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Article de revue

Les limites environnementales à la croissance en macroéconomie

Pages 25 à 46

Notes

  • [1]
    Professeur, CEREC, Facultés universitaires Saint-Louis et Extramural Fellow, IRES, UCLouvain.
  • [2]
    Maître de conférences, EQUIPPE, Université de Lille 3 et Extramural Fellow, IRES, UCLouvain.
  • [3]
    Par ce label, nous entendons à la fois les modèles de croissance standards qui ignorent toute question environnementale et ceux qui intègrent ces questions sans égard pour les critiques des économistes écologiques.
  • [4]
    Par croissance optimale, nous entendons la question du choix de la meilleure trajectoire possible d’une économie. Le premier article de ce numéro de la revue en a dit quelques mots quand il a abordé les thèmes de la soutenabilité faible et forte.
  • [5]
    L’utilisation de l’adjectif « perpétuel » est ici purement métaphorique. Il ne s’agit pas de sous-entendre que l’espèce humaine est immortelle. L’échelle de temps dont il est question ici se compte tout au plus en milliers d’années.
  • [6]
    Rien n’empêche que le long terme soit une situation stationnaire où les variables économiques ont atteint une valeur stable et que la dynamique transitoire soit simplement l’histoire de la convergence vers cette situation stationnaire. Rien n’empêche non plus le cas particulier du scénario précédent où la situation stationnaire serait celle d’une économie après qu’elle se soit effondrée et où la dynamique transitoire serait faite de l’histoire de cet effondrement.
  • [7]
    Solow estima qu’il s’agissait d’une hypothèse réaliste mais s’abstint de commenter le réalisme de l’hypothèse d’absence de dépréciation du capital pourtant nécessaire à ce résultat.
  • [8]
    Plus formellement dit, un sentier de croissance positive de l’activité et de la consommation peut ne pas être une trajectoire optimale si les agents économiques ont un taux de préférence pour le présent trop élevé.
  • [9]
    Par théorie de la croissance endogène, nous entendons les modélisations où la croissance ne découle pas d’un trend exogène (augmentant la quantité disponible et/ou la productivité de certains facteurs de production) mais bien de processus d’innovation, de progrès technique et/ou d’accumulation (de capital productif et/ou humain) totalement endogènes au système économique décrit par le modèle.
  • [10]
    Cet article s’intéresse à l’ensemble des sources de croissance et comporte une courte extension consacrée à la question des ressources renouvelables.
  • [11]
    En remplaçant la technologie de l’encadré 2 par equation im21 et en reprenant le même raisonnement, on peut voir que seul un cas où b serait suffisamment plus grand que 1 permet d’échapper à la décroissance.
  • [12]
    On trouvera une présentation de leur argumentaire chez Cleveland et Ruth (1997) et Daly (1997) notamment.
  • [13]
    On trouvera chez Kryziak (2006) une analyse formelle (assez difficile d’accès par son degré d’abstraction et de généralité) des implications de l’ensemble des lois de conservation et de la loi d’entropie.
  • [14]
    Solow (1997) écrit notamment : « everything is subject to the entropy law, but this is of no immediate practical importance for modeling what is, after all, a brief instant of time in a small corner of the universe ».
  • [15]
    Dans le modèle, ce coût marginal croissant découle du fait que l’intensité capitalistique de la technologie d’extraction de la ressource est supposée croissante dans le taux d’utilisation agrégé de celle-ci, ce que des observations empiriques confortent. Il peut toutefois n’être que très légèrement croissant (voire constant) pour des valeurs « faibles » de ce taux d’utilisation mais il importe qu’il devienne très croissant quand le taux d’utilisation de la ressource approche l’unité.
  • [16]
    Bien qu’il ne soit pas une ressource recyclable et qu’il soit en outre non renouvelable, on peut ici prendre l’exemple du pétrole : son utilisation massive impose de recourir à des techniques d’extraction toujours plus coûteuses.
  • [17]
    Faisons en outre remarquer que les caractéristiques du sentier de croissance de long terme vers lequel converge l’économie de notre modèle (stabilité des variables matérielles, croissance de la qualité des produits) dépendent évidemment de notre hypothèse d’un recyclage parfait. S’il était imparfait, les variables matérielles ne pourraient se stabiliser à une valeur constante mais chuteraient inévitablement à long terme.
  • [18]
    On peut aussi ajouter que les dégradations environnementales pourraient détériorer la productivité du travail et du capital, par exemple si elles compliquent l’organisation de la production ou affectent l’état de santé des travailleurs.
  • [19]
    Ceci signifie qu’un doublement des activités de dépollution compense parfaitement l’impact environnemental d’un doublement du flux brut de pollution.
  • [20]
    Mais l’hypothèse d’une fonction ? (Et) linéaire comme ci-dessus est certainement très optimiste puisqu’elle signifie que la capacité de régénération de l’environnement est d’autant plus grande qu’il est pollué. Si l’environnement se régénère d’autant plus difficilement qu’il est pollué (c’est-à-dire si ? (Et) est décroissant en Et), les conditions d’existence d’un sentier de croissance soutenable d’un point de vue environnemental peuvent s’avérer plus restrictives (voir à nouveau Chevé (2000)).

1 – Introduction

1On connaît la phrase de l’(économiste) américain Kenneth Boulding : “Anyone who believes that exponential growth can go on forever in a finite world is either a madman or an economist.” Aux yeux d’un économiste pourtant, la question d’une croissance économique « illimitée » n’est a priori pas aussi absurde et à tout le moins pas aussi triviale que ce que cet aphorisme pourrait laisser penser. Cet article cherchera à montrer pourquoi et à identifier quel type de croissance durable est (im)possible dans un monde fini.

2Le premier article de ce numéro spécial a rappelé que les questions environnementales et celle des limites qu’elles font peser sur l’activité humaine ne sont pas neuves dans la théorie économique. On ne peut toutefois nier que la branche de la macroéconomie moderne qu’est la théorie de la croissance accorde une importance relativement modeste à ces questions, du moins si l’on s’en tient à la théorie dominante que nous désignerons ici par le label « théorie néoclassique de la croissance » [3]. S’il en est ainsi, c’est d’abord parce que ceux des modèles néoclassiques qui ont examiné le rôle des contraintes environnementales ont souvent abouti à des conclusions plutôt rassurantes dont nous reparlerons plus loin. C’est certainement aussi parce qu’en apparence les contraintes de ressources ne semblent guère avoir pesé sur la croissance économique des pays industrialisés pendant l’essentiel des XIXe et XXe siècles.

3Cet article ne vise pas un survol plus ou moins exhaustif et systématique des modèles de croissance qui intègrent l’une ou l’autre problématique environnementale. Nous voulons plus globalement identifier les réponses qu’apporte la théorie macroéconomique à la question des limites environnementales à la croissance. Nous examinerons tout d’abord la question de la finitude des ressources utilisées dans les processus productifs puis, plus marginalement, celle des dégradations environnementales, plus amplement discutée ailleurs dans ce numéro. Nous examinerons les développements de la théorie néoclassique et la manière dont ils sont remis en cause ou infléchis lorsqu’on en prend en compte les (ou certains des) arguments des économistes écologiques.

4Quelques précisions préalables sont nécessaires. Tout d’abord, nous ne nous intéressons pas ici à un type particulier de ressource matérielle plus ou moins critique ou épuisable, ni à un type particulier d’espèce vivante ou d’écosystème particulièrement menacé. Nous parlons des ressources d’une manière générique et envisageons qu’elles puissent ou non s’épuiser ou disparaître.

