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Article de revue

Les Gourmands du théâtre romantique : bouffons et poètes

Pages 40 à 49

Notes

  • [1]
    Stendhal, Racine et Shakespeare, Paris, GF, 1970, p. 73.
  • [2]
    J’emploie le terme de théâtre romantique étendu, afin de ne pas circonscrire le théâtre romantique à la seule dramaturgie et à la seule décennie du drame romantique des années 1830. J’inclus dans le théâtre romantique des formes qui ne sont pas à proprement parler des drames romantiques tels que les conçoivent Victor Hugo ou Alexandre Dumas. C’est la raison pour laquelle je m’intéresserai aux proverbes d’Alfred de Musset et à la fantaisie dramatique d’Auguste Vacquerie qui eux aussi appartiennent au théâtre romantique. Cette extension du théâtre romantique n’est pas seulement formelle, mais également temporelle. Les bornes du théâtre qui nous intéresse ici vont largement au-delà de la stricte période qui se situerait entre Cromwell et Les Burgraves. Voilà pourquoi j’inclus également le drame flamboyant d’Edmond Rostand que Gérard Gengembre considérait à la fois comme « fin » et « apothéose » du drame romantique (voir à ce propos Le Théâtre français au xixsiècle, Paris, Armand Colin, 1999, p. 157.).
  • [3]
    Au xixe siècle, la scène de repas ou le motif de la cuisine se rencontrent plus souvent dans les genres comiques, comme le vaudeville, même si la question de la gourmandise n’y est pas forcément abordée frontalement. Citons à titre d’exemples Un dîner à Pantin, ou l’Amphytrion à la diète (1820) de Désaugiers, Gersin et Genty, La Cuisinière mariée (1834) de Louis Couailhac et Marc Michel, Le Quart d’heure de Rabelais (1848) de Jules Verne ou encore Un garçon de chez Véry (1850) d’Eugène Labiche.
  • [4]
    Nous retrouvons de même le motif alimentaire dans au moins deux arlequinades du corpus romantique, sans que les mangeurs y soient nécessairement des gourmands : le Pierrot posthume (1847) de Théophile Gautier et Les Deux Pierrots ou le Souper blanc (1891) d’Edmond Rostand.
  • [5]
    Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, dans Théâtre complet, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1990, p. 260.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    Auguste Vacquerie, Tragaldabas, dans Théâtre complet, t. I, Paris, Calman Lévy, 1879, p. 91.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Ibid., p. 97.
  • [10]
    De nombreuses similitudes rapprochent ces deux pièces. Au-delà des liens qui unissent le drame romantique hugolien et le drame flamboyant rostandien, elles se ressemblent encore davantage par les jeux de rôles auxquels s’adonnent leurs héros respectifs et par la dimension métathéâtrale que cela suppose.
  • [11]
    Victor Hugo, Ruy Blas, dans Théâtre complet I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1963, p. 1517.
  • [12]
    Jean Bourgeois, « La nourriture et la faim dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand », dans RHLF, 2010/1, vol. 110, p. 83-92. Voir en particulier la note de la page 90, qui explique avec force détails les points communs entre Cyrano et Ragueneau.
  • [13]
    Victor Hugo, Préface de Cromwell, dans Théâtre complet I, ouvr. cité, p. 418.
  • [14]
    Victor Hugo, Ruy Blas, ouvr. cité, p. 1517.
  • [15]
    Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, dans Théâtre, Paris, Omnibus, 2006, p. 44.
  • [16]
    Ibid., p. 179-180.
  • [17]
    L’ivrognerie apparaît souvent comme le corollaire de la goinfrerie, en raison de l’excès grotesque qui met les deux comportements en parallèle.
  • [18]
    Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, ouvr. cité, p. 55.
  • [19]
    Sur le lyrisme dans le théâtre romantique, voir Ludmila Charles-Wurtz, « Le lyrisme dans Hernani et Ruy Blas : l’anti-théâtre ? », dans Hugo sous les feux de la rampe, Arnaud Laster et Bertrand Marchal (dir.), Paris, Presses Universitaires Paris Sorbonne, 2008 et Nicolas Diassinous, Crise de scène : dramaturgies poétiques du romantisme au symbolisme, Thèse de doctorat sous la direction de Jean-Christophe Cavallin, Aix-Marseille Université, 2018.
  • [20]
    Sur la parodie, voir notamment Gérard Genette, Palimpsestes. La Littérature au second degré, Paris, Le Seuil, coll. « Points essais », 1992.
  • [21]
    Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, ouvr. cité, p. 64.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Voir l’anthologie de Charles Monselet, La Cuisinière poétique, Leipzig, Alphonse Durr, 1859 et le recueil posthume d’Achille Ozanne, Poésies gourmandes. Recettes culinaires en vers, Paris, Lacam, 1900.
  • [24]
    Ibid., p. 56.
  • [25]
    Au-delà de la seule expression lyrique, souvenons-nous aussi de l’importance que le romantisme accorde au mot propre et aux réalités qu’il désigne. Dans cette perspective, la poésie de choses de Ragueneau n’est peut-être que le prolongement parodique d’une littérature qui ambitionnait de faire de la poésie avec du réel, aussi trivial soit-il. Sur le mot propre, voir notamment Le Mot propre et la Périphrase. Du tour précieux à « l’objet tu », Jean-Christophe Cavallin et Jean-Damien Mazaré (dir.), Paris, Classiques Garnier, 2014.
  • [26]
    Sur l’ironie romantique, voir René Bourgeois, L’Ironie romantique. Spectacle et jeu de Mme de Staël à G. de Nerval, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1974 et Pierre Schoentjes, Poétique de l’ironie, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 2001.
  • [27]
    Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, ouvr. cité, p. 268-269.
  • [28]
    Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne, dans Théâtre complet, ouvr. cité, p. 101.

