Couverture de RPEC_202

Article de revue

Sur l’opposition entre care et théories de la justice : ce que nous apprend le commerce équitable

Pages 41 à 68

Notes

  • [1]
  • [2]
    Il n’existe pas de définition unique de ce prix « juste ». Selon le glossaire d’un des principaux sites consacrés au commerce équitable, le prix juste « doit couvrir les frais de production, les besoins élémentaires du producteur et doit permettre des bénéfices suffisants pour l’amélioration des conditions de vie de la communauté » (www.commercequitable.org/images/pdf/ce/glossaire_ce_40_mots.pdf). Du point de vue de l’histoire de la pensée économique, le commerce équitable mobilise explicitement (et souvent simultanément) trois définitions du prix juste : une définition à tonalité aristotélicienne, une acception basée sur une théorie de la valeur travail revisitée et, enfin, une référence au prix de marché (Pouchain 2016).
  • [3]
    Aristote est parfois présenté comme le véritable « père fondateur » du commerce équitable. De nombreux sites Internet traitant du commerce équitable rappellent qu’Aristote fut l’un des premiers penseurs à réfléchir sur l’équité et l’équitable. Jacquiau (2006) pour sa part présente à la fin de son ouvrage une chronologie du commerce équitable : la première date citée est 384 avant Jésus-Christ, l’année de naissance d’Aristote, pour ses futurs travaux sur l’éthique et l’équitable. On pourrait donc dire que la conception du commerce d’Aristote « […] est assez proche de ce point de vue du commerce équitable car l’échange est clairement soumis d’une part à des conditions d’estime – entre citoyens égaux -, d’autre part à des finalités limitées […]. » (Cary 2004, 113). Précisons enfin qu’Aristote raisonne dans le cadre d’une cité particulière, là où le commerce équitable s’inscrit dans une visée globale.
  • [4]
    Il faut également préciser que si Gilligan (2008) associait initialement et empiriquement cette « voix différente » à la voix des femmes (et/ou des individus dominés, de manière plus générale), les travaux sur le care tendent aujourd’hui et de plus en plus à dépasser cette thématique pour « dé-genrer » la question de la moralité.
  • [5]
    « […] ceux qui ne possèdent pas les qualifications requises pour un raisonnement ou une action pleinement éthiques n’ont pas besoin que des principes de justice leur soient appliqués », Notre traduction de : « […] those who do not possess the qualifications for fully ethical reasoning or action need not have principles of justice applied to them. » (Okin 1987, 44). Okin inclut dans cette tradition des auteurs tels que Platon, Bodin, Rousseau, Kant, Hegel et Bentham. Voir également sur le même thème Kittay 2001.
  • [6]
    Selon Wittgenstein, dans Le Cahier bleu et le cahier brun (1958), il s’agit de « La tendance à chercher quelque chose de commun à toutes les entités que nous subsumons communément sous un terme général. L’idée qu’un concept général est une propriété commune à ces cas particuliers se rattache à d’autres idées primitives et trop simples sur la structure du langage. » (Cité par Laugier 2008, 92).
  • [7]
    FINE, « Fair Trade Definition and Principles », December 2001. http://wfto.com/fair-trade/definition-fairtrade.
  • [8]
    Le passage que décrit Polanyi (1983) d’une économie avec des marchés à une société de marché serait concomitant d’un processus de désencastrement : les relations marchandes s’autonomiseraient progressivement vis-à-vis des relations politiques et sociales. Ce sont à terme les relations sociales qui deviendraient elles-mêmes encastrées dans le système économique. Même si le processus de désencastrement ne va jamais jusqu’à son terme, le projet du commerce équitable peut se comprendre comme une volonté de ré-encastrer les échanges économiques dans leur tissu social.
  • [9]
    Bien sûr, au-delà du projet, le système de relations entre producteurs et consommateurs est fortement influencé par les procédures initiées au sein des différentes filières. Pour une discussion par exemple critique sur Artisans du Monde, voir Maldidier 2010.
  • [10]
    Pouchain (2012) défend cependant l’idée selon laquelle la certification produit certes une information, mais entraîne également un risque de démission des responsabilités pour le consommateur.
  • [11]
    La compassion, orientée vers le soulagement d’autrui, met l’accent sur une dimension morale d’un processus plus général, l’empathie, mis en évidence de façon novatrice par les travaux récents en neurosciences. L’hypothèse des « neurones miroirs » (Rizzolatti et Sinigaglia 2008) implique en particulier que nous savons ce que ressent l’individu en question parce que nous le ressentons également sur le plan neuronal. L’empathie repose sur la capacité du sujet à reconnaître implicitement qu’autrui lui est semblable mais sans pour autant se confondre avec l’autre : elle se distingue en ce sens de la contagion émotionnelle ou de l’imitation. L’empathie, de surcroît, est une capacité moralement neutre, au sens où elle peut être utilisée à des fins positives (comme dans le cas de la compassion) mais aussi négatives (dans le cas de la malveillance).
  • [12]
    Même si le commerce équitable a par la suite pris ses distances avec cet ancrage, pour se tourner d’abord vers des motivations davantage politiques (tiers-mondisme), puis en se positionnant au sein du développement durable. Les sources d’inspiration du commerce équitable ont donc d’abord été les mouvements humanistes et religieux, puis tiers-mondistes, et aujourd’hui il s’agit davantage d’un ancrage dans le développement durable et les mouvements alter-mondialistes. Ses appellations en témoignent : avant de s’appeler « commerce équitable », le commerce équitable se désignait plutôt comme étant un commerce d’abord « solidaire » puis « alternatif ».
  • [13]
    Pour suggérer l’idée d’une proximité, le rôle de l’image et de la publicité est fondamental. Ainsi, commentant une publicité pour le commerce équitable, Wright (2004) confirme cette volonté de construire une proximité même si elle demeure – partiellement – factice. Elle indique en particulier comment sont utilisées des photographies prises en très gros plan. Bertho et Carimentrand (2012) montrent également très bien comment les portraits de petits producteurs sont scrupuleusement façonnés de manière à susciter la compassion. Le risque étant alors le développement d’une « tentation du marketing émotionnel et du voyeurisme de la pauvreté » (Audebrand et Pauchant 2008, 46).
  • [14]
    Ce processus de différenciation-assimilation est d’ailleurs source de tension lors des extensions du commerce équitable à des circuits Nord-Nord (Le Velly 2011).
  • [15]
    Les travaux récents en économie expérimentale et comportementale appuient, de façon générale, l’idée que l’empathie favorise l’adoption de comportements altruistes ou coopératifs (Kirman et Teschl 2009). James Andreoni et Justin Rao (2011) révèlent, par exemple, que des négociateurs dotés d’un fort pouvoir de négociation se montrent plus généreux lorsqu’ils ont la possibilité de se « mettre à la place d’autrui ».
  • [16]
    Notre traduction de « […] an expansive ethics of care that specifically seeks to connect consumers and producers, and more generally the global North and South by overcoming and, in effect, shrinking, physical, psychological, and cultural distances. »
  • [17]
    Notre traduction de : « Compassion might thus be understood as the moral foundation of social justice […] ».
  • [18]
    Somme théologique, q. 58, 5.
  • [19]
    Notre traduction de : « The important point is that there is no impossibility in imagining persons who are both very fair and very caring and who, in addition, have finely honed sensitivities for perceiving moral saliencies and seeing particular problems as problems of certain multifarious kinds. »

1Le commerce équitable est un échange marchand entre pays du Sud et pays du Nord, ayant pour objectif l’amélioration des conditions de vie des producteurs les plus pauvres, en se basant notamment sur un mécanisme de contractualisation sur plusieurs années et la mise en place d’un système de prix garantissant aux producteurs un prix supérieur au prix de marché. Il occupe encore aujourd’hui une place modeste au sein du commerce international, mais est en plein essor. Sur la période 2013-2016, les ventes de produits équitables ont progressé en France de 121 %. Le panier moyen par habitant est de plus de 14 euros en 2016. Ainsi, le marché du commerce équitable en France pèse aujourd’hui près d’1 milliard d’euros. Au niveau mondial il représente actuellement un marché de près de 6 milliards d’euros par an [1]. Son faible poids économique est cependant avantageusement contrebalancé par l’importance des questions de théorie économique et de philosophie qu’il fait émerger. En particulier, il nous incite à porter un regard neuf sur la notion de justice.

