Couverture de RPVE_564

Article de revue

La crise de l’euro et les réformes de l’union monétaire

Pages 59 à 79

1 – Introduction

1La crise des dettes souveraines de la zone euro a mis en lumière des défauts de construction de l’union monétaire dont les conséquences ont été extrêmement coûteuses. Cet article commence d’abord par décrire les principales failles des mécanismes de l’union monétaire et leurs responsabilités dans la crise. On passe ainsi en revue tout ce qui a manqué à l’euro, comme le fédéralisme fiscal ou la solidarité budgétaire, la mise en commun de l’assurance des dépôts bancaires ou des fonds de résolution, un prêteur en dernier recours, une vraie coordination des politiques macroéconomiques, et comment il en a résulté que le processus d’ajustement a été très asymétrique. On explique ensuite comment ces défauts de construction de l’union monétaire ont conduit à une fragmentation financière de la zone euro. En ce qui concerne les projets de réforme de la zone euro, la divergence essentielle entre les approches de l’Allemagne et ses alliés traditionnels d’une part, de la France et certains pays d’autre part, est d’abord expliquée. Ensuite une série de propositions récentes sont commentées. La conclusion laisse entendre que les progrès vont être très limités, ce qui laisse planer des inquiétudes pour la performance économique de l’union monétaire.

2 – Les défauts de construction de la zone euro

2.1 – Des erreurs de construction ayant favorisé la crise de l’euro

2Les défauts de construction de la zone euro sont maintenant bien connus et ont été largement décrits, par exemple par Dor (2012a, 2014a). D’une part, ces défauts ont permis l’accumulation de déséquilibres macroéconomiques qui ont amplifié la crise en zone euro. D’autre part, ils ont rendu difficile la conduite de politiques nécessaires pour lutter contre les effets de la crise.

3Comme indiqué chez Dor (2013), une union monétaire fonctionne difficilement sans fédéralisme fiscal, un certain degré de mutualisation des dettes publiques, une autorité supranationale de coordination macroéconomique et la possibilité de discipliner les pays membres en les empêchant de mener des politiques trop hétérogènes. Tout cela a manqué, et manque toujours pour l’essentiel, à l’euro.

4Beaucoup d’économistes percevaient certains problèmes potentiels liés à l’union monétaire telle qu’on la préparait (voir par exemple Dor, 1997), mais d’autres failles sont clairement apparues ensuite à l’épreuve de la réalité et à la lumière de la crise. Il est utile de décrire succinctement, dans les sections qui suivent, les principales erreurs de construction de la zone euro.

2.2 – Une union monétaire dépourvue de fédéralisme fiscal

5L’absence totale de solidarité fiscale caractérise l’Union européenne et donc aussi l’union monétaire avec la fameuse clause d’absence de renflouement, ou article 125 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cela pose un problème majeur dans un contexte d’union monétaire.

6Avec l’union monétaire, les pays membres ont en effet perdu l’outil de la dévaluation compétitive par rapport aux monnaies des partenaires commerciaux européens, comme moyen de restaurer leur compétitivité en cas de dégradation structurelle de leur balance commerciale. La dévaluation permet de doper les exportations et décourager les importations, et sans cet outil le rééquilibrage est compliqué. C’est pour compenser cet inconvénient que les vrais États fédéraux comme les États-Unis, qui ont bien sûr une monnaie commune à toutes leurs composantes, ont des mécanismes de solidarité budgétaire qui permettent aux territoires affectés par des chocs asymétriques d’être supportés par les autres. Cependant, en zone euro, l’absence de fédéralisme fiscal contraint les pays membres à la compétitivité dégradée à se rééquilibrer par une diminution de leurs salaires nominaux et la compression de leur demande intérieure, ce qui est très douloureux pour le corps social. La déflation induite accroît par ailleurs le poids des dettes publiques et privées déjà accumulées, ce qui rend alors nécessaire un surcroît de compression des dépenses pour essayer de stabiliser l’endettement.

7C’est la réticence à toute solidarité budgétaire qui explique l’absence initiale d’union bancaire et, en dépit de certains progrès réalisés depuis la crise financière, la difficulté de la réaliser complètement. Certains pays comme l’Allemagne rechignent toujours à accepter la mise en commun de l’assurance des dépôts bancaires, ou le financement commun d’un filet de sécurité pour le fonds de résolution des banques.

2.3 – L’absence de prêteur en dernier recours

8Normalement, un pays est peu susceptible d’être en défaut sur la dette publique émise dans sa propre monnaie. En effet, au cas où les marchés sont réticents à prêter à ce pays de quoi rembourser des obligations qui arrivent à échéance, et ainsi assurer le roulement de la dette, la banque centrale nationale peut lui prêter l’argent nécessaire. Il est par contre très fréquent qu’un pays soit en défaut sur les obligations qu’il a émises en monnaie étrangère. Il est en effet impossible à la banque centrale nationale d’émettre de la monnaie étrangère et la prêter à son gouvernement.

9Bien sûr, il y a déjà eu des cas de défaut souverain sur de la dette émise en monnaie locale. Cependant, ces quelques défauts en monnaie locale sont concentrés sur des pays en développement avec des marchés financiers restreints et une inflation excessive. Dans ce cas, le financement monétaire de la dette risque d’entraîner une hyperinflation dont le coût peut sembler supérieur à celui d’un défaut souverain, pour les dirigeants concernés, comme expliqué par Fitch (2013). Cette analyse est également confirmée par Du et Schreger (2016) ou Amstad, Packer et Shek (2018). La probabilité d’un défaut sur une dette souveraine en monnaie étrangère est forte si les perspectives à long terme de l’activité économique sont décevantes, augmente avec la part de la dette extérieure qui est à court terme, et diminue avec l’investissement domestique, d’après Jeanneret et Souissi (2016). Ces facteurs sont sans effet sur la probabilité d’un défaut souverain en monnaie locale, qui est meilleure lorsque le recours du secteur privé au crédit bancaire est limité. Dans ce cas, en effet, le gouvernement craint moins l’effet d’une contraction de l’offre de crédit bancaire, causée par les pertes que les banques subissent en cas de défaut souverain, sur la croissance. Une hausse de l’inflation augmente davantage la probabilité d’un défaut souverain en monnaie locale qu’en monnaie étrangère.

10Encore une fois, pour un pays industrialisé avec des marchés financiers très développés et une faible inflation, un défaut souverain en monnaie locale est peu plausible, grâce à la possibilité d’un financement monétaire puisque la banque centrale joue le rôle de prêteur en dernier recours. C’est cet attribut de la souveraineté qui rend une dette publique émise en monnaie nationale réellement sans risque. Toutefois, en zone euro, le financement direct des gouvernements par la BCE ou les banques centrales nationales, sur le marché primaire, est interdit par l’article 21.1 des statuts du SEBC et de la BCE, reprenant l’article 123 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les achats d’obligations publiques par la BCE et les banques centrales nationales sur le marché secondaire sont bien sûr autorisés, car ils sont un instrument essentiel de politique monétaire, mais le règlement du Conseil (CE) 3603/93, du 13 décembre 1993, précisant les définitions nécessaires à l’application des interdictions énoncées à l’article 123 du traité, indique que les objectifs de l’article 123 ne peuvent être contournés par des achats sur le marché secondaire. Les achats sur le marché secondaire doivent donc être strictement subordonnés à des objectifs de politique monétaire, conformes au mandat de la BCE, et d’une ampleur restreinte en application du principe de proportionnalité aux buts poursuivis. Ce règlement du Conseil a d’ailleurs été utilisé par ceux qui ont porté plainte contre les OMT et puis contre le programme PSPP de l’assouplissement quantitatif, devant la Cour de Karlsruhe et la CJUE.

