, si le conjoint décédé était salarié du secteur privé du haut de la distribution, le survivant serait avantagé avec la mise en place d’un dispositif de maintien du niveau de vie. On observerait cependant une petite perte dans les autres déciles. Mais si le conjoint décédé était fonctionnaire, les couples auraient un petit gain en bas de la distribution de pensions et une perte en haut. La mise en place du dispositif de partage des droits à la liquidation apparaît beaucoup moins favorable que les autres, car aucun droit supplémentaire n’est servi. Cependant, la dimension temporelle n’est pas prise en compte, car le fait que la personne bénéficiant de droits supplémentaires issus du partage les reçoit dès la liquidation est occulté.

49Pour mener ces simulations, nous avons dû formuler des hypothèses, qu’il faudra lever dans les travaux de recherche à venir. Faute de données disponibles, nous avons considéré dans tous nos scénarios que l’ensemble de la population était soumis au même dispositif. Ainsi, nous n’avons pas pris en compte les écarts de pension entre les secteurs privé et public [29] et l’existence de poly-affiliés. Or, si les retraités des différents régimes ne sont pas distribués uniformément selon le décile de pension des couples, le résultat global pourrait être affecté puisque les effets du passage d’un système actuel au maintien du niveau de vie ne sont pas les mêmes selon les régimes à chaque décile de la distribution des pensions. Nous avons aussi supposé une homogamie de revenu similaire dans les couples, quel que soit le régime d’affiliation du conjoint décédé, qui n’est empiriquement pas vérifiée. Enfin, les effets de la mise en place alternative du partage des droits nécessiteraient d’être étudiés sur le cycle de vie. Une analyse par microsimulation dynamique permettrait de lever ces limites en introduisant l’hétérogénéité des carrières et des couples en projection, et d’intégrer la dimension temporelle dans le calcul des indicateurs.

50L’évolution des dispositifs de droits conjugaux à la retraite implique de réfléchir à la transition d’un système à l’autre. S’agissant de la suppression de la réversion en cas de divorce, l’instauration du partage des droits pour les nouveaux divorcés semble envisageable, mais la manière de faire évoluer les droits pour le stock des divorcés n’est pas immédiate. Par ailleurs, le partage des droits au moment du calcul de la retraite, en tant qu’alternative à la réversion, pourrait être optionnel plutôt qu’obligatoire (comme en Allemagne depuis 2001). Enfin, le dispositif de partage des droits fait porter au couple, par construction, le financement des droits conjugaux à la retraite [30]. En revanche, dans le cas de la réversion, le financement par les cotisations de tous maintient la redistribution opérée actuellement, en faveur des couples mariés, reniant le principe fondateur du projet de réforme « un euro cotisé donne les mêmes droits » (Delevoye, 2019). Pour y remédier, les droits conjugaux pourraient être financés non pas par des cotisations retraite contributives mais par une cotisation proportionnelle déplafonnée ou par l’impôt (COR, 2019).

Remerciements

Cette recherche a bénéficié d’un financement par le programme Droits, Égalité et Citoyenneté de la Commission européenne (2018-2020) [projet GenPensGap].
Nous remercions Lionel Wilner pour ses commentaires sur une première version de ce travail, Bertrand Fragonard pour de nombreux échanges sur cette thématique ainsi que les deux rapporteurs. Nous restons seuls responsables des erreurs pouvant subsister.

Annexe A. Mesure sur cas types de l’évolution du niveau de vie après le décès du conjoint

51Nous considérons un couple marié, à la retraite, sans autres ressources que les pensions de retraite et sans autre personne dans le ménage. Nous ne tenons compte ni de la fiscalité, ni des autres ressources éventuelles, comme les revenus du patrimoine.

