Couverture de RPPG_054

Article de revue

Le corridor

Une traversée aux Enfers dans une psychothérapie familiale psychanalytique

Pages 141 à 153

Notes

  • [*]
    Catherine Fischhof, psychologue clinicienne, psychothérapeute familiale, 49 avenue de St Mandé, 75012 Paris ; Impasse St Europe, Les marroniers, 13100 Aix-en-Provence. catherine.fischhof@wanadoo.fr
  • [1]
    A. Eiguer, « La famille », dans A. de Mijolla, Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Calmann-Levy, 2002, p. 573-574.
  • [2]
    R. Kaes, « Corps/groupe réciprocités imaginaires », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe n° 25, Aux sources du corporel, Toulouse, érès, 1995.
  • [3]
    W.R. Bion, Éléments de psychanalyse, traduction française, Paris, puf, 1979. R.H. Etchegoyen, Fondements de la technique psychanalytique, Hermann éditeurs, 2005.
  • [4]
    D. Anzieu, Le Moi-Peau, Paris, Dunod, 1985. Les enveloppes sonores et tactiles sont liées dans leurs qualités réflexives et d’interface dans cette première configuration psychique du moi-peau : avant d’être une surface sensible d’enregistrement des traces et d’inscription, elle est d’abord une enveloppe tactile doublée d’une enveloppe sonore. Sur cette structure qui articule le dedans et le dehors, viennent s’étayer le visuel et la figuration. Dans l’alternance de la veille et du sommeil, c’est elle, aussi, qui permet le rêve.
  • [5]
    Dans son ouvrage, Les cinq sens, philosophie des corps mêlés, M. Serres donne au chapitre « boîte », une très belle description des liens entre l’enveloppe sonore et l’enveloppe tactile, que symbolise le mythe d’Orphée : « Le toucher coud » les voiles dans lesquelles vient s’engouffrer, tel le souffle du vent, le langage de mon corps entier, « boite à musique, caisse de résonance, airain retentissant », évoquant l’écoute analytique.
« Lorsque la mère parle, la structure physique de sa parole se transforme en toucher qui déclenche chez le fœtus un comportement exploratoire avec les mains et la bouche. Quand la mère chantonne… les basses fréquences viennent vibrer contre le corps de l’enfant comme une caresse au plus sensible de son corps : la bouche… [le] toucher postural, des grands mouvements et des grandes émotions… se complète d’un toucher par l’oreille et la bouche du bébé qui perçoit comme des caresses les vibrations graves de la voix maternelle, voix touchante qui provoque des mouvements exploratoires… »
B. Cyrulnik, Les nourritures affectives
« Quand j’entendrai sa voix touchante, je presserai sa main tremblante »
Orphée et Eurydice

1L’homologie de la situation de groupe et de l’organisation groupale du fantasme construit la résonance fantasmatique sur le modèle des interactions précoces. « Reproduisant l’illusion génératrice, celle que vivent la mère et son nourrisson dont les deux psychés en résonance sont liées par des identifications narcissiques et primaires [1]. » Le groupe est alors approché comme une métaphore du corps propre dont les participants sont les membres. Cette enveloppe métaphorique commune est aussi celle du groupe en thérapie familiale psychanalytique. Et c’est dans la résonance fantasmatique que la famille est appréhendée comme un corps dont nous allons écouter les voix.

2Le sujet est dans une relation hétérogène à son corps car il appartient à d’autres que soi. Il est le bien du couple, du groupe familial, le collectif y pose ses marques. Aussi, notre conception mimétique de l’image engagera-t-elle la relation au corps dans un conflit entre identité et appartenance. Quand il se fige dans un clivage, ce conflit gèle les capacités de développement des sujets membres du groupe famille et devient un « obturateur de l’imaginaire [2]. » Le travail clinique que je vais présenter voudrait cheminer avec cette question : le clivage qui s’exprime dans le corps du sujet porte-symptôme, au travers des modalités d’investissement de la sensorialité qu’il participe à désorganiser, s’origine dans le corps familial.

3Dans la psychothérapie familiale dont je vais évoquer quelques moments cliniques, l’imaginaire est porté par les dessins de Mélodie qui réveillera l’inconscient et les capacités associatives de sa famille. L’espace de la figuration ouvert par les dessins engagera les métaphores corporelles. L’enjeu de la symbolisation, qui contraint à penser la différence et la présence/absence, va relancer la dynamique conflictuelle et des identités de genre vécues ici en terme d’appartenance. Conséquence du clivage qui structure les relations familiales, cette famille est prise en otage par son système de croyances sur le transgénérationnel. Ayant muté en idéologie au service du désaveu, c’est-à-dire en perversion, ces croyances entraînent dans leur sillage toute une pathologie de la pensée et de sa mise en acte : fonctionnement opératoire, emprise, disqualification, maltraitance psychique. Elles vont venir aussi questionner ma position d’écoute.

