Notes
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[*]
Koen VLEMINCKX travaille à la K.U. Leuven.
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[1]
Le revenu avant transferts et paiement des cotisations sociales et impôts sur le revenu comprend ici aussi, outre les revenus du travail et du capital, la pension alimentaire perçue et d’autres composants des revenus privés.
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[2]
Pour une partie des pays sélectionnés auparavant, nous ne présentons pas de résultats parce que les données sur les revenus avant intervention de l’État ne sont pas comparables à celles des autres pays.
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[3]
Comme nous n’avons pas pu ventiler les chiffres de pauvreté selon la stratégie d’emploi des parents pour tous les pays considérés au départ, cette sélection diverge de celle des tableaux 1 et 2.
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[4]
Il s’avère en effet, mais non des chiffres présentés ici, que c’est le cas en Allemagne et, dans une proportion nettement moindre, en Belgique aussi. Pour 54,6% des ménages allemands à deux revenus issus d’un travail à temps plein, le partenaire masculin perçoit un revenu du travail qui est inférieur au revenu moyen du travail de tous les hommes (Belgique : 46,2%). Parmi les ménages allemands percevant un revenu et demi, ceci n’est vrai que pour 20,9% des ménages (Belgique : 43,4%).
INTRODUCTION
1Depuis quelques années, chercheurs scientifiques et décideurs politiques accordent une attention de plus en plus soutenue à la question de la pauvreté infantile.
2Cette préoccupation se justifie sans peine par le fait que les enfants, qui représentent l’avenir de notre société, comptent parmi les membres les plus vulnérables de celle-ci.
3Il va de soi que c’est le désir le plus cher de tout parent de voir grandir ses enfants dans des conditions matérielles favorables mais des travaux de recherche scientifique menés à l’étranger ont également démontré combien cette préoccupation est importante pour la société dans son ensemble. Les enfants qui grandissent dans des conditions matérielles favorables ont également nettement plus de probabilités de devenir des adultes bien formés, créatifs et productifs qui évolueront optimalement dans notre société. C’est également pour cette raison que des experts internationaux en politique sociale, parmi lesquels G. Esping-Andersen et al. (2001), soulignent que, pour une société, la lutte contre la pauvreté infantile est une priorité parce qu’il s’agit du moyen le plus efficace de réduire plus tard le nombre d’adultes dépendants. Qui grandit dans la pauvreté a moins de chances de terminer avec fruit son parcours éducatif, de décrocher un emploi et d’échapper ainsi à la spirale de la pauvreté et de l’exclusion sociale. C’est par ce biais que pauvreté et exclusion sociale se transmettent de génération en génération. Briser cette spirale perverse en prévenant avant toutes choses la pauvreté infantile et en limitant les effets de celle-ci sur le parcours éducatif de ces enfants doit dès lors constituer la priorité absolue de la politique sociale. Quelques pays européens, dont le Portugal et le Royaume-Uni, ont formellement élevé la lutte contre la pauvreté infantile au rang des toutes premières priorités de leur politique.
4Dans cet article, nous allons dans une première section analyser l’ampleur de la pauvreté infantile dans une sélection de pays industrialisés. Dans la deuxième section, nous examinerons l’impact de l’intervention des autorités dans la répartition des revenus sur l’ampleur de la pauvreté infantile. Etant donné que les enfants dépendent de leurs parents au moins jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, la pauvreté infantile n’est bien sûr pas complètement étrangère à la situation matérielle de ces parents. Ainsi, le risque de pauvreté est influencé par la position des parents sur le marché du travail. C’est le thème que nous aborderons dans la troisième section. Dans la dernière section, nous nous pencherons sur l’impact de la position sur le marché du travail des parents sur le degré de pauvreté dans les familles ayant des enfants en bas âge.
