Notes
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[1]
D. Scotto Di Vettimo, thèse pour le doctorat en sciences humaines : « Métapsychologie et clinique de la honte : son statut, ses manifestations, son traitement psychothérapique », université de Nice Sophia-Antipolis, Nice, 2001.
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[2]
J. Lacan (1960), « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 807.
-
[3]
C. Barazer, « Hontes sans issue », dans Documents & débats, Bulletin intérieur de l’Association psychanalytique de France, n° 52, 2000, p. 9.
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[4]
S. Freud (1915), « L’inconscient », dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, p. 84.
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[5]
S. Freud (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, p. 169.
-
[6]
R. Chemama (1993), Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Larousse, 1995, p. 200.
-
[7]
J. Lacan (1945), « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 94.
-
[8]
J. Laplanche ; J.-B. Pontalis (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, puf, 1992, p. 452.
-
[9]
J. Lacan (1945), « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », op. cit., p. 94.
-
[10]
Ibid., p. 94.
-
[11]
J. Lacan (1948), « L’agressivité en psychanalyse », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 113.
-
[12]
Ibid., p. 118.
-
[13]
R. Chemama (1993), Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Larousse, 1995, p. 201.
-
[14]
Ibid., p. 201.
-
[15]
Ibid., p. 278.
-
[16]
B. Jacobi, Les mots et la plainte, Toulouse, érès, 1998, p. 25.
-
[17]
S. Freud (1905), Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, Gallimard, 1987, p. 101.
-
[18]
S. Freud (1896), « Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense », dans Névrose, psychose et perversion, Paris, puf, 1973, p. 67.
-
[19]
S. Freud (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », op. cit., p. 173.
-
[20]
S. Freud (1923), « Le Moi et le Ça », dans Essais de psychanalyse, op. cit., p. 249.
-
[21]
Ibid., p. 269.
-
[22]
S. Freud (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », op. cit., p. 248.
-
[23]
B. Jacobi, « Introduction sur un malaise supposé », Colloque du cirpc/université de Provence d’Aix-Marseille I et université Louis-Pasteur de Strasbourg, Malaise dans la filiation, Aix-en-Provence, 27 et 28 novembre 1999. Communication orale.
-
[24]
J. Lacan (1960), « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien », op. cit., p. 809.
-
[25]
S. Freud (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », op. cit., p. 201.
-
[26]
J. Lacan (1945), « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée. Un nouveau sophisme », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 212.
-
[27]
C. Barazer, « Hontes sans issue », op. cit., p. 17.
-
[28]
G. Lévy, Au-delà du malaise. Psychanalyse et barbaries, Toulouse, érès, 2000, p. 60.
-
[29]
C. Barazer, « Hontes sans issue », op. cit., p. 11.
-
[30]
B. Jacobi, « De la honte à la plainte », dans Victime-Agresseur, tome 1, Le traumatisme sexuel et ses devenirs, Lecques, Les Éditions du Champ social, 2000, p. 147.
-
[31]
R. Gori, « Le traumatisme de l’ordinaire », dans Victime-Agresseur, tome 1, Le traumatisme sexuel et ses devenirs, Lecques, Les Éditions du Champ social, 2000, p. 311-312.
-
[32]
B. Jacobi, « De la honte à la plainte », op. cit., p. 153.
-
[33]
S. Ferenczi (1932), Journal clinique, Paris, Payot, 1985, p. 162.
-
[34]
B. Jacobi, « De la honte à la plainte », op. cit., p. 149.
-
[35]
S. Ferenczi (1932), Journal clinique, op. cit., p. 72.
-
[36]
C. Barazer, « Hontes sans issue », op. cit., p. 9.
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[37]
C. Miollan, « Inceste, une écoute posttraumatique », Cliniques méditerranéennes, numéro 55/56, Exil et migrations dans la langue, Toulouse, érès, 1998, p. 164.
1La question de la honte autour de laquelle a pris forme le présent article est souvent apparue dans ma pratique auprès d’enfants et d’adultes en institution de soins pédopsychiatrique et psychiatrique. Comment, à partir d’un discours entendu dans le travail clinique, un corpus d’hypothèses théoriques et cliniques a-t-il pu être élaboré ? La tentative d’articulation de la honte au narcissisme va constituer le point de départ et d’appui de cette réflexion. Mon intérêt pour les modalités cliniques et théoriques de la honte dans ses aspects pathologiques et son traitement psychothérapique [1] m’a orientée vers l’exploration de son économie dans ses liens profonds avec le narcissisme, l’Idéal du Moi et le Moi-Idéal.
2Le traitement psychothérapique des enfants ou des adultes victimes de traumatismes sexuels fait apparaître un sentiment de honte caractéristique. Pourquoi le traumatisme sexuel produit-il de la honte ? Quelles insuffisances et quelles limites cette situation révèle-t-elle, réactive-t-elle, soulève-t-elle ? La première hypothèse ici envisagée prend en compte les deux instances psychiques de la personnalité que sont l’Idéal du Moi et le Moi-Idéal, dont les éléments déterminants sont : d’une part le rapport de l’Idéal du Moi avec l’expérience d’une atteinte sexuelle et de la blessure narcissique irréversible qu’elle provoque ; d’autre part le Moi-Idéal en rapport avec la déchéance ressentie dans la honte consécutive au traumatisme sexuel, honte de n’être que la chose, l’objet, le déchet de l’agresseur. La deuxième hypothèse postule que dans le dispositif psychothérapeutique, l’expression et la reconnaissance de la honte par le sujet, loin d’être des épiphénomènes, constituent un point d’appui essentiel dans l’affirmation et la reconstruction de l’identité. En effet, si, pour le sujet, l’expression de la honte est porteuse d’une acception précise, elle est pour le clinicien d’abord indice et messagère d’une signification particulière donnée à la parole. Il est vrai que l’usage de ce terme ne renvoie pas à un diagnostic, à une nosographie. Mais il mérite de s’expliquer sur le saut qui consiste à affirmer la présence de honte pour un sujet, à partir de l’occurrence de ce terme dans son discours. Enfin, il y a lieu de situer la honte dans le transfert, dans l’adresse à un interlocuteur, ce que j’aurai l’occasion de développer à partir d’une situation clinique.
3Étymologiquement, « honte » vient du francique haunita, même radical que « honnir » (1080) qui signifie « mépriser », et revêt une pluralité d’acceptions :
41. Indignité qui inflige un déshonneur humiliant.
52. (1273) Sentiment pénible de sa bassesse, de son déshonneur, de sa confusion, de son abaissement devant les autres, ou simplement de son ridicule.
63. (1611) Sentiment de gêne, de malaise, provoqué par la timidité, la modestie, le manque d’assurance, la crainte.