5Précisons ensuite que nous n’aborderons (pratiquement) pas la question de la désirabilité de la croissance mais que nous nous focaliserons sur la question de la faisabilité d’une trajectoire de croissance durable en présence de contraintes environnementales. Ceci signifie en particulier que nous n’évoquerons que très peu le thème de la croissance optimale [4], cela même s’il est au cœur d’un certain nombre d’articles auxquels nous ferons référence. La question de l’optimalité d’une trajectoire de croissance ne se tranche qu’à l’aune d’un choix normatif particulier, par exemple celui de la fonction de bien-être social par rapport à laquelle s’évaluent les différentes trajectoires possibles. À elle seule, la question de ce choix mériterait un autre article.

6Les théoriciens de la croissance s’intéressent peu aux questions de très court terme (celles qui touchent aux fluctuations conjoncturelles) et se préoccupent plutôt de questions de très long terme et de moyen-long terme, ce qu’on appellera plus techniquement la dynamique de long terme et la dynamique transitoire. L’étude de la dynamique de long terme d’une économie porte sur les conditions d’existence et les propriétés d’un sentier de croissance (de l’activité, des revenus…) le long duquel l’économie pourrait évoluer de façon durable, voire « perpétuelle » [5]. L’étude de la dynamique transitoire s’intéresse aux caractéristiques de la trajectoire que va temporairement suivre une économie qui n’a pas encore atteint son sentier de long terme [6]. La question des limites environnementales à la croissance porte à la fois sur l’impact des contraintes environnementales sur la dynamique de long terme et sur la dynamique transitoire de l’économie. Par exemple, l’utilisation d’une ressource non renouvelable (comme le pétrole) affecte nécessairement la dynamique transitoire mais ne joue plus aucun rôle direct dans la dynamique de long terme si elle est épuisée.

7De par la nature de son objet d’étude, la littérature survolée ici est très formalisée : elle fait appel à des modèles mathématiques dynamiques plus ou moins sophistiqués. Nous éviterons d’entrer dans ces aspects formels en privilégiant les intuitions fondamentales et en ne recourant à la formalisation mathématique que là où elle permet de rendre un argument plus immédiatement transparent.

2 – La position néoclassique sur la question des ressources (non) épuisables

8Le livre Limits to Growth (1972) mettait en avant plusieurs limites que les contraintes environnementales imposeraient à la croissance économique et à celle de la population : l’épuisement des ressources non renouvelables, l’utilisation non soutenable de ressources renouvelables (sollicitées au-delà de leur capacité de régénération), les dégâts environnementaux. Bon nombre d’économistes de l’époque minimisèrent la portée des conclusions pessimistes du livre en soulignant qu’elles découlaient largement du fait que les auteurs avaient négligé que l’éventuelle raréfaction des ressources enclencherait des mécanismes économiques (de substitution et d’innovation technologique) susceptibles d’atténuer, voire de résoudre, les problèmes liés à cette raréfaction.

2.1 – L’épuisement d’une ressource essentielle menace-t-elle nécessairement l’activité ?

9Le numéro spécial que la revue Review of Economic Studies consacra en 1974 à l’économie des ressources non renouvelables apparaît comme une contre-offensive en bonne et due forme face à certaines des menaces évoquées par le Club de Rome. En particulier, les contributions de Dasgupta et Heal (ci-après DH), de Solow et de Stiglitz à ce numéro allaient faire date et orienter la manière dont la théorie (néoclassique) de la croissance s’approprierait la question de l’impact de la raréfaction des ressources. Ci-après, nous désignerons par DHSS (pour Dasgupta-Heal-Solow-Stiglitz) l’ensemble de ces trois contributions.

10On peut résumer le cœur de leur argumentation de manière relativement simple. Dans ces modèles, la ressource naturelle apparaît comme un facteur de production supplémentaire dans une fonction de production agrégée Yt = Ft(Kt, Lt, Rt) où Yt est l’activité économique agrégée (le PIB) en t, Kt le stock de capital productif en t, Lt l’emploi en t et Rt le flux de ressource non renouvelable utilisé dans la production de la même période. La fonction F représente la technologie, c’est-à-dire la façon dont se combinent les trois facteurs K, L et R pour donner un certain niveau d’activité : F est une fonction croissante en chacun des facteurs de production et le fait qu’elle est indicée par la variable de temps t traduit que la technologie peut changer au cours du temps, notamment en fonction du progrès technique.

11Il n’est pas utile de préciser si R est une ressource qui entre comme composant constitutif de la production finale (par exemple, les minerais) ou si elle est un flux d’énergie nécessaire au fonctionnement des équipements productifs (par exemple, le pétrole ou le gaz naturel). Il importe seulement qu’elle soit non renouvelable (au moins dans un intervalle de temps comparable à celui de l’histoire de l’humanité). Elle est donc épuisable, le stock de ressource encore disponible diminuant durant une période d’une quantité égale au flux de ressource utilisé pendant celle-ci.

12En suivant DH, on dira que la ressource est essentielle à la production si celle-ci est nulle lorsqu’aucune unité de la ressource n’est utilisée : R est essentielle si avec R=0, Yt=Ft(Kt, Lt, 0) = 0 quelles que soient K et L. Dans l’encadré 1 ci-joint, nous prenons à titre d’exemple le cas bien connu d’une fonction de production à élasticité de substitution constante entre les facteurs de production (aussi appelée fonction CES), fonction qui admet comme cas particulier la célèbre Cobb-Douglas equation im1 avec A, a, b, c > 0, A étant un facteur d’efficacité de la technologie.

13On comprend d’emblée que l’épuisement d’une ressource n’est une éventuelle menace pour l’activité économique et sa croissance que si cette ressource est effectivement essentielle. Certains pourraient tenter d’argumenter qu’une ressource épuisable peut très bien ne pas être essentielle ou ne pas le rester, l’inventivité de l’homme laissant espérer qu’il apprenne à remplacer une ressource devenue trop rare par une autre. Les exemples de productions où de telles substitutions ont eu lieu ne sont pas rares. Mais cet argument ne peut pas être généralisé à un niveau aussi agrégé que celui que nous considérons ici. De la même manière que la variable agrégée K rassemble les différentes formes de capital productif disponibles, la variable agrégée R regroupe les différents types de ressources mobilisables. Autrement dit, considérer une variable agrégée R revient déjà à supposer qu’on peut (facilement) substituer un type particulier de ressource par un autre et un scénario où aucune ressource d’aucune sorte ne serait essentielle à la production nationale ne peut être qu’une curiosité toute théorique.

14Ci-après, nous considérons donc que dans un modèle très agrégé, seul le cas d’une ressource essentielle est pertinent. En la matière, l’argumentaire développé par DHSS va précisément montrer que contrairement à ce qu’une analyse trop superficielle pourrait laisser croire, l’épuisement d’une ressource essentielle ne condamne pas nécessairement une économie au déclin, ni même à voir disparaître toute perspective de croissance. Deux éléments peuvent en effet compenser (voire plus que compenser) l’effet négatif de la raréfaction de la ressource sur l’évolution de l’activité économique : a) la substitution de la ressource essentielle par un facteur de production créé par l’homme et b) un progrès technologique qui améliore suffisamment la productivité de la ressource.

15Pour comprendre de façon intuitive ces deux arguments, il est utile de recourir à la notion de Productivité Moyenne de la Ressource (ci-après PMR) définie par le ratio equation im2, et d’écrire, de façon purement tautologique, l’activité économique d’une période comme le produit de cette productivité moyenne et de la quantité de ressource utilisée pendant la même période Yt = PMRtRt. Cette simple décomposition souligne qu’une condition nécessaire pour que l’épuisement progressif d’une ressource essentielle n’entraîne pas le déclin de l’activité économique est que sa productivité moyenne puisse devenir infiniment grande quand la ressource tend à disparaître. En effet, si la productivité moyenne de la ressource est bornée supérieurement, le fait que Rt tende vers zéro implique que l’activité Yt = PMRtRt tend aussi à devenir nulle. Mais une substitution suffisante entre les facteurs de production et/ou un progrès technique suffisant peuvent faire en sorte qu’on échappe à ce scénario funeste.

