Notes
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[1]
Olivier Dumas, Piero Gondolo della Riva et Volker Dehs, Correspondance inédite de Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), Genève, Slatkine, t. I, 1999, p. 47. Désormais cité Corr., I.
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[2]
Pierre-Jules Hetzel, dans Jules Verne, Voyages et aventures du capitaine Hatteras [1866], Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2005, p. 27.
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[3]
« C’est le prétexte d’un roman géographique sur l’Archipel, et pas autre chose. », écrit Verne à Hetzel à propos de L’Archipel en feu le 30 septembre 1883, dans Olivier Dumas, Piero Gondolo della Riva et Volker Dehs, Correspondance inédite de Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), Genève, Slatkine, t. III, 2002, p. 198. Désormais cité Corr., III.
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[4]
Sur cette question, voir notamment Émile Levasseur, L’Étude et l’enseignement de la géographie, Paris, Delagrave, 1872 et Philippe Marchand, L’Histoire et la géographie dans l’enseignement secondaire. Textes officiels t. 1 : 1785-1914, Paris, INRP, 2000.
-
[5]
Sur cette question, voir Jean-Marie Seillan, « Petite histoire d’une révolution épistémologique : la captation de l’héritage d’Alexandre Dumas par Jules Verne », dans Corinne Saminadayar-Perrin (éd.), Qu’est-ce qu’un événement littéraire au xixe siècle ?, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008, p. 199-218.
-
[6]
« On comprend que des romans comme Le Secret de Wilhelm Storitz, En Magellanie, et même La Chasse au météore aient été jugés différents de la norme habituelle. En revanche, pourquoi vouloir modifier Le Volcan d’or et Le Beau Danube jaune, récits géographiques dans la lignée des précédents Voyages extraordinaires ? », écrit Olivier Dumas, « Préface », dans Jules Verne, Le Beau Danube jaune, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2005, p. 10. Toutes les citations tirées du roman seront données désormais dans cette édition. Elle a été précédée d’une première parution aux Éditions de l’Archipel en 2000.
-
[7]
Idem.
-
[8]
Ibid., p. 77.
-
[9]
Ibid., p. 35.
-
[10]
Ibid., p. 17.
-
[11]
Ibid., p. 44, 85 et 139.
-
[12]
Ibid., p. 57 et suiv.
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[13]
Ibid., p. 78 et suiv.
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[14]
Sur cette question, voir Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, « La Correspondance Jules Verne-Pierre-Jules Hetzel : comment Jules Verne a renoncé à la littérature », dans Correspondance et magistère, Jean-Marc Hovasse et Pierre-Jean Dufief (dir.), Travaux de littérature, 2017, vol. XXX, p. 121-137.
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[15]
Seuls deux chapitres échappent à ce parcours, le chapitre I, « Au concours de Sigmaringen » et le chapitre XI, « Kruschistes et Antikruschistes ».
-
[16]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 54-56.
-
[17]
« […] et chaque pêcheur pourrait amorcer sa place comme il l’entendrait, suivant l’espèce, ablettes, anguilles, barbeaux, brèmes, carpes de rivière, chevesnes, épinoches, gardons, goujons, hotus, ombres, perches, tanches, plies, truites, vairons, brochets, et autres qui vivent dans les eaux du Danube. », ibid., p. 31.
-
[18]
Ibid., p. 29.
-
[19]
Ibid., p. 80.
-
[20]
Ibid., p. 126-127.
-
[21]
Ibid., p. 145.
-
[22]
Ibid., p. 148.
-
[23]
Ibid., p. 137.
-
[24]
Ibid., p. 123.
-
[25]
Ibid., p. 220.
-
[26]
Voir par exemple Émile Levasseur, ouvr. cité. Levasseur a participé en 1872 à l’élaboration des programmes de géographie et à la rédaction la même année du « Rapport de la commission de géographie à M. le Ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts ».
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[27]
Levasseur préconise d’enseigner « en premier lieu, la GÉOGRAPHIE MATHÉMATIQUE qui constitue une science toute particulière et qui comprend elle-même plusieurs branches distinctes ; en second lieu, la GÉOGRAPHIE PHYSIQUE […], partie sur laquelle l’enseignement doit longuement insister, parce qu’elle est la clé des deux parties suivantes ; la GÉOGRAPHIE POLITIQUE, appuyée sur l’histoire, étudiant l’homme dans son passé et dans son présent, dans les migrations des races, les révolutions des empires, les circonscriptions actuelles des États et dans les divisions administratives ; la GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE, appuyée sur l’économie politique, étudiant les rapports de l’homme avec la nature dans l’agriculture, dans les mines et l’industrie, dans le commerce, et s’inquiétant de la condition des peuples, résultante de l’action de l’homme sur la nature et sur lui-même » (ibid., p. 48-49).
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[28]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 220.
-
[29]
Ibid., p. 77.
-
[30]
Ibid., p. 30.
-
[31]
« Je crois bon de ramener votre attention sur un fait qui, dans Kéraban-le-têtu, va avoir son importance, si, comme cela serait préférable, cette aventure se passe en ce moment même. / Vous laissez subsister comme faisant partie de la Turquie d’Europe des territoires cédés depuis 1878, soit à la Russie, soit à la Roumanie et la Bulgarie. Il y aurait lieu d’y faire attention et d’être précis sur ces points-là, qui ont pour effet de déplacer les frontières pour vos voyageurs. / Vous ne pourriez maintenir la géographie que vous adoptez qu’en ôtant à votre récit l’intérêt de l’actualité et en le plaçant avant la guerre russo-turque. / La carte que vous devez mettre dans le livre peut-elle être la vieille carte, et ne serait-ce pas vieillir votre livre dès son apparition que de le faire autre qu’il ne peut l’être dans cette question au point de vue actuel ? Il serait bien facile de faire prendre des informations sur toutes ces questions-là. Je vous envoie une Géographie parue il y a quelques jours qui doit les contenir. », Lettre de Pierre-Jules Hetzel à Jules Verne, le 21 octobre 1882, Corr., III, p. 160.
-
[32]
Élisée Reclus, Nouvelle Géographie universelle, Paris, Hachette, 1876, p. 131 : « De vastes régions de la presqu’île thraco-hellénique sont encore aussi peu connues que l’Afrique centrale. Il y a quelques années à peine, le voyageur Kanitz constatait la non-existence de rivières, de collines et de montagnes fantastiques, dessinées au hasard par les cartographes près de Viddin, dans le voisinage immédiat du Danube. Par contre, il signalait dans les divers districts de la Bulgarie centrale de trois à quatre fois plus de villages que n’en indiquaient jusqu’alors les cartes les plus détaillées. Un autre savant, le Français Lejean, reconnaissait qu’un prétendu défilé passant à travers l’épaisseur des Balkhans est un simple mythe. Depuis, des géodésiens russes, chargés de continuer la mesure d’un arc de méridien à travers toute la Péninsule, trouvaient que la ville fréquemment visitée de Sofia est située à près d’une journée de marche de l’endroit qui lui était assigné par les meilleures cartes. De même, leurs mesures établissaient pour tout l’ensemble de la chaîne des Balkans une situation plus septentrionale qu’on ne l’admettait jusqu’ici. Combien d’erreurs aussi graves ne faudra-t-il pas rectifier dans les montagnes du Pinde et sur les plateaux de l’Albanie où, jusqu’à maintenant, un si petit nombre d’hommes de science se sont hasardés ? »
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[33]
Lors du colloque international de Sofia consacré à « Jules Verne et le Danube », en novembre 2019, Bernard Sinoquet signalait l’existence d’une mention explicite à Élisée Reclus dans les notes de Verne relatives au Beau Danube jaune conservées dans la collection des bibliothèques d’Amiens métropole.