2La démarche du commerce équitable entend concrétiser l’idée selon laquelle il est possible de faire du commerce, de pratiquer des échanges, sans pour autant que les conditions de vie des producteurs du Sud ne se détériorent, et en garantissant le « respect des valeurs d’égalité et d’équité dans l’échange marchand » (Bucolo 2004, 31). Pour ce faire, il propose d’établir un système de prix particulier. Le prix se compose d’un prix minimum (parfois construit de manière ad hoc[2]), auquel s’ajoute toujours une prime de développement sous la forme d’un certain pourcentage. L’existence de cette prime fait que le prix global se situe au-dessus du prix de marché (ce dernier se substituant au prix minimum s’il lui est supérieur). Le calcul d’un « prix plancher » par les organisations du commerce équitable donne surtout aux producteurs une garantie essentielle en termes de stabilité du prix qui ne subit plus les fluctuations du marché. La stabilité du prix est un élément déterminant pour permettre aux producteurs de se projeter dans l’avenir. Si le prix est supérieur au prix pratiqué dans le commerce dit conventionnel, c’est d’abord afin de rémunérer davantage le producteur.

3L’existence d’un consommateur désireux de justice est consubstantielle au projet du commerce équitable. Il doit en effet accepter de payer un prix plus élevé pour les produits qu’il achète afin de soutenir les producteurs du Sud. Et si les consommateurs qui achètent des produits issus du commerce équitable ont des motivations multiples, le souci de payer un prix qui permet d’améliorer les conditions de vie des producteurs constitue une motivation particulièrement présente (De Pelsmacker et al. 2003 ; Loureiro et Lotade 2004 ; François-Lecompte 2009). Le commerce équitable est donc porteur d’une espérance primordiale, une espérance de justice dans l’échange. Il nous invite par conséquent à un nouvel examen des relations entre économie et justice.

4Dans cet article nous voulons souligner, d’une part, que le commerce équitable entretient une proximité certaine avec l’éthique du care. Cette proximité soulève une réflexion sur l’opposition usuelle entre éthique du care et justice puisque le commerce équitable se revendique aussi d’une forme concrète de justice. L’éthique du care s’oppose souvent radicalement aux théories de la justice considérées comme trop impersonnelles. Dans une première acception très large, et malgré la polysémie du terme et les différentes évolutions de sa signification, on peut définir le care comme une attention personnelle qui a pour objectif d’améliorer le bien-être de celui qui en est l’objet (Zelizer 2008). L’éthique du care met en avant la responsabilité et l’interdépendance entre des êtres humains tous vulnérables, plutôt que l’obéissance à des règles générales et impersonnelles. Le commerce équitable, en se référant à une justice particulière et en entretenant une proximité avec le care nous enjoint de reconsidérer cette opposition.

5D’autre part, en nous basant sur la distinction entre justice générale et justice particulière proposée par Aristote, nous pouvons réévaluer l’antagonisme apparent entre care et justice. Nous affirmons ainsi que le commerce équitable, en tant que concrétisation économique des éthiques du care et en tant qu’échange économique inscrit dans la justice particulière, permet de repenser les liens entre éthiques du care et éthiques de la justice. Plus précisément, le commerce équitable réhabilite une conception de la justice permettant de concevoir leur convergence. En effet, si de nombreux auteurs (par exemple Paperman et Laugier, 2005 ; Friedman 2005 ; Okin 2005, 2008) entendent aujourd’hui dépasser l’alternative care versus justice, ce projet n’inclut jamais un réexamen des théories de la justice inscrit dans une philosophie économique aristotélicienne. C’est précisément cette tentative que nous allons exposer. Cette dernière est d’autant plus pertinente ici qu’Aristote est largement convoqué pour justifier le projet du commerce équitable [3].

6Par ailleurs, en tant que transcription économique des éthiques du care, le commerce équitable en donne à voir une version qui dépasse de nombreuses critiques à son égard, en particulier son caractère restreint, i.e. le fait que le care concerne les proches et ne saurait s’étendre au-delà. Le commerce équitable est bien au contraire une expression de la relation qui se noue entre des consommateurs au Nord et des producteurs lointains au Sud.

7Nous exposerons d’abord les termes de l’opposition apparente entre les théories du care et les théories traditionnelles de la justice. Nous présenterons ensuite la proximité entre l’éthique du care et le commerce équitable, tout en soulignant que le commerce équitable entend promouvoir une approche de la justice. Dans un troisième temps, nous montrerons qu’une conception renouvelée des théories de la justice redécouvrant la notion de justice particulière permet de dépasser la confrontation inopérante entre justice et care. Nos réflexions sur le commerce équitable nous semblent donc illustrer la pertinence et l’urgence de l’idée selon laquelle il faudrait dépasser l’alternative finalement stérile entre care et justice.

1 – Care versus théories de la justice : une opposition apparente

8Les théories du care prises dans leur globalité se sont souvent montrées très critiques à l’égard des théories de la justice, et notamment vis-à-vis des théories rawlsiennes. Elles pointent leurs insuffisances et se considèrent comme une alternative plus pertinente et plus englobante. Les philosophies du care insistent notamment sur les limites de l’impartialité, de l’indifférence et de la décontextualisation pour penser réellement la justice. Le care ouvre alors un débat crucial, opposant éthique de la justice et éthique du care, « entre une moralité centrée sur l’équité, l’impartialité, et l’autonomie, et une moralité formulée “d’une voix différente” » (Laugier et Paperman 2008, IV). Ce débat confronterait selon Gilligan (2008) une morale des droits, des règles et des principes à une morale des responsabilités que fait émerger cette « voix différente » si longtemps marginalisée [4].

1.1 – Le care comme critique et dépassement des théories de la justice

9Comprendre réellement l’essence de l’éthique du care impose de la confronter directement aux théories de la justice. C’est principalement dans son opposition aux théories traditionnelles de la justice que la théorie du care révèle son essence, son ampleur et son originalité :

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L’éthique du care telle que Gilligan la définit se démarque donc de l’éthique de la justice en ce qu’elle s’articule autour des concepts de responsabilité et de relation sociale et non autour de ceux de droit et de règle ; elle est contextualiste et ne relève pas d’une approche formelle et abstraite des normes morales ; elle ne relève pas de principes, mais recouvre des pratiques de soin.
(Le Goff 2008, 204-5)

11Garrau (2014) se montre également très critique à l’égard des théories dominantes, accusées d’être à la fois partielles et partiales. Elle souligne la pauvreté de la plupart des théories morales, et stigmatise même les aveuglements de la théorie idéale telle que celle de John Rawls. Comme l’explique Garrau, ces théories morales idéales et décontextualisées ont toutes les chances d’aller in fine à l’encontre de la morale :

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L’importance du contexte permet d’abord d’éclairer les limites des éthiques de la règle. Elle signifie en effet qu’en matière de morale, la bonne réponse est toujours particulière et ne peut être définie a priori. Concevoir l’action morale comme l’application d’une règle générale et abstraite préalablement donnée risque au contraire d’empêcher l’agent de percevoir la particularité et la complexité du contexte dans lequel il agit et de se montrer sensible à la position que chacun y occupe. Du fait de sa généralité et de son abstraction, la règle risque de fonctionner comme un vecteur d’aveuglement et de simplification.
(Garrau 2014, 47-8)

