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Article de revue

L’évaluation hégélienne des scepticismes antique et moderne

Pages 181 à 200

Notes

  • [1]
    Nous tenons à remercier les évaluateurs de la revue, qui ont beaucoup contribué, par leurs remarques judicieuses, à l’amélioration de cet article.
  • [2]
    Verhältnis des Skeptizismus zur Philosophie (VSP), Gesammelte Werke (GW) 4, 197. La Relation du scepticisme avec la philosophie (RSP), traduction et notes par B. Fauquet, Paris, Vrin, 1986, p. 21.
  • [3]
    VSP, GW 4, 213-214 ; RSP, 48.
  • [4]
    Hegel définit l’esprit comme « l’Idée parvenue à son être-pour-soi », Enzyklopädie (E) § 381, GW 20, 381-382.
  • [5]
    GW 18, 35-94.
  • [6]
    GW 18, 49.
  • [7]
    GW 18, 42 (« eine Gallerie von Meynungen »).
  • [8]
    E § 161, GW 20, 177.
  • [9]
    Ce problème a déjà été envisagé : K. Düsing, Hegel und die Geschichte der Philosophie. Ontologie und Dialektik in Antike und Neuzeit, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1983, pp. 4 et 28 ; H. Röttges, Dialektik und Skeptizismus, Francfort, Athenäum-Verlag, 1987, p. 22.
  • [10]
    Phänomenologie des Geistes (PG), GW 9, 119-121. Phénoménologie de l’esprit (PE), traduction et notes par B. Bourgeois, Paris, Vrin, 2006, pp. 216-220.
  • [11]
    E § 39 Rem., GW 19, 57 ; GW 20, 77. Également § 81 Add. 2.
  • [12]
    Par exemple dans la lettre à Cousin du 3 mars 1828 (Correspondance, tome III, trad. J. Carrère, Paris, Gallimard, 1967, p. 193).
  • [13]
    Michael N. Forster, Hegel and Skepticism, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1989 ; « Hegel on the Superiority of Ancient over Modern Skepticism » in H.-F. Fulda et R.-P. Horstmann (dir.), Skeptizismus und spekulatives Denken in der Philosophie Hegels, Stuttgart, Klett-Cotta, 1996.
  • [14]
    VSP, GW 4, 202 ; RSP 28.
  • [15]
    VSP, GW 4, 204 ; RSP 30. Nous ne cherchons pas, ici, à déterminer la justesse de la critique de Hegel à l’encontre de Schulze.
  • [16]
    Esquisses Pyrrhoniennes (EP), traduction et notes par P. Pellegrin, Paris, Seuil, 1997 ; I, 18-24.
  • [17]
    EP I, 21.
  • [18]
    VSP, GW 4, 204 ; RSP 31.
  • [19]
    Vorlesungen, Band 8 : Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie (VGP), Teil 3: Griechische Philosophie, II Plato bis Proklos, éd. P. Garniron et W. Jaeschke, Hamburg, Meiner, 1996, p. 152. Leçons sur l’histoire de la philosophie (LHP), trad. et notes par P. Garniron, Paris, Vrin, 1979, t. IV, p. 780.
  • [20]
    EP I, 13.
  • [21]
    EP I, 23.
  • [22]
    VSP, GW 4, 204-205 ; RSP 31-32. Hegel commente EP I, 22.
  • [23]
    EP I, 22.
  • [24]
    EP I, 21.
  • [25]
    EP I, 19.
  • [26]
    EP I, 19 ; 22.
  • [27]
    Hegel and Skepticism, op. cit., p. 9-43.
  • [28]
    Ibid., p. 11, nous traduisons.
  • [29]
    EP I, 8.
  • [30]
    EP I, 12 ; 202.
  • [31]
    VGP 8, 150 ; 151. LHP 776 ; 778.
  • [32]
    EP I, 9.
  • [33]
    EP II, 79.
  • [34]
    EP I, 8.
  • [35]
    EP I, 196.
  • [36]
    EP I, 12.
  • [37]
    Traité de la nature humaine (TNH), trad. par Ph. Baranger, Ph. Saltel et J.-P. Cléro, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1991-1995, I, IV, 1, p. 265.
  • [38]
    Hegel and Skepticism, op. cit., p. 28.
  • [39]
    Enquête sur l’entendement humain (EHU), dans Essais et traités sur plusieurs sujets III, trad. M. Malherbe, Paris, Vrin, 2004, XII, 3, p. 182 (more mitigated).
  • [40]
    TNH, op. cit., I, I, 2, p. 48 : « La première espèce d’impressions [les impressions de sensation] naît dans l’âme d’une manière originelle, de causes inconnues. » Puis TNH I, III, 5, p. 146 : « Pour ce qui est des impressions qui proviennent des sens, la cause ultime en est, à mon avis, parfaitement inexplicable par la raison humaine, et il sera toujours impossible de décider avec certitude si elles proviennent directement de l’objet, si elles sont produites par le pouvoir créateur de l’esprit, ou si elles procèdent de l’auteur de notre existence. »
  • [41]
    TNH I, IV, VII, p. 358. Cf. EHU, XII, 3, p. 183 : « D’une manière générale, en toute espèce d’examen et de décision, un juste raisonnement doit toujours s’accompagner d’un certain degré de doute, de circonspection et de modestie. »
  • [42]
    TNH I, IV, VII, p. 367.
  • [43]
    EHU, XII, 3, p. 182. Voir L. Jaffro, « Le sceptique humien est-il modéré ? », Daímon. Revista Internacional de Filosofía, n. 52, 2011, p. 53-69.
  • [44]
    E § 39 Rem.
  • [45]
    TNH I, I, VII.
  • [46]
    Werke in zwanzig Bänden (W), Francfort, Suhrkamp, 1969-1971, t. 20, p. 278-279 ; LHP 1681-1682.
  • [47]
    PG, GW 9, 293 ; PE, 465
  • [48]
    Grundlinien der Philosophie des Rechts, GW 14, 1, § 140 Rem. pp. 132-134 ; Principes de la philosophie du droit, trad. et notes par J.-F. Kervégan, Paris, Puf, 1998, p. 245-248.
  • [49]
    PG, GW 9, 293 ; PE, 465.
  • [50]
    PG, GW 9, 266 ; PE, 423.
  • [51]
    VSP, GW 4, 222 ; RSP 62-63, trad. Fauquet modifiée.
  • [52]
    VPG 8, 151-152 ; LHP 779-780.
  • [53]
    VSP, GW 4, 205 ; 222. RSP 33 ; 63.
  • [54]
    VSP, GW 4, 213-214 ; RSP, 48.
  • [55]
    J.-P. Dumont, Le Scepticisme et le phénomène. Essai sur la signification et les origines du pyrrhonisme, Paris, Vrin, 1972.
  • [56]
    RSP, préface, 7-10.
  • [57]
    EP I, 22.
  • [58]
    J.-P. Dumont, Le Scepticisme et le phénomène, op. cit., p. 16.
  • [59]
    RSP, préface, 7-8.
  • [60]
    VSP, GW 4, 205 ; RSP 33.
  • [61]
    VSP, GW 4, 221 ; RSP 59.
  • [62]
    EP I, 19.
  • [63]
    RSP 32. B. Quentin a déjà relevé l’inexactitude de cette traduction (Hegel et le scepticisme, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 170). Bien meilleure serait la traduction évoquée par F. Caujolle-Zaslawky : « hors juridiction » (« Le scepticisme selon Hegel », Revue philosophique de la France et de l’Étranger, clxiii, n° 4, 1973, p. 474). Sur d’autres points, d’autres traductions erronées vont dans le même sens. À propos de la réalité, Sextus écrit : « nous accordons le fait qu’elle apparaît » (τὸ μὲν ὅτι φαίνεται δίδομεν, EP I, 19, nous traduisons). Fauquet comprend : « nous affirmons la réalité du phénomène » (RSP 33).
  • [64]
    VSP, GW 4, 204.
  • [65]
    EP I, 19.
  • [66]
    L. Robin, Pyrrhon et le scepticisme grec, Paris, Puf, 1944, pp. 16-20.
  • [67]
    VSP, GW 4, 206 ; RSP, 34.
  • [68]
    VSP, GW 4, 207 ; RSP, 36.
  • [69]
    EP I, 1-4 ; 226. Comme le montre Hegel dans le même article, ce jugement doit être pris avec précaution (VSP, GW 4, 209-211 ; RSP, 39-44).
  • [70]
    VSP, GW 4, 207 ; RSP 36.
  • [71]
    Ibid.
  • [72]
    Parménide, 166 c.
  • [73]
    E § 81.
  • [74]
    E § 79.
  • [75]
    E § 81 Rem.
  • [76]
    Michael N. Forster, Hegel and Skepticism, op. cit., p. 37.
  • [77]
    PG, GW 9, 42 ; 57. PE, 101 ; 123.
  • [78]
    VSP, GW 4, 207 ; RSP 36.
  • [79]
    VSP, GW 4, 208 ; RSP 37-38, trad. Fauquet modifiée.
  • [80]
    VSP, GW 4, 208 ; RSP 39.
  • [81]
    E § 87 Rem.
  • [82]
    Si l’on en croit l’addition au § 381 (GW 25, 2, 931), Hegel utilise ces deux expressions, « absolue négativité » et « affirmation infinie », comme synonymes.
  • [83]
    Hegel aura plus tard dans ses cours une vision différente des cinq modes : VGP 8, 151 et 154-159 ; LHP 790-799.
  • [84]
    VSP, GW 4, 219 ; RSP 58.
  • [85]
    VSP, GW 4, 220 ; RSP 58-59.
  • [86]
    VSP, GW 4, 219 ; RSP 58.
English version

