Notes
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[1]
Stephen Renders est économiste au Conseil central de l’économie et effectue des travaux de recherche en matière d’évolution sectorielle et de compétitivité structurelle. Les idées qui sont reprises dans ce texte ne reflètent pas nécessairement celles du CCE.
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[2]
Leo Sleuwaegen est professeur de Managerial Economics, Strategy and Innovation à la KULeuven (Katholieke Universiteit Leuven) et partenaire du Vlerick Leuven Gent Management School.
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[3]
L’utilisation de la valeur ajoutée comme indicateur du niveau de vie présente toutefois quelques lacunes importantes. Ainsi, cet indicateur ne tient pas compte de la répartition du PIB dans la population, ni de la production qui n’est pas négociée via le marché ou des effets négatifs pour l’environnement, ni encore, de manière plus générale, de la durabilité de l’économie.
1 – Introduction
1Dans le cadre de la Stratégie Europe 2020, la compétitivité d’un pays est définie comme la capacité d’une économie à assurer « une augmentation régulière du niveau de vie et un niveau de chômage involontaire aussi faible que possible ». Dans cette optique, pour bien comprendre la compétitivité belge, nous devons dans un premier temps examiner la répartition et la croissance de la valeur ajoutée [3] et de l’emploi au sein de l’économie belge.
2Le tableau 1 donne un aperçu de la composition et de l’évolution de la valeur ajoutée et de l’emploi en Belgique et chez les principaux partenaires commerciaux. On relève une diminution structurelle de la part du secteur industriel dans l’économie avec, en parallèle, un renforcement de l’importance des services et du secteur public. On associe généralement la croissance du secteur des services à la modification de la structure de la demande ou aux développements technologiques qui permettent aux entreprises industrielles de sous-traiter des tâches toujours plus nombreuses à des entreprises de services. Ainsi, le commerce international devient davantage un commerce de tâches plutôt que de produits (Francois et Hoekman, 2010). La part grandissante des services dans la demande totale et dans l’emploi est souvent expliquée par la faible croissance de la productivité dans ce secteur. Les revenus de la croissance plus élevée de la productivité dans les activités industrielles seraient dès lors disproportionnellement consacrés aux services (Baumol et al., 1984 ; Pissarides, 2006).
3Ce mécanisme ne constitue cependant pas une explication suffisante du développement récent du secteur des services, puisque le tableau 1 montre clairement qu’une grande part de la croissance se situe au niveau des services hautement productifs et à forte intensité de connaissances. Cette évolution s’inscrit dans le cadre d’une plus vaste transformation de l’économie, qui se caractérise par une modification des systèmes de production, par un renforcement de l’importance des Technologies de l’Information et des Communications (TIC) et des connaissances, et par la propension accrue de chaque pays, dans un contexte de concurrence internationale croissante, à miser sur les activités dans lesquelles il possède le plus d’avantages compétitifs (ECa, 2004). Plus précisément, l’émergence de pays à bas coût et à haute capacité, combinée au développement des TIC, a incité les entreprises occidentales à accroître leur délocalisation d’activités économiques standardisées. L’avantage comparatif des pays occidentaux n’a donc cessé de se déplacer vers des activités à forte intensité de connaissances, qui sont difficilement délocalisables (Audretsch et Thurik, 2001). Audretsch, Keilbach et Lehmann (2006) soulignent que, dans ce type d’économie, ce sont surtout les innovations radicales, réalisées au début du cycle de vie industriel, qui constituent une source de compétitivité, étant donné que les innovations incrémentales ultérieures peuvent être délocalisées plus facilement vers des pays à bas coût. Les entreprises débutantes et de petite taille acquièrent ensuite un rôle central dans la commercialisation des innovations radicales. Nous argumentons ci-après que, dans ce contexte, ce sont surtout les services à forte intensité de connaissances, en tant que vecteurs de création, de transfert et de commercialisation de connaissances, qui gagnent en importance.