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[34]
Le sous-titre de la Nouvelle Géographie universelle est : « La terre et les hommes ».
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[35]
Élisée Reclus, ouvr. cité, p. 222.
-
[36]
Voir Jean Chesneaux, Jules Verne : une lecture politique [1971], Paris, Maspero, 1982. On lira particulièrement le chapitre 3 sur « la tradition quarante-huitarde ».
-
[37]
Ibid., p. 45.
-
[38]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 62-63.
-
[39]
Il suffit pour s’en convaincre de relire le toast porté par le président de la Ligne danubienne au début du roman : « “Aux nationalités diverses, aux Badois, aux Wurtembergeois, aux Bavarois, aux Autrichiens, aux Hongrois, aux Serbes, aux Valaques, aux Moldaves, aux Bessarabiens, aux Bulgares que la Ligne danubienne compte dans ses rangs !” / Et Bulgares, Bessarabiens, Moldaves, Valaques, Serbes, Hongrois, Autrichiens, Bavarois, Wurtembergeois, Badois lui répondirent comme un seul homme, en absorbant le contenu de leurs coupes. », ibid., p. 37-38.
-
[40]
Lionel Dupuy, Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages Extraordinaires de Jules Verne : Le Superbe Orénoque (1898), thèse de doctorat, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2009, consultée le 21 décembre 2019, disponible en ligne. URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00437934v2/document.
-
[41]
Pierre-Jules Hetzel à Jules Verne, le 29 novembre 1883 : « Il ne faut pas vous y méprendre par la façon avec laquelle vous avez traité, et avec raison, toute la première partie, c’est l’histoire de l’affranchissement de la Grèce qui devient votre sujet, qui l’est et qui doit le rester […]. », Corr., III, p. 194.
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[42]
C’est ce que Lionel Dupuy désigne comme le « merveilleux géographique ». Sur cette question, voir notamment la seconde partie de sa thèse, « Le roman, le merveilleux et l’imaginaire géographiques. »
-
[43]
Lettre de Jules Verne à Pierre-Jules Hetzel, le 25 avril 1864, Corr., I, p. 28.
-
[44]
« Ismaïl est un port de la Bessarabie moldave, sur la rive gauche du fleuve. D’une certaine importance, puisqu’il compte quarante-deux mille âmes. Port marchand, alimenté par les divers produits de la Moldavie ; comme il est sous la domination russe, c’est presque un port militaire, et tout au moins il sert de relâche à une partie de la flottille du Danube. C’est en aval que le fleuve se ramifie en bras multiples. », Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 290.
-
[45]
« M. Jaeger ne s’ennuyait pas un instant. Il s’intéressait de plus en plus à ce qu’il voyait, surtout en ce qui concerne la navigation fluviale. Ilia Krusch se demandait même s’il ne préparait pas quelque travail sur ce sujet, où seraient traitées toutes les questions relatives à la batellerie dont l’importance s’accroît sans cesse, et n’était-ce pas, en somme, le but de son voyage ? … / Et, comme Ilia Krusch le pressentait à cet égard : / Il y a quelque chose comme cela, répondit-il en souriant. », ibid., p. 262.
-
[46]
Victor Duruy (auteur), Dieudonné Lancelot (illustrateur), Voyage de Paris à Bucharest, Le Tour du Monde, 1861, vol. 3, p. 337-372 ; 1862, vol. 5, p. 193-224 ; 1862, vol. 6, p. 177-208 ; 1863, vol. 7, p. 145-192.
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[47]
Dieudonné Lancelot, Voyage de Paris à Bucharest (suite), Le Tour du Monde, 1865, vol. 11, p. 33-96 ; 1866, vol. 13, p. 177-224.
-
[48]
Je reprends l’orthographe du texte.
-
[49]
Jacques Noiray, « Préface », dans Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers [1869-1870], Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2005, p. 26.
-
[50]
« Il est fort agréable de voyager si lestement et si loin. Vous pensez que ce ne le serait pas moins d’aller un peu plus près, et de laisser un moment les antipodes pour regarder autour de nous. L’Europe vous semble aussi curieuse à étudier que l’Australie ou le pays des Yakoutes ; et le Rhin ou l’Elbe ne vous paraissent pas moins intéressants que le fleuve Jaune ou le Mackensie. Je suis assez de votre avis, puisque je me propose de descendre le Danube durant quatre ou cinq cents lieues. Vous me demandez les notes que je ramasserai en courant ; je vous les enverrai volontiers ; parce qu’après le plaisir de voir et de comprendre, il n’y en a pas de plus grand que de raconter à ses amis, et tout lecteur bienveillant en est un, ce que l’on a vu et ce que l’on a compris. / Seulement je vous préviens que je ne serai probablement le Christophe Colomb d’aucun nouveau monde. Je ne prétends découvrir ni l’Allemagne, ni l’Autriche, ni la Hongrie, pas même les Carpathes ou la Roumanie, comme Alexandre Dumas, à ma place, le ferait certainement. Je ne verrai que de vieilles choses. », Le Tour du Monde, 1861-1, p. 337.
-
[51]
Sylvain Venayre, « Présentation. Pour une histoire culturelle du voyage au xixe siècle », Sociétés & Représentations, 2006, vol. 21, n°1, p. 5-21, disponible en ligne. URL : https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2006-1-page-5.htm.
-
[52]
« De Passau à Lintz (suite) », Le Tour du Monde, 1863-1, p. 161.
-
[53]
Le titre de Duruy est repris (comme bien d’autres) par Verne pour le septième chapitre de son roman.
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[54]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 136.
-
[55]
Le Tour du Monde, 1865-1, p. 72.
-
[56]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 238.
-
[57]
« Il est vrai, Presbourg n’offre point de curiosités architecturales aux touristes, mais sa situation, avec l’énorme château quadrangulaire aux angles relevés en tourelles, ne laisse pas d’être pittoresque. », ibid., p. 190.
-
[58]
Il apparaît pour la première fois dans l’édition de 1878, comme « terme emprunté de l’anglais. Il se dit de celui qui aime à voyager, qui voyage pour son plaisir et son instruction. ».
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[59]
Ainsi de la découverte d’Ulm, Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 84-88.
-
[60]
Ibid., p. 85.
-
[61]
« Tous deux se retrouvèrent en face de l’Hôtel de Ville. En cas que cela fût de nature à l’intéresser, si Ilia Krusch eût demandé l’âge de ce monument municipal, il est probable que l’inconnu aurait pu lui répondre : […]. », ibid., p. 87.
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[62]
« En ce qui concerne Ilia Krusch, le brave homme n’en était pas à connaître Vienne. Il avait parcouru plusieurs fois déjà la cité dont l’étendue n’est pas très considérable, et ses trente-quatre faubourgs qui portent sa population totale à […] habitants. », ibid., p. 180.
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[63]
On reconnaît là la technique même du romancier naturaliste.
