Notes
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[1]
Cet article prend appui sur ma contribution au livre du Cercle des économistes (Paris), Politique économique de droite, politique économique de gauche, Paris, Perrin, 2006.
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Bruegel et Université Paris-Dauphine
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[2]
Toutes choses ne sont pas exactement égales. Gilbert Cette (Bourlès et Cette, 2006) a mis en évidence une élasticité négative de la productivité à la quantité d’heures ouvrées. Mais cela ne change pas fondamentalement le raisonnement.
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[3]
C’est ce que les économistes appellent la théorie des contrats implicites.
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[4]
Une manifestation de cette tendance est, dans le domaine des retraites, la régression constante de la proportion de fonds de pension à prestations définies au profit des plans à cotisation définie, qui font porter le risque sur le salarié.
1En 2006, un Européen sur deux plaçait la lutte contre le chômage en tête des priorités de l’action publique. Si son rang dans l’échelle des urgences est moindre dans les pays où la situation du marché du travail est meilleure, l’emploi demeure l’objectif premier que les citoyens fixent à leurs gouvernants.
2Les dirigeants européens ont évidemment entendu l’injonction qui leur est adressée : growth and jobs est le slogan de la Commission Barroso, et le programme de Lisbonne a été remanié dans cette perspective. Sa dernière initiative a été la publication, en novembre 2006, d’un livre vert sur la réforme du marché du travail qui vise à promouvoir les « bonnes pratiques » en vigueur dans les pays qui ont réussi à réduire le chômage.
3Mais l’emploi et le marché du travail restent des sujets éminemment politiques, sur lesquels les polémiques sont plus vives que jamais : en témoignent les controverses sur les réformes Hartz en Allemagne ou sur le Contrat Première Embauche en France. Pour autant, les politiques de droite et de gauche ont du mal à en faire la matière d’un débat structuré et lisible qui permettrait aux citoyens de choisir entre des réponses alternatives. Tantôt on s’étripe sur tel ou tel instrument, alors que rien de fondamental ne permet de comprendre les positions adoptées par les différents protagonistes. Tantôt on s’empoigne sur des représentations : en France, en Belgique, en Italie aussi, droite et gauche semblent souvent cultiver la nostalgie du temps où l’on s’affrontait modèle contre modèle.
4Cependant, les avancées de la connaissance ont progressivement vidé de contenu les conflits sur le fonctionnement de l’économie. Bien entendu, les controverses entre économistes ne sont pas éteintes et les coupures usuelles (keynésiens et classiques, libéraux et interventionnistes, etc.), qui persistent, continuent d’être le sel du débat professionnel. Mais elles ont perdu leur caractère absolu et offrent désormais un terrain incertain aux positionnements partisans. Il y a un quart de siècle, un politique pouvait de bonne foi faire d’une doctrine économique un élément de son identité. Aujourd’hui, les économistes partagent peu ou prou la même boîte à outils et leurs débats sont jalonnés de travaux qui, s’ils relèvent de telle ou telle orientation, sont in fine tous intégrés au corpus commun de références. Sauf à être lui-même expert, le candidat qui s’identifie à une école a toute chance de s’identifier à ses erreurs.
5La politique n’a rien à gagner à se faire l’otage de chicanes de séminaire. Elle n’est pas pour autant vouée à se fondre dans la technocratie. Il lui reste, pourrait-on dire, l’essentiel : plutôt que les différends sur les modèles, qui appartiennent au débat scientifique, ou sur les instruments, qui relèvent des experts, les grands arbitrages, les choix sociaux que l’analyse est impuissante à trancher et qui sont l’apanage du débat politique et social. Encore faut-il que ces choix soient explicités, éclairés, et débattus. Ce devrait être la fonction des élections car dans une démocratie qui fonctionne bien, l’élection sert d’abord à révéler les préférences des citoyens et à fixer sur cette base le mandat des gouvernants. C’est de la qualité du débat électoral que dépend la clarté de ce mandat.
6Trois de ces arbitrages méritent aujourd’hui d’être discutés et tranchés. Ils portent sur le choix entre revenu et temps libre ; entre emploi et justice sociale ; et entre individualisation et socialisation du risque économique.
1 – Emploi, revenu et temps libre
7La première question est donc celle de l’objectif d’emploi, de sa définition et de son rang dans les priorités gouvernementales.