Structure de la valeur ajoutée et emploi, de 1970 à 2007
Structure de la valeur ajoutée et emploi, de 1970 à 2007
4Le tableau 1 montre que le segment des autres services aux entreprises (ASE) a tout particulièrement profité des nouvelles transformations économiques. Le secteur ASE constitue l’essentiel des services aux entreprises (SE) et couvre un large spectre d’activités. Les ASE peuvent être ventilés en deux catégories, d’une part un certain nombre de services opérationnels comme la mise à disposition de travailleurs temporaires, les call-centra et le nettoyage industriel et d’autre part les ASE à forte intensité de connaissances (ASEFIC). C’est dans cette dernière catégorie que l’on trouve des activités pour lesquelles l’acquisition et la diffusion de connaissances sont centrales, comme les services de consultance spécialisés, l’architecture, l’aide au marketing, etc. Il ressort d’études empiriques que la mutation structurelle d’une économie, au fur et à mesure qu’elle augmente le PIB/habitant (à parité de pouvoir d’achat), s’accompagne d’une augmentation de la part des SE dans l’emploi et les exportations (Kox et Rubalcaba, 2007 ; Francois et Woerz, 2007). En Belgique également, la part la plus importante des nouveaux emplois de services se situe au sein du secteur « ASE ». La part de ceux-ci dans le PIB belge s’est accrue de 8,5 points de pourcentage entre 1970 et 2005, contre 11,5 pp. pour l’ensemble du secteur des services (à l’exclusion du secteur immobilier). Ceci s’explique surtout par la forte croissance des ASEFIC, et principalement des prestataires de services de conseil et d’assistance aux entreprises (SCA). Comme illustré au graphique 1, la croissance de la valeur ajoutée a été systématiquement plus forte dans ce segment que dans l’économie belge depuis 1970 et, alors que l’emploi total en Belgique stagnait, l’emploi dans ce secteur a triplé depuis le milieu des années 1980. La croissance du secteur belge des ASE à forte intensité de connaissances a excédé non seulement celle de l’économie belge, mais aussi celle des homologues sectoriels européens. Ainsi, la part du secteur dans le PIB belge s’élevait à 8 % en 2007, contre 5,2 % en moyenne dans l’UE-15.
Évolution de la valeur ajoutée et de l’emploi en Belgique entre 1970 et 2007* (1970=100)
Évolution de la valeur ajoutée et de l’emploi en Belgique entre 1970 et 2007* (1970=100)
* Les « ASE » à forte intensité de connaissances englobent les catégories 741 à 744 de la NACE Rév.1.5Les facteurs qui sont à la base de la compétitivité peuvent varier fortement d’un secteur de services à un autre, voire d’une entreprise à une autre au sein d’un même secteur. C’est d’autant plus vrai dans le contexte actuel de spécialisation croissante, de diffusion technologique et de sous-traitance. Ainsi, Visintin et al. (2010) constatent que l’influence des coûts, mesurée en fonction du coût unitaire relatif du travail, sur la part de marché à l’exportation diffère grandement d’un secteur de services à l’autre. Ils révèlent que, dans la plupart des secteurs, l’impact des facteurs de coût est peu significatif et limité. Ce constat montre à quel point il est important de s’appuyer sur une perspective aussi détaillée que possible pour expliquer la compétitivité du secteur des services, en accordant une attention suffisante aux facteurs autres que le coût. Nous nous focaliserons ci-après sur les ASE, car ils représentent le plus grand secteur en Belgique et enregistrent une forte croissance. En outre, ce secteur apporte une contribution importante, en particulier grâce aux activités à forte intensité de connaissances, à la productivité du travail moyenne de l’économie (EC, 1998 ; EC, 2004a ; Broersma et Van Ark, 2007) et aux exportations de services (tableau 2). Il est également singulier de constater que la part des ASE dans les exportations totales de services de la Belgique, qui était en retrait en 2000, s’est envolée pour figurer parmi les meilleurs élèves européens en 2009, ce qui témoigne d’une remarquable performance en termes de compétitivité. En raison de sa grande capacité de création d’emplois et de sa contribution considérable à la productivité, le secteur des ASE joue un rôle clé dans la compétitivité de la Belgique, telle que définie au début de cet article. Étant donné que le secteur ASE comprend un large éventail d’activités, l’analyse de sa compétitivité requiert un examen plus détaillé. Il englobe aussi bien les services de consultance spécialisés que l’architecture, l’aide au marketing, le recrutement de personnel, le nettoyage, la sécurité, etc. L’analyse de la compétitivité dans le secteur des SE requiert par conséquent un examen plus détaillé. Au point 2, nous nous concentrerons sur les services de conseil et d’assistance fournis aux entreprises. Ce segment comprend des activités telles que l’assistance juridique, la comptabilité, les études de marché et d’autres services de consultance. Il s’agit essentiellement de prestataires de services à forte intensité de connaissances qui présentent des facteurs de compétitivité très similaires. Nous choisissons ce sous-secteur car il joue un rôle central dans l’économie de la connaissance actuellement en développement (cf. supra). En valeur ajoutée, ce segment est le plus grand et celui qui connaît la croissance la plus rapide au sein du secteur belge des SE, et ses performances sont meilleures en Belgique qu’en moyenne dans l’UE (CCE, 2011). Il représente donc un indicateur idéal pour identifier les points forts du secteur belge des services.