16Si on aborde ici le cas de ressources épuisables, faisons toutefois déjà remarquer que la question d’une croissance éventuellement illimitée de l’activité économique ne se pose pas dans des termes qualitativement très différents dans le cas de ressources renouvelables ou de ressources recyclables. Bien entendu, l’éventualité de l’épuisement de la ressource disparaît (si elle est renouvelable ou parfaitement recyclable), mais il demeure que la ressource n’est disponible qu’en quantité limitée. Pour reprendre les notations de ci-dessus, si R désigne maintenant une ressource renouvelable ou recyclable dont le flux n’est jamais nul mais toujours fini, une croissance illimitée de Y réclame, comme dans le cas d’une ressource épuisable, une PMR potentiellement infinie. Les ressorts d’une croissance illimitée de l’activité économique (du moins dans sa dimension matérielle) sont donc fondamentalement les mêmes, que les ressources soient épuisables ou non.

Encadré 1. Ressources essentielle et non essentielle dans le cas d’une technologie CES

Soit la technologie suivante equation im3, avec At > 0 un facteur de productivité, a, b, c > 0, a + b + c = 1, equation im4 où ?>0 est l’élasticité de substitution entre les facteurs. Dans le cas considéré ici, les rendements d’échelle sont constants mais il suffit d’élever la fonction CES(Kt, Lt, Rt) à une puissance supérieure à 1 pour obtenir une technologie à rendements croissants.
Dans le cas limite où les trois facteurs sont parfaitement substituables, ? est infiniment grand et ? tend vers 1 : la fonction CES devient une simple somme pondérée des quantités de facteurs utilisées. Dans le cas limite opposé où il est impossible de substituer un facteur par un autre (cas de facteurs strictement complémentaires), ? tend vers 0 et on peut montrer que la CES tend vers une fonction Leontieff des trois facteurs. Le cas intermédiaire où ?=1 (ou ?=0) correspond à la fonction de production Cobb-Douglas reprise dans le texte principal. Les facteurs sont facilement substituables lorsque ?>1 (ou ?>0). Les possibilités de substitution deviennent faibles pour des valeurs de ? inférieures à 1 (ou des valeurs de ? négatives).
Dans le cas d’une telle technologie, il est immédiat de vérifier que la ressource n’est pas essentielle lorsque ?>1 (ou ?>0) : dans ce cas, R=0 est compatible avec un niveau d’activité strictement positif donné par
equation im5
quantité strictement positive dès lors que K>0 ou L>0. La disparition de la ressource n’empêche donc pas l’activité économique de se poursuivre, ni même de croître dès lors qu’il y aurait accumulation de capital productif et/ou croissance démographique (ou encore croissance du facteur de productivité At).
Par contre, la ressource est essentielle lorsque les possibilités de substitution entre facteurs sont plus faibles et au plus égales à celles que permet une technologie Cobb-Douglas : si ??1 (ou ??0), l’absence totale de ressource entraîne une production CESt(Kt, Lt, 0) nulle, quelles que soient les quantités engagées des autres facteurs.
Dans le cas de la CES, l’expression de la productivité moyenne de la ressource est
equation im6
Si ? ? 1 (ou ? ? 0), il est aisé de vérifier que la PMR devient infinie quand R tend vers 0. Mais si ?<1 (ou ? ? 0 ), la PMR tend vers une constante positive (fonction de A, c et ?) quand R tend vers 0.
S’il y a un progrès qui améliore l’efficacité de la ressource comme évoqué dans la sous-section 2.3, la productivité moyenne de la ressource devient :
equation im7
Même si ?<1 (ou ?<0), la PMR peut donc devenir infinie lorsque R tend vers 0 si ?t croît suffisamment vite dans le temps. La même chose est possible si une autre forme de progrès technique fait croître suffisamment vite At.

2.2 – La substitution entre les facteurs de production

17Quelle que soit la technologie, la PMR dépend des quantités mises en œuvre de la ressource et des autres facteurs de production ainsi que des possibilités de substitution entre ces facteurs (en particulier entre le facteur K qui peut être fabriqué et accumulé par l’homme et le facteur R qui, à l’inverse, s’épuise). L’encadré 1 en a donné l’exemple. Dans le cas bien connu d’une fonction de production Cobb-Douglas equation im8 (cas d’une élasticité de substitution unitaire entre la ressource et les autres facteurs), on a

18

equation im9

19Il est immédiat de constater que, dans ce cas, la PMR devient infinie lorsque Rttend vers zéro et que des quantités strictement positives des autres facteurs sont utilisées. Cette technologie se révèle donc un cas très particulier : bien que la ressource soit essentielle et la production impossible sans elle, sa productivité moyenne est potentiellement infinie, ce qui peut suffire à compenser l’effet de son épuisement progressif. Par exemple, Solow (1974) montra qu’avec une telle technologie et en l’absence de progrès technique, de croissance démographique et d’obsolescence du capital, il suffit que l’élasticité de l’output au capital productif soit plus élevée que celle de l’output à la ressource (soit a>c) [7] pour rendre possible un niveau stationnaire strictement positif de consommation (par habitant), cela malgré que le stock de ressource approche 0. Toujours avec une technologie de ce type, Stiglitz (1974) montra que la condition du maintien d’un niveau de consommation stationnaire positif malgré l’épuisement de la ressource pouvait être encore plus facilement rencontrée dans le cas de rendements d’échelle croissants.

20En l’absence de progrès technique, l’épuisement de la ressource entraîne par contre inévitablement le déclin de l’économie si les possibilités de substitution entre facteurs sont plus faibles que ce que permet la fonction de production Cobb-Douglas, c’est-à-dire lorsque l’élasticité de substitution entre la ressource et les autres facteurs est inférieure à 1 (voir encadré 1). Ceci reste vrai même avec des rendements d’échelle croissants.

2.3 – Le progrès technique

21La discussion qui précède a déjà circonscrit l’objet d’inquiétude. L’épuisement d’une ressource non renouvelable essentielle ne menacerait l’activité que dans une économie où les possibilités de substitution entre cette ressource et les autres facteurs sont limitées. Cette première conclusion qu’il existe bien des cas problématiques peut toutefois être considérablement adoucie si l’on considère l’éventualité d’un progrès technique exogène qui améliore l’efficacité de la ressource. C’est ce que montrent les contributions de Solow (1974) et Stiglitz (1974).

22Pour le comprendre, distinguons les unités physiques de la ressource utilisées dans la production (ce que nous avons appelé Rt ) et les unités efficaces de la ressource : ?tRt où le facteur d’efficacité ?t croît dans le temps sous l’effet d’un progrès technique qui réduit donc la dépendance de la technologie envers la ressource naturelle : au fur et à mesure que ?t augmente, moins d’unités physiques Rt de la ressource sont nécessaires pour obtenir le même nombre d’unités efficaces ?tRt. Reprenons notre fonction de production où la ressource apparaît maintenant en unités efficaces : equation im10 et

23

equation im11

24Le progrès technique fait évidemment croître la PMR. S’il est suffisamment fort pour que l’efficacité de la ressource ?t croisse à un taux supérieur au taux auquel la ressource essentielle s’épuise, la PMR de la ressource (mesurée en unités physiques de celle-ci) peut devenir infiniment grande même dans le cas de technologies où elle est bornée en l’absence de progrès technique (voir fin d’encadré 1). L’activité peut donc croître (la croissance économique reste possible) malgré l’épuisement de la ressource essentielle et les possibilités de substitution (éventuellement très) limitées entre celle-ci et les autres facteurs.