5Le concept de « pauvreté infantile » renvoie au pourcentage d’enfants qui grandissent dans une famille pauvre. Une famille est qualifiée de pauvre lorsqu’elle dispose d’un revenu disponible inférieur à cinquante pour cent du revenu disponible médian de toutes les familles dans la société. Afin cependant de tenir compte des possibles économies d’échelle, le revenu disponible est d’abord standardisé à l’aide d’une échelle dite d’équivalence. Une personne isolée avec un revenu disponible de 1.000 euros par mois vit plus aisément qu’un soutien de famille qui gagne un même revenu mensuel mais qui a un(e) partenaire et deux enfants à charge. L’échelle d’équivalence appliquée ici est « l’échelle pondérée de l’OCDE ».
6Elle attribue un poids de 1 au premier adulte, par exemple à notre isolé et à notre soutien de famille, un poids de 0,5 à chaque adulte additionnel et un poids de 0,3 à chaque enfant. Le revenu disponible de notre isolé est donc divisié par 1 et le revenu disponible de notre soutien de famille avec son conjoint et ses enfants à charge par 2,1.
1. L’AMPLEUR DE LA PAUVRETÉ INFANTILE DANS LE MONDE INDUSTRIALISÉ
7Le tableau 1 présente l’ampleur du phénomène de la pauvreté infantile dans une sélection de pays industrialisés pour le milieu des années nonante (1994-1997).
8Ces résultats renvoient donc à la situation qui prévalait il y a quelques années. Ce décalage s’explique principalement par le fait que l’on a utilisé des données comparables au niveau international qui ont été stockées dans la banque de données du projet « Luxembourg Income Study » (LIS). Or le travail de collecte des données puis de traitement pour les rendre comparables internationalement s’est étalé sur plusieurs années. Les données applicables à la Belgique sont une version du « Sociaal-Economisch Panel » (SEP) recueilli par le Centrum voor Sociaal Beleid (CSB) de l’Université d’Anvers qui a été rendu comparable au niveau international pour les besoins du projet LIS. Il s’agit de la version la plus récente du SEP, qui renvoie à la situation des ménages belges en 1997. Le tableau 1 regroupe les résultats d’une sélection de pays industrialisés. Les pays ont été sélectionnés en fonction de la disponibilité de données comparables valables pour le milieu des années nonante. Par ailleurs, nous avons volontairement choisi de ne reprendre que des résultats applicables à l’Europe occidentale, à l’exception des États-Unis dont nous présentons les résultats en guise de contraste.
9Il ressort des résultats du tableau 1 qu’il existe de grands écarts entre les pays sélectionnés en ce qui concerne l’ampleur du phénomène de pauvreté infantile.
10Non sans surprise, c’est aux États-Unis que l’on enregistre le pourcentage le plus élevé d’enfants grandissant dans une famille indigente. Parmi les pays européens sélectionnés ici, c’est l’Italie qui connaît le pourcentage de pauvreté infantile le plus élevé. Si la Suède connaît certes le taux de pauvreté infantile le plus bas parmi tous les pays de notre sélection, on notera que tous les pays nordiques se positionnent parmi les cinq pays ayant le taux de pauvreté infantile le plus bas. La Belgique est le seul pays non nordique qui, avec une quatrième place, se classe dans ce groupe. Dans le tableau 1, nous présentons également les résultats pour les familles où le benjamin est âgé de moins de six ans et pour celles où le benjamin est âgé de plus de six ans. L’importance de cette distinction ressortira clairement dans le développement de la quatrième section. Bornons-nous pour l’instant à constater que les enfants élevés dans une famille où le benjamin a moins de six ans sont en général confrontés à un risque de pauvreté supérieur à celui qui est couru par les enfants élevés dans une famille où le benjamin est âgé de plus de six ans. Les Pays-Bas font figure d’exception unique à cette règle. Nous voyons en outre que cette distinction se répercute aussi sur le classement initial des pays sélectionnés. Ainsi, si l’on prend en considération le pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre où le benjamin a moins de six ans, la Belgique recule à la sixième place.