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[64]
Alain Buisine, « Un cas limite de description : l’énumération. L’exemple de Vingt mille lieues sous les mers », dans La Description, Nodier, Sue, Flaubert, Hugo, Verne, Zola, Alexis, Fénéon, Pierre Reboul et Philippe Bonnefis (éd.), Université de Lille III, Centre de recherches spécialisées. Lettres, art, pensée. xixe siècle, 1974, p. 81-102 (ici p. 81).
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[65]
Lettre de Pierre-Jules Hetzel à Jules Verne, le 29 mai 1885, Corr., III, p. 289.
1Nul n’ignore la passion qu’éprouvait Jules Verne pour la géographie. Elle est attestée dès les origines, lorsque son éditeur Pierre-Jules Hetzel lui demande de suppléer Lavallée, malade, pour terminer à sa place la Géographie illustrée de la France et de ses colonies. Verne souligne alors la dimension romanesque de l’exercice : « Je travaille comme un bien heureux. Je mords dur à la Géographie de la France, et, vrai, cela m’amuse beaucoup à faire. Vous ne me croyez peut-être pas, mais c’est la vérité. Je me passionne comme pour un roman, ni plus ni moins [1]. » Quand Hetzel, en 1866, définit dans l’« Avertissement de l’éditeur » placé en tête des Voyages et aventures du capitaine Hatteras la poétique de ce qui deviendra l’ensemble des Voyages extraordinaires, c’est la géographie qu’il place logiquement en tête du projet, conformément aux caractéristiques principales de Cinq semaines en ballon, publié quelque temps plus tôt : « Son but est, en effet, de résumer toutes les connaissances géographiques, géologiques, physiques, astronomiques, amassées par la science moderne […] [2] ». Il faut attendre cependant 1884 pour voir Verne revendiquer explicitement son ambition : écrire un « roman géographique [3] ».
2Cette passion pour la géographie constitue un geste politique fort. Après la défaite de 1870, lorsque la Troisième République s’impose, l’une de ses priorités réside dans le développement de l’instruction et de la scolarisation. De nouvelles matières font alors leur apparition systématique à tous les niveaux d’enseignement. C’est le cas, notamment, de la géographie, à laquelle une large place est accordée dans les programmes scolaires [4]. L’enseignement de la géographie est un sujet républicain, et c’est une forme de modernité politique que revendique Verne lorsqu’il la place au cœur de son propos.
3Le roman géographique prend par ailleurs tout son sens face au roman historique qui a tenu une si large place dans les décennies romantiques. Jean-Marie Seillan a admirablement montré comment le roman de Verne s’écrit contre le modèle de Dumas ; comment son roman géographique consiste en un changement décisif de paradigme ; la distance temporelle se mue en distance géographique : au roman de l’autrefois-ici succède le roman de l’aujourd’hui-ailleurs ; la transmission inhérente au roman historique est remplacée par l’appétit de découverte et d’exploration [5].
4Si l’ensemble des Voyages extraordinaires se place sous le signe de la géographie, Le Beau Danube jaune présente à bien des égards un cas limite, intéressant dans la mesure même de sa marginalité dans le corpus vernien. Tardif, écrit autour de 1901, le roman n’a pas été publié par Jules Verne. Il fut quelques années plus tard, en 1908, « corrigé » et publié par son fils sous le titre Le Pilote du Danube. C’est donc l’édition d’un texte inachevé qu’a proposée Olivier Dumas lorsqu’il a édité le texte originel en 2000 : s’il y manque ici ou là quelques mots, si certaines graphies ou quelques détails sont inexacts, le roman est également dépourvu des illustrations qui l’auraient immanquablement accompagné, cartes, représentations de monuments ou de lieux qui contribuent à accentuer l’ancrage géographique du texte. Plus encore – contrairement à ce que suggère Olivier Dumas dans sa préface [6] –, Le Beau Danube jaune tel qu’il nous est parvenu constitue un hapax, original à bien des égards dans la production romanesque de Verne.
Un roman du fleuve
5« Après l’Orénoque et l’Amazone, pourquoi pas le Danube, le plus grand et le plus puissant fleuve d’Europe [7] ? » Le voyage sur le fleuve est un motif cher à Verne, dont on connaît par ailleurs l’appétence pour le milieu aquatique quel qu’il soit. Ses lecteurs ont déjà avec lui descendu l’Amazone ou remonté l’Orénoque. Le Beau Danube jaune suit de même le cours du fleuve que le personnage central, Ilia Krusch, s’est engagé à parcourir de sa source jusqu’à son embouchure. C’est autour du fleuve que se construit l’intrigue, selon deux axes contraires voire contradictoires, un axe géographique et antiromanesque et un axe romanesque. Du côté du cours du fleuve, la négation de l’aventure, « aucun incident ou accident » :
[…] il s’abandonnerait au courant du Danube qui le porterait jusqu’à son embouchure, sur la mer Noire. À raison d’une lieue par heure, d’une dizaine de lieues entre le lever et le coucher du soleil, il espérait arriver au terme de son voyage en deux mois, à la condition qu’aucun incident ou accident ne l’arrêtât en route. Et pourquoi aurait-il éprouvé des retards ?... La navigation ne serait-elle pas plus facile au retour qu’à l’aller ?... À moins que le fleuve ne remontât de sa source à son embouchure, ce qu’on ne pouvait craindre même de la part de ce célèbre et fantasque Danube [8] !
7Inversement, ses rives recèlent tous les éléments de la tension romanesque :
Circonstance singulière, cette bande n’opérait que dans le voisinage immédiat du Danube. Au-delà de deux kilomètres de part et d’autre du fleuve, jamais un seul crime n’avait pu lui être légitimement attribué. Toutefois, le théâtre de ses opérations ne paraissait ainsi limité que dans le sens de la largeur, et les rives autrichiennes, hongroises, serbes ou roumaines étaient pareillement mises à sac par ces bandits qu’on ne parvenait nulle part à prendre sur le fait [9].
9Lieu paisible de la pêche et d’une descente sans histoire – la fin du roman saura montrer les dangers que recèle cependant le fleuve, capable de déterminer des « accidents » heureusement romanesques –, le Danube est aussi « théâtre » d’opérations criminelles.
10Il n’en reste pas moins que le romanesque s’absente étrangement de ce roman. Ilia Krusch (« cruche », suggère Olivier Dumas [10]), est un personnage « bonasse [11] » qui peine à faire figure de héros, monté sur un « canot [12] » ou sur une « barge [13] » évidemment moins remarquable que le Nautilus du capitaine Nemo ou « l’île à hélices » qui emporte d’autres personnages. S’il est injustement soupçonné puis innocenté, la tension dramatique reste faible. Point, non plus, de femme pour le regretter ou de rival pour vouloir le perdre, contrairement à ce qu’imaginera quelques années plus tard Michel.
11Sans doute le roman offre-t-il ainsi dans son inachèvement la matrice du roman géographique vernien. La lecture de la correspondance témoigne des efforts accomplis durant des années par Hetzel pour amener l’écrivain à renforcer la dimension romanesque de ses textes, à développer l’intrigue, la psychologie des personnages, etc [14]. Verne, faute sans doute d’avoir eu le temps de remanier son manuscrit, y donne une sorte de géographie brute, sans habillage, qui conduit le lecteur « Des sources du Danube à Ulm », « D’Ulm à Ratisbonne », « De Ratisbonne à Passau », et ainsi de suite jusqu’à la mer Noire.