52Nous notons PD et PS les pensions de droits propres du défunt et du survivant, x le ratio PS/PD, N1 et N2, les niveaux de vie du ménage (revenu par unité de consommation) avant et après décès et uc l’échelle d’équivalence retenue (1 + uc) unités de consommation pour le couple, uc = 0,5 pour l’échelle standard. En l’absence de réversion, les niveaux de vie du ménage avant et après décès ont pour expression :

equation im13

53Le niveau de vie après décès comparé au niveau de vie avant décès est alors égal à :

equation im14

54Après le décès d’un conjoint, plus les ressources du survivant sont faibles, plus le niveau de vie est faible, comparativement au niveau de vie avant le décès. Dans le cas où les conjoints ont les mêmes pensions de droits propres, le niveau de vie du survivant baisse de 25 %, comparativement à la situation avant décès, en raison de la perte des économies d’échelle. Le survivant maintient son niveau de vie dès que son niveau de pension est égal à au moins deux fois celui de son conjoint décédé.

55Dans les régimes du secteur public ou le régime complémentaire du secteur privé, les pensions de réversion ne sont pas soumises à condition de ressources. En notant τ le taux de réversion, le niveau de vie après décès devient :

equation im15

56Le ratio des niveaux de vie après décès sur avant décès est alors égal à :

equation im16

57La variation du niveau de vie au décès est une fonction de x et le maintien du niveau de vie est atteint dès que x = 2 – 3τ. Dans la fonction publique, le taux de réversion est de 50 %. Le niveau de vie au décès est donc maintenu dès que la pension du survivant est au moins égale à la moitié de celle du conjoint décédé. Dans le régime complémentaire du secteur privé, le taux de réversion est de 60 %. Le maintien du niveau de vie au décès est donc assuré dès que le ratio des pensions x est égal à 1/5.

Annexe B. Base et échantillon

58Nous utilisons les données de Fidéli 2016 pour étudier les effets redistributifs de réformes des droits conjugaux, en identifiant les individus susceptibles d’être bénéficiaires de tels droits à la suite du décès de leur conjoint. En raison de la nature fiscale des données, il n’est pas possible de distinguer les pensions de réversion des pensions de droits propres. Cependant, le statut matrimonial nous permet d’identifier les individus qui sont susceptibles d’être bénéficiaires d’une pension de réversion à la suite du décès de leur conjoint. Nous calculons donc des pensions de réversion hypothétiques pour les femmes vivant en couple marié [31] avec un homme.

59Afin de prendre en compte les individus qui n’ont jamais travaillé ou n’ont jamais acquis de droits à retraite, nous restreignons notre champ d’étude aux personnes âgées de plus de 65 ans, et non pas à ceux percevant une pension de retraite [32], [33].

60En France, les foyers sont définis sur la base du lieu de résidence. Afin d’éviter de prendre en compte les individus vivant en structure collective ou les individus en perte d’autonomie vivant chez des proches, nous ne considérons que les individus vivant dans les foyers d’une ou deux personnes.

61La pension moyenne des femmes est de 1264 euros, contre 1841 euros pour les hommes. Ces chiffres sont comparables à ceux observés dans l’échantillon interrégimes de retraités (EIR) produit par la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et qui regroupe des informations détaillées sur la composition des pensions de retraite d’un échantillon représentatif de la population des retraités français (tableau B1). La différence entre les deux sources de données provient potentiellement des individus qui ne reçoivent qu’une pension de réversion (et pas de pension de droits propres) : ceux-ci ne sont pas inclus dans le champ d’étude de la Drees (2018).

62En 2016 en France, les pensions de retraite de droits propres des femmes étaient inférieures à celles des hommes de 39 %, avec 1 065 euros contre 1 739 euros, respectivement (Drees, 2018). Cet écart de pension est similaire à l’écart observé en Europe en 2009 (Betti et al., 2015). Les pensions de réversion réduisent cet écart de 25 %, ramenant le ratio des pensions féminines et des pensions masculines moyen à 69 % (tableau B1).

