1Après la chute du mur de Berlin en 1989, nous avons assez rapidement compris
que l’Union européenne devrait, un jour, s’élargir à l’est du continent aux pays qui
émergeaient à la liberté. Mais la question était quand ? Et comment ? Peu
d’observateurs en Europe occidentale pensaient que ce processus, particulièrement
lourd à mettre en œuvre, pouvait aboutir rapidement à cause de deux handicaps :
le passif de l’héritage communiste et les difficultés de la période de transition vers
le système libéral. Et pourtant, assez rapidement, nous avons dû corriger notre
premier jugement devant la volonté affichée par les pays d’Europe centrale et
orientale et surtout leurs premiers résultats économiques. Ce processus verra son
aboutissement institutionnel le premier mai 2004, avec l’élargissement de l’Union
à dix nouveaux États membres. Il aura, néanmoins, fallu quinze ans de préparation.
2Dès juin 1993, nous avions réalisé que, devant l’ampleur du mouvement qui se dessinait, il fallait s’accorder sur des critères clairs et objectifs pour encadrer la mutation qui s’accomplissait. Ce fut l’établissement des trois critères politique, économique et administratif, d’adhésion, dits critères de Copenhague de juin 1993.
3Puis, en juin 1997, la Commission européenne a produit le document Agenda 2000, photographie de ce que devrait être la construction européenne à l’aube du XXIe siècle. Ce texte ne recouvrait pas que le seul processus d’élargissement mais il avait une ambition beaucoup plus large, puisque, notamment, il englobait les orientations de réforme de la politique agricole commune, celle des fonds structurels et, surtout, des éléments sur l’enveloppe financière qui permettrait de réaliser l’ensemble de ces politiques. En mars 1999 à Berlin, les États membres de l’UE se mirent d’accord sur cette enveloppe qui permettrait de financer ces politiques entre 2000 et 2006. Et en décembre 2002, de nouveau à Copenhague, l’Union européenne a conclu les négociations d’élargissement avec dix des douze pays candidats qui les avaient entamées, en vue d’une adhésion le premier mai 2004.
4Dans un premier temps, sera examiné le cadre global de ces accords, tant sur un plan financier qu’à travers certains dispositifs plus politiques ou administratifs, puis, en second lieu, seront abordés trois aspects particulièrement importants de cette problématique, méritant de plus amples développements : la politique agricole commune (PAC), les fonds structurels et la politique de concurrence.
I. LE CADRE GLOBAL DES ACCORDS DE COPENHAGUE DE DÉCEMBRE 2002
5L’Accord de Copenhague de décembre 2002 avait essentiellement un volet financier mais d’autres aspects à caractère plus politique ou administratif ont aussi été abordés lors de ce Conseil européen décisif.
1. Les volets à connotation financière
6Les quinze États membres se sont accordés sur une enveloppe de 40,9 Mds, aux prix de 1999, pour financer l’élargissement en terme d’engagements pendant la période 2004/05/06, soit 46 Mds € à prix courants. Il devrait normalement être possible de demeurer sans trop de difficultés à l’intérieur du plafond de dépenses budgétaires globales de 1,27% du PIB communautaire qui avait été initialement arrêté puisque, actuellement, nous sommes toujours assez éloignés de cette barre.
7En termes nets, l’UE-15 s’engage pour 25 Mds €, soit sensiblement moins que les perspectives financières de Berlin.
8Certaines difficultés financières pourraient peut-être venir ultérieurement (en 2007) pour 2 raisons : l’adhésion prévisible de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007 et surtout la montée en régime des transferts au bénéfice des pays candidats à la suite de la réforme des fonds structurels et de celle de la politique agricole commune.
9Sur une enveloppe totale de 40,9 Mds, les crédits d’engagements seront de 37,5 Mds €, qui devraient se répartir entre 4 postes principaux :
- l’agriculture : 9,8 Mds € dont 5,1 Mds € pour le développement rural;
- les politiques structurelles : 21,8 Mds € dont 7,6 Mds € pour le seul fonds de cohésion;
- les politiques internes : 4,2 Mds € dont 2,6 Mds € pour les politiques diverses,
0,4 Md € pour la sûreté nucléaire, 0,9 Md € pour la mise en œuvre de
Schengen, 0,4 Md € pour l’« institution building »; - l’administration (dont traduction/interprétation): 1,7 Mds €.