Le paradigme géographique
12Il est de fait peu de romans de Verne qui exhibent le paradigme géographique aussi clairement que celui-ci. Le titre parle de lui-même : si l’épithète, plaisante par ses résonances contemporaines, peut attirer l’attention, ce n’en est pas moins le Danube qui est désigné comme thème du roman ; Michel modifiera de manière décisive la perspective en évoquant « le pilote » du Danube, mettant l’accent sur le personnage ainsi hissé au rang de héros plutôt que sur le lieu. La table des matières est plus impressionnante encore : les chapitres se déploient comme autant d’étapes parcourues le long du fleuve [15]. À cet égard aussi, la confrontation avec la table des matières du Pilote du Danube atteste le travail effectué par Michel pour accentuer la dynamique romanesque : alors que le roman suit à peu de choses près le même parcours, les titres de chapitres mettent en évidence les personnages (« Serge Ladko », « Karl Dragoch », « Un portrait de femme ») ou la trame policière (« Chasseurs et gibiers », « Prisonnier », « Au pouvoir d’un ennemi », « Au nom de la loi », etc.). Michel est en cela fidèle à l’œuvre publié de son père : Jules Verne n’a produit aucun roman aussi étroitement géographique dans sa titrologie que l’est Le Beau Danube jaune. Quelques titres évoquent certes des lieux, comme Le Pays des fourrures (mais il n’est pas nommé, tout comme L’Archipel en feu n’indique pas explicitement l’archipel concerné), Les Tribulations d’un Chinois en Chine (mais les « tribulations » sont mises en avant comme l’est le « drame » dans Un drame en Livonie), Michel Strogoff, De Moscou à Irkoutsk ou La Maison à vapeur. Voyage à travers l’Inde septentrionale (mais ce sont alors le héros ou le moyen de transport qui sont d’abord mentionnés) ; c’est de même sur le château que Le Château des Carpathes attire le regard ; seuls La Jangada, huit cent lieues sur l’Amazone et Le Superbe Orénoque, deux autres romans du fleuve, désignent aussi explicitement la géographie comme leur matériau. Le parcours de leur table des matières est cependant instructif : aux titres de chapitres « géographiques », les deux romans mêlent en effet des titres qui font signe du côté de l’aventure : « Voleur et volé », « Une attaque », « Le dîner d’arrivée », « Histoire ancienne », « Entre ces deux hommes », pour ne donner que quelques exemples tirés de la première partie de La Jangada.
13Le Beau Danube jaune accorde une place sensible aux informations sur le Danube. La discussion sur le point de départ du voyage donne lieu à un petit exposé juxtaposant le récit mythique et la présentation de « l’authentique source du grand fleuve [16] ». Le roman dévoile de même son cours sur plus de six cents lieues et sa faune [17], illustrant cette fascination pour la liste bien connue des lecteurs de Verne. Il revient sur l’apparence physique « du célèbre fleuve, jaune et non bleu comme le chante la fameuse valse de Strauss [18] », offre des indications sur son débit, ses particularités, « les remous qui se forment aux tournants du fleuve [19] », les rochers qui affleurent à l’approche de Passau [20], les tourbillons du Strudel [21] ou du Wirbel [22], les bancs de sable sur lesquels Krusch s’échoue volontairement à la fin du roman. De même les rives longées par le fleuve sont-elles régulièrement décrites, des plaines fertiles de Bavière à la « vaste suite de plaines uniformes [23] » d’Autriche, en passant par « la riche et productive campagne [24] » en aval de Ratisbonne avant de rejoindre la puszta [25].
14Conformément aux leçons des géographes contemporains [26], la géographie physique s’accompagne d’une présentation économique [27], détaillant la richesse ou la pauvreté des terres bordées par le fleuve, précisant la nature des cultures, ici le foin pour l’élevage dans la puszta, « table toujours généreusement servie pour d’innombrables convives à quatre pattes, des milliers et des milliers de ruminants [28] », là le vin ou le tabac de la campagne hongroise, ailleurs, aux portes de Belgrade, les arbres fruitiers. C’est un fleuve nourricier que suit le romancier et Verne insiste tant sur la richesse qu’il procure en fécondant les terres que sur l’importance du moyen de transport des biens et des personnes qu’il représente.
Géopolitique
15Il n’en reste pas moins que les connaissances du romancier demeurent hasardeuses notamment en ce qui concerne la géographie historique ou la géopolitique, pourtant considérées comme essentielles par tous les géographes contemporains, des concepteurs officiels des programmes du primaire ou du secondaire jusqu’aux géographes les plus novateurs, de Levasseur à Vidal de la Blache, Arago ou Reclus. Verne trace si précisément l’itinéraire de son pilote que le lecteur le suivrait volontiers les yeux fermés – ou grand ouverts, pour mieux jouir du paysage :
Ainsi était commencée cette descente du grand fleuve qui allait promener Ilia Krusch à travers deux duchés, Bade et Hohenzollern, deux royaumes, Wurtemberg et Bavière, deux empires, l’Austro-Hongrie et la Turquie, quatre principautés, la Serbie, la Valachie, la Moldavie et la Bulgarie [29].
17Or la fiction se déroule en « 186… [30] », même si – et cette omission est à elle seule remarquable – la date n’est pas davantage précisée. Depuis 1859, la Moldavie et la Valachie sont devenues « Principautés unies de Moldavie et de Valachie » ; elles seront en 1862 « Principautés unies de Roumanie », puis, à partir de 1866 et jusqu’en 1881, « Principauté de Roumanie ». La Bulgarie, en revanche, n’est pas une principauté avant 1878. L’assurance du romancier masque habilement son ignorance.
18Il n’y a rien là d’extraordinaire à vrai dire et on sait que Hetzel a dû parfois corriger de même des inexactitudes, comme ce fut le cas pour des zones proches de celles que parcourt le roman dans Kéraban-le-Têtu [31] par exemple. L’« Europe méridionale » est de fait mal connue – « aussi peu connue que l’Afrique centrale » –, souligne Élisée Reclus dans le premier volume de la Nouvelle Géographie universelle qu’il lui consacre en 1876 [32]. Mais Reclus, précisément, lui a consacré un volume entier et l’on sait que Jules Verne est au courant de son existence [33]. Ce volume, conformément à la conception géographique de Reclus, s’attache « à la terre et aux hommes [34] ». Il accorde une large place à ce qu’on appelle alors la Question d’Orient, s’interroge sur la fragile puissance de l’Empire ottoman, s’intéresse aux différents mouvements de libération nationale. Au moment même où s’ouvre la crise balkanique qui s’achève avec le Congrès de Berlin, il souligne par exemple comment « Après mille ans d’oubli de soi-même le Bulgare se retrouve et s’affirme [35] ».