Part des ASE dans les exportations totales de services, 2000-2009
Part des ASE dans les exportations totales de services, 2000-2009
2 – La compétitivité du segment des services de conseil et d’assistance aux entreprises
6Nous utilisons le modèle micro-économique en « losange » de Michael Porter, qui permet d’identifier clairement les différents facteurs qui déterminent la compétitivité d’un secteur. Selon ce modèle, la compétitivité d’un secteur résulte de l’interaction entre quatre déterminants qui peuvent se renforcer ou s’affaiblir : la demande, les facteurs de production, la rivalité et les contacts avec les entreprises amont et apparentées. La forme et l’interaction de ces quatre facteurs déterminent comment les entreprises se livrent concurrence. C’est un modèle dynamique au sein duquel les pouvoirs publics et le hasard influencent les facteurs concurrentiels. Les entreprises qui opèrent dans un « losange » favorable seront mieux à même de s’adapter aux défis que leur pose l’environnement extérieur. Ce modèle est souvent appliqué à des secteurs de l’industrie manufacturière. Les services à forte intensité de connaissances opèrent également dans un environnement concurrentiel mondial et peuvent donc également s’inscrire dans la logique développée par le modèle.
2.1 – Demande
7La demande de services à forte intensité de connaissances est suscitée par de nombreux et divers besoins, mais elle exige pratiquement toujours des activités complexes et spécifiquement adaptées au client. La qualité du service fourni peut par conséquent être difficile à évaluer au préalable, de sorte que les relations de confiance et les effets de réputation jouent un rôle majeur. Qui plus est, en raison de leur nature complexe et peu standardisée, les services à forte intensité de connaissances requièrent une collaboration étroite entre le client et le prestataire, qui acquiert ce faisant de vastes connaissances au sujet de son client, de ses processus et de ses problèmes. Il en résulte que les clients constituent une source d’informations importante au sein du secteur des SE (Rubalcaba et al., 2010 ; Howells et al., 2007). Les prestataires de services de conseil aux entreprises actifs sur le plan international se procurent dans ce contexte un avantage compétitif considérable (Miles, 2007). Ils peuvent en effet transmettre les connaissances qu’ils acquièrent sur un marché à des divisions établies sur d’autres marchés. Les enquêtes CIS-4 révèlent en effet que les clients et autres composantes du groupe forment, après les fournisseurs, la plus importante source d’informations pour les innovations au sein du secteur belge des SE.