1Le théâtre romantique ambitionnait d’ancrer son action dans le réel. L’importance qu’il accorde au corps et plus généralement à la matière s’inscrit dans une dramaturgie qui ne cherche plus à écarter les realia, mais au contraire à les mêler aux abstractions héritées du modèle classique. La présence de la nourriture fonctionne comme l’une des modalités de cette poussée réaliste qui se cristallise notamment dans la revendication du mot propre banni de la langue classique et dans la fameuse couleur locale. Ainsi, dans son Racine et Shakespeare, Stendhal s’insurgeait contre le Henri IV de Legouvé qui ne prononçait pas la locution « poule au pot [1] », mais une complexe périphrase qui visait à effacer le motif alimentaire. La nourriture devenait alors un marqueur du drame romantique et partant un véritable enjeu esthétique.

2Le motif de l’alimentation y est d’autant plus prégnant que les auteurs romantiques sont pour la plupart des poètes dont les engagements pour les plus démunis se reflètent dans leurs œuvres. Lorsqu’il apparaît dans une pièce, il se manifeste plus volontiers du côté de la privation et prend alors une valeur éminemment politique. Nombre de pièces mettent en scène des héros qui souffrent de la faim – songeons au Chatterton d’Alfred de Vigny dont le texte préfaciel est un manifeste pour la condition sociale du poète, ou encore à Ruy Blas et à Mangeront-ils ? de l’auteur des Misérables.

3Il arrive donc que l’on mange ou qu’on ait faim dans le théâtre romantique, mais la gourmandise, qu’elle soit associée à la gloutonnerie ou à un raffinement de goût, n’y est presque jamais représentée. Pour trouver des goinfres ou des gourmets, il faut sonder les marges de ce théâtre romantique étendu [2], soit quelques pièces de Musset, de Hugo et de deux de ses héritiers, Vacquerie et Rostand.

4Parce qu’elle véhicule une charge grotesque, la gourmandise, bouffonne ou badine, contraste avec la gravité affichée de l’action principale. Dans un théâtre qui demeure noble, voire tragique, elle ne dispose que d’une fonction contrapuntique qui la rend d’autant plus marginale, même au sein des rares pièces dans lesquelles elle apparaît. Elle n’est que le sujet d’un drame parallèle qui redouble le drame principal sur le mode comique ou mineur, et de la même façon, le gourmand tend à devenir un double grotesque du protagoniste. Cet effet de redoublement n’est-il pas le signe que la gourmandise serait génératrice de comédie, tout autant que de parodie ?