63Les pensions de réversion ne réduisent probablement pas les écarts genrés de pension uniformément le long de la distribution des pensions de droits propres. Au contraire, les droits conjugaux à la retraite opèrent des redistributions entre les femmes selon qu’elles sont mariées à des conjoints dont la pension est plus ou moins élevée et qu’elles-mêmes ont des pensions de droits propres plus ou moins élevées.

Tableau B1

Pension de retraite moyenne par genre (pensions de réversion incluses)

FidéliEIRDifférence
Pension moyenne féminine1 264 €1 298 €– 3 %
Pension moyenne masculine1 841 €1 885 €– 2 %
Ratio Pfemme/Phomme moyen69 %69 %0 %
Pension de retraite moyenne par genre (pensions de réversion incluses)

Pension de retraite moyenne par genre (pensions de réversion incluses)

Champ : individus de plus de 65 ans, en logement d’une ou deux personnes.
Source : Fidéli 2016, Drees, EACR, EIR, modèle Ancetre.

64Nous découpons la population des couples étudiés en déciles, suivant la distribution des pensions des femmes d’une part et suivant la distribution des pensions du couple d’autre part. Les déciles de chacune de ces distributions sont présentés dans le tableau B2.

Tableau B2

Déciles de pensions féminines et de pensions du couple marié, mensuelles (en euros 2016)

DécilePensions femmesPensions couples
1100 €1 600 €
2300 €1 900 €
3500 €2 100 €
4600 €2 400 €
5800 €2 700 €
6900 €3 000 €
71 200 €3 400 €
81 500 €4 000 €
92 000 €4 900 €
Déciles de pensions féminines et de pensions du couple marié, mensuelles (en euros 2016)

Déciles de pensions féminines et de pensions du couple marié, mensuelles (en euros 2016)

Champ : individus de plus de 65 ans, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.

Annexe C. Moyenne des taux de réversion dans les différents dispositifs de droits conjugaux

Graphique C1

Taux de réversion moyen le long de la distribution des pensions de droits propres des femmes, selon le dispositif de droits conjugaux

Taux de réversion moyen le long de la distribution des pensions de droits propres des femmes, selon le dispositif de droits conjugaux

Taux de réversion moyen le long de la distribution des pensions de droits propres des femmes, selon le dispositif de droits conjugaux

Lecture : dans le premier décile des pensions des femmes, le taux de réversion dans un scénario de partage des droits est de 49 % en moyenne. Il est de 66 % dans un scénario de maintien du niveau de vie, de 61 % dans le secteur privé (et de 66 % dans la variante) et de 50 % dans le public. Note : dans le scénario principal de la réversion du secteur privé, la pension de droits propres du conjoint décédé est servie à 70 % par le régime général et à 30 % par le régime complémentaire. Dans la variante, le partage est de 50/50.
Note : dans le scénario de partage des droits, la moyenne des taux de réversion dans le 2e décile est particulièrement faible. Cela résulte d’une proportion plus élevée dans ce décile que dans les autres de femmes aux pensions très supérieures à leur conjoint.
Champ : femmes de 65 ans et plus vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.
Graphique C2

Différence des moyennes des taux de réversion entre le dispositif maintenant le niveau de vie et les dispositifs actuels, selon le décile de pension féminine

Différence des moyennes des taux de réversion entre le dispositif maintenant le niveau de vie et les dispositifs actuels, selon le décile de pension féminine

Différence des moyennes des taux de réversion entre le dispositif maintenant le niveau de vie et les dispositifs actuels, selon le décile de pension féminine

Lecture : dans le premier décile des pensions des femmes, l’écart entre la moyenne du taux de réversion dans un dispositif maintenant le niveau de vie et la réversion en vigueur dans le secteur privé est de + 5 points (0 point dans la variante) et de + 16 points par rapport à la réversion en vigueur dans le secteur public.
Note : dans le scénario principal de la réversion du secteur privé, la pension de droits propres du conjoint décédé est servie à 70 % par le régime général et à 30 % par le régime complémentaire. Dans la variante, le partage est de 50/50.
Champ : femmes de 65 ans et plus vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.
Graphique C3