4La famille se compose des parents, Sibylle et Paul, et leurs deux enfants, Séraphin, 10 ans, et Mélodie, 7 ans. Sybille est une jeune femme cultivée ; répondant à la tradition intellectuelle qui prévaut dans sa famille, elle se laisse absorber par les livres et son métier de philosophe. La supériorité de son savoir lui octroie une position de contrôle sur son entourage. Paul est ingénieur électronicien, il impose une conception très technique des relations familiales. Le couple n’aurait pas constitué ses propres enveloppes pour penser les relations affectives.

5Mélodie souffre d’un retard scolaire et de troubles du langage, suite à une surdité précoce, conséquence d’otites mal soignées ; son père parlera de bouchon. Il est question de dysphasie et d’importantes difficultés émotionnelles. La fillette, qui entend bien aujourd’hui, ne s’adapte pas à la vie familiale, alors que l’aîné, lui, donne toute satisfaction. Sybille a une sœur plus jeune et son mari un frère aîné que nous allons tous oublier. De multiples maladies et accidents ont immobilisé Paul pendant de longs mois. Le décès, récent, de son propre père pèse sur la famille. Mélodie se trouve associée à cette « histoire de mort » à travers les visites rituelles qu’elle effectue, avec sa grand-mère paternelle, au cimetière. « C’est pratique, dit Sybille, c’est juste à côté de la maison, ça leur fait une promenade. » La mère de Paul est une femme dure à la douleur, victime, dans son enfance, d’un grave accident de voiture dont elle porte les séquelles. L’attitude des parents envers leur cadette entre en résonance avec cette situation, car il sera dit bien souvent que Mélodie doit souffrir sans se plaindre. Prise dans un conflit entre ses investissements maternels et son travail, terrain de forts enjeux narcissiques, Sibylle reconnaît avec fierté avoir mené sa deuxième grossesse jusqu’à son terme sans céder sur son travail. Quand elle raconte de manière particulièrement désaffectée les gardes multiples auxquelles son activité professionnelle convie sa fille (trois jeunes filles qui ne savent pas répondre à la détresse de Mélodie), je me sens touchée par ce registre abandonnique. Et je me demande à quoi je vais me trouver employée à mon tour. L’objet maternel paraît inaccessible pour Mélodie, d’où sa détresse émotionnelle en l’absence de réponses adéquates de son environnement. Et je me dis que ce bébé fille avait pu vivre dans des douleurs d’oreilles l’absence d’un premier objet maternel stable. Mon premier engagement contre-transférentiel va s’organiser autour de ces failles du maternel, et je comprends la demande de thérapie familiale comme un besoin d’élaborer tous ces vécus familiaux pris dans un déficit de contenance.
Dans ce premier temps de nos rencontres, les aspects instrumentaux et déficitaires des difficultés de Mélodie sont mis en avant, ainsi que les réponses éducatives. Les drames du passé ne sont pas niés, mais leur incidence sur la vie familiale est, en revanche, soigneusement éludée : les nommer suffit. Les parents restent à distance des significations affectives, ne font pas de liens. Tout engagement émotionnel est suivi par un mouvement d’annulation, comme si le rapprochement était dangereux. La vie quotidienne est abordée uniquement sur le mode factuel. Le mode opératoire maintient la distance. Le cadre thérapeutique va prendre en relais cette situation.

Le cadre thérapeutique, métaphore corporelle

6Quand la première unité pré-subjective de l’environnement primaire, celle qui donne naissance au self, est sollicitée par le cadre thérapeutique, celui-ci reprend alors la fonction de holding, qui permet de faire l’expérience de soi à soi. Il va solliciter les expériences émotionnelles et sensorielles qui mettent au travail ces premiers ancrages, objets corps, traces de souvenirs et contenants de relations d’objets, et leur inscription psychique. Sa mise en place se fera de manière progressive et coïncidera avec l’émergence d’une première forme de transitionalité. Cadre et processus se conjuguent après un temps de latence pendant lequel peut commencer à s’élaborer le trouble émotionnel qui menace toute la famille : il s’agit de trouver la bonne distance pour s’engager ensemble.