13Suivant Paperman (2004), le débat entre éthique de la justice et éthique du care peut alors se résumer ainsi :

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À la différence de la pensée de la justice faisant appel à des principes moraux universels, rationnels appliqués de manière impartiale, la pensée du care met l’accent sur la réactivité (responsivness) à des situations particulières dont les traits moraux saillants sont perçus avec acuité par une posture plus émotionnelle d’empathie, et de bienveillance. Le raisonnement du care ne valide pas ses réponses en référence à des principes généraux, mais prend la forme d’une narration où les détails concrets, spécifiques prennent sens et deviennent intelligibles dans les contextes de vie des personnes.
(Paperman 2004, 421)

15Les théories du care seraient dès lors à même de suppléer aux manques caractérisant les théories de la justice dominantes. L’individu mis en exergue au sein de la plupart des théories de la justice est un individu non-attaché, non-lié : « L’individu indépendant et contractant est un individu performant, perpétuellement mobilisable et mobilisé, silencieux sur sa sphère privée, oublieux de l’intime et des accidents. » (Brugère 2008, 53). Les théories du care procèdent alors d’abord d’une réincarnation de l’individu.

1.2 – Le care et les limites des théories du contrat social : vers une autre conception de l’individu

16Les théories du care, à la différence des principales théories de la justice, ne reposent pas sur un contrat entre des agents tous autonomes et indépendants les uns des autres, et intègrent la question de notre commune vulnérabilité. Chez de nombreux philosophes tels que Rawls, ceux qui ne disposent pas des capacités nécessaires pour mener un raisonnement éthique ne sont pas concernés par l’application des principes de justice (Okin 1987) [5]. Dit autrement, nous n’aurions pas de devoir de justice à l’égard de ceux qui n’ont pas un sens de la justice, et qui n’élaborent pas les principes de justice avec nous derrière le voile d’ignorance. Notre devoir de justice s’exerce donc uniquement à l’égard de ceux qui se révèlent « libres, égaux et indépendants » pour reprendre la formule de Locke, toutes les personnes étant considérées comme libres et égales, et comme ayant les capacités nécessaires à la coopération. Par hypothèse, chacun a les capacités requises pour être un membre coopérant de la société, et ce durant toute sa vie. Il y a une parfaite symétrie entre les contractants. Pour les « autres », et notamment les étrangers, les handicapés et les animaux non-humains, on ne pourrait évoquer un devoir de justice, mais tout au plus une vague charité ou bienveillance, à notre discrétion.

17Nos relations vis-à-vis des personnes étrangères, des personnes handicapées et des animaux constituent donc bien des points aveugles de la théorie de Rawls (Nussbaum 2007, 2012 ; Sen 2010). La justice concerne pourtant aussi ces êtres vivants (humains ou non), même s’ils ne participent pas en tant que tels à la procédure qui établit les principes de justice. Ces questions ne sont pas résolues par Rawls, parce qu’elles ne sont pas solubles dans les théories du contrat social. La logique du contrat social suggère en effet qu’on ne peut y inclure ceux dont la contribution au bien-être global serait beaucoup plus faible que celle des autres, ce qui serait le cas par exemple de personnes moins productives (et/ou handicapées) (Kittay 2001). Prenant le contre-pied des théories de la justice, les éthiques du care s’engagent dans un « tournant particulariste de la pensée morale » (Paperman et Laugier 2005, 10), tournant basé notamment sur les réflexions du second Wittgenstein et sur sa critique de la « pulsion de généralité » [6]. La morale acquiert ce faisant une nature contextuelle, le care supposant une certaine « plasticité dans le rapport au monde » (Brugère 2008, 75).

18Comment dès lors le commerce équitable peut-il rendre compatible son souci pour la justice, et sa proximité avec le care ? Le commerce équitable pâtit-il de sa volonté de réconcilier ce qui paraît irréconciliable ? Loin de témoigner d’une incohérence, le commerce équitable est au contraire une parfaite illustration des relations fructueuses entre justice et care.

2 – Le commerce équitable entre justice et care

19Le commerce équitable constitue une bonne illustration d’un entre-deux qui allie un discours sur la justice et une pratique proche de ce que revendique la théorie du care. Le commerce équitable, notamment par sa mise en exergue de la compassion et sa critique de l’indifférence, incarne l’inscription, dans la sphère économique, des théories du care. Mais on ne peut le réduire à une incarnation des théories du care tant ce mouvement est avant tout ancré dans une approche de la justice.

2.1 – Un commerce pour plus de justice

20Le commerce équitable a été défini comme « un commerce partenarial, basé sur le dialogue, la transparence, et le respect, qui recherche une plus grande équité dans le commerce international. Il contribue à un développement soutenable en offrant de meilleures conditions d’échange, et en sécurisant les droits des producteurs et des travailleurs désavantagés, particulièrement au Sud » [7]. Comme l’a fort bien souligné Walton (2010), le projet du commerce équitable est de produire plus de justice au niveau global dans un monde non idéal. Il ne faut pas confondre ici le projet du commerce équitable avec l’idée théorique d’un commerce équitable qui reste à définir, ni même avec les pratiques réelles et concrètes des organisations du commerce équitable, qui sont si diverses qu’il est d’ailleurs délicat de porter un jugement sur les effets du projet lui-même (Ballet et Carimentrand 2010). Le projet du commerce équitable se lit à travers les idées véhiculées dans les mouvements qui le portent et se retranscrit dans les grands principes qui sont affichés par ces mouvements. Il se différencie bien d’une conception théorique de ce que pourrait être un commerce équitable. Il se différencie également des pratiques concrètes qui sont mises en œuvre pour donner chair à ce projet. C’est bien au projet auquel nous nous référons ici, en tant que mouvement de transformation (Bisaillon et al. 2006), et non à une conception idéale de ce que serait l’équité dans le commerce, ni même aux effets réels et concrets de ce projet sur le terrain.

21Ballet et Pouchain (2015) soulignent que le projet de commerce équitable est une voie qui concilie changement dans les structures qui produisent de l’injustice et effets concrets pour les populations au niveau individuel. Ils analysent ce projet à partir de la tentative de ré-encastrement [8] des échanges qu’il vise, à trois niveaux : au premier niveau, il s’agit d’un ré-encastrement structurel qui s’appuie sur la construction de nouveaux modes de relations entre consommateurs et producteurs basée sur un prix juste (voir Pouchain 2016, pour une réflexion sur ce sujet) et des relations de long terme stables [9]. Au second niveau, le ré-encastrement est aussi institutionnel avec la mise en œuvre de procédures de certification des produits ou des organisations. Ces procédures permettent une labellisation qui constitue une information sur la qualité éthique des produits pour les consommateurs (Carimentrand 2008) [10]. Certes ces procédures peuvent faire l’objet de tensions entre producteurs et organisations importatrices du commerce équitable (Raynolds et Murray 2007), mais cela ne remet pas en cause l’idée du ré-encastrement. Le débat porte plutôt sur la manière de procéder à ce ré-encastrement institutionnel. Enfin, au troisième niveau, le projet du commerce équitable vise à un ré-encastrement moral. Ce ré-encastrement moral est ce qui permet de revoir nos jugements moraux et d’agir en vue de plus d’équité dans les échanges. Il s’appuie principalement sur l’idée de restaurer une relation éthique dans les échanges, qui assume que les échangistes sont uniques, non identiques, et non interchangeables. C’est ce triple ré-encastrement qui permet de réduire les injustices dans les échanges, sans qu’il ne soit pour autant nécessaire de définir un critère a priori de justice (Ballet et Pouchain 2015). En ce sens, le commerce équitable se situe dans la lignée d’une approche comparative de la justice, au sens donné par Sen (2010) à cette appellation. Ce dernier écrit :

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Avant toute chose, une théorie de la justice pouvant servir de base à nos raisonnements pratiques doit inclure des moyens de déterminer comment réduire les injustices et faire progresser la justice ; elle ne doit pas viser exclusivement à définir des sociétés parfaitement justes-visée caractéristique de tant de théories de la justice dans la philosophie politique contemporaine.
(Sen 2010, 13)

23Le commerce équitable entend œuvrer pour plus de justice – i.e. en réduisant les injustices – sans chercher à définir ce qu’est une société ou un monde parfaitement juste.