Taux de réversion moyen le long de la distribution des pensions de droits propres du couple, selon le dispositif de droits conjugaux

Taux de réversion moyen le long de la distribution des pensions de droits propres du couple, selon le dispositif de droits conjugaux

Taux de réversion moyen le long de la distribution des pensions de droits propres du couple, selon le dispositif de droits conjugaux

Lecture : dans le premier décile des pensions des couples, le taux de réversion dans un scénario de partage des droits est de 31 % en moyenne. Il est de 54 % dans un scénario de maintien du niveau de vie, de 68 % dans le secteur privé (et de 74 % dans la variante) et de 50 % dans le public.
Note : dans le scénario principal de la réversion du secteur privé, la pension de droits propres du conjoint décédé est servie à 70 % par le régime général et à 30 % par le régime complémentaire. Dans la variante, le partage est de 50/50.
Champ : individus de plus de 65 ans, vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.
Graphique C4

Différence des moyennes des taux de réversion entre le dispositif maintenant le niveau de vie et les dispositifs actuels, selon le décile de pension du couple

Différence des moyennes des taux de réversion entre le dispositif maintenant le niveau de vie et les dispositifs actuels, selon le décile de pension du couple

Différence des moyennes des taux de réversion entre le dispositif maintenant le niveau de vie et les dispositifs actuels, selon le décile de pension du couple

Lecture : dans le premier décile de pension du couple, l’écart entre la moyenne du taux de réversion dans un dispositif maintenant le niveau de vie et la réversion actuelle dans le secteur privé est de – 14 points ( – 20 points dans la variante) et de + 4 points par rapport à la réversion en vigueur dans le secteur public.
Note : dans le scénario principal de la réversion du secteur privé, la pension de droits propres du conjoint décédé est servie à 70 % par le régime général et à 30 % par le régime complémentaire. Dans la variante, le partage est de 50/50.
Champ : individus de plus de 65 ans, vivant en couple marié, en logement de deux personnes.
Source : Fidéli 2016.
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Mots-clés éditeurs : réversion, veuvage, réforme des retraites, redistributions

