Couverture de RPVE_531

Article de revue

Impact potentiel de l'introduction d'un impôt alternatif minimum sur les entreprises en Belgique

Pages 63 à 86

Notes

  • [1]
    Les deux auteurs sont affiliés à l’ULB. Le second est aussi affilié à ECARES et au CEPR. Nous remercions M. Castanheira, E. De Keuleneer, P. Francotte, G. Nicodème et C. Valenduc pour leurs commentaires. Cependant, toute erreur nous est propre.
  • [2]
    Pour 2010, la taxe est modélisée comme suit : pour des revenus de 0 à 25 000 €, le taux est de 24,08 % ; de 25 000 à 90 000 €, 32,93 % ; de 90 000 à 322 500 €, 32,54 % ; et pour 322 500 € et plus, le taux habituel de 33,99 % est d’application. Des taux réduits peuvent être octroyés, sous certaines conditions, dans les tranches inférieures de bénéfices. Ces taux réduits ne s’appliquent qu’à des sociétés à caractéristiques spécifiques.
  • [3]
    Voir Faulk et al. (2006) pour un résumé sur la taxation présomptive au niveau international.
  • [4]
    Voir par exemple Lyon (1990), van Wijnbergen et Estache (1999), Feenberg et Poterba (2003), Sureth et Maiterth (2005, 2008).
  • [5]
    Nos données excluent également les entreprises qui reportaient un état de faillite ou qui étaient considérées comme « inactives » selon les critères de la loi belge en 2010.
  • [6]
    Le manque d’espace nous empêche de rappeler la multiplicité des avantages fiscaux en Belgique. Pour un listing des règles comptables belges détaillé, voir Offermanns (2011).
  • [7]
    À noter que puisque le taux d’imposition en Belgique est progressif, t devrait être une fonction. Mais dans un but de simplification, nous le modélisons comme étant linéaire. Dans nos résultats empiriques par contre, la progressivité du taux est prise en compte.
  • [8]
    Lors des calculs effectués à partir de la base de données, les « coûts financiers » sont représentés sur une base nette, c’est-à-dire bénéfices et coûts financiers confondus. Le terme correct serait donc coûts financiers nets, incluant donc les revenus financiers.
  • [9]
    Les données ne prennent pas en compte les entreprises considérées comme « inactives » ou qui ont déposé le bilan pour faillite selon la loi belge en 2010.
  • [10]
    La moyenne de l’UE 17 en fin 2010 était de 2,9 % du PIB pour la moyenne arithmétique et de 2,2 % du GDP pour la moyenne pondérée par le PIB. Pour l’UE des 27, la moyenne arithmétique est de 2,7 % du PIB et la moyenne pondérée de 2,4 % du PIB (European Commission – Taxation and Custom Unions, 2012). Cela dit, nos calculs se basent sur un échantillon des entreprises situées en Belgique qui est différent de la base utilisée par la Commission. Il y a donc une marge d’erreur quant au pourcentage précis qui en ressort.
  • [11]
    En pratique, l’impôt devient plus efficace dans ce contexte parce qu’il réduit l’écart-type par rapport au système actuel.
English version

1 – Introduction

1La Belgique a un taux de taxation croissant sur les revenus des entreprises qui atteint un maximum de 33,99 % (surcharge de crise de 3 % incluse) prélevé sur leurs revenus mondiaux – corrigés lorsque nécessaire grâce à un système de crédits pour impôts payés à l’étranger [2]. En 2010, le taux statutaire moyen tournait autour des 23,2 % pour l’Europe des 27 (base fiscale pour 2011). Le taux statutaire maximum belge est donc parmi les plus élevés.

2Des taux élevés ne suffisent pas à l’identification d’un problème, car il faut également prendre en compte la taille de la base taxable. Une base étroite combinée à un taux élevé pourrait être une source d’inéquité et de manque de recette fiscale, mais sans pour autant avoir distordu excessivement l’investissement si les exemptions fiscales sont identiques pour toutes les firmes (ce qui est rarement le cas). Malheureusement, les systèmes d’information disponibles publiquement ne permettent pas une mesure précise de la base fiscale théoriquement désirable pour la plupart des pays d’Europe.

3Pour se faire une idée de la taille de la réduction effective du taux permise par la réduction artificielle de la base fiscale potentielle, il semble raisonnable de croiser l’information sur le revenu de la taxe avec la part du revenu du capital dans le revenu national évalué en comptabilité nationale. Cette part était aux alentours de deux cinquièmes du PIB en 2011 en Europe. Considérant que la recette fiscale générée par les taxes sur les entreprises, qui génèrent une partie importante de la recette fiscale générée par la taxation du capital, a rapporté de 2,5 à 3 % du PIB en moyenne, le taux implicite de la taxation effective pourrait tourner autour des 7 % (si aucun autre revenu du capital n’était pris en compte), moins d’un tiers du taux statutaire européen. Même s’il est probable que cette approximation du taux implicite est une sous-estimation et qu’il est clair que nous ignorons ici les défis complexes associés à la multiplicité des sources de revenu du capital, il est tout aussi probable que ces estimations confirment que la recette fiscale générée par cette source est insuffisante. En particulier, elle est incohérente avec la part du revenu du capital dans le PIB, étant donné la part importante, voire dominante, que les profits des entreprises représentent dans ce revenu du capital. En Belgique, cette taxe produit une recette fiscale de moins de 3 % du PIB malgré son taux élevé. Un taux inférieur imposé sur une base plus large pour un rendement meilleur est tout à fait possible. Ceci requiert une réforme majeure du système, comme souvent suggéré, mais jamais concrétisé.

4À défaut de pouvoir mettre en œuvre une réforme fiscale massive qui viserait à simplifier l’impôt existant dans le contexte d’une décision politique forte, l’une des solutions les plus pragmatiques aux pertes de recette fiscale et aux distorsions mal ciblées associées aux systèmes fiscaux complexes est l’introduction d’un impôt minimum alternatif. En introduisant un système parallèle plus simple et plus proche d’un système idéal, un gouvernement peut générer des recettes fiscales plus cohérentes avec la taille normale de la base fiscale. Ce faisant, il peut aussi réduire potentiellement les distorsions dans les incitations à l’investissement entre secteurs, entre entreprises de tailles différentes ou entre sources de financement, généralement associées aux systèmes complexes historiques.

5Les formes de taxation alternative peuvent prendre plusieurs configurations. L’impôt minimum peut être prélevé sur les revenus réels (États-Unis, Canada, Inde), sur les revenus potentiels (France ou Israël), sur les cash flows nets (Mexique) ou même sur les actifs (Argentine, Autriche, Colombie ou la République dominicaine – et Mexique vers la fin des années 1990) [3]. En pratique, dans la plupart des configurations de systèmes d’impôts minimums alternatifs, qu’ils soient implicites ou explicites, l’entreprise calcule son dû sous le système classique et le système alternatif pour au final payer le montant le plus élevé des deux.

6Ces impôts alternatifs et leurs effets sur l’efficacité, l’équité et la recette fiscale ont déjà été étudiés dans la littérature académique depuis près de 25 ans. Ces recherches illustrent la difficulté d’anticiper les effets des divers designs de manière générale et mettent en évidence, les différences des effets par secteur d’activité, par taille ou même par source de financement [4]. À ce jour, à notre connaissance, cet exercice n’a pas encore été réalisé pour la Belgique. Le but premier de ce papier est de combler cette lacune.

7L’accent est principalement mis sur l’impact de divers designs de l’impôt minimum sur les distorsions sectorielles qui peuvent résulter du système actuel, mais également sur toute distorsion liée à la taille des entreprises. La méthode utilisée pour calculer le taux d’imposition effectif est très similaire à celle utilisée dans les précédents travaux, mais en particulier à ceux de Halleux et Valenduc (2004) basés sur des données d’entreprises confidentielles disponibles au Ministère des Finances. Comme nous n’avons pas accès à ces données, nous utilisons des données comptables (bilan et compte de résultat) reprises dans une base de données commerciale, Amadeus. Hormis le bénéfice du fait que nos données sont plus récentes, la taille de notre échantillon est aussi bien plus large. En effet, si une entreprise a fourni tous les documents comptables officiels qui sont susceptibles de se trouver dans Amadeus, elle fera alors partie intégrante de notre échantillon. Ceci donne un échantillon de 284 000 unités, une fois les données incomplètes filtrées [5].