7La sensorialité est réinvestie dès les premières séances où il est question d’écoute : moto du père, rires des enfants à l’extérieur, hurlements assourdissants de Mélodie dans la rue. Avec l’espace sonore, l’espace tactile et visuel des jeux de pâte à modeler, de coloriage, de dessin, engagent une première perception du dedans et du dehors. La constitution d’un espace contenant permet le jeu et ouvre à la métaphore. La disponibilité des parents et l’organisation de vie très rigide sont abordées en lien avec l’absence d’intimité : ce qui vient signifier le déficit de l’espace interne se trouve mis en relation avec le trouble de l’audition. L’espace tactile et la dimension réflexive viennent répondre à la projection. Le cadre, qui reçoit ces premiers dépôts, met en mouvement la dynamique transférentielle. À partir de mes propres associations sur cris et chuchotements, je proposerai un premier lien entre les cris de Mélodie et l’extérieur, « Parler fort, dehors, et tout bas, dans le creux de l’oreille pour dire les secrets. Parler dedans et parler dehors. »
L’écoute de la souffrance familiale en résonance avec les troubles de Mélodie va rendre possible un premier réaménagement, et avec la défusion des émotions, une première différentiation. L’investissement se déplace alors de la plainte qui concernait la fillette aux difficultés du couple. Mais les résistances de Sibylle à entendre ses propres engagements, tout comme la déstabilisation continuelle du cadre temporel, maintiennent un climat de précarité, d’instabilité à l’intérieur même de la vie familiale. Le désaveu qui préside aux relations affectives maintient hors-jeu la souffrance de Mélodie. Cette situation se déploie dans un contexte de disqualification de Paul : son épouse lui reproche de dormir en séance. Je ressens, quant à moi, un grand soulagement à son assoupissement qui dégage un espace d’élaboration. Je comprends qu’il dort comme une sédation du vécu de persécution qu’il met parfois en acte.

Ce qui organise mon écoute et la théorie des secrets

8Dans un premier temps, le travail va permettre de recentrer les parents sur le registre affectif, ce qui autorise une plus grande disponibilité de la mère à la maison. Le morcellement cède avec le transfert familial. Sybille a moins peur de la rivalité, mais aussi de la proximité. Elle devient capable d’accepter une seule nounou pour sa fille, dont je remarquerai qu’elle a l’âge des trois réunies, sans bien sûr insister sur le fait que c’est aussi le mien ! Il est alors question de la distance émotionnelle qui s’établit entre elle et sa fille, du plaisir à parler ensemble. Quand la petite fille met des mots sur ses colères, les lui explique, « C’est enrichissant » me dit Sybille, et Mélodie se tourne vers moi pour dire sur le mode tonique, en sautillant de joie, son bonheur « de retrouver sa maman. » D’ailleurs, les moments de colère s’espacent et durent moins longtemps. L’investissement de ce lien maternel marquera pour Mélodie la possibilité de s’affirmer de plus en plus dans les séances et de faire des progrès importants. Les séances deviennent un espace de confrontation qui libère la parole : reproches, disputes, anecdotes, plaintes diverses vont s’élaborer et symboliser la question des places et des rôles. Mais le factuel reprend facilement le dessus, surtout comme résistance à un réaménagement possible des identifications, quand il apparaît à quel point les difficultés de Mélodie sont prises dans les traumatismes de sa mère que celle-ci s’emploie à désavouer. Dans les associations de séance, les enfants ont, chacun, leurs grands-parents ! La problématique familiale de Sybille est projetée dans celle de Paul qui reste enclavée. Ce mouvement de fond m’est apparu le paradigme du trouble de Mélodie.

9La projection présente dans le lien de couple organise les troubles de Mélodie autour de la clôture du maternel et sa modalité paradoxale verbalisée par Sibylle : « Il y a des secrets dans la famille, mais on les dit. » Ainsi, la fillette sera-t-elle, au début de nos rencontres, sommée de ne rien déposer de secret dans l’oreille de sa mère : « Ici il faut tout dire » déclare celle-ci, péremptoire. De plus, il ne faut dire que des choses vraies, et Séraphin, qui ment, subira de méchants tirages de cheveux de la part de sa mère. C’est-à-dire que si on tire sur les cheveux, « c’est qu’on en sait long sur les secrets ! » Cette toute-puissance de la parole montre avec les difficultés de Mélodie sa face la plus sombre. La théorie du secret à révéler organise ainsi le paradoxe de sa mise au secret dans l’oreille sourde de Mélodie qui hurle. Ce que lui reprochera bien souvent Séraphin. Ce savoir permettrait, par le pouvoir de la parole, de contrôler les effets délétères du transgénérationnel. Conséquence d’une faillite du maternel dans l’histoire affective de Sibylle, le mécanisme projectif à l’œuvre va organiser le matériel des séances autour d’un clivage et d’un déni. C’est le père qui serait seul détenteur de l’inélaboré. Ainsi, les enjeux d’autonomie portés par le garçon signalent son appartenance à sa famille maternelle alors que c’est dans sa famille paternelle que la fille se trouve subir la théorie du transgénérationnel avancée par sa mère.