2.2 – Un commerce en lien avec la compassion

24Si le projet du commerce équitable procède d’une tentative d’un triple ré-encastrement, c’est avant tout dans le ré-encastrement moral que se situe le lien avec le care. Le commerce équitable s’inscrit en effet dans la vaste nébuleuse de l’économie sociale et solidaire et témoigne à sa façon de la volonté de l’économie sociale et solidaire de

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[…] ramener l’économie dans une sphère sociale qu’elle n’aurait jamais dû vouloir quitter et dont elle ne s’est d’ailleurs jamais vraiment séparée […]. « Le ré-encastrement » doit d’abord être un ré-encastrement moral, contre l’idée fallacieuse d’une émancipation ou d’une autonomie de l’économie […].
(Berthoud 2005, 255, nous soulignons)

26Ce ré-encastrement moral est selon nous plus précisément un encastrement dans la compassion. La compassion correspond à cette aptitude singulière à se mettre dans la peau de celui qui souffre, et dont le sort pourrait être le nôtre ou celui de nos proches, et qui interroge notre participation directe à une « communauté de nature », à une connivence entre les vivants [11]. Le mot « compassion », ce sentiment qui incline chacun à partager les maux et les souffrances d’autrui, trouve notamment son origine dans les écrits des théologiens [Augustin d’Hippone (354-430) et Thomas d’Aquin (1225-1274)] : synonyme de miséricorde, de pitié, d’apitoiement ou de commisération, la compassion incarne une valeur à laquelle doit se conformer le chrétien - par imitation de la souffrance du Christ.

27La place centrale de la compassion au sein du commerce équitable est également le reflet de ses racines chrétiennes [12]. Les premiers mouvements à soutenir ce qui deviendra par la suite le commerce équitable sont en effet religieux. Les Églises tant protestantes que catholiques considèrent le commerce équitable comme un moyen « […] d’humaniser l’économie, de replacer l’homme au centre des préoccupations, de moraliser et de réintroduire une certaine éthique dans les affaires. » (Lecomte 2006, 54). Les racines religieuses du commerce équitable sont ostensiblement mises en avant également par Nico Roozen et Francisco Van der Hoff (2002), tous deux fondateurs du label de commerce équitable Max Havelaar, ainsi que par Van der Hoff (2005). Ils ont d’ailleurs tous deux étudié la théologie, et Van der Hoff fut ordonné prêtre. Tous deux insistent très largement sur l’importance de leur engagement dans la foi, et sur leur volonté commune de concilier les grands principes religieux avec leur vie quotidienne et donc économique. Pensons également au rôle tenu par l’abbé Pierre en France, initiateur du mouvement de commerce équitable dans ce pays. Les organisations caritatives religieuses mettaient déjà en avant la critique des intermédiaires, et la promotion d’un commerce le plus direct possible. Elles vont marquer de leur empreinte le fonctionnement du commerce équitable. Il existe donc des affinités relativement anciennes entre le commerce équitable, du moins à ses débuts, et les mouvements religieux. Cette empreinte ne s’est d’ailleurs pas effacée et de nombreux militants continuent de s’y référer (Diaz Pedregal 2007 ; Gateau 2007). Les questions concernant la légitimité de l’échange, du profit, le prix, sont de fait communes à la théologie et au commerce équitable.

28Le commerce équitable mise sur la compassion et la bonne conscience des acheteurs : on fait désormais appel aux « sentiments humanitaires » (Bisaillon 2008, 21) des consommateurs davantage qu’à leurs convictions politiques, souvent vacillantes. La cible du commerce équitable n’est donc plus une population de militants sensibles aux messages politiques, mais de plus en plus des consommateurs particuliers et/ou différents en ce qu’ils seraient à la fois sensibilisés et sensibles à la détresse des petits producteurs. Pour que les consommateurs compatissent, le commerce équitable met en exergue la vulnérabilité des petits producteurs et la dureté de leurs conditions de vie, notamment au travers de photographies sur les emballages [13]. L’impact que peut avoir l’acte d’achat est d’ailleurs essentiel pour les consommateurs, d’où l’importance des études d’impact qui se sont développées sur ce sujet (voir par exemple pour des études récentes : Klier et Possinger 2012 ; Ruben et Fort 2012 ; Cramer et al. 2013 ; Nelson et al. 2013). Le consommateur qui achète des produits issus du commerce équitable compatit donc face à la souffrance du petit producteur qui ne peut vivre des fruits de son travail et subsiste dans des conditions misérables.

29La compassion résulte ici d’un très subtil mélange entre différence (ces petits producteurs souffrent beaucoup plus que nous) et proximité (ils sont au fond comme nous et leur souffrance nous est insupportable) [14]. Canto-Sperber (2010) insiste sur l’idée selon laquelle la compassion a pour condition que l’on puisse imaginer une ressemblance entre celui qui compatit et celui qui sera l’objet de la compassion. L’agent économique qui achète des produits issus du commerce équitable compatit face à la souffrance du petit producteur qui ne peut vivre des fruits de son travail et subsiste dans des conditions souvent misérables malgré un travail acharné [15]. Avant d’être un acte juste, acheter des produits équitables est présenté comme étant un acte bon, en ce qu’il diminue les souffrances d’autres agents économiques. Le consommateur prend pitié de la situation du petit producteur, donc il compatit, la compassion le rend bon, et par extension juste. L’agent économique juste est avant tout présenté comme étant un homme concerné par la souffrance et le malheur d’autrui.

30Comme le souligne Bazin, la sphère de la consommation engagée à laquelle appartient le commerce équitable « […] repose sur une éthique relationnelle faisant appel à une certaine forme de compassion » (2006, 22). En cela, le commerce équitable donne à voir une certaine morale de la compassion qui semble rapprocher dans une logique commune, en tout cas dans une même préoccupation, le commerce équitable et le care. La place de la compassion est essentielle au sein du commerce équitable, ce qui justifie une connexion certaine avec les éthiques du care, et ce, même si le care ne se réduit pas ou plus à ce sentiment de compassion. Le commerce sera juste si le consommateur se montre compatissant : dans le commerce équitable, la justice passe en quelque sorte par la compassion. La compassion permet de susciter un comportement juste, elle est ici le medium de la justice.

31Certains philosophes ont cependant souligné les limites de la compassion en l’adossant à un sentiment de nature égoïste : « Le souci pour l’autre est partie prenante du souci de soi. C’est pour ne pas souffrir moi-même que je ne veux pas que l’autre souffre, et je m’intéresse à lui pour l’amour de moi. » (Revault d’Allonnes 2008, 22). Faire preuve de pitié viserait alors avant tout à réduire sa propre peine. Il serait cependant erroné, selon nous, de penser que les actions motivées par la compassion ne sont qu’égoïstes et de ce fait dépourvues de toute vertu morale : la compassion peut également me pousser à agir en faveur des intérêts d’autrui (Tappolet 2004). Certes, la compassion n’est pas un sentiment forcément fiable en lui-même (Nussbaum 2011, 2012), elle gagne à être guidée, rectifiée, et passée au crible de critères de rectitude. Nous considérons, avec Pelluchon (2011), que la compassion constitue un premier moment vers un souci de justice plus affirmé, une réaction instinctive et spontanée menant ensuite à une prise de conscience plus réfléchie et mieux fondée. Pelluchon (2011) relie explicitement justice et compassion, et fait de la compassion le fondement du respect d’autrui. Selon elle, la compassion est ainsi un sentiment insuffisant mais nécessaire : la compassion est une étape, qui nécessite d’être ensuite enrichie et consolidée. La compassion est ici vue comme un premier moment pouvant déboucher sur la recherche de justice.