8Le reste de l’article est organisé comme suit. La section 2 résume les débats récents sur la taxation des revenus des entreprises en Belgique. La section 3 explique l’approche analytique suivie. La section 4 discute les données. La section 5 présente notre évaluation des taux d’imposition effectifs sous le régime actuel. La section 6 arbore la manière dont nous avons modelé une taxe par un impôt minimum alternatif. La section 7 résume l’impact de l’introduction d’un impôt minimum alternatif sous plusieurs configurations. La section 8 conclut.

2 – La taxation des revenus des entreprises en Belgique [6]

9Depuis le début de la crise de 2008, la taxation du revenu des entreprises est devenue un sujet à la mode dans les débats politiques. En 2009, le Parti du Travail de Belgique (le PTB, un parti classifié d’extrême gauche) a bénéficié d’une grosse couverture médiatique en publiant une étude montrant que les 50 plus grandes entreprises de Belgique ne payaient qu’un taux de 0,57 % de taxes en moyenne alors que les 1 000 plus grandes avaient une moyenne de 5,73 %. Selon cette étude, le taux de taxation réel moyen sur les revenus des entreprises est de 9,8 %. Cette étude a été contestée par la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) qui a publié sa propre étude montrant que le taux d’imposition médian sur les entreprises était de 26,2 % pour un échantillon de 130 000 entreprises en 2010. Selon cette étude, les petites entreprises payent 25,9 %, les moyennes entreprises 27,4 %, les grandes entreprises 28,6 % et les très grandes entreprises 27,2 % d’impôts en moyenne.

10Dans les deux cas, cependant, le taux moyen effectif est bien sous le niveau suggéré par le taux statutaire. Ce point est repris par Itinera (2011), le Ministère des Finances (Valenduc, 2011), ainsi que par un des « big-four » de la comptabilité (Pwc, 2011). Sans surprise, le point principal de tous ces critiques est que la taxation actuelle pourrait être simplifiée, prenant une base plus large et un taux plus bas.

11Dans le débat, cependant, il est remarquable que l’importance qu’a la recette fiscale domine largement l’attention portée à l’efficacité qui, sur base de l’expérience internationale, devrait aussi être un problème au vu de la complexité du système actuel. Ceci est d’autant plus surprenant qu’il existe des études montrant l’importance de ces distorsions en Belgique. La plus récente d’entre elles (Nicodème, 2011) compare l’évolution du taux d’imposition effectif entre pays et montre la mauvaise performance belge en termes relatifs. Il existe également des analyses sur les distorsions créées par l’impôt sur le revenu des entreprises selon leur taille (Nicodème, 2002, 2007 ; Halleux et Valenduc, 2004) ou selon la structure légale de l’entreprise (profits d’entreprises contre profits hors entreprise (Halleux et Valenduc, 2007). De même, Vandenbussche et al. (2005) et plus récemment Goesaert (2011) ont documenté l’étendue des différences de taxation entre les régions de Belgique. Tous ces résultats sont relativement robustes et comparables malgré des méthodes et périodes de temps différentes.

12Bien qu’utiles comme base de comparaison, on peut s’inquiéter de l’ancienneté des analyses de distorsions pour informer les débats actuels sachant que les données utilisées par ceux-ci datent d’au moins cinq ans et parfois dix ans (Halleux et Valenduc offrent l’analyse la plus complète, mais utilisent des données de 2003). Donc, pour assurer que notre évaluation d’un impôt minimum soit faite à partir de données récentes, nous commençons par une mise à jour de l’évaluation du taux effectif d’imposition sous le système Belge en 2010 qui nous servira de base de comparaison pour évaluer les effets de l’introduction d’un impôt minimum.

3 – Évaluation du taux effectif de taxation du revenu des entreprises

13Notre attention se porte sur le taux de taxation effectif représenté par le ratio du montant des taxes payées divisé par une approximation (proxy) de la base taxable. Pour l’évaluer, nous nous basons sur une approche dite « micro backward-looking » comme utilisée pour la première fois pour la Belgique par Nicodème (2001) lors d’une étude portant sur d’autres pays également. Cette approche est applicable en se basant seulement sur des données comptables publiquement disponibles. La robustesse de notre calcul de la taxation effective repose sur l’efficacité du calibrage de la base taxable pour qu’il reflète le système de taxation du pays analysé de manière fidèle. Malgré cela, pour la Belgique, certains détails tels que les intérêts notionnels sont difficiles à modéliser et demanderaient le postulat d’hypothèses à forte influence.

14L’approche que nous suivons peut être résumée comme suit. Si t est le taux d’imposition statutaire sur les profits et B0 la base taxable, i.e. les profits, le revenu théoriquement levé en taxes, Tthéo, peut être exprimé tel que [7] :

15

equation im1

16La base taxable peut être facilement générée à partir de données comptables classiques de chaque entreprise puisqu’elle est la simple différence entre les Ventes (S, pour Sales) et les coûts d’exploitation (C) – ce sont les coûts du travail, d’achat des marchandises et matières premières, les coûts financiers et l’amortissement [8] :

17

equation im2

18Mais, force est de constater qu’au sein du système belge (et dans beaucoup d’autres) existent de nombreux avantages fiscaux qui ont pour effet de réduire le montant de taxes payées comparé à ce que suggère le montant théorique. Nous appellerons ce montant réduit TObs pour dénoter le montant observé, vu que nous pouvons l’obtenir par les données comptables.

19La différence entre ce montant observé et le montant théorique de taxes peut être utilisé pour évaluer l’importance des avantages fiscaux (FB, pour Fiscal Benefits) :

20

equation im3

21En utilisant (1), nous pouvons déduire que

22

equation im4

23Même si la différence de recettes fiscales peut être partiellement expliquée par des taux plus bas dont bénéficient certaines entreprises, les avantages fiscaux peuvent être modélisés comme résultant d’une base taxable réduite. Appelons cette base réduite B1 et pour un montant de taxation donné, on peut écrire :

24

equation im5

25Ceci nous permet de mieux comprendre l’intuition derrière la taille de notre proxy des avantages fiscaux (FB). En effet, en combinant (4) et (5), et avec les revenus comptables (S), les coûts (C) et les montants d’impôts effectivement payés (T0) ainsi qu’en modélisant proprement la structure de la taxation (approximée ici comme taux unique pour la clarté), nous pouvons générer (6) pour n’importe quelle entreprise :

26

equation im6

27La simplification faite en (5) limite la possibilité d’analyser en détail la source des distorsions induites par l’impôt. En effet, les avantages fiscaux sont la somme de deux types d’avantages différents. Certains sont des déductions classiques telles que celles trouvées dans la plupart des systèmes de taxation dans le monde comme les déductions pour R&D par exemple. Les autres sont spécifiques à chaque pays comme pour les intérêts notionnels dans le cas belge, voire d’autres avantages selon les régions et localités. Malheureusement, nos données ne nous permettent pas de différencier les deux types, de plus, seul le deuxième type devrait être l’objet de modifications pour améliorer l’équité du système de taxation.

28Avec ces limitations en tête et en considérant que notre attention se porte sur la taille des distorsions plutôt que leur origine, nous pouvons maintenant montrer comment nous calculons le taux de taxation effectif avec les données disponibles dans notre large échantillon d’entreprises. Adoptant les suggestions de Nicodème (2001), le taux de taxation effectif net de toute déduction fiscale (ETRn pour Net Effective Tax Rate) est comme suit :

29

equation im7

30En termes comptables, B0 et B1 sont, respectivement, le compte de résultat avant et après imposition tels que reportés dans de nombreuses bases de données publiques. La différence entre les deux montants est équivalente au montant de taxes payées d’un point de vue comptable.

