Couverture de RPRE_205

Article de revue

Gilbert Meynier et Raison Présente

Pages 85 à 86

1C’est en 2003 que Mohammed Harbi m’a fait rencontrer Gilbert Meynier. Quelques rendez-vous autour d’un café, quelques conversations, et un lien amical s’est très vite créé.

2Le sourire était large, franc et avenant. Sa carrure était d’un athlète : il était un grand marcheur, un grand nageur, et c’est en lutteur qu’il a affronté la maladie et la mort. Les « bulletins de santé » qu’il a pu nous envoyer, et qui parfois nous surprenaient par le souci de la précision et du détail, étaient sans doute sa manière de maîtriser le temps de la maladie. Nous pouvons dire qu’il a vécu avec sa maladie. Avec et pas seulement contre. Tout en se sachant gravement atteint, il a poursuivi sans repos son travail de chercheur et d’historien, sa vie de famille et ses échanges avec ses amis. Sans jamais « rien lâcher » : quelques jours avant sa mort il demandait à son chirurgien s’il rentrerait pour Noël. Une infection soudaine et imprévue a mis un terme à l’aventure.

3Nous ne saurions oublier de dire que ses dernières semaines furent très cruellement assombries par la mort soudaine de Pierrette, qui était sa compagne de vie et de travail, sa conscience morale aussi. Malgré son désarroi, il luttait pour continuer. « Malgré tout », c’était, je crois, le titre d’une revue révolutionnaire allemande qui parut après l’écrasement de la révolution spartakiste.

4Très vite, je lui avais proposé d’entrer au comité de rédaction de Raison Présente, ce qu’il accepta sans hésiter. Il prit place dans notre équipe, avec énergie et enthousiasme. Sa première contribution parut dans le numéro 151, en 2004. C’était une analyse critique du livre d’un juriste tunisien, Hamadi Redissi, L’exception islamique, où il mettait en œuvre sa capacité d’admiration et sa capacité de rester lucide et critique. Il engageait un dialogue : Gilbert Meynier était un homme qui ne pensait pas seul.

5Son apport à Raison Présente a été considérable. Il tenait, pour le plus grand profit de la revue, son carnet d’adresses, d’une richesse infinie, largement ouvert. Il a conçu et piloté trois remarquables numéros. Le post-colonial au-delà du post-colonial (numéro 175, 2010), volume original qui réunissait un chercheur allemand, deux Britanniques, deux Italiens, trois Français. En 2012, ce furent les deux volumes consacrés aux printemps arabes (numéros 181 et 182) : parcours passionnant à travers les pays du monde arabe à un moment de leur histoire (« Printemps arabes » : thawra(s) ou révolutions et Les Printemps arabes et le monde). La diversité des auteurs et celle des angles d’analyse en font des ouvrages de référence. Il nous proposait en grand nombre des analyses des livres qu’il jugeait importants et il savait solliciter des comptes rendus pour faire connaître des chercheurs. Il a été présent dans la revue jusqu’au numéro 204, en décembre 2017.

6Je ne voudrais pas finir sans évoquer un collaborateur savant et exigeant, mais dépourvu de toute vanité d’auteur. Grande qualité pour les responsables d’une revue, aux yeux desquels il avait parfois un défaut : celui de beaucoup écrire et de ne pas toujours respecter le format de la revue ! Mais en Alain Policar, il avait trouvé un « réducteur », dont il saluait toujours le travail qu’il disait irréprochable et parfaitement respectueux de sa pensée.

7Comment terminer autrement que sur une banalité ? Il laisse un grand vide parmi nous, mais, pensant à l’avenir, il a fait entrer au comité de rédaction des amis plus jeunes qui, dans le même esprit, poursuivront son travail.

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