8Les Européens disposent aujourd’hui d’un revenu par tête inférieur d’environ un tiers à celui des États-Unis. Cela résulte moins d’une productivité plus faible ou d’une structure démographique plus défavorable que d’une quantité moyenne de travail par personne d’âge actif nettement inférieure. Selon les données de l’OCDE, en 2005, 61 % des 15 à 64 ans étaient en emploi en Belgique et ils ont en moyenne travaillé 1 534 heures au cours de l’année, contre respectivement 71,5 % et 1 804 heures aux États-Unis. En moyenne, donc, une personne d’âge actif a fourni dans l’année 936 heures (61 % de 1534) en Belgique, et aux États-Unis 1 290, soit 35 % de plus.
9Cette manière de raisonner a deux avantages : elle est neutre au regard de la répartition des heures ouvrées au sein de la population (elle peut correspondre à une situation où peu de personnes travaillent beaucoup, ou à la situation inverse) ; et elle a une traduction directe en termes de production potentielle (toutes choses égales d’ailleurs, une augmentation du nombre d’heures par personne d’âge actif se traduit en une augmentation correspondante de la production et du revenu par tête [2]). Cette approche met en évidence la situation très défavorable, au sein de l’OCDE, de l’Allemagne, de la France et de la Belgique, et plus généralement des six pays fondateurs de l’Union européenne (graphique 1).
Quantité annuelle de travail par personne d’âge actif, 2005
Quantité annuelle de travail par personne d’âge actif, 2005
10Entre pays développés, une grande diversité de situations s’observe. En Corée du Sud et en Islande, on compte plus de 1 500 heures par an et par personne d’âge actif, mais en raison dans un cas d’une durée du travail record, et dans l’autre d’un taux d’emploi exceptionnellement élevé. La même quantité est d’environ 1 150 heures en Espagne et Suède, avec ici encore une répartition très différente entre taux d’emploi et durée du travail. La Belgique, quant à elle, combine faible durée individuelle du travail (un peu en dessous de la Suède) et faible taux d’emploi (un peu en dessous de l’Espagne). Elle vient ainsi au vingt-neuvième rang sur trente pour la quantité de travail par personne d’âge actif. Seule la Turquie est derrière.
11Cette situation n’est pas soutenable. Non seulement à cause du sous-emploi qu’elle reflète ; non seulement parce qu’elle implique un revenu par personne d’âge actif sensiblement inférieur à celui de la plupart des partenaires ; mais aussi parce qu’au cours des années à venir, le vieillissement va impliquer de répartir ce revenu sur un plus grand nombre de personnes.
12Un pays qui combine baisse relative du nombre des actifs, sous-emploi et faible durée du travail est voué à la pauvreté. Ce pourrait être un choix collectif assumé. Il est douteux que ce soit le cas. La nécessité de relever substantiellement la quantité moyenne de travail par personne d’âge actif devrait donc faire l’objet d’un consensus politique et social. Devraient pouvoir s’y retrouver la droite, qui entend réhabiliter la valeur travail, mais aussi la gauche, qui avait jadis adopté le slogan « travailler moins pour travailler tous ».
13Il y a, en revanche, matière à débat à la fois sur l’ampleur et les modalités de ce nécessaire relèvement. Les leviers d’action sont connus : réduction du chômage nettement en deçà du niveau actuel (ce qui implique des mesures structurelles), relèvement de l’âge de cessation d’activité (ce qui implique une correction des paramètres du régime des pensions), augmentation de la durée individuelle du travail (ce qui nécessite de revenir sur l’évolution récente). Chacun d’eux implique des choix sociaux. Un débat rationnel serait donc celui où les deux camps principaux s’accorderaient au moins implicitement sur l’orientation d’ensemble, mais où chacun définirait le rythme de l’évolution qu’il ambitionne d’engager et les modalités qu’il privilégie. L’élection trancherait.
2 – Inégalités et emploi
14Partout dans le monde, la question de l’inégalité salariale est à l’ordre du jour. Après des décennies de relèvement continu du pouvoir d’achat au bas de l’échelle des rémunérations, les années 1980 ont marqué une rupture. Aux États-Unis, où le salaire minimum n’exerce que peu d’effet sur la distribution des salaires, cette inégalité s’est accrue sous le double effet d’un décrochage des bas salaires et d’un envol des rémunérations des salariés les plus qualifiés (graphique 2). Les travaux les plus récents font état d’un arrêt du premier de ces phénomènes dans les années 1990, mais d’une poursuite des seconds et d’une déformation progressive de la distribution des salaires sous l’effet d’une concentration des créations d’emploi aux deux extrémités de l’échelle. Cette polarisation du marché du travail entre des emplois très qualifiés et rémunérateurs et des emplois à bas ou très bas salaires se retrouve aussi au Royaume-Uni (Autor, Katz et Kearney, 2006).