2.3 – Le commerce équitable comme transcription économique des théories du care

32Le projet du commerce équitable peut s’analyser comme une volonté d’inscrire les transactions économiques dans la logique du care telle que nous l’avons très rapidement présentée dans la première section. En effet, la thématique de la nécessaire prise en compte des besoins d’autrui les rassemble, tout comme l’accent mis sur les sentiments. Parmi les chercheurs ayant travaillé sur le commerce équitable, Goodman (2004) comme Carimentrand (2008) mettent en évidence explicitement les proximités entre commerce équitable et care, qui se rejoignent sur la thématique de la compassion. Selon Goodman, le commerce équitable est basé sur une éthique spécifique :

33

[…] Une éthique du care expansive qui cherche spécifiquement à mettre en contact les consommateurs et les producteurs, et plus généralement les pays du Nord et du Sud, en surmontant et en réduisant les distances physiques, psychologiques et culturelles.
(Goodman 2004, 906, nous soulignons) [16]

34Le care conçoit d’abord l’agent moral comme un « agent attentionné » (Garrau 2014, 44). Les agents tels que les théories du care l’envisagent

35

[…] ne sont pas des individus abstraits, définis par leur rationalité et leur capacité à s’abstraire de la situation dans laquelle ils se trouvent. Les sujets du care sont des agents situés dans un contexte particulier et affectés par les relations également particulières dans lesquelles ils sont inscrits.
(Garrau 2014, 45)

36Cette conception de l’agent est exactement celle que les militants du commerce équitable défendent (Blanchet 2010). Le commerce équitable revendique les relations les plus personnalisées possibles : « Le commerce équitable rétablit l’équilibre des connaissances réciproques par le biais de relations directes et le plus personnalisées possibles entre les consommateurs du Nord et les producteurs du Sud. » (Bucolo 1999, 12, souligné par nous). Cette idée est explicitement présente dans les discours des acteurs du commerce équitable qui s’opposent avant tout à l’anonymat du marché : « Notre mot d’ordre devint : “On n’achète pas seulement un produit, on achète à quelqu’un” » (Roozen et Van der Hoff 2002, 104, souligné par nous). Il s’agit donc d’être attentif à ce « quelqu’un », de se soucier de sa situation concrète et de ses besoins particuliers. Le care se caractérise lui aussi par la prise en compte des particularités de chaque personne ou situation, l’engagement à l’égard d’autrui toujours considéré comme personne particulière et donc non-interchangeable (Gateau 2007). Cette insistance sur la non-interchangeabilité des personnes fait bien également se rapprocher care et commerce équitable. Dans la perspective du care, c’est la volonté de prendre en compte les besoins des autres qui s’avère décisive. Le care se décomposerait en quatre phases : se soucier de, prendre en charge, prendre soin, recevoir le soin (Tronto 2009a). Le care impose de réfléchir très concrètement aux besoins des personnes, et à la façon d’y répondre au mieux. Selon Tronto,

37

Si les habitants du centre développé du monde ne perçoivent pas que les activités stimulées par le système capitaliste ont pour résultat la famine pour des milliers d’être humains […], sont-ils inattentifs ? Est-ce un manquement moral ? Du point de vue d’une éthique du care, pour laquelle prêter attention aux besoins est le premier devoir des humains, la réponse est oui.
(Tronto 2009a, 175)

38Les militants du commerce équitable pourraient facilement tenir exactement le même discours. Le care comme le commerce équitable lutte de la même façon pour que cessent les mécanismes par lesquels l’ignorance sert d’excuse aux individus les plus privilégiés pour ne pas remarquer les besoins des autres et notre responsabilité dans la non-satisfaction de leurs besoins : l’indifférence est leur ennemi commun.

39Il semblerait donc qu’au sein du commerce équitable, la compassion devrait être comprise comme le levier moral de la justice sociale, une justice qui découlerait de la prise de conscience de l’interdépendance, de la sensibilité aux besoins et aux intérêts des autres : « La compassion pourrait donc être comprise comme le fondement moral de la justice sociale […] » [17] (Williams 2008, 8). La justice supposerait d’abord un sentiment ou une émotion. Les militants du commerce équitable semblent bien considérer que la justice trouve sa source dans le sentiment de la compassion (Diaz Pedregal 2007 ; Gateau 2007 ; Blanchet 2010). L’échange favorisera la justice si je fais preuve de compassion à l’égard du petit producteur : il s’agit pour réduire les injustices, d’être d’abord compatissant. L’articulation entre compassion et justice est explicite, son existence est pensée sur le mode de l’évidence, même si les modalités de ce rapprochement demeurent floues.

40Pour résumer, commerce équitable et care se rejoignent sur de nombreux points : le souci d’autrui, la compassion, la responsabilité (notamment des plus privilégiés à l’égard des plus démunis), l’attention aux besoins d’autrui, la bienveillance, la mise en garde contre les dangers du localisme, ainsi que la reconnaissance des inégalités afin de les réduire. On y retrouve la même exigence du « souci des autres » (Paperman et Laugier 2005). Le projet du commerce équitable peut donc être perçu comme la volonté de renouer avec cette attention à l’autre. Le commerce conventionnel pour sa part est régulièrement présenté comme étant synonyme d’ignorance, d’indifférence, et de mise en suspens de l’attention à autrui. Le commerce équitable entend mettre fin à l’interchangeabilité supposée des agents, au profit de la reconnaissance de la personne. Finalement, commerce équitable comme théories du care voient d’abord dans l’agent un agent concerné, concerné notamment par le sort des plus défavorisés et des plus faibles et qu’il peut d’une manière ou d’une autre soulager.

2.4 – Le dépassement des limites du care

41Rapprocher ainsi care et justice suppose néanmoins que l’éthique du care ne bute plus sur la question de savoir « Jusqu’où doit-on étendre les limites du care ? » (Tronto 2005, 39), ce qui constituait une objection sérieuse et récurrente à son égard. En effet, l’éthique du care s’est vue reprocher sa tendance à focaliser son attention exclusivement sur ses proches tels que la famille ou les amis. Comme le faisait remarquer Paperman (2008) pour ensuite critiquer cette conception,

42

Les exigences du care ne seraient pas applicables à ceux que nous ne connaissons que de loin, car elles font appel à une sensibilité et une connaissance approfondie du proche, qui lui est ajustée. Cette connaissance et cette sensibilité ne peuvent être ni reproduites ni transportées dans le domaine des relations impersonnelles ou à distance sans déformation ou perte de leur tranchant éthique.
(Paperman 2008, 267)

43Si ce reproche est communément adressé également à la compassion, de nombreuses réflexions au sein du care visent à dépasser cette limite en montrant que le care peut également participer à l’apprentissage de l’élargissement du champ de ce qui me concerne (Plot 2005 ; Paperman 2008 ; Brugère 2008 ; Tronto 2009b). La sphère de l’attention doit pouvoir être étendue à l’ensemble de l’humanité souffrante.