11Les pays de l’union monétaire émettent leur dette dans une monnaie, l’euro, dont la banque centrale est interdite de jouer le rôle de prêteur en dernier recours. De ce point de vue, tout se passe donc comme si l’euro était une monnaie étrangère pour tous les pays membres de l’union monétaire européenne. Un pays emprunteur de la zone euro se retrouve sans possibilité de garantir à ses prêteurs qu’il pourra toujours les rembourser lorsque leurs obligations arriveront à maturité, même si les marchés deviennent réticents à le financer, puisque la banque centrale ne pourrait lui prêter l’argent nécessaire. Les pays de l’union monétaire qui se sont endettés en euros, qui est leur propre monnaie, se trouvent dans la même situation que n’importe quelle nation qui emprunte dans une monnaie étrangère. Plutôt que d’être sans risque, la dette en euros des pays de l’union monétaire européenne est donc sujette à défaut potentiel. Cette dette est alors exposée à la spéculation, et les taux d’intérêt exigés par les marchés varient fortement d’un pays membre à l’autre. Cette erreur de construction de la zone euro a permis l’expansion de la crise des dettes souveraines. La restructuration de la dette grecque en euros en 2012 doit ainsi être considérée comme un défaut sur de la dette publique en monnaie étrangère plutôt qu’en monnaie locale.

12Évidemment, on sait bien que l’option du financement monétaire de la dette publique doit être utilisée avec une grande prudence pour éviter une expansion incontrôlée de la masse monétaire qui risquerait de provoquer de l’inflation excessive. Mais, en réalité, la simple existence de cette possibilité d’une monétisation de la dette publique suffit à persuader les marchés qu’un défaut souverain est impossible et à empêcher la spéculation à ce sujet, ce qui permet de garder les taux d’intérêt exigés par les marchés à des niveaux normaux. La simple possibilité d’un financement monétaire suffit à stabiliser le marché des obligations souveraines, sans qu’il soit nécessaire d’activer réellement cette monétisation de la dette publique. Par ailleurs, l’expérience des programmes d’assouplissement quantitatif appliqués récemment par plusieurs banques centrales dont la Fed et la BCE ont montré que des achats massifs d’obligations publiques sont possibles sans induire de l’inflation mesurée conventionnellement par la croissance des prix des biens et services. Si ces politiques ont poussé certains prix à la hausse, ce sont plutôt les prix de certains actifs financiers. Il faut remarquer qu’il y a d’ailleurs une réflexion sur l’opportunité qu’il y aurait à ce que les banques centrales ajoutent à leur objectif de stabilité des prix à la consommation, celle des prix des actifs financiers, comme chez Dor et Durré (2002).

13Le président de la BCE n’a pu sauver la zone euro, en 2012, qu’en proclamant que, quoi qu’en disent le traité et les autorités de certains pays comme l’Allemagne, l’Eurosystème était prêt à acheter, de manière sélective et en quantités illimitées, les obligations publiques de pays en détresse de l’union monétaire européenne, moyennant la négociation par ceux-ci d’un programme d’assistance du MES avec une forte conditionnalité. C’était la décision du principe des OMT, obtenue à la majorité sans l’approbation du représentant de la Bundesbank au conseil des gouverneurs de la BCE. La BCE a donc été contrainte de reconnaître implicitement que l’absence de prêteur en dernier recours était effectivement une erreur de construction de la zone euro, et qu’il fallait qu’elle assume ce rôle d’une manière ou d’une autre pour assurer la pérennité de l’union monétaire. Bien sûr, officiellement, les OMT ont été présentées comme un instrument ayant pour objectif de restaurer le mécanisme de transmission de la politique monétaire, plutôt que d’aider au financement des gouvernements surendettés. L’argument officiel était que des craintes infondées d’un abandon de l’euro par certains pays, comme l’Italie ou l’Espagne, causaient une forte augmentation injustifiée des taux longs exigés par les marchés sur leurs dettes publiques. Dès lors, même quand la BCE diminuait ses taux d’intervention, les taux longs continuaient à monter dans ces pays, ce qui compromettait la transmission normale de la politique monétaire. La BCE expliquait donc qu’elle pouvait être obligée d’intervenir pour provoquer directement une diminution des taux longs de ces pays. Mais l’enjeu réel de ce nouvel instrument potentiel était d’assurer la possibilité d’un financement monétaire implicite pour restaurer le caractère sans risque des dettes souveraines des pays de la zone euro.

14Une réforme de la zone euro, qui exigerait une révision des traités, serait nécessaire pour que la BCE puisse jouer réellement le rôle de prêteur en dernier recours. Cette hypothèse a cependant une probabilité très faible, car des pays comme l’Allemagne continuent à craindre excessivement un impact inflationniste, mais surtout considèrent que cela encouragerait les pays surendettés à poursuivre leur politique dispendieuse.

2.4 – Une coordination très insuffisante des politiques macroéconomiques

15Sans mécanismes automatiques de solidarité entre les pays membres, et sans possibilité de financement monétaire des gouvernements, il était impératif, pour que l’euro puisse fonctionner harmonieusement, que chaque pays membre maîtrise son endettement public. Le pacte de stabilité et de croissance de 1997 représentait une reconnaissance de cette nécessité, mais il manquait initialement de procédures contraignantes. En 2003 et 2005, lorsque les déficits publics de la France et l’Allemagne ont dépassé la limite autorisée, leurs gouvernements ont toutefois décidé de s’autoriser à enfreindre le pacte de stabilité sans conséquences. Il est donc assez logique que d’autres pays se soient ensuite cru permis de procéder de la même manière.

16Mais de toute manière, ce pacte n’abordait qu’une petite partie des problèmes que pose l’hétérogénéité internationale des trajectoires macroéconomiques dans un contexte de monnaie unique. Même s’il avait été respecté par tous, comment aurait-il pu éviter la crise financière ? La logique du pacte de stabilité et de croissance suppose naïvement que la maîtrise du déficit public et de la dette publique suffit à assurer un fonctionnement harmonieux de la zone euro. Les exigences du pacte sont limitées au contrôle des finances publiques et ignorent les déséquilibres de balance courante, les divergences de coûts salariaux unitaires et indicateurs alternatifs de compétitivité, l’endettement privé excessif ou les bulles financières. Or tous ces phénomènes sont tout aussi potentiellement perturbateurs que les dérives budgétaires des gouvernements, comme expliqué par Dor (2013).

2.5 – Une répartition asymétrique des ajustements pour résorber les déséquilibres

17L’idée d’une vraie coordination des politiques macroéconomiques ayant été écartée, tout le poids de l’ajustement pèse sur les pays en déficit de balance budgétaire publique ou de balance extérieure courante. Il est évident que la perte de compétitivité des pays de la périphérie de la zone euro, qui avait induit un gros déficit de balance commerciale, impliquait nécessairement qu’ils maîtrisent ensuite les salaires pour rééquilibrer leurs comptes extérieurs. Mais l’effort eût été moins important si, de leur côté, les pays en surplus de balance commerciale, comme l’Allemagne, avaient consenti à augmenter fortement leurs propres salaires. D’une part, cela aurait permis à la compétitivité coût des pays périphériques de se redresser avec une moindre déflation salariale. D’autre part, l’augmentation des revenus des ménages des pays stimulant leurs salaires à la hausse aurait dopé leurs importations, et donc les exportations des pays de la périphérie, ce qui aurait rééquilibré les balances extérieures. Au contraire, tout le poids a porté sur les pays en déficit de balance commerciale, qui n’ont pu rééquilibrer leurs comptes extérieurs qu’au prix d’une récession profonde. De la même manière, il était évident que les pays ayant d’énormes déficits et dettes publics ont peu de marges de manœuvre pour conduire une politique budgétaire expansionniste. Mais si les pays peu endettés et en surplus budgétaire comme l’Allemagne avaient accepté de mener une politique fiscale expansionniste et une stimulation des salaires, cela aurait réduit l’ampleur de l’austérité que les pays en détresse devaient consentir.