10À ces montants, il faut ajouter : une facilité de trésorerie de 2,4 Mds € (dont
1 Md € pour la Pologne) ainsi qu’une compensation budgétaire (temporaire):
1,0 Md€ pour la République tchèque, la Slovénie, Malte et Chypre, ainsi que différentes enveloppes non ventilées.
11Le tableau présenté ci-dessous précise la répartition géographique des 37,5 Mds € de crédits d’engagement. Il est intéressant de remarquer que l’enveloppe de la Lituanie est supérieure à celle de la Slovaquie malgré une population inférieure; c’est en partie dû à une ligne sûreté nucléaire supérieure; la faiblesse relative de l’enveloppe de la République tchèque en comparaison de celle de la Hongrie à population comparable, est en partie provoquée par les moindres transferts agricoles dans un pays essentiellement industriel; la prééminence de l’enveloppe polonaise est justifiée par l’importance de la population.
12Nous étudierons ultérieurement de manière plus approfondie les aspects PAC et fonds structurels qui sont les éléments les plus importants dans le cadre de la poursuite de la construction européenne. Auparavant, nous allons passer en revue les autres actions politiques, nécessitant un volet financier, telles que définies à Copenhague.
(i) Les politiques internes et diverses
13L’enveloppe de 4,2 Mds € se répartit selon les différents postes suivants : 2,6 Mds€ pour l’ensemble des politiques existantes auxquels s’ajoutent un certain nombre d’autres. La sûreté nucléaire qui aura 0,3 Md €, notamment pour le déclassement des deux centrales de Bohunice en Slovaquie (20 Mds € pendant chacune des 3 années) et surtout de Ignalina I en Lituanie qui aura 105 Mds € en 2004,70 Mds€ en 2005 et 2006. Cette enveloppe est particulièrement importante pour un petit pays comme la Lituanie et elle n’est pas prise en compte dans le calcul des 4% de capacité d’absorption. Le renforcement des institutions bénéficie d’une enveloppe de 0,4 Md €: il s’agit d’une facilité transitoire pour permettre le remplacement de Phare, car l’on a conscience de certaines limites pour les opérations effectuées jusqu’alors et ce type d’opérations est déterminant dans la reprise de l’acquis communautaire. 200 Mds € sont prévus pour 2004,120 Mds € pour 2005 et 60 Mds € pour 2006.
14Lors des dernières séances de négociation une facilité a été ajoutée pour la reprise de l’acquis de Schengen; elle bénéficiera d’une enveloppe de 0,9 Md €, notamment en faveur de la Pologne, pays qui a les plus longues frontières extérieures de l’Union (0,3 Md €). Seuls Malte, Chypre et la République tchèque, qui ne sont pas concernés, n’ont rien obtenu sur ce poste. Une aide structurelle de 0,2 Md€, assez conséquente pour une population de l’ordre de 200000 habitants, avait été prévue pour Chypre nord dans l’hypothèse où il y aurait eu un accord entre les deux parties de l’île. Cela aurait pu être un catalyseur important dans la perspective d’une issue positive des négociations. Certains engagements auront néanmoins lieu en faveur de la partie nord de Chypre.
15L’enveloppe consacrée aux dépenses administratives est appréciable, 1,7 Mds€, à cause, notamment, des dépenses à engager en matière de traduction et d’interprétation, chacun des pays candidats arrivant pratiquement avec sa langue nationale propre.
16Enfin, une compensation budgétaire de 1,0 Md € a été prévue pour éviter qu’aucun des pays candidats ne soit contributeur net au budget de l’Union (ce qui aurait été le cas temporaire de la République tchèque, de la Slovénie, de Chypre et de Malte) et qu’aucun ne touche moins en transferts nets que pendant la période de pré-adhésion, les paiements effectifs étant plus tardifs que les versements des contributions au budget de l’Union. Cette compensation est complétée par une facilité de trésorerie de 2,4 Mds €, dont 1 Md € pour la seule Pologne, et des montants non négligeables pour la République tchèque, afin, aussi, d’éviter des soldes négatifs.