74. Avoir du remords, être dégoûté de, être gêné de.
8La honte, qui empourpre le visage, est d’abord un sentiment social : elle apparaît le plus souvent en réaction au regard d’autrui et vient marquer l’échec de la confirmation narcissique. Cette primauté du regard dans l’expérience de honte trouverait son hypothèse interprétative dans le fait que la honte prendrait sa source dans le regard de l’Autre, regard qui révélerait au sujet ses propres limites, son incomplétude, autrement dit dévoilerait le décalage insoutenable entre l’image narcissique de soi faite de perfection et une image reconnue dans le regard de l’Autre, d’insuffisance et d’imperfection. Nous nous situons là dans la perspective lacanienne classique qui postule, au sujet de l’Autre, que « […] c’est de lui que le sujet se constitue, par quoi c’est de l’Autre que le sujet reçoit même le message qu’il émet [2] ». La décharge fulgurante de honte, telle qu’elle a été décrite chez Sartre dans une perspective phénoménologique, témoigne fort justement de cette expérience émotionnelle où une part du plus intime de soi se trouve brutalement exposée, véritable mise à nu du sujet qui le confine dans un chaos narcissique. Dans l’épreuve de honte, l’effet de transparence ressenti en est sans doute la traduction la plus explicite, qui ne saurait mieux s’exprimer que dans l’expression langagière, assez coutumière, de mise à nu. De ce point de vue, la honte réduit le sujet à une position d’objet alors qu’un pouvoir excessif est attribué au regard de l’autre, pouvoir d’accéder, dans une dimension scopique extrêmement forte, à son intimité. En d’autres termes, dans l’expérience de honte se produit une défaillance du moi, qui signale et marque le dépassement d’un seuil « […] où une part du plus intime de moi se trouve brusquement offerte “en pâture” à la jouissance d’autrui [3] ». Ce ravalement à une fonction d’objet engendre un grand désarroi chez le sujet, car il est alors en proie à une incertitude narcissique angoissante.
9Ici, il faut s’arrêter un instant sur la notion d’affect qui est contemporaine de la naissance même de la psychanalyse, Freud proposant une première classification des névroses selon la manière dont un sujet se comporte au regard des affects. Dans son article sur « L’inconscient » (1915), il définit l’affect de cette façon : « […] Les affects et sentiments correspondent à des processus de décharge dont les manifestations finales sont perçues comme sensations [4]. » Plus précisément, l’affect est défini comme la traduction subjective de la quantité d’énergie pulsionnelle et de ses multiples variations. C’est-à-dire que Freud opère une distinction entre l’aspect subjectif de l’affect et les processus énergétiques qui le conditionnent. De cette conception structurelle résulterait toute une compréhension de la notion de honte comme manifestation subjective et comme relevant de l’identification imaginaire et du narcissisme spéculaire. Dans l’œuvre freudienne, le concept d’identification est défini comme une opération par laquelle le sujet humain se constitue : l’identification aspire à « […] rendre le moi propre semblable à l’autre pris comme modèle [5] ». Ce concept d’identification se trouvera enrichi par différents apports, dont celui de narcissisme, que Freud amène dans le texte intitulé « Pour introduire le narcissisme » (1914) en envisageant tout particulièrement les investissements libidinaux. Le souci majeur de Freud est de mettre en évidence le narcissisme comme une forme d’investissement pulsionnel nécessaire à la vie subjective, comme une donnée structurale du sujet. Il représente « […] une sorte d’état subjectif, relativement fragile et facilement menacé dans son équilibre [6] ». Ce bref rappel du rôle du narcissisme dans la psychogenèse de l’enfant montre que chaque être investit son moi grâce aux investissements dont il a pu être l’objet dans les premières années de sa vie.
10Dans le cadre de la théorie psychanalytique, Lacan a mis en rapport ce moment inaugural de la formation du moi avec cette expérience narcissique fondamentale qu’il désigne sous le nom de stade du miroir, qui marque une étape génétique et ontologique fondamentale, dans la mesure où va s’y constituer la première ébauche du moi. Face au miroir, l’enfant va anticiper, dans un leurre spéculaire et imaginaire, l’appréhension et la maîtrise de son unité corporelle. Son comportement face à son image dans le miroir se caractérise par « l’assomption jubilatoire de son image spéculaire par l’être encore plongé dans l’impuissance motrice et la dépendance du nourrissage qu’est le petit homme à ce stade infans […] [7] ». L’enfant perçoit dans l’image du semblable ou dans sa propre image spéculaire une forme (Gestalt) dans laquelle il va anticiper imaginairement l’appréhension et la maîtrise de son unité corporelle [8]. Cette unification va s’effectuer par l’identification de l’enfant à cette image : « Il y suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l’analyse donne à ce terme : à savoir la transformation produite chez le sujet, quand il assume une image [9]. » C’est donc à partir de l’autre semblable et de sa reconnaissance que l’instance du moi s’ébauche et se constitue. Cette expérience narcissique fondamentale constitue la matrice symbolique de ce qui sera le moi. Elle est au fondement de l’expérience imaginaire du moi, constitué d’emblée comme « je-idéal » et « souche des identifications secondaires [10] ». Le début de cette structuration subjective caractérise le narcissisme primaire, c’est-à-dire l’investissement pulsionnel du sujet sur lui-même, sur cette image de lui à laquelle il s’identifie. En ce sens, la relation intersubjective, qui est marquée des effets du stade du miroir, est d’abord une relation imaginaire et duelle, où le moi est constitué comme un autre et autrui comme alter ego.
11Le registre imaginaire représente, avec le réel et le symbolique, l’un des trois registres fondamentaux du champ psychanalytique lacanien. Dans une dimension intrasubjective, l’imaginaire concerne le rapport fondamentalement narcissique du sujet à lui-même, rapport où « […] l’individu humain se fixe à une image qui l’aliène à lui-même, c’est là l’énergie et c’est là la forme d’où prend origine cette organisation passionnelle qu’il appellera son moi [11] ». Pour Lacan, toute relation imaginaire est vouée à ce leurre : « Je est un autre [12] » écrit-il reprenant le poème de Rimbaud. Sur la base de cette identification princeps vont se succéder et s’intercaler les multiples identifications, imaginées et imaginaires, par où le sujet va constituer et enrichir son moi : « Mais fondamentalement ce moi, ou cette image qu’est le moi, est “extérieur” au sujet et ne peut donc avoir la prétention de le représenter complètement à lui-même [13]. » De là va procéder le narcissisme secondaire comme corollaire de cette opération, par où le sujet commence à investir des objets extérieurs à lui, objet différent et distinct de lui et à la fois objet qui le représente « […] puisque c’est son propre moi, un objet qui est l’image pour “laquelle il se prend”, avec tout ce que ce processus comporte de leurre, d’aveuglement et d’aliénation [14] ».
12L’édification de l’Idéal du Moi ou du Moi-Idéal en tant qu’instance imaginaire représente l’instance de la personnalité qui, dans une dimension symbolique, a la charge de réguler la structure imaginaire du moi et la panoplie des identifications qui s’y déploient, ainsi que l’ensemble des conflits qui animent et régissent, dans une dynamique intersubjective, les rapports du sujet à ses semblables.