18L’opinion répandue en Allemagne est qu’il aurait suffi que tous les pays de la zone euro respectent les règles budgétaires européennes et maîtrisent la croissance de leurs coûts salariaux par unité produite pour que le surendettement public soit évité partout et que toutes les balances courantes soient équilibrées. Les critiques de cette idéologie expliquent que la prétention qu’elle doive être appliquée par tous les pays de la zone euro et puisse générer leur prospérité collective est incohérente. Si l’Allemagne a pu profiter de l’euro, c’est parce que les autres pays de la zone ont mené une autre politique et laissé filer leur déficit. Si chaque pays de l’union monétaire avait comprimé la demande intérieure domestique comme l’Allemagne, celle-ci n’aurait pu exporter fortement qu’en dehors de la zone euro. Le modèle n’est efficace pour l’Allemagne que parce que les autres pays de la zone euro se comportent autrement.

19La prétention que tous les pays de la zone mènent une politique « allemande » de compression du revenu disponible des ménages et de surplus budgétaire est donc inappropriée. Cette politique serait même contre-productive. On a déjà observé comment la simultanéité des politiques d’austérité budgétaire par les pays de l’union monétaire a induit une nouvelle récession en 2012 en zone euro, contrairement au Royaume-Uni ou aux États-Unis, peu après celle qui avait résulté de la crise financière des subprimes en 2009.

20L’approche allemande veut rendre obligatoires des règles budgétaires strictes pour éviter que la politique monétaire soit sujette à une dominance fiscale. Cette approche néglige la possibilité d’équilibres multiples. Des règles communes trop rigides peuvent pousser un pays sur une trajectoire sous optimale de croissance atone et d’instabilité financière. Au début de la crise des dettes souveraines, certains pays comme l’Espagne ont subi une crise de liquidité à cause de la méfiance des investisseurs internationaux. Les taux d’intérêt que l’Espagne payait pour refinancer la dette publique, donc en assurer le roulement, ont fortement augmenté. Comme toute fourniture de liquidité par la BCE au gouvernement espagnol était interdite, le pays a été obligé de mener une politique d’austérité budgétaire pour compenser la hausse des charges d’intérêt et essayer de rassurer les marchés. L’austérité a réduit le produit intérieur brut et a dégradé davantage les ratios de déficits et dettes. L’Espagne a alors été obligée de renforcer encore la politique d’austérité, pour se conformer aux exigences européennes. La politique fiscale a ainsi été pro-cyclique, inscrivant le pays sur une trajectoire d’équilibre déflationniste.

21L’asymétrie des ajustements a été la source de critiques politiques assez acerbes envers l’euro. Alors qu’abandonner l’euro et retourner à une monnaie nationale est un exercice extrêmement difficile d’un point de vue légal et pratique, comme l’a montré Dor (2011), ce thème est maintenant l’objet de débats politiques dans plusieurs pays de l’union monétaire. Le désarroi est en effet assez grand dans un contexte où plusieurs facteurs pèsent sur la croissance et ont des conséquences déflationnistes (voir Dor, 2016, par exemple). On a vu se multiplier également des propositions de monnaies parallèles pour échapper à certaines contraintes de l’euro, comme expliqué par Dor (2017). La correction des défauts structurels de l’union monétaire est donc nécessaire pour améliorer le potentiel de croissance de la zone euro, mais aussi pour en assurer la pérennité.

3 – La fragmentation financière de la zone euro

3.1 – Une fragmentation financière manifeste

22Les erreurs de construction de la zone euro ont favorisé une fragmentation financière progressive de la zone euro. Cette fragmentation financière se manifeste maintenant de plusieurs manières. La courbe des taux d’intérêt est très différente entre les pays membres de la zone euro, avec des taux longs dans les pays de la périphérie qui sont bien supérieurs à ceux des pays du centre. Les capitaux du centre sont devenus réticents à financer les pays de la périphérie. À l’inverse, les capitaux de la périphérie sont attirés par le moindre risque des pays du centre. Les comptes TARGET2 montrent ainsi des déséquilibres croissants avec d’énormes créances nettes pour le centre et des dettes nettes pour la périphérie. Les banques du centre regorgent de liquidité et sont les principaux payeurs du taux négatif sur leurs réserves excédentaires à l’Eurosystème. À l’opposé, les banques de la périphérie sont les principales bénéficiaires des opportunités de refinancement auprès de l’Eurosystème à taux de refinancement nuls, voire même négatifs pour les TLTRO. La politique monétaire volontariste de la BCE, dont la mécanique est expliquée par Dor (2014c), a au moins permis de réduire très fortement les différences entre les taux auxquels les entreprises et les ménages peuvent emprunter aux banques dans les pays de la périphérie et dans ceux du centre. Mais les autres aspects de la fragmentation de la zone euro persistent.

3.2 – De la convergence à la divergence des taux d’intérêt

23La suppression du risque de change entre pays de la zone euro a incité les banques et investisseurs du centre de la zone euro à prêter abondamment aux débiteurs publics et privés des pays de la périphérie, à des taux avantageux. Il semble que les investisseurs internationaux étaient peu informés du cadre légal de la zone euro et aient cru à quelque engagement implicite des pays membres à être solidaires en cas de difficultés de certains d’entre eux à servir leur dette. Les écarts entre les taux d’intérêt exigés des pays de la périphérie et ceux payés par l’Allemagne se sont beaucoup trop réduits. Les primes de risque exigées sur les prêts aux pays de la périphérie ont été anormalement réduites au vu des fondamentaux dégradés.

24Au cours des années qui ont précédé le lancement de l’euro, et de celles qui l’ont suivi jusqu’à la crise, les taux sur les obligations publiques des différents pays membres de l’union monétaire ont fortement convergé. Les marchés semblaient considérer que les risques sur les différentes dettes nationales étaient identiques, et donc croyaient à une espèce de partage implicite des risques entre ces pays. Cette perception était encouragée par les régulateurs européens des banques, fonds communs de placement et assurances, qui ne mettaient aucun coefficient de risque aux expositions souveraines sur les pays de la zone euro. Le rapprochement des taux a aussi été favorisé mécaniquement par les stratégies d’arbitrages des traders qui pariaient explicitement sur leur convergence.

25Il est évident que sans ces opportunités abondantes de financement à bon marché, les débiteurs de la périphérie de la zone euro se seraient moins endettés. Une discipline de marché, qui aurait augmenté les taux à la mesure de la montée des risques, aurait évité le surendettement. C’est ce genre de considérations qui induisent d’aucuns à affirmer que les banques allemandes et françaises, ainsi que leurs régulateurs peu vigilants, partagent avec le gouvernement grec la responsabilité de l’endettement excessif de la Grèce, et qu’il aurait fallu donc leur laisser d’emblée subir de lourdes pertes, dès 2010, plutôt que de leur permettre de se désengager sans trop de dommage en mettant les citoyens européens à contribution. Les premiers prêts internationaux à la Grèce, ceux du programme initial de 2010, ont en effet permis à celle-ci de continuer à assurer le service de ses dettes, dont celles détenues par les banques des autres pays de la zone euro, le temps que celles-ci puissent s’en désengager. Plutôt que de devoir recapitaliser leurs propres banques suite aux pertes qu’elles auraient subies en cas de défaut de la Grèce, les gouvernements allemands et français ont préféré que les pays de la zone euro prêtent à la Grèce de quoi servir ses dettes. En 2012, lorsque l’on se résigna à accepter une restructuration des obligations grecques détenues par le secteur privé, les banques des autres pays européens avaient eu le temps de diminuer très fortement leur exposition.