4 – Les données

31Les données collectées par Amadeus résument une collection de documents officiels que les entreprises doivent publier, tels que le bilan et compte de résultat, ainsi que divers ratios financiers. Avant traitement, notre échantillon contient 335 000 entreprises, ce qui représente environ 80 % des entreprises en Belgique [9]. Nos 55 variables sont pour la plupart observables pour chaque entreprise et nous permettent de classifier les entreprises de manière méthodique en suivant la classification de la Banque nationale belge dans ses rapports annuels.

32Bien entendu, nos données ont quelques limitations. Tout d’abord, sous certaines dimensions, les valeurs sont agrégées et limitent la possibilité d’analyses approfondies rapportant à des éléments précis tels que les incitants à l’investissement (intérêts notionnels) même si nous pouvons estimer l’impact des avantages fiscaux. Deuxièmement, nous ne pouvons pas pallier les différences liées à la manière dont les entreprises font leur comptabilité. Parfois, ces différences mènent notre source de référence, la base de données Amadeus, à nous retourner des valeurs manquantes. Troisièmement, d’autres valeurs manquantes existent, car elles ne sont tout simplement pas disponibles.

33En pratique, le nombre d’observations utilisées dans nos calculs varie selon la quantité de ces valeurs manquantes. De plus, notre base de données est un agrégat de rapports comptables non consolidés. En conséquence, chaque filiale potentielle est considérée comme une entité à part entière. Puisque la plupart de nos calculs sont des moyennes de taux d’impôts effectifs par taille ou secteur d’activité, certaines catégories de résultats peuvent inclure des entreprises qui correspondent aux critères d’un groupe, mais qui n’existent que par le seul fait qu’elles appartiennent à une entité plus importante. Pour cette raison, nos résultats sont quelque peu biaisés lorsqu’il s’agit de fournir une réponse claire à la question : est-ce que les grands groupes d’entreprises payent moins de taxes ?

34Le graphique 1 montre le nombre d’observations par groupe d’entreprises selon leur taille. Les grandes et très grandes entreprises ensemble représentent 4 % du total des observations, alors que les petites entreprises en représentent 84 %. (Le pourcentage réel de petites entreprises peut être surestimé, car cette catégorie inclut les filiales de grands groupes.) Le graphique 1.1 met en avant le nombre total d’employés par taille d’entreprise. La distribution par secteur est, quant à elle, moins extrême. Les petites entreprises emploient 35 % des travailleurs, alors que les moyennes emploient la plus petite part avec seulement 16 %.

Graphique 1

Un premier aperçu des revenus générés par les impôts, en montants et par taille d’entreprise

Graphique 1.1

Nombre d’observations

Graphique 1.1

Nombre d’observations

Graphique 1.2

Nombre d’employés

Graphique 1.2

Nombre d’employés

Graphique 1.3

Revenus des impôts en pourcentage du total

Graphique 1.3

Revenus des impôts en pourcentage du total

Un premier aperçu des revenus générés par les impôts, en montants et par taille d’entreprise

35Le graphique 2 montre la distribution des recettes totales générées par l’imposition des sociétés par taille d’entreprise. Les très grandes entreprises représentent 39,9 % du total, suivies des petites et larges entreprises avec des contributions semblables à hauteur de 22,4 % et 21,9 % respectivement. Les entreprises de taille moyenne contribuent seulement pour 15,8 % des recettes totales.

Graphique 2

Taux d’imposition effectif en Belgique en 2010, par taille d’entreprise

Graphique 2

Taux d’imposition effectif en Belgique en 2010, par taille d’entreprise

5 – Estimation du taux d’imposition effectif en 2010 pour la Belgique

36La discussion de l’impôt effectif est organisée autour de deux aspects clefs pour lesquels l’équité et l’égalité du traitement fiscal peuvent représenter un problème : la taille et le secteur d’activité. Pour ce qui est de la taille, le graphique 3 montre que les entreprises ne payent qu’un taux effectif d’imposition net de 15,7 % en moyenne, ce qui est moins que la moitié du taux statutaire de 33,99 %. Relier cette information à celle du graphique précédent montre que les 1 446 entreprises de très grande taille ont pu bénéficier d’un des taux d’imposition effectifs nets les plus bas (13,5 %) en 2010 tout en contribuant à hauteur de 40 % de la recette totale générée par l’impôt. À l’autre extrême, les entreprises moyennes ont un taux de 15 % pour une recette fiscale de 15,8 %. Les petites et les grandes entreprises sont les moins bien loties alors qu’elles génèrent près de 45 % de la recette fiscale.

Graphique 3

Taux d’imposition effectif par secteur d’activité

Graphique 3

Taux d’imposition effectif par secteur d’activité

37Pour ce qui est du secteur d’activité, le graphique 4 montre que parmi les 36 secteurs, 9 ont un taux net égal à 10 % ou moins (autres industries manufacturières ; réparation et installation de machines et d’équipements, métallurgie et fabrication de produits métalliques, à l’exception des machines et des équipements, cokéfaction et raffinage, fabrication de textiles, industrie de l’habillement, industrie du cuir et de la chaussure, Industrie pharmaceutique, commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles, agriculture, sylviculture et pêche, industries extractives, fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac). Le taux le plus bas se retrouve pour les services sociaux et soins à domicile. Seuls 3 secteurs doivent faire face à un taux d’impôts effectif net supérieur à 20 % (édition, audiovisuel et diffusion, activités de services administratifs et de soutien, activités des ménages en tant qu’employeurs, activités indifférenciées des ménages en tant que producteurs de biens et services pour usage propre). Le taux le plus élevé est trouvé pour les activités de services administratifs et de soutien d’une part et l’édition, audiovisuel et diffusion d’autre part.

38Une partie de la diversité peut être expliquée par l’hétérogénéité entre et au sein des secteurs. Certains secteurs sont composés de peu de grandes entreprises alors que d’autres le sont de nombreuses petites entreprises. Certains secteurs bénéficient de revenus élevés et sont donc potentiellement taxés à des taux plus élevés, alors que d’autres ont difficilement pu faire un profit quelconque en 2010 et ont donc fait face à un taux relativement plus bas que le maximum.

39Les résultats jusqu’ici confirment clairement l’importance des critères à utiliser pour évaluer l’efficacité potentielle de l’introduction d’un impôt minimum alternatif. Il ne peut se centrer uniquement sur l’effet recette fiscale. Idéalement, il devrait aussi mener à des réductions des distorsions entre firmes et secteurs afin de minimiser les pertes de bien-être et les inégalités qui tendent à résulter de telles distorsions dans le design de l’imposition des revenus des entreprises.

6 – Modélisation d’un impôt minimum alternatif

40Imaginons un système dans lequel les entreprises devront calculer deux charges d’impôts différentes. La première est la taxe qui prévaut dans le système actuellement en place qui est équivalent au TObs que nous utilisions jusqu’ici. La deuxième charge est celle construite avec le design d’un impôt minimum alternatif (AMT pour alternative minimum tax et qui est le symbole utilisé de manière commune dans la littérature anglo-saxonne). Nous l’appellerons TAMT. L’entreprise payera Tnew, le montant le plus élevé des deux charges :

41

equation im13

42Le véritable défi est le choix du design de l’AMT. L’AMT peut avoir deux formes de base. Il peut soit se baser sur le revenu tel que le système actuel, ou il peut être basé sur les actifs. Si l’AMT doit remplacer le système actuel, alors il devrait plutôt se baser sur les bénéfices. Si l’AMT est un simple instrument qui permet de réduire les distorsions et les pertes de recettes fiscales entre firmes ou secteurs, alors le design basé sur l’actif est une alternative à considérer.