Date de mise en ligne : 17/11/2020

https://doi.org/10.3917/rs1.083.0022

Notes

  • [1]
    À l’origine, le dispositif du régime général visait explicitement les femmes veuves n’ayant aucun droit propre à la retraite.
  • [2]
    À l’exception de Cuvillier (1977).
  • [3]
    Autorisation de cumul entre droits propres et droits dérivés à la retraite à partir de 1975, droit à la réversion étendu aux conjoints divorcés à partir de 1979, hausse progressive du taux de la réversion au régime général de 50 % à 54 % entre 1985 et 1994, par exemple.
  • [4]
    Règle des 150 heures rémunérées au Smic pour valider un trimestre et salaire de référence calculé sur les 25 meilleures années de carrière au régime général, par exemple.
  • [5]
    Deux autres logiques ont été abordées dans la littérature : une logique d’aide sociale et une logique patrimoniale. Dans la première, la réversion garantit un niveau minimal de ressources au conjoint survivant. Le minimum de réversion et la condition de ressources du dispositif en vigueur au régime général s’inscrivent dans cette logique. Dans la seconde, la réversion est considérée comme l’accumulation commune de droits à la retraite pendant la vie en couple, dont le conjoint survivant récupère une partie au décès. Elle peut être assimilée à un « acquêt de mariage » (Harichaux-Ramu, 1980). Dans les régimes de retraite de la fonction publique et le régime complémentaire du secteur privé, la réversion s’apparente à un droit patrimonial, car elle n’est pas soumise à une condition de ressources.
  • [6]
    Fichiers démographiques sur les logements et les individus, Direction des statistiques démographiques et sociales.
  • [7]
    On ne traite pas ici du veuvage aux âges jeunes. On renvoie le lecteur à Bonnet et al. (2019) et HCFEA (2019) pour plus de détails.
  • [8]
    Les résultats sont obtenus à l’aide du calculateur de pensions de retraite PensIPP, de l’Institut des politiques publiques (IPP), basé sur la réglementation actuelle.
  • [9]
    Voir annexe A. Nous notons PD et PS les pensions de droits propres du défunt et du survivant, x le ratio PS/PD, N1 et N2, les niveaux de vie du ménage (revenu par unité de consommation) avant et après décès et uc l’échelle d’équivalence retenue (1 + uc) unités de consommation pour le couple, uc = 0,5 pour l’échelle standard. Le niveau de vie après décès comparé au niveau de vie avant décès est alors égal à :
    equation im23
  • [10]
    Notons par exemple DM1 la durée du premier mariage et DM2 la durée de l’éventuel deuxième mariage. S’il n’y a qu’un seul ayant droit, le coefficient de proratisation de la pension de réversion sera égal à DM1/ Dassurance. S’il y a eu remariage, le coefficient de proratisation sera égal à DM1/ (DM1+DM2). Ce coefficient sera supérieur à celui de la situation sans remariage dès lors que (DM1 + DM2) < Dassurance.
  • [11]
    La loi portant réforme des retraites de 2010 avait déjà renforcé la prise en compte des droits à la retraite dans la fixation de la prestation compensatoire, mais cet exercice pourrait être systématisé.
  • [12]
    Exception faite des cas où le conjoint survivant a une pension de droits propres qui dépasse le double de celle du conjoint décédé. En effet, le partage des droits joue en sa défaveur puisque la condition de ressources de la réversion ne compense pas, au décès de son conjoint, les droits « perdus » lors du partage.
  • [13]
    Une hypothèse implicite à l’objectif du maintien du niveau de vie est la mutualisation des ressources au sein du couple. Si tel n’était pas le cas avant le veuvage, la réversion met en œuvre in fine une mutualisation ex-post. Il semble cependant que les couples mariés mutualisent davantage leurs ressources que les autres (Ponthieux, 2012).
  • [14]
    Le calcul d’un niveau de vie s’effectue en utilisant une échelle d’équivalence pour tenir compte de la taille du ménage. L’échelle d’équivalence standard, dite OCDE « modifiée », attribue 0,5 unité de consommation à partir du deuxième adulte ou adolescent de 14 ans et 0,3 unité de consommation pour les enfants de moins de 14 ans du ménage. Si l’on considère le cas du veuvage, l’échelle d’équivalence habituellement retenue suppose que la personne veuve adapte la taille de son logement et donc déménage. Or, si le veuvage est lié à un taux de mobilité plus élevé, les déménagements restent néanmoins minoritaires (Bonnet et al., 2007). Bonnet et Hourriez (2008) recalculent une échelle d’équivalence adaptée à une personne veuve qui conserve son logement. Les auteurs estiment que le maintien du niveau de vie d’une personne veuve qui ne déménage pas se ferait à condition que ses revenus atteignent 72 % des revenus antérieurs du couple, et non 66 % si on utilise l’échelle standard.
  • [15]
    Si PS = 0, alors le taux de réversion est de 66 %. Si PS = 1/2PD, alors le taux de réversion est de 50 %, pour PS = PD, il est de 33 % et pour PS = 2PD, de 0 %.