13Le registre du réel ne peut être défini que par rapport au symbolique et à l’imaginaire. Il se caractérise d’un défaut fondamental : il est inconnaissable et non symbolisable. La honte participe de ce registre, elle se spécifie de sa rencontre avec le réel. C’est là qu’elle s’éprouve, dans son lien à l’originaire et dans le rapport scopique à l’autre semblable : le réel saisi dans le regard d’autrui. La honte, c’est du pur réel, c’est-à-dire qu’elle surgit de cette réalité qui n’est pas ordonnée par le symbolique. Dans l’expérience de honte, la mise à nu du sujet sous le regard d’autrui invoque ce réel, par où « […] il revient dans la réalité à une place où le sujet ne le rencontre pas, sinon sous la forme d’une rencontre qui réveille le sujet de son état ordinaire [15] ». Les manifestations physiques, corporelles et physiologiques de la honte témoignent de cette effraction qui fait la chute du sujet dans un réel non symbolisable, signant du même coup l’échec de toute symbolisation.
14Le registre symbolique marque l’affranchissement, chez l’enfant, de la capture imaginaire dans laquelle il se trouvait, depuis l’origine, inscrit. Au temps préspéculaire où l’enfant se vit comme morcelé, succède le stade où la constitution du moi s’unifie dans la dépendance d’une identification aliénante à l’image spéculaire (siège de la méconnaissance). Mais pour que le petit homme puisse s’approprier et intérioriser cette image, l’Autre (incarné par la mère) doit le reconnaître et le confirmer dans son existence de sujet. Ce signe de reconnaissance va fonctionner comme trait unaire, c’est-à-dire comme signifiant à partir duquel vont pouvoir se constituer l’identification symbolique et l’ébauche de l’Idéal du Moi.
15À l’appui de ces considérations et dans une perspective métapsychologique, la honte comme éprouvé narcissique est en lien avec l’Idéal du Moi et le Moi-Idéal. Le travail psychothérapeutique auprès de sujets souffrant de honte montre « l’état singulier de déficit narcissique [16] ». Dans ce sens, la clinique de la honte concerne directement le narcissisme et plus précisément la honte pourrait relever d’un fonctionnement sur le mode narcissique. C’est à partir d’une évocation clinique que va être mis à l’épreuve ce corpus d’hypothèses. Mais au préalable, il nous faut resituer d’abord l’apparition de la honte dans la théorie freudienne.
Repères psychanalytiques freudiens de la honte
16En un sens large, le mot allemand Scham désigne, dans l’usage freudien, aussi bien la honte comme formation réactionnelle dans la névrose obsessionnelle, comme « digue psychique » avec le dégoût, et l’exigence d’idéal esthétique et moral, dont la mission est de faire rempart à l’envahissement pulsionnel – notamment des pulsions sexuelles de voyeurisme et d’exhibitionnisme au début de la période de latence. Enfin, dans le cadre de la seconde théorie de l’appareil psychique, le dégagement de la notion de sentiment de culpabilité devait conduire Freud à opérer une distinction théorique avec le sentiment de honte, et à spécifier le rapport dialectique entre ces deux notions. L’histoire de la pensée freudienne est complexe et l’étude des textes ne permet pas de localiser une acception du concept de honte précise et déterminée, dans la mesure où le terme allemand est tantôt traduit par « honte » et tantôt par « pudeur », deux équivalents sémantiques qui ne permettent pas de conclure à un usage absolument univoque.
17Dès ses premiers écrits, Freud assimile la honte à l’action des forces refoulantes – répressives – qui ont pour visée de lutter contre le surgissement des pulsions. Dans plusieurs textes, l’auteur cite simultanément « le dégoût, la honte, la moralité [17] ». Ce qui était initialement objet de plaisir – plaisir directement lié à la dimension sexuelle sous-jacente – devient, sous l’effet du refoulement et des formations réactionnelles, objet de pudeur, de dégoût ou de honte. Dans son article intitulé « Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense » (1896), Freud écrit : « Alors un reproche s’attache au souvenir de ces actions génératrices de plaisir ; la relation avec l’expérience initiale de passivité permet – souvent, seulement après des efforts conscients dont le sujet se souvient – de refouler ce reproche et de le remplacer par un symptôme primaire de défense. Scrupulosité, honte, méfiance de soi-même sont les symptômes qui ouvrent la […] période de santé apparente mais en fait de défense réussie [18]. »
18C’est surtout avec la seconde topique que s’élabore le positionnement métapsychologique de la genèse du sentiment de honte. Dans « Psychologie des foules et analyse du moi » (1921), Freud reconnaît au Surmoi (Über-Ich) les fonctions suivantes : « L’auto-observation, la conscience morale, la censure onirique et l’exercice de l’influence essentielle lors du refoulement [19]. » C’est le Surmoi qui donne le sentiment d’être surveillé et épié par une partie de soi-même, contribuant ainsi au caractère paranoïde du Moi. D’un point de vue métapsychologique, la honte est subordonnée à l’Idéal du Moi (Ideal-Ich) dans la mesure où elle est le reflet du conflit intrapsychique entre le Surmoi et le Moi, conflit entre les instances psychiques qui est déterminant pour le sujet. Dans « Le Moi et le Ça » (1923), l’auteur nous propose la formule suivante : « Tandis que le moi est essentiellement représentant du monde extérieur, de la réalité, le sur-moi se pose en face de lui comme mandataire du monde intérieur, du ça [20]. » C’est ainsi que l’éclosion des conflits entre l’instance moïque et l’Idéal du Moi va inaugurer l’opposition entre monde extérieur et monde intérieur, entre réel et psychique dans un conflit inter-instances où les exigences du Surmoi despotique vont tyranniser le Moi, surévalué négativement par rapport à l’Idéal du Moi coercitif. Dans le vécu de honte se produirait ainsi une coalescence entre monde intérieur et monde extérieur : le Moi se trouve pris dans un double mouvement identificatoire, entre d’une part le Surmoi qui juge et auquel il se réduit, et d’autre part l’identification imaginaire de sujet « honteux » imputée au regard d’autrui. Une dialectique conflictuelle dynamique s’instaure entre le Surmoi et l’Idéal du Moi (comme figure surmoïque) qui s’effondre, pris dans les rets de cette instance « cruelle » qui le critique et par ailleurs point de mire du regard d’autrui, témoin de la fragmentation et du ratage de sa confirmation narcissique : « Le ça est totalement amoral, le moi s’efforce d’être moral, le sur-moi peut devenir hyper-moral et alors aussi cruel que seul le ça peut l’être [21] », écrit l’auteur au sujet de la moralité et de la répression pulsionnelle.