26Durant les premières années qui ont suivi le lancement de l’euro, celui-ci semblait organiser une espèce de compromis entre des pays aux intérêts divergents. L’Allemagne a bénéficié d’une monnaie sous-évaluée pour elle mais surévaluée pour des pays comme l’Italie, ce qui lui donnait un avantage comparatif sur ceux-ci. Des pays comme l’Italie ont bénéficié d’un alignement des taux de leurs dettes publiques sur ceux de la dette de l’Allemagne, ce qui réduisait le coût de leur dette publique. Jusqu’à la crise financière des subprimes, les banques allemandes ont également massivement prêté aux pays périphériques de la zone euro pour financer leurs importations en provenance d’Allemagne. De manière générale dans la zone euro, les capitaux des pays en surplus irriguaient aisément les pays en déficit.

27La décision très contestée prise au sommet de Deauville en 2010, d’après laquelle les créanciers privés des pays en détresse seraient mis à contribution pour limiter la mobilisation d’argent public pour les sauvetages, a complètement changé la donne. Le principe d’infliger des pertes aux créanciers privés de pays en détresse, membres de l’union monétaire, avant tout sauvetage par les autres, a changé la perception du marché. Les investisseurs internationaux ont alors pris conscience de l’absence de versements réciproques par solidarité, chaque pays devant veiller à sa solvabilité sur base de ses propres ressources. Le principe de la ségrégation des risques plutôt que du partage des risques était ainsi officiellement proclamé. Les pays du centre voulaient se protéger des risques d’insolvabilité des pays de la périphérie, sans tenir compte de leur responsabilité dans les problèmes de ceux-ci.

28Les marchés ont alors parié sur la divergence des taux, en prenant des positions courtes sur les obligations émises par les pays de la périphérie, et des positions longues sur celles émises par les pays du centre. Les banques des pays du centre, essentiellement allemandes et françaises, ont réduit leur exposition aux dettes des pays de la périphérie. Ce sont les banques de ceux-ci qui les ont reprises en partie. Il a commencé également à y avoir une discrimination de collatéral sur le marché interbancaire.

29L’écart entre les taux sur les dettes publiques des pays de la périphérie et ceux sur la dette publique allemande a induit également une différence entre les taux du crédit bancaire aux entreprises des pays de la périphérie et ceux dont bénéficient les entreprises allemandes. Les exportateurs des pays de la périphérie ont dû répercuter ces coûts de financement supérieurs sur leurs prix de vente. La compétitivité des entreprises de la périphérie en a encore été dégradée. Cette augmentation du coût du capital a déprimé l’investissement dans la périphérie. Le taux de défaut des entreprises a fortement augmenté, surtout en Italie. En conséquence, un risque de rationnement du crédit par les banques a émergé. Les prêts LTRO massifs de l’Eurosystème, en décembre 2011 et février 2012, pour un millier de milliards d’euros, ont surtout permis aux banques de la périphérie de la zone euro d’acheter massivement des obligations publiques de leur propre pays, et de remplacer le crédit aux entreprises locales qui avait été consenti auparavant par des banques du centre de la zone, qui se désengageaient. Les LTRO ont ainsi facilité la fragmentation financière de la zone euro. Les écarts de taux sur les obligations souveraines des pays de la zone euro ont été supérieurs à ce qu’auraient justifié les simples écarts de taux d’endettement et de déficit.

3.3 – Une régulation bancaire incohérente

30Si les banques de la zone euro, indépendamment de leur nationalité, avaient détenu un ensemble diversifié d’obligations souveraines des différents pays membres, plutôt que de privilégier celles de leur propre nation, le risque de défaut d’un de ces pays aurait été sans effet sur leur stabilité. Les régulateurs auraient dû rendre cette diversification obligatoire dès le départ, quand tout allait bien. Après le début de la crise, il était difficile d’obliger les banques à changer brusquement la composition de leur stock d’obligations souveraines pour le diversifier. Les banques de la périphérie auraient été obligées de vendre la plupart de leurs obligations émises par leur pays, à un prix très décoté, pour acheter des obligations émises par les pays du centre. Elles auraient subi de lourdes pertes alors qu’elles étaient déjà fragilisées.

31Une autre incohérence de régulation est d’avoir incité les banques à acheter de la dette souveraine sans être obligées de couvrir ces positions par du capital, alors que l’union monétaire a été organisée de manière à rendre un défaut souverain possible. Les exigences de capital sont formulées en pourcentage des actifs pondérés par des coefficients de risque. L’absence de coefficient de risque sur les obligations publiques est absurde dans une union monétaire où la possibilité d’un défaut souverain a été délibérément organisée par l’interdiction du financement monétaire et de la mise en commun des dettes. Puisque les décideurs politiques qui ont bâti l’union monétaire ont voulu responsabiliser les gouvernements par une soumission à la discipline du marché, sans financement monétaire ou solidarité budgétaire, il fallait en tirer les conséquences logiques sur le plan de la régulation des banques

3.4 – L’emballement des créances et dettes TARGET2

32La tendance des flux financiers à fuir les pays de la périphérie et converger vers les pays du centre a provoqué une envolée des créances des banques centrales nationales des pays en surplus, comme l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas ou la Finlande envers le reste de l’Eurosystème. Les dettes des banques centrales nationales des pays de la périphérie envers celui-ci ont augmenté en contrepartie. Les mécanismes de ces comptes TARGET2 ont été expliqués par Dor (2011a, 2012b). Les causes de l’accélération récente de ces déséquilibres ont été commentées par Dor (2016a). En Allemagne, l’envolée des créances TARGET2 de la Bundesbank sur le reste de l’Eurosystème, qui frisent 1000 milliards d’euros, inquiète beaucoup d’experts et de milieux politiques. La crainte est qu’en cas d’abandon de l’euro par certains pays débiteurs, ceux-ci soient en défaut sur leurs dettes TARGET2. Les pertes de la BCE seraient alors répercutées sur les banques centrales nationales, dont la Bundesbank, qui aurait alors à être recapitalisée par le gouvernement, aux frais des citoyens. Cette lecture des risques liés aux dettes TARGET2 est contestée et sujette à débat. En tout état de cause, les créances et dettes TARGET2 reflètent la fragmentation financière de la zone euro, et des déséquilibres énormes de balance extérieure.

33Il est utile d’indiquer qu’avant le lancement de l’euro, les experts compétents étaient pertinemment conscients de ce que la monnaie unique allait impliquer un financement implicite des pays du sud de l’union monétaire par ceux du nord. Membre du directoire de la Bundesbank, Otmar Issing (1996), avant de rejoindre celui de la BCE, avait ainsi bien averti que l’union monétaire allait impliquer des prêts de cash entre les pays membres et que cela induirait des tensions politiques. Au cours des années récentes, l’accumulation d’une énorme créance de la Bundesbank sur le reste de l’Eurosystème, liée au système de paiement TARGET2, à laquelle correspondent des dettes des banques centrales des pays de la périphérie comme l’Italie et l’Espagne, a été l’objet d’une forte préoccupation en Allemagne. Ce phénomène prévisible avait été identifié très tôt, bien avant le lancement de l’euro, par exemple par Garber (1999), qui craignait même que cela se matérialise tout de suite et puisse compromettre la poursuite du projet d’union monétaire au cours de la phase précédant l’introduction des pièces et billets en euros.

