Notes
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[1]
L’équation de Navier-Stokes dérive du principe fondamental de la dynamique F = ma, appliqué à un fluide. Elle traduit la conservation de la quantité de mouvement p = mv dans ce fluide.
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[2]
Un algorithme est la description d’une suite d’opérations permettant de résoudre par calcul un problème. Dans le cas présent, on peut procéder selon l’algorithme suivant. Si on a le symbole « 9 » et le symbole « 2 », alors on a le symbole composé « 11 ». On écrit donc « 1 » à droite de la zone de résultat et on met « 1 » en mémoire. Puis on additionne le contenu de cette mémoire au chiffre suivant situé à gauche de chacun des nombres additionnés, soit 1 + 1 + 2 = 4, on écrit le résultat à gauche de la suite de chiffres qu’on a dans la zone résultat et on obtient donc un nombre décrit par « 4 » et « 1 », soit « 41 ».
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[3]
Quand on additionne 12 et 19, on utilise quatre zones de mémoire. Deux zones correspondent à la mise en mémoire de « 12 » et de « 19 ». Une autre zone est utilisée pour stocker les retenues pendant le calcul. Enfin, une zone est utilisée pour noter le résultat et elle ne contient d’abord rien, puis le symbole « 1 », puis les deux symboles « 3 » et « 1 ». Dans un ordinateur usuel, tous ces nombres sont en fait écrits en langage binaire.
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[4]
Le nombre d’états possibles d’un réseau minuscule de 10 × 10 × 10 spins est de 21000 = 16250 états. On estime par ailleurs l’âge de l’univers à 1025 ns et le nombre d’atomes dans l’univers à 1080. En supposant que chaque atome de l’univers soit un ordinateur qui étudie un état du réseau de spins en une nanoseconde, le nombre d’états étudiés ne serait que de 10105, soit moins de 1/10145 des états possibles du système. Trouver l’état ayant l’énergie la plus basse nous est donc en général impossible.
1Les simulations sont très utilisées dans l’étude des systèmes complexes. Une des difficultés majeures de cette étude est qu’elle requiert des calculs très longs. Par exemple, l’étude d’un réseau de spins (c’est-à-dire de petits aimants) en trois dimensions pour lequel il faut trouver l’état de plus basse énergie est un problème qui demande un temps de calcul qui croît exponentiellement avec la taille du système. De même, à cause de phénomènes comme la sensibilité aux conditions initiales (ce qu’on appelle l’ « effet papillon »), la prédiction de l’évolution exacte d’un fluide turbulent demande un temps de calcul qui croît exponentiellement. Pour étudier de tels systèmes, on en fait donc des simulations numériques, car seuls les ordinateurs sont en mesure de faire de tels calculs. Comme le comportement des systèmes complexes dépend très souvent du détail de ce qui s’y passe, comme dans l’effet papillon, ces simulations numériques doivent tenir compte du détail des interactions de ces systèmes et en produire une représentation très précise afin qu’il soit finalement possible d’extraire de l’information sur le système simulé à partir de la simulation.
2Pour qu’une simulation scientifique atteigne ce but, une des conditions est presque toujours qu’elle soit fidèle par un aspect ou par un autre à ce qu’elle simule. être fidèle n’implique pas nécessairement ressembler. Une description linguistique d’un train ne ressemble pas à ce train. Par contre, il peut s’agir d’une description fidèle au sens où elle contient des informations sur ce train qui sont exactes – par exemple, sa longueur, sa hauteur, sa masse, etc. Dans certaines circonstances, il est néanmoins crucial que le système simulant soit physiquement très similaire au système simulé. C’est par exemple le cas quand on utilise des simulateurs de vol pour entraîner les pilotes. Le simulateur doit reproduire les conditions d’un vol normal et la trajectoire que suivrait l’avion en fonction des réactions du pilote. De plus, il est très important que le simulateur ressemble matériellement au système simulé (tableau de bord, position des boutons, etc.) pour que le pilote prenne ses repères. De même, lorsqu’on simule le comportement d’un avion dans une soufflerie ou le comportement d’un sous-marin à l’aide d’un modèle réduit, il est crucial que la géométrie du système simulant ressemble à la géométrie du système simulé pour que la simulation nous renseigne fidèlement sur le système simulé. Dans de tels cas, la ressemblance est manifeste et indispensable.