10Ce mythe soutient la question du figurable. Amenée par Sibylle sans précaution, la révélation des mutilations de la « grand-mère de Mélodie » m’évoquait son incapacité à se laisser toucher, le tact. Ce qu’elle désignait comme les « traumatismes paternels » de Mélodie encombraient la vie psychique de sa fille. Cette évocation, insistante, renvoyait, dans mon écoute, au fonctionnement opératoire de Sibylle, à ses relations désaffectées. Désaffection qu’elle avait organisée autour de la prise en charge de la fillette. Ce qui ne pouvait s’entendre, dans la métaphore du toucher, c’est la question de l’attachement, si précaire, dans sa propre famille : l’excès renvoie ainsi au manque. Mélodie est envahie par une réalité non intégrable, son image de base est entamée, déstabilisée. Tout au long de nos rencontres, sa mère va persister à entendre les mots de la fillette dans la lignée de cette théorie, l’empêchant d’accéder à sa propre pensée. Cette position coupe aussi l’accès de Paul au deuil de son propre père. Ce clivage entrave les capacités réflexives de chacun et, avec elles, l’espace de la figuration-représentation. Les comportements de Paul, qui refuse le jeu aux enfants et cherche à garder les dessins, parlent en ce sens. Le non-figurable s’évoque d’abord comme interdiction de Mélodie à s’exprimer ou mis en réserve par son père, comme les dessins dans sa poche, ou l’interdit de pâte à modeler qu’il impose aux enfants. Ainsi, l’espace de transformation porté par les dessins mobilise, à l’intérieur même des séances, un conflit autour de la figuration. Il va soutenir le processus thérapeutique, libérant de l’emprise les enfants menottés dans le paradoxe, comme le signifie Séraphin dans un jeu.

11La théorie du transgénérationnel comme transmission de l’inélaboré des générations qui ont précédé le sujet, et qui soutient mon écoute, va se trouver mise en défaut : étant appréhendée comme un fait, elle vient, par là même, clore la dimension de l’accès au sens dont elle est normalement porteuse dans l’espace transférentiel. La part des ancêtres est-elle moins prégnante, parce qu’elle est connue de tous ? Ayant muté en idéologie, elle participe au trouble du langage. L’élision du sujet dans le discours heurté, chaotique, de Mélodie, m’évoquait sa place, déniée, qu’elle partageait, dans mon écoute, avec sa grand-mère maternelle, insuffisante, plaintive, infantilisée et qui insupportait toute la famille. L’élision qui porte sur les noms les transforme par condensation : au lieu de devenir des représentations, ces mots deviennent alors des choses. Décondensés par le travail de figuration, les mots vont rendre manifeste ce manque désavoué. Ainsi en est-il de la famille qui, perdant son « m », va devenir, dans un dessin de Mélodie, la faille.