Écarts de salaires aux États-Unis, 1980-2003 (par rapport à un salarié de même sexe et de niveau d’études secondaires)
Écarts de salaires aux États-Unis, 1980-2003 (par rapport à un salarié de même sexe et de niveau d’études secondaires)
15Les économistes continuent de discuter des causes de cette évolution. Trop générale pour pouvoir être imputée à la seule mondialisation, elle est le plus souvent tenue pour l’effet d’un progrès technique qui accroît la productivité des emplois très qualifiés mais pas celle des emplois faiblement qualifiés, et détruit les emplois intermédiaires. Les pays européens ne peuvent évidemment pas échapper à une tendance aussi générale et persistante. Les conséquences en sont d’ailleurs aggravées par le faible niveau de formation de la population : il faut rappeler que, selon l’OCDE, moins de 30 % des Belges d’âge actif ont atteint l’enseignement supérieur. La proportion est la même dans beaucoup de pays européens, et nettement plus faible en Italie ou au Portugal. Quels que soient les récents efforts en matière d’éducation (par ailleurs quantitativement et qualitativement insuffisants), le problème restera massif au cours des années à venir et continuera de représenter un des très grands défis auxquels sont confrontés les modèles sociaux européens.
16Cette tendance met en cause la cohésion sociale des sociétés avancées et les place face à un choix entre salaire et emploi : contenir la dispersion des salaires par la fixation d’un salaire minimum relativement élevé comporte un coût en emplois potentiellement élevé ; mais refuser au nom de l’emploi d’exercer une influence significative sur le salaire minimum implique de laisser des employeurs exploiter des situations de monopoles locaux et de s’accommoder de la pauvreté au travail.
17Une réponse à ce dilemme s’est progressivement dégagée au cours des années 1990 dans plusieurs pays européens. Elle a consisté à abaisser le coût du travail au niveau du salaire minimum sans réduire celui-ci par les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires ; et parallèlement à accroître la rémunération nette effective du salarié au moyen de transferts spécifiquement réservés aux salariés de type impôts négatifs (in-work benefits, ou encore prime pour l’emploi en France). Au total, le coin fiscal et social sur le travail faiblement qualifié a sensiblement diminué dans plusieurs pays européens (graphique 3).
Le coin fiscal et social sur le travail peu qualifié, 1998 et 2004
Le coin fiscal et social sur le travail peu qualifié, 1998 et 2004
18Reste que deux questions d’importance sont aujourd’hui posées. La première a trait au coût de ces politiques : en France, près de 20 milliards d’euros en 2005 pour les allégements de cotisations sociales, et 2,7 milliards pour la prime pour l’emploi (4,2 en 2007, après les récentes décisions du gouvernement Villepin) – au total, 1,3 % du PIB. Bien entendu, cette mesure est purement budgétaire et le coût net de ces politiques est nettement moindre, compte tenu des emplois qu’elles ont créés et des recettes sociales correspondantes. Cependant, le fait est que le débat politique et social porte sur les chiffres budgétaires. Dans un contexte de tension sur la ressource publique, la question de la soutenabilité dans la durée d’efforts de grande ampleur est posée.
19La seconde question a trait à la gestion du système ainsi mis en place. Il y faut du doigté pour atteindre simultanément les objectifs d’emploi et de redistribution. Or ce n’est pas toujours le cas. Ainsi en France, dans les faits, les allégements bas salaires se sont transformés, et d’instruments de promotion de l’emploi sont devenus instruments de redistribution (graphique 4) : les pouvoirs publics décident pour des motifs sociaux d’une revalorisation du salaire minimum, et en neutralisent partiellement les effets sur le coût du travail par une augmentation des allégements. Le problème est qu’en comparaison de ce que permettent les instruments fiscaux (prime pour l’emploi) et sociaux (transferts ciblés), cette forme de redistribution est peu efficace. Elle mine de surcroît la légitimité des allégements, dont on continue à apprécier l’utilité au regard de leur objectif premier, l’emploi.
