Notes
-
[*]
Léon LEMERCIER est président de l’Association pour le Volontariat, vice-président de la Plateforme Francophone du Volontariat, président d’honneur de l’espace social de Télé-Service et président de Télé-Secours.
-
[1]
Il est vrai que des nuances, importantes aux yeux de certains, distinguent le volontariat du bénévolat, et cela entretient des polémiques plus stériles qu’utiles. Ces distinctions sont propres à la langue française et limitées au caractère de gratuité ou non des prestations. Tous nos pays voisins échappent à cette querelle, ne disposant que d’un mot, – vrijwilliger, voluntary, voluntario, etc. –, dont la traduction en français est « volontaire ». Au niveau de l’Europe, il a été demandé de s’aligner sur ces mots. Les Associations représentatives des bénévoles et volontaires ont décidé d’utiliser le mot « volontaire » pour le vocabulaire officiel et d’utiliser indifféremment les deux mots dans le langage courant, en leur attribuant à tous deux la caractéristique de « gratuité », ce qu’est le « bénévolat » toujours et dans la majorité des cas le « volontariat » également.
-
[2]
Survey et action, Croix-Rouge de Belgique, 1997, p. 100.
-
[3]
La Plate-forme francophone du Volontariat, mise en place à la Fondation Roi Baudouin le 16 octobre 2002, réunit 24 des plus grosses structures où collaborent des bénévoles.
-
[4]
Association interfédérale du sport francophone : quasi tout le sport francophone, 55 fédérations et plus de 6.000 clubs (le foot et ses bénévoles non compris).
-
[5]
Union des Fédérations d’Associations de Parents de l’Enseignement Catholique et Fédération d’Associations de Parents de l’Enseignement Officiel.
-
[6]
Chiffres de l’INS, repris par Defourny, Dubois et Perrone (1997), p. 10.
-
[7]
Association pour le Volontariat, « Combien sommes-nous ? Qui sommes-nous ?», avril 2000, tableau 4.
-
[8]
Association pour le Volontariat, op. cit., tableau 5.
-
[9]
« Pour le volontariat » – Fondation Roi Baudouin et Association pour le Volontariat – p. 37.
1 En guise de préambule, quelques lignes de l’allocution que j’ai prononcée le 5 décembre 2000 à la maison des Parlementaires, à l’occasion du lancement de l’année 2001 comme « Année du Volontariat ».
2 1.500.000 bénévoles en Belgique… Mais, qu’est ce qui pousse tous ces citoyens ? Un jour, un homme ou une femme s’indigne ou s’enthousiasme, souffre ou s’émeut, proteste ou s’étonne, revendique ou défend, engage ou dénonce, observe ou constate. Et cette femme entreprend, et cet homme entreprend. Ils ont un point commun avec des centaines d’autres citoyens : ils ne sont pas indifférents, et leurs réactions, leurs sensibilités, leurs indignations, leurs émotions les poussent à s’engager dans une aventure. Et ils créent, ils inventent, ils innovent, sans même penser à déposer un brevet, parce que le terrain où ils évoluent est sur une autre planète que celle du profit, et où la solidarité remplace la concurrence. Et ils engagent une entreprise qui n’existait pas dans la cité, une entreprise qui les fait sortir de chez eux, pour trouver la réponse à un problème, une situation que la société a mis en travers de leur route. Et ils partagent. Leur partage n’est pas une division, mais une multiplication : d’autres les rejoignent et partagent leur enthousiasme, leur foi, leur détermination et ils s’engagent aussi. Et ils s’associent dans l’engagement : une association est née. Des citoyens sont rassemblés autour d’un projet au service de la cité, sans rien lui demander en retour, pour lui apporter un mieux être, un mieux vivre, un mieux se distraire, un mieux jouer, un mieux s’épanouir, un mieux se défendre, un mieux se développer, un moins de solitude, bref, un mieux faire la société.
3 Et l’histoire continue. L’entreprise se développe, devient indispensable, incontournable, dépasse les moyens des associés et vaut d’être soutenue, d’abord par les autres citoyens avec leurs propres ressources… et puis par l’institution politique, par des subsides : « comment nous, les responsables, n’y avions-nous pas pensé ?» Est-ce le rôle du politique de penser à la place des citoyens ? Est-ce que ce sont les citoyens qui doivent aider le politique à penser, ou le politique qui doit soutenir et encourager les citoyens à être des « citoyens engagés actifs… des bénévoles » ?