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre (1994-1997)
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre (1994-1997)
11Le tableau 2 présente les taux de pauvreté infantile pour deux types de familles : les familles composées des deux parents et les ménages composés d’une mère isolée. Il nous enseigne que, dans tous les pays étudiés, les enfants qui grandissent dans une famille composée d’une mère isolée sont exposés à un risque de pauvreté particulièrement élevé. Pourtant, sur ce point précis, on relève de grandes différences entre les pays sélectionnés. Ainsi, les pays nordiques se distinguent une nouvelle fois pour les deux types de familles avec des résultats nettement meilleurs que les autres pays. Dans la catégorie des mères isolées, ces pays enregistrent en effet un score relativement bon, un constat d’autant plus important que, dans ces pays précisément, le pourcentage d’enfants grandissant dans une famille composée d’une mère isolée est relativement important. Au Royaume-Uni et aux États-Unis aussi, une part relativement importante des enfants grandissent dans une famille composée d’une mère isolée mais ils y sont aussi exposés à un risque de pauvreté très élevé. La Belgique occupe une place très honorable en ce qui concerne les mères isolées, même si la part des enfants élevés dans ce type de famille est moins grande. La Belgique se classe à la troisième place.
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre selon
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre selon
2. LE RÔLE DES POUVOIRS PUBLICS DANS LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ INFANTILE
12Le tableau 3 présente les taux de pauvreté infantile avant [1] et après transferts et paiement des cotisations sociales et impôts sur les revenus.
13On peut poser qu’il s’agit ici de l’impact sur la pauvreté infantile de l’intervention de l’État dans la répartition des revenus. Il en résulte que l’intervention des pouvoirs publics dans la répartition des revenus a un effet positif important sur l’ampleur de la pauvreté infantile dans les pays concernés. Dans presque tous les pays [2], la pauvreté infantile se situe avant intervention publique entre quinze et vingt pour cent, mais dans la plupart des pays, la pauvreté infantile est réduite de plus de la moitié en conséquence directe de l’intervention de l’État dans la répartition des revenus. Seuls les États-Unis et, d’une manière assez inattendue, l’Allemagne y font exception. En Belgique, la pauvreté infantile est même réduite de plus de deux tiers suite à l’intervention de l’État dans la répartition des revenus, ce qui vaut à la Belgique une quatrième place. Seuls trois pays scandinaves, dont la Suède principalement, s’en sortent mieux sur ce point.
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre, avant et après
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre, avant et après
3. IMPORTANCE DE L’EMPLOI DANS LA PRÉVENTION DE LA PAUVRETÉ INFANTILE
14Le risque qu’un enfant grandisse dans une famille pauvre est fortement lié à la position des parents sur le marché du travail. Le tableau 4a illustre que pour une sélection [3] de pays industrialisés, le risque que les enfants grandissent dans une famille pauvre est plus faible lorsque les deux parents perçoivent un revenu du travail et que, au contraire, ce risque est le plus grand lorsqu’ils grandissent dans une famille sans aucun revenu du travail. L’on note pourtant des écarts importants d’un pays à l’autre. En général, on peut dire que le risque de pauvreté est le plus faible pour les enfants qui grandissent dans une famille où les deux parents travaillent.
15Il est singulier de constater que les enfants élevés dans une famille où le père travaille à temps plein et la mère à temps partiel sont exposés à un moindre risque de pauvreté que les enfants dont les parents travaillent tous deux à temps plein.
16C’est le cas plus précisément en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Un constat qui pourrait s’expliquer par le fait que dans les ménages où un des partenaires gagne un salaire relativement élevé pour un emploi à temps plein, l’autre partenaire peut plus aisément opter pour un emploi à temps partiel [4]. Autre donnée marquante, mais moins surprenante, qui ressort du tableau 4a : le risque de pauvreté élevé auquel sont exposés les enfants élevés dans une famille avec un soutien de famille unique. C’est principalement en Italie et aux États-Unis que ce risque est particulièrement élevé. Si la disparition du revenu du travail de la mère s’impose ici comme une explication évidente, il ressort de résultats non présentés ici que dans ces ménages, le soutien de famille perçoit souvent un revenu inférieur à celui des pères dans les familles à deux revenus et à un revenu et demi. Ce constat vaut en particulier pour la Belgique, les États-Unis, l’Italie et la Suède, et dans une moindre mesure pour l’Allemagne et la France. Le risque de pauvreté pour les familles à soutien de famille unique s’accroît encore lorsque la mère est la seule partenaire qui travaille à temps plein.