44Ici, le care rencontre le problème de la distance, problème que dépasse précisément le commerce équitable. Le commerce équitable peut donc être vu comme une preuve de la possibilité de l’extension des principes du care. La caractéristique nouvelle de la consommation équitable réside dans le fait que, pour la première fois, l’équité et l’aversion à l’inégalité ne sont pas liées à des amis, voisins ou collègues de travail, mais à des producteurs éloignés et inconnus, ce qui entraîne dès lors un élargissement significatif du groupe de référence que les individus prennent en compte dans leur choix, intégrant les individus que l’on ne connaît pas et qui sont loin du « cœur ». Ici, les exigences de justice sont guidées par notre humanité, par notre appartenance commune à la grande catégorie des êtres humains (Sen 2002). Si le care doit faire face au défi – et à la nécessité – que constitue son universalisation, le projet du commerce équitable constitue une illustration frappante d’une telle tentative. Les méthodes de visualisation des producteurs du Sud sur les emballages en constituent un moyen parmi d’autres (Bertho et Carimentrand 2012).

3 – Une opposition à réevaluer

45Nous venons de voir que le commerce équitable construit un discours de justice dans lequel la compassion joue un rôle fondamental. En cela, il rejoint le care. Eu égard à l’opposition traditionnelle entre justice et care, doit-on y voir seulement une faiblesse dans le discours du commerce équitable, qui ne serait pas assez conceptualisé, ou qui volontairement jouerait sur plusieurs registres ? Nous ne le pensons pas. Au contraire, nous voulons souligner maintenant que justice et care ne sont pas antonymiques. En fait, les philosophes du care se livrent sans le dire à une critique des théories de la justice comprise uniquement comme justice générale. Cette critique manque pourtant sa cible lorsque l’on redécouvre d’autres conceptions de la justice. Et c’est donc bien à une autre conception de la justice que nous invite le commerce équitable. Revenir à la distinction que fait Aristote entre justice générale et justice particulière nous permet donc de déconstruire cette opposition.

3.1 – Le care : une critique pertinente pour la justice conçue comme justice générale au sens d’Aristote

46Aristote insiste sur le fait que le terme justice a plusieurs sens qui ne sont pas toujours faciles à différencier car c’est le même terme qui s’applique à différentes acceptions de la justice. On peut dire qu’Aristote a été l’un des premiers philosophes à relever le caractère ambigu et complexe de la notion de justice et à attirer l’attention sur son absence d’univocité, en constatant que les idées de justice et d’injustice sont extrêmement équivoques (Clément et al. 2008). Pour atténuer cette ambivalence, Aristote discerne deux types de justice. Dans l’Éthique à Nicomaque, il distingue entre une justice qui est une vertu éthique totale, entière, et une justice qui est une vertu éthique particulière. Il s’agit de la différence entre justice générale et justice particulière.

47Si justice et care ont d’abord été pensés comme opposés, voire intrinsèquement irréconciliables, c’est sans doute parce que la justice y était comprise uniquement sous l’angle de la justice générale. Rappelons que, pour Aristote, au sens de la justice générale, l’homme injuste est celui qui viole la loi. L’injuste est le caractère de ce qui est contraire à la loi. En ce premier sens, les actions prescrites par la loi sont justes, c’est-à-dire qu’elles sont justes légalement parlant. Cette justice est pour Aristote la vertu toute entière, c’est une justice dite générale. La justice générale est avant toute chose une justice politique, qui s’évalue à l’aune du respect des lois supposées justes. Dans le cadre de la justice générale, être juste signifie « seulement » obéir aux lois. Il s’agit d’adopter un comportement conforme à la loi. Comme le dit Thomas d’Aquin (2000), « […] parce que c’est le rôle de la loi de nous ordonner au bien commun, nous l’avons vu, cette justice dite générale est appelée justice légale : car, par elle, l’homme s’accorde avec la loi qui ordonne les actes de toutes les vertus au bien commun. » [18]. Être juste ne nécessite donc pas de réflexion, de délibération, d’engagement personnel, dans la recherche de ce qui est juste ou injuste. La justice générale tend à oublier que le légal n’est pas systématiquement assimilable au bien, et que l’illégal n’est pas obligatoirement synonyme de mal.

48La justice est ici systématiquement et surtout uniquement associée à l’idée de devoirs, de règles, de procédures, de neutralité, d’obligations, et elle est souvent rabattue sur la catégorie de la légalité (Paperman et Laugier 2005). Les théories du care critiquent cette tendance apparente de la théorie morale à s’inspirer de deux modèles, celui de la législation et celui de la science (Laugier 2010). La morale serait trop souvent conçue sur le modèle de la législation, et c’est cette conception de la justice, à la fois dominante mais aussi et surtout partielle, qui serait responsable de notre « vie morale mesquine et rabougrie » (Stocker, cité par Paperman et Laugier 2005, 17).

49Cette confrontation apparente entre justice et care ne se comprend donc qu’en considérant que la justice ne peut être qu’une justice générale. Et si l’éthique de la justice est souvent considérée inadaptée (Garrau 2014), car trop simpliste pour correspondre à des situations morales complexes, nous voyons bien que ce type de critique ne renvoie qu’à la justice générale au sens d’Aristote. La critique exprimée par le care gagnerait alors en clarté et en subtilité si était exhumée la distinction entre justice générale et justice particulière.

3.2 – Justice et care réconciliés grâce à la justice particulière ?

50La notion aristotélicienne de justice particulière relativise fortement cette opposition apparente entre care et justice. La justice particulière est une vertu éthique indépendante des lois et des règles en vigueur. En effet,

51

[…] là où il n’existe pas de règle, il y a encore de la justice, à savoir la justice spécifique, et là où il existe une règle de l’échange et du partage, son application aveugle ne signifie pas pour autant que le juste soit réalisé.
(Koslowski 1998, 141, nous soulignons)

52La justice particulière nécessite un sens du juste, une délibération de l’agent sur le juste, et surtout un goût pour la justice, une volonté affirmée d’être juste. C’est par la discussion, la délibération, que les hommes se mettent d’accord sur leurs conceptions du juste au sens de la justice particulière. Selon Clément et al. (2008), c’est ici la justice au sens strict du terme, et cette justice constituerait aux yeux d’Aristote son aspect le plus important. Le respect scrupuleux de la loi ne garantit pas de facto la réalisation de la justice. La justice particulière est donc nécessaire quand la loi se révèle injuste, ou pour éviter qu’elle ne le devienne. Appliqué à une réflexion sur l’échange et le prix, cela signifie alors qu’« Il n’y a aucune loi, aucune procédure, aucun calcul à qui déléguer nos hésitations morales. » (Hache 2011, 118). L’acteur économique doit ici pouvoir assumer et dépasser par lui-même ses hésitations morales. Avec cette deuxième conception de la justice, l’agent devient tel que le commerce équitable l’envisage à sa façon : un « […] auteur responsable devant lui-même du bien qu’il veut et du mal qu’il peut commettre. » (Berthoud 2005, 224).

53C’est à notre sens cette justice particulière qu’il faut réactualiser et que réactualise le commerce équitable. On peut donc penser que la notion de justice particulière fournit des éléments de réflexion pertinents pour aider à dépasser l’opposition infructueuse entre justice et care, et que nous invite à dépasser le commerce équitable. La notion de justice particulière est sans doute un candidat intéressant pour mieux penser la complémentarité entre justice et care, telle que cherchent à la théoriser de nombreux philosophes tels que Paperman et Laugier (2005), Friedman (2005), Okin (2005, 2008), ou encore Brugère (2008). Flanagan et Jackson (1987) par exemple rendent compte du fameux « dilemme de Heinz », fondateur du débat sur le care, dans lequel Heinz s’interroge : doit-il ou non voler le pharmacien qui possède le médicament capable de soigner sa femme mourante et qui refuse de le lui vendre à un prix « correct » ? Selon eux, on peut très bien considérer en même temps qu’Heinz devrait voler le médicament parce que c’est sa femme (registre du care), de même que sa femme devrait obtenir le médicament parce que n’importe quelle vie humaine est plus importante que le désir du pharmacien d’accumuler plus d’argent (registre de la justice). En effet,

54

L’important, c’est qu’il ne soit pas impossible d’imaginer des personnes qui soient à la fois très justes et très attentionnées et qui, en outre, ont une sensibilité affinée pour percevoir les mérites moraux et voir dans les problèmes particuliers des problèmes de types multiples [19].
(Flanagan et Jackson 1987, 627, nous soulignins)

55Par ailleurs, certaines réflexions tendent aujourd’hui à montrer l’importance du care y compris dans les théories rawlsiennes qui semblaient être totalement dépourvues de cette dimension (Okin 2005), et s’emploient à tenter une synthèse entre le care et la justice comme équité rawlsienne. Sans care, la justice risque de conduire à l’indifférence et à l’injustice ; sans justice, le care mène au chauvinisme ou à l’oubli de soi. La notion de justice particulière est sans doute une porte d’entrée pour mieux penser cette complémentarité.