1 Hegel, dans ses multiples réflexions sur le scepticisme, considère toujours le scepticisme antique – essentiellement celui de Pyrrhon et Sextus – comme supérieur au scepticisme moderne [1]. Ce jugement, maintenu dans toutes ses œuvres, est perceptible dès la première page de son essai de 1802, La relation du scepticisme avec la philosophie :

2

exposer le rapport du scepticisme à la philosophie et la connaissance du scepticisme lui-même qui en résulte ne paraît pas inutile pour cette autre raison que les notions qu’on en trouve couramment sont extrêmement formelles et que l’on a pris ces derniers temps l’habitude d’altérer la noblesse qui lui est propre lorsqu’il est authentique en un escamotage général et dans le faux-fuyant de la non-philosophie [2].

3 Hegel établit d’emblée une différence entre un scepticisme « authentique », qui est noble, et un scepticisme « altéré » (verkehrt), inauthentique, qui sera durement critiqué. Or, c’est cette forme inauthentique qui est, selon Hegel, dominante à son époque. L’un des objectifs de l’article du Kritisches Journal der Philosophie est de distinguer ces deux formes de scepticisme, de montrer en quoi l’une est authentique et l’autre non. Cela dit, le rapport entre scepticisme antique et moderne n’est pas seulement celui d’une opposition, mais aussi d’une dégénérescence : « En attaquant la philosophie et en devenant dogmatique, le scepticisme montre qu’il a dégénéré en même temps que la philosophie et le monde en général, pour s’engloutir dans les temps modernes avec le dogmatisme […] [3]. »

4 Pour Hegel, cette dégénérescence (Ausartung) consiste à attaquer la philosophie et à devenir dogmatique. Nous remarquons d’abord que cette conception de l’histoire du scepticisme paraît en total désaccord avec les principes hégéliens de l’histoire de la philosophie. Selon Hegel en effet, la philosophie relève de la sphère de l’esprit, dont elle constitue l’ultime moment ; étant donné que l’esprit, qui présuppose la nature, est une activité de connaissance de soi en tant qu’Idée [4], la philosophie constitue la plus haute forme de cette connaissance de soi de l’Idée. Mais la philosophie est empiriquement produite par des philosophes, qui s’inscrivent dans un contexte déterminé et variable : une époque, un pays, une langue, etc. Pourtant, l’histoire de la philosophie n’est pas, selon Hegel, le fruit du hasard. En effet, d’après le manuscrit de 1820 [5], elle constitue un développement, une succession temporelle unifiée, qui reflète dans l’esprit la succession logique de l’Idée [6]. L’histoire de la philosophie ne peut s’apparenter à une « galerie d’opinions [7] » ; si la philosophie a une existence temporelle, il ne s’agit pas d’un cours chaotique, mais d’un développement (Entwicklung) – ce qui signifie que les multiples philosophies sont unies dans le concept de la philosophie, qui déploie sa connaissance de l’Idée ou de l’absolu à travers une progression[8]. En d’autres termes, l’histoire de la philosophie est le développement progressif et dialectique de la connaissance de soi de l’esprit. Ainsi il semble paradoxal que Hegel puisse penser une dégénérescence du scepticisme, dans la mesure où celui-ci fait partie de l’histoire de la philosophie conçue comme progrès [9].

5 On pourrait objecter que l’essai de 1802 reflète seulement la pensée de Hegel au début de la période d’Iéna, et que la discordance avec son histoire de la philosophie n’est due qu’à l’évolution de sa pensée. Il est vrai qu’une dégénérescence globale de la philosophie et du monde semble mal s’accorder avec l’idée hégélienne que l’histoire de la pensée progresse inéluctablement en direction d’un système philosophique absolument vrai. Mais, si Hegel défend, au moins à partir de 1820, l’idée d’un progrès en philosophie, il maintient malgré tout ce jugement spécifique de la supériorité du scepticisme antique sur le scepticisme moderne. Dans la Phénoménologie de l’esprit, il consacre un passage important au scepticisme antique [10], alors que le scepticisme moderne (Hume en particulier) en tant que tel est à peine mentionné. Et surtout, au § 39 de l’Encyclopédie (de 1827 et de 1830 [11]), il renvoie explicitement à son article de 1802, alors qu’il défendra jusqu’au bout l’idée de progrès et la supériorité générale des modernes sur les anciens [12].

6 La constance de Hegel sur ce point, mise en relation avec sa conception de l’histoire de la philosophie, pose donc le problème suivant : pourquoi considère-t-il le scepticisme antique comme philosophiquement essentiel, supérieur, et le moderne comme secondaire, voire insignifiant ?

7 La question a été traitée, notamment, par M. N. Forster [13], qui fonde la validité de la lecture hégélienne sur une différence « méthodologique » entre sceptiques antiques et modernes. Ce jugement appelle deux compléments essentiels : d’une part, si Hegel a une interprétation juste et pénétrante du scepticisme antique, il ignore la force négative que peut avoir le scepticisme moderne, humien notamment ; d’autre part, le fait que l’isosthénie antique constitue pour Hegel une première pensée du négativement-rationnel est fondamental dans son évaluation. Envisageons d’abord la différence établie entre sceptiques antiques et modernes, tout en interrogeant la pertinence de la lecture hégélienne des différentes périodes du scepticisme, avant d’expliquer pourquoi l’isosthénie revêt une telle importance pour Hegel.