(ii) Les engagements totaux
17Ils devraient être de 10,8 Mds € en 2004,13,4 Mds € en 2005 et 16 Mds € en 2006, ce qui traduit la montée en régime de l’intégration des pays candidats dans l’Union européenne. Les crédits de paiement seraient au total sur les 3 années de 26,3 Mds € à mettre en rapport avec les 38,5 Mds € de crédits d’engagement, ce qui illustre aussi le mécanisme de montée en régime : en 2004 ils ne seraient que de 5,7 Mds €, en 2005 de 10,5 Mds € et en 2006 de 11,8 Mds €. Le fait d’effectuer l’élargissement seulement le 1er mai et non le 1er janvier 2004 a aussi une incidence sur ces agrégats, notamment du côté de la contribution des pays candidats au budget de l’Union puisqu’ils ne seront pas tenus d’acquitter de cotisation au titre des 4 premiers mois de l’année. Leur situation nette vis-à-vis de l’UE-15 serait donc positive d’un montant de l’ordre de 25 Mds € sur trois ans, ce qui représente le coût effectif de l’élargissement pendant cette période pour l’UE.
18Cet élargissement se réalise donc théoriquement à un coût raisonnable. L’avenir dira si ce cap peut être maintenu face aux besoins existants mais dans une situation économique et budgétaire qui risque d’être plus tendue qu’actuellement. Les négociations sur les prochaines perspectives financières 2007/2013 peuvent être assez difficiles car elles seront débattues, selon les principes résultant du traité de Nice, à l’unanimité, avec la montée en régime des transferts aux nouveaux pays candidats et l’arrivée vraisemblable, en 2007, de la Roumanie et de la Bulgarie.
2. Les orientations à caractère plus politique ou administratif
19Le Conseil a, en outre, confirmé des orientations à caractère plus politique : la République de Chypre adhérera à l’Union européenne le 1er mai 2004, une solution satisfaisante n’ayant pu être trouvée au problème de la partition de l’île. L’UE avait toutefois marqué sa préférence pour une option permettant l’intégration de la totalité de l’île. L’échec des négociations, conduites sous les auspices des Nations unies, le 11 février 2003 à La Haye, devrait entraîner logiquement l’adhésion de la seule partie sud de l’île. Toutefois, les événements récents (ouverture de la frontière) laissent subsister un certain espoir, les négociations sur la réunification pourraient peut-être reprendre. Une enveloppe d’aide structurelle a été accordée à la partie nord.
20La Bulgarie et la Roumanie se sont vues confirmer l’objectif d’adhésion en 2007, échéance qui a été acceptée à la fois par les 15 actuels États membres et par les 10 pays candidats qui entreront le 1er mai 2004. Des feuilles de route précisant le calendrier des travaux à effectuer avec ces 2 pays ont été préparées dans cette perspective. Depuis le Conseil européen de Copenhague, la Croatie a présenté sa candidature à l’UE. Celle-ci a décidé de lancer au printemps 2003 une étude de la demande en regard des trois critères de Copenhague (y compris, notamment, le critère politique). Cet examen pourrait éventuellement durer plus ou moins un an, à la suite de quoi l’Union européenne décidera ou non d’entamer des négociations avec la Croatie.
21Le cas de la Turquie est plus complexe. Le Conseil a décidé de lui fixer une clause de rendez-vous fin 2004 afin d’entamer ou non un processus de négociation dans les mois suivants si elle respecte le critère politique de Copenhague. Cette prise de position fut assortie de la reconnaissance des efforts considérables accomplis par la Turquie dans la voie de l’adhésion et, surtout, la volonté d’augmenter les crédits destinés à ce pays de manière substantielle laisse ouverte toutes les possibilités.