8La demande de services à forte intensité de connaissances a enregistré ces dernières années une hausse considérable. Une première raison en est la spécialisation croissante, dans le cadre de laquelle les entreprises se concentrent de plus en plus sur leurs activités de base afin de réaliser des économies de coût et des gains d’efficacité, et à laquelle contribue l’essor des TIC et des SE. Cette évolution a entraîné la sous-traitance de services de connaissance (souvent standardisés). Une autre raison, encore plus importante, est que l’accélération des cycles de vie des produits et la complexité technique toujours croissante des produits ont contraint les entreprises à recourir de plus en plus à des sources de connaissances externes afin d’être suffisamment innovantes. Grâce à leur expertise et aux contacts qu’ils entretiennent avec des entreprises de différents secteurs, les prestataires de SCA forment un maillon important de ce processus d’innovation ouverte. Le rôle des prestataires de SCA dans la transmission de connaissances entre leurs clients de différents secteurs est mis en évidence par la reconnaissance de plus en plus large qu’acquièrent les échanges interindustriels de connaissances pour l’innovation et la croissance au fur et à mesure qu’une économie se développe (Audretsch et Thurik, 2001). Une dernière raison cruciale de la forte hausse de la demande de services de conseil et d’assistance en Belgique est le développement de Bruxelles comme carrefour politique et économique international. Dans une large mesure, les villes sont en effet devenues des carrefours implantés au sein de réseaux logistiques mondiaux et bénéficiant d’une présence importante de services avancés aux entreprises (cf. Dicken, 2011). Bruxelles joue également un rôle majeur en tant que ville-hôte d’importants organismes internationaux comme l’OTAN et les institutions de l’UE. À titre illustratif, le nombre de lobbyistes implantés à Bruxelles aurait grimpé de 654 en 1985 à plus de 15 000 en 2010 (Dinan et Wesselius, 2010). Cette présence permet le développement d’une expertise dans de nombreux domaines, souvent structurée en réseau avec des centres décisionnels étrangers.
2.2 – Facteurs de production
9Les prestataires de services à forte intensité de connaissances se distinguent généralement par une faible intensité capitalistique et des effectifs professionnalisés (von Nordenflycht, 2010). Pour les prestataires de SCA, il est dès lors avantageux de pouvoir s’appuyer en Belgique sur une population correctement instruite et plurilingue. Ainsi, dans le « Global Competitiveness Report 2011-2012 » du WEF, la Belgique obtient des scores élevés en matière d’enseignement, surtout au niveau supérieur et en particulier pour la qualité des écoles de gestion. La présence d’une population multiculturelle et hétérogène à Bruxelles accroît le potentiel d’innovation (Audretsch et al., 2008).
10Les entreprises à forte intensité de connaissances du secteur des SE, y compris les petites entreprises, disposent d’une infrastructure TIC très étendue (EC, 2004b). Les TIC améliorent l’accès aux informations et l’échange de celles-ci entre les « travailleurs du savoir », ce qui stimule la diffusion des connaissances au sein de l’entreprise. Cette évolution simplifie également la collaboration avec des prestataires externes de services aux entreprises, réduisant ainsi considérablement les barrières à l’entrée dans le secteur. En favorisant les flux de communication entre les entreprises et au sein de celles-ci, les TIC facilitent le processus d’innovation ouverte. La proximité géographique reste toutefois importante en matière de transfert de connaissances (Audretsch etThurik, 2001).
2.3 – Industries apparentées, stratégie et rivalité
11En 2005, 71,6 % des consommations intermédiaires des prestataires de SCA provenaient d’autres entreprises du secteur, alors que ce pourcentage était seulement de 40 % en 2000 (CCE, 2011). Il y a donc une collaboration intense et croissante entre les fournisseurs de SCA dans le but d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires à la prestation de leurs services.
12En comparaison avec la moyenne des services marchands et de l’industrie, les prestataires de SCA présentent une taille moyenne réduite et un niveau élevé de turbulence, conjugués à une forte croissance de la productivité (CCE, 2011 ; voir aussi tableau 3). C’est une indication de l’existence de faibles barrières à l’entrée. Les faibles barrières à l’entrée et la concurrence directe entre des activités qui étaient auparavant réalisées au sein d’entités plus grandes engendrent en effet une forte pression concurrentielle qui contraint les entreprises de ce sous-secteur à fournir leurs services plus efficacement que leurs clients. Des études empiriques confirment que les coûts d’entrée inférieurs dans le secteur des SE accroissent la productivité du travail (Kox et al., 2007b).