25Bien entendu, les modèles DHSS n’éclairent pas explicitement les ressorts du processus de progrès technique qui, dans ces modélisations, reste exogène. Il sera initialement argumenté de manière littéraire que la raréfaction des ressources naturelles implique des mouvements de prix relatifs qui créent justement les incitations économiques à de telles innovations technologiques.

26Terminons l’examen de cet argument pas trois remarques :

  • On aura compris que Solow est optimiste quant à la faisabilité (c’est-à-dire la possibilité physique) d’une croissance économique malgré l’épuisement de la ressource essentielle. Solow (1974b) souligne toutefois que ce sentier de croissance physiquement réalisable peut ne pas être atteint dans une économie où les agents économiques sont trop court-termistes [8]. En soi, ce constat n’est pas surprenant : pour que la croissance soit effectivement possible, il faut que les agents économiques valorisent suffisamment le futur et qu’ils investissent donc assez (ou n’épuisent pas la ressource trop vite dans le présent cas). Mais ce constat met en lumière qu’au-delà de la question des limites physiques, d’autres limites à la croissance peuvent découler du comportement même des agents économiques.
  • Pour faire écho au premier article de ce numéro spécial, soulignons que les hypothèses « optimistes » mises en avant ici (possibilités de substitution suffisantes et/ ou un progrès technique suffisant) sous-tendent la thèse de soutenabilité faible, concept qui n’apparaîtra dans la littérature que postérieurement à DHSS.
  • Tout ce qui vient d’être dit dans le cas de ressources épuisables pourrait être transposé au cas de ressources non épuisables (renouvelables ou recyclables). Si grâce au progrès technique, la croissance économique peut se poursuivre malgré la raréfaction de ressources épuisables, il n’en ira évidemment pas autrement dans le cas de ressources non épuisables.

2.4 – L’empreinte de DHSS dans la théorie moderne de la croissance

27Les conclusions issues de DHSS vont marquer de façon profonde et durable les développements ultérieurs d’un large pan de ce qui va devenir la théorie de la croissance endogène [9]. Cette influence va se marquer de deux manières.

28D’une part, l’essentiel de cette littérature va se construire en ignorant totalement la question des ressources, simplification qui témoigne que, dans la suite des contributions de DHSS, cette problématique n’apparaît nullement essentielle à bon nombre d’auteurs qui s’intéressent aux déterminants de la croissance de long terme. Sur ce point, l’examen de l’un ou l’autre manuel qui fait référence en matière d’enseignement de la théorie moderne de la croissance est plus éloquent qu’une liste d’articles proposant des modèles sans ressource naturelle d’aucune forme. Ainsi, même dans sa deuxième édition de 2004, le livre Economic Growth de Barro et Sala-i-Martin (600 pages) ne contient aucun mot relatif à la question environnementale. Dans les presque 1 000 pages de son récent livre Modern Economic Growth (2009), Daron Acemoglu utilise une seule fois les termes « ressources naturelles » au détour d’un court paragraphe et ne traite sur le fond d’aucune problématique environnementale. Dans Endogenous Growth Theory (près de 700 pages), Aghion et Howitt (1998) ont le mérite d’aborder explicitement la question mais elle reste cantonnée dans un morceau d’un court chapitre de 18 pages consacré au lien entre croissance et développement soutenable. À un niveau moins avancé, Mankiw et Taylor (2011) évoquent dans Principes de l’économie (livre qui sera pour de nombreux étudiants leur seul contact avec la théorie économique) la question des ressources naturelles et conclut sans précaution particulière que leurs « prix de marché ne nous donnent pas de raison de penser (…) [qu’elles] sont une limite à la croissance » (p. 685). Il ne s’agit pas ici de jeter l’opprobre sur ces manuels excellents à d’autres égards mais bien d’illustrer au travers eux que, dans la foulée de DHSS, le problème des ressources n’apparaît effectivement pas fondamental aux yeux de nombreux théoriciens de la croissance.

29D’autre part, l’influence de DHSS sera aussi perceptible chez d’autres auteurs qui, en moins grand nombre, vont intégrer la problématique des ressources non renouvelables dans les modèles de croissance endogène. DHSS ont montré que le progrès technique pouvait être une réponse au problème de la rareté des ressources mais le progrès technique n’est évidemment pas un mécanisme automatique : il découle notamment d’investissements en recherche et développement. Les modèles de croissance endogène avec ressources vont donc étudier la dynamique de ce processus. Mais ces modélisations vont le plus souvent s’inscrire dans la tradition néoclassique en adoptant des hypothèses technologiques qui traduisent une substituabilité élevée entre la ressource et les autres inputs. Une fonction de production Cobb-Douglas intégrant facteurs de production créés par l’homme, travail et ressource restera ainsi la technologie de production de biens et services la plus fréquemment rencontrée dans ces modélisations. Une bonne partie de ces modèles vont donc conclure qu’en dépit de l’épuisement de la ressource naturelle, les mécanismes endogènes de croissance permettent bien, sous certaines conditions, une croissance perpétuelle de la production ou de la consommation par habitant (voir, par exemple, Jones et Manuelli (1997) [10], le modèle « schumpétérien » d’Aghion-Howitt (1998) repris par Grimaud et Rougé (2003)…).

30Les conclusions des modèles de croissance endogène néoclassiques ne sont toutefois pas unanimement rassurantes. Un certain nombre d’entre eux aboutissent en effet à des résultats plus inquiétants (voir notamment l’exemple simple mais frappant de l’encadré 2). Sur ce point, Groth et Schou (2002) soulignent très justement que la réponse qu’apportent les modèles néoclassiques à la question des limites à la croissance liées à l’épuisement des ressources est conditionnée par leur hypothèse quant à la dépendance du moteur de croissance endogène envers les ressources.

31Le modèle de l’encadré 2 est précisément un modèle où le moteur de la croissance (l’accumulation du capital) est lui-même dépendant de la ressource naturelle puisque le capital est un bien produit à l’aide d’une technologie où la ressource est essentielle. Sauf à supposer des rendements d’échelle suffisamment croissants par rapport au facteur capital [11], le seul moteur de croissance de cette économie s’éteint avec l’épuisement de la ressource. Ce résultat ne vaut pas que pour le cas particulier de l’encadré 2 : ainsi, Groth et Schou (2002) montrent qu’il n’existe pas de sentier de croissance équilibrée dans un modèle de croissance endogène uni-sectoriel où la technologie est (pourtant) une Cobb-Douglas des facteurs (K, L, R).

32À l’inverse du modèle de l’encadré 2, les modèles néoclassiques de croissance endogène aux résultats plus optimistes supposent un moteur de croissance indépendant de la ressource épuisable. Les modèles de ce type considèrent typiquement deux secteurs : un secteur productif de biens et services où la technologie est de type Yt = AtF(Kt, Lt, Rt) et un secteur de recherche et développement (ou d’innovation) dont l’activité améliore la productivité globale des facteurs mesurée par At. C’est donc l’activité de ce secteur-ci qui est le moteur de croissance endogène de cette économie. Moyennant une hypothèse technologique ad hoc (par exemple, le secteur de R&D n’utilise que du travail dont l’offre totale est supposée exogène), le moteur de croissance peut être rendu totalement indépendant de la ressource naturelle comme dans les modèles schumpétériens de Aghion-Howitt (1998), Grimaud-Rougé (2003) ou encore comme chez Bretschger et Smulders (2012).

