Depuis ses origines, la physique a progressé en s’appuyant sur une mathématisation de plus en plus poussée. Cette « déraisonnable efficacité des mathématiques », selon la célèbre phrase de Wigner, a suscité de nombreuses discussions philosophiques. Une explication plausible de la remarquable adéquation entre physique et mathématiques pourrait être le développement en symbiose des deux disciplines : chacune stimule des innovations chez l’autre, tout en bénéficiant de ses progrès.
L’efficacité de l’arithmétique, de la géométrie, de l’algèbre et de l’analyse a renforcé jusque vers la fin du xixe siècle une conception déterministe pure et dure de la physique. Dans ce cadre de pensée, les propriétés d’un objet sont entièrement caractérisées par des grandeurs physiques, qui prennent à chaque instant des valeurs numériques bien définies régies par des équations fondamentales. Par exemple, le mouvement d’un point matériel est décrit par sa position et sa vitesse gouvernées par la loi de Newton ; les valeurs en chaque point d’un champ électromagnétique sont gouvernées par les équations de Maxwell. Ces valeurs des grandeurs physiques ne sont pas forcément accessibles à l’expérience ; mais on admet qu’elles peuvent théoriquement être définies avec une précision arbitrairement grande.
Le caractère mathématique rigoureux, d’apparence définitive, des équations de la physique est probablement à la source d’une illusion récurrente : celle de l’achèvement de cette science. Ainsi, en 1823, Jean-Baptiste Biot conclut-il la préface de so…
Cet article est en accès conditionnel
Acheter cet article
5,00 €
Acheter ce numéro
15,00 €
S'abonner à cette revue
À partir de 60,00 €
Accès immédiat à la version électronique pendant un an
4 numéros papier envoyés par la poste