19Dans le même texte, Freud introduit la notion de Moi-Idéal (« Ich-Ideal ») mais il faut souligner que parfois, avec l’Idéal du Moi et le Surmoi, ces trois termes sont utilisés de manière synonymique dans l’œuvre freudienne, ne permettant que difficilement leur délimitation sémantique et même métapsychologique. En effet, l’auteur admet l’existence d’une différenciation, au sein du Moi, d’une instance qu’il nomme indifféremment Idéal du Moi ou Surmoi, issue du système perception-conscience, comme ses propos en témoignent : « […] L’idéal du moi ou sur-moi [est] la représentance de notre relation aux parents [22]. » Le Surmoi est au centre de la question morale. Il a un rôle de juge et de censeur à l’égard du Moi. Il inhibe les actions du sujet, induit le remords, les scrupules et le repentir. Le Moi-Idéal, lui, caractérise le Moi réel, objet convoité des premières gratifications et satisfactions narcissiques. Et ce n’est pas dénué de nostalgie que le sujet aspire à retrouver ce Moi-Idéal conçu comme un idéal de complétude narcissique, édifié sur le modèle du narcissisme infantile : « Nous sommes au centre de tout désir de restaurer une toute-puissance à laquelle nous pensons et croyons avoir renoncé [23]. » Tout ceci s’inscrit dans un rapprochement théorique que Freud opère entre ces deux instances du Moi-Idéal et de l’Idéal du Moi, leur attribuant conjointement les mêmes fonctions d’interdiction, de censure et d’idéalisation.
20Pour Lacan, le moi idéal s’élabore à partir de l’image du corps propre dans le miroir, image qui constitue le support de l’identification primaire de l’enfant à l’autre semblable : « C’est cette image qui se fixe, moi idéal, du point où le sujet s’arrête comme idéal du moi. Le moi est dès lors fonction de maîtrise, jeu de prestance, rivalité constituée [24]. » Ainsi, le sujet assume une certaine image de lui-même, enrichie des processus d’identification en perpétuelle mouvance, mais en aucun cas il ne peut se réduire à un champ exclusivement spéculaire de ce qu’il en est de son identification au miroir, car c’est toujours par la médiation de l’Autre, par le regard porté sur lui, que le sujet se perçoit et s’appréhende.
21Au sens freudien, la culpabilité, contrairement à la honte, implique la transgression de la loi et concerne le Surmoi. Alors que la honte, en tant qu’éprouvé narcissique, est directement liée à l’Idéal du Moi. Elle implique une mise en défaut de soi, devant témoin. En ce sens, la honte a un caractère fondamentalement intersubjectif. Dans la terminologie freudienne, « Il se crée toujours une sensation de triomphe quand quelque chose dans le moi coïncide avec l’idéal du moi. De même, le sentiment de culpabilité (et le sentiment d’infériorité) peut être compris comme expression de la tension entre moi et idéal [25]. » Dans le vécu de honte, l’Idéal du Moi défaille en regard des énoncés impératifs surmoïques et en regard de l’Autre aussi, témoin de ses turpitudes et de sa déchéance. C’est ainsi que la honte manifeste la mise en défaut narcissique du sujet, en tant qu’il se repère et se détermine à partir de ce qu’il perçoit de lui-même dans le regard des autres. Lacan l’a exprimé dans une formule très éloquente : « […] Si dans cette course à la vérité, on n’est que seul, si l’on n’est tous, à toucher au vrai, aucun n’y touche pourtant sinon par les autres [26]. » En tant qu’affect, la honte ne nous laisse pas d’autre alternative que de reconnaître la primauté du regard des autres porté sur soi.
22Dans une perspective classique, la métapsychologie de la honte dans l’œuvre freudienne rend compte de la différence du Surmoi comme instance critique et punitive à l’égard du Moi, et introduit la honte comme relation entre les différentes instances de la personnalité (Moi-Surmoi-Idéal du Moi) au sein de l’appareil psychique. En ce sens, le modèle prototypique freudien rend compte de la honte dans son rapport exclusif au refoulement du sexuel, selon l’hypothèse phylogénétique, le mythe de la Genèse inaugurant la naissance du sentiment de honte, qui passe par le regard sur les « parties honteuses » et l’introduction de la différence des sexes. L’hypothèse de ce travail consiste à considérer que la clinique de la honte déborde cette conceptualisation pour se rapporter également au Moi-Idéal, référence à une complétude imaginaire qui forme l’objet même de l’intérêt et de l’amour narcissique, en référence à une représentation de soi et de l’épreuve que constitue le fait de se reconnaître imparfait, limité, manquant, c’est-à-dire irrémédiablement soumis à l’épreuve de la castration. Le surgissement de la honte ne porterait donc pas seulement sur le sentiment de valeur et d’estime de soi, mais aussi et surtout sur le sentiment d’identité, dont la honte révélerait les fissures et les ruptures. Dans cette perspective, la honte concerne directement le Moi-Idéal et manifeste la mise en échec, le ratage d’un idéal de toute-puissance narcissique. L’identification grandiose par laquelle le sujet essaie de reconquérir l’omnipotence infantile passée est brutalement mise au jour dans son achoppement même, ce que la honte révèle. Tout ceci vient en quelque sorte provoquer une réflexion quant à la conceptualisation de la honte dans le cadre de la seconde topique de l’appareil psychique et plus largement dans le champ de la psychopathologie freudienne. La difficulté de conceptualisation d’une métapsychologie de la honte – hypothèse théorique fondamentale – réside dans la prise en compte incontournable de cet objet qui est le regard de l’autre, puisque la honte est d’emblée un sentiment social. Comme l’écrit C. Barazer : « En ce sens, la honte pour être pensée nécessiterait une sorte de topique limite, à la limite de l’intra et de l’intersubjectif. Peut-être est-ce là une des difficultés à la penser métapsychologiquement [27]. » Il conviendra de revenir sur cette conceptualisation.
23Je vais maintenant vous présenter quelques séquences d’un suivi en consultation, celui d’une jeune femme, Madame K., âgée de 35 ans, et de son enfant, Tony, âgé de 4 ans, né d’un viol. Cette évocation clinique permettra de revenir sur l’hypothèse de travail indiquée au début de cet article et de montrer, au-delà, comment la prise en compte de l’éprouvé de la honte dans une écoute post-traumatique a des effets positifs sur la dynamique psychique du sujet.
Évocation clinique
24La patiente dont j’exposerai quelques fragments d’histoire m’est adressée pour une situation assez dramatique de séquestration, de viol et de sévices. Les entretiens psychothérapeutiques avec Madame K. s’étendent sur une année et viennent soulever corrélativement l’ensemble des points suivants :
- la confrontation du clinicien à des situations extrêmes ;
- le traitement psychothérapique de la honte, dans la succession des différentes temporalités psychiques et leur étroite combinaison, passe par les trois temps suivants : l’inhibition, la mise en mots de la honte, l’affirmation et la reconstruction de l’identité.
Éléments d’anamnèse
25Une dizaine de rendez-vous « manqués » se seront succédé avant que je ne puisse rencontrer Tony et sa mère. Jusque-là, Madame K. n’avait pas pu faire la démarche de venir en consultation.