3. Le suivi par la Commission et les clauses desauvegarde
22Au-delà des aspects purement financiers ou de nature essentiellement politique, le Conseil européen de Copenhague a dû se pencher sur certains problèmes de nature plus administrative. Des dispositifs ont été élaborés afin d’éviter toute difficulté dans le cadre du processus d’adhésion. Les rapports réguliers présentés par la Commission au mois d’octobre 2002 avaient permis de constater que les dix pays candidats devraient être prêts à satisfaire aux obligations de l’adhésion pour le 1er mai 2004. Mais, afin de s’assurer que des dysfonctionnements ne risquaient pas d’apparaître, trois clauses de sauvegarde ont été prévues et un suivi très strict des pays candidats est effectué. Une première clause de sauvegarde, habituelle dans ce genre de traités, est introduite sur un plan économique et deux autres clauses de sauvegarde spécifiques couvrent les domaines du grand marché intérieur et de la justice et des affaires intérieures. Le suivi des pays candidats comprend notamment la préparation par les services de la Commission d’un rapport d’ensemble sur leur situation en regard de la reprise de l’acquis, six mois avant la date d’adhésion. Dans cette optique des rapports bimensuels ont été rédigés sur le respect des engagements pris à Copenhague par les pays candidats. Ces documents montrent que généralement les pays candidats se conforment à l’esprit des négociations, toutefois la Pologne, la Lettonie et dans une certaine mesure la République tchèque ont rencontré quelques difficultés dans cette mise en œuvre.
23Dans cette perspective, si les 15 États membres, les 10 pays candidats et le Parlement européen ratifient le traité qui a été signé à Athènes au mois d’avril 2003 (ratification qui a lieu par voie référendaire dans presque tous les pays candidats et par voie parlementaire dans les États membres), les 10 pays candidats rentreront dans l’Union le 1er mai 2004.
II. TROIS THÈMES D’UNE PREMIÈRE IMPORTANCE
1. La politique agricole commune
(i) Le cadre financier du volet PAC tel qu’arrêté àCopenhague
24L’enveloppe agricole est de 9,8 Mds € dont 5,1 Mds € consacrés au développement rural (la Pologne devant en recevoir 4,6 Mds €). Lors du Conseil de Berlin sur les perspectives financières 2000/2006, il n’avait pas été envisagé d’accorder des aides directes aux pays candidats car celles-ci ne pouvaient être justifiées par la baisse des prix agricoles intervenue dans l’UE. Mais l’accord de Berlin ne les avait pas formellement exclues en n’acceptant pas une PAC à deux vitesses. Les paiements directs ont un fort impact sur le revenu agricole, représentant actuellement environ 62% des revenus des agriculteurs.
25La Commission a proposé initialement de les introduire de manière progressive : 25% en 2004,30% en 2005 et 35% en 2006, jusqu’à la totale reprise de la PAC en 2013, quelle que soit sa situation à ce moment-là. Cette proposition permettait, d’une part, d’introduire une période transitoire, de rester dans les limites budgétaires raisonnables, de ne pas contribuer à geler des situations non compétitives dans les pays candidats, d’éviter de trop subventionner un secteur de la population au détriment des autres et, d’autre part, d’accorder néanmoins des transferts substantiels aux agriculteurs des pays candidats directement concurrents de ceux de l’UE (notamment, par exemple, dans les zones de la République tchèque frontalières de la Bavière).
26À côté de cette ligne, une enveloppe de 5,1 Mds € était consacrée au développement rural (devant, notamment, permettre la mise en œuvre de certaines réformes structurelles). Mais les pays candidats (en particulier la Pologne) ont préféré obtenir un complément de revenus pour leurs agriculteurs sous la forme de « topping up » jusqu’à 55%, puis 60% et 65% des paiements directs dont bénéficient les agriculteurs de l’Union à 15. Cette facilité concerne huit des 10 pays candidats. La différence, jusqu’à 40% du total, pourra être financée par d’autres sources communautaires dont l’enveloppe consacrée au développement rural.
27Cette solution ne nous paraît personnellement pas très satisfaisante car elle risque de conduire à repousser des réformes structurelles nécessaires et à geler des situations non compétitives. Elle a néanmoins été acceptée par la Commission car plusieurs pays candidats auraient peut-être eu du mal, par ailleurs, à dépenser leur enveloppe consacrée au développement rural.