4 Et l’histoire continue. L’entreprise devient telle qu’il faut des présences permanentes, des spécialistes qu’il faut engager. Et voilà que ces initiatives citoyennes créent de l’emploi, là où il n’y avait rien. Des métiers qui n’existaient pas ont été créés et des écoles pour former ces métiers ont été ouvertes.
5 Et l’histoire continue, parfois très amère, parce que l’aventure bénévole d’origine s’est complètement transformée en emploi et qu’elle en arrive à perdre la mémoire de ses racines. Et s’il reste des volontaires, ils sont occultés dans une organisation qui est devenue une institution et qui n’est plus une association, dans le sens « une association de citoyens autour d’un projet ». La génération actuelle sait-elle encore que plusieurs de nos institutions, dont l’ONSS, sont le résultat d’initiatives bénévoles, pour plus de bien-être et de justice ?
6
Ceci pour rappeler, ou l’affirmer à ceux qui veulent l’ignorer, que tout l’associatif – du moins celui qui répond à l’engagement du citoyen dans un projet de la
société civile – est né du génie inventif de bénévoles et s’est développé par l’engagement massif de citoyens au service d’autres citoyens. Et que l’on n’oublie pas
que la grande majorité des associations est gérée et soutenue par des administrateurs bénévoles.
* *
*
7 Ce préambule fait apparaître que le volontariat ne participe pas à un processus d’échange habituel. « L’interpellation » d’un citoyen « non indifférent », qui croise un problème, est toujours à l’origine de l’initiative qui va devenir une « cause ». La non-indifférence est la principale caractéristique du volontariat et c’est elle qui suscite les motivations. Un processus, quand il est enclenché, va développer une série de formes de participation à la cause – « réponse au vide » –. Diverses formes d’engagements volontaires vont se développer : création et innovation, soutien et assistance, exécution et réalisation, développement et croissance, se terminant parfois par le transfert à d’autres formes – ou même l’abandon – de gestion du « problème ».
8 Dans l’engagement volontaire, Il n’y a pas d’échange en terme d’équivalence.
9 Dans l’emploi, je vends mon temps en exécutant un travail qui produit de la valeur pour une entreprise et en contrepartie – et en principe de façon proportionnelle – je reçois un salaire, valeur de subsistance, en exécutant un travail : il y a échange de valeurs.
10 Dans l’engagement volontaire, je donne mon temps et rien n’est attendu en échange d’équivalence, rien n’est prévu, rien n’est négocié. Et pourtant un retour important se réalise souvent : je reçois plus que je n’ai donné ! Mais ce retour ne s’effectue pas par un transfert de valeurs au départ du projet, de la cause, mais bien par un échange interne, une transformation interne : je transforme le contenu de mon temps en lui donnant du sens. La même prestation, effectuée dans le cadre d’un emploi ou dans celui d’un engagement bénévole, développe des sentiments très différents, suivant le sens qui s’y attache. On peut certes vivre sans sens, mais on vit beaucoup mieux avec du sens. Il ne s’agit donc pas d’un problème d’échanges.
11 Le don de temps ne peut en aucun cas être assimilé à une vente de temps, même si la production est la même. Toutes les règles qui entourent l’emploi et le travail ne sauraient être d’application au volontariat et à ses prestations : on ne légifère pas la liberté de donner. Cela ne veut pas dire que le volontariat puisse se passer de règles. Il est soumis à toutes les règles de la vie en commun, à toutes les règles de bon sens qui sont d’application pour bien faire fonctionner une organisation.
12 La différence se trouve au niveau des sanctions. C’est la possibilité et le niveau de sanction qui révèle le degré de subordination à une autorité ou à une loi.
13 Dans l’emploi, des sanctions propres au travail sont appuyées par des lois et des tribunaux. En volontariat, seules les lois qui concernent tous les citoyens sont d’application. Dans le volontariat, en situation de conflit ou de perte de confiance, la seule sanction est la séparation, ce qui explique d’ailleurs le laxisme des relations dans certaines associations, par crainte de perdre les bénévoles.
14 Un autre travail ? pas du travail, mais un don. Une autre rémunération ? pas une rémunération, mais un autre sens. Un autre profit ? pas du profit, mais du mieux être.