26Plusieurs signalements d’enfant en danger avaient été faits, notamment par l’une de ses sœurs, pour cause « de fuite de la mère avec son enfant et suspicion de mauvais traitements », mais à ce jour, aucune décision judiciaire et sociale n’avait été mise en application. C’est précisément dans cette occurrence que furent transmises par l’Association pour la protection de l’enfance et de l’adolescence des données anamnestiques précises. La symptomatologie présentée par l’enfant se déclinait en une succession de troubles énumérés ainsi : « Enfant coprophage qui présente une prévalence de troubles alimentaires, troubles du comportement, troubles du sommeil, troubles du langage (enfant qui ne parle pas), ainsi que des troubles liés à une suspicion de maltraitance maternelle. »
27Deux phrases dans le compte rendu du médecin de protection maternelle et infantile avaient tout particulièrement retenu mon attention : « C’est un enfant extrêmement inquiétant, décrit comme “non humanisé” » et « c’est la pire situation que nous ayons jamais rencontrée. »
28L’indication initiale de consultation avait pour motif la réalisation d’un bilan psychologique de cet enfant. Cette évaluation – demandée par le psychiatre – devait être réalisée dans les plus brefs délais, compte tenu du caractère d’urgence de cette situation.
Récits cliniques
L’inhibition
29Le premier entretien ne fut facile ni pour elle ni pour moi. Pour elle, car j’étais jugée soit indifférente à ses demandes, soit incompétente à l’aider et à la comprendre. À une intervention de ma part comme quoi elle pouvait être aidée, elle m’accusa d’avoir un optimisme mal placé dans mes efforts pour faire avancer la compréhension de son vécu très douloureux. Pour moi, cet entretien fut éprouvant, sans doute du fait de cette situation particulièrement difficile, la rencontre d’une femme qui a été séquestrée et violée et de son enfant, né à la suite de ces actes barbares.
30Tony est un petit garçon d’apparence chétive, qui émet simplement des sons pour exprimer ses demandes ou son mécontentement. Il manifeste une grande détresse lorsque sa mère lui pose un interdit. Les échanges entre la mère et son enfant sont empreints de violence, verbale et physique. Assise face à moi, la mère se tient entièrement de profil – face à la porte – et ne me regarde pas durant l’entretien. Elle affirme être venue consulter pour son fils, avec la ferme intention de nous « le laisser » dans le service. De manière itérative, elle me demande de le prendre en charge immédiatement à l’hôpital de jour : « Vous pouvez vous en occuper, vous ici. » Je lui réponds alors que je ne suis pas en mesure de prendre une décision d’ordre médical. En réaction à cette réponse, elle exprime, non sans véhémence, son insatisfaction. Après ces premiers échanges quelque peu tendus, elle commence à parler de son enfant, alors qu’il joue seul dans un coin de la pièce tout en émettant des petits cris. Cette mère put confier, à un moment donné : « Ce qui m’énerve, c’est que l’on me dise à l’école qu’il n’est pas normal. Tout se passe bien, sauf pour la parole… il ne lui manque que la parole. » Cette évocation des difficultés scolaires et surtout, de manière implicite, du rejet dont Tony fait l’objet va l’amener, à ma grande surprise, à faire une allusion au géniteur de l’enfant ; la crudité de ses propos est choquante. Elle est alors prise d’une honte fulgurante – ses joues sont rouges – et elle commence à bégayer. Le sentiment de honte est manifeste, son malaise très visible : hésitation, silence, regard contrit, gêne colorent ses propos ; il convient de noter toutefois que le mot « honte » ne sera pas prononcé. La défaillance sévère du moi, l’état de sidération et plus globalement la désorganisation psychique propres à l’état post-traumatique se manifesteront dans l’impossibilité, pour la patiente, de nommer son agresseur. Elle s’y essaiera une fois au cours de ce premier entretien et montrera des expressions symptomatiques de honte, telles qu’une manifestation physiologique visible – le rougissement – et une difficulté langagière – le bégaiement – assorties de manifestations corporelles d’agitation et de nervosité. S’ensuivront un flot d’injures et d’insultes sur cet homme avant que Mme K., sollicitée par son enfant, ne s’interrompt pour aller lui chercher un jouet.
31Alors que ce premier entretien s’achève, la patiente dira, toujours dans l’évitement de la rencontre de nos regards : « J’ai trop honte pour vous parler de ce qui m’est arrivé… » Elle affirme aussi, alors que je note le prochain rendez-vous, qu’elle ne reviendra pas. Je lui dis alors à quel point il me paraît important, pour elle-même et son enfant, de ne pas rester sans accompagnement psychologique, éducatif et social. Elle rétorque alors : « Donnez-le toujours ce rendez-vous, vous verrez bien si je viens ou pas. »
32Après les avoir raccompagnés, je retourne m’asseoir dans mon bureau et me sens aux prises avec une pensée confuse qui se dérobe. J’ai le sentiment, pour ne pas dire la certitude, de ne pas avoir pu accueillir cette mère et son enfant. Dans les jours qui suivirent, je fis des cauchemars : l’image la plus impressionnante est la nette apparition de corps de femmes et de fœtus monstrueux ; lié à cela, le spectre terrifiant d’une grossesse issue d’un viol. C’est dire à quel point, face à des situations extrêmes, le clinicien peut être envahi de mouvements émotionnels et fantasmatiques divers. Ces cauchemars étaient le fruit d’une actualisation transféro-contre-transférentielle où avaient été mêlés répulsion et effroi ; bouleversée par cet entretien, habitée par la confusion, je réalisai que le trauma sexuel interroge le clinicien au plus intime de son contre-transfert, ici sous forme d’émois tels que je viens de les évoquer. Je citerai ici G. Lévy lorsqu’il écrit, au sujet des situations traumatiques extrêmes, que le moment contre-transférentiel est un « […] moment à ne pas rater dans ce qui risque à tout instant pour l’analyste de l’emporter dans des réactions de dépit et de rejet, face à l’échec de toute interprétation, au sentiment d’un surplace [28] […] », autrement dit d’une impasse face à la désymbolisation traumatique et à ses ravages au cœur même de la subjectivité.