56La réhabilitation de la distinction entre justice générale et justice particulière est donc sans doute éminemment salutaire pour éclairer les oppositions mais aussi les convergences entre care et justice. En prenant ses distances aussi bien avec la compassion qu’avec les théories de la justice inspirées par Rawls (2009), les éthiques du care rejoignent aujourd’hui, sans jamais les citer, les réflexions que soulève la notion de justice particulière. Enfin, grâce à la notion de justice particulière, on comprend mieux les proximités entre théories du care et équité, mais équité prise dans un sens non pas rawlsien mais plutôt aristotélicien. En mettant en exergue l’importance du contexte, du particulier, les théories du care entrent en résonance avec l’équité telle qu’Aristote la définit. Lorsque Garrau (2014) caractérise l’éthique du care comme une éthique non idéalisée, soucieuse des particularités du contexte et des situations, on ne peut pas ne pas songer à la conception aristotélicienne de l’équité. Le Stagirite explique que l’équité

57

[…] tout en étant supérieur[e] à une certaine justice, est lui-même juste […]. Il y a donc bien identité du juste et de l’équitable, et tous deux sont bons, bien que l’équitable soit le meilleur des deux.
(Aristote 2007, V, 14, 1137-b, 5-15)

58L’équitable selon Aristote est juste, mais pas au sens de la justice générale : l’équitable n’est pas le juste selon la loi. Au contraire, l’équitable doit être un « correctif de la justice légale ». Et Aristote d’expliquer que la loi, par définition de portée générale, est généralement juste mais peut se révéler injuste dans certains cas particuliers. On peut dire avec d’autres termes que l’équité implique de suppléer aux manquements de la loi ou des règles. En effet, la réalité prend des formes trop diverses pour que la loi puisse être toujours juste. L’énoncé exact et général de la loi peut ne pas convenir dans certains cas particuliers. Par conséquent, si l’équitable est juste, il est en même temps supérieur au juste, qui peut s’égarer en raison du caractère trop absolu de la règle. La justice particulière a donc vocation à venir corriger la loi quand les exigences de justice l’imposent. La justice particulière vient ainsi logiquement compléter la justice générale qui est bien souvent en quelque sorte trop générale. L’équité aristotélicienne peut ainsi être comprise comme une médiation entre « […] la rigueur formelle de la loi et le cas particulier qui lui échappe en partie. » (Zwarthoed 2009, 54). L’équité est une interprétation de la loi ou de l’esprit de la loi qui permet à cette dernière d’être juste dans tous les cas. L’équité suppose donc bien que l’agent moral puisse être attentif au contexte et aux particularités de chaque situation.

59L’« homme équitable » chez Aristote est la personne qui tente d’être juste au-delà de ce que la loi exige : la nature de l’homme équitable, c’est d’être celui qui est capable d’accomplir des actions équitables et

60

[…] ne s’en tient pas rigoureusement à ses droits dans le sens du pire, mais qui a tendance à prendre moins que son dû, bien qu’il ait la loi de son côté, celui-là est un homme équitable, et cette disposition est l’équité, qui est une forme spéciale de la justice et non pas une disposition entièrement distincte.
(Aristote 2007, V, 14, 1137-b, 30-1138-a, 5)

61La question de l’équité s’analyse alors dans la perspective du comportement des individus qui ont un sens éthique. L’homme équitable cherche à être juste, il ne se dessaisit pas de son devoir de justice, et n’abandonne pas aux institutions le devoir d’être juste : il est du côté de la justice particulière. D’ailleurs, l’éthique du care elle-même se présente comme relevant d’une nouvelle définition de l’équité, qui reconnaît des différences dans les besoins de chacun et qui nécessite une compréhension de la situation d’autrui (Gilligan 2008). Gilligan décrit d’ailleurs explicitement une « relativisation de l’égalité qui devient plus équitable » (Gilligan 2008, 264).

Conclusion

62La notion de justice particulière éclaire d’un jour nouveau l’opposition entre justice et care, et permet surtout de concevoir autrement la justice dans la sphère économique. La pratique du commerce équitable révèle la nécessité d’exhumer cette forme de justice, qui conçoit l’agent économique comme soucieux d’être juste au-delà de ce que les institutions peuvent lui imposer. Ce goût pour la justice de l’agent économique, toujours vivace et que n’épuisent pas les institutions, nécessite une réhabilitation de la justice comprise comme justice particulière. Cette justice nous invite notamment à redécouvrir autrement les notions d’échange et de prix justes. Comme le dit Flipo (2007), la justice ne peut exister sans une société peuplée de personnes justes. Ce n’est pas le moindre intérêt du commerce équitable que de nous le rappeler.

63Le commerce équitable ne peut exister que si le consommateur est bien un agent moral soucieux des questions de justice, qui ne souhaite pas obtenir un produit au prix le plus bas possible, mais en payant un prix suffisamment élevé. Au-delà des éthiques déontologiques, la justice au sein du commerce équitable se déploierait davantage en direction d’une éthique perfectionniste, une éthique des vertus (Plot 2005). Selon Koslowski (1998), on peut d’ailleurs considérer que l’éthique de la consommation est un très bon exemple « […] relatif à la nécessité de compléter l’éthique du devoir par l’éthique de la vertu. » (Koslowski 1998, 138). La justice demeure ici « […] un devoir éthique, non au sens de l’accomplissement d’une règle, mais d’une attitude et d’une pratique de la vertu. » (Koslowski 1998, 264). L’éthique de la vertu, conçue comme un renouveau de la pensée aristotélicienne, et l’éthique du care sont largement connectées. Elles se retrouveraient en effet sur le rôle joué par les émotions et partageraient un intérêt commun pour la question du bonheur. Justice particulière et care promouvraient donc conjointement une éthique perfectionniste : c’est sur la thématique du perfectionnisme moral que se rejoignent directement commerce équitable, justice particulière (ou équité au sens d’Aristote) et théories du care. L’homme équitable est ainsi celui qui manifeste une certaine forme d’excellence absolue notamment dans l’ordre des échanges et donc dans l’économie (Balaudé 2005). L’économe aristotélicien, qui administre son domaine, doit avoir le sens de la justice. C’est cette conception de l’agent économique qui est à la base du commerce équitable et du pari qu’il incarne.

64Il importe finalement de dépasser la dichotomie du care et de la justice, afin de concevoir leur « entrelacement singulier » (Haber 2005, 165). Comme l’explique Haber (2005, 170), entre le « traitement bureaucratique de l’inégalité économique et l’exercice de l’amour désintéressé », il reste une place. Comme le dit Laugier (2009, 82), « Le care propose de ramener l’éthique au niveau du “sol raboteux de l’ordinaire” (Wittgenstein), de la vie quotidienne. ». Le care, et avec lui la justice particulière, sans toutefois les confondre totalement, pourraient alors sans doute se retrouver pour réhabiliter l’intérêt pour la vie morale ordinaire, dont l’économie constitue à n’en pas douter une composante fondamentale, et dont le commerce équitable constitue un cas emblématique. Reste bien sûr ouverte la question des conditions d’exercice ou de mise en œuvre de la justice particulière. Le commerce équitable en constitue une illustration. Mais pour pouvoir porter un jugement sur la réalisation effective d’une justice particulière à travers le commerce équitable, il faut analyser non plus le projet mais les pratiques ; ce qui en substance nous donnerait des informations sur les conditions de son effectivité.