3On peut enfin noter que les simulations numériques sont d’ordinaire accompagnées de riches interfaces qui nous permettent de visualiser ce que calcule l’ordinateur. Dans de tels cas, une comparaison entre les images produites par la simulation et des images obtenues par des expériences produit une frappante impression de ressemblance au point qu’il est la plupart du temps impossible de savoir à la simple vision l’origine de l’image. Ces visualisations ne révèlent-elles pas qu’une simulation est en fait comme une réplique du système étudié, un monde analogue qui lui ressemble et dans lequel des événements similaires surviennent ?
4De tels exemples et de telles constatations peuvent nous incliner à penser que plus une simulation ressemble au système qu’elle simule, meilleure elle est. Je souhaite montrer dans cet article que ces exemples sont trompeurs et que la propriété de ressemblance avec le système représenté ne fait pas partie des propriétés qui caractérisent de façon générale ce que sont les simulations.
5Pour cela, je vais montrer qu’une simulation, pour bien fonctionner comme représentation, doit sur certains points être vraiment différente de ce qu’elle représente et que la ressemblance n’est donc en général pas une propriété souhaitable des simulations, même si la fidélité à ce qui est représenté l’est. Montrer cela de façon générale serait une tâche de longue haleine. Je me propose donc ici plus modestement de l’illustrer sur la question de la représentation du temps. L’argument principal que je développe est le suivant. Une bonne représentation scientifique est une représentation qui permet d’extraire de l’information sur le système étudié de la façon la plus économique possible. Dans le cas des simulations numériques, cette contrainte est incompatible avec la production d’une représentation qui ressemble du point de vue temporel à l’objet qu’elle représente.
Les différents temps caractérisant les simulations
6Une des particularités des simulations est qu’elles sont des représentations dynamiques. Par cela, je veux dire non pas qu’elles représentent des processus dynamiques, mais que la représentation est elle-même, en tant que représentation, dotée d’un caractère dynamique, c’est-à-dire, comme nous allons le voir, qu’elle est composée de plusieurs représentations qui s’engendrent successivement. Le fait de représenter des processus dynamiques n’est pas l’apanage des simulations. Une équation différentielle comme le principe fondamental de la dynamique de Newton (F = ma), appliquée à un système dans lequel le poids P est la seule force (ce qui donne P = ma), est en effet déjà la représentation d’un processus dynamique, puisqu’elle indique comment l’accélération d’un objet évolue en fonction des forces qui lui sont appliquées. Il s’agit d’une représentation statique, c’est-à-dire qui n’évolue pas. Pour représenter la dynamique des objets qui obéissent à l’équation de Newton, il n’est donc pas besoin d’avoir des symboles qui se succèdent suivant une règle. De la même façon, la fonction décrivant la chute d’un corps lâché sans vitesse initiale près de la surface de la Terre de l’altitude z0 (z = – 1/2 gt² + z0) représente le lien qui existe aux différents moments de sa chute entre la position d’un point et la durée de cette chute.
7Par ailleurs, la représentation d’un processus dynamique ne suppose pas qu’on représente chaque instant de ce processus. De ce point de vue, il est utile de distinguer le temps de l’objet représenté, qui est le temps dans lequel évolue l’objet qu’on représente, et le temps représenté, c’est-à-dire les différents moments de ce temps qu’on choisit de représenter. La fonction z(t) = – 1/2 gt² + z0 représente tous les moments de la chute du corps. En effet, en remplaçant la variable t par sa valeur, la fonction permet de connaître la position z du corps à tous les moments de sa chute. La fonction z(t) contient donc l’information sur la position du corps à chaque instant. Un film ne représente par contre, en général, que certains moments de l’histoire qui est racontée.