La mise en mots de la honte
33Durant une première période, Mme K. pleure beaucoup durant les entretiens. Un jour, elle commence à évoquer les faits traumatiques survenus dans sa vie, à savoir la séquestration suivie de violences sexuelles dont elle a été victime, et en particulier sa culpabilité liée au fait de ne pas avoir pu s’opposer à ces actes : « Je m’en veux, je me dégoûte moi-même », dit-elle. Murée dans une culpabilité massive, ces paroles ne semblent à aucun moment se soulager d’être dites, ce qui me fait penser que le problème est à situer ailleurs, c’est-à-dire du côté de la honte de ce viol. Curieusement, son discours apparaît dénué d’affects et d’émotions, en total décalage avec la gravité de son contenu. Selon l’analyse de C. Barazer, les sujets victimes de traumatismes sexuels peuvent « […] “donner en pâture” à l’analyste le plus intime d’eux-mêmes mais comme s’ils l’expulsaient comme déchet et non se l’appropriaient par la parole [29] ». Les traces mnésiques laissées par ces événements apparaissent ainsi comme des fragments épars, revenant sans cesse au cours des entretiens mais comme désaffectés, aseptisés. Les faits sont imprégnés d’un style narratif très particulier, descriptif, factuel. Un jour, elle dit : « J’aimerais être moi, enlever toutes ces choses dégoûtantes de mon esprit… » De « dégoût », de « choses dégoûtantes », il en sera beaucoup question durant les premiers mois, mais le mot « honte » ne sera jamais énoncé. Autrement dit, elle ne peut mettre en circulation cette honte dans le transfert qu’à la condition de la dire sous une forme travestie, le dégoût venant la désigner et exprimer directement le rapport au corps, « le dégoût de ne pas avoir pu empêcher cela ». Enfin, à partir du moment où elle va commencer à se (ré)approprier ces éléments de son histoire et surtout les faits traumatiques, d’intenses manifestations dépressives et une succession d’interruptions des entretiens vont révéler toute la difficulté à sortir de la barbarie dans laquelle l’ont immergée ces événements. C’est dire aussi que dans la dynamique transféro-contre-transférentielle, la factualité événementielle initiale commençait à advenir psychiquement comme souvenirs du passé, vérité historique. Mais, et de façon plus large, ces réminiscences constituaient un support sur lequel pouvait éclore une trace, une ébauche de représentation de l’(im)pensable traumatique. Alors que la patiente avait évoqué, au début des entretiens, un vécu de culpabilité lié aux violences sexuelles subies et à son impuissance, c’est un vécu de honte qui va bientôt occuper les entretiens.
34Trois mois séparent l’entretien qui suit du début de la prise en charge. Je reprendrai ici à ce point précis un passage extrait de cet entretien, qui met en relief un certain nombre de questionnements ainsi que les prémices de l’accès à une expérience subjective. Madame K. est assise en face de moi mais se tient toujours de profil, manifestant avec la même acuité l’évitement de la rencontre de nos regards. Elle a le visage tendu, se triture les mains, semble embarrassée. Elle finit par dire, le regard contrit : « Les images du viol se déroulent comme un film permanent… je n’arrive plus à laisser le passé derrière moi… il m’obsède. » À cette évocation, son regard se brouille et des larmes coulent de ses yeux où l’on peut lire un grand désarroi. Non sans une grande confusion émotionnelle, elle parviendra juste après à confier : « J’ai honte de ce qu’il m’a fait. » C’est à partir de là que la patiente commencera à parler d’elle, en livrant, à demi-mot, les fragments traumatiques de son histoire. À des bribes de phrases succéderont des silences ponctués de soupirs. Je note qu’au fur et à mesure qu’elle met en récit les actes barbares subis, des modifications de la posture corporelle se dessinent, progressivement mais nettement. En effet, la patiente se redresse peu à peu sur sa chaise et se tourne à présent vers moi. Elle ne se tient plus de profil mais de face et commencera d’abord par me jeter des regards furtifs.
L’affirmation et la reconstruction de l’identité
35C’est à partir du moment où elle aura pu confier être victime de honte, avoir honte de ce viol, que la patiente va commencer à détailler les conditions de la séquestration ainsi que les sévices sexuels subis. Autant dire que c’est à partir de la nomination de la honte qu’elle va pouvoir aborder le contenu des scènes traumatiques, qu’elle décrira de manière itérative, répétition qui manifeste une tentative d’élaboration psychique et de (ré)appropriation subjective. Après le dépassement de « la honte de la honte », la patiente essaie de dépasser et de métaboliser les souvenirs des événements traumatiques qui envahissent son présent et qui prennent figure d’obsessions. Enfermée dans ses souvenirs inoubliables, elle se demande comment supporter cette réalité ressentie comme intolérable, celle de sa propre histoire. En même temps, en me parlant de ces images qui s’imposent à elle en permanence, elle révèle que quelque chose ne peut et ne pourra jamais se transmettre, à savoir une expérience dont les mots s’avèrent impuissants à la soutenir, la représenter, l’expliquer. Et c’est bien de l’horreur du trauma dont il s’agit. C’est cela aussi qui est informulable. Il convient de noter qu’à l’émergence du trauma psychique apparaîtront toujours étroitement intriquées les injures sur l’agresseur, violeur, bourreau, comme tentative de s’arracher à l’abject en tant qu’objet de la pulsion de l’autre. Elle dira souvent : « Le salaud, c’est lui. » Je rejoindrai ici B. Jacobi lorsqu’il affirme que la plainte qui désigne l’agresseur constitue « […] un indice décisif dans l’élaboration psychique consécutive à une violence sexuelle [30] » comme prémices d’accès à la possibilité d’une restauration narcissique, lourdement grevée par le traumatisme. Reconnaître la cruauté, l’abomination de l’objet constitue une tentative douloureuse et ultérieurement salvatrice, de reconquête et de (ré)appropriation de sa subjectivité, anéantie par l’horreur traumatique.
36Un an s’est écoulé depuis le début du suivi. Ce jour-là, Tony est présent avec sa mère à l’entretien ; très affairé auprès des jouets qu’il a dénichés dans la malle, il vient plus tard nous solliciter pour participer à ses jeux. Il fait des allers et venues entre sa mère et moi, émettant des petits cris et semblant vouloir nous impliquer dans son activité favorite, lancer une balle contre un mur : « À la maison, c’est pareil… il peut faire ça pendant des heures », souligne la mère. Tony vient plus tard sur les genoux de sa mère réclamer de la tendresse. Madame K. sourit. C’est la première fois que je la vois esquisser un sourire. Tous deux sont dans un échange de tendresse et d’affection. La mère me regarde à présent et sollicite mon regard. Au moment de nous séparer et alors que tous deux se dirigent vers la porte, Tony se retourne et revient vers moi pour m’embrasser. La mère est surprise de l’initiative de son enfant. Elle dira : « Il est venu vers vous, il vous a adopté. Ce n’est pas un monstre… pour vous, il n’est pas monstrueux… »
Honte et transfert
37L’analyse de ce fragment clinique permet à présent de revenir sur l’affirmation indiquée au début de cet article, à savoir que l’une des fonctions de la honte, c’est de permettre au sujet de s’éprouver comme tel. Dans cette approche du champ de la honte, vont être développés à présent les trois temps subjectifs aptes à conceptualiser le traitement psychothérapeutique de la honte :
- dans un premier temps, « la honte de la honte » ne permet pas au sujet d’en parler, dans la mesure où c’est la honte elle-même qui interdit sa propre expression : c’est le temps de l’inhibition ;
- dans un deuxième temps, après avoir apprivoisé la honte dans un cadre approprié à l’accueillir, la mise en mots de la honte par le sujet sera effective : c’est le temps du regard ;
- l’expression et la reconnaissance de la honte par le sujet vont lui permettre l’accès à une expérience subjective : c’est le temps de l’identité.