19À cet égard, le silence de Verne est assourdissant. Comment, en 1901, ne rien dire des sursauts et des massacres qui agitent les Balkans depuis un quart de siècle ? Comment passer sous silence le Réveil national bulgare et la guerre de 1876 ? Il y a là un mutisme étonnant chez celui qu’on a pu présenter comme un ardent défenseur du mouvement des nationalités [36] :
C’est-à-dire que Jules Verne était extrêmement familier avec les luttes de libération et la sensibilité patriotique des petites nationalités de l’Europe […] dans six romans dont plusieurs très importants, le mouvement de libération nationale des peuples opprimés d’Europe est au centre de l’œuvre et en constitue le ressort principal : l’indépendance grecque avec L’Archipel en feu, le nationalisme hongrois avec Mathias Sandorf, la lutte des Bulgares contre l’oppression turque avec Le Pilote du Danube, le nationalisme irlandais avec P’tit Bonhomme, les luttes nationales entre barons baltes et paysans russes dans Un drame en Livonie, le mouvement national des Canadiens français contre la domination britannique en 1837, dans Famille sans nom [37].
21Un seul intrus dans cette liste, Le Pilote du Danube, dont on sait maintenant qu’il est l’œuvre de Michel. Si Jules Verne a bien apporté sa caution aux nationalismes, notamment, pour rester dans la même sphère géographique que celle du Beau Danube jaune, aux mouvements de libération hongrois et grecs, il ignore en revanche le réveil national bulgare dont Michel fait le cœur du Pilote du Danube. Le roman fut d’ailleurs apprécié en Bulgarie comme un élément non négligeable dans la reconnaissance de la nation, au point que sa traduction bulgare était accompagnée en 1943 d’un bandeau précisant qu’il s’agissait d’« Un roman historique extraordinaire sur la vie des révolutionnaires bulgares ».
22Situant son roman « en 186… », avant, donc, le mouvement de libération, Verne laisse de même de côté tout ce qui pourrait concerner les pays que borde le Danube. Il ne dit ainsi rien des tensions qui déchirent l’empire austro-hongrois et qui conduiront bientôt à son démembrement, sauf à admettre que la constitution de la « Ligne danubienne » d’abord, celle, ensuite, de la Commission internationale ne donnent un exemple d’internationalisme vécu et réussi :
En cette circonstance, Bade, la Serbie, le Wurtemberg, la Moldavie, la Bulgarie, la Bessarabie émettaient leurs prétentions que ne pouvaient accepter ni la Bavière, ni la Hongrie, ni l’Autriche. […] Assurément, des divers États qui comptaient des représentants dans la Commission, le plus important par son rang en Europe, par sa population, par son histoire, c’était le royaume d’Autriche-Hongrie […]. […] à qui revint le plus grand nombre de voix ? … À M. Roth, le représentant du duché de Bade [38].
24Ainsi les tensions bien réelles au cœur de l’Europe se diluent-elles dans le roman en une sorte d’internationalisme fantasmé, accordant le même pouvoir à chacune des nations sans souci de sa taille et de son poids politique. Cette société des nations avant l’heure voit son activité couronnée de succès, puisque la collaboration internationale permet l’arrestation du bandit à la fin du roman.
25Pour autant, la dimension politique demeure discrète et on a souvent l’impression que Verne se donne le plaisir de jouer avec les nationalités comme avec les poissons, sans plus de sérieux [39]. L’approche géopolitique est quoi qu’il en soit disqualifiée dès le départ par l’ignorance du romancier ou sa volonté de passer sous silence les spécificités locales. Le procédé est troublant et s’inscrit en tout état de cause à rebours de ce qu’écrit Lionel Dupuy lorsqu’il souligne que Verne, à partir de L’Archipel en feu, expérimente une nouvelle formule romanesque, ses œuvres devenant alors « plus politiques, sociales, philosophiques et morales [40]. » Si cette définition convient évidemment à L’Archipel en feu – que Hetzel lisait d’ailleurs comme un roman historique, « l’histoire de l’affranchissement de la Grèce [41] » –, rien n’est moins vrai pour Le Beau Danube jaune. Tout se passe comme si Verne n’avait pas réussi à trouver de l’intérêt à l’histoire complexe de cette Europe tourmentée, alors même qu’il lui consacre, à peu près à la même époque, un autre roman dont la publication sera également posthume, le texte étant également modifié par Michel, Le Secret de Wilhelm Storitz. Il est déconcertant de constater comment à ce stade de l’œuvre la machine se dérègle : Verne, qui s’était lancé la gageure de ne pas repasser plusieurs fois dans les mêmes lieux, parcourt deux fois au moins la même aire danubienne, dont on peut donc supposer qu’elle retient son attention ; pourtant, le défenseur des nationalités y abandonne également toute ambition géopolitique. Il reste à interpréter ce recul : peut-être tient-il à l’inachèvement relatif de ces textes que Verne aurait pu être amené à compléter ? Peut-être participe-t-il aussi plus simplement d’un épuisement du roman géographique et de ses ambitions.
Un roman « touristique ». Le retrait du sublime
26Si le roman géographique a pour ambition de donner à voir les lieux qu’il parcourt, la géographie réelle s’y appuie nécessairement sur une géographie rêvée [42], la description stricte sur des morceaux descriptifs qui relèvent de la grande tradition littéraire. Le sublime a de tout temps trouvé l’une de ses expressions privilégiées dans les évocations de paysages remarquables, mers ou fleuves déchaînés, effrayantes tempêtes, sommets touchant au ciel, gouffres ardents, soleils si lumineux qu’on ne saurait les contempler en face. Verne y attachait de l’importance, lui qui voyait dans l’art de la description la qualité susceptible de faire de lui un authentique écrivain comme il l’écrivait à Hetzel en 1864 déjà :
Ce que je voudrais devenir avant tout, c’est un écrivain, louable ambition que vous approuverez pleinement. […] Vous me dites des choses bien aimables et bien flatteuses sur mon style qui s’améliore. Évidemment, vous devez faire allusion aux passages descriptifs dans lesquels je me déploie de mon mieux [43].
28Rien de tout cela dans Le Beau Danube jaune. Les descriptions que le lecteur pourrait légitimement attendre se trouvent parfois réduites à l’état de notes, peu ou pas rédigées [44]. Si l’ambition d’écrire se dessine en creux, quand Krusch s’interroge sur les motivations réelles de Jaeger, c’est moins de littérature qu’il est question que d’un ouvrage de documentation [45].
29De fait, une grande partie du roman est empruntée au récit « De Paris à Bucharest, Causeries géographiques » publié par Le Tour du monde entre 1861 et 1866, d’abord sous la plume de Victor Duruy avec les illustrations de Lancelot [46], puis par le seul Lancelot [47]. Un simple regard sur les deux textes suffit pour constater que Verne tire l’essentiel de sa documentation de cette « causerie géographique », dont il utilise surtout la livraison de 1865 qui conduisait le lecteur de Presbourg à Vidine [48]. La copie est absolument caractérisée – on parlerait aujourd’hui sans aucun doute de plagiat –, comme souvent chez Verne et on peut reprendre sans en changer un mot ce que Jacques Noiray écrivait dans la préface de Vingt mille lieues sous les mers :
Sa lecture est parfois hâtive, comme en témoignent certaines erreurs de dates ou d’orthographe. Un relevé exhaustif de ces emprunts montrerait que ce travail de documentation est considérable, et qu’il nourrit à peu près chaque page du récit [49].
31Encore Verne croisait-il alors différentes lectures et retenait-il de chacune ce qui l’intéressait. Pour ce voyage sur le Danube, la causerie de Duruy et Lancelot semble seule sollicitée.