Encadré 2. Un modèle AK avec ressource naturelle essentielle

Le modèle AK est certainement le modèle de croissance endogène le plus simple. Il suppose que les rendements d’échelle par rapport au seul facteur capital sont constants ce qui permet – sous certaines conditions – que la seule accumulation du capital soit un moteur de croissance perpétuelle de l’économie. Quand ils ignorent les ressources naturelles, ces modèles postulent une technologie Y=AK (d’où le nom de ces modèles) où A>0 est un paramètre technologique. L’absence apparente du facteur travail L de cette technologie peut s’interpréter comme le résultat d’une normalisation de la population active (et donc de l’emploi si on raisonne en plein emploi ou à taux de chômage structurel constant) à une valeur constante qu’on peut donc intégrer dans le paramètre A. Comme différents auteurs l’ont montré, cette fonction AK peut aussi être la forme réduite d’un modèle plus sophistiqué où le capital accumulé est non seulement du capital physique mais aussi du capital humain (voir, par exemple, Barro et Sala-i-Martin (2004)). Le moteur de croissance ici n’est donc pas l’innovation technologique mais bien l’accumulation de capital au sens large (capital physique et/ou humain).
On peut intégrer une ressource naturelle essentielle dans un modèle AK en proposant, par exemple, comme chez Aghion et Howitt (1998), la technologie : equation im12 avec c>0.
L’accumulation nette de capital durant une période (c’est-à-dire la différence entre l’investissement I de la période et la dépréciation du capital préexistant) s’écrit
equation im13 où ? est le taux de dépréciation des équipements déjà productifs en t. Si l’on suppose le taux d’épargne s de l’économie constant (ce qui n’affecte en rien les conclusions qualitatives de l’analyse), equation im14 et l’équation d’accumulation du capital s’écrit equation im15. On en déduit de façon immédiate le taux de croissance du capital :
equation im16
Si on ignore la ressource comme dans le modèle AK original (cas où c=0), on voit que ce taux de croissance est simplement sA - ?. Il suffit donc que la condition sA > ? soit satisfaite pour que l’économie croisse perpétuellement à un taux strictement positif.
Mais en présence de la ressource épuisable (cas où c > 0), la conclusion est radicalement différente : comme R tend progressivement vers zéro, le taux de croissance du capital productif (et donc celui de l’activité économique) tend inévitablement vers -?. Au mieux, le taux de dépréciation est nul et l’économie stagne. Mais si ? > 0, l’économie croît à un taux strictement négatif quand la ressource s’épuise. Notons qu’il en ira ainsi même si c<1 et donc même si la PMR de la ressource devient infinie lorsque celle-ci s’épuise. Ceci nous donne l’occasion de souligner qu’une PMR de la ressource infinie est bien une condition nécessaire mais non suffisante du maintien d’une activité économique positive face à l’épuisement de la ressource.
Aghion et Howitt (1998) expliquent intuitivement ce résultat par la métaphore d’un serpent qui se mord la queue : dans l’économie décrite ici, la seule façon de compenser l’effet négatif de la réduction du flux de ressource sur l’activité économique est d’engager davantage de capital. Or l’accumulation du capital est elle-même consommatrice de ressource ce qui rend le problème de la raréfaction de celle-ci insoutenable dès lors qu’il faut aussi compenser l’effet de la dépréciation du capital.

3 – La critique des économistes écologiques et ses implications en macroéconomie

33Dans les modèles de croissance que nous venons d’évoquer, la contrainte environnementale liée à l’utilisation de la ressource prend seulement la forme d’une équation d’évolution du stock de celle-ci en fonction des prélèvements liés à la production. Avant même l’avènement de la théorie de la croissance endogène, des auteurs comme Ayres et Kneese (1969) ou Georgescu-Rosen (1971) vont souligner que d’autres contraintes physiques liées à l’utilisation des ressources sont nécessairement à l’œuvre. Les lois physiques (les lois de conservation de la masse et de l’énergie et la deuxième loi de la thermodynamique) gouvernent le processus de transformation de la matière et de l’énergie dans toute activité humaine en ce compris la production de biens et services. Or ces lois sont ignorées par les modèles néoclassiques. En conséquence, les économistes écologiques [12] vont souligner que ces modèles reposent sur des hypothèses technologiques bien trop optimistes quant aux possibilités de substitution entre les facteurs de production naturels et ceux créés par l’homme. Anderson (1987), par exemple, met en avant que les lois physiques limitent précisément les possibilités de substitution entre ces facteurs ainsi que la manière dont le progrès technique peut affecter ces possibilités.

34Évoquons aussi intuitivement que possible les contraintes que ces lois physiques font peser sur les processus productifs. La loi de la conservation de la masse implique que de la matière ne peut être créée (elle peut seulement être transformée). En conséquence, pour produire un bien matériel d’une masse donnée, une masse au moins équivalente d’inputs matériels doit être engagée dans le processus de production ; nous écrivons une masse au moins équivalente d’inputs car une partie de la masse de ces inputs sera « transformée » en déchets et/ou rejets à l’issue du processus de production plutôt que d’être incorporée dans le bien produit. Il y a donc inévitablement un minimum d’input matériel à engager dans le processus de production de tout output matériel. Baumgärtner (2004) montre ainsi que la loi de conservation de la masse implique que la productivité marginale et la productivité moyenne d’une ressource naturelle qui sert d’input matériel dans un processus de production sont inévitablement bornées supérieurement, que l’on considère un point de vue microéconomique (la technologie d’une entreprise) ou macroéconomique (une fonction de production agrégée). Ceci signifie notamment que tous les modèles de croissance qui font des hypothèses technologiques Yt = Ft(Kt, Lt, Rt) où la PMR peut devenir infinie sont incohérents avec ce principe de conservation. C’est en particulier le cas de tous les modèles qui supposent une technologie Cobb-Douglas.

35Si l’on s’en tient à une interprétation littérale des résultats des modèles de croissance néoclassique avec ressource épuisable, on comprend ici l’étrangeté du scénario selon lequel la production finale deviendrait sans cesse plus grande alors que la quantité de ressources disponibles s’épuiserait. Cela ne serait possible que si la production devenait exclusivement immatérielle : si la ressource s’épuise et que la masse de ressource incorporée dans le processus productif est toujours plus faible, la masse de l’output produit ne peut que se réduire et approcher zéro. Plus encore, cela ne serait possible que si cette production immatérielle était uniquement réalisée à l’aide de facteurs de production eux-mêmes immatériels, c’est-à-dire des facteurs de production dont la construction (s’il s’agit de capital productif) ou la genèse (s’il s’agit de travail ou de capital humain) ne mobilise plus aucune ressource matérielle. On pourrait chercher à infléchir ce constat en soulignant que, dans les faits, certaines ressources sont renouvelables et d’autres recyclables de sorte que les ressources matérielles ne seront jamais épuisées sensu stricto. Mais cela ne changerait rien au fait qu’une croissance sans limite de la production signifierait ici encore une dématérialisation sans limite de celle-ci. On l’aura compris, dans un monde où le stock de ressources matérielles est fini (et, pour partie au moins, éventuellement renouvelable ou recyclable), la croissance des productions matérielles ne peut se poursuivre sans limite. On pourrait encore tenter d’argumenter que le scénario de croissance des modèles néoclassiques serait celui d’une « tertiarisation » toujours plus grande de l’économie mais ceci resterait encore une curiosité toute théorique. Tout d’abord, un certain nombre de services ont (et auront toujours) un contenu matériel non négligeable (soins médicaux…) de sorte que le nombre de services sans contenu matériel est finalement réduit. Mais plus encore, tous les services (même ceux sans contenu matériel direct) ne sont rendus possibles que par la mise en œuvre de facteurs de production qui doivent eux-mêmes être produits et qui ont donc un contenu matériel positif, que l’on parle des équipements productifs (même s’ils se résument à des ordinateurs) ou du travail humain. Même les services immatériels reposent donc au moins indirectement sur l’utilisation de ressources matérielles.