43Pour l’impôt minimum alternatif basé sur le revenu, l’idée est d’identifier, pour la base taxable la plus large possible, le taux qui garantirait une augmentation des recettes fiscales. Notre objectif, dans un but illustratif, est une augmentation de 1 % supplémentaires du PIB provenant de cette taxe – soit presque un tiers d’augmentation. La base taxable la plus simple est celle que nous avons utilisée pour calculer notre ETR théorique.

44Pour ce qui est de l’AMT basé sur les actifs, l’idée est de déterminer une proxy qui sert de base d’identification des actifs d’une entreprise et d’y appliquer un taux qui générerait une augmentation de recette fiscale de 1 % du PIB. Nous considérons quatre bases : l’actif total (Total Assets), l’actif total net (Total Net Assets), l’actif immobilisé (Fixed Assets) et l’actif total moins les dettes à long terme (Total Assets minus LT Liabilities). Chaque base a ses pour et ses contre. Toutes pénalisent les firmes gourmandes en capital, certaines pourraient stimuler l’emprunt, certaines pourraient pénaliser les secteurs qui comprennent de larges actifs financiers dans leur bilan. Mais si l’idée est d’avoir une base taxable relativement simple, on ne peut pas se permettre de retirer certains types d’avoirs précis de l’actif pris en compte sans explicitement considérer l’impact que cela aurait sur les recettes de l’état et de l’entreprise, de l’équité et de la dynamique de l’efficacité (i.e. incitants à l’investissement).

45Il y a, de plus, un dernier souci à mettre en évidence. Sous le système actuel, 31 % des firmes de notre échantillon ont un profit nul ou négatif en 2010. C’est une proportion significative, mais qui recouvre principalement des entreprises de petites tailles qui contribuent peu aux recettes fiscales totales de cette base. Seulement 68 % des petites entreprises payent des taxes, alors que pour les moyennes, grandes et très grandes, les chiffres sont de 75 %, 80 % et 84 % respectivement. Le problème est de savoir s’il faut imposer ou non les entreprises qui ne payent déjà pas de taxe sous le système actuel lorsqu’on introduit un impôt minimum alternatif. Nous avons testé les deux hypothèses, car elles ont un impact sur le taux statutaire à appliquer sous l’impôt minimum, ce qui est simple à modéliser.

7 – Effets de différents designs de l’AMT sur le taux d’imposition effectif

46Cette section analyse l’impact de différentes configurations d’un AMT. Nous l’organisons en trois dimensions : (i) une perspective « macro », qui discute de l’impact agrégé de la taxe ; (ii) un point de vue « taille des entreprises », qui regarde l’importance de la taille d’une entreprise face à l’AMT ; (iii) une perspective par secteur d’activité, qui nous montre l’effet et les distorsions potentielles que l’on mesure par l’écart-type du taux effectif d’imposition.

7.1 – Une perspective « macro » sur les effets moyens d’un AMT sur l’ETR

47Nous ne pouvons donner qu’une évaluation sommaire de l’impact macroéconomique puisque notre approche ne se base pas sur un modèle macroéconomique qui prendrait notamment en compte l’importance de la sensibilité de l’offre au taux de taxation. Nous ne pouvons pas non plus observer les effets entre les secteurs qui résulteraient d’un changement dans le taux effectif d’imposition. Nous pouvons néanmoins donner un ordre de grandeur de l’impact qu’aurait une politique de recettes ciblées sur le taux d’imposition effectif.

48Pour avoir un aperçu des dilemmes entre le besoin d’augmenter la recette agrégée obtenue à travers l’impôt pour rejoindre la moyenne européenne et le besoin d’éviter des configurations qui nuisent à la compétitivité des entreprises, nous faisons une simulation pour deux objectifs de recette différents : 0,5 % et 1 % du PIB supplémentaires. Les résultats principaux sont résumés dans le tableau 1. Pour chaque recette visée et pour chaque base d’actifs choisie, le tableau montre le taux statutaire qu’il faudrait appliquer avant de le comparer au taux actuel. Le tableau montre également le taux effectif d’imposition s’y afférant ainsi que les variables.

Tableau 1

Choix entre effet de compétitivité ou de revenu provoqués par l’AMT

Tableau 1
Sous un système avec impôt minimum alternatif (AMT) Basé sur le revenu Bases d’actifs Avec protection des entreprises au revenu nul ou négatif Sans protection des entreprises à revenu nul ou négatif Actif Total Actif Net Actif Fixe Actif Total moins charges LT Actif Total Actif Net Actif Fixe Actif Total moins charges LT Augmentation des revenus en pourcentage du PIB – 1 % 1 % 1 % 1 % 1 % 1 % 1 % 1 % 1 % Taux statutaire (en regard de la base) 33.9 % 29.5 % 0.79 % 1.10 % 1.14 % 0.88 % 0.32 % 0.58 % 0.56 % 0.39 % Taux d’imposition effectif moyen (sur base large) 15.7 % 24.3 % 36.2 % 24.5 % 31.3 % 31.1 % 23.3 % 20.2 % 23.0 % 22.2 % Écart-type du taux d’imposition effectif moyen 0.25 0.23 3.54 1.07 1.59 1.31 1.43 0.60 0.81 0.62 Augmentation des revenus en pourcentage du PIB – 0.5 % 0.5 % 0.5 % 0.5 % 0.5 % 0.5 % 0.5 % 0.5 % 0.5 % Taux statutaire (en regard de la base) 33.9 % 20.6 % 0.61 % 0.77 % 0.78 % 0.65 % 0.17 % 0.31 % 0.29 % 0.21 % Taux d’imposition effectif moyen (sur base large) 15.7 % 22.7 % 31.1 % 21.7 % 26 % 26.9 % 19.6 % 18.0 % 19.3 % 19.0 % Écart-type du taux d’imposition effectif moyen 0.25 0.23 2.73 0.76 1.10 0.99 0.78 0.37 0.46 0.38

Choix entre effet de compétitivité ou de revenu provoqués par l’AMT

49Le tableau 1 soulève les points suivants :

  1. Comme attendu, un AMT, sous toutes ses formes, augmente le taux effectif d’imposition.
  2. La plus grande augmentation du taux effectif d’imposition est liée à la base d’AMT la plus large qui est celle de l’actif total pour toutes les entreprises. Lorsque l’on protège les entreprises qui ont un profit nul ou négatif, l’ETR le plus bas trouvé est pour l’AMT basé sur le revenu ainsi que celui basé sur les actifs nets.
  3. Ne pas protéger les entreprises qui ont un taux d’imposition nul ou négatif aurait pour effet de suffisamment augmenter les recettes fiscales d’un impôt sur l’actif pour pouvoir diminuer le taux statutaire.
  4. Inclure toutes les entreprises dans un AMT basé sur l’actif nous donne un taux d’imposition effectif qui est similaire à celui qui résulterait d’un AMT basé sur le revenu (qui protégerait toujours les entreprises à profit nul ou négatif tout en laissant les entreprises qui abusent des montages fiscaux en paix, mais malgré tout, d’une manière moindre que sous le système actuel).
  5. Mis à part le système d’AMT basé sur les revenus, toutes les autres configurations testées augmentent la dispersion des taux effectifs nets d’imposition entre secteurs – jusqu’à 11 fois dans le cas d’un AMT basé sur l’actif total. Cet effet est amplifié lorsque les entreprises qui ont un profit nul ou négatif sont prises en compte.

50D’un point de vue plus politique, et si l’on assume qu’un impôt basé sur l’actif est plus simple à mettre en œuvre lorsqu’on se base sur des valeurs d’actifs comptables (i.e. celles utilisées dans Amadeus), les taux de taxation requis pour générer une augmentation significative du revenu ne sont pas élevés. Si l’on ignore le signe des profits des entreprises, un taux maximum de 0,58 % est requis avec l’actif net si 1 % du PIB est la recette fiscale visée et un taux de 0,31 % est requis si l’on veut atteindre 0,5 % de recettes du PIB supplémentaires.