Ratios SMIC / Salaire médian en France, 1980-2003
Ratios SMIC / Salaire médian en France, 1980-2003
20La stabilité des dispositifs est en ces domaines essentielle, parce que les comportements d’embauche se fondent sur des anticipations de coût du travail et que toute perspective de remise en cause du système alimente des comportements précautionneux défavorables à l’emploi. Il serait donc souhaitable qu’il y ait accord entre les partis sur la pérennité et la finalité des instruments : l’emploi pour les allégements, le revenu pour la fiscalité. Le débat devrait porter sur les objectifs : niveau souhaitable du coût du travail au niveau du SMIC, degré de redistribution en faveur des bas salaires. Les deux camps devraient logiquement s’opposer sur la progressivité des prélèvements sociaux et fiscaux. En définitive, la question est en effet celle de la capacité des politiques publiques à isoler l’échelle des rémunérations nationales des effets du changement technique et de la mondialisation – et celle des coûts correspondants. Ce point devrait faire l’objet d’une opposition entre la gauche et la droite, dont les préférences en matière de redistribution ne coïncident pas.
3 – Risque économique et emploi
21La troisième grande question dont devrait se saisir le débat politique est celle du risque économique et de ses conséquences pour les salariés. Commençons, ici aussi, par rappeler les tendances, et par examiner le cas américain qui fournit un terrain d’observation privilégié des mutations du capitalisme. Diego Comin et Thomas Philippon (2005) ont récemment mis en évidence qu’en dépit d’un environnement macroéconomique de plus en plus stable à partir des années 1980, la volatilité microéconomique mesurée sur les données individuelles d’entreprises n’avait cessé d’y progresser (graphique 5). D’une année sur l’autre, le chiffre d’affaires des entreprises est de plus en plus variable, et il l’est particulièrement dans les secteurs technologiques ou à forte croissance. Depuis les années 1950, la volatilité microéconomique a ainsi plus que doublé.
Volatilité du chiffre d’affaire des entreprises américaines, 1955-2000
Volatilité du chiffre d’affaire des entreprises américaines, 1955-2000
22Cette volatilité accrue résulte d’une série de transformations des économies modernes. D’abord de la volatilité de la consommation, qui est allée de pair avec la sortie de l’économie de pénurie ; en Europe, la demande est évidemment plus incertaine qu’au temps où la croissance se faisait par extension au sein de la population du mode de consommation en vigueur aux États-Unis. Ensuite d’une innovation plus intense : les entreprises technologiques connaissent plus de fluctuations que les autres. De la spécialisation des entreprises, enfin : jadis, celles-ci regroupaient en leur sein diverses productions afin de compenser les fluctuations de la demande d’un produit par celles d’un autre (disons, pour faire image, des parapluies et des maillots de bain) ; aujourd’hui, elle concentrent leurs efforts sur les métiers dans lesquels elles disposent d’un avantage comparatif. Leurs actionnaires préfèrent un rendement plus instable, mais plus élevé, à la sécurité d’un cours plus lisse, parce qu’ils ont eux-mêmes davantage de compétences et d’instruments pour se protéger contre le risque.
23Cette évolution met en cause le contrat salarial traditionnel au gré duquel l’entreprise jouait à l’égard du salarié un rôle d’assureur et, en échange d’un salaire plus faible, le protégeait contre le risque de perte d’emploi [3]. Les entreprises ne sont plus à même de remplir cette fonction et tendent au contraire à reporter les risques sur les salariés [4]. Il est évidemment possible de freiner ce report du risque en contraignant les entreprises. Mais la contrepartie a toute chance d’en être la délocalisation des secteurs les plus cycliques, un freinage de l’innovation et, au total, une moindre productivité et un moindre revenu.
24Face à cet arbitrage, les sociétés développées réagissent de manières très différentes. Aux États-Unis, le salarié subit l’essentiel du risque, puisque l’assurance-chômage ne le couvre en général que 26 semaines. La fonction essentielle de la politique publique est, comme le disait Joseph Stiglitz, de gérer la demande en sorte de maintenir le taux de chômage à un niveau assez bas pour que les travailleurs licenciés puissent rapidement retrouver un emploi. Dans les pays nordiques, et singulièrement au Danemark, le risque est socialisé par le jeu de la fameuse « flexisécurité » : l’entreprise est libre de licencier, mais la collectivité prend en charge la rémunération du salarié jusqu’à ce qu’il ait retrouvé un emploi. En contrepartie, celui-ci est fortement incité à accepter les offres de travail ou de formation qui lui sont faites, et s’expose à la perte de ses allocations dans le cas contraire. En Europe continentale l’entreprise continue souvent à porter une partie du risque, mais cela pèse sur le revenu des salariés (Bouis et Renne, 2006). De plus, la pérennité de ce régime d’assurance implicite est partout en cause.