28Dans la mise en œuvre de cette politique et pour le financement des aides qui y seront consacrées, les pays candidats pourront notamment se servir de l’expérience qu’ils auront acquise dans la gestion du programme Sapard (Special Accession Programme for Agriculture and Rural Development). Il avait été convenu dès le début de la mise en œuvre de la politique d’élargissement d’éviter d’aborder la question de la PAC et celle des fonds structurels en parallèle avec la conduite des négociations. Maintenant que celles-ci ont abouti avec dix pays candidats, il est nécessaire d’ouvrir ces dossiers.
(ii) Les orientations présentées par la Commission européenne pour la réforme de la PAC
29Celles-ci ne constituent toutefois qu’une base de négociation qui sera certainement appelée à subir de nombreuses modifications lors de son adoption effective par le Conseil. Suivant les conclusions du Conseil européen de Bruxelles d’octobre 2002, les agriculteurs des pays candidats auront un « phasing in » des aides directes jusqu’en 2013. Les dépenses totales liées au marché et les paiements directs dans une Union à 25 ne peuvent pas, pendant la période 2007-2013, dépasser en termes réels, le montant du plafond pour l’année 2006. Les financements totaux en termes nominaux, en faveur des dépenses de marché et des paiements directs pour chacune des années de la période 2006-2013, seront maintenus sous ce seuil de 2006, plus un accroissement de 1% par an. À partir de 2007 les dépenses agricoles seront ainsi stabilisées en termes réels, à la nuance près du déflateur de 1% par an jusqu’en 2013.
30La réforme doit s’effectuer dans le cadre financier prévu jusqu’en 2013, c’est-à-dire que les limites sont fixées mais que les modalités pratiques restent à arrêter.
31Cette réforme doit permettre de préparer les négociations à l’OMC, de simplifier l’ensemble des mécanismes agricoles existants, d’assurer une meilleure compétitivité et de faciliter le processus d’élargissement. Elle devrait entraîner une stabilisation des revenus, permettre d’éliminer les mesures d’incitation nuisibles à l’environnement et de faciliter le développement durable. Elle devrait enfin provoquer une meilleure répartition des aides directes et permettre de prendre en considération tant le point de vue des consommateurs que celui des contribuables.
32Cet ensemble de propositions est actuellement en discussion, mais il a déjà reçu un accueil assez réservé de la part des principaux syndicats agricoles qui sont a priori hostiles au principe du découplage systématique (ils veulent maintenir un minimum de liens entre la production et le revenu) et qui souhaitent que l’on conserve les principes de base de la préférence communautaire afin de garantir l’autosuffisance alimentaire, principal acquis de la PAC.
2. Les actions structurelles
33Elles bénéficieront d’une enveloppe de 21,8 Mds € dont 7,6 Mds pour le seul fonds de cohésion et 11,4 Mds pour la Pologne. Le fonds de cohésion représentera le tiers des transferts, contre seulement 18% pour les quatre États membres actuellement bénéficiaires. Cette inflexion a été provoquée pour permettre aux pays bénéficiaires de cofinancer avec un maximum de 85% fourni par les transferts communautaires, alors que dans le cas de l’objectif 1 des fonds structurels, il est possible de cofinancer selon les cas avec une fourchette comprise entre 50% et 80%. Le reste des financements sera essentiellement procuré à travers l’objectif 1 puisque seules, au niveau de découpage Nuts 2 en seront exclues les régions de Prague, Bratislava et Chypre sud (elles bénéficieront largement de l’objectif 2).
34Les transferts seront plafonnés à 4% du PIB à cause de la faiblesse de la capacité d’absorption présumée des pays candidats (pourcentage dérivé de calculs effectués sur l’Irlande et le Portugal). Cette disposition sera pénalisante dans la mesure où les pays candidats ne pourront recevoir que 137 € par habitant en 2006, contre 231 € par habitant pour les quatre pays bénéficiaires du fonds de cohésion (Espagne, Grèce, Irlande et Portugal).