La différence entre les antiques et des modernes

8 De prime abord, la différence entre scepticisme antique et moderne apparaît comme une différence de portée. La Relation du scepticisme avec la philosophie semble se concentrer sur ce point, et opposer le scepticisme moderne, représenté par Schulze et à la portée limitée, au scepticisme antique, plus radical car n’accordant de certitude à rien. Hegel écrit en effet, en résumant un passage de la Critique de la philosophie théorique de Schulze :

9

à vrai dire (p. 51) l’existence de ce qui est donné dans l’extension de notre conscience, a une certitude irréfutable ; car du fait qu’il est présent dans la conscience, nous pouvons aussi peu mettre en doute sa certitude que celle de la conscience ; mais vouloir douter de la conscience est absolument impossible, car, comme il ne peut avoir lieu sans conscience, un tel doute se détruirait lui-même, donc ne serait rien ; ce qui est donné dans et avec la conscience, on le nomme un fait de conscience (Tatsache des Bewusstseins) ; par conséquent les faits de conscience sont le réel irréfutable auquel on doit rapporter toutes les spéculations philosophiques, et ce qui est à expliquer ou à rendre compréhensible au moyen de ces spéculations [14].

10 Le raisonnement de Schulze, d’inspiration cartésienne, peut se résumer ainsi : le doute ne peut atteindre les faits de conscience, car il suppose la conscience et est lui-même un fait de conscience ; autrement dit, en voulant détruire la certitude des faits de conscience, le doute prouve cette certitude même, en vertu de son existence comme fait de conscience. Il y aurait donc un domaine immunisé contre les attaques sceptiques : les faits de conscience. Mais Schulze va plus loin :

11

à l’entendre, il n’est rien de ce que l’expérience enseigne, en particulier l’ensemble des sensations externes, qui puisse être objet de doute et de toutes les sciences il n’y a que la philosophie qui puisse l’être (car il n’en est aucune autre qui s’occupe de connaître des choses extérieures à l’extension de la conscience), alors qu’au contraire l’ancienne skepsis s’étendait à l’expérience et à la philosophie, et la plus ancienne s’étendait au moins à l’expérience [15].

12 Ainsi, les sensations externes, et les choses extérieures auxquelles elles se réfèrent, ne sont pas objet de doute, car elles sont données dans la conscience. Schulze se rapproche donc d’une forme de kantisme, selon laquelle le phénomène est connaissable, mais la chose en soi inconnaissable. D’après lui, la philosophie est la science qui cherche à connaître le suprasensible, les causes premières et inconditionnées des choses, et à cette fin elle s’éloigne de l’expérience et devient douteuse.

13 Or Schulze veut fonder son approche sur le scepticisme antique. Il se réfère notamment à Sextus Empiricus, selon lequel le sceptique vit d’après les phénomènes ou apparences, ne serait-ce que pour la vie quotidienne, la vie pratique [16]. Sextus rappelle en effet à plusieurs reprises que le sceptique vit « en tenant compte des phénomènes [17] ». Schulze en déduit que le scepticisme de Sextus admet une forme de connaissance par les sens, et approuve une telle position. Il y aurait donc une certaine continuité entre la position de Schulze et celle des anciens sceptiques. Or Hegel considère cette référence à Sextus de manière très différente :

14

Le fait qu’une telle conviction portait simplement sur la vie pratique implique immédiatement qu’elle n’a rien à voir avec la philosophie ; que cette conviction et la conscience limitée remplie de faits, comme principe d’une certitude irréfutable, n’étaient pas de façon générale opposées à la raison et à la philosophie, encore moins les menaçant mais qu’elles n’étaient que le tribut aussi réduit que possible payé à la nécessité d’une détermination objective ; nous ne rechercherions, disent les sceptiques et ne fuirions ni ceci ni cela quand il s’agit de choses qui sont en notre pouvoir ; quant à celles qui ne sont pas en notre pouvoir, mais qui sont conformes à la nécessité, comme la faim, la soif, le froid, nous ne pouvons les éviter car elles ne se laissent pas écarter par la raison ; mais la conscience qui s’attache à ces besoins nécessaires, le scepticisme antique était bien loin de l’ériger au rang d’un savoir qui est une assertion objective ; […] [18]

15 Il est clair que les anciens sceptiques agissaient en fonction des phénomènes, des apparences (τὰ φαινόμενα). Selon Hegel, ce comportement traduit simplement le fait que les sceptiques sont affectés par les phénomènes, par exemple par des besoins naturels, mais il ne signifie pas qu’ils tenaient la conscience d’une affection (πάθος) pour une connaissance du réel [19]. Parce qu’elles sont dictées par la vie pratique, ces actions n’ont aucune signification philosophique. Quand ils le peuvent, les sceptiques ne préfèrent aucun jugement à un autre, aucune action à une autre ; mais ils subissent également des états ou événements sur lesquels ils ne peuvent rien avec la raison et ils sont contraints de prendre en compte ces états. Sextus écrit : « Le sceptique donne son assentiment aux affects qui s’imposent à lui à travers une impression ; par exemple il ne dira pas, alors qu’il a chaud ou froid, “il me semble que je n’ai pas chaud ou que je n’ai pas froid” [20]. » Néanmoins, cette apparence ou ce phénomène, selon lequel le sceptique règle sa conduite, n’implique aucune affirmation ou opinion de sa part. Pour Sextus, les sceptiques vivent selon les règles de la vie quotidienne, « sans soutenir d’opinions [21] » (ἀδοξάστως). Ainsi ils ne formulent aucune assertion, ni sur les choses en elles-mêmes, ni sur les phénomènes, ni même sur les phénomènes qui s’imposent à eux : c’est la différence fondamentale de portée avec le scepticisme moderne, que Hegel cherche à mettre en lumière. Comment peut-on comprendre que le sceptique agit d’après les phénomènes sans porter aucun jugement sur eux ?

16 L’interprétation de Hegel peut se résumer ainsi : les phénomènes nous affectent et produisent l’assentiment à leur sujet de manière involontaire ; parce que nous subissons ces affections, elles ne peuvent faire l’objet d’une enquête, c’est-à-dire faire l’objet d’une affirmation ou négation.

17

Mais il n’est pas question pour ce scepticisme d’une conviction portant sur les choses et leurs propriétés ; le critère du scepticisme, selon Sextus, est le phénomène (φαινόμενον) sous lequel nous comprenons en fait sa représentation (φαντασίαν αὐτοῦ) donc le subjectif ; car comme elle réside dans la conviction (πείσει, mais pas une conviction portant sur une chose) et dans une affection subie involontairement, il n’y a aucune matière à enquête. Il est ἀζήτητος (l’expression allemande : doute, utilisée par le scepticisme est toujours gauche et impropre) [22].

18 Les choses elles-mêmes, distinguées des apparences, ne sont pas objets de recherche, car cela supposerait d’emblée, à partir des phénomènes, l’existence des choses. Seul le phénomène nous est accessible, en tant qu’il est littéralement ce qui apparaît ; à ce titre, il est, écrit Sextus, « virtuellement son impression [23] », c’est-à-dire qu’il est pour nous essentiellement une représentation subjective. Mais celle-ci est reçue passivement, elle ne peut à proprement parler être philosophiquement discutée : là où aucune marge de différence n’est possible, il n’y a pas de place pour la recherche. Hegel n’interprète pas « ἀζήτητος » comme signifiant « hors de doute », ou exclu de la recherche car évident, mais lit cet adjectif de manière plus littérale, comme signifiant « non recherché », c’est-à-dire incapable d’être un objet de recherche. L’impression et le phénomène auquel elle se rattache ne sont pas objets de recherche. Cela n’est pas en contradiction avec le fait que le phénomène est le « critère » du scepticisme, dans la mesure où Sextus précise qu’il s’agit d’un critère pour l’action [24]. Le sceptique donne son assentiment aux affections involontaires pour la vie pratique, non pour la recherche philosophique. Par conséquent, la recherche sceptique peut uniquement porter sur « ce qui est dit de ce qui apparaît [25] », et ceci afin de savoir si la réalité (τὸ ὑποκειμένον) est bien telle qu’elle apparaît [26].