51La base qui prend en compte l’actif net n’est pas la plus désirable, car elle créerait des incitants à modifier les effets de levier qui peuvent être atteints avec du management de dette à court terme. Se baser sur l’actif immobilisé pourrait être plus simple, mais aurait un impact sur les firmes gourmandes en capital de façon plus large que sur les entreprises de services par exemple. La base la plus réaliste, si l’AMT devait se baser sur l’actif, semble être l’actif total moins les charges à LT, car elle permet aux entreprises de baser leurs investissements sur des fonds de long terme. Le principal défaut de cette taxe est qu’elle aurait l’effet entièrement inverse de ce que les intérêts notionnels ont comme but principal (i.e. réduire les distorsions sur les marges financières).

52La base d’actif total moins dettes à long terme demande un taux relativement bas (0,21 %) pour 0,5 % d’augmentation de la recette et augmente la dispersion des taux effectifs de 50 % pour une augmentation du taux effectif de 15,7 % à 19 % pour le pays. Si le gouvernement décide de protéger les entreprises avec un profit nul ou négatif, pour 0,5 % d’augmentation des recettes, le taux devrait être de 0,65 %. Ceci résulterait en un taux d’imposition effectif de 26,9 %, mais quadruplerait presque la dispersion de ce dernier. Si l’objectif de recette est 1 % du PIB supplémentaire, le taux de taxation avec cette base serait de 0,88 %. Ce taux doublerait le taux d’imposition effectif et multiplierait sa dispersion par 5 si le gouvernement voulait protéger les entreprises à profit nul ou négatif. Le taux requis tombe à 0,39 % pour une augmentation du taux effectif de 22,2 % et doublerait presque sa dispersion.

53Les résultats listés dans ces tableaux sont adaptés pour produire exactement 0,5 % et 1 % du PIB en tant que recettes supplémentaires en imposant les entreprises listées dans notre échantillon. Au départ, l’échantillon contenait environ 90 % (354 000) des entreprises situées en Belgique, mais a, par la suite, été réduit à 280 000 unités suite au nettoyage des données. De plus, les calculs des 0,5 % et 1 % additionnels ont été produits sur les valeurs du PIB de 2010 en Belgique, en d’autres mots, un PIB qui a été généré à partir de 100 % des entreprises. Au final, nos résultats surestiment probablement le taux requis afin de générer ces montants additionnels puisque l’AMT serait appliqué sur 100 % des entreprises à la place des 280.000 dans notre échantillon.

7.2 – L’impact d’un impôt minimum alternatif change-t-il selon la taille des entreprises ?

54Jusqu’ici, nous avons discuté des résultats dans le cas où le gouvernement voudrait générer des recettes fiscales à hauteur des 1 % additionnels du PIB, ce qui rejoindrait la moyenne européenne [10]. L’histoire est semblable pour les 0,5 % supplémentaires, que l’on compare les différences d’impact selon la taille de l’entreprise ou que ce soit selon son secteur d’activité. Le tableau 2 résume les résultats obtenus. La différence attendue entre les résultats proviendra probablement de la différence d’intensivité du capital utilisé. Au plus grande est l’entreprise, au plus son ratio travail-capital est en général élevé en Belgique, et donc, au plus grand sera l’impact de l’AMT qui est basé sur l’actif. À noter que si l’AMT est basé sur un revenu d’un point de vue large (B0) ce seront également les plus grandes entreprises qui seront le plus fortement touchées.

Tableau 2

Impact par taille d’entreprise de l’introduction d’un AMT qui générerait des revenus additionnels à hauteur de 1 % du PIB

Tableau 2
Impact de différentes configurations d’AMT sur des aspects de régulation clefs (avec protection des entreprises qui ont un revenu nul ou négatif) Même exercice, mais sans protection des entreprises à profit nul ou négatif Système actuel Configuration de l’AMT Configuration de l’AMT Base d’actifs Base d’actifs Basé sur les Actif total Actif net Actif fixe revenus Actif total moins charges LT Actif total Actif net Actif fixe Actif total moins charges LT Taux 33,99 % 0,792 % 1,103 % 1,138 % 0,877 % 0,317 % 0,583 % 0,564 % 0,392 % 29,496 % Revenus 3 % of GDP 4 % of GDP 4 % of GDP 4 % of GDP 4 % of GDP 4 % of GDP 4 % of GDP 4 % of GDP 4 % of GDP 4 % of GDP Taux d’imposition effectif moyen Taux d’imposition effectif moyen Grandes entreprises 16,2 % 91,9 % 51,9 % 74,0 % 77,9 % 45,0 % 34,6 % 44,3 % 42,4 % 26,8 % Entreprises moyennes 15,0 % 59,5 % 36,7 % 48,7 % 51,4 % 31,6 % 26,1 % 31,0 % 30,3 % 25,6 % Petites entreprises 15,8 % 29,6 % 21,5 % 26,8 % 26,0 % 20,8 % 18,7 % 20,9 % 20,1 % 24,0 % Très grandes entreprises 13,5 % 212,2 % 59,4 % 72,6 % 83,0 % 91,0 % 37,1 % 42,0 % 42,8 % 27,5 % Pays 15,7 % 36,2 % 24,5 % 31,3 % 31,1 % 23,3 % 20,2 % 23,0 % 22,2 % 24,3 % Écart-type du taux d’imposition effectif moyen Écart-type du taux d’imposition effectif moyen Grandes entreprises 0,21 6,14 4,26 6,72 4,88 2,45 2,25 3,33 2,18 0,18 Entreprises moyennes 0,25 2,38 1,75 2,37 2,14 0,96 0,94 1,18 0,97 0,23 Petites entreprises 0,25 0,68 0,40 0,63 0,60 0,34 0,29 0,36 0,33 0,23 Très grandes entreprises 0,24 44,99 3,82 5,31 4,93 18,00 2,02 2,63 2,20 0,21 Pays 0,25 3,54 1,07 1,59 1,31 1,43 0,60 0,81 0,62 0,23

Impact par taille d’entreprise de l’introduction d’un AMT qui générerait des revenus additionnels à hauteur de 1 % du PIB

55Le tableau 2 nous montre que les résultats valident notre intuition. Les points clefs supplémentaires fournis dans le tableau sont l’évidence qu’il est impossible de protéger les entreprises avec un profit nul ou négatif. Les simulations pour le cas où elles sont protégées mènent à une augmentation de l’ETR pour les moyennes, grandes et très grandes entreprises, augmentation qui a l’air politiquement irréalisable si le gouvernement vise une augmentation des recettes à hauteur de 1 % du PIB additionnels. Pour les très grandes entreprises, cibler 1 % sous le scénario où l’on protège ces entreprises implique un taux effectif de 212 % lorsque l’AMT est basé sur l’actif brut. Diviser la recette requise par deux réduirait le taux effectif requis à 165 % seulement.

56Dans le scénario où toutes les entreprises auraient à payer quelque chose, indépendamment de leur montant imposable actuel, l’augmentation la plus drastique du taux effectif serait celle d’un AMT basé sur l’actif total moins les charges long terme. Les très grandes entreprises feraient face à un taux effectif de 42,8 % loin des 13,5 % du système actuel. Les grandes entreprises verraient une augmentation de 16,2 % à 42,4 %, les moyennes de 15 % à 30 % et les petites de 15,8 % à 20,1 %. Ceci implique que le taux d’imposition effectif augmenterait avec la taille des entreprises. Cet effet s’observerait également si l’AMT était basé sur une définition du revenu encore plus large.

57Sous toutes ses configurations, l’AMT augmente la dispersion des taux effectifs, comme l’indiquent les écarts-types du tableau 2. Cet effet de dispersion explose pour les grandes et très grandes entreprises alors que les petites sont les plus épargnées. Les entreprises moyennes, elles, se retrouvent entre ces deux extrêmes. Cette grande dispersion observée est probablement due au modus operandi des grandes et très grandes entreprises qui sont régulièrement le centre d’un réseau de filiales qui a pour but l’optimisation des coûts et des revenus. Bien que nous ne l’observions pas dans nos données, nous le voyons dans nos résultats.