4 – Les projets de réforme de la zone euro

4.1 – Une divergence sur la nature des réformes à réaliser

34Tout le monde s’accorde pour admettre que la zone euro doit être réformée. Le problème, c’est qu’il y a des divergences profondes entre pays sur la nature des réformes à réaliser, comme expliqué par Dor (2018).

35Certains pays prônent le fédéralisme fiscal et des mécanismes additionnels de partage des risques entre les États membres et de stabilisation. D’autres pensent au contraire que de tels mécanismes seraient contre-productifs car les problèmes de la zone euro viendraient essentiellement de politiques nationales inadéquates qui s’en trouveraient encore encouragées. Ces pays sont plutôt en faveur d’un renforcement du caractère contraignant du pacte de stabilité et de la soumission à la discipline des marchés.

4.2 – Les divergences entre les positions de l’Allemagne et de la France

36L’équipe politique au gouvernement de l’Allemagne, avant et après les élections législatives récentes, a toujours insisté sur le danger du hasard moral, qui résulterait automatiquement de mécanismes automatiques inconditionnels de solidarité budgétaire. L’Allemagne estime que toute forme de solidarité doit donc aller de pair avec un contrôle strict des finances publiques de chaque pays par les autres. L’Allemagne défend ainsi la continuité du principe de la solution intergouvernementale du MES, qui offre de la solidarité sous forme de prêts, en échange de l’assainissement des finances publiques du pays bénéficiaire.

37L’Allemagne propose d’élargir le rôle du MES qui serait chargé de la prévention des crises, à la manière d’un Fonds monétaire européen. Le MES serait ainsi chargé d’identifier très tôt les risques de crise chez les différents pays membres de la zone euro, et de leur formuler des recommandations de politiques correctrices pour éviter que les problèmes se matérialisent. L’Allemagne propose également de confier au MES la gestion du pacte de stabilité et de croissance, et donc le contrôle de la conformité des politiques budgétaires des pays membres avec les normes du fiscal compact. La neutralité de ce contrôle serait ainsi améliorée. L’Allemagne reproche en effet à la CE une gestion trop politique de ce contrôle et d’être trop laxiste avec certains pays. Le traité du MES et celui du TSCG sur la stabilité, la coordination et la gouvernance seraient amendés en ce sens.

38L’Allemagne propose également d’instaurer des mécanismes qui assureraient automatiquement un partage du poids du sauvetage d’un pays membre en détresse entre les créanciers privés et le MES. Concrètement, avant tout octroi de prêts du MES, les maturités des obligations émises précédemment par le pays en détresse seraient automatiquement allongées et la dette de ce pays serait restructurée en cas de nécessité pour retrouver la soutenabilité.

39Pour l’Allemagne, les risques au bilan des banques de la zone euro doivent encore être réduits avant d’accepter que le MES puisse être chargé de financer le fonds de résolution unique en cas de besoin. Et si le MES devait être chargé de cette fonction, il faudrait supprimer la possibilité légale qui lui a été confiée de recapitaliser directement des banques.

40La solidarité budgétaire comme la mise en commun des dettes aurait pour résultat que les pays différeraient indéfiniment les réformes nécessaires, d’après l’Allemagne. Il y a lieu au contraire de mobiliser le budget européen pour les inciter à réaliser les réformes. Les contributions des différents pays pourraient ainsi être fonction de leurs efforts de réformes, de même que leur accès aux fonds de cohésion.

41La France et les pays latins en général soutiennent au contraire qu’un minimum de fédéralisme budgétaire et de partage des risques doit absolument être instauré pour permettre à la zone euro de fonctionner. Ces pays insistent ainsi sur l’urgence de décider d’un budget de la zone euro d’après lequel des dépenses communes seraient financées par des ressources fiscales collectives prélevées sur l’ensemble des pays participants. La mise en commun de l’assurance des dépôts bancaires et un filet de sécurité financé collectivement pour le fonds de résolution des banques sont également prônés.

4.3 – Les « eurobonds » et des actifs sans risque fabriqués par ingénierie financière

42Le meilleur moyen d’harmoniser la courbe des taux d’intérêt pour tous les pays membres de la zone euro serait de partager complètement les risques par la mise en commun des budgets nationaux et de leur financement. L’émission commune et solidaire des obligations souveraines est l’objet de diverses propositions. Une agence commune émettrait des obligations européennes pour le compte des différents gouvernements de la zone euro. Plutôt que d’émettre ses propres obligations, le gouvernement de chaque pays demanderait à l’agence européenne d’émettre des obligations communes, eurobonds, et de lui en donner le produit. Chaque pays serait normalement tenu de verser à l’agence de quoi assurer le service des eurobonds qui ont été émis pour son compte. Mais en cas de problème de certains pays, les autres pays seraient tenus de verser à leur place ce qu’ils auraient dû payer. De cette manière, les créanciers acheteurs d’eurobonds auraient toujours la garantie d’être payés, même en cas de défaut d’un des pays membres. Les eurobonds seraient un mécanisme de solidarité budgétaire inconditionnelle. En raison de l’hostilité de l’Allemagne et de plusieurs autres pays à toute solidarité budgétaire, aucun compromis n’a pu être obtenu jusqu’à présent à ce sujet.

43Une proposition intéressante émane de Minenna (2016) pour vaincre les réticences de l’Allemagne qui craint que les citoyens allemands soient obligés de payer pour les pays dispendieux. Le MES serait chargé de mettre progressivement en commun les dettes publiques par un mécanisme innovant. Pour cela le MES garantirait les dettes des pays à risque en échange de primes payées par ceux-ci à une valeur de marché. Ces primes empêcheraient le hasard moral. Les ressources de ces primes permettraient au MES d’avoir un levier pour emprunter de quoi financer des investissements dans les pays moins prospères de la zone euro. Les marchés exigeraient les mêmes taux sur les obligations publiques de tous les pays de la zone euro, puisqu’elles seraient toutes garanties par le MES. Par contre, le coût de l’endettement serait différent d’un pays à l’autre, car en surplus du taux d’intérêt identique, ils paieraient des primes différentes au MES. Les pays de la zone euro seraient donc incités à maîtriser leurs déficits pour minimiser leur risque d’insolvabilité et donc les primes à payer au MES.

44Il y a un grand consensus pour admettre que les banques et autres organismes financiers ont besoin d’actifs sans risque. Or peu d’obligations souveraines de la zone euro le sont réellement, dans un contexte d’absence de prêteur en dernier recours et de solidarité budgétaire entre pays. Les régulateurs continuent à entretenir la fiction que les obligations souveraines des pays de la zone euro seraient sans risque, justifiant l’absence de coefficient de risque associé à leur détention par les banques, pour le calcul de leurs actifs pondérés par les risques qui déterminent leur besoin en fonds propres. Mais personne n’est dupe, comme le montre la corrélation entre la défiance des marchés envers les dettes publiques et celle envers les banques des pays concernés.