1 LE VOLONTAIRE
1.1 Être volontaire ou bénévole c’est quoi ? [1]
15 Il convient, pour savoir de quoi on parle d’en préciser au préalable la définition.
16 Nous reprenons celle retenue et reconnue par le volontariat lui-même et par le monde associatif. Six critères sont retenus pour définir le volontariat, dont quatre indispensables, les deux autres ajoutant des nuances utiles. Nous nous efforcerons, à l’occasion de cet article, de faire apparaître les différences avec les caractéristiques du travail/emploi, ci-dessous notées entre crochets.
17 Le volontariat est une activité exercée :
- en toute liberté : c’est un choix personnel, en dehors de toute pression et cette liberté s’exprime, d’une certaine façon par le fait qu’on peut choisir de ne pas être bénévole [certains privilégiés peuvent se passer d’emploi, mais dans la très grande majorité des situations, l’emploi est la seule ressource de subsistance, il n’y a pas la liberté de s’y soustraire];
-
dans une structure : l’acte gratuit n’est certes pas le monopole du volontariat :
rendre service individuellement est dans la nature humaine; toutefois, par ce qu’on entend être le volontariat, il ne s’exerce que dans une structure. Il n’y a pas de bénévoles indépendants ! [l’emploi peut être exercé de manière indépendante… ]; - pour autrui ou la collectivité : le volontariat, fondé sur le désintéressement, exclut qu’il soit exercé dans le cadre de l’entraide familiale ou amicale [ tout à l’inverse, l’emploi est principalement exercé en faveur de sa famille];
- et gratuitement : c’est à dire sans rémunération; mais le volontariat ne doit pas pour autant coûter : il ne faut pas confondre remboursement des charges ou des frais avec paiement des prestations [l’emploi débouche a priori sur de la rémunération].
18 Àces 4 critères on peut en ajouter 2 autres :
- sans contrainte : mais en acceptant les règles du jeu, sans quoi on ne peut fonctionner. Il ne s’agit pas d’une subordination à une autorité avec capacité de sanctions mais bien de l’acceptation volontaire de règles de fonctionnement, qui elles sont soumises à l’autorité. Il ne faut pas confondre responsabilité et autorité [les règles de fonctionnement fixées par contrat d’emploi ou règlement de travail sont des contraintes légales sanctionnées par les tribunaux];
- pour exécuter des tâches : c’est un engagement concret qui distingue le volontariat du militantisme, encore que nombre d’engagements bénévoles sont accompagnés de militantisme, mais ce n’en est pas l’objet principal [ce cri-tère-ci ne le distingue en rien de l’emploi, ce qui est d’ailleurs à l’origine des tensions entre emploi et bénévolat].
19 Il n’est pas inutile, pour affiner une définition, d’en préciser ce qu’elle n’est pas.
20 Être volontaire, ce n’est pas une thérapie, mais cela peut y participer, une réponse à soi-même, mais on peut l’y trouver, une recherche d’emploi, mais bien souvent une source, ni encore un moyen de s’occuper, mais cela peut l’être en plus.
21 Cela pour préciser que la motivation première et prioritaire, c’est le sens que l’on donne à sa démarche : un engagement libre, gratuit et pour autrui.
1.2 Quelles sont les motivations qui animent le volontariat ?
22 Deux motivations principales émergent des motivations habituellement reconnues à la démarche bénévole : altruisme et réalisation de soi.
23 Pendant longtemps, le volontariat s’est exprimé en termes de charité, puis de solidarité. Actuellement, le volontariat prend de plus en plus la forme d’engagement citoyen dans la communauté, tout en respectant le caractère individualiste du volontaire au service de son propre épanouissement.
1.3 Le profil du bénévole
24 Il est intéressant d’épingler trois caractéristiques du profil général du bénévole pour éclairer une information pas toujours conforme à la réalité.
Son âge
25 Contrairement aux idées répandues, le vivier des engagements bénévoles ne se trouve pas dans la population des pensionnés, tout comme d’ailleurs il ne se trouve pas parmi les chômeurs ou les personnes au foyer. Toutes les enquêtes ont démontré que c’est, non seulement dans la population active, mais parmi les plus actifs de cette population que se rencontre la majorité des bénévoles. Le tableau ci-dessous le confirme : les trentenaires et quadras sont les plus nombreux à s’engager:
Son niveau de scolarité
26 Il y a une relation directement proportionnelle entre le degré de scolarité des bénévoles et leur engagement. Ce constat pourrait indiquer que socialement et financièrement le volontariat est réservé à une partie de la population, comme l’affirment certains.