36Les restrictions que nous venons d’évoquer dans les deux paragraphes précédents découlent du seul principe de conservation de la matière. Mais il y a encore le principe de conservation de l’énergie et le second principe de la thermodynamique. Il faut en particulier une quantité minimale d’énergie pour transformer la matière dans le processus productif d’un bien matériel ou pour simplement réaliser la prestation d’un service, fût-il sans contenu matériel. Il y a donc un contenu énergétique minimal nécessaire à la production de tout bien ou service et donc aussi des limites quant aux possibilités de substituer l’énergie par d’autres facteurs de production [13].

4 – Une possible synthèse

37Dans leur réponse à l’article au ton plutôt polémique de Daly (1997), Solow (1997) et Stiglitz (1997) diront qu’il ne s’agit évidemment pas de soutenir la thèse selon laquelle le système économique échappe aux lois physiques. Ils argumenteront que les modèles de croissance que critiquent les économistes écologiques visent seulement un horizon temporel finalement limité, horizon dans lequel les hypothèses technologiques standards peuvent être considérées comme acceptables [14]. D’un point de vue rétrospectif, l’argument peut faire sens jusqu’à un certain point mais, sur le fond, il n’est pas satisfaisant. Il reconnaît d’ailleurs qu’il existerait un horizon temporel au-delà duquel les hypothèses technologiques néoclassiques ne seraient plus correctes. Mais quel serait alors le terme sous lequel les contraintes de ressources importent peu et au-delà duquel elles doivent être prises en compte ? Il n’y a en fait pas de réponse convaincante à l’interpellation des économistes écologiques sans intégration des lois physiques dans les modèles de croissance.

38Plusieurs auteurs se sont orientés dans cette voie. En particulier, le principe de conservation de la matière et/ou de l’énergie a été introduit dans plusieurs modèles de croissance endogène. Curieusement, une partie de ces auteurs restent au milieu du gué : alors qu’ils introduisent l’un et/ou l’autre des principes de conservation, ils maintiennent simultanément des hypothèses technologiques que d’autres comme Anderson (1987) et Baumgartner (2004) ont montré incompatibles avec ces principes. On peut notamment citer les modèles de Smulders (1995), Akao et Managi (2007), Pittel et al. (2010)…

39Dans Fagnart et Germain (2011), nous proposons un modèle de croissance endogène dans lequel les productions finales sont réalisées par transformation d’une ressource essentielle (recyclable) à l’aide d’une technologie dont les propriétés (ainsi que celles du progrès technique qui peut l’affecter) sont cohérentes avec le principe de conservation de la matière. Une des originalités de notre formalisation est de caractériser les biens produits selon deux dimensions : leur contenu matériel (c’est-à-dire la masse de ressource qu’une unité du bien a nécessité pour sa production) et leur qualité (c’est-à-dire la capacité d’une unité du bien à rendre les services que les utilisateurs en attendent). Cet enrichissement de la description des biens est indispensable pour jeter des ponts entre la position des économistes écologiques et celle des économistes orthodoxes : sans modélisation de la dimension matérielle des productions, il n’est pas possible d’intégrer correctement le principe de conservation de la matière ; sans modélisation de la qualité des produits, suivre les économistes écologiques exclut quasi mécaniquement toute forme de croissance durable et, par le fait même, toute chance d’un dialogue constructif entre les deux positions.

40Les entreprises du modèle occupent des positions monopolistiques et le moteur de croissance endogène est le produit de leurs efforts de recherche et développement. Ces efforts permettent d’améliorer la qualité des biens produits (sous la forme d’une plus grande efficacité des biens d’équipement, ou d’une meilleure capacité des biens de consommation à satisfaire les consommateurs). Il en découle aussi un progrès technique qui réduit les besoins en ressource des productions finales, cela en diminuant leur contenu en ressource et/ou en réduisant la masse de déchets issus du processus de production.

41Nos hypothèses technologiques ont quatre caractéristiques importantes :

  1. La production d’une unité de bien final réclame nécessairement une masse positive de ressource matérielle, masse qui se retrouvera en partie incorporée dans ce bien, en partie rejetée sous forme de déchets du processus de production.
  2. Le progrès technique qui permet de réduire les besoins en ressource du processus de production est borné supérieurement : il ne peut conduire à une situation où la masse de ressource nécessaire à la production d’une unité de bien tendrait vers zéro.
  3. En outre, il ne peut conduire à une situation où les équipements productifs eux-mêmes n’incorporeraient plus aucune masse de matière.
  4. Le coût marginal d’exploitation de la ressource est croissant [15] dans le taux d’utilisation agrégé de celle-ci.
  5. Le recyclage de la matière incorporée dans les rejets du processus de production, les déchets des biens de consommation et les équipements mis au rebus est naturel et parfait. En cela, la ressource peut également être qualifiée de renouvelable.
Nos hypothèses 1 et 2 impliquent qu’un état de complète dématérialisation des productions et des équipements et/ou infrastructures utilisés dans les processus de production est physiquement impossible. Ceci paraîtra sans doute réaliste à beaucoup au point que certains puissent se demander pourquoi il nous est nécessaire de mettre cela en avant. Tout simplement, ces hypothèses nous éloignent des hypothèses technologiques des modèles néoclassiques avec ressource puisqu’elles impliquent que la PMR est bornée supérieurement.

42L’hypothèse 4 permet d’éviter – dans le cadre du modèle – un scénario d’épuisement de la ressource. Ce faisant, nous mettons plus immédiatement en avant que la question des limites à la croissance liée à la disponibilité des ressources matérielles se pose quand bien même il n’est nullement question d’épuisement de ces ressources. Ensemble, les hypothèses 3 et 4 nous permettent de souligner que d’un point de vue strictement économique, la question de la rareté des ressources se pose plus généralement en termes de coût croissant d’accès à la ressource qu’en termes de disparition de la ressource [16].

43Évoquons tout d’abord les propriétés de long terme d’une économie qui satisferait les hypothèses ci-dessus.

  • Malgré l’hypothèse optimiste d’un recyclage parfait qui exclut l’épuisement de la ressource, des limites à la croissance existent à long terme au sens où une croissance perpétuelle des productions matérielles est impossible : s’agissant de ces productions, le scénario le plus favorable est celui d’une convergence vers un niveau stationnaire positif. Traduit dans un cadre de comptabilité nationale, ce résultat d’extinction de la croissance matérielle signifie qu’un agrégat qui enregistre les productions finales sans mesurer l’amélioration de leur qualité ne peut croître de façon illimitée. Notre modèle permet toutefois de retrouver le résultat orthodoxe d’une croissance illimitée dans deux cas particuliers (irréalistes) : celui où la quantité disponible de ressource est infinie et celui où le progrès technologique permet d’atteindre un stade de complète dématérialisation de la production des entreprises. Dans ce deuxième cas de figure, rien n’empêche en effet de produire des quantités illimitées de biens et services au départ d’une quantité finie de ressource.
  • Toutefois, un type de croissance illimitée peut malgré tout rester possible sous la forme exclusive d’une amélioration perpétuelle de la qualité des productions finales [17]. Ce résultat permet une relecture moins littérale du résultat de croissance économique « perpétuelle » des modèles orthodoxes. Celui-ci ne doit pas (ni ne peut) être interprété comme une croissance sans fin du nombre d’unités de biens (voitures, téléphones…) ou même de services produits.
Jusqu’ici, nous avons essentiellement parlé de dynamique de long terme. Qu’en est-il de la dynamique transitoire ? Dans le modèle Fagnart et Germain, la dynamique transitoire voit se combiner croissance des productions matérielles et croissance de la qualité des productions finales. La contrainte de ressources affecte toute cette dynamique transitoire, et en particulier, l’intensité du processus temporaire de croissance matérielle. Les implications de la contrainte de ressource sur celui-ci se manifestent d’autant plus sensiblement que les coûts d’accès à la ressource croissent avec le taux d’utilisation de celle-ci. La contrainte de ressource a donc des effets de moyen et long termes. Nous ne pouvons donc pas nous rallier à l’argument selon lequel un modèle de croissance qui ignore les contraintes environnementales pourrait de façon générale offrir une description satisfaisante de la dynamique de croissance d’une économie à moyen terme. Évidemment, notre modèle reste un exercice théorique qui ne permet pas de se faire une idée précise de la sévérité et de la rapidité avec laquelle les contraintes de ressources pèseront sur la dynamique transitoire d’une économie du monde réel.