45En l’absence de compromis politique sur l’émission conjointe d’eurobonds, qui supposerait une solidarité budgétaire et du fédéralisme fiscal, des propositions émergent pour fabriquer artificiellement des actifs sans risque par ingénierie financière. Les propositions concernent l’émission de SBBS ou « sovereign bonds backed securities », et ont été évaluées par l’European Systemic Risk Board (2018). Ce sont des actifs adossés à des obligations souveraines. Le principe est qu’un véhicule spécial achète des obligations publiques de tous les pays de la zone euro, avec de l’argent qu’il emprunte par émission de ses propres titres. Ces titres émis par le véhicule spécial sont ainsi des actifs adossés à des obligations souveraines. Sur ces obligations, les gestionnaires du véhicule spécial reçoivent normalement, des gouvernements débiteurs, les intérêts et les remboursements à l’échéance, comme n’importe quel détenteur. Ces ressources permettent aux gestionnaires du véhicule spécial de payer eux-mêmes ce qu’ils doivent, en intérêts ou en principal, aux investisseurs qui ont acheté les SBBS qu’ils ont émises. Pour que les investisseurs en SBBS reçoivent leur dû, il est nécessaire que les différents gouvernements de la zone euro payent eux-mêmes ce qu’ils doivent sur leurs obligations que le véhicule spécial a acquises. C’est ainsi que les investisseurs en SBSS sont indirectement exposés au risque des dettes souveraines des différents pays de la zone euro. Pour mitiger ce risque, le véhicule spécial émet au moins deux espèces de titres SBBS, une tranche junior et une tranche senior. Tout ce qui est reçu sur les obligations souveraines détenues par le véhicule spécial est utilisé en priorité pour payer le service des titres de la tranche senior. Ce n’est que s’il reste encore quelque chose que les paiements sur les titres de la tranche junior ont lieu. En cas de défaut d’un pays, les pertes subies par le véhicule spécial sont donc d’abord subies par la tranche junior. Les détenteurs de titres de la tranche senior peuvent même être totalement à l’abri si la tranche junior est suffisamment grande. C’est ce qui se passe si la part des obligations du pays en défaut dans le stock total d’obligations détenues par le véhicule spécial est inférieure à la part des titres juniors dans le total des titres SBSS émis par ce fonds. Les titres de la tranche senior des SBBS peuvent ainsi recevoir une excellente notation car ils sont peu risqués, alors que les titres de la tranche junior sont spéculatifs. Ce véhicule spécial doit évidemment être mis sur pied pour la cause. Cela peut être une société privée ou publique.

46Récemment, ce principe a été à la base d’une proposition d’établir un véhicule spécial qui achèterait des obligations souveraines des pays de la zone euro et se financerait par émission de titres SBBS dont la tranche junior représenterait 30 % de l’encours et la tranche senior 70 %. L’objectif est que les titres de la tranche senior soient si peu risqués qu’ils soient notés AAA et soient ainsi qualifiés de « European safe bonds », ESB. Le véhicule spécial pourrait être le MES. Les banques seraient incitées à remplacer leur détention d’obligations souveraines domestiques par des ESB ainsi fabriqués. De cette manière, les banques d’un pays surendetté seraient à l’abri des conséquences d’un défaut souverain de leur gouvernement.

47Toutefois, l’agence Standard and Poors (2017) a ensuite indiqué la méthode utilisée pour apprécier de tels instruments et expliqué que même la tranche senior ESB ne bénéficierait que d’une note BBB-, bien loin de la qualification AAA espérée. Le problème résulte de la forte corrélation entre les rendements des obligations des pays de la périphérie de la zone euro en période de crise. Or, spécialement avec l’Italie et l’Espagne, ces pays pèseraient lourd dans le stock d’actifs sous-jacents. La situation serait très différente de celle d’un CDO classique basée sur un stock d’actifs très diversifié avec des corrélations très réduites. L’agence a également indiqué que comme une grande partie des obligations publiques AAA seraient achetées par le véhicule qui les titriserait et seraient ainsi mobilisées comme sous-jacentes aux ESB, la quantité d’actifs AAA susceptible d’être échangée sur le marché diminuerait. Il n’y a déjà que peu d’obligations émises par des pays de la zone euro qui sont notées AAA. Ce sont simplement celles de l’Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas. Les SBBS, ici sous la forme des EBSB, seraient ainsi contre-productifs car ils auraient l’implication inverse à celle recherchée.

48Peut-on espérer assez d’investisseurs acheteurs de la tranche senior ESB et de la tranche junior EJB pour en assurer un marché liquide ? Rien n’indique que les banques remplaceraient une partie des obligations souveraines domestiques qu’elles détiennent par de tels instruments. En effet, elles ont déjà toujours eu la possibilité de diversifier leur détention d’obligations publiques, et on observe qu’elles ont préféré privilégier celles émises par leur propre pays. Normalement, les promoteurs des ESB espèrent que les banques de la zone euro achèteraient des titres de la tranche senior des ESB, et vendraient les obligations souveraines de leur pays qu’elles détiennent jusqu’à présent. Ce remplacement des obligations publiques nationales par les ESB les rendrait beaucoup moins exposées au risque souverain. Toutefois, vu leurs coûts de financement élevés, à part sur les prêts de l’Eurosytème, les banques des pays de la périphérie ont besoin de placements rémunérateurs. Le rendement de la tranche senior pourrait être insuffisant, ce qui inciterait à acheter des titres de la tranche junior, augmentant ainsi encore leur exposition au risque souverain. Ce seraient alors les banques du centre qui achèteraient les titres de la tranche senior.

49Les taux d’endettement en pourcentage du PIB diffèrent fortement entre pays. Si le véhicule spécial achète des obligations publiques des différents pays en proportion de leur PIB, il acquiert presque toutes les obligations des pays peu endettés, et seulement une partie réduite des obligations des pays très endettés. Le marché de la dette résiduelle serait donc très différent d’un pays à l’autre, avec une offre très abondante pour les pays très endettés alors que la demande diminuerait puisque les banques préféreraient acheter des titres ESB. Les écarts de taux entre pays risqueraient bien d’augmenter au lieu de diminuer.

50L’idée même de se fier à une capacité supposée du marché à discipliner les emprunteurs est scientifiquement loufoque. On dispose en effet de multiples preuves du contraire, comme l’indiquent par exemple de Grauwe et Li (2013, 2018). En période d’expansion, les investisseurs sur les marchés, qu’ils soient des ménages épargnants, des managers de banques, des gestionnaires de fonds collectifs… sont souvent euphoriques et sous-estiment les risques. Les agences de notation, au cours d’une telle période de hausse de prix des actifs financiers, participent à la même tendance et distribuent trop généreusement les notes de qualité. Les investisseurs sont ainsi prêts à trop prêter, à acheter trop d’actifs de dettes, à des taux trop bas. Les emprunteurs sont ainsi autorisés à s’endetter excessivement. C’est ce qui fut observé après le lancement de l’euro avant la crise financière, quand les pays de la périphérie pouvaient s’endetter excessivement à des taux qui étaient trop proches de ceux exigés d’un pays sûr comme l’Allemagne. En période de retournement à la baisse des marchés, les investisseurs paniquent et surestiment les risques. Même des emprunteurs au risque maîtrisé éprouvent alors des difficultés à trouver des prêteurs et doivent en conséquence comprimer excessivement leurs dépenses. C’est ce qui fut observé lors de la crise des dettes souveraines de la zone euro, pendant laquelle plusieurs pays ont été contraints à une austérité excessive qui a aggravé la situation. Comme l’indiquent de Grauwe et Li (2018), les marchés ont trop peu de discipline pendant les expansions, et démultiplient celles-ci, alors qu’ils appliquent une discipline excessive pendant les récessions, ce qui les aggrave.

4.4 – Une tentative de conciliation méritoire mais trop asymétrique

51Récemment, plusieurs experts français et allemands (Bénassy-Quéré et al., 2018) ont proposé des mesures censées réconcilier les priorités différentes de leurs pays, un meilleur partage des risques d’une part et le renforcement de la discipline de marché d’autre part.