Diminution et augmentation du nombre d’entreprises et de l’emploi en Belgique entre 1997 et 2005
Diminution et augmentation du nombre d’entreprises et de l’emploi en Belgique entre 1997 et 2005
13Le niveau élevé de turbulence et la taille moyenne réduite des entreprises indiquent non seulement une forte pression concurrentielle, mais ils illustrent surtout à quel point la dynamique de ce segment s’inscrit dans le cadre des besoins d’une économie de la connaissance. Audretsch et Thurik (2001) donnent plusieurs raisons pour expliquer que les entreprises de petite taille et débutantes acquièrent un rôle central au fur et à mesure qu’une économie se développe et devient plus intensive en connaissances. Une première raison découle de l’incertitude croissante. Vu le raccourcissement des cycles des produits et le comportement imprévisible des consommateurs plus aisés, il est de plus en plus compliqué d’anticiper la réussite d’une innovation et l’importance des innovations radicales s’en trouve accrue. Il est par conséquent plus efficace qu’un grand nombre de petites entreprises développent une vaste diversité de technologies plutôt que de concentrer l’innovation dans quelques grandes entreprises qui ont plus de difficultés à diversifier leurs efforts d’innovation. Si les entreprises créent davantage de connaissances, des opportunités s’ouvriront également pour les travailleurs d’entreprises qui laissent des connaissances inexploitées, ou aux prestataires de SCA qui collaborent avec ces entreprises, dans le sens où ils pourront commercialiser eux-mêmes ces connaissances en lançant une nouvelle entreprise. Enfin, dans une économie de la connaissance, cette montée des incertitudes accroît l’importance de la flexibilité et réduit le poids des économies d’échelle classiques de la production de masse. Ce constat tourne à nouveau à l’avantage des entreprises de taille modeste, puisqu’un cluster de petites entreprises est plus flexible qu’un groupe de grandes entreprises.
14La croissance nette vigoureuse du secteur des SCA montre que la dynamique de ce segment ne résulte pas seulement d’un processus de destruction créatrice, mais que de nouvelles activités y voient également le jour (cf. tableau 3). Cette croissance est supérieure à celle qui peut être expliquée par la seule augmentation de la sous-traitance de services par l’industrie (Kox et Rubalcaba, 2007). Comme indiqué précédemment, les prestataires de SCA introduisent en effet de nouvelles activités dans l’économie en commercialisant des connaissances auparavant inexploitées. Selon Kox et Rubalcaba (2007), des économies d’échelle peuvent également être à la base de nouvelles activités. Étant donné que les prestataires de SCA peuvent commercialiser leurs connaissances dans différentes entreprises, il est possible en effet que des connaissances qui ne soient pas exploitables de manière suffisamment rentable dans une organisation, par exemple parce que les coûts d’apprentissage sont trop élevés, deviennent rentables lorsqu’elles sont transférées vers d’autres entreprises par des prestataires de SCA.
2.4 – Dynamique concurrentielle
15Une mise en relation des différents facteurs de compétitivité nous permet de comprendre la dynamique concurrentielle au sein du secteur des SCA. Le développement des TIC a eu un impact considérable sur le secteur. En premier lieu, il a généré une demande croissante de SCA via les nouvelles applications de TIC et en facilitant la sous-traitance d’activités fondées sur la connaissance. Ensuite, les barrières à l’entrée dans ce segment ont été nettement réduites par la diminution du coût de l’échange d’informations. En raison des faibles barrières à l’entrée et de la concurrence directe entre des activités qui étaient auparavant réalisées au sein de plusieurs secteurs, la sous-traitance d’activités au secteur des SCA engendre une pression concurrentielle accrue. Les entreprises de ce segment se voient dès lors constamment contraintes d’accroître leur efficacité et de renouveler leurs activités. La proximité d’un grand nombre de prestataires de SCA disposant de connaissances diversifiées offre de nombreuses possibilités de collaboration qui améliorent la flexibilité et le potentiel d’innovation du secteur. Cela se traduit notamment par une très étroite collaboration au sein du secteur. Les prestataires de SCA améliorent leur capacité d’innovation non seulement par l’échange de connaissances avec des homologues sectoriels, mais aussi par l’interaction avec leurs clients issus d’autres secteurs. Lorsqu’ils fournissent des services complexes, les prestataires de SCA acquièrent auprès de leurs clients des informations précieuses qu’ils peuvent ensuite transmettre à d’autres secteurs. Ceci souligne également l’importance des relations de confiance. Plus les prestataires de SCA parviennent à diffuser et à valoriser rapidement les connaissances acquises au sein de leur organisation, plus ils se procureront un avantage compétitif vis-à-vis de leurs concurrents. Les entreprises actives sur le plan international peuvent tout particulièrement en profiter. Des barrières à l’entrée s’érigent dans des domaines où le transfert interne de connaissances apporte des avantages considérables et où la réputation joue un rôle majeur. C’est le cas par exemple dans le secteur de l’audit, qui est un marché dominé par quatre grandes entreprises.