8Dans une simulation, la représentation est elle-même un processus : différents états du système simulant se succèdent et représentent l’évolution du système simulé. Une distinction doit encore être apportée sur ce point. Quand on va au cinéma, on assiste également à une représentation qui est, en un sens, dynamique. Comme précédemment, ce qui est représenté est un processus. Qui plus est, la représentation se fait dans ce cas en une série d’étapes : à différents moments du temps de la fiction (le temps de l’objet représenté, c’est-à-dire le temps pour les personnages du film) correspondent différents moments pendant la représentation ainsi que différents morceaux de pellicules. Néanmoins, il n’existe en général pas de règle permettant de déterminer de façon sûre le contenu d’une image à partir des images précédentes. Une telle représentation est certes une succession d’images qui a lieu dans le temps (le temps de la visualisation), mais elle n’a pas de dynamique propre et n’est qu’une succession d’images indépendantes qu’on visualise dans un certain ordre. Ces images peuvent certes avoir été produites en filmant une scène réelle possédant sa propre dynamique, mais elles peuvent également avoir été produites indépendamment, comme par exemple quand plusieurs dessinateurs ou graphistes contribuent à produire les différentes images d’un dessin animé ou d’une série d’images de synthèse dans un film. Un film est donc une représentation séquentielle sans dynamique interne.
9Les simulations numériques peuvent également donner lieu à des visualisations et elles sont souvent, de façon indue, confondues avec ces visualisations. Prenons l’exemple d’une simulation météorologique. Pour l’accomplir, il est nécessaire de calculer pas à pas l’évolution de l’état atmosphérique de la région étudiée. Pour cela, on dispose d’équations différentielles (principalement ici l’équation de Navier-Stokes [1]) qu’on met sous une forme telle qu’il devient possible de calculer pas à pas l’évolution du système. Puis, une fois qu’on possède la description de chaque état successif du système, sous la forme d’une liste de nombres décrivant la vitesse du fluide en chaque point de l’espace, on peut produire une visualisation animée retraçant visuellement cette évolution et qui n’est en rien différente d’un film. Le temps représenté est, dans ce cas, une succession d’instants situés à des intervalles réguliers.
La dynamique physique des simulations
10La particularité et l’originalité des simulations tiennent dans le mode de production dynamique des différentes parties successives de la représentation. À chaque état du système étudié est associée une description mathématique Ei. Dans l’exemple ci-dessus, cette description correspond à une carte de la vitesse du fluide à chaque position. Par ailleurs, à la dynamique du système étudié, qui est responsable de l’évolution de ce système, on associe une description mathématique de cette dynamique D. Cette dynamique peut notamment être décrite sous la forme d’une fonction de transition DF qui indique explicitement comment passer d’une description mathématique Ei d’un état du système à l’instant i à la description mathématique Ei + 1 de l’état suivant du système. Dans l’exemple précédent, la dynamique D indique comment la vitesse en un point de l’espace est modifiée au temps i.
11Pour faire une simulation d’un système, il faut ensuite trouver un autre système (l’ordinateur) qui est le lieu de processus physiques simples et
121 / dont les états Si soient tels qu’ils puissent être interprétés au moyen d’une fonction d’interprétation Int comme stockant sous une forme ou sur une autre la description mathématique Ei du système étudié ;
132 / dont la dynamique physique soit telle que la suite d’états physiques Si évolue de façon à ce que, quand on interprète les états Si grâce à la fonction Int, on obtienne la bonne suite d’états Ei correspondant à l’évolution du système cible étudié.