  • [16]
    Voir annexe B pour plus de détails sur la constitution de l’échantillon à partir de Fidéli 2016.
  • [17]
    En 2016, parmi les décès d’individus mariés, 30 % concernent les femmes. Nous ignorons donc ici le fait que les veufs représentent environ 30 % des veuvages annuels et que la configuration des pensions des couples peut être différente de celle des couples dans lesquels l’homme décède en premier.
  • [18]
    Nous reportons en annexe C les résultats avec la moyenne des taux de réversion et signalons dans le texte quand il existe des différences notables entre les deux indicateurs.
  • [19]
    La moyenne des taux de réversion est un peu supérieure à la médiane dans le premier décile, égale à 61 % (annexe C). Il est probable qu’on ait dans le premier décile un certain nombre de pensions d’hommes assez faibles, conduisant à une pension de réversion rehaussée au minimum, augmentant ainsi le taux de réversion dans le régime des salariés du secteur privé.
  • [20]
    55,8 % = (60 %*30 % + 54 %*70 %).
  • [21]
    Avec une répartition régime général/régime complémentaire à 50/50, 57 % = (60 %*50 % + 54 %*50 %).
  • [22]
    Dans le dernier décile, les femmes ont une pension supérieure au plafond, elles ne bénéficient donc pas de la pension de réversion du régime général. Elles ne perçoivent que la pension de réversion du régime complémentaire égale à 60 % de la part de la pension du décédé représentée par le régime complémentaire (soit 0,6*30 % = 18 % ou 0,6*50 % = 30 %).
  • [23]
    Contre 6 % sur l’ensemble de la population étudiée.
  • [24]
    Dans ce dernier décile, les pensions des hommes et des femmes sont proches, le taux de réversion correspondant au maintien du niveau de vie est alors d’environ un tiers.
  • [25]
    La moyenne des taux de réversion est un peu supérieure à la médiane dans les deux derniers déciles, ainsi que dans le premier (annexe C).
  • [26]
    L’écart négatif entre le taux assurant le maintien du niveau de vie et le taux en vigueur dans le secteur privé est un peu plus marqué dans le premier décile quand on utilise l’indicateur de la moyenne des taux (annexe C).
  • [27]
    Cet écart est moins marqué quand on utilise l’indicateur de la moyenne des taux (annexe C). La moyenne des taux de réversion dans un dispositif assurant le maintien du niveau de vie serait supérieure de 13 points à la moyenne des taux de réversion actuels dans le secteur privé (en supposant une répartition équivalente entre le régime général et le régime complémentaire dans la pension du conjoint décédé).
  • [28]
    Au moment de la publication de l’article, un projet de loi (du 24 janvier 2020), instituant un système universel de retraite, propose de maintenir les pensions de réversion avec pour objectif le maintien du niveau de vie du conjoint survivant, suite au décès d’un des membres d’un couple marié. Pour cela, il est proposé de servir au conjoint survivant une pension d’un montant égal à 70 % de la somme des pensions du couple. Cette proposition est équivalente à notre scénario de pension maintenant le niveau de vie, avec un taux un peu supérieur (70 % au lieu de 66 % de la somme des pensions du couple dans l’article). On irait ainsi un peu au-delà du maintien du niveau de vie tel que défini dans l’article.
  • [29]
    Ces écarts sont liés aux différences de composition des niveaux de qualification des salariés de chacun de ces secteurs (Aubert et Plouhinec, 2017).
  • [30]
    Le partage des droits est, en réalité, un peu plus coûteux que l’absence de droits conjugaux pour le système, du fait du différentiel de longévité entre les femmes et les hommes. La différence de coût entre le système de partage des droits et un système totalement individualiste est 0,5 (DF-DH) (PH-PF) où PH et PF sont les pensions de droits propres de l’homme et de la femme, et DH et DF leurs durées de vie respectives à la retraite. Cette différence est positive si la femme vit plus longtemps que l’homme et si la pension de l’homme est supérieure à celle de la femme, ce qui est le cas le plus fréquent.
  • [31]
    Nous aurions pu envisager de considérer des scénarios de réformes dans lesquels les droits conjugaux à la retraite auraient été ouverts aux personnes pacsées. Cependant, la très faible proportion de couples pacsés dans notre champ d’analyse (47 milliers d’individus de plus de 65 ans et vivant en ménage d’une ou deux personnes sont pacsés contre 6 811 milliers de mariés) nous a conduits à ne pas présenter de résultats pour cette sous-population.
  • [32]
    Plus de 90 % des nouveaux retraités de 2016 ont liquidé leur pension avant 66 ans (Drees, 2018).
  • [33]
    0,1 % des observations sont jugées aberrantes et retirées du champ d’étude.

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