Le premier temps : l’inhibition
38L’inhibition comme manifestation symptomatique de la honte était manifeste dès le premier entretien, à la mesure de la forte mobilisation défensive sous-jacente. L’évitement de la rencontre des regards traduisait à mon sens la dimension de « honte de la honte », mais d’agressivité aussi. Émergence de cet affect sur fond de déplaisir, la honte vient parler pour la patiente et témoigner de cette horreur du réel qui l’a brutalement arrachée à sa dignité de femme et de sujet. La manifestation physiologique de rougissement et le bégaiement comme expression de la confusion émotionnelle attestent de cette (ré)actualisation de la honte dans la relation transférentielle, mais aussi de l’impossibilité actuelle à inscrire le traumatisme dans le registre des mots. Je citerai ici R. Gori lorsqu’il écrit, au sujet du traumatisme : « Dans ces conditions, lorsque le maillage psychique n’a pas été réalisé dans les traces du rêve, du transfert ou d’une parole pleine, ne subsistent que le réel et l’affect d’effroi qui l’accompagne [31]. » L’impossibilité de nommer le nom du violeur renvoie fondamentalement à l’impossibilité de nommer l’irruption traumatique et l’horreur du viol comme épreuve innommable. La honte manifestée témoigne de cette mise à nu de l’effet traumatique, trauma exclu de toute symbolisation, sans médiation de mots. Le bégaiement en tant que manifestation langagière de la honte exprime l’état de confusion psychique propre à la réminiscence de la scène du viol et de la honte éprouvée. Mais plus. La honte traduit, au-delà, l’enfermement de la patiente dans la survie de cet événement inoubliable et dans cette épreuve de déréliction incommensurable de ce qu’elle ne peut encore mettre en mots.
39L’abord de l’événement traumatique surviendra dans l’après-coup, fragment par fragment, dans la confusion et le tremblement des mots ; ce qui est vecteur de terreur, c’est de formuler l’énoncé et de l’entendre : « L’effet d’une parole ne tient pas à son expulsion, mais à sa capacité d’inscription pour celui qui peut s’entendre la dire [32]. » Comment faire partager cet indicible, cet impensable de la souffrance au cœur même de la subjectivité ? La situation traumatique est paradoxale puisqu’elle génère une souffrance à la fois impensable, non « historicisée », et en même temps incontournable, inévitable. Ferenczi, qui a joué un rôle essentiel dans la mise en place de repères analytiques propres à permettre de comprendre la notion de traumatisme, explique qu’après « […] la découverte et la reconstruction du trauma supposé, suit une série quasi infinie de répétitions dans les séances d’analyse, avec toutes les explosions d’affects inimaginables [33] », comme des réactions de colère, de révolte, d’effroi, de terreur, d’angoisse, de vengeance. Or, et c’est là un point essentiel, le viol imprime chez la victime des sentiments de culpabilité et de honte, culpabilité de ne pas avoir pu empêcher cela, honte « d’avoir fait cela », comme le confiera la patiente en cours d’entretien. Précipitée dans l’horreur d’une épreuve innommable, la patiente se sent coupable et honteuse de ce dont elle est victime. Culpabilité d’avoir commis une faute, d’avoir transgressé, manquement dans le fait de ne pas avoir pu empêcher ce viol. Honte de la souillure sexuelle, de la pénétration forcée, honte d’avoir été l’objet de la jouissance de l’autre. Comme l’écrit B. Jacobi, le sujet victime de violences sexuelles éprouve la « honte d’être devenu déchet, honte d’être déchet par la déchéance infligée [34] ». En tant que femme violée, honte d’avoir été le témoin forcé de cette jouissance prise par l’autre dans une proximité sexuelle et corporelle insoutenable et subie.
Le deuxième temps : la mise en mots de l’événement traumatique
40La réification de sujet victime d’actes barbares assignait à la patiente une place particulière, celle de femme violée, de victime. Comme l’a noté Ferenczi au sujet de l’expérience traumatique, « une personne ainsi devenue paralysée dans son activité de pensée doit être incitée au travail de pensée en renouant avec les images mnésiques vagues, faibles ou avec des fragments de celles-ci [35] ». La verbalisation de la situation traumatique, la remise en circulation de cet indicible jusque-là hypostasié par la honte à dire et honte de la honte témoignent, dans l’espace transférentiel, d’une réintroduction du traumatisme et de la honte à la temporalité de la thérapie. À la mise en mots des violences sexuelles va se déployer une série de manifestations corporelles et physiques qui attestent de l’émergence d’une (ré)appropriation subjective par la parole. Le dépassement de « la honte de la honte » permet de nommer la barbarie et d’ouvrir la voie psychique à une ébauche d’élaboration. La patiente va déployer, dans la pénombre des mots et des silences, les bribes de la scène traumatique, la séquestration, les violences physiques, sexuelles, dans une tentative de liaison des impressions sensorielles, émotions et représentations.
41Cette évocation du traumatisme qui s’effectue dans la honte n’est pas sans rappeler la formule de C. Barazer, qui situe la honte « […] au carrefour de ce triple processus d’exposition, de dépossession et de déchéance de soi face à l’autre [36] ». Dans ce sens, l’exposition de soi concerne le sujet ayant été crûment l’objet d’attaques portant sur son intégrité physique, somatique et sexuelle ; la dépossession de soi concerne essentiellement le corps propre, brutalement confronté à l’irruption et la violence pulsionnelles de l’agresseur, qui s’approprie le corps de sa victime comme objet de jouissance ; de cette précipitation dans l’horreur traumatique, la déchéance ressentie en porte le cruel témoignage : infigurable de la douleur, présence inoubliable et impartageable de la scène traumatique lorsque le sujet est brutalement ravalé au rang de chose, d’objet sexuel, voire de déchet abject. Ce triptyque d’exposition, de dépossession et de déchéance de soi rejette le sujet dans une incommensurable solitude, dans une unicité honteuse, indécente, dépouillée de toute capacité de subjectivation et de symbolisation.
Le troisième temps : le processus de (ré)appropriation subjective de l’événement traumatique par le sujet
42Madame K. est venue initialement consulter dans un état de grande détresse et de désarroi, d’abord affecté à son fils, puis ultérieurement reconnu pour elle-même. Ici, nous voyons comment, dans le cadre d’une consultation thérapeutique, la reconnaissance de l’éprouvé de la honte par la patiente a fonctionné comme (ré)amorçage d’un lien dans une situation d’isolement et de souffrance. Se reconnaître et se faire reconnaître sujet honteux, c’est déjà s’affirmer sujet. Comme l’écrit C. Miollan, « pouvoir montrer sa honte, c’est obtenir un regard de l’autre qui servira de contenant provisoire [37] ». Ainsi, cette demande de (ré)instauration de liens se nourrit et se maintient dans l’échange des regards, regard ayant à la fois une fonction de contenant et une dimension sociale.
43L’hypothèse interprétative présentée trouverait validation dans son orientation transférentielle. La honte suspend la parole singulière du sujet, dans la mesure où c’est la honte elle-même qui interdit sa propre expression : « J’ai trop honte pour vous parler de ce qui m’est arrivé », avait indiqué la patiente lors du premier entretien. Par conséquent, la mise en mots de l’éprouvé de la honte fut impossible dans un premier temps, du fait d’une part de la forte honte qui avait accompagné le traumatisme sexuel – qu’elle abordera plus tard – et d’autre part du fait du redoublement de cette honte à la remémoration et/ou la tentative de verbalisation de ces souvenirs.