35La principale difficulté pour la politique des fonds structurels viendra avec la montée en régime des transferts au bénéfice des pays candidats et la nécessaire réforme de la politique des fonds. Avec l’établissement d’une nouvelle moyenne de revenus pour l’UE à 25, de nombreuses régions de l’UE-15 bénéficiaires des fonds structurels passeront au-dessus de la nouvelle barre des 75%. Elles ne seront pas plus riches dans l’absolu, mais le seront comparativement aux régions plus pauvres des actuels pays candidats. Ainsi, 115 millions d’habitants de l’UE-25 se trouveront en dessous de la barre des 75%, essentiellement dans les nouveaux États membres et 37 millions d’habitants perdront ce statut :
- 7 régions allemandes (6 régions par l’effet statistique, 1 sans élargissement)
- 1 région autrichienne (1+0)
- 3 régions finlandaises (1+ 2)
- 4 régions grecques (2+ 2)
- 1 région italienne (1+0)
- 4 régions espagnoles (2+ 2)
- 2 régions portugaises (2+ 0)
- 2 régions britanniques (2+ 0)
- 3 régions irlandaises (0+3)
36Certaines régions comme les régions irlandaises l’auraient perdu même sans politique d’élargissement. D’où la nécessité d’un « phasing out » différencié plus rapide dans le cas des régions qui perdraient ce statut, quoi qu’il puisse arriver, et plus lent dans celles qui doivent cette modification à l’effet statistique provoqué par l’élargissement (la moyenne de l’UE baissera de 13%).
37D’un ancien transfert global nord-sud on risque ainsi de passer à un transfert important de l’ouest vers l’est. Cette évolution aura, bien entendu, une forte conséquence sur les régions d’objectif 1 qui seront évincées mais aussi sur les régions d’objectif 2 qui n’auront plus accès qu’à d’assez faibles financements, puisque l’on estime que la part des financements transitant par l’objectif 1 sera sensiblement supérieur à 90% des transferts totaux des fonds structurels. La politique régionale européenne risque d’être mise en difficulté, d’où la nécessité de sa réforme, qui sera assez délicate à conduire entre 2004 et 2006 car les prochaines perspectives financières (2007/2013) seront décidées à l’unanimité, selon les conclusions du Conseil européen de Nice. Les financements au titre des fonds structurels seront de 7,0 Mds € en 2004,8,1 Mds € en 2005 et 10,3 Mds € en 2006.
3. Le volet concurrence
38L’Union est favorable à l’attraction d’investissements directs étrangers (IDE) dans les pays candidats : c’est le principal vecteur du décollage économique. Mais celui-ci ne doit pas se faire grâce à des pratiques dérogatoires par rapport aux règles de concurrence de l’UE. Il doit s’effectuer en vertu de l’avantage comparatif du pays.
39C’est la raison pour laquelle l’UE a strictement négocié avec l’ensemble des pays candidats (surtout avec la Hongrie, la Pologne, Malte, la Slovaquie, mais aussi avec les autres) la conformité du régime national avec celui de l’UE, afin que des IDE ne viennent pas uniquement attirés par ces pratiques particulières, car des « tax holidays » avaient récemment été accordées pour des périodes longues pouvant aller jusqu’au-delà de 2010/2015. Ces dispositifs n’étaient pas acceptables.
40Deux principes de base ont été avancés : la valeur cumulée des aides d’État ne doit pas dépasser de 50 à 75% de la valeur de l’investissement initial selon la date de l’investissement et ces aides ne doivent pas fausser la concurrence en regard du code de bonne conduite sur la fiscalité des affaires. C’est ainsi qu’un certain nombre de périodes transitoires ont été accordées à la Hongrie, la Pologne, Malte, la Slovaquie, mais aussi à la République tchèque et à Chypre. Elles concernent les aides fiscales aux PME et aux grandes entreprises ou visent certains secteurs particuliers comme l’acier, l’industrie automobile, les chantiers navals, le secteur pétrolier, le domaine de l’environnement ou les sociétés « off shore ».