52Les auteurs sont au moins d’accord pour partager certains constats critiques à propos du fonctionnement de la zone euro. Les expositions réciproques des banques et des États à leurs risques les fragilisent. La forme incomplète de l’union bancaire et la fragmentation du marché des capitaux empêchent un meilleur partage des risques par des mécanismes de marché, puisque les capitaux du centre hésitent à financer la périphérie. Les règles du pacte de stabilité et de croissance, en ce qui concerne les contrôles des déficits publics et de la dette publique, sont opaques, contestées et encore trop pro-cycliques, puisqu’une dégradation du solde budgétaire d’un pays à cause d’une récession oblige le gouvernement concerné à prendre des mesures fiscales correctrices, centrées sur la réduction des dépenses ou l’augmentation des impôts, qui renforcent le ralentissement de l’activité. Les mécanismes de sauvetages du FESF puis du MES, centrés sur des prêts conditionnés à des mesures d’austérité, sont impopulaires aussi bien chez les pays créditeurs que débiteurs.

53La thèse défendue est alors que le partage des risques et la discipline du marché sont complémentaires plutôt que concurrents. Par exemple, la crédibilité de la clause d’absence de sauvetage, censée subordonner les finances publiques à la discipline du marché, est compromise en l’absence de mécanismes de partage des risques, car les marchés sont conscients que sans filets de protection, un défaut d’un pays de la zone euro aurait trop de conséquences négatives sur les autres pour être toléré. Les mécanismes de partage des risques doivent toutefois être modulés de manière à limiter le risque de hasard moral.

54Concrètement, les auteurs proposent alors plusieurs pistes. D’abord, ils préconisent d’obliger les banques à avoir des fonds propres en contrepartie des obligations publiques détenues, domestiques ou d’un autre pays, lorsque celles-ci dépassent une certaine proportion. En pratique, cela implique donc, dans le calcul des actifs pondérés par les risques, d’affecter des coefficients de risque aux expositions souveraines sur chaque pays à partir d’un certain plafond en pourcentage de l’ensemble. L’idée est de forcer les banques à diversifier leurs stocks d’obligations souveraines. Cela permettrait alors d’accepter une mise en commun du mécanisme d’assurance des dépôts. En cas de faillite d’une banque, le compartiment domestique du fonds de garantie serait d’abord utilisé, mais s’il est insuffisant un fonds commun serait mis à contribution pour indemniser les déposants. Les auteurs proposent ensuite de remplacer les règles fiscales complexes par le principe que la croissance des dépenses publiques de chaque pays soit bornée par la croissance à long terme de son produit intérieur brut, et par l’exigence qu’elle soit même inférieure pour les pays qui doivent réduire leur dette publique en pourcentage du produit intérieur brut. Les pays seraient obligés de financer toute dépense qui excéderait cette norme par l’émission d’obligations juniors dont la maturité serait allongée automatiquement en cas de mise sous programme du MES. Cela remplacerait le système des amendes difficile à appliquer. Le surplus d’intérêt exigé par les investisseurs pour acheter les obligations juniors risquées fonctionnerait comme une incitation à la discipline budgétaire.

55Puisque l’exposition des banques à un débiteur souverain particulier aurait été fortement réduite, il serait possible de restructurer les dettes publiques sans compromettre la stabilité financière et ces auteurs proposent des mesures législatives pour crédibiliser un engagement fort à éviter tout sauvetage d’un pays par les autres.

56Les auteurs proposent la mise sur pied d’un fonds de la zone euro qui verserait des aides aux pays membres qui seraient affectés par des dégradations disruptives de leur activité. Pour bénéficier de ces aides, il faudrait que le taux de chômage dépasse un certain plafond ou que l’emploi diminue en dessous d’un plancher prédéterminé. Ce fonds serait alimenté par des contributions des pays membres. Les contributions de chaque pays seraient fonction de leur probabilité de bénéficier des versements du fonds. Les contributions des pays très susceptibles de bénéficier du fonds seraient donc supérieures à celles des autres. Les contributions d’un pays augmenteraient également avec l’ampleur des versements passés dont il aurait bénéficié en provenance du fonds. Ce mode de détermination des contributions serait une incitation à ce que les pays membres réalisent les réformes nécessaires pour améliorer leur croissance. La participation des pays à ce mécanisme serait conditionnelle à leur subordination effective à toutes les règles fiscales du pacte de stabilité et du semestre européen.

57Les auteurs proposent encore de promouvoir l’émission d’actifs adossés aux dettes souveraines des pays de la zone euro, des SBBS comme par exemple les ESB. De cette manière, des actifs sûrs seraient mis à disposition des banques et des autres investisseurs, et on pourrait éviter des interruptions brutales des achats des obligations souveraines de certains pays.

58Ces propositions représentent en réalité un alignement sur la position allemande, plutôt qu’un vrai compromis. Cela reflète la limite de ce que les experts allemands conventionnels peuvent concéder. Le principe d’une restructuration des dettes publiques avant tout sauvetage par le MES, avec des pertes pour les investisseurs privés, est essentiel à ces propositions et correspond aux exigences allemandes. Ces propositions sont cependant dangereuses pour la stabilité financière. Rendre officiellement risquées les obligations souveraines des pays de la zone euro est la meilleure manière de provoquer des crises financières. Les taux d’intérêt exigés sur les obligations publiques des différents pays de la zone euro risquent de diverger encore davantage.

59Les auteurs partent d’une identification très incomplète des causes de la crise de la zone euro. Ils se concentrent en effet sur le manque de discipline budgétaire. Or, si ce fut bien le cas en Grèce, c’est par contre une croissance excessive du crédit au secteur privé et une bulle immobilière associée qui ont été les causes principales de la crise au Portugal, en Irlande et en Espagne.

60Ces propositions ont été aussi critiquées par Messori et Micossi (2018). Les mesures prônées par Benassy-Quéré et al. (2018) limitent la liquidité susceptible d’être apportée à un pays en détresse et renforcent ainsi le risque d’abandon de l’euro par celui-ci, ce qui est de nature à inquiéter les marchés et renforcer la fragmentation de la zone euro. Leur proposition d’enlever de la directive BRRD les exemptions au régime du renflouement interne avant toute aide publique, en cas de menace pour la stabilité financière, est dangereuse. Dans la directive, l’estimation de cette menace est déjà réalisée par les autorités européennes plutôt que nationales. Un renflouement interne inconsidéré peut effrayer les clients des banques puis les investisseurs acheteurs de titres émis par les banques et menacer la stabilité financière.

4.5 – La feuille de route de la France et de l’Allemagne

61La recherche d’un compromis entre les positions allemandes et françaises est l’objet d’efforts diplomatiques soutenus. La France et l’Allemagne ont ainsi publié une feuille de route commune pour la zone euro en juin 2018.

62En réalité, cette feuille de route est essentiellement un alignement sur les positions allemandes. Le document affirme ainsi qu’il est nécessaire, avant toute intervention du MES, de procéder à une analyse de soutenabilité de la dette publique du pays concerné. La feuille de route prône également l’inclusion de clauses d’action collective avec clauses d’agrégation simple aux obligations émises par les pays de la zone euro. L’objectif est clairement de faciliter la restructuration des dettes de pays en détresse avant que le MES puisse leur apporter un soutien financier. De cette manière, comme le demande l’Allemagne, on soumettrait davantage les gouvernements de la zone euro à la supposée discipline des marchés. Ceux-ci, conscients du risque de restructuration des obligations publiques avant tout sauvetage, exigeraient en effet des taux d’intérêt punitifs de la part des pays dont les déficits augmenteraient, ce qui forcerait leurs gouvernements à se conformer aux exigences budgétaires européennes. La feuille de route reprend également la proposition allemande de confier au MES la fonction de prévention des crises, ce qui empiète sur les prérogatives de la Commission. Bien sûr, il est indiqué que ce serait sans dupliquer le rôle de la Commission, mais l’intention de la contourner est assez claire. Une ligne de crédit de précaution sans forte conditionnalité serait réservée aux pays ayant une bonne performance en termes de déficit et de dette. Comme l’exigent les Allemands, tout progrès en matière d’EDIS, donc de mise en commun de l’assurance des dépôts bancaires, est subordonné à une forte réduction du taux de prêts sur lesquels les débiteurs sont en défaut, au bilan des banques.