19 Il semble donc que la différence entre scepticisme antique et moderne réside, selon Hegel, dans la portée de ces formes de scepticisme : le moderne fait porter ses attaques seulement sur la chose en soi, tandis que l’antique ne fait porter sa recherche que sur ce qui est dit du phénomène – l’objet, le phénomène et l’impressions restent, pour différentes raisons, hors de la recherche, mais absolument pas parce qu’ils sont évidents.

20 Nous voudrions maintenant montrer que cette différence de portée doit être comprise à partir d’une différence plus fondamentale. Michael N. Forster a démontré [27] que la « méthode » antique de l’iso­sthénie, comprise comme « procédure pour entraîner une suspension du jugement qui ne requiert pas le maintien d’autres croyances » [28], est essentielle pour la thèse hégélienne de la supériorité du scepticisme antique ; pour défendre la pertinence du point de vue hégélien, Forster montre que le scepticisme moderne met en doute certains phénomènes en se fondant sur la certitude immédiate d’autres types de phénomènes, et il met donc en évidence les assertions dogmatiques implicites chez les modernes. Globalement, cette analyse est juste, mais elle nous paraît devoir être nuancée à propos des sceptiques modernes.

21 À coup sûr, le sceptique antique s’attaque indifféremment à tout type de phénomène, et constate l’isosthénie (ἰσοσθένεια), la force égale qui oppose entre eux, de quelque manière que ce soit, des phénomènes et pensées de force égale [29] ; il reconnaît que « à tout argument (λόγῳ) s’oppose un argument égal [30] ». Hegel a relevé plusieurs fois, dans ses Leçons sur l’histoire de la philosophie[31], l’importance de cette définition. Qu’il s’agisse de phénomènes, c’est-à-dire, comme le précise Sextus, de « choses sensibles » (αἰσθητά), ou de « choses pensées » (νοητά) [32], aucune n’est acceptée telle quelle comme réelle ou comme vraie, mais se verra toujours opposer soit une chose sensible, soit une chose pensée. Le sensible peut s’opposer au sensible ou à la pensée, et de même la pensée peut s’opposer à la pensée ou au sensible. Comme son nom l’indique, l’isosthénie met en évidence la force égale des choses sensibles ou pensées sur un sujet donné, telle qu’elle apparaît au sceptique, à celui qui examine ; les divers modes (τρόποι) sceptiques sont les formes de cette mise en opposition. Il ne faut donc pas penser que le scepticisme antique, tel qu’exposé par Sextus, serait une entreprise de destruction ou de critique de grandes notions, par exemple la vérité ou la moralité. Ainsi, après avoir attaqué sur plusieurs chapitres le « critère de la vérité », Sextus rappelle qu’il ne considère pas cette notion comme sans objet, mais qu’il rétablit simplement un équilibre par rapport aux arguments plausibles des dogmatiques [33]. La conclusion de Sextus n’est donc pas l’inexistence du critère de la vérité, mais la suspension du jugement (ἐποχή). Or, quel que soit l’objet de la recherche, l’équilibre des arguments conduit à cette suspension du jugement (puis à la tranquillité), selon l’exercice de la « faculté » (δύναμις) [34] de mettre face à face les choses qui apparaissent et celles qui sont pensées. Il ne faut pas non plus penser que l’égalité de force de conviction serait une propriété objective des choses découverte par le sceptique : l’isosthénie reste relative à celui qui juge, elle ne constitue pas une affirmation dogmatique sur la nature des choses ou des pensées [35], ce que pourrait laisser penser le terme de « méthode ». Autrement dit, il subsiste une différence entre ce que Hegel thématisera comme l’auto-suppression du fini et l’isosthénie de Sextus ; les éloges de Hegel et les liens qu’il établit, parfois rapidement, avec sa philosophie peuvent tenir aux déclarations de Sextus qui donnent un grand poids à cette idée d’opposition égale, ainsi : « Quant au principe (ἀρχή) par excellence de la construction sceptique, c’est qu’à tout argument s’oppose un argument égal [36] ».

22 En revanche, Schulze affirme la certitude irréfutable des faits de conscience, et il nie que l’on puisse connaître ce qui se trouve hors du champ de la conscience, i. e. au-delà des choses empiriques. Le diagnostic hégélien semble donc pertinent concernant Schulze. Toutefois, l’est-il autant pour la philosophie moderne dans sa totalité ? Forster cherche à montrer que Hegel a raison d’établir une distinction tranchée entre les scepticismes antique et moderne, mais son entreprise ne semble pas entièrement convaincante, en particulier à propos de Hume. Il est vrai que Hume ne fait presque pas appel à l’isosthénie et qu’il donne son assentiment aux arguments qu’il développe ; il est vrai, en outre, qu’il ne manque pas une occasion de critiquer les pyrrhoniens, qui forment pour lui une « secte fantastique [37] ». Pour autant, peut-on dire avec Forster que sa philosophie, comparée au scepticisme antique, est « un genre de dogmatisme négatif [38] » ? En rangeant Hume dans cette catégorie générale du « scepticisme moderne », on ne saisit pas la force de son scepticisme, qui est d’un tout autre genre que celui des anciens. Le scepticisme « plus mitigé [39] » de Hume n’est pas faible ni teinté de dogmatisme ; il est corrosif dans la mesure où on y trouve nombre d’énoncés négatifs, qui détruisent les certitudes accordées à telle ou telle thèse. Par exemple, les impressions de sensation, qui constituent les perceptions « primitives », ne représentent pas d’objets – même imparfaitement – car leurs causes sont inconnues et inconnaissables [40]. Toutefois, la valeur de vérité de ce genre d’assertion négative est constamment nuancée par Hume, par exemple lorsqu’il écrit : « Après le plus précis et le plus exact de mes raisonnements, je ne peux donner de raison d’y souscrire et je ne sens rien d’autre qu’une forte propension à considérer fortement les objets sous l’aspect où ils m’apparaissent [41]. » Le dernier paragraphe du Traité de la nature humaine précise que les affirmations assurées de Hume, apparemment dogmatiques, sont les conséquences d’une inattention à la discipline sceptique dans l’inclination à la recherche philosophique [42]. Si notre nature nous empêche certes de vivre en parfaits pyrrhoniens, le scepticisme mitigé résulte en partie du pyrrhonisme [43], et conserve sa modestie et sa puissance de questionnement.

23 Hegel ignore – involontairement, selon nous – cette spécificité du scepticisme de Hume et le considèrera toujours comme un « simple » empiriste, jusque dans les cours et la dernière édition de l’Encyclopédie[44]. Par exemple, la position humienne sur les idées abstraites, comme idées individuelles associées à un terme général et donc représentées comme telles [45], est un refus de l’universel que Hegel, dans ses cours, ne tolère pas [46]. Le monde moderne possède bien sûr des figures négatives, comme celle de l’intellection pure [47] ou de l’ironie [48], mais qui n’ont plus en commun avec le scepticisme que le négatif et la certitude de soi. Le scepticisme authentique peut donc avoir dégénéré et disparu sans que cela ne contredise le progrès de l’histoire de la philosophie, dans la mesure où le progrès moderne met en jeu d’autres figures négatives que le scepticisme. Cela est clair dans la Phénoménologie, où le scepticisme sera finalement l’une des « figures subordonnées [49] » de l’intellection pure, qui, en tant qu’elle se tourne contre la foi, constitue les Lumières [50].

24 Il n’en demeure pas moins que, selon Hegel, l’acceptation de phénomènes déterminés en vue d’une discussion d’autres phénomènes considérés comme douteux constitue la différence fondamentale du scepticisme moderne par rapport à l’ancien.