44Cette évocation clinique amène à constater que ce n’est qu’après un apprivoisement de la honte dans un cadre approprié à l’accueillir que la patiente est passée de l’expression simultanée de « ne pas pouvoir guérir de sa honte » et de « ne plus pouvoir se regarder en face » à une verbalisation de plus en plus détaillée de son vécu de honte, qui atteste d’une première mise à distance. Elle passe, dans ce travail, d’une adjectivation à une subjectivation. Elle est sujet de son discours et ce discours fait disparaître sa honte en tant que caractéristique de son image. Dans une perspective métapsychologique, ce passage, qui traduit un mouvement à la fois intrapsychique et interrelationnel, illustre la dialectique du passage d’un fonctionnement essentiellement moïque, du côté du spéculaire et de l’identification imaginaire, à une ébauche de subjectivation, à une expérience subjective. C’est dire que la prise en compte de l’éprouvé de la honte dans une écoute posttraumatique a des effets positifs sur la dynamique psychique du sujet. Lorsque l’expression de la honte devient effective, c’est d’abord à l’adresse du thérapeute : il s’agit pour le patient de verbaliser son vécu de honte, en lui donnant un sens. C’est-à-dire que lorsque le patient met en discours sa honte, celle-ci devient, dès lors, un objet de discours, un concept mentalisé, ce qui va permettre au sujet de prendre de la distance. Lorsqu’elle dit « j’ai honte », elle a déjà conscience de sa honte et elle change le statut de la honte qui, d’attribut, devient objet. Du coup, la problématique de l’adjectivation et de la subjectivation de la honte s’inscrit dans une temporalité de la thérapie. Tant que cette honte n’est pas dite, elle envahit le sujet et « colle » littéralement à son moi. L’accès à une expérience subjective commence ici, dans la réintroduction du traumatisme dans la temporalité de la thérapie, dans sa restitution au sein de l’histoire individuelle et de son économie psychique : « Aujourd’hui, je peux désormais me regarder en face dans le miroir, me maquiller et me convaincre que je ne suis pas un monstre mais un être humain. » Ainsi, d’une parole de honte sans adresse ou en souffrance d’adresse s’est déployée la verbalisation de la honte, réinscrivant dans l’actuel la figure parfois pétrifiée, en tous les cas figée, de cette épreuve. Enfin, l’analyse de ce fragment clinique montre que le traitement psychothérapique de la honte, dans la succession des différentes temporalités psychiques et de leur étroite combinaison, passe par les trois temps suivants : l’apprivoisement de la honte, la mise en mots de la honte, l’affirmation et la reconstruction de l’identité.
45En conclusion, la honte et son expression scandent une problématique de subjectivation, elles indiquent et amènent une réinscription dans la temporalité. Elles permettent un changement de registre entre l’identification spéculaire et l’identification symbolique, et une capacité nouvelle à s’adresser à l’autre, le petit autre et le grand Autre.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : sentiment de honte, psychothérapie, trauma sexuel, identité, narcissisme
Mise en ligne 24/01/2008
https://doi.org/10.3917/rppg.049.0181Notes
-
[1]
D. Scotto Di Vettimo, thèse pour le doctorat en sciences humaines : « Métapsychologie et clinique de la honte : son statut, ses manifestations, son traitement psychothérapique », université de Nice Sophia-Antipolis, Nice, 2001.
-
[2]
J. Lacan (1960), « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 807.
-
[3]
C. Barazer, « Hontes sans issue », dans Documents & débats, Bulletin intérieur de l’Association psychanalytique de France, n° 52, 2000, p. 9.
-
[4]
S. Freud (1915), « L’inconscient », dans Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, p. 84.
-
[5]
S. Freud (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981, p. 169.
-
[6]
R. Chemama (1993), Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Larousse, 1995, p. 200.
-
[7]
J. Lacan (1945), « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 94.
-
[8]
J. Laplanche ; J.-B. Pontalis (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, puf, 1992, p. 452.
-
[9]
J. Lacan (1945), « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je », op. cit., p. 94.
-
[10]
Ibid., p. 94.
-
[11]
J. Lacan (1948), « L’agressivité en psychanalyse », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 113.
-
[12]
Ibid., p. 118.
-
[13]
R. Chemama (1993), Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Larousse, 1995, p. 201.
-
[14]
Ibid., p. 201.
-
[15]
Ibid., p. 278.
-
[16]
B. Jacobi, Les mots et la plainte, Toulouse, érès, 1998, p. 25.
-
[17]
S. Freud (1905), Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, Gallimard, 1987, p. 101.
-
[18]
S. Freud (1896), « Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense », dans Névrose, psychose et perversion, Paris, puf, 1973, p. 67.
-
[19]
S. Freud (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », op. cit., p. 173.
-
[20]
S. Freud (1923), « Le Moi et le Ça », dans Essais de psychanalyse, op. cit., p. 249.
-
[21]
Ibid., p. 269.
-
[22]
S. Freud (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », op. cit., p. 248.
-
[23]
B. Jacobi, « Introduction sur un malaise supposé », Colloque du cirpc/université de Provence d’Aix-Marseille I et université Louis-Pasteur de Strasbourg, Malaise dans la filiation, Aix-en-Provence, 27 et 28 novembre 1999. Communication orale.
-
[24]
J. Lacan (1960), « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien », op. cit., p. 809.
-
[25]
S. Freud (1921), « Psychologie des foules et analyse du moi », op. cit., p. 201.
-
[26]
J. Lacan (1945), « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée. Un nouveau sophisme », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 212.
-
[27]
C. Barazer, « Hontes sans issue », op. cit., p. 17.
-
[28]
G. Lévy, Au-delà du malaise. Psychanalyse et barbaries, Toulouse, érès, 2000, p. 60.
-
[29]
C. Barazer, « Hontes sans issue », op. cit., p. 11.
-
[30]
B. Jacobi, « De la honte à la plainte », dans Victime-Agresseur, tome 1, Le traumatisme sexuel et ses devenirs, Lecques, Les Éditions du Champ social, 2000, p. 147.
-
[31]
R. Gori, « Le traumatisme de l’ordinaire », dans Victime-Agresseur, tome 1, Le traumatisme sexuel et ses devenirs, Lecques, Les Éditions du Champ social, 2000, p. 311-312.
-
[32]
B. Jacobi, « De la honte à la plainte », op. cit., p. 153.
-
[33]
S. Ferenczi (1932), Journal clinique, Paris, Payot, 1985, p. 162.
-
[34]
B. Jacobi, « De la honte à la plainte », op. cit., p. 149.
-
[35]
S. Ferenczi (1932), Journal clinique, op. cit., p. 72.
-
[36]
C. Barazer, « Hontes sans issue », op. cit., p. 9.
-
[37]
C. Miollan, « Inceste, une écoute posttraumatique », Cliniques méditerranéennes, numéro 55/56, Exil et migrations dans la langue, Toulouse, érès, 1998, p. 164.