44Certains auteurs (par exemple, Nordhaus (1992)) estiment que les contraintes de ressources ne devraient peser qu’assez modestement sur la croissance économique d’ici à 2050. D’autres sont beaucoup moins optimistes. Par exemple, Ayres (2008) estime que la fin du pétrole bon marché freinera de façon sensible la croissance économique des prochaines décennies.

5 – Ressources renouvelables altérables et pollution

45Certaines formes d’énergies (comme l’énergie solaire) sont renouvelables d’une façon totalement indépendante de l’action de l’homme. Mais d’autres ressources renouvelables et, plus généralement, de nombreux systèmes naturels ont un processus de régénération ou de reproduction qui peut être affecté négativement par l’activité humaine.

46En macroéconomie de la croissance, l’idée que l’activité économique peut détériorer l’environnement se modélise avant tout par l’introduction d’une pollution liée à cette activité. On peut établir un parallélisme entre cette problématique de la pollution et celle des ressources dont nous avons précédemment parlé. En effet, en tant que réceptacle de polluants, l’environnement (l’air, les sols, les eaux, les écosystèmes) peut être considéré comme une ressource qui offre des services environnementaux et cette ressource peut se raréfier sous l’effet (de l’accumulation) de flux de pollution liés à l’activité économique.

47Si l’on s’en tient à un point de vue strictement économique, la dégradation environnementale n’est un problème que dans la mesure où elle engendre des dommages. En particulier, le bien-être des agents économiques peut être affecté par l’état de détérioration de l’environnement, par exemple parce qu’ils n’aiment pas contempler un environnement sale ou détérioré ou parce que la pollution affecte leur état de santé et leur espérance de vie [18]. Un bon nombre de modèles de croissance formalisent cette idée (voir notamment le survey de Brock et Taylor (2005)). La dégradation environnementale peut évidemment influencer les sentiers de croissance que les agents économiques jugent souhaitables et ainsi leurs comportements. Comme l’écrit Stockey (1998), « whether society will choose a path with sustained growth depends on how the tradeoff between consumption and pollution evolves as the economy gets richer. If the environmental costs of continued growth become sufficiently high, society will not be willing to pay them and growth will cease. But if increased productive capacity allows both consumption growth and increased environmental quality, then growth may continue without bound. » Cette citation est instructive à plus d’un titre. Tout d’abord, elle montre que les économistes néoclassiques (comme Stockey) reconnaissent les limites à la croissance qui pourraient découler des dégradations environnementales. Ils se révèlent donc plus immédiatement sensibles à cette problématique qu’à celles des limites éventuellement liées aux contraintes de ressources matérielles (puisque, selon la citation, la croissance pourrait certainement se poursuivre sans limite si elle ne dégradait pas l’environnement à un coût jugé inacceptable). Mais la citation sous-entend que la société peut prendre la correcte mesure des coûts environnementaux liés à la croissance : cela pose évidemment la question des mécanismes qui permettent de reconnaître ces coûts, thème que nous n’aborderons pas ici puisqu’il est au cœur de l’article de Barbier qui referme ce numéro de la revue. Stockey sous-entend enfin qu’une croissance continue sans nouvelle dégradation environnementale peut être physiquement possible. C’est ce thème que nous évoquons brièvement maintenant.

48L’évolution dans le temps de la qualité de l’environnement découle d’une part des flux de pollution qui accompagnent l’activité économique et d’autre part de l’assimilation de ces polluants : cette assimilation est d’abord le résultat d’un processus naturel mais elle peut être facilitée par certaines activités humaines de dépollution (notées D ci-après). Formalisons cette idée en écrivant l’évolution du stock total E de pollution accumulée dans l’environnement comme suit

49

equation im17

50où Pt (Yt, Dt) désigne le flux de polluants issus de l’activité humaine durant la période t : d’une part, l’activité productive Yt crée de la pollution qui augmente Pt, d’autre part, des activités de dépollution Dt diminuent Pt. Le fait que la fonction Pt soit indicée par le temps traduit qu’elle peut être affectée par un progrès technique qui rend le processus de production moins polluant et/ou les activités de dépollution plus efficaces. La fonction ? (Et) symbolise la régénération naturelle de l’environnement pendant la période t. La valeur E=0 symbolise un environnent vierge de toute pollution humaine et E prend des valeurs d’autant plus grandes que la pollution s’accumule.

51Demandons-nous à quelle condition il est physiquement possible que l’économie évolue le long d’un sentier de croissance de Y sans que la qualité de l’environnement se détériore (ceci apparaît comme une condition minimale à la soutenabilité environnementale d’un sentier de croissance illimitée de l’activité économique). Le long d’un tel sentier, equation im18 :

52E et donc aussi ? (E) gardent une valeur constante. Il faut donc que Pt(Yt, Dt) soit également constant : le flux de polluants doit correspondre à la capacité d’assimilation naturelle de l’environnement.

53Si les fonctions ? (Et) et Pt(Yt, Dt) ont de bonnes propriétés, un tel sentier de croissance illimitée mais soutenable d’un point de vue environnemental s’avère possible dans les modèles néoclassiques. Par exemple, si on suppose comme chez de nombreux auteurs que equation im19 (où figure im20 est le taux de régénération constant), une hypothèse de fonction Pt(Yt, Dt) homogène de degré 0 en YtDt[19] rend aisément réalisable un tel sentier (voir, par exemple, Chevé (2000) [20]). Un certain nombre de modèles qui font des hypothèses de ce type mettent en avant des résultats originaux quant au lien entre préservation de l’environnement et croissance. A priori, des politiques de préservation de l’environnement (visant ici un objectif d’une valeur stationnaire plus faible de E) peuvent sembler nuisibles à l’activité économique puisqu’elles accroissent les coûts de production. Mais si la dégradation environnementale entraîne elle-même des coûts supplémentaires (notamment parce qu’elle conduit à une productivité moindre des facteurs), politique de préservation de l’environnement et croissance pourraient aller de pair. On trouvera chez Ricci (2007) un survol de cette question.

54Toutefois, aux yeux des économistes écologiques, les représentations néoclassiques des processus de pollution en macroéconomie souffrent des mêmes critiques que la représentation des technologies de production. En ignorant les lois qui gouvernent les processus de transformations de la matière et de l’énergie, les modèles néoclassiques proposent une description irréaliste des phénomènes de pollution. Pour le comprendre, reprenons la fonction Pt(Yt, Dt) croissante en ces arguments. Si la fonction Pt(Yt, Dt) n’est pas bornée supérieurement par rapport à Y, cette représentation suggère qu’une croissance illimitée de Y tend à engendrer un flux illimité de pollution (en l’absence d’une croissance compensatoire de D). Or la pollution est un rejet de matière et, dans un monde aux ressources matérielles finies, l’idée d’une pollution infinie n’a pas plus de sens que l’idée d’une production matérielle illimitée. Mais supposer qu’en conséquence Pt(Yt, Dt) doit être bornée supérieurement par rapport à Y oblige de fait à sortir du cadre néoclassique (à tout le moins si ce cadre est interprété de façon littérale). Sauf à s’en remettre à une hypothèse irréaliste de technologie des productions matérielles parfaitement propre, supposer qu’il arrive un stade où la croissance de l’activité économique peut toujours se poursuivre sans engendrer de pollution supplémentaire ne peut faire sens que si la croissance matérielle (au sens ou nous avons utilisé ces termes dans la section précédente) a cessé et que seule demeure une croissance de la qualité des productions. La croissance de la pollution est surtout liée à la composante matérielle de la croissance de l’activité et de ce fait ne peut être que transitoire.