25

Pour le scepticisme moderne, au contraire, la conscience commune avec tous les faits innombrables qu’elle renferme a une certitude irréfutable ; raisonner et réfléchir sur ces faits de conscience, les classifier, ce qui constitue pour lui le travail de la raison, produit les sciences de ce scepticisme, qui sont, d’une part, une psychologie empirique, d’autre part, grâce à une pensée analytique portant sur les faits, maintes autres sciences qui sont au-dessus de tout doute raisonnable.
De cette barbarie qui consiste à attribuer une certitude et une vérité irréfutable aux faits de la conscience, ni le scepticisme antique, ni le matérialisme, ni même le sens commun le plus vulgaire s’il n’est tout à fait animal, ne se sont rendus coupables ; jusqu’à l’époque la plus moderne, elle est inouïe dans la philosophie [51].

26 Schulze est ici la cible, et il le sera à nouveau dans les cours sur l’histoire de la philosophie [52]. À partir du moment où un tel scepticisme attribue aux faits de conscience une certitude irréfutable, on peut fonder sur cette certitude plusieurs sciences, d’abord la psychologie, puis d’autres portant sur les objets empiriques relatifs à la conscience. Or si la certitude immédiate des faits de conscience est capitale, c’est parce qu’elle transforme le scepticisme en un dogmatisme irréfléchi. En effet un tel scepticisme, principalement tourné contre le concept et la philosophie – mais considérant comme certaines des sciences comme l’astronomie ou la physique [53] –, accepte immédiatement les faits de conscience, et avec eux, les choses matérielles. Ainsi, il se transforme en dogmatisme [54] : le contenu de la conscience n’est pas soumis au doute. La différence entre scepticismes antique et moderne sépare donc le scepticisme du dogmatisme. D’un côté, l’isosthénie fonctionne sans limitation et produit sur tout sujet la suspension du jugement ; de l’autre, le scepticisme moderne, en vue d’attaquer certains phénomènes, en accepte d’autres et devient ipso facto dogmatique.

27 Avant d’expliquer la signification spécifique que Hegel attribue à la méthode de l’isosthénie, il convient d’évoquer le débat concernant l’interprétation hégélienne du scepticisme antique. Sa lecture a en effet provoqué de nombreuses remarques critiques. Ainsi Jean-Paul Dumont, dans Le Scepticisme et le phénomène[55], et dans sa préface à l’édition française de La Relation du scepticisme avec la philosophie[56], considère que Hegel méconnaît l’intention du scepticisme antique. Dumont, et avec lui Fauquet, qui traduit et annote l’essai, créditent Schulze et Stäudlin d’une interprétation correcte des sceptiques, et réfutent celle de Hegel.

28 Le principal reproche adressé à Hegel est d’avoir transformé le scepticisme antique en un sorte de nihilisme, de négation absolue, et de n’avoir pas compris qu’il attaquait seulement la nature en soi de l’objet, mais non le phénomène, ni l’âme affectée par le phénomène. En effet, Sextus écrit : « […] à propos du fait que la réalité (τὸ ὑποκειμένον) apparaît telle ou telle, sans doute personne ne soulève de dispute, mais c’est le point de savoir si elle est bien telle qu’elle apparaît qui fait l’objet d’une recherche [57]. » Sextus semble donc faire porter sa recherche sur les choses, et non sur les phénomènes, ce qui va dans le sens de la thèse de Dumont selon laquelle le scepticisme antique n’est pas un « nihilisme intégral » mais se borne à « exprimer un relativisme empirique » [58]. Selon Dumont, le pyrrhonien est phénoméniste, c’est-à-dire qu’il se fie aux phénomènes, aux apparences, mais n’affirme rien dogmatiquement à leur propos ; le préfacier va jusqu’à écrire que les sceptiques grecs, qu’il s’agisse de Pyrrhon, Timon ou Sextus, n’ont « jamais mis en doute la validité de nos représentations subjectives, de nos impressions sensibles ou encore des phénomènes », ajoutant que « tout le monde devrait le savoir » [59]. Le phénomène, en tant que tel, ne serait donc pas remis en cause, contrairement à la nature des choses. Hegel pensait en revanche que l’examen sceptique porte sur les phénomènes et nos impressions sensibles, et qu’il n’admet même pas véritablement de choses sous ces phénomènes. Or il ne nous semble pas que Hegel se trompe en écrivant : « Quand le sceptique disait : le miel est aussi bien amer que doux, et aussi peu amer que doux, il ne voulait pas dire qu’il y avait une chose se trouvant derrière le miel [60]. » Le sceptique n’affirme pas l’existence de choses en soi (quelle que soit leur nature) derrière les phénomènes ; sa recherche n’exclut pas une connaissance future de la réalité de l’objet (τὸ ὑποκειμένον) qui apparaît, mais sans conférer la moindre existence à cet objet purement hypothétique. La désignation de cet objet n’implique pas son existence. Hegel écrit plus loin :

29

Quand le scepticisme antique se sert de l’expression ὑποκείμενον, ὑπάρχον, ἄδηλον, etc., il désigne alors l’objectivité qu’il est de son essence de ne pas exprimer ; il reste dans la subjectivité de l’apparaître. Mais ce phénomène n’est pas pour lui une chose sensible derrière laquelle il doit y avoir, comme l’affirment le dogmatisme et la philosophie, d’autres choses encore, je veux parler des choses suprasensibles [61].

30 Cette objectivité, le sceptique n’affirme pas qu’elle serait inatteignable, mais il ne la pose pas non plus comme finalité assertorique de la connaissance. D’autre part, c’est seulement ce qui est dit des phénomènes [62] qui est examiné, mais le fait que la recherche ne porte pas sur les phénomènes en tant que tels ne signifie en aucun cas que le sceptique les considère comme certains ou réels. Sur ce point, Hegel nous semble avoir raison contre l’interprétation de Dumont et Fauquet. Ce dernier traduit ἀζήτητος par « hors de doute », ce qui est manifestement une surtraduction, puisque cela implique que les phénomènes sont certains [63]. Hegel, à juste titre, a soigneusement évité de traduire le terme par « zweifellos » et se contente de la périphrase « so findet keine Untersuchung statt“ [64] : « Ainsi n’a lieu aucune recherche. » En effet, Sextus écrit seulement qu’on ne peut pas enquêter sur le phénomène en tant que tel, donc qu’il n’est pas susceptible d’être vrai ou faux, parce qu’il s’impose à nous. Puisqu’il ne peut enquêter sur ce qui apparaît, sur le phénomène, le sceptique se limite donc à « ce qui est dit de ce qui apparaît [65] ». C’est sur ces différentes interprétations du phénomène que s’exerce l’isosthénie.

31 Certes, la lecture de Hegel n’est pas celle d’un historien de la philosophie, mais il n’est pas possible de la qualifier de « trahison » comme le fait Dumont ; elle est, sur plusieurs points, juste et subtile, et s’accorde d’ailleurs avec des analyses postérieures comme celles de Léon Robin [66].

Le fondement de la supériorité du scepticisme antique

32 La nature polémique de l’article de 1802 n’est pas étrangère à cette supériorité accordée aux sceptiques antiques : la majeure partie de l’article veut démontrer l’insuffisance du scepticisme de Schulze, notamment en le comparant avec l’antique. Hegel n’omet pas d’établir les limites du scepticisme antique, mais comparé à celui de Schulze, il apparaît comme supérieur. L’évaluation hégélienne repose cependant sur une raison plus profonde, qui est que la négativité sceptique est en elle-même un aspect ou moment essentiel de toute philosophie authentique.

33

Si on ne détermine pas le vrai rapport du scepticisme avec la philosophie et si on ne discerne pas que le scepticisme lui-même est foncièrement un avec toute philosophie vraie, qu’il y a donc une philosophie qui n’est ni scepticisme, ni dogmatisme, mais les deux à la fois, toutes les histoires, tous les récits et les éditions récentes du scepticisme ne mènent à rien [67].