25En Europe, la question de l’évolution du modèle de protection de l’emploi est posée depuis quelques années déjà. La flexisécurité fait l’objet de beaucoup de louanges mais, dans les faits, l’hésitation est palpable et les mots tendent à cacher la réalité. Le modèle danois attire, mais ses contreparties – un très fort investissement public dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi, une très forte conditionnalité des allocations, un effort réel de formation et un comportement vertueux de gestion de la main-d’œuvre de la part des entreprises, en un mot un équilibre exigeant entre droits et devoirs – heurte les traditions. Le modèle libéral quant à lui rebute, mais demeure une tentation par défaut.
26Ce débat est essentiel parce qu’il résume aujourd’hui les questions que la mondialisation et le changement technique posent aux sociétés européennes. Pour les courants politiques, il offre l’occasion de dire comment ces sociétés doivent évoluer et comment doit se répartir la charge du risque entre l’individu et la collectivité. Cette redéfinition du contrat social est donc un enjeu aussi important que l’ont été en leur temps les grandes réformes sociales de l’après-guerre.
27Pour cela, il faudrait que les deux camps sachent formuler leur projet. De la gauche, on attendrait qu’elle dise si elle renonce à faire jouer aux entreprises un rôle d’assureur et si elle adhère à la philosophie du modèle danois dans ses différentes composantes, y compris celles qui fixent la responsabilité individuelle des salariés. De la droite, on attendrait qu’elle choisisse entre des proclamations de tonalité parfois social-démocrate – l’Allemagne et la France en ont récemment donné l’exemple – et une conviction libérale au gré de laquelle il est dangereux de socialiser le risque de perte d’emploi.
4 – Conclusion
28La disparition du débat politique fait partie des lieux communs actuels. Elle serait, selon les cas, vidée de substance par la technicisation de la gouvernance ou par la mondialisation. Les trois cas qui viennent d’être analysés montrent qu’il n’en est rien. Sur les modalités d’un accroissement du volume d’heures de travail, sur l’ampleur des inégalités salariales et les conditions de leur maîtrise, sur le risque économique, il y a place – et même nécessité – pour des débats informés autour de grands choix sociaux. Il appartient aux politiques de savoir poser ces débats en sorte que l’élection soit ce qu’elle devrait être : l’occasion d’un choix et la définition de la feuille de route des futurs gouvernants.
Bibliographie
Références
- Autor, D., Katz, L. et M. Kearney (2006). The Polarisation of the US Labor Market, mimeo.
- Bouis, R. et J.-P. Renne (2006). « Caractéristiques des marchés du travail dans les pays de l’OCDE », Minefi, DPAE, no 111, juin.
- Bourlès, R., et G. Cette (2005). “A Comparison of Structural Productivity Levels in the Major Industrialised Countries“, OECD Economic Studies, no 41 (2005/2), p. 75-107
- Comin, D. et T. Philippon (2005). “The Rise of Firm-Level Volatility: Causes and Consequences”, NBER Macroeconomics Annual.
- Oliveira, M.J., Gonand, F., Antolin, P., de la Maisonneuve, C. et K.-Y. Yoo (2005). “The Impact of Ageing on Demand, Factor Markets and Growth”, OECD Economics Working Paper, no 420.
- Sapir, A. (2005). “Globalisation and the Reform of the European Social Models”, Bruegel Policy Brief, no 2005-01, wwww. bruegel. org.
Notes
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[1]
Cet article prend appui sur ma contribution au livre du Cercle des économistes (Paris), Politique économique de droite, politique économique de gauche, Paris, Perrin, 2006.
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[*]
Bruegel et Université Paris-Dauphine
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[2]
Toutes choses ne sont pas exactement égales. Gilbert Cette (Bourlès et Cette, 2006) a mis en évidence une élasticité négative de la productivité à la quantité d’heures ouvrées. Mais cela ne change pas fondamentalement le raisonnement.
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[3]
C’est ce que les économistes appellent la théorie des contrats implicites.
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[4]
Une manifestation de cette tendance est, dans le domaine des retraites, la régression constante de la proportion de fonds de pension à prestations définies au profit des plans à cotisation définie, qui font porter le risque sur le salarié.