58Si toutes les entreprises payent un impôt, sous l’AMT basé sur l’actif total moins les dettes à long terme, 48 % continueraient de payer le même impôt que sous le régime classique et 52 % tomberaient sous le nouveau système. Si l’AMT était basé sur une définition du revenu plus large, 43 % devraient payer l’AMT. Sous la base d’AMT favorite, 62 % des très grandes entreprises payeraient l’AMT, 55 % des moyennes et également 52 % des petites et grandes entreprises. Sous un AMT basé sur le revenu, 62 % des très grandes entreprises payeraient l’AMT, 52 % des grandes entreprises, 50 % des moyennes et 41 % des petites.

7.3 – Quelle serait l’influence d’un AMT sur les distorsions intersectorielles ?

59Le but principal de cette section est d’évaluer l’impact de l’introduction d’un AMT sur la dispersion des taux d’imposition effectifs. Nous l’évaluons pour le cas où l’AMT doit générer 1 % additionnel du PIB. Le tableau 3 montre les effets de différentes configurations d’AMT par secteur d’activité et ce, sans protection pour les entreprises qui ont un profit nul ou négatif. Trois différents aspects sont mis en avant dans le tableau 3. La première colonne présente le taux d’imposition net moyen pour chaque configuration d’AMT (si ce n’est le premier bloc qui est le système actuel utilisé comme point de comparaison). La deuxième colonne est une évaluation du pourcentage total d’entreprises qui font face à une charge d’impôt, indépendamment de l’origine de cette charge. Finalement, la troisième colonne est liée à la seconde ; elle définit les candidats pour lesquels la charge d’impôts est plus élevée sous le régime avec AMT que sous le régime actuel et est exprimée en pourcentage des sociétés qui payent un impôt (e.g. entreprises de la 2e colonne).

Tableau 3

Impact de l’AMT par secteur d’activité avec un objectif de revenus augmentés de 1 % du PIB et sans protection des entreprises à profit nul ou négatif

Tableau 3
Secteur d’activité Syst. Actuel Actif total Actif net Actif fixe Actif total moins charges LT Revenu Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Agriculture, sylviculture et pêche (AA) 8,0 % 63 % 18,9 % 100 % 72 % 13,1 % 84 % 53 % 20,1 % 99 % 72 % 16,4 % 98 % 69 % 20,3 % 67 % 53 % Industries extractives (BB) 13,7 % 70 % 31,5 % 100 % 57 % 30,8 % 91 % 50 % 31,7 % 99 % 56 % 31,3 % 99 % 58 % 23,5 % 75 % 46 % Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac (CA) 12,1 % 67 % 23,0 % 100 % 62 % 17,5 % 84 % 45 % 22,4 % 99 % 61 % 21,6 % 99 % 60 % 22,6 % 70 % 49 % Fabrication de textiles, industrie de l’habillement, industrie du cuir et de la chaussure (CB) 10,4 % 65 % 21,6 % 100 % 67 % 18,0 % 87 % 54 % 17,5 % 98 % 64 % 21,7 % 98 % 66 % 21,6 % 69 % 49 % Travail du bois, industrie du papier et imprimerie (CC) 12,7 % 64 % 20,5 % 100 % 61 % 18,5 % 87 % 46 % 19,0 % 98 % 58 % 20,0 % 99 % 59 % 22,1 % 69 % 45 % Cokéfaction et raffinage (CD) 13,0 % 88 % 30,0 % 100 % 54 % 23,3 % 100 % 54 % 35,6 % 100 % 54 % 27,6 % 100 % 54 % 26,2 % 92 % 71 % Industrie chimique (CE) 14,4 % 78 % 23,2 % 100 % 55 % 18,3 % 92 % 44 % 21,3 % 98 % 51 % 22,9 % 99 % 54 % 25,8 % 81 % 54 % Industrie pharmaceutique (CF) 16,6 % 74 % 25,8 % 100 % 52 % 22,9 % 90 % 40 % 28,1 % 98 % 48 % 24,3 % 99 % 50 % 25,4 % 75 % 47 % Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques (CG) 13,5 % 70 % 23,8 % 100 % 57 % 20,5 % 92 % 47 % 22,4 % 99 % 55 % 23,5 % 99 % 56 % 23,3 % 75 % 49 % Métallurgie et fabrication de produits métalliques, à l’exception des machines et des équipements (CH) 15,3 % 70 % 23,9 % 100 % 54 % 20,4 % 93 % 45 % 21,1 % 99 % 51 % 23,7 % 99 % 53 % 24,5 % 74 % 47 % Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques (CI) 15,8 % 70 % 22,2 % 100 % 52 % 19,8 % 91 % 42 % 19,4 % 98 % 48 % 22,5 % 98 % 50 % 24,4 % 74 % 43 % Fabrication d’équipements électriques (CJ) 15,8 % 71 % 22,5 % 100 % 53 % 20,4 % 92 % 42 % 20,2 % 98 % 49 % 23,1 % 99 % 51 % 24,5 % 74 % 45 %
Tableau 3
Secteur d’activité Syst. Actuel Actif total Actif net Actif fixe Actif total moins charges LT Revenu Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Fabrication de machines et équipements n.c.a. (CK) 16,1 % 73 % 22,2 % 100 % 50 % 19,8 % 92 % 41 % 20,0 % 99 % 48 % 22,7 % 99 % 50 % 25,0 % 77 % 47 % Fabrication de matériels de transport (CL) 13,9 % 69 % 20,7 % 100 % 59 % 19,2 % 91 % 49 % 17,9 % 98 % 55 % 20,8 % 99 % 58 % 23,7 % 73 % 45 % Autres industries manufacturières ; réparation et installation de machines et d’équipements (CM) 15,5 % 71 % 23,9 % 100 % 55 % 20,4 % 90 % 43 % 21,6 % 99 % 52 % 23,4 % 99 % 53 % 24,7 % 73 % 46 % Production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné (DD) 7,3 % 69 % 21,1 % 100 % 77 % 15,0 % 93 % 68 % 23,2 % 99 % 75 % 17,8 % 100 % 76 % 21,7 % 71 % 58 % Production et distribution d’eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution (EE) 14,8 % 75 % 23,7 % 100 % 53 % 20,7 % 93 % 44 % 24,5 % 99 % 52 % 22,0 % 98 % 51 % 25,2 % 80 % 51 % Construction (FF) 16,8 % 72 % 23,1 % 100 % 50 % 20,3 % 91 % 39 % 22,1 % 99 % 47 % 22,3 % 99 % 49 % 25,3 % 74 % 46 % Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles (GG) 14,7 % 69 % 22,5 % 100 % 57 % 18,5 % 85 % 40 % 19,7 % 98 % 53 % 22,0 % 99 % 55 % 23,9 % 71 % 46 % Transports et entreposage (HH) 12,4 % 65 % 20,7 % 100 % 63 % 17,0 % 87 % 48 % 20,7 % 98 % 61 % 19,7 % 99 % 61 % 22,6 % 69 % 47 % Hébergement et restauration (II) 9,3 % 57 % 13,4 % 100 % 72 % 11,1 % 70 % 42 % 14,6 % 99 % 71 % 12,3 % 97 % 68 % 19,5 % 59 % 43 % Édition, audiovisuel et diffusion (JA) 15,2 % 64 % 20,4 % 100 % 57 % 18,4 % 85 % 41 % 19,7 % 97 % 55 % 20,0 % 98 % 55 % 23,2 % 67 % 39 % Télécommunications (JB) 14,2 % 62 % 19,2 % 100 % 64 % 17,1 % 79 % 42 % 19,1 % 95 % 59 % 18,3 % 97 % 61 % 23,3 % 64 % 38 % Activités informatiques et services d’information (JC) 21,4 % 74 % 25,3 % 100 % 41 % 23,4 % 90 % 31 % 25,7 % 98 % 39 % 24,5 % 99 % 40 % 27,7 % 75 % 36 % Activités financières et d’assurance (KK) 19,4 % 73 % 36,7 % 100 % 46 % 29,1 % 92 % 37 % 32,6 % 99 % 46 % 29,7 % 99 % 44 % 27,1 % 76 % 39 % Activités immobilières (LL) 8,2 % 58 % 21,0 % 100 % 73 % 16,9 % 86 % 57 % 26,5 % 99 % 74 % 18,1 % 97 % 69 % 19,1 % 64 % 46 %
Tableau 3
Secteur d’activité Syst. Actuel Actif total Actif net Actif fixe Actif total moins charges LT Revenu Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Taux effectif moyen % qui font face à une charge d’impôt Desquels xx % sont touchés par l’AMT Activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture, d’ingénierie, de contrôle et d’analyses techniques (MA) 21,4 % 75 % 26,8 % 100 % 41 % 25,4 % 91 % 31 % 28,1 % 99 % 40 % 26,1 % 99 % 39 % 27,8 % 77 % 36 % Recherche-développement scientifique (MB) 18,3 % 72 % 35,1 % 100 % 48 % 28,7 % 91 % 38 % 24,2 % 99 % 47 % 30,8 % 99 % 47 % 25,8 % 75 % 36 % Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques (MC) 16,9 % 67 % 23,0 % 100 % 53 % 20,3 % 86 % 39 % 23,3 % 98 % 51 % 22,5 % 98 % 51 % 24,6 % 69 % 38 % Activités de services administratifs et de soutien (NN) 15,1 % 67 % 23,0 % 100 % 58 % 19,5 % 87 % 42 % 23,3 % 98 % 56 % 22,0 % 98 % 55 % 24,1 % 70 % 42 % Administration publique (OO) 9,1 % 73 % 32,7 % 100 % 77 % 21,5 % 94 % 71 % 18,3 % 98 % 76 % 33,4 % 100 % 77 % 24,4 % 74 % 59 % Enseignement (PP) 8,3 % 66 % 19,0 % 100 % 77 % 17,3 % 88 % 65 % 19,7 % 99 % 76 % 17,1 % 98 % 75 % 21,7 % 67 % 51 % Activités pour la santé humaine (QA) 26,5 % 86 % 28,8 % 100 % 22 % 28,1 % 96 % 17 % 29,3 % 100 % 22 % 28,2 % 99 % 21 % 30,8 % 87 % 35 % Hébergement médico-social et social et action sociale sans hébergement (QB) 3,9 % 68 % 21,2 % 100 % 88 % 18,4 % 90 % 78 % 20,9 % 99 % 88 % 20,0 % 99 % 87 % 21,3 % 69 % 62 % Arts, spectacles et activités récréatives (RR) 10,0 % 58 % 18,9 % 100 % 71 % 14,9 % 77 % 46 % 18,3 % 98 % 69 % 18,8 % 97 % 67 % 20,1 % 61 % 42 % Autres activités de services (SS) 9,6 % 57 % 17,2 % 100 % 72 % 16,2 % 77 % 48 % 16,2 % 98 % 71 % 16,7 % 98 % 70 % 19,5 % 58 % 42 % Revenus additionnels générés 0,0 % 1,0 % 1,0 % 1,0 % 1,0 % 1,0 % Pays 15,7 % 69 % 23,3 % 100 % 54 % 20,2 % 87 % 40 % 23,0 % 98 % 52 % 22,2 % 98 % 52 % 24,3 % 72 % 43 %