32Verne l’appauvrit qui plus est considérablement, la dépouillant de toutes les anecdotes qui donnent vie au récit de voyage. La vue d’un « campement de paysans », « Un petit-fils d’Attila portant une crinoline », « Une soirée à Komlo », « Une noce sur la grand route », « Boutade d’un voyageur hellène », « Un mauvais coup manqué », « Un miracle » : autant de scènes (parmi d’autres) qui scandaient la livraison de 1865, permettant au narrateur de faire entendre sa voix et d’affirmer son ethos de voyageur comme le faisait déjà Duruy en 1861 [50]. Si « L’espace dont il est question dans l’histoire culturelle du voyage est d’abord un espace ressenti [51] », Le Beau Danube jaune ne doit rien au récit de Duruy et Lancelot auquel il emprunte pourtant l’essentiel de ses données. Les personnages, Krusch ou Dragoch, ne vivent pas d’émotion devant un paysage, une scène, une rencontre ; ils n’en transmettent pas davantage. L’anecdote même des brigands n’est pas directement inscrite dans la topique de la mauvaise rencontre, typique du genre du récit de voyage.
33L’absence de prise de position axiologique sur les pays traversés n’est pas moins impressionnante. En 1863, « De Passau à Lintz », Duruy découvre l’Autriche avec « un serrement de cœur involontaire » :
Je vois pour la première fois les couleurs jaune et noire, et l’aigle dont les serres ont été si souvent sanglantes : je suis en Autriche. J’éprouve un serrement de cœur involontaire à respirer pour la première fois l’air de ce pays ; et toute l’histoire de cette maison de Habsbourg, qui a été si fatale au monde et qui lui a si peu donné, me revient à l’esprit. Quelle a été sa part dans la civilisation générale ? Comme l’arbre est jugé par les fruits qu’il porte, les empires le sont par les résultats qu’ils donnent. Où sont les grands hommes de l’Autriche, ses poètes, ses artistes, ses penseurs ? Mais que de sang je découvre partout où l’aigle à deux têtes a passé, en Bohême, chez les Madgyares, en Italie ! Et pourtant le soleil est doux, l’air tiède, la nature magnifique et paisible [52].
35Conduisant de même Ilia Krusch « De Passau à Lintz [53] », Le Beau Danube jaune indique simplement que « Le Danube (est) devenu autrichien [54] ». Sur son trajet, il n’évoque guère que les curiosités touristiques également découvertes par le voyage « De Paris à Bucharest » : l’hôtel de ville, le château d’Oberthaus, la Mariahilf, mentionnés d’un mot à l’occasion d’un dialogue.
36De la même façon, arrivé à Belgrade, Lancelot commente le courage des Serbes :
Il me semble que […] ces mosquées qui s’écroulent tranquillement, symbolisent assez tristement l’Empire de la Porte en Europe. La Turquie, impuissante à consolider et à maintenir, à réédifier et à ressaisir, s’obstine, par esprit de routine et de vieux système, plus encore que par orgueil, à ne rien démolir et à ne rien céder. En attendant, murailles et vieux système, mosquées et puissance, tout croule [55] !
38De ces considérations, Verne ne reprend rien ou presque : une note, comme un remords, vient étrangement compléter ou infléchir le texte du roman tout en révélant la source du romancier :
On peut lire dans le Voyage de Paris à Bucarest [sic] de M. Duruy (1860) continué par M. Lancelot, son compagnon de route : Belgrade « transformé en port franc deviendrait bientôt le Hambourg de l’Orient. Mais pour que cette destinée s’accomplisse, une condition préalable est nécessaire : l’expulsion des Turcs. » C’est actuellement chose faite [56].
40C’est finalement du guide touristique que le texte se rapproche sans doute le plus. Étape après étape, il fait défiler les principales « curiosités » susceptibles de retenir l’attention des « touristes [57] », terme récemment apparu [58] dans le Dictionnaire de l’Académie. Le romancier use pour ce faire de multiples ruses narratives, qu’Ilia Krusch découvre une ville dans laquelle il déambule au hasard [59] – c’est alors l’occasion de convoquer un « cicérone [60] » qui aurait pu le guider vers des monuments qu’il dépasse sans s’y arrêter mais que le récit détaille avec complaisance [61] – ou néglige de le faire parce qu’il la connaît bien [62]. Qu’Ilia enseigne ou soit susceptible de recevoir un enseignement [63], il n’est pas d’autre motif de différer l’énumération des éléments pittoresques que la lassitude sans doute de l’écrivain ou le sentiment d’avoir terminé le voyage avant même d’avoir atteint l’embouchure du Danube : les derniers chapitres comprennent moins de détails touristiques, peut-être simplement parce que le roman compte le nombre de pages nécessaires au volume et qu’il convient désormais d’achever l’intrigue.
41Laissé inachevé, Le Beau Danube jaune présente tout à la fois la matrice probable du roman géographique tel que le conçoit Verne et sa dégradation. Si « la description s’affiche localisation du non-romanesque » comme l’affirme Alain Buisine [64], la tension entre descriptif et narratif semble ici tranchée par Verne au profit du descriptif : l’intrigue est simple, les personnages, peu nombreux, sont dotés d’une psychologie sommaire ; le titre du roman et sa table des matières désignent le fleuve et les villes qu’il traverse comme le cœur du récit.
42Pourtant, nourri d’une documentation exclusivement piochée dans la « causerie géographique » que propose Le Tour du Monde, ignorant (ou feignant d’ignorer) les connaissances sur l’Europe méridionale récemment exposées par Reclus, Le Beau Danube jaune reste à peu près muet sur les caractéristiques géopolitiques d’une zone en proie à de violentes tensions, lieu de soulèvements et de répression. Oubliant la défense des libertés nationales au profit d’exposés touristiques que l’intérêt narratif ne parvient pas à légitimer, Verne échoue (me semble-t-il) à écrire le roman du fleuve. « Votre livre est fait, mais il se compose de graines de chapelet à travers lesquelles il faut faire passer en guise de fil un intérêt que vous avez à créer presque tout entier, car ce fil n’y est pas [65] », écrivait Hetzel à Verne en 1885. Les « graines de chapelet » demeurent ici brutes. On peut certes imaginer que Verne, reprenant son ouvrage, l’aurait complété en ce sens, enrichissant tout à la fois l’intrigue romanesque et la richesse des caractérisations géographiques. On peut penser aussi que la lassitude s’était emparée du défenseur des peuples et du géographe passionné devenu, avec l’âge, simple touriste.
Notes
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[1]
Olivier Dumas, Piero Gondolo della Riva et Volker Dehs, Correspondance inédite de Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), Genève, Slatkine, t. I, 1999, p. 47. Désormais cité Corr., I.
-
[2]
Pierre-Jules Hetzel, dans Jules Verne, Voyages et aventures du capitaine Hatteras [1866], Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2005, p. 27.
-
[3]
« C’est le prétexte d’un roman géographique sur l’Archipel, et pas autre chose. », écrit Verne à Hetzel à propos de L’Archipel en feu le 30 septembre 1883, dans Olivier Dumas, Piero Gondolo della Riva et Volker Dehs, Correspondance inédite de Jules Verne et Pierre-Jules Hetzel (1863-1886), Genève, Slatkine, t. III, 2002, p. 198. Désormais cité Corr., III.