12Avec la question du toucher, celle de la proximité affective, vécue comme dangereuse, interroge les capacités d’intériorisation mises à disposition des enfants. L’émergence progressive de l’histoire traumatique de Sybille, mise en dépôt dans la vie inconsciente de Mélodie, participera à désenclaver la fillette de sa position d’enfant symptôme. Mais les secrets continuent leur œuvre de fascination. Ainsi, le père de Sybille, homme silencieux, apparaît-il porteur d’un secret honteux sur lequel la jeune femme s’étendra avec délectation, transformant son fils en détective. Sybille s’impose dans les séances comme une femme ayant un pouvoir et un savoir qu’elle me disputerait. Séductrice, cette mère fascine son fils, m’évoquant d’autres couples dans l’histoire familiale des deux parents, secrets eux aussi révélés, mais dont le sens doit rester obturé, et objet de désaveu dont mère et fille me paraissent les victimes. La position de Sybille recouvre les fantasmes archaïques autour de la mauvaise mère, objet des terreurs nocturnes de Mélodie après l’avoir été de sa mère, enfant, et qui vont apparaître dans les dessins. Plus que la révélation, l’écoute comme bon objet primaire, à intérioriser, va contrevenir à ce dysfonctionnement familial : il s’agira de se laisser toucher pour sortir de l’emprise.
Le transfert familial interroge bien souvent la place de seconde de Mélodie. Parfois, ma pensée est prise en défaut par des effets de surprise que Sybille manie avec brio, et toujours à la marge. Progressivement, je suis amenée à m’interroger sur ce qui paralyse la fermeté de mes refus devant ses demandes incessantes, relayées par son époux, de modifier le cadre : l’état de Mélodie. Avec le sentiment que je devrais veiller, comme le dit Sybille pour sa petite sœur, « à ce qu’elle ne pâtisse pas trop du désaveu », qu’elle ne paie pas un prix trop lourd. L’identification à la petite sœur dont Mélodie occupe la place de puînée, objet de la haine inconsciente de Sybille (et dont je porte le nom en second !) paralyse longtemps ma pensée. Au cœur de la rivalité fraternelle qui se décline de séance en séance entre les enfants, mais aussi entre les parents, il y aurait donc une possibilité pour Sybille de s’identifier à ma position dans une modalité moins narcissique si je peux soutenir le mouvement contre-transférentiel qui me met, comme thérapeute, dans sa formation réactionnelle à surprotéger la petite. C’est à l’abri de ce déploiement transférentiel que le symptôme de Mélodie se délite. Elle accède au langage, elle s’exprime autrement, verbalement, mais aussi corporellement et plastiquement dans ses dessins et participe par son activité à l’élaboration de la problématique familiale, sans que soit levé pourtant le clivage. Avec ses derniers dessins, la mission secrète d’interprète des enjeux de la figuration de Mélodie dans le jeu de la psychothérapie familiale deviendra manifeste. La question non dénouée restant celle de l’inaudible de significations à faire entendre.
Prisonnier du clivage, le sens se trouve séquestré dans l’inconscient, ce qui désorganise la cohérence des liens affectifs entre parents et enfants. Commence à émerger dans les séances le fait que Mélodie est au centre d’un faisceau de projections. Illustrant à sa manière cette situation, Sibylle raconte comment elle s’adresse à son fils pour lui faire des reproches… en se fâchant contre sa fille (!). Quand je verbalise qu’une partie de ce qui s’adresse négativement à Mélodie s’adresse donc en réalité à d’autres, la famille est comme sidérée, elle comprend l’acte, mais pas le sens de la parole. Cette situation va se répéter à de nombreuses reprises. Quand je propose une signification, Sibylle pose un acte. Mais, là où sa mère se trompe constamment d’adresse, Mélodie va mettre en scène l’histoire possible de sa place d’enfant désirée et désirante entre ses deux parents, « et la dame ». Restaurant, dans un moment d’attendrissement collectif, la communication détournée, elle demande à ses parents de (se) « donner la main ».
Mélodie continuera le désenclavement des signifiants de l’histoire de ses deux parents. Ses nouvelles capacités d’intériorisation deviennent manifestes avec un dessin de maison avec des oreilles. Après une séance de gribouillis, la scène originaire de la rencontre amoureuse entre les parents réorganise l’ensemble des angoisses intrusives et d’abandon-persécution autour des questions posées par Séraphin. Là où sa mère lui refuse l’accès au sens, c’est Mélodie qui va répondre avec ses dessins : si les parents se disputent, c’est que l’attachement est désiré, mais dangereux. Et c’est dans la relation mère-fille que la menace se fait sentir. Mes questions sur la place et l’absence du père accompagnent le changement formel dans ses dessins et dans le langage. Tristesse de la séparation, renoncement à l’omnipotence et accès à la première personne, préfigurent le deuil du grand-père paternel devenu possible. Mais, avec l’accès à la position dépressive, le travail de figuration menace le couple d’une réorganisation.

Le corridor

13L’invitation à penser va mobiliser de nouvelles résistances. Les remises en cause continuelles du cadre et le rituel de l’inversion des places permettent aux parents de maintenir le contrôle et l’emprise sur le processus à l’œuvre. Ce rituel consiste à permuter les places en début de chaque séance, créant une sorte de mouvement perpétuel qui immobilise le processus d’élaboration et la prise de conscience qui permettrait à chacun de savoir là où il en est. Ce qui est agi peut ainsi être dénié. À travers ce jeu, divers couples sont mis en scène. Ainsi, dans un mouvement de séduction, dans le couloir, au moment de me saluer, Sibylle introduit un nouveau couple en se proposant de m’adresser les patients de son analyste ! Mais, ajoute-t-elle, « Je ne vous trouve pas sur les pages jaunes. » C’est dans le mouvement de cet acting que je vais sortir de ma propre immobilisation psychique, traversée par une image sonore : pensant à cette place de rivale que j’occupe dans le fantasme familial, et à tout ce qui se passe dans mon couloir, me vient le mot corridor, et, dans un soudain insight : « Mais le corps y dort ! » Espace intermédiaire et objet localisant, comme les couplages, la transgression enfouie sous le sommeil de Paul, son émergence dans ma pensée me démasque le fantasme incestueux de Sibylle. Dans la consonance du cadre et du désir inconscient, il participera à dénouer l’emprise mortifère du transgénérationnel dans leurs familles paternelles respectives. Là où mon écoute empathique se trouve prise en défaut, cet insight vient rendre manifeste et nécessaire notre désaccord.