34 La philosophie a donc un rapport d’inclusion avec le scepticisme, puisque toute philosophie vraie ne fait qu’un avec le scepticisme. Mais il ne s’agit pas d’un rapport d’identification, puisqu’une telle philosophie est à la fois sceptique et dogmatique.

35 Qu’est-ce qui confère au scepticisme ce caractère essentiel à toute philosophie vraie ? Pour Hegel, l’immense mérite du scepticisme antique est d’avoir découvert et développé le côté négatif de la philosophie : « Ceux dont Diogène répète les propos avaient su voir qu’une vraie philosophie a nécessairement en même temps un côté négatif dirigé contre tout ce qui est limité (alles Beschränkte) […] [68]. » La dimension négative de la philosophie consiste à s’attaquer à ce qui est limité, dont les faits de conscience et les concepts de l’entendement. En effet, le sceptique, en opposant, de quelque manière que ce soit, le sensible et l’intelligible, puis en suspendant son jugement, ne reconnaît aucune validité d’aucune sorte aux phénomènes et aux concepts. Le phénomène n’est pas plus fidèle qu’infidèle par rapport à la réalité. Bien sûr, le sceptique accorde que le phénomène apparaît et il règle sa conduite d’après lui, mais il ne lui reconnaît pas de valeur de vérité. À strictement parler, toutefois, le scepticisme de Sextus n’est pas plus négatif qu’affirmatif, dans la mesure où la négation n’est qu’une assertion négative, donc aussi dogmatique qu’une assertion affirmative. C’est pourquoi Sextus considère les néo-académiciens comme dogmatiques, car d’après lui ils nient que les choses soient connaissables [69] (c’est-à-dire qu’ils affirment leur caractère inconnaissable).

36 Mais ce qui intéresse Hegel précisément, c’est la négativité à l’encontre du fini ; c’est la compréhension, grâce à l’isosthénie, que les phénomènes et les concepts d’entendement sont finis. La suspension du jugement est le signe que les termes opposés s’annulent mutuellement : la force de l’un est contrebalancée par celle de l’autre, de telle sorte que le jugement est suspendu. Cette négativité, selon Hegel, est parfaitement illustrée par le Parménide de Platon, qu’il voit comme la mise en œuvre la plus achevée du « scepticisme authentique [70] ». Avant Pyrrhon et les pyrrhoniens, ce dialogue révèle un scepticisme radical, en ce qu’il présente, de façon systématique, une série d’hypothèses contradictoires entre elles, et qu’il attaque le « savoir par concepts d’entendement [71] », et non seulement les phénomènes. Pour considérer ce dialogue comme sceptique (ce qui ne va pas sans difficultés), Hegel s’appuie probablement sur sa conclusion aporétique, qui ne fait que synthétiser les déductions incompatibles [72]. Néanmoins, si Hegel considère la méthode sceptique comme intrinsèque à toute philosophie vraie, c’est parce qu’elle en présente l’aspect négatif, qui est l’auto-contradiction et auto-suppression du fini. Par « philosophie vraie », Hegel entend donc « idéalisme », au sens où, d’après le § 95 de l’Encyclopédie, « cette idéalité du fini est la proposition capitale de la philosophie, et toute philosophie vraie est pour cette raison un idéalisme ». Ainsi, la valeur du scepticisme antique tient au fait qu’il découvre le moment négatif de la philosophie comprise comme idéalisme.

37 Ce diagnostic, posé dès 1802, sera maintenu et confirmé jusqu’à l’Encyclopédie de 1830. Le scepticisme véritable, en tant qu’il montre l’auto-suppression des déterminations finies, saisit pour lui-même le moment dialectique (de la logique, mais plus généralement de la philosophie). Le paragraphe 81 de l’Encyclopédie le dit clairement :

38

Le moment dialectique est la propre auto-suppression de telles déterminations finies, et leur passage dans leurs opposées. 1° Le dialectique, pris à part pour lui-même par l’entendement, constitue, particulièrement quand il est présenté dans des concepts scientifiques, le scepticisme ; celui-ci contient la simple négation comme résultat du dialectique. [73]

39 Hegel affirme donc que le dialectique (das Dialektische), pris pour lui-même et isolé, constitue le cœur de ce qui est exposé par le scepticisme. Le moment dialectique met en mouvement et anime non seulement le logique, mais plus largement « tout concept ou […] tout ce qui est vrai en général [74] », ainsi que toute formation naturelle et spirituelle. Ce passage ou mouvement est la suppression d’une détermination finie par elle-même et « tout ce qui est fini a pour être de se supprimer soi-même » [75]. L’isosthénie est dialectique dans la mesure où elle consiste à saisir et montrer la nullité du fini, qu’il s’agisse de concepts ou de phénomènes. Ainsi, le scepticisme est une première conceptualisation du dialectique. Si cette identité relative du dialectique et du sceptique n’est clarifiée qu’à partir de l’Encyclopédie de 1827, cette intuition semble déjà à l’œuvre en 1802 : le négatif déployé par le sceptique antique est le principal fondement positif de sa supériorité sur le moderne. Ce point, que Forster ne signale que rapidement [76], il est capital, car si la dépréciation – parfois contestable – des sceptiques modernes est une raison « négative » à cette hiérarchie, la raison positive en est cette puissance de suppression du fini que Hegel repère chez les anciens.

40 Cependant, la différence entre ce scepticisme antique et le moment dialectique est que le scepticisme s’identifie au dialectique comme « pris à part pour lui-même par l’entendement ». Cela signifie que le scepticisme est dialectique, mais qu’il isole ce moment pour lui-même et le sépare des deux autres moments, celui de l’entendement fixant les déterminations (§ 80) et celui du positivement-rationnel, du spéculatif (§ 82). Le scepticisme peut donc, en un sens, être qualifié de philosophie d’entendement, dans la mesure où il représente la fixation, l’isolement et l’absolutisation d’un moment du tout. Cette fixation est visible dans le résultat du scepticisme, qui est la pure négation. En effet, le sceptique ne soutient pas telle position, ni son opposée, et ne soutient pas non plus qu’aucune des deux n’est valable : il suspend son jugement, c’est-à-dire que son jugement est en quelque sorte égal à zéro. Il ne peut que s’en tenir à la pure apparence, à ce qui lui semble être le cas, à sa pure subjectivité affectée par des phénomènes. En revanche, le dialectique n’a pas selon Hegel un résultat abstraitement négatif. La Phénoménologie de l’esprit[77] montrera que le processus dialectique, parce qu’il est une négation déterminée, a un résultat positif : l’auto-suppression de la certitude sensible n’a pas pour résultat le néant, mais la perception.

41 Le moment dialectique est donc exposé par le scepticisme, mais il le sépare du tout. Or la négativité dialectique, correctement comprise, implique la positivité rationnelle. Ainsi, déjà en 1802 : « Ce scepticisme ne constitue pas une pièce particulière d’un système, mais il est lui-même le côté négatif de la connaissance de l’absolu et présuppose immédiatement la raison comme le côté positif [78]. » Ce scepticisme véritable – celui du Parménide – est seulement un côté de la philosophie, qui nécessite l’autre côté, le positif ; la limite du scepticisme est de s’en tenir au côté négatif. Néanmoins, dans l’essai de 1802, Hegel ne se réfère pas encore à la dialectique et à la négation déterminée pour justifier cette présupposition du positif par le négatif. Il prend le point de vue de la proposition rationnelle :

42

Le scepticisme, qui apparaît dans sa pure forme explicite dans le Parménide, se trouve sous forme implicite dans tout système authentiquement philosophique ; car il est l’aspect libre de toute philosophie ; lorsque dans une proposition quelconque exprimant une connaissance rationnelle, on isole son aspect réfléchi, les concepts qui y sont enfermés, et que l’on considère la manière dont ces concepts sont liés, il apparaît nécessairement que ces concepts sont en même temps supprimés ou qu’ils sont unis de telle façon qu’ils se contredisent ; autrement ce ne serait pas une proposition de raison mais d’entendement [79].