-
[4]
Sur cette question, voir notamment Émile Levasseur, L’Étude et l’enseignement de la géographie, Paris, Delagrave, 1872 et Philippe Marchand, L’Histoire et la géographie dans l’enseignement secondaire. Textes officiels t. 1 : 1785-1914, Paris, INRP, 2000.
-
[5]
Sur cette question, voir Jean-Marie Seillan, « Petite histoire d’une révolution épistémologique : la captation de l’héritage d’Alexandre Dumas par Jules Verne », dans Corinne Saminadayar-Perrin (éd.), Qu’est-ce qu’un événement littéraire au xixe siècle ?, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008, p. 199-218.
-
[6]
« On comprend que des romans comme Le Secret de Wilhelm Storitz, En Magellanie, et même La Chasse au météore aient été jugés différents de la norme habituelle. En revanche, pourquoi vouloir modifier Le Volcan d’or et Le Beau Danube jaune, récits géographiques dans la lignée des précédents Voyages extraordinaires ? », écrit Olivier Dumas, « Préface », dans Jules Verne, Le Beau Danube jaune, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2005, p. 10. Toutes les citations tirées du roman seront données désormais dans cette édition. Elle a été précédée d’une première parution aux Éditions de l’Archipel en 2000.
-
[7]
Idem.
-
[8]
Ibid., p. 77.
-
[9]
Ibid., p. 35.
-
[10]
Ibid., p. 17.
-
[11]
Ibid., p. 44, 85 et 139.
-
[12]
Ibid., p. 57 et suiv.
-
[13]
Ibid., p. 78 et suiv.
-
[14]
Sur cette question, voir Marie-Françoise Melmoux-Montaubin, « La Correspondance Jules Verne-Pierre-Jules Hetzel : comment Jules Verne a renoncé à la littérature », dans Correspondance et magistère, Jean-Marc Hovasse et Pierre-Jean Dufief (dir.), Travaux de littérature, 2017, vol. XXX, p. 121-137.
-
[15]
Seuls deux chapitres échappent à ce parcours, le chapitre I, « Au concours de Sigmaringen » et le chapitre XI, « Kruschistes et Antikruschistes ».
-
[16]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 54-56.
-
[17]
« […] et chaque pêcheur pourrait amorcer sa place comme il l’entendrait, suivant l’espèce, ablettes, anguilles, barbeaux, brèmes, carpes de rivière, chevesnes, épinoches, gardons, goujons, hotus, ombres, perches, tanches, plies, truites, vairons, brochets, et autres qui vivent dans les eaux du Danube. », ibid., p. 31.
-
[18]
Ibid., p. 29.
-
[19]
Ibid., p. 80.
-
[20]
Ibid., p. 126-127.
-
[21]
Ibid., p. 145.
-
[22]
Ibid., p. 148.
-
[23]
Ibid., p. 137.
-
[24]
Ibid., p. 123.
-
[25]
Ibid., p. 220.
-
[26]
Voir par exemple Émile Levasseur, ouvr. cité. Levasseur a participé en 1872 à l’élaboration des programmes de géographie et à la rédaction la même année du « Rapport de la commission de géographie à M. le Ministre de l’Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts ».
-
[27]
Levasseur préconise d’enseigner « en premier lieu, la GÉOGRAPHIE MATHÉMATIQUE qui constitue une science toute particulière et qui comprend elle-même plusieurs branches distinctes ; en second lieu, la GÉOGRAPHIE PHYSIQUE […], partie sur laquelle l’enseignement doit longuement insister, parce qu’elle est la clé des deux parties suivantes ; la GÉOGRAPHIE POLITIQUE, appuyée sur l’histoire, étudiant l’homme dans son passé et dans son présent, dans les migrations des races, les révolutions des empires, les circonscriptions actuelles des États et dans les divisions administratives ; la GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE, appuyée sur l’économie politique, étudiant les rapports de l’homme avec la nature dans l’agriculture, dans les mines et l’industrie, dans le commerce, et s’inquiétant de la condition des peuples, résultante de l’action de l’homme sur la nature et sur lui-même » (ibid., p. 48-49).
-
[28]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 220.
-
[29]
Ibid., p. 77.
-
[30]
Ibid., p. 30.
-
[31]
« Je crois bon de ramener votre attention sur un fait qui, dans Kéraban-le-têtu, va avoir son importance, si, comme cela serait préférable, cette aventure se passe en ce moment même. / Vous laissez subsister comme faisant partie de la Turquie d’Europe des territoires cédés depuis 1878, soit à la Russie, soit à la Roumanie et la Bulgarie. Il y aurait lieu d’y faire attention et d’être précis sur ces points-là, qui ont pour effet de déplacer les frontières pour vos voyageurs. / Vous ne pourriez maintenir la géographie que vous adoptez qu’en ôtant à votre récit l’intérêt de l’actualité et en le plaçant avant la guerre russo-turque. / La carte que vous devez mettre dans le livre peut-elle être la vieille carte, et ne serait-ce pas vieillir votre livre dès son apparition que de le faire autre qu’il ne peut l’être dans cette question au point de vue actuel ? Il serait bien facile de faire prendre des informations sur toutes ces questions-là. Je vous envoie une Géographie parue il y a quelques jours qui doit les contenir. », Lettre de Pierre-Jules Hetzel à Jules Verne, le 21 octobre 1882, Corr., III, p. 160.
-
[32]
Élisée Reclus, Nouvelle Géographie universelle, Paris, Hachette, 1876, p. 131 : « De vastes régions de la presqu’île thraco-hellénique sont encore aussi peu connues que l’Afrique centrale. Il y a quelques années à peine, le voyageur Kanitz constatait la non-existence de rivières, de collines et de montagnes fantastiques, dessinées au hasard par les cartographes près de Viddin, dans le voisinage immédiat du Danube. Par contre, il signalait dans les divers districts de la Bulgarie centrale de trois à quatre fois plus de villages que n’en indiquaient jusqu’alors les cartes les plus détaillées. Un autre savant, le Français Lejean, reconnaissait qu’un prétendu défilé passant à travers l’épaisseur des Balkhans est un simple mythe. Depuis, des géodésiens russes, chargés de continuer la mesure d’un arc de méridien à travers toute la Péninsule, trouvaient que la ville fréquemment visitée de Sofia est située à près d’une journée de marche de l’endroit qui lui était assigné par les meilleures cartes. De même, leurs mesures établissaient pour tout l’ensemble de la chaîne des Balkans une situation plus septentrionale qu’on ne l’admettait jusqu’ici. Combien d’erreurs aussi graves ne faudra-t-il pas rectifier dans les montagnes du Pinde et sur les plateaux de l’Albanie où, jusqu’à maintenant, un si petit nombre d’hommes de science se sont hasardés ? »
-
[33]
Lors du colloque international de Sofia consacré à « Jules Verne et le Danube », en novembre 2019, Bernard Sinoquet signalait l’existence d’une mention explicite à Élisée Reclus dans les notes de Verne relatives au Beau Danube jaune conservées dans la collection des bibliothèques d’Amiens métropole.
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[34]
Le sous-titre de la Nouvelle Géographie universelle est : « La terre et les hommes ».
-
[35]
Élisée Reclus, ouvr. cité, p. 222.
-
[36]
Voir Jean Chesneaux, Jules Verne : une lecture politique [1971], Paris, Maspero, 1982. On lira particulièrement le chapitre 3 sur « la tradition quarante-huitarde ».
-
[37]
Ibid., p. 45.
-
[38]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 62-63.
-
[39]
Il suffit pour s’en convaincre de relire le toast porté par le président de la Ligne danubienne au début du roman : « “Aux nationalités diverses, aux Badois, aux Wurtembergeois, aux Bavarois, aux Autrichiens, aux Hongrois, aux Serbes, aux Valaques, aux Moldaves, aux Bessarabiens, aux Bulgares que la Ligne danubienne compte dans ses rangs !” / Et Bulgares, Bessarabiens, Moldaves, Valaques, Serbes, Hongrois, Autrichiens, Bavarois, Wurtembergeois, Badois lui répondirent comme un seul homme, en absorbant le contenu de leurs coupes. », ibid., p. 37-38.
-
[40]
Lionel Dupuy, Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages Extraordinaires de Jules Verne : Le Superbe Orénoque (1898), thèse de doctorat, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2009, consultée le 21 décembre 2019, disponible en ligne. URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00437934v2/document.
-
[41]
Pierre-Jules Hetzel à Jules Verne, le 29 novembre 1883 : « Il ne faut pas vous y méprendre par la façon avec laquelle vous avez traité, et avec raison, toute la première partie, c’est l’histoire de l’affranchissement de la Grèce qui devient votre sujet, qui l’est et qui doit le rester […]. », Corr., III, p. 194.
-
[42]
C’est ce que Lionel Dupuy désigne comme le « merveilleux géographique ». Sur cette question, voir notamment la seconde partie de sa thèse, « Le roman, le merveilleux et l’imaginaire géographiques. »
-
[43]
Lettre de Jules Verne à Pierre-Jules Hetzel, le 25 avril 1864, Corr., I, p. 28.
-
[44]
« Ismaïl est un port de la Bessarabie moldave, sur la rive gauche du fleuve. D’une certaine importance, puisqu’il compte quarante-deux mille âmes. Port marchand, alimenté par les divers produits de la Moldavie ; comme il est sous la domination russe, c’est presque un port militaire, et tout au moins il sert de relâche à une partie de la flottille du Danube. C’est en aval que le fleuve se ramifie en bras multiples. », Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 290.
-
[45]
« M. Jaeger ne s’ennuyait pas un instant. Il s’intéressait de plus en plus à ce qu’il voyait, surtout en ce qui concerne la navigation fluviale. Ilia Krusch se demandait même s’il ne préparait pas quelque travail sur ce sujet, où seraient traitées toutes les questions relatives à la batellerie dont l’importance s’accroît sans cesse, et n’était-ce pas, en somme, le but de son voyage ? … / Et, comme Ilia Krusch le pressentait à cet égard : / Il y a quelque chose comme cela, répondit-il en souriant. », ibid., p. 262.
-
[46]
Victor Duruy (auteur), Dieudonné Lancelot (illustrateur), Voyage de Paris à Bucharest, Le Tour du Monde, 1861, vol. 3, p. 337-372 ; 1862, vol. 5, p. 193-224 ; 1862, vol. 6, p. 177-208 ; 1863, vol. 7, p. 145-192.
-
[47]
Dieudonné Lancelot, Voyage de Paris à Bucharest (suite), Le Tour du Monde, 1865, vol. 11, p. 33-96 ; 1866, vol. 13, p. 177-224.
-
[48]
Je reprends l’orthographe du texte.
-
[49]
Jacques Noiray, « Préface », dans Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers [1869-1870], Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2005, p. 26.
-
[50]
« Il est fort agréable de voyager si lestement et si loin. Vous pensez que ce ne le serait pas moins d’aller un peu plus près, et de laisser un moment les antipodes pour regarder autour de nous. L’Europe vous semble aussi curieuse à étudier que l’Australie ou le pays des Yakoutes ; et le Rhin ou l’Elbe ne vous paraissent pas moins intéressants que le fleuve Jaune ou le Mackensie. Je suis assez de votre avis, puisque je me propose de descendre le Danube durant quatre ou cinq cents lieues. Vous me demandez les notes que je ramasserai en courant ; je vous les enverrai volontiers ; parce qu’après le plaisir de voir et de comprendre, il n’y en a pas de plus grand que de raconter à ses amis, et tout lecteur bienveillant en est un, ce que l’on a vu et ce que l’on a compris. / Seulement je vous préviens que je ne serai probablement le Christophe Colomb d’aucun nouveau monde. Je ne prétends découvrir ni l’Allemagne, ni l’Autriche, ni la Hongrie, pas même les Carpathes ou la Roumanie, comme Alexandre Dumas, à ma place, le ferait certainement. Je ne verrai que de vieilles choses. », Le Tour du Monde, 1861-1, p. 337.
-
[51]
Sylvain Venayre, « Présentation. Pour une histoire culturelle du voyage au xixe siècle », Sociétés & Représentations, 2006, vol. 21, n°1, p. 5-21, disponible en ligne. URL : https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2006-1-page-5.htm.
-
[52]
« De Passau à Lintz (suite) », Le Tour du Monde, 1863-1, p. 161.
-
[53]
Le titre de Duruy est repris (comme bien d’autres) par Verne pour le septième chapitre de son roman.
-
[54]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 136.
-
[55]
Le Tour du Monde, 1865-1, p. 72.
-
[56]
Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 238.
-
[57]
« Il est vrai, Presbourg n’offre point de curiosités architecturales aux touristes, mais sa situation, avec l’énorme château quadrangulaire aux angles relevés en tourelles, ne laisse pas d’être pittoresque. », ibid., p. 190.
-
[58]
Il apparaît pour la première fois dans l’édition de 1878, comme « terme emprunté de l’anglais. Il se dit de celui qui aime à voyager, qui voyage pour son plaisir et son instruction. ».
-
[59]
Ainsi de la découverte d’Ulm, Le Beau Danube jaune, éd. citée, p. 84-88.
-
[60]
Ibid., p. 85.
-
[61]
« Tous deux se retrouvèrent en face de l’Hôtel de Ville. En cas que cela fût de nature à l’intéresser, si Ilia Krusch eût demandé l’âge de ce monument municipal, il est probable que l’inconnu aurait pu lui répondre : […]. », ibid., p. 87.
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[62]
« En ce qui concerne Ilia Krusch, le brave homme n’en était pas à connaître Vienne. Il avait parcouru plusieurs fois déjà la cité dont l’étendue n’est pas très considérable, et ses trente-quatre faubourgs qui portent sa population totale à […] habitants. », ibid., p. 180.
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[63]
On reconnaît là la technique même du romancier naturaliste.
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[64]
Alain Buisine, « Un cas limite de description : l’énumération. L’exemple de Vingt mille lieues sous les mers », dans La Description, Nodier, Sue, Flaubert, Hugo, Verne, Zola, Alexis, Fénéon, Pierre Reboul et Philippe Bonnefis (éd.), Université de Lille III, Centre de recherches spécialisées. Lettres, art, pensée. xixe siècle, 1974, p. 81-102 (ici p. 81).
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[65]
Lettre de Pierre-Jules Hetzel à Jules Verne, le 29 mai 1885, Corr., III, p. 289.