27 Le tableau ci-dessous semble le confirmer, mais il est plus indiqué d’affirmer que la scolarité développe des capacités d’apprécier des situations, tout comme elle améliore d’ailleurs les conditions sociales et financières de la population.
Son degré d’engagement
28 La moyenne [2] de l’engagement bénévole par semaine se situe autour de 7 heures.
2 LA MESURE DU VOLONTARIAT EN BELGIQUE
29 Le volontariat n’apparaît jamais aux yeux du public dans sa globalité, étant donné son éparpillement et la diversité des secteurs dans lesquels il s’exerce. L’absence de compétition, de vedettes et de stars dans ses associations, ainsi que l’humilité et la modestie des volontaires dans leur engagement participent à cette occultation. Dispersion, silence et effacement expliquent l’ignorance de l’importance du mouvement et la méconnaissance de son impact dans la vie de la société.
30 Combien de volontaires ? 1.500.000, soit 17 Belges sur 100,495.000 en Wallonie, 135.000 à Bruxelles et 870.000 en Flandre. Les 24 fondateurs de la Plate-forme Francophone du Volontariat [3] totalisent à eux seuls 350.000 volontaires. Et il y a un potentiel de 500.000 personnes disposées à s’engager, si elles disposaient des informations pour les orienter. Pour illustrer ces chiffres, l’AISF [4] à Liège compte plus de 90.000 bénévoles, les Mutualités Chrétiennes et Socialistes plus de 50.000 au service des différentes activités sociales et culturelles des mutuelles, 40.000 dans les comités de concertation et les comités de parents des écoles de l’UFAPEC et de la FAPEO [5].
31 Dans quels secteurs ? [6] 17% dans le sport, 11% dans les associations professionnelles, 10% dans l’éducation et l’enseignement, 9% dans les arts et les lettres, 8% dans les loisirs et ensuite, par ordre décroissant, religion, philanthropie, sciences, tourisme et patrimoine, patriotisme et politique. Ces chiffres donnent l’importance des secteurs où collaborent les volontaires, à défaut de chiffres sur le nombre de volontaires par secteur. On peut certes déplorer le manque de précision sur le contenu de certaines catégories, voire l’absence d’autres. Mais cela renvoie au manque général d’intérêt du politique et du public pour le volontariat, jusqu’il y a peu.
32 Combien de bénévoles par association?
33 Ces chiffres [7] ne représentent pas nécessairement la dimension des associations, ils indiquent quelle est l’importance de la présence des bénévoles dans les associations, qu’elles soient petites ou grandes.
34 Combien d’appointés dans les associations où il y a des bénévoles?
35 Ces chiffres [8] révèlent l’importance des petites et moyennes associations dans le tissu associatif : En effet si le nombre de bénévoles n’est pas significatif de la dimension des associations (cf. tableau ci-dessus), par contre le nombre d’appointés est révélateur, dans la grande majorité des cas, de la dimension de l’association.
36 Quel volume de travail ? Le Centre d’Économie Sociale de l’Université de Liège a mesuré globalement la contribution du volontariat à l’économie du pays. Les quelques chiffres ci-dessous donnent la mesure de cet apport. 1.500.000 bénévoles, prestant une moyenne de 7 h., cela représente 220.000 emplois temps plein, ce qui représente 25% du nombre de fonctionnaires ou 8% de l’emploi salarié ou encore 2% de la valeur ajoutée du pays, en utilisant le salaire moyen de la branche d’activité concernée.
3 QUELS ENJEUX
37 Il est certes très important de prendre en considération le poids « économique » du volontariat dans le bilan de la société. Mais ce bilan est incomplet si on ne prend pas en compte les autres valeurs entretenues par le volontariat, qui sont tout aussi « impayables », c’est-à-dire qu’en leur absence la société subirait d’importants dysfonctionnements dont les coûts pourraient être calculés.
38 En 1999 la Fondation Roi Baudouin a soutenu une initiative de l’Association pour le Volontariat, qui avait entrepris de rédiger un texte présentant l’importance du volontariat dans le fonctionnement de la société. Le but était de disposer d’une étude courte et dense, comme moyen d’introduction – et de sensibilisation – auprès des différents pouvoirs concernés par le volontariat. Ce travail, mené en étroite collaboration entre la Fondation et l’Association, a abouti à la publication d’une brochure dont le chapitre « Enjeu : l’avenir ?» [9] fait le point des valeurs apportées par le volontariat à la société. Nous croyons utile de compléter notre texte en rappelant, sous une forme lapidaire, le contenu de ce chapitre qui révèle les valeurs de fond et l’essence même du volontariat.