Impact de l’AMT par secteur d’activité avec un objectif de revenus augmentés de 1 % du PIB et sans protection des entreprises à profit nul ou négatif

60Un premier résultat notable est que l’AMT augmente le pourcentage total d’entreprises qui sont touchées par un impôt. Trois des bases d’AMT utilisant les actifs sur les quatre bases possibles permettent de couvrir 98 % à 100 % des entreprises en moyenne, alors que la quatrième base qui utilise l’actif total net, nous donne un résultat légèrement plus bas avec 87 %. Lorsque l’on utilise le revenu comme base, le pourcentage est proche de la situation initiale avec seulement trois pour cent d’augmentation pour arriver à 72 % des entreprises qui payent une charge d’impôt en moyenne.

61De plus, un point positif pour les AMT basés sur les actifs est la différence de distribution des taux effectifs nets d’impôts en moyenne (première colonne) comparée aux taux observés sous le système actuel. En effet, les secteurs qui bénéficiaient d’un pourcentage d’imposition net plus bas font maintenant face à un taux totalement différent après l’introduction de l’AMT. Par exemple, la production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné passe de 7,3 % à 21,1 %, 15 %, 23,2 % et 17,8 % sous les quatre différentes configurations d’AMT basés sur l’actif, ce qui représente deux à trois fois le taux actuel. En d’autres mots, le précédent secteur bénéficie de larges avantages fiscaux, mais le système d’AMT réussi à identifier les revenus potentiellement dérivables des actifs. D’autre part, cette redistribution des taux n’est pas aussi claire pour l’AMT basé sur le revenu ; les taux sont plus élevés en général, mais le classement des secteurs en termes de taux effectif d’impôts reste similaire.

62Au final, l’idée que les AMT basés sur l’actif touchent lourdement les entreprises aux actifs larges est quelque peu balancée par le fait que ces AMT touchent fortement les entreprises qui bénéficient de larges avantages fiscaux. Donc, les AMT sur l’actif montrent des propriétés de lissage puisqu’elles s’adaptent aux irrégularités et distorsions observables sous le système d’imposition actuel. La dispersion des pourcentages dans la troisième colonne est plus une preuve de flexibilité plutôt qu’un point faible qui augmente les distorsions puisqu’elles sont une réponse logique à la situation chaotique de départ.

63De plus, ce qui pouvait apparaître comme un point négatif précédemment, à savoir un écart-type des taux effectifs d’impôts plus élevés causés par les AMT, peut être balancé par un effet présent dans le tableau 3. On peut voir que les nombres de la troisième colonne de chaque bloc représentent les différents pourcentages d’entreprises touchées par l’AMT, mais les plus élevés d’entre eux sont souvent observés pour des secteurs qui avaient un taux effectif parmi les plus bas sous le système actuel. Ces secteurs sont entre autres, l’agriculture, la sylviculture et la pêche, les administrations et la défense publique. Nous trouvons également le résultat opposé pour les sociétés qui commencent avec un impôt élevé sous le système actuel ; les services de santé, l’IT et les services financiers qui sont plus légèrement touchés par l’AMT en moyenne, malgré des bilans comprenant des actifs importants pour certaines de ces entreprises.

8 – Conclusion

64Cet article est, à notre connaissance, la première tentative d’évaluation détaillée des impacts potentiels de l’introduction d’un impôt minimum alternatif sur les entreprises belges. Nous comparons les effets d’un impôt minimum basé sur les actifs avec ceux d’un impôt minimum alternatif basé sur les revenus. L’idée de simuler un impôt minimum basé sur le revenu est de pouvoir le comparer avec le système actuel, ce à quoi pourrait ressembler un impôt sur le revenu des entreprises plus simple, clair et plus efficace [11]. Pour les AMT basés sur les actifs, nous avons testé plusieurs configurations, pour un revenu visé, en termes d’impact sur des entreprises de types différents et de secteurs d’activités différents avec un système de taxation simplifié introduit par les AMT en tant que transition vers une réforme de l’impôt des sociétés. L’idée dans ce cas est plus d’illustrer ce qu’un système de transition basé sur des bases taxables simples pourrait fournir comme utilité alors que le gouvernement s’attellerait à l’adoption d’un système d’imposition plus simple à base plus large et au taux statutaire plus bas, mais qui reste malgré tout capable de générer des revenus proches de ceux observés en moyenne en Europe.