43 Le rôle exact du scepticisme implicite consiste ici dans la contradiction et la suppression mutuelle des concepts fixes. Mais ce rôle est immédiatement intégré dans une proposition rationnelle, c’est-à-dire dans un résultat dépassant ces concepts, et non un néant comme la suspension du jugement. Hegel prend l’exemple d’une définition de Spinoza, selon laquelle la cause de soi est ce dont l’essence implique l’existence. Pour l’entendement, essence et existence sont deux concepts opposés, qui s’excluent l’un l’autre. Mais cette proposition de Spinoza est rationnelle ou spéculative pour autant qu’elle implique une contradiction dans l’union de ces concepts. C’est pourquoi Hegel pense que la proposition de raison comporte nécessairement une « infraction [80] » au principe de contradiction. En effet, dans une telle définition de la cause de soi, essence et existence sont réunies, alors que l’entendement les sépare, obéissant à la loi de non-contradiction. La négativité sceptique ou dialectique consiste ici à enfreindre un principe logique, mais cette infraction est indissociable de l’affirmation d’un nouveau concept rationnel. C’est pourquoi ce scepticisme implicite est dit l’aspect libre de toute philosophie : il est une négativité qui doit « s’approfondir » jusqu’à l’affirmation, ainsi que Hegel le dira plus tard, de la liberté [81]. En effet, cette négativité consiste d’abord dans la suppression d’une première déterminité fixe dans une deuxième, contraire à la première. Mais l’accomplissement de cette négativité est le dépassement de cette contradiction par l’affirmation d’un nouveau concept (ou d’une nouvelle proposition), qui englobe les deux précédents. Ce scepticisme implicite est donc négativité absolue, c’est-à-dire, la négation de la négation étant affirmation, affirmation infinie [82].

44 C’est justement l’ignorance de cette identité du négatif et du positif qui entraîne la dégénérescence du scepticisme, c’est-à-dire son absolutisation. D’après l’écrit de 1802, le scepticisme de Pyrrhon est seulement tourné contre le sensible, non contre la raison ; c’est avec les cinq modes d’Agrippa (le désaccord, la régression à l’infini, le relatif, l’hypothèse, le diallèle) que le scepticisme se tourne contre la philosophie et le rationnel [83]. Il s’agit d’une dégénérescence, au sens où le scepticisme, au lieu de s’attaquer uniquement au premier moment, celui de l’entendement, attaque également le troisième, la raison, et veut ainsi briser la totalité organique dont il fait partie. Cela dit, cette attaque illégitime sur le moment spéculatif ne constitue pas un danger :

45

Contre le dogmatisme ces tropes sont rationnels en ceci que, en face du fini du dogmatisme, ils réintroduisent le contraire dont celui-ci faisait abstraction et que du coup, ils rétablissent l’antinomie ; en revanche, si on dirige ces tropes contre la raison, ils conservent la pure différence dont ils sont affectés comme quelque chose qui leur est propre ; le rationnel de ces tropes se trouve déjà dans la raison [84].

46 L’efficacité des modes cesse devant le rationnel, car celui-ci contient déjà l’unité des opposés, alors que chaque mode cherche à faire valoir d’une manière déterminée un opposé contre un autre, afin de rétablir un équilibre. Par exemple, le troisième mode du relatif ne peut s’appliquer qu’à des choses finies (perception, concept d’entende­ment) et non à une proposition de raison, car celle-ci est une totalité qui contient en elle-même la relation de deux éléments subordonnés. Par conséquent, ces cinq tropes peuvent seulement donner une apparence d’efficacité, en altérant leur cible :

47

Comme ces tropes renferment tous le concept de quelque chose de fini et qu’ils se fondent là-dessus, ils changent immédiatement le rationnel en quelque chose de fini, quand ils s’y appliquent ; ils lui donnent la gale de la limitation pour pouvoir le gratter [85].

48 Ainsi, le quatrième trope cherchera à opposer à une première proposition, considérée comme hypothèse acceptée immédiatement, une autre hypothèse contraire, également valable. Or la proposition rationnelle ne peut être considérée comme immédiate et finie : elle résulte de la suppression de deux propositions d’entendement opposées, et les englobe dans un tout auquel il n’y a plus rien d’extérieur ; ou dans les termes de Hegel, « le rationnel n’a pas de contraire [86] ». En somme, étant donné que ce scepticisme attaque la raison avec des armes qui ne peuvent l’atteindre, il cherche, consciemment ou non, à transformer la proposition de raison en proposition d’entendement.

49 Hegel valorise donc le scepticisme antique car il y voit une première compréhension du dialectique, qu’il n’aperçoit plus chez les sceptiques modernes. Cette évaluation repose sur une lecture attentive des pyrrhoniens : Hegel y trouve la mise en évidence de la finitude et nullité de tout déterminé, qui doit constituer un moment nécessaire de toute philosophie vraie, c’est-à-dire de tout idéalisme. Chez les modernes, Hegel se concentre sur Schulze comme représentant du scepticisme le plus récent, d’autres figures critiques ou négatives n’étant pas comprises comme faisant partie du scepticisme au sens strict. La philosophie hégélienne de l’histoire de la philosophie reste donc cohérente dans la mesure où l’apport du scepticisme antique n’est pas détruit, mais continué par d’autres philosophies – avant tout, les Lumières – qui ne relèvent plus du scepticisme.