14Dessinée par Mélodie, la promenade main dans la main de son père, figuration d’une véritable contenance, comme le trou dans son pantalon qui fait associer Séraphin et rire toute la famille, ouvre la voie au deuil du grand-père paternel qui cesse désormais de hanter la vie affective des deux enfants avec les fantômes de ses propres ancêtres. Est-ce lui qui organisait en sourdine le sommeil de Paul ? Ce grand-père récemment décédé fera retour dans le dernier dessin de Mélodie avant que puisse être évoquée, par Paul, la place si importante de son frère aîné, et, avec lui, le schéma fraternel qui organise la vie familiale en l’absence du père : la petite sœur de Sibylle et le grand frère de Paul sont respectivement parrain et marraine de Séraphin. Un renversement des places entre Sibylle et son mari sur cette base aurait-il rendu manifeste la place manquante de Mélodie dans ce schéma familial ? Chroniqueuse de l’histoire familiale, son épouse s’empare de la parole, puis, prenant soudain conscience de la place qu’elle vient occuper, elle me dit en riant qu’elle a bien compris la différence entre parler et écouter de la séance précédente – mon intervention était : « Ce n’est pas parce qu’on ne parle pas qu’on n’écoute rien » –, alors même que le contraire est en train de se passer ! La prise de conscience par chacun de sa propre histoire, dans la différentiation, engagerait-elle la perception d’une relation instable et dangereuse ?

15Porté par le féminin maternel, le potentiel de transformation questionne la place de l’enfant fille, enfant cadeau, pour laquelle il m’est constamment demandé des comptes sous forme de séances à déplacer ou à remplacer. Cette transformation possible concerne aussi des modalités familiales moins projectives, dans l’identification. Ayant accès à ce manque dont elle charge son époux, Sibylle pourrait aussi mieux s’identifier aux besoins de ses enfants. Mais elle reste prisonnière du désaveu de sa propre souffrance, objet d’une forme de réparation narcissique, alors que dans un renversement de situation, elle met les autres à son service. Le couplage de la séance où mère/fils et père/fille se transforment, dans mon fantasme, en deux couples de voyageurs qui sortiraient d’un hôtel devant le groom, place que je me sens occuper, me permet de comprendre comment je suis mise au service du fantasme familial qui est là mis en acte. L’espace d’élaboration rendu possible dans les séances doit maintenir secrètement Séraphin, véritable enjeu de la résistance familiale, dans sa place d’objet du désir maternel.

16Son je peux voit la fillette accéder à la première personne : sujette de sa propre parole, puis de son propre désir, elle découvre le langage du féminin. C’est avec un jeu de marelle, souvenir d’enfance évoqué par sa mère, que Mélodie se saisit enfin de la demande familiale pour ne plus y répondre. Libérée de son propre cloche-pied, elle déchire son dessin d’une fillette unijambiste le long d’un pli pour en faire une boule de papier froissée qu’elle vient poser sur mon secrétaire, « dessin raté » qui signalait, par une rime, le prix à payer pour que Mélodie sorte de son pli ! Formule paternelle, « Je n’ai plus rien à dire puisque Mélodie a pris le pli », que j’avais entendue dans une sorte d’hallucination auditive « a payé le prix ! » Mélodie se libère du système familial qui faisait bouchon dans son oreille, et, avec cet à bon entendeur salut, elle se retrouve sur ses deux pieds.
Alors que Paul commence à prendre conscience que Mélodie dessine « pas seulement pour elle », Sibylle s’empare une dernière fois de la parole, qu’elle va garder pour associer autour de la venue au monde de sa fille. Fermant ainsi la voie aux significations familiales contenues dans les dessins de Mélodie, et de ma place, pour lui, « d’autre femme », représentation de l’altérité, Sibylle associe sur une de mes remarques d’une séance précédente : « Vous attendez quelque chose de votre mari. » Elle raconte l’arrivée, rapide, de sa fille pour dire la présence de Paul, qui, lui non plus, ne s’est pas fait attendre. Il évoquera son sentiment d’étrangeté, dans le hic et nunc, avec l’évocation de ce bébé, resté pour une part étranger au couple, expulsé par son épouse dans ce dernier fantasme qui confondait sa naissance et son accouchement. Note finale, ce contenu sexualisé, qui démétaphorise ma question, court-circuite toute tentative d’élaboration.