Simulations numériques et simulations analogiques
14Dans le cas d’une simulation numérique, le système simulant est un ordinateur, c’est-à-dire un objet physique qui est le lieu d’un processus physique qui est interprété comme l’effectuation d’un calcul symbolique. Prenons un exemple. Quand on additionne deux nombres, 12 et 29, on fait un calcul en manipulant des symboles selon des règles explicites permettant de passer d’une expression symbolique à une autre [2]. Un calcul fait sur un ordinateur est plus ou moins long car il nécessite plus ou moins de manipulations symboliques. Additionner deux nombres prend par exemple moins de temps que multiplier deux matrices. Comment mesurer ce temps de calcul ? Comme la technologie évolue sans cesse et est différente selon les ordinateurs, mesurer le temps qu’un ordinateur met pour faire ces opérations (le temps du processus simulant) n’est pas très significatif. De plus, ce temps dépend aussi de l’encombrement circonstanciel de notre ordinateur, qui peut être en même temps occupé à accomplir d’autres tâches. En revanche, ce qui peut être commun à des ordinateurs différents, anciens ou modernes, c’est le nombre d’opérations symboliques élémentaires utilisées pour faire ces calculs. Le nombre d’opérations faites depuis le début d’un calcul peut ainsi être appelé « temps syntaxique ».
15Dans le cas d’une simulation numérique, quand on interprète grâce à la fonction Int la suite d’états physiques de l’ordinateur, on obtient une série d’expressions symboliques. Cette série d’expressions symboliques est la suite d’expressions symboliques qui correspond au calcul qu’on est en train d’effectuer sur l’ordinateur [3]. Dans le cas d’une simulation, ce calcul correspond au passage d’une description Ei de l’état du système étudié à la description de son état suivant.
16Dans le cas d’une simulation analogique, la situation est différente. L’ordinateur analogique n’est pas interprété comme faisant un calcul, c’est-à-dire comme transformant des expressions symboliques. Le passage continu d’un état physique à un autre du système simulant, ici un ordinateur analogique, est cette fois interprété comme le passage continu d’un état à l’autre du système représenté. Dans une simulation analogique, à chaque instant du temps de l’objet représenté correspondent donc un instant du temps représenté et un instant du processus simulant. Par ailleurs, pour pouvoir utiliser un ordinateur analogique, il faut posséder une fonction qui indique la correspondance entre les variables décrivant des quantités caractérisant le système simulant et les variables décrivant des quantités caractérisant le système simulé. Cette correspondance est possible, car les deux systèmes peuvent être décrits par la même équation et sont, de ce point de vue, similaires. En particulier, les deux systèmes évoluent à la même vitesse (à une constante multiplicative près).
17Récapitulons. Nous avons distingué le temps de l’objet représenté, le temps représenté et le temps du processus physique simulant. Dans le cas des simulations numériques, nous devons aussi distinguer le temps syntaxique. Il y a enfin le temps de la visualisation, qui peut être simultanée – si on visualise au fur et à mesure le résultat de la simulation – ou différée – si on stocke le résultat dans des fichiers qu’on utilise plus tard pour produire une visualisation, c’est-à-dire une représentation séquentielle.
La ressemblance trompeuse
18Je souhaite enfin montrer que les distinctions précédentes nous permettent d’établir qu’une bonne simulation doit être au moins en partie différente de ce qu’elle représente.
Une bonne représentation doit-elle ressembler à ce qu’elle représente ?
19Dans l’analyse de ce que sont les images et les représentations, il existe une tradition qui nous indique qu’une représentation, pour être une représentation, doit ressembler d’une façon ou d’une autre à ce qu’elle représente. Platon est, dans Le Sophiste, un éminent représentant de cette tradition. Il divise en effet l’art de la mimétique entre l’eikôn, qui est une représentation fidèle et qui conserve les proportions et les couleurs de l’original (235 d-e), donc qui lui ressemble, et le phantasma, qui représente les objets non tels qu’ils sont mais tels qu’ils apparaissent à l’observateur, et qui ne leur ressemble en fait pas. Le phantasma donne la bonne impression mais n’est pas un guide fiable pour étudier ce qui est représenté.
20Une tradition rivale consiste à défendre l’idée que la ressemblance n’est nullement nécessaire à une représentation, qui, pour bien représenter, a seulement besoin de dénoter, c’est-à-dire de renvoyer par convention à ce qu’elle représente. Il est possible que dans certains cas les représentations ressemblent à ce qu’elles représentent mais, selon cette position, la ressemblance n’est nullement en général une propriété nécessaire à une bonne représentation. Un ardent défenseur de cette thèse est par exemple Nelson Goodman, dans Languages of Art (1976).