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Mots-clés éditeurs : care, éthique du, justice particulière, commerce équitable, équité

Date de mise en ligne : 14/04/2020

https://doi.org/10.3917/rpec.202.0041

Notes

  • [1]
  • [2]
    Il n’existe pas de définition unique de ce prix « juste ». Selon le glossaire d’un des principaux sites consacrés au commerce équitable, le prix juste « doit couvrir les frais de production, les besoins élémentaires du producteur et doit permettre des bénéfices suffisants pour l’amélioration des conditions de vie de la communauté » (www.commercequitable.org/images/pdf/ce/glossaire_ce_40_mots.pdf). Du point de vue de l’histoire de la pensée économique, le commerce équitable mobilise explicitement (et souvent simultanément) trois définitions du prix juste : une définition à tonalité aristotélicienne, une acception basée sur une théorie de la valeur travail revisitée et, enfin, une référence au prix de marché (Pouchain 2016).
  • [3]
    Aristote est parfois présenté comme le véritable « père fondateur » du commerce équitable. De nombreux sites Internet traitant du commerce équitable rappellent qu’Aristote fut l’un des premiers penseurs à réfléchir sur l’équité et l’équitable. Jacquiau (2006) pour sa part présente à la fin de son ouvrage une chronologie du commerce équitable : la première date citée est 384 avant Jésus-Christ, l’année de naissance d’Aristote, pour ses futurs travaux sur l’éthique et l’équitable. On pourrait donc dire que la conception du commerce d’Aristote « […] est assez proche de ce point de vue du commerce équitable car l’échange est clairement soumis d’une part à des conditions d’estime – entre citoyens égaux -, d’autre part à des finalités limitées […]. » (Cary 2004, 113). Précisons enfin qu’Aristote raisonne dans le cadre d’une cité particulière, là où le commerce équitable s’inscrit dans une visée globale.
  • [4]
    Il faut également préciser que si Gilligan (2008) associait initialement et empiriquement cette « voix différente » à la voix des femmes (et/ou des individus dominés, de manière plus générale), les travaux sur le care tendent aujourd’hui et de plus en plus à dépasser cette thématique pour « dé-genrer » la question de la moralité.
  • [5]
    « […] ceux qui ne possèdent pas les qualifications requises pour un raisonnement ou une action pleinement éthiques n’ont pas besoin que des principes de justice leur soient appliqués », Notre traduction de : « […] those who do not possess the qualifications for fully ethical reasoning or action need not have principles of justice applied to them. » (Okin 1987, 44). Okin inclut dans cette tradition des auteurs tels que Platon, Bodin, Rousseau, Kant, Hegel et Bentham. Voir également sur le même thème Kittay 2001.
  • [6]
    Selon Wittgenstein, dans Le Cahier bleu et le cahier brun (1958), il s’agit de « La tendance à chercher quelque chose de commun à toutes les entités que nous subsumons communément sous un terme général. L’idée qu’un concept général est une propriété commune à ces cas particuliers se rattache à d’autres idées primitives et trop simples sur la structure du langage. » (Cité par Laugier 2008, 92).
  • [7]
    FINE, « Fair Trade Definition and Principles », December 2001. http://wfto.com/fair-trade/definition-fairtrade.
  • [8]
    Le passage que décrit Polanyi (1983) d’une économie avec des marchés à une société de marché serait concomitant d’un processus de désencastrement : les relations marchandes s’autonomiseraient progressivement vis-à-vis des relations politiques et sociales. Ce sont à terme les relations sociales qui deviendraient elles-mêmes encastrées dans le système économique. Même si le processus de désencastrement ne va jamais jusqu’à son terme, le projet du commerce équitable peut se comprendre comme une volonté de ré-encastrer les échanges économiques dans leur tissu social.
  • [9]
    Bien sûr, au-delà du projet, le système de relations entre producteurs et consommateurs est fortement influencé par les procédures initiées au sein des différentes filières. Pour une discussion par exemple critique sur Artisans du Monde, voir Maldidier 2010.
  • [10]
    Pouchain (2012) défend cependant l’idée selon laquelle la certification produit certes une information, mais entraîne également un risque de démission des responsabilités pour le consommateur.
  • [11]
    La compassion, orientée vers le soulagement d’autrui, met l’accent sur une dimension morale d’un processus plus général, l’empathie, mis en évidence de façon novatrice par les travaux récents en neurosciences. L’hypothèse des « neurones miroirs » (Rizzolatti et Sinigaglia 2008) implique en particulier que nous savons ce que ressent l’individu en question parce que nous le ressentons également sur le plan neuronal. L’empathie repose sur la capacité du sujet à reconnaître implicitement qu’autrui lui est semblable mais sans pour autant se confondre avec l’autre : elle se distingue en ce sens de la contagion émotionnelle ou de l’imitation. L’empathie, de surcroît, est une capacité moralement neutre, au sens où elle peut être utilisée à des fins positives (comme dans le cas de la compassion) mais aussi négatives (dans le cas de la malveillance).
  • [12]
    Même si le commerce équitable a par la suite pris ses distances avec cet ancrage, pour se tourner d’abord vers des motivations davantage politiques (tiers-mondisme), puis en se positionnant au sein du développement durable. Les sources d’inspiration du commerce équitable ont donc d’abord été les mouvements humanistes et religieux, puis tiers-mondistes, et aujourd’hui il s’agit davantage d’un ancrage dans le développement durable et les mouvements alter-mondialistes. Ses appellations en témoignent : avant de s’appeler « commerce équitable », le commerce équitable se désignait plutôt comme étant un commerce d’abord « solidaire » puis « alternatif ».
  • [13]
    Pour suggérer l’idée d’une proximité, le rôle de l’image et de la publicité est fondamental. Ainsi, commentant une publicité pour le commerce équitable, Wright (2004) confirme cette volonté de construire une proximité même si elle demeure – partiellement – factice. Elle indique en particulier comment sont utilisées des photographies prises en très gros plan. Bertho et Carimentrand (2012) montrent également très bien comment les portraits de petits producteurs sont scrupuleusement façonnés de manière à susciter la compassion. Le risque étant alors le développement d’une « tentation du marketing émotionnel et du voyeurisme de la pauvreté » (Audebrand et Pauchant 2008, 46).
  • [14]
    Ce processus de différenciation-assimilation est d’ailleurs source de tension lors des extensions du commerce équitable à des circuits Nord-Nord (Le Velly 2011).
  • [15]
    Les travaux récents en économie expérimentale et comportementale appuient, de façon générale, l’idée que l’empathie favorise l’adoption de comportements altruistes ou coopératifs (Kirman et Teschl 2009). James Andreoni et Justin Rao (2011) révèlent, par exemple, que des négociateurs dotés d’un fort pouvoir de négociation se montrent plus généreux lorsqu’ils ont la possibilité de se « mettre à la place d’autrui ».
  • [16]
    Notre traduction de « […] an expansive ethics of care that specifically seeks to connect consumers and producers, and more generally the global North and South by overcoming and, in effect, shrinking, physical, psychological, and cultural distances. »
  • [17]
    Notre traduction de : « Compassion might thus be understood as the moral foundation of social justice […] ».
  • [18]
    Somme théologique, q. 58, 5.
  • [19]
    Notre traduction de : « The important point is that there is no impossibility in imagining persons who are both very fair and very caring and who, in addition, have finely honed sensitivities for perceiving moral saliencies and seeing particular problems as problems of certain multifarious kinds. »

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