Les services à la société
39 Le volontariat remplit des rôles qui lui sont propres et spécifiques, en complément des rôles de l’État :
- initiative et créativité : le citoyen « non indifférent » réagit aux situations qu’il rencontre et qui requièrent une solidarité de première ligne; il précède les interventions et va là où il n’y a rien; il crée, il imagine et il invente en toute liberté des solutions qui souvent, reprises ou soutenues par l’État, deviendront rouages de la société.
- observatoire et vigilance : par sa proximité, le volontariat détecte les besoins du terrain et par sa présence sur ce terrain, il veille aux dérives de la société ou de ses règlements; ce rôle lui est réellement propre, évitant à l’État d’être son propre arbitre.
- impayables : démontré dans la section précédente, le volontariat participe largement à l’économie du pays, par des services qui sinon ne seraient pas rendus et, particulièrement, à la frange la plus fragile de la population.
La participation à un projet collectif
40 Sous deux formes, le citoyen s’intègre à la société et participe au fonctionnement de « sa » société.
41 • vivre dans l’espace public : le volontaire sort de chez lui et est engagé dans un projet où sa participation est importante; il y rencontre d’autres citoyens que ceux de son cercle privé et exerce avec eux une démocratie de terrain fort différente du politique.
42 • vivre une solidarité concrète et s’intégrer dans la société : tout citoyen, en versant sa quote-part d’impôts et de sécurité sociale, participe à la solidarité du pays, mais celle-ci, abstraite et lointaine, peut occulter des réalités proches et servir d’alibi à l’indifférence; le volontaire, lui, est engagé dans une solidarité concrète et par cette voie rentre dans la société et s’y intègre.
L’intérêt pour le volontaire lui-même
43 Le volontariat signifie aussi enrichissement et équilibre personnels.
- épanouissement : l’altruisme n’exclut pas de trouver plaisir dans son engagement, sinon rapidement il dépérit et c’est souvent sa seule gratification; le volontaire trouve quasi toujours du sens à son engagement et parfois ne le trouve que là; et souvent cela devient une priorité dans la vie.
- exercice de liberté et de responsabilité : le volontaire peut entreprendre en toute autonomie, en dehors des hiérarchies et de l’administration; il n’est responsable que vis-à-vis de lui-même, ce qui parfois est même plus contraignant. Il est responsable aussi parce qu’engagé vis-à-vis des autres
L’apport de sens
45 Alors que le contenu du travail/emploi est de plus en plus dépouillé de sens et qu’il se limite à n’être qu’un gagne-pain dans une atmosphère de plus en plus tendue, l’engagement bénévole est une valeur refuge où se réconcilie prestations et sens.
- à la rencontre de deux valeurs : SOLIDARITÉ et LIBERTÉ : être utile dans ces valeurs donne du sens à ce que l’on y fait, que la tâche soit modeste ou plus responsable.
- vers plus de CLARTÉ : partager ces valeurs donne du monde une vision différente, ouvre des horizons et rectifie la hiérarchie des valeurs; le volontariat révèle à chacun ses responsabilités dans la société.
La participation à des structures modèles de démocratie
47 Agir dans les structures du volontariat fait participer à une expérience de démocratie exemplaire, par
- ses dimensions politiques : le volontaire participe à des assemblées démocratiques où le pouvoir est partagé avec d’autres; les projets et les orientations nécessitent un consensus et sont plus à l’abri de pouvoirs personnels; les objectifs, différents de ceux du profit, évitent le conflit des intérêts personnels.
- ses contraintes économiques : les moyens sont rares et imposent une gestion rigoureuse et solidaire; les recettes sont propres et engagent plus de responsabilité; les risques de déconfiture sont présents et exigent une attention permanente.
- sa gestion plus psychologique et plus diplomatique : la relation hiérarchique est plus responsable qu’autoritaire, l’absence de salaires impose une relation plus souple, sans être laxiste et non sans rigueur; le rapport des forces est plus modéré, demandant plus de temps de dialogue, ne disposant pas du raccourci des ordres donnés par une autorité contraignante.