21Comme indiqué plus haut, la thèse de Goodman semble plus solide pour ce qui est de caractériser la notion de représentation en général : une description d’un train ne ressemble pas à un train, même si elle le représente. Il est néanmoins possible que dans le cas des représentations scientifiques, et en particulier pour les simulations numériques, la propriété de ressemblance avec l’objet étudié soit nécessaire ou au moins souhaitable. Par exemple, posséder un écorché qui est ressemblant peut être utile pour étudier la physiologie. Nous avons aussi vu plus haut que pour certaines simulations la propriété de ressemblance est nécessaire (cas des simulations analogiques) et clairement souhaitable (cas du simulateur de vol).
22La question de la ressemblance des représentations scientifiques, et notamment des modèles, avec leur objet est encore activement étudiée (voir van Fraassen, 1980 ; Giere, 1988 ; – Frigg et Hartmann, 2006, pour une revue) et ces débats sont totalement pertinents pour la question ici discutée, puisque les simulations scientifiques sont en général construites à partir d’un modèle scientifique qu’elles sont censées incarner (Norton, Suppe, 2001). Plutôt que d’entrer dans ces discussions difficiles, je me contenterai ici de montrer, en utilisant les distinctions que j’ai faites, que la ressemblance temporelle n’est ni souhaitable ni nécessaire.
La ressemblance comme défaut
23L’étude des systèmes complexes par des simulations requiert, la plupart du temps, bien plus de calcul que nos ordinateurs ne sont capables d’en faire et les capacités de nos ordinateurs restent extrêmement limitées, malgré le progrès technologique [4]. Pour cette raison, toutes les stratégies sont bonnes pour essayer de faire des calculs qui soient les plus économiques possibles et qui nous renseignent pourtant sur l’évolution du système étudié.
24Prenons un exemple. Une simulation de Monte-Carlo consiste à produire une série d’états qui représentent en moyenne le système étudié. Dans un tel cas, tout l’art consiste à trouver des algorithmes qui permettent de produire un échantillon représentatif de l’évolution du système et non son évolution exacte. La représentation fidèle du temps de l’objet représenté et de son évolution exacte est clairement sacrifiée au profit d’une diminution du temps syntaxique, qui correspond aux opérations faites effectivement par l’ordinateur.
25La diminution du temps syntaxique est également un but quand on cherche à représenter l’évolution exacte d’un système, état par état. Dans de tels cas, il faut que les événements qui sont prédits par la simulation, quand on regarde leur enchaînement dans une visualisation, correspondent aux événements ayant lieu dans le système étudié. Néanmoins, la visualisation n’est qu’un résultat et le processus simulant qui en est à l’origine peut être temporellement très différent du processus qui est représenté. Prenons l’exemple de la simulation d’un flot turbulent. Dans ce cas-là, il est bon d’utiliser beaucoup de temps (syntaxique) de calcul pour étudier les moments où le fluide est très agité et l’effet papillon maximum, et beaucoup moins de temps de calcul quand le fluide est moins agité et que les approximations n’ont pas de grosses répercussions.
26Concluons. Les simulations analogiques ressemblent à ce qu’elles représentent, notamment par le fait qu’elles reproduisent fidèlement tous les événements représentés à la même vitesse que ceux-ci surviennent. Ce n’est pas forcément le cas pour les simulations numériques, qui sont aujourd’hui de loin les plus nombreuses. Dans de telles simulations, une ressemblance entre le temps syntaxique, qui correspond à ce que fait l’ordinateur, et le temps de l’objet représenté serait un inconvénient : le but est de représenter les aspects de l’évolution du système étudié qui nous intéressent avec un calcul le plus économique possible et en trouvant des raccourcis de calcul.