63La feuille de route concède quelques concessions à la France pour la forme, mais très réduites et assez symboliques. Le filet de sécurité pour le fonds de résolution pourrait être installé, mais avec une taille très inférieure à ce que souhaite la France, et après qu’il y ait eu des réductions suffisantes des risques. Le texte reconnaît la nécessité d’une fonction de stabilisation macroéconomique de la zone euro, mais précise d’emblée qu’elle doit s’exercer sans mécanismes de solidarité budgétaire entre les pays. Un pays en détresse pourrait ainsi bénéficier d’une suspension temporaire de ses paiements au budget de la zone euro, qui seraient alors pris en charge par le MES, ou encore bénéficier d’un fonds de stabilisation du chômage. Cependant, le pays bénéficiaire serait dans l’obligation de rendre ensuite tout ce qu’il a reçu. C’est la conception allemande d’une solidarité limitée à des prêts, appliquée depuis le début de la crise (Dor, 2014b), qui continuerait à être privilégiée. Les initiatives de cette feuille de route sont très insuffisantes pour inverser la dynamique déflationniste et asymétrique de la zone euro. Les idées d’émettre des SBBS sont abandonnées, avec la remarque correcte que ses inconvénients sont supérieurs à ses avantages. Mais évidemment, l’émission d’eurobonds, qui seraient un vrai actif sans risque et nécessiterait une solidarité budgétaire, est absente des propositions de la feuille de route.

64Depuis la publication de cette feuille de route, l’Allemagne semble même reculer sur les piètres concessions faites à la France en ce qui concerne un budget spécifique à l’union monétaire.

5 – Conclusions

65L’absence de consensus entre les pays membres de l’union monétaire va empêcher toute réforme significative de l’euro à moyen terme. Les défauts initiaux de construction de la zone euro sont donc loin de pouvoir être réparés. Toute réforme relative au mandat de la BCE et à son rôle potentiel comme prêteur en dernier recours est illusoire. En ce qui concerne le partage des risques, il n’y a que des avancées très restreintes qui peuvent être espérées. L’achèvement de l’union bancaire, qui est un domaine où certaines corrections des erreurs initiales ont au moins déjà pu être réalisées, va encore prendre un certain temps, et la taille du filet de sécurité pour le fonds de résolution risque d’être trop limitée. L’impasse est totale en matière de fédéralisme fiscal, et concrètement d’instauration d’un budget commun de taille suffisante pour la zone euro. Comme les failles essentielles de l’euro vont persister, et donc son biais déflationniste, il est à craindre que l’activité de l’union monétaire continue à stagner, avec une croissance inférieure à son potentiel. La zone euro va rester également très exposée aux conséquences d’une nouvelle crise financière. Dans ces conditions, on peut craindre également que les contestations politiques du principe même de l’euro vont s’amplifier dans beaucoup de pays de l’union monétaire.

Bibliographie

Bibliographie

  • Amstad, M., Packer, F., Shek, J. (2018), « Does sovereign risk in local and foreign currency differ? », BIS Working Papers, No. 709.
  • Bénassy-Quéré, A. et al. (2018), « Reconciling risk sharing with market discipline: A constructive approach to euro area reform », CEPR Policy Insight, No. 91.
  • De Grauwe, P., Ji, Y. (2018), « How safe is a safe asset? », CEPS Policy Insight, 2018-08.
  • De Grauwe, P., Ji, Y. (2018), « Financial engineering will not stabilise an unstable euro area », https://voxeu.org/article/financial-engineering-will-not-stabilise-unstable-euro-area.
  • De Grauwe, P., Ji, Y. (2013), « Self-fulfilling Crises in the Eurozone: An Empirical Test », Journal of International Money and Finance, 34, 15-36.
  • Dor, É. (2018), « Le grand retour du risque politique en Europe », Revue Banque, septembre, n° 823.
  • Dor, É. (2017), « Les propositions des “eurosceptiques” pour aménager ou accompagner l’euro », Revue Banque, n° 813.
  • Dor, É. (2016a), « Explaining the Surge of TARGET2 Liabilities in Italy: Less Simple than the ECB’s Narrative », SSRN.
  • Dor, É. (2016b), « La nature de la crise économique contemporaine », Outre terre. Revue européenne de géopolitique, 46, 35-55.
  • Dor, É. (2014a), « Quelles nouvelles perspectives pour l’euro après la grande désillusion ? », Outre terre. Revue européenne de géopolitique, 41(4), 50-85.
  • Dor, É. (2014b), « Les coûts et l’impact des plans de secours aux pays en détresse de la périphérie de la zone euro », Document de travail IESEG 2014-EQM-05.
  • Dor, É. (2014c), « Taux négatif et autres mesures d’assouplissement monétaire de la BCE Quelles sont les implications potentielles ? », Banque & Stratégie, juillet.
  • Dor, É. (2013), « The launch of the euro brought about an impressive decrease of manufacturing production in France and huge losses of market shares », IESEG working paper 2013-ECO-07.
  • Dor, É. (2012a), « Crise financière : les enjeux du lose-lose », Outre terre. Revue européenne de géopolitique, 32, juillet, 11-49.
  • Dor, É. (2012b), « Changing causes of the rocketing TARGET2 accounts imbalances in the Eurosytem and the balance of payments of Germany », IESEG working paper 2012-ECO-12.
  • Dor, É. (2011a), « The enormous loans of the Deutsche Bundesbank to distressed European countries’ central banks », IESEG working paper 2011-ECO-08.
  • Dor, É. (2011b), « Leaving the euro area: a user’s guide », IESEG working paper 2011-ECO-06.
  • Dor, É. (1997), « Aspects monétaires et financiers du passage à la monnaie unique en Europe : quelques questions délicates », Bulletin de l’IRES, Université Catholique de Louvain.
  • Dor, É., Durré, A. (2002), « Monetary Policy and the New Economy », Recherches économiques de Louvain, 68(1), 221-237.
  • Du, W., Schreger, J. (2016), « Local currency sovereign risk », The Journal of Finance, 71(3), 1027-1070.
  • European Systemic Risk Board (2018), « Sovereign bond-backed securities: a feasibility study », January.
  • Fitch Ratings (2013), « Why Sovereigns Can Default on Local – Currency Debt », Special Report, May
  • Garber, P.M. (1999), « The target mechanism: Will it propagate or stifle a stage III crisis? », in Carnegie-Rochester Conference Series on Public Policy, North-Holland, 51, December, 195-220.
  • Issing, O. (1996). « Europe: political union through common money? », London Institute of Economic Affairs, No. 98.
  • Jeanneret, A., Souissi, S. (2016), « Sovereign defaults by currency denomination », Journal of International Money and Finance, 60, 197-222.
  • Messori, M., Micossi, S. (2018), « Counterproductive Proposals on Euro Area Reforms by French and German Economists », CEPS Policy Insight.
  • Minenna, M. et al. (2016), The Incomplete Currency: The Future of the Euro and Solutions for the Eurozone, Chichester, Wiley.
  • S&P Global Ratings (2017), « How S&P Global Ratings Would Assess European “Safe” Bonds (ESBies) », Ratings Direct, April 25.

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.87

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions