Cet article vise à réhabiliter les « vieux » concepts de la géographie rurale que sont les finages et les terroirs. Bien qu’anciens, ils n’en sont pas devenus désuets pour autant et s’avèrent extrêmement utiles pour saisir la place des communs fonciers dans les dynamiques agraires contemporaines. Par leur dimension à la fois technique et socio-économique ils permettent de dépasser l’opposition trop simple entre le collectif et le privé pour traiter des questions foncières.
Ces concepts ont été mobilisés dans le cadre de recherches menées au cours des vingt dernières années dans des contextes variés : sud-ouest du Burkina Faso, nord des Andes équatoriennes, ouest et sud de l’Inde. Au-delà de leurs particularités, ces régions ont pour point commun d’avoir connu au cours de leur histoire récente une organisation des finages agricoles suivant le modèle ager-saltus-silva. L’analyse de ces situations tropicales contemporaines fournit de nouveaux éléments sur l’origine et la disparition de ce type de finages. Surtout, cette recherche comparative invite à repenser le rôle des terroirs d’usage commun dans les dynamiques agraires. Loin d’être de simples compléments, les communs se sont révélés indispensables à la constitution de terroirs « privés ». Il en résulte que contrairement au rôle redistributif qu’on leur attribue souvent ils ont été au cœur des processus de domination, de différenciation et d’exclusion au sein du monde paysan. Depuis la révolution verte, ils sont devenus des zones refuges pour les exclus de l’intensification ou des réserves écologiques où toute activité agricole est proscrite.
Mots-clés
- communs fonciers
- fertilité
- système de culture
- système d’élevage
- histoire agraire
This article aims to rehabilitate the “old” concepts of French rural geography, namely “finages” and “terroirs”. Although quite old, they are not obsolete and are still useful for understanding the place of common lands in contemporary agrarian dynamics. By their technical and socio-economic dimension, they help to go beyond the simple opposition between collective and private land rights. These concepts have been used during field researches carried out over the past twenty years in various contexts: south-west Burkina Faso, north of the Ecuadorian Andes and west and south India. Despite their specificities, these regions have at least one common feature. At some point during recent history their agricultural territories have combined common lands (saltus and silva) and private lands (ager). The analysis of these tropical situations provides new elements on the origin and the disappearance of common lands. Above all, this comparative research invites to rethink the role of common lands in agrarian dynamics. They were not just complements, but have proven to be essential for the advent of “private” lands. Far from the redistributive role often attributed to them, they were at the heart of social processes of domination, differentiation and exclusion. Since the green revolution, they have become refuge areas for those excluded from intensification or ecological reserves where all agricultural activity is prohibited.
Keywords
- common lands
- fertility
- cropping systems
- livestock farming systems
- agrarian history
Mots-clés éditeurs : histoire agraire, système de culture, communs fonciers, système d’élevage, fertilité
Date de mise en ligne : 15/07/2024
https://doi.org/10.3917/ror.192.0018