Le renversement de la perspective, le lien de couple et la mobilité psychique

17Scène vide de l’expulsion du bébé bouchon en lieu de mettre au monde un enfant comme fantasme de naissance contenant la scène érotique, le fantasme exprimé par Sibylle à la dernière séance appartient au processus défensif du renversement de la perspective [3]. Il est l’expression du vide psychique qui entrave les capacités de développement des enfants. En maintenant statique, dans le fonctionnement familial, sa position de savoir omnipotent, Sibylle évite tout insight et connaissance intuitive. Comme dans le jeu de permutation des places, en même temps qu’il devient agi, le conflit continue d’être dénié en tant qu’il pointe la différence dans notre écoute. La perception de l’autre implique une perspective réversible. Quand elle se fige et devient statique (splitting statique), elle rend impossible l’écoute réflexive au sein de la famille, et enferme l’inconscient dans un sommeil de pierre. L’insight, au contraire, qui représente la capacité d’intégrer le point de vue de l’autre comme expérience subjective, ouvre à la dimension intersubjective du lien et permet, en captant une situation réversible, de rendre dynamique une situation statique.

18S’opposant aux finalités narcissiques poursuivies par la famille, la dynamique du transfert crée cette situation instable qui va mobiliser le changement. Cette dissonance, qui introduit l’altérité au sein de la relation thérapeutique, porte atteinte au narcissisme familial. Pour autant qu’il soutient le processus de différentiation et d’individuation à l’intérieur de la famille, ce désaccord menace de déloger chacun de sa place. Au surinvestissement de la parole pour la famille, parole défensive, prise dans un hors-sens, va répondre le réinvestissement de l’espace sonore comme espace du fantasme, pour la thérapeute. Ce moment de nouage de l’espace sonore, qui impliquait pour la famille une dimension invasive et projective, et de l’espace tactile [4], avec ses résonances du côté de la contenance est peut-être celui où je suis touchée par le « corridor » ; restauré dans la psyché de Mélodie, il lui ouvre l’accès aux significations.

19L’enjeu du changement au sein de la famille est dans une relation de couple plus différenciée. Les processus d’identification projective à l’œuvre dans le lien de couple organisent la vie psychique familiale et déterminent, par le jeu des interactions dynamiques contenant/contenu, les capacités de croissance des enfants ; et des parents. Quand l’objet projeté rencontre un contenant – pour nous, l’écoute dans le maintien de l’aire d’illusion –, il peut devenir un objet psychique. Ainsi en est-il du processus de métaphorisation à l’œuvre avec le signifiant « forte » inscrit dans un des derniers dessins de Mélodie. Formel, il désignait dans le discours de Sibylle enfant sa corpulence qui l’avait obligée à « sauter une classe ». Pour sa fille qui veut devenir la meilleure, il désigne maintenant ses nouvelles capacités. Avec lui, s’introduit ce changement de perspective qui rétablit la conflictualité psychique de la polarité sujet/objet figée dans la factualité.

20Le développement de la rêverie maternelle, la fonction Alpha de l’appareil à penser, est conditionné par la relation dynamique contenant/contenu et par l’interaction mobile entre les positions schyzo-paranoïdes et dépressives. C’est la distorsion de cette relation qui désigne l’identification projective pathologique. La question du tact, les faibles capacités de liaison psychique de la famille témoignent de cette impasse. Le clivage protège des craintes de l’effondrement. Il s’agit alors de penser les troubles de la famille en termes de dépendance. L’étayage procuré par le setting et le processus thérapeutique répond à cette menace. Les principaux mouvements de la cure sont bien figurés par Mélodie dans ses dessins. La métaphore du bateau et de la traversée possible – le going through – de ce qui organise les fantasmes du couple parental illustre cette question. Ainsi, le dessin de Mélodie, qui fait surfer Séraphin, libéré, sur la vague maternelle, pendant que, sur le même dessin, elle s’inscrit sur mes pages jaunes, (où elle me trouve, donc, à la différence de sa mère), désigne, pour le garçon, l’accès possible à une forme de contenance intériorisée, qui réouvre la voie du désir, et pour la fillette, son besoin d’étayage par des tiers substituts maternels qu’elle est aujourd’hui en capacité d’investir. Sortis tous deux de l’embarcation familiale, ayant intériorisé l’objet primaire dans la différentiation, l’attachement n’est plus dangereux pour eux.