55Mais l’éventualité d’un état stationnaire en matière de pollution n’est pas rassurante en soi car la plus grande crainte des économistes écologiques serait que suite à une sollicitation excessive, certains systèmes naturels atteignent, durant la phase de croissance de la pollution, un seuil au-delà duquel leur résilience serait altérée de façon irrémédiable, voire un seuil au-delà duquel on assisterait à des phénomènes d’effondrement de ces systèmes avec diverses conséquences (notamment économiques) plus ou moins dramatiques. L’apport des sciences de la nature est ici essentiel car la macroéconomie (ou la théorie économique de façon plus générale) n’a rien à dire sur l’existence de tels seuils qui tiennent aux propriétés intrinsèques des systèmes environnementaux. Rien ne garantit qu’ils ne soient pas franchis si aucune réglementation environnementale ne l’empêche, a fortiori si les agents économiques ne connaissent pas le niveau de ces seuils.

6 – En guise de conclusion

56Dans sa critique de la deuxième édition du livre Limits to Growth, Nordhaus (1992) estime (et c’est encore très certainement sa position aujourd’hui) que le choix entre les paradigmes de substituabilités faible et forte est finalement une question empirique. Nous ne partageons pas cet avis. Comme nous l’avons dit, il existe des arguments scientifiques qui permettent d’affirmer que certaines des hypothèses qui sous-tendent la soutenabilité faible ne peuvent être intrinsèquement correctes. Le fait que pendant une partie de l’histoire économique (celle qui s’est écoulée depuis la révolution industrielle), on ne trouve pas d’éléments qui contredisent de façon manifeste ces hypothèses ne permet aucunement de conclure qu’il en ira ainsi dans l’avenir dès lors que les pressions du système économique sur l’environnement deviennent plus fortes. Il ne fait pas de doute que des possibilités de substitution du capital naturel par du capital créé par l’homme existent, mais dans certaines limites seulement. La véritable inconnue reste sans doute de connaître l’état de sollicitation des différentes formes de capital naturel au-delà duquel toute possibilité de substitution cesse. Seule, l’analyse économique théorique et empirique ne pourra évidemment pas apporter de réponse prospective à cette question pourtant cruciale. Les apports des sciences de la nature et une approche multidisciplinaire seront indispensables sur ce point.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : ressources renouvelables et épuisables, théorie de la croissance, limites à la croissances, contraintes environnementales

Mise en ligne 19/12/2012

https://doi.org/10.3917/rpve.514.0025

Notes

  • [1]
    Professeur, CEREC, Facultés universitaires Saint-Louis et Extramural Fellow, IRES, UCLouvain.
  • [2]
    Maître de conférences, EQUIPPE, Université de Lille 3 et Extramural Fellow, IRES, UCLouvain.
  • [3]
    Par ce label, nous entendons à la fois les modèles de croissance standards qui ignorent toute question environnementale et ceux qui intègrent ces questions sans égard pour les critiques des économistes écologiques.
  • [4]
    Par croissance optimale, nous entendons la question du choix de la meilleure trajectoire possible d’une économie. Le premier article de ce numéro de la revue en a dit quelques mots quand il a abordé les thèmes de la soutenabilité faible et forte.
  • [5]
    L’utilisation de l’adjectif « perpétuel » est ici purement métaphorique. Il ne s’agit pas de sous-entendre que l’espèce humaine est immortelle. L’échelle de temps dont il est question ici se compte tout au plus en milliers d’années.
  • [6]
    Rien n’empêche que le long terme soit une situation stationnaire où les variables économiques ont atteint une valeur stable et que la dynamique transitoire soit simplement l’histoire de la convergence vers cette situation stationnaire. Rien n’empêche non plus le cas particulier du scénario précédent où la situation stationnaire serait celle d’une économie après qu’elle se soit effondrée et où la dynamique transitoire serait faite de l’histoire de cet effondrement.
  • [7]
    Solow estima qu’il s’agissait d’une hypothèse réaliste mais s’abstint de commenter le réalisme de l’hypothèse d’absence de dépréciation du capital pourtant nécessaire à ce résultat.
  • [8]
    Plus formellement dit, un sentier de croissance positive de l’activité et de la consommation peut ne pas être une trajectoire optimale si les agents économiques ont un taux de préférence pour le présent trop élevé.
  • [9]
    Par théorie de la croissance endogène, nous entendons les modélisations où la croissance ne découle pas d’un trend exogène (augmentant la quantité disponible et/ou la productivité de certains facteurs de production) mais bien de processus d’innovation, de progrès technique et/ou d’accumulation (de capital productif et/ou humain) totalement endogènes au système économique décrit par le modèle.
  • [10]
    Cet article s’intéresse à l’ensemble des sources de croissance et comporte une courte extension consacrée à la question des ressources renouvelables.
  • [11]
    En remplaçant la technologie de l’encadré 2 par equation im21 et en reprenant le même raisonnement, on peut voir que seul un cas où b serait suffisamment plus grand que 1 permet d’échapper à la décroissance.
  • [12]
    On trouvera une présentation de leur argumentaire chez Cleveland et Ruth (1997) et Daly (1997) notamment.
  • [13]
    On trouvera chez Kryziak (2006) une analyse formelle (assez difficile d’accès par son degré d’abstraction et de généralité) des implications de l’ensemble des lois de conservation et de la loi d’entropie.
  • [14]
    Solow (1997) écrit notamment : « everything is subject to the entropy law, but this is of no immediate practical importance for modeling what is, after all, a brief instant of time in a small corner of the universe ».
  • [15]
    Dans le modèle, ce coût marginal croissant découle du fait que l’intensité capitalistique de la technologie d’extraction de la ressource est supposée croissante dans le taux d’utilisation agrégé de celle-ci, ce que des observations empiriques confortent. Il peut toutefois n’être que très légèrement croissant (voire constant) pour des valeurs « faibles » de ce taux d’utilisation mais il importe qu’il devienne très croissant quand le taux d’utilisation de la ressource approche l’unité.
  • [16]
    Bien qu’il ne soit pas une ressource recyclable et qu’il soit en outre non renouvelable, on peut ici prendre l’exemple du pétrole : son utilisation massive impose de recourir à des techniques d’extraction toujours plus coûteuses.
  • [17]
    Faisons en outre remarquer que les caractéristiques du sentier de croissance de long terme vers lequel converge l’économie de notre modèle (stabilité des variables matérielles, croissance de la qualité des produits) dépendent évidemment de notre hypothèse d’un recyclage parfait. S’il était imparfait, les variables matérielles ne pourraient se stabiliser à une valeur constante mais chuteraient inévitablement à long terme.
  • [18]
    On peut aussi ajouter que les dégradations environnementales pourraient détériorer la productivité du travail et du capital, par exemple si elles compliquent l’organisation de la production ou affectent l’état de santé des travailleurs.
  • [19]
    Ceci signifie qu’un doublement des activités de dépollution compense parfaitement l’impact environnemental d’un doublement du flux brut de pollution.
  • [20]
    Mais l’hypothèse d’une fonction ? (Et) linéaire comme ci-dessus est certainement très optimiste puisqu’elle signifie que la capacité de régénération de l’environnement est d’autant plus grande qu’il est pollué. Si l’environnement se régénère d’autant plus difficilement qu’il est pollué (c’est-à-dire si ? (Et) est décroissant en Et), les conditions d’existence d’un sentier de croissance soutenable d’un point de vue environnemental peuvent s’avérer plus restrictives (voir à nouveau Chevé (2000)).
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