Date de mise en ligne : 04/05/2018

https://doi.org/10.3917/rphi.182.0181

Notes

  • [1]
    Nous tenons à remercier les évaluateurs de la revue, qui ont beaucoup contribué, par leurs remarques judicieuses, à l’amélioration de cet article.
  • [2]
    Verhältnis des Skeptizismus zur Philosophie (VSP), Gesammelte Werke (GW) 4, 197. La Relation du scepticisme avec la philosophie (RSP), traduction et notes par B. Fauquet, Paris, Vrin, 1986, p. 21.
  • [3]
    VSP, GW 4, 213-214 ; RSP, 48.
  • [4]
    Hegel définit l’esprit comme « l’Idée parvenue à son être-pour-soi », Enzyklopädie (E) § 381, GW 20, 381-382.
  • [5]
    GW 18, 35-94.
  • [6]
    GW 18, 49.
  • [7]
    GW 18, 42 (« eine Gallerie von Meynungen »).
  • [8]
    E § 161, GW 20, 177.
  • [9]
    Ce problème a déjà été envisagé : K. Düsing, Hegel und die Geschichte der Philosophie. Ontologie und Dialektik in Antike und Neuzeit, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1983, pp. 4 et 28 ; H. Röttges, Dialektik und Skeptizismus, Francfort, Athenäum-Verlag, 1987, p. 22.
  • [10]
    Phänomenologie des Geistes (PG), GW 9, 119-121. Phénoménologie de l’esprit (PE), traduction et notes par B. Bourgeois, Paris, Vrin, 2006, pp. 216-220.
  • [11]
    E § 39 Rem., GW 19, 57 ; GW 20, 77. Également § 81 Add. 2.
  • [12]
    Par exemple dans la lettre à Cousin du 3 mars 1828 (Correspondance, tome III, trad. J. Carrère, Paris, Gallimard, 1967, p. 193).
  • [13]
    Michael N. Forster, Hegel and Skepticism, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press, 1989 ; « Hegel on the Superiority of Ancient over Modern Skepticism » in H.-F. Fulda et R.-P. Horstmann (dir.), Skeptizismus und spekulatives Denken in der Philosophie Hegels, Stuttgart, Klett-Cotta, 1996.
  • [14]
    VSP, GW 4, 202 ; RSP 28.
  • [15]
    VSP, GW 4, 204 ; RSP 30. Nous ne cherchons pas, ici, à déterminer la justesse de la critique de Hegel à l’encontre de Schulze.
  • [16]
    Esquisses Pyrrhoniennes (EP), traduction et notes par P. Pellegrin, Paris, Seuil, 1997 ; I, 18-24.
  • [17]
    EP I, 21.
  • [18]
    VSP, GW 4, 204 ; RSP 31.
  • [19]
    Vorlesungen, Band 8 : Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie (VGP), Teil 3: Griechische Philosophie, II Plato bis Proklos, éd. P. Garniron et W. Jaeschke, Hamburg, Meiner, 1996, p. 152. Leçons sur l’histoire de la philosophie (LHP), trad. et notes par P. Garniron, Paris, Vrin, 1979, t. IV, p. 780.
  • [20]
    EP I, 13.
  • [21]
    EP I, 23.
  • [22]
    VSP, GW 4, 204-205 ; RSP 31-32. Hegel commente EP I, 22.
  • [23]
    EP I, 22.
  • [24]
    EP I, 21.
  • [25]
    EP I, 19.
  • [26]
    EP I, 19 ; 22.
  • [27]
    Hegel and Skepticism, op. cit., p. 9-43.
  • [28]
    Ibid., p. 11, nous traduisons.
  • [29]
    EP I, 8.
  • [30]
    EP I, 12 ; 202.
  • [31]
    VGP 8, 150 ; 151. LHP 776 ; 778.
  • [32]
    EP I, 9.
  • [33]
    EP II, 79.
  • [34]
    EP I, 8.
  • [35]
    EP I, 196.
  • [36]
    EP I, 12.
  • [37]
    Traité de la nature humaine (TNH), trad. par Ph. Baranger, Ph. Saltel et J.-P. Cléro, Paris, Flammarion, coll. « GF », 1991-1995, I, IV, 1, p. 265.
  • [38]
    Hegel and Skepticism, op. cit., p. 28.
  • [39]
    Enquête sur l’entendement humain (EHU), dans Essais et traités sur plusieurs sujets III, trad. M. Malherbe, Paris, Vrin, 2004, XII, 3, p. 182 (more mitigated).
  • [40]
    TNH, op. cit., I, I, 2, p. 48 : « La première espèce d’impressions [les impressions de sensation] naît dans l’âme d’une manière originelle, de causes inconnues. » Puis TNH I, III, 5, p. 146 : « Pour ce qui est des impressions qui proviennent des sens, la cause ultime en est, à mon avis, parfaitement inexplicable par la raison humaine, et il sera toujours impossible de décider avec certitude si elles proviennent directement de l’objet, si elles sont produites par le pouvoir créateur de l’esprit, ou si elles procèdent de l’auteur de notre existence. »
  • [41]
    TNH I, IV, VII, p. 358. Cf. EHU, XII, 3, p. 183 : « D’une manière générale, en toute espèce d’examen et de décision, un juste raisonnement doit toujours s’accompagner d’un certain degré de doute, de circonspection et de modestie. »
  • [42]
    TNH I, IV, VII, p. 367.
  • [43]
    EHU, XII, 3, p. 182. Voir L. Jaffro, « Le sceptique humien est-il modéré ? », Daímon. Revista Internacional de Filosofía, n. 52, 2011, p. 53-69.
  • [44]
    E § 39 Rem.
  • [45]
    TNH I, I, VII.
  • [46]
    Werke in zwanzig Bänden (W), Francfort, Suhrkamp, 1969-1971, t. 20, p. 278-279 ; LHP 1681-1682.
  • [47]
    PG, GW 9, 293 ; PE, 465
  • [48]
    Grundlinien der Philosophie des Rechts, GW 14, 1, § 140 Rem. pp. 132-134 ; Principes de la philosophie du droit, trad. et notes par J.-F. Kervégan, Paris, Puf, 1998, p. 245-248.
  • [49]
    PG, GW 9, 293 ; PE, 465.
  • [50]
    PG, GW 9, 266 ; PE, 423.
  • [51]
    VSP, GW 4, 222 ; RSP 62-63, trad. Fauquet modifiée.
  • [52]
    VPG 8, 151-152 ; LHP 779-780.
  • [53]
    VSP, GW 4, 205 ; 222. RSP 33 ; 63.
  • [54]
    VSP, GW 4, 213-214 ; RSP, 48.
  • [55]
    J.-P. Dumont, Le Scepticisme et le phénomène. Essai sur la signification et les origines du pyrrhonisme, Paris, Vrin, 1972.
  • [56]
    RSP, préface, 7-10.
  • [57]
    EP I, 22.
  • [58]
    J.-P. Dumont, Le Scepticisme et le phénomène, op. cit., p. 16.
  • [59]
    RSP, préface, 7-8.
  • [60]
    VSP, GW 4, 205 ; RSP 33.
  • [61]
    VSP, GW 4, 221 ; RSP 59.
  • [62]
    EP I, 19.
  • [63]
    RSP 32. B. Quentin a déjà relevé l’inexactitude de cette traduction (Hegel et le scepticisme, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 170). Bien meilleure serait la traduction évoquée par F. Caujolle-Zaslawky : « hors juridiction » (« Le scepticisme selon Hegel », Revue philosophique de la France et de l’Étranger, clxiii, n° 4, 1973, p. 474). Sur d’autres points, d’autres traductions erronées vont dans le même sens. À propos de la réalité, Sextus écrit : « nous accordons le fait qu’elle apparaît » (τὸ μὲν ὅτι φαίνεται δίδομεν, EP I, 19, nous traduisons). Fauquet comprend : « nous affirmons la réalité du phénomène » (RSP 33).
  • [64]
    VSP, GW 4, 204.
  • [65]
    EP I, 19.
  • [66]
    L. Robin, Pyrrhon et le scepticisme grec, Paris, Puf, 1944, pp. 16-20.
  • [67]
    VSP, GW 4, 206 ; RSP, 34.
  • [68]
    VSP, GW 4, 207 ; RSP, 36.
  • [69]
    EP I, 1-4 ; 226. Comme le montre Hegel dans le même article, ce jugement doit être pris avec précaution (VSP, GW 4, 209-211 ; RSP, 39-44).
  • [70]
    VSP, GW 4, 207 ; RSP 36.
  • [71]
    Ibid.
  • [72]
    Parménide, 166 c.
  • [73]
    E § 81.
  • [74]
    E § 79.
  • [75]
    E § 81 Rem.
  • [76]
    Michael N. Forster, Hegel and Skepticism, op. cit., p. 37.
  • [77]
    PG, GW 9, 42 ; 57. PE, 101 ; 123.
  • [78]
    VSP, GW 4, 207 ; RSP 36.
  • [79]
    VSP, GW 4, 208 ; RSP 37-38, trad. Fauquet modifiée.
  • [80]
    VSP, GW 4, 208 ; RSP 39.
  • [81]
    E § 87 Rem.
  • [82]
    Si l’on en croit l’addition au § 381 (GW 25, 2, 931), Hegel utilise ces deux expressions, « absolue négativité » et « affirmation infinie », comme synonymes.
  • [83]
    Hegel aura plus tard dans ses cours une vision différente des cinq modes : VGP 8, 151 et 154-159 ; LHP 790-799.
  • [84]
    VSP, GW 4, 219 ; RSP 58.
  • [85]
    VSP, GW 4, 220 ; RSP 58-59.
  • [86]
    VSP, GW 4, 219 ; RSP 58.

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