21Quand le cycle ininterrompu des permutations contenant/contenu avec sa symbolique masculin/féminin n’est pas possible du fait de la violence des projections, il se produit une dislocation. Un de mes patients, Frédérique, ainsi orthographié, exprimait parfaitement cette situation en évoquant son état d’énervement lorsqu’il était enfant parce qu’il ne pouvait jamais faire coïncider exactement le haut et le bas d’une poupée russe pour réorganiser la cohérence d’une image qui était pour lui, à cette époque de sa vie, celle de son identité de genre. Ni homme, ni femme, donc, il se livrait à des rituels de travestissement en femme qui assouvissait son besoin d’enveloppe maternelle. Il s’agissait d’un objet maternel impossible à intérioriser du fait de cette dislocation. Elle pouvait se définir par cette formule : sa fratrie le traitait en fille sur un mode sarcastique pour ne pas avoir à reconnaître qu’il était venu remplacer un garçon décédé avant lui.
Il me semble qu’un processus de cet ordre empêche le couple de réorganiser ses identifications sur le mode de la dynamique contenant/contenu. Le splitting statique empêcherait-il l’émergence d’une telle dislocation qui pourrait advenir à l’intérieur du couple ? Renoncer à renverser la perspective impliquerait que le couple, aux prises avec la configuration révélée par l’équation parrain-marraine égale grand frère-petite sœur – où Sibylle occupe la place de grand frère par identification narcissique à ses pères et grands-pères –, puisse jouer avec cette permutation. Par exemple, celle de grande sœur-petit frère, qui correspondait à sa réalité biologique, aurait impliqué de sa part de prendre en relais, sur le mode de l’écoute réflexive, les souffrances de sa propre famille, dans la résonance de l’histoire familiale de son époux. C’est-à-dire dans l’intersubjectivité.
Ce modèle d’un contenant dynamique plus conforme aux identités de genre pourrait-il relancer le processus des transformations psychiques bloquées dans le lien de couple ? C’est le vécu thérapeutique comme événement et sa capacité à faire trace psychique dans l’après-coup, c’est-à-dire à engager une forme de mobilité qui puisse contrevenir au splitting statique qui sera à interroger. La boule de papier froissée que Mélodie, déprise du pli paternel, me laisse en dépôt représente cette inscription passive de l’objet qui fait sens.

Conclusion

22L’activité psychique émerge dans la métaphore corporelle. La mère qui introduit son bébé au langage à travers l’investissement de l’espace sonore met à sa disposition cette dimension de l’écoute, métaphorisante, qui faisait défaut dans cette famille. L’investissement du langage, quand il ne s’étaie pas sur l’espace sonore, préside au clivage du corps et de la pensée, comme en témoigne le mythe d’Orphée : dépecé par les Bacchantes, le corps, séparé de la tête et jeté au fleuve qui court vers la mer, Orphée ne peut plus toucher Eurydice [5] que par son chant.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : enveloppe sonore, renversement de la perspective, intersubjectivité, figuration, splitting statique, toucher, enveloppe tactile, transgénérationnel, écoute réflexive

Date de mise en ligne : 01/06/2010

https://doi.org/10.3917/rppg.054.0141

Notes

  • [*]
    Catherine Fischhof, psychologue clinicienne, psychothérapeute familiale, 49 avenue de St Mandé, 75012 Paris ; Impasse St Europe, Les marroniers, 13100 Aix-en-Provence. catherine.fischhof@wanadoo.fr
  • [1]
    A. Eiguer, « La famille », dans A. de Mijolla, Dictionnaire international de la psychanalyse, Paris, Calmann-Levy, 2002, p. 573-574.
  • [2]
    R. Kaes, « Corps/groupe réciprocités imaginaires », Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe n° 25, Aux sources du corporel, Toulouse, érès, 1995.
  • [3]
    W.R. Bion, Éléments de psychanalyse, traduction française, Paris, puf, 1979. R.H. Etchegoyen, Fondements de la technique psychanalytique, Hermann éditeurs, 2005.
  • [4]
    D. Anzieu, Le Moi-Peau, Paris, Dunod, 1985. Les enveloppes sonores et tactiles sont liées dans leurs qualités réflexives et d’interface dans cette première configuration psychique du moi-peau : avant d’être une surface sensible d’enregistrement des traces et d’inscription, elle est d’abord une enveloppe tactile doublée d’une enveloppe sonore. Sur cette structure qui articule le dedans et le dehors, viennent s’étayer le visuel et la figuration. Dans l’alternance de la veille et du sommeil, c’est elle, aussi, qui permet le rêve.
  • [5]
    Dans son ouvrage, Les cinq sens, philosophie des corps mêlés, M. Serres donne au chapitre « boîte », une très belle description des liens entre l’enveloppe sonore et l’enveloppe tactile, que symbolise le mythe d’Orphée : « Le toucher coud » les voiles dans lesquelles vient s’engouffrer, tel le souffle du vent, le langage de mon corps entier, « boite à musique, caisse de résonance, airain retentissant », évoquant l’écoute analytique.

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