4 EN FINALE
48 Les volontaires refusent que leur engagement soit assimilé à du travail. Dans le langage interne, on ne dit pas « je vais au bureau », mais bien « je vais à l’association ». On ne parle pas de « travail », mais bien de « tâches », de « prestations », de « services ». Ces distinctions ne sont pas superficielles et ne correspondent pas à des susceptibilités déplacées; elles révèlent la distinction fondamentale que le bénévole fait entre son boulot et son engagement.
49 Sans toujours pouvoir expliquer le pourquoi de cette différence, le volontaire vous dira, avec une étincelle dans les yeux, le sentiment d’utilité qu’il éprouve, l’importance de son engagement, peut-être parce qu’il n’y a pas d’intermédiaires entre son acte et la personne humaine qui en bénéficie : il mesure en direct la valeur de sa prestation, même très modeste mais identifiée. Et la gratuité en fait toute la valeur, aux deux sens que peut prendre le terme : geste modeste sans grande valeur économique parce qu’il ne coûte rien, mais geste hors de prix parce que généreux et sans attente de retour. Alors que dans son boulot, parfois responsable important, il ne saisit plus le lien de son travail avec la réalité humaine, dominé par un devoir de profit envers des bénéficiaires anonymes avec lesquels il ne s’identifie pas.
50 Donner une valeur économique au volontariat en évaluant uniquement la valeur du temps presté ne donne pas la mesure de son poids dans l’économie du pays. La qualité des prestations n’est guère prise en compte, mais il est impossible de lui donner un coefficient : la seule chose que l’on puisse dire c’est que le volontariat apporte plus de « bien-être » que d’« administration ».
51 Il ne faudrait pas que l’intérêt qui semble se dessiner pour le volontariat se focalise sur son poids économique et que de plus en plus, par des comparaisons il soit assimilé à du travail, « un autre travail »… Volontariat… engagement citoyen…
52 civisme ? Ce ne sont que des synonymes et on imagine mal d’apprécier le civisme en terme de travail.
Bibliographie
RÉFÉRENCES
- Archambault, E. et J. Boumendil (1997), Les dons et le bénévolat en France, Paris, Fondation de France.
- Defourny J., P. Dubois et B. Perrone (1997), La démographie et l’emploi rémunéré des asbl en Belgique, Centre d’économie sociale de l’Université de Liège.
- Ferrand, D. (1992), Bénévolat et Solidarité, Syros Alternatives, p. 75.
Notes
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[*]
Léon LEMERCIER est président de l’Association pour le Volontariat, vice-président de la Plateforme Francophone du Volontariat, président d’honneur de l’espace social de Télé-Service et président de Télé-Secours.
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[1]
Il est vrai que des nuances, importantes aux yeux de certains, distinguent le volontariat du bénévolat, et cela entretient des polémiques plus stériles qu’utiles. Ces distinctions sont propres à la langue française et limitées au caractère de gratuité ou non des prestations. Tous nos pays voisins échappent à cette querelle, ne disposant que d’un mot, – vrijwilliger, voluntary, voluntario, etc. –, dont la traduction en français est « volontaire ». Au niveau de l’Europe, il a été demandé de s’aligner sur ces mots. Les Associations représentatives des bénévoles et volontaires ont décidé d’utiliser le mot « volontaire » pour le vocabulaire officiel et d’utiliser indifféremment les deux mots dans le langage courant, en leur attribuant à tous deux la caractéristique de « gratuité », ce qu’est le « bénévolat » toujours et dans la majorité des cas le « volontariat » également.
-
[2]
Survey et action, Croix-Rouge de Belgique, 1997, p. 100.
-
[3]
La Plate-forme francophone du Volontariat, mise en place à la Fondation Roi Baudouin le 16 octobre 2002, réunit 24 des plus grosses structures où collaborent des bénévoles.
-
[4]
Association interfédérale du sport francophone : quasi tout le sport francophone, 55 fédérations et plus de 6.000 clubs (le foot et ses bénévoles non compris).
-
[5]
Union des Fédérations d’Associations de Parents de l’Enseignement Catholique et Fédération d’Associations de Parents de l’Enseignement Officiel.
-
[6]
Chiffres de l’INS, repris par Defourny, Dubois et Perrone (1997), p. 10.
-
[7]
Association pour le Volontariat, « Combien sommes-nous ? Qui sommes-nous ?», avril 2000, tableau 4.
-
[8]
Association pour le Volontariat, op. cit., tableau 5.
-
[9]
« Pour le volontariat » – Fondation Roi Baudouin et Association pour le Volontariat – p. 37.