16En raison de la forte pression concurrentielle, de la diffusion des connaissances et des nombreuses formes de collaboration, le secteur est caractérisé par de puissants effets de réseau. Plus le nombre d’acteurs dans le secteur est élevé, plus la flexibilité et le potentiel d’innovation augmentent dans chaque entreprise. La demande considérable de SCA, qui s’explique par la présence à Bruxelles de centres de décision politiques et économiques, par le secteur de la chimie, et par une population plurilingue au niveau d’instruction élevé, a stimulé la création de ce cluster en Belgique. Bruxelles est ainsi, après Londres, la région européenne la plus spécialisée dans les SE (Lajääskö, 2008). La compétitivité de ce cluster est renforcée par la diversité de la population, qui augmente sa capacité créative. Le segment des SCA à Bruxelles est par conséquent très développé et jouit, notamment grâce aux nombreuses ramifications internationales, d’une forte compétitivité.
3 – Conclusion
17Sous l’impulsion des TIC et de l’abaissement des barrières commerciales, la structure économique internationale s’est modifiée au cours des dernières décennies. Le paysage concurrentiel des entreprises a été profondément redessiné, l’importance des activités fondées sur la connaissance, de la flexibilité et des services se renforçant considérablement en Belgique. Il en a résulté une très vive croissance des services à forte intensité de connaissances, parmi lesquels ce sont surtout les SCA aux entreprises qui affichent une compétitivité élevée. Les services à forte intensité de connaissances, par exemple ceux relevant de la catégorie « Conseil et assistance fournis aux entreprises », sont cruciaux pour la compétitivité de la Belgique, dans la mesure où ils créent des emplois hautement productifs et où ils contribuent grandement à la capacité d’innovation et à la productivité de l’économie dans son ensemble.
18Tout d’abord, ces prestataires de services accroissent la productivité des activités qui leur sont confiées sous l’impulsion d’une forte pression concurrentielle et de l’exploitation d’avantages de spécialisation. Ensuite, et c’est encore plus important, les services à forte intensité de connaissances ont un impact positif sur la capacité d’innovation des entreprises en assurant un transfert de connaissances entre les entreprises et entre les secteurs de l’économie. Ce transfert de connaissances se produit par le biais de contacts avec les clients et les fournisseurs ou par le lancement de nouvelles activités visant à commercialiser des connaissances encore inexploitées. Une présence internationale et des contacts étroits avec les clients facilitent l’accès aux connaissances. La grande diversité du savoir dont disposent les prestataires de services à forte intensité de connaissances et l’intense collaboration qui caractérise ce segment offrent un potentiel d’innovation considérable. Celui-ci permet de répondre rapidement aux défis posés par une économie de la connaissance marquée par une grande incertitude.
19La pression concurrentielle et le transfert de connaissances au sein du secteur des services à forte intensité de connaissances créent des effets de réseau qui contribuent dans une large mesure à la compétitivité de chaque entreprise du segment. Les bonnes performances des services à forte intensité de connaissances en Belgique sont donc en grande partie attribuables à la présence d’un cluster compétitif. La formation de ce cluster est stimulée par la forte demande de SCA qui émane des centres décisionnels implantés à Bruxelles et de leurs réseaux internationaux, à laquelle on peut ajouter la présence d’une population correctement instruite et plurilingue et d’un enseignement spécialisé.
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[2]
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[3]
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