65Les résultats principaux valident quelques attentes rationnelles, mais ouvrent aussi de nouvelles pistes. Le résultat le plus attendu est que l’AMT est fiable lorsqu’il s’agit de générer des revenus additionnels, mais ces revenus additionnels viennent au coût d’un taux d’imposition moyen effectif plus élevé si le but est d’augmenter le revenu. Le taux effectif actuel est de 15,7 %. Pour un revenu supplémentaire de 1 % du PIB, le taux effectif, avec un AMT basé sur le revenu, augmenterait à 24,3 %. Pour un AMT basé sur l’actif, le taux effectif doublerait si l’on considère la base d’actif la plus politiquement correcte (actif total moins charges de long terme). Au plus le revenu additionnel requis est élevé, au plus le taux effectif d’imposition résultant l’est.

66Parmi les autres résultats attendus, cinq méritent notre attention :

  1. Protéger les entreprises qui ont des revenus nuls ou négatifs sous le système actuel a un coût certain et chiffrable. Les protéger augmente le taux requis pour que l’AMT génère les revenus additionnels visés vu que la base est plus étroite.
  2. Décider de ne pas protéger ces entreprises réduirait les taux requis sous toutes les configurations d’AMT, mais toucherait toutes les entreprises, y compris celles qui ont de véritables problèmes financiers et non pas juste celles qui sont suffisamment ingénieuses que pour ne pas payer d’impôts de manière volontaire.
  3. Se baser sur les actifs plutôt que sur les revenus pour la configuration de l’AMT pénaliserait les entreprises les plus gourmandes en capital. Les distorsions peuvent être mitigées si l’on redéfinit les actifs (e.g. distinguer entre les actifs nets et bruts), mais elles ne peuvent pas être éliminées.
  4. Se baser sur les actifs nets favorise l’effet de levier, car cumuler toutes sortes d’emprunts est le moyen le plus direct pour augmenter ses charges.
  5. Tous les secteurs ne sont pas affectés de manière égale par l’AMT. Les plus touchés seraient entre autres, l’agriculture, la sylviculture et la pêche, les administrations et la défense publique.

67Parmi les résultats les moins attendus, les plus importants sont :

  1. La plus haute augmentation de taux effectif est associée à un AMT basé sur un actif large. Si le gouvernement décide de continuer à protéger les firmes qui ont un profit nul ou négatif sous le système actuel, le taux effectif serait supérieur à 36 %, ce qui pénaliserait la compétitivité de nombreuses entreprises qui payent déjà des taxes. Ne pas protéger ces entreprises amènerait les taux effectifs aux alentours des 20 %, peu importe la base considérée pour l’AMT.
  2. Hormis pour la base d’AMT la plus large, toutes les autres configurations augmentent la dispersion du taux effectif d’imposition – jusqu’à 11 fois plus dans le cas d’un AMT basé sur l’actif total. L’impact est plus fort si l’on protège les firmes qui ne payent pas d’impôts.
  3. Si l’AMT se base sur les actifs, les simulations suggèrent qu’il faudrait un taux relativement bas. Au maximum, un taux de 0,58 % serait nécessaire sur l’actif net si le but visé est 1 % du PIB supplémentaire et si toutes les entreprises incluses (ou 0,31 % si l’objectif est de 0,5 % du PIB). Les actifs totaux moins les charges à long terme demandent un taux plus bas ; 0,24 % pour 0,5 % d’augmentation de revenus. Cela augmenterait la dispersion du taux effectif de 50 % seulement pour une augmentation du taux même de 15,7 % à 19 %. Si le revenu visé est de 1 % du PIB, le taux de taxation pour cette base serait de 0,88 % si les entreprises actuellement protégées continuent d’être protégées et 0,39 % sinon.
  4. Les grandes et très grandes entreprises seraient les plus touchées par les AMT basés sur les actifs. Les petites entreprises seraient les moins touchées. Un AMT basé sur le revenu n’introduirait pas de distorsions significatives entre entreprises de tailles différentes.
  5. La configuration de la taxe change de manière significative le nombre d’entreprises touchées par l’AMT comparé au système actuel. Trois bases sur quatre parmi les AMT basées sur l’actif permettent d’atteindre 98 à 100 % des entreprises, ce qui est un gain significatif si l’on sait que seulement 69 % des entreprises payent un impôt sous le système actuel. Dans ces cas de figure, au moins 40 % payeraient l’AMT à la place de la taxe classique.

68Dans l’ensemble, les résultats suggèrent donc qu’il y a de bonnes raisons pour qu’un gouvernement soit intéressé par un AMT alors que les entreprises y rechignent. Les simulations montrent qu’avec un taux d’imposition effectif de 16 %, 70 % des entreprises seulement payent un impôt et des distorsions significatives favorisent les très grandes entreprises. Le choix de la base de l’AMT devra cependant prend en compte l’impact sur les changements dans les distorsions créées par l’impôt. Il devra aussi pousser les autorités à évaluer la réelle nécessité et équité de continuer à permettre un pourcentage non négligeable de firmes à ne pas payer d’impôt tout en continuant à être en affaires.

Références

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Date de mise en ligne : 18/11/2014

https://doi.org/10.3917/rpve.531.0063

Notes

  • [1]
    Les deux auteurs sont affiliés à l’ULB. Le second est aussi affilié à ECARES et au CEPR. Nous remercions M. Castanheira, E. De Keuleneer, P. Francotte, G. Nicodème et C. Valenduc pour leurs commentaires. Cependant, toute erreur nous est propre.
  • [2]
    Pour 2010, la taxe est modélisée comme suit : pour des revenus de 0 à 25 000 €, le taux est de 24,08 % ; de 25 000 à 90 000 €, 32,93 % ; de 90 000 à 322 500 €, 32,54 % ; et pour 322 500 € et plus, le taux habituel de 33,99 % est d’application. Des taux réduits peuvent être octroyés, sous certaines conditions, dans les tranches inférieures de bénéfices. Ces taux réduits ne s’appliquent qu’à des sociétés à caractéristiques spécifiques.
  • [3]
    Voir Faulk et al. (2006) pour un résumé sur la taxation présomptive au niveau international.
  • [4]
    Voir par exemple Lyon (1990), van Wijnbergen et Estache (1999), Feenberg et Poterba (2003), Sureth et Maiterth (2005, 2008).
  • [5]
    Nos données excluent également les entreprises qui reportaient un état de faillite ou qui étaient considérées comme « inactives » selon les critères de la loi belge en 2010.
  • [6]
    Le manque d’espace nous empêche de rappeler la multiplicité des avantages fiscaux en Belgique. Pour un listing des règles comptables belges détaillé, voir Offermanns (2011).
  • [7]
    À noter que puisque le taux d’imposition en Belgique est progressif, t devrait être une fonction. Mais dans un but de simplification, nous le modélisons comme étant linéaire. Dans nos résultats empiriques par contre, la progressivité du taux est prise en compte.
  • [8]
    Lors des calculs effectués à partir de la base de données, les « coûts financiers » sont représentés sur une base nette, c’est-à-dire bénéfices et coûts financiers confondus. Le terme correct serait donc coûts financiers nets, incluant donc les revenus financiers.
  • [9]
    Les données ne prennent pas en compte les entreprises considérées comme « inactives » ou qui ont déposé le bilan pour faillite selon la loi belge en 2010.
  • [10]
    La moyenne de l’UE 17 en fin 2010 était de 2,9 % du PIB pour la moyenne arithmétique et de 2,2 % du GDP pour la moyenne pondérée par le PIB. Pour l’UE des 27, la moyenne arithmétique est de 2,7 % du PIB et la moyenne pondérée de 2,4 % du PIB (European Commission – Taxation and Custom Unions, 2012). Cela dit, nos calculs se basent sur un échantillon des entreprises situées en Belgique qui est différent de la base utilisée par la Commission. Il y a donc une marge d’erreur quant au pourcentage précis qui en ressort.
  • [11]
    En pratique, l’impôt devient plus efficace dans ce contexte parce qu’il réduit l’écart-type par rapport au système actuel.

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