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre, selon le lien
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre, selon le lien
17Le tableau 4b présente la part relative des différents modèles d’emploi familial dans la pauvreté infantile totale pour les différents pays sélectionnés. Il en résulte que, dans presque tous les pays, la part prépondérante de la pauvreté infantile se concentre dans les familles où aucun des deux parents ne perçoit un revenu du travail. Les États-Unis et l’Italie sont les seules exceptions à la règle. Dans ces deux pays, en effet, la proportion la plus grande d’enfants pauvres s’observe dans des familles où le père est le seul soutien de famille. En Italie, ces enfants représentent près de soixante pour cent de tous les enfants vivant dans l’indigence. En Allemagne aussi, la part des enfants pauvres qui grandissent dans une famille où l’homme est le seul soutien de famille est singulièrement grande (31,8%). On remarquera par ailleurs aussi la proportion importante d’enfants qui grandissent dans des ménages à un revenu et demi. Près d’un cinquième de tous les enfants indigents en Suède grandissent dans pareille famille.
Répartition en pourcentage de tous les enfants grandissant dans une
Répartition en pourcentage de tous les enfants grandissant dans une
4. PAUVRETÉ INFANTILE DANS LES FAMILLES OÙ LE BENJAMIN A MOINS DE 6 ANS
18Malgré les écarts importants entre les différents pays étudiés, le lien des deux parents avec le marché du travail s’avère exercer une influence importante sur le risque de pauvreté relatif auquel sont exposés les enfants. La stratégie familiale à l’égard du marché du travail constitue en général un important dilemme dans les familles où le benjamin a moins de 6 ans, surtout lorsque la famille compte plusieurs enfants en bas âge. Dans ces familles-là, le potentiel de revenus propres est mis en balance avec le coût d’une garde de qualité pour les enfants et la charge que représente la prise en charge complète ou partielle de l’éducation des enfants. En outre, elles tiennent bien évidemment également compte d’autres charges financières auxquelles elles doivent faire face, ainsi que de leurs aspirations quant aux dépenses futures. Entrent également en ligne de compte des considérations relatives au développement de la carrière professionnelle des deux partenaires. En général, c’est surtout la situation professionnelle de la femme qui est au centre de cette évaluation.
19Le tableau 5a présente le taux d’emploi des parents ayant un enfant de moins de 6 ans. Ces données ont été calculées à partir de recensements des forces de travail effectués par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Parmi les pays sélectionnés, la participation au marché du travail des parents dans une famille à deux parents avec des enfants en bas âge se révèle la plus grande aux Pays-Bas et aux États-Unis (resp. 77,8% et 77,4%). Elle est un peu plus faible en Belgique et en Italie (resp. 68,9% et 68,0%). Pourtant, en Belgique, la participation au marché du travail des mères issues d’une famille à deux parents avec des enfants en bas âge est relativement élevée (71,8%). En ce qui concerne la participation au marché du travail des parents isolés ayant des enfants en bas âge, la Belgique occupe la sixième position parmi les pays de notre sélection (49,2%).
Taux d’emploi des parents dans les familles dont le benjamin a moins de
Taux d’emploi des parents dans les familles dont le benjamin a moins de
20Le tableau 5b présente des résultats semblables mais ventilés selon le niveau d’enseignement le plus élevé de la mère dans une famille avec deux parents dont le benjamin a moins de six ans. Il ressort de ces résultats qu’au niveau du taux d’emploi des mères ayant des enfants en bas âge, on note des écarts importants selon le niveau d’enseignement le plus élevé. Dans tous les pays sélectionnés, la participation au marché du travail des mères ayant suivi une formation supérieure est beaucoup plus importante que pour les mères ayant un niveau d’enseignement inférieur, y compris lorsqu’il y a présence d’un enfant en bas âge dans le ménage. En Belgique surtout, le taux d’emploi des mères ayant des enfants en bas âge est particulièrement élevé lorsqu’elles ont suivi des études supérieures (84,7%). Tant en Belgique qu’aux Pays-Bas, le taux d’emploi des mères à faibles qualifications ayant des enfants en bas âge est également relativement élevé en comparaison avec les autres pays, bien que dans ces deux derniers pays, moins de la moitié de ces mères aient un emploi (resp. 42,6% et 40,8%). Le taux d’emploi des mères ayant des enfants en bas âge est le plus bas en Allemagne, surtout pour ce qui est des mères dont le niveau d’enseignement est faible (28,7%). En France, en Italie et au Royaume-Uni aussi, le taux d’emploi des mères peu qualifiées ayant des enfants en bas âge est très faible (resp. 29,0%, 33,4% et 32,2%).