CONCLUSION
41En guise de conclusion, je souhaiterais maintenant montrer que l’élargissement est un pari raisonnable qui devrait globalement avoir un impact positif tant sur les pays candidats que sur l’Union européenne.
42Les 10 pays candidats avec 75 millions d’habitants (105 millions si l’on comprend la Roumanie et la Bulgarie) représentent un potentiel de croissance appréciable pour l’Union européenne. Pendant la dernière décennie, ils ont très fréquemment connu un taux de croissance nettement supérieur à celui de l’UE.
43Malgré un niveau économique de départ assez faible et une crise très profonde au
début des années 1990, leurs populations ne demandent qu’à s’intégrer dans un
nouveau système économique pour produire et consommer, comme nous le faisons. Ils ont réussi en très peu de temps à réorienter leurs flux commerciaux vers
l’UE. En quelques années, l’UE est devenue, et de loin, leur principal partenaire :
elle représente en général entre 60 et 70% de leurs échanges extérieurs. Globalement, ces pays sont, après les États-Unis, le premier partenaire commercial de
l’Union avec 16% de ses exportations et 14% de ses importations. Certains
pays candidats sont même plus intégrés dans les flux commerciaux de l’Union
que plusieurs États membres. Sectoriellement, il ne s’agit pas de flux commerciaux entre un bloc développé (l’UE) et des pays ayant un certain retard de développement mais d’échanges relativement égalitaires où les machines et produits
électriques représentent dans les deux sens le premier poste et les équipements
de transport le deuxième ou le troisième.
44Les pays candidats ont commencé à attirer des flux d’investissements directs (IDE) significatifs. Pour que l’on puisse assister à un tel décollage, il a fallu que deux conditions soient remplies : que la situation politique soit stable et que la conjoncture économique soit prometteuse. Les nouveaux investissements sont maintenant bien souvent effectués « ex nihilo » pour la qualité de l’avantage comparatif du pays (notamment en Hongrie). Les vagues de migrations souvent évoquées apparaissent globalement peu probables. Selon certaines estimations, elles ne devraient pas dépasser 1% de la population active de l’Union européenne sur une période de 10 ans.
45Globalement l’impact, tant sur les pays candidats que sur l’UE, sera positif.
46L’élargissement devrait entraîner un surplus de croissance de 1 à 1,8% par an dans les pays candidats, de manière à ce qu’ils puissent rattrapper les États membres les moins bien pourvus dans un délai de 15 à 30 années. Les flux commerciaux entre les pays candidats et l’Union européenne devraient poursuivre leur croissance en valeur absolue, si ce n’est en pourcentage, grâce à la suppression totale des barrières (surtout non tarifaires). Les investissements directs étrangers devraient continuer à être attirés du fait de la stabilité financière de la plupart des pays candidats et du développement de leurs marchés financiers. L’existence de ratios favorables entre les coûts du travail et la productivité sera un élément déterminant de l’attractivité de ces IDE dans les pays candidats. L’adoption de l’acquis communautaire créera un contexte favorable à une croissance de l’investissement direct étranger et du commerce. Les IDE en matière environnementale pourraient atteindre près de 3% du PIB des pays candidats pendant les 10 prochaines années, avec un bénéfice nettement supérieur au coût.
47L’élargissement devrait aussi avoir un impact favorable, mais plus faible, sur les États membres, tant en matière de croissance que de commerce.
48Les migrations limitées de population devraient avoir un effet dynamisant sur les économies frontalières.
49Cette politique initiée à Copenhague en juin 1993 a connu un premier aboutissement à Copenhague en décembre 2002. Il faudra néanmoins conserver à l’esprit que les prémices de la transition sont apparues à l’automne 1989 et que les premiers résultats tangibles – l’intégration de dix nouveaux États membres dans l’Union européenne – n’interviendront que le 1er mai 2004, c’est-à-dire qu’il y eut une période de quinze années entre le début de la mise en œuvre de cette politique et son premier aboutissement. Étant donné l’ampleur des bouleversements entrepris, cette durée n’est pas surprenante; même si elle est relativement longue, elle était sans doute nécessaire pour aboutir à la reconstruction de l’Europe.