Le sophiste, les images et les simulations
27Définir le sophiste et les images fait partie des tâches difficiles dans les dialogues de Platon. En effet, le sophiste a l’art de manier les apparences et les images avec une telle dextérité que les frontières entre les apparences et la réalité deviennent floues, et la tête du philosophe, qui cherche à définir les choses, finit par tourner et s’égarer dans tous ces reflets. Les simulations, et particulièrement les simulations analogiques, produisent elles aussi de tels mirages. Une simulation est un processus physique et produit une forte impression de ressemblance avec l’objet représenté, notamment via les visualisations qui sont tirées de ce processus physique. De plus, on peut interagir avec le processus simulant, comme on peut interagir avec l’objet représenté. De là à considérer que les simulations sont vraiment des analogues ou des répliques qui re.produisent au moins partiellement les objets, il n’y a qu’un pas. J’ai essayé de montrer, en étudiant la question de la représentation du temps dans les simulations, que c’était précisément ce pas qu’il ne fallait pas faire. La plus grande tromperie des représentations que sont les simulations, c’est de nous berner sur ce qu’elles sont.
Remerciements
28Tous mes remerciements à Anouk Barberousse pour la relecture attentive de ce texte et pour ses conseils avisés. Cet article a par ailleurs été écrit pendant que je bénéficiais d’un poste d’ATER à l’université de Caen Basse-Normandie
Bibliographie
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
- Frigg R., Hartman S. (2006), Models in Science, The Stanford Encyclopedia of Philosophy, hhhhttp:// plato. stanford. edu/ entries/ models-science/ .
- Giere R. (1988), Explaining Science : A Cognitive Approach, Chicago, University of Chicago Press.
- Goodman N. (1976), Languages of Art, Indianapolis, Hackett Publishing ; trad. franç. par J. Morizot, Langages de l’art, Nîmes, J. Chambon, 1990.
- Norton S., Suppe F. (2001), « Why atmospheric modeling is good science », in P. Edwards and C. Miller (eds), Changing the Atmosphere, Cambridge (Mass.), The MIT Press, p. 67-106.
- Platon, Le Sophiste, éd. et trad. A. Diès, Paris, Les Belles Lettres, 1969.
- van Fraassen B. (1980), The Scientific Image, Oxford, Oxford University Press.
Notes
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[1]
L’équation de Navier-Stokes dérive du principe fondamental de la dynamique F = ma, appliqué à un fluide. Elle traduit la conservation de la quantité de mouvement p = mv dans ce fluide.
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[2]
Un algorithme est la description d’une suite d’opérations permettant de résoudre par calcul un problème. Dans le cas présent, on peut procéder selon l’algorithme suivant. Si on a le symbole « 9 » et le symbole « 2 », alors on a le symbole composé « 11 ». On écrit donc « 1 » à droite de la zone de résultat et on met « 1 » en mémoire. Puis on additionne le contenu de cette mémoire au chiffre suivant situé à gauche de chacun des nombres additionnés, soit 1 + 1 + 2 = 4, on écrit le résultat à gauche de la suite de chiffres qu’on a dans la zone résultat et on obtient donc un nombre décrit par « 4 » et « 1 », soit « 41 ».
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[3]
Quand on additionne 12 et 19, on utilise quatre zones de mémoire. Deux zones correspondent à la mise en mémoire de « 12 » et de « 19 ». Une autre zone est utilisée pour stocker les retenues pendant le calcul. Enfin, une zone est utilisée pour noter le résultat et elle ne contient d’abord rien, puis le symbole « 1 », puis les deux symboles « 3 » et « 1 ». Dans un ordinateur usuel, tous ces nombres sont en fait écrits en langage binaire.
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[4]
Le nombre d’états possibles d’un réseau minuscule de 10 × 10 × 10 spins est de 21000 = 16250 états. On estime par ailleurs l’âge de l’univers à 1025 ns et le nombre d’atomes dans l’univers à 1080. En supposant que chaque atome de l’univers soit un ordinateur qui étudie un état du réseau de spins en une nanoseconde, le nombre d’états étudiés ne serait que de 10105, soit moins de 1/10145 des états possibles du système. Trouver l’état ayant l’énergie la plus basse nous est donc en général impossible.