Taux d’emploi des mères dans les familles à deux parents où le benjamin a
Taux d’emploi des mères dans les familles à deux parents où le benjamin a
21La situation en matière d’emploi des parents avec enfants est déterminée par la situation sur le marché du travail, l’ensemble des mesures et règles mises en œuvre par l’État et les autres instances et les préférences personnelles des principaux intéressés. Les préférences personnelles des principaux intéressés sont influencées tant par les possibilités réelles que par les valeurs et normes en vigueur en matière d’emploi des parents. La figure 1 présente l’opinion des ressortissants des différents États membres de l’UE en matière de stratégies d’emploi préférables. Cette opinion est ventilée selon trois types de familles : les familles où le benjamin a moins de six ans, les familles dont le benjamin a plus de six ans et les familles sans enfant. Si les familles sans enfant se prononcent de loin en faveur du double emploi rémunéré à temps plein, les parents ayant des enfants en bas âge se révèlent surtout préférer la stratégie d’un emploi et demi, le mari travaillant à temps plein et la femme à temps partiel. Les familles où le benjamin a plus de six ans se révèlent également préférer le modèle d’un emploi et demi, bien que la préférence pour le double emploi rémunéré à temps plein soit presque aussi grande.
Participation au marché du travail souhaitée par les familles avec enfants
Participation au marché du travail souhaitée par les familles avec enfants
22La figure 2 montre toutefois que les préférences des familles s’écartent fortement de la réalité. Si les ménages sans enfant se révèlent en très grande partie réaliser leur préférence pour le double emploi rémunéré à temps plein, le modèle de l’homme comme unique soutien de famille représente en revanche un pourcentage réel supérieur aux familles qui avaient exprimé pareille préférence. C’est pourtant dans les familles avec des enfants en bas âge que la situation réelle s’écarte le plus du modèle d’emploi préféré. Près de la moitié de ces familles appliquent dans la réalité le modèle de l’homme comme unique soutien de famille, alors qu’à peine un sixième de ces familles préfère ce modèle ! Le modèle d’un emploi et demi pourtant préféré par ces familles-là n’est réalisé que dans une faible mesure. C’est également vrai mais dans une moindre mesure pour les familles où le benjamin a plus de six ans. La situation réelle s’écarte donc dans une forte proportion des préférences exprimées par les familles européennes ayant des enfants.
Participation effective au marché du travail des familles avec enfants dans
Participation effective au marché du travail des familles avec enfants dans
23Que ces résultats prêtent également à conséquence pour la situation financière des enfants qui grandissent dans ces familles-là, c’est ce que l’on peut déduire des résultats présentés au tableau 6a. Le modèle de l’homme en tant que soutien de famille unique y est en effet associé à un risque relativement élevé de pauvreté infantile. Certainement par rapport au modèle du double emploi, mais également par rapport à celui d’un emploi et demi qui est très largement préféré par les familles ayant des enfants en bas âge. En outre, il ressort du tableau 6b que les enfants qui grandissent dans une famille où l’homme est le soutien de famille représentent une proportion importante du nombre total d’enfants pauvres vivant dans les familles où un des enfants a moins de six ans. Seuls le Royaume-Uni et la Suède font figure d’exception (resp. 5,6% et 7,7%). En Suède, une proportion particulièrement importante du nombre total d’enfants vivant dans une famille pauvre où le benjamin a moins de 6 ans s’avère grandir dans un ménage à un revenu et demi (15,2%).
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre, selon le lien
Pourcentage d’enfants grandissant dans une famille pauvre, selon le lien
Répartition en pourcentage de tous les enfants grandissant dans une
Répartition en pourcentage de tous les enfants grandissant dans une
CONCLUSION
24Lutter contre la pauvreté infantile est d’une importance primordiale pour toute société, non seulement pour des raisons d’ordre moral mais aussi si celle-ci veut veiller de manière efficace à ce que les générations futures se composent d’individus bien formés, créatifs et productifs qui soient capables de contribuer positivement à son développement. À défaut de politique efficace de lutte contre la pauvreté infantile, le phénomène se transmettra de génération en génération.
25Il ressort de nos analyses que les pays nordiques principalement réussissent très bien à faire face à la pauvreté infantile. La Belgique aussi se défend très bien puisqu’elle est le seul pays non-nordique qui occupe une place dans le groupe des cinq pays ayant le taux de pauvreté infantile le plus bas. À noter que ces pays obtiennent des résultats assez bons tant pour les familles à deux parents que pour les familles monoparentales. L’intervention des autorités se révèle ici jouer un rôle important. Dans les pays nordiques et en Belgique surtout, l’intervention publique dans la répartition des revenus entraîne une forte réduction de la pauvreté infantile.
26Dans les autres pays industrialisés, les États-Unis et l’Italie surtout, les pouvoirs publics parviennent beaucoup moins bien à juguler le phénomène de la pauvreté infantile.
27Étant donné que les enfants restent à charge de leurs parents au moins jusqu’à la fin de leur obligation scolaire, le risque qu’ils grandissent dans la pauvreté est fortement influencé par la position de ces derniers sur le marché du travail. Le risque de pauvreté est le plus grand lorsqu’ils grandissent dans une famille qui ne dispose d’aucun revenu du travail, alors que le risque est le plus faible lorsqu’ils grandissent dans une famille où les deux parents travaillent. Le risque est également relativement élevé lorsqu’ils grandissent dans une famille avec soutien de famille unique, où seul le père ou la mère a un emploi. En Allemagne surtout, la part des enfants indigents grandissant dans une famille où l’homme est le soutien de famille est très grande. Autre constat singulier pour la Suède : près d’un cinquième de tous les enfants pauvres vivent dans une famille où le père travaille à temps plein et la mère à temps partiel.
RÉFÉRENCES
- ESPING-ANDERSEN, G., GALLIE, D., HEMERIJCK, A., MYLES, J. (2001) A New Welfare Architecture for Europe. Report submitted for the Belgian Presidency of the European Union, Brussels.
- European Foundation for the Improvement of Working and Living Conditions (2000) Combining Family and Work : The Working Arrangements of Women and Men, Dublin : European Foundation for the Improvement of Working and Living Conditions, p. 6.
- OCDE (2001) Perspectives de l’emploi de l’OCDE; Paris : OCDE, p. 134.
Notes
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[*]
Koen VLEMINCKX travaille à la K.U. Leuven.
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[1]
Le revenu avant transferts et paiement des cotisations sociales et impôts sur le revenu comprend ici aussi, outre les revenus du travail et du capital, la pension alimentaire perçue et d’autres composants des revenus privés.
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[2]
Pour une partie des pays sélectionnés auparavant, nous ne présentons pas de résultats parce que les données sur les revenus avant intervention de l’État ne sont pas comparables à celles des autres pays.
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[3]
Comme nous n’avons pas pu ventiler les chiffres de pauvreté selon la stratégie d’emploi des parents pour tous les pays considérés au départ, cette sélection diverge de celle des tableaux 1 et 2.
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[4]
Il s’avère en effet, mais non des chiffres présentés ici, que c’est le cas en Allemagne et, dans une proportion nettement moindre, en Belgique aussi. Pour 54,6% des ménages allemands à deux revenus issus d’un travail à temps plein, le partenaire masculin perçoit un revenu du travail qui est inférieur au revenu moyen du travail de tous les hommes (Belgique : 46,2%). Parmi les ménages allemands percevant un revenu et demi, ceci n’est vrai que pour 20,9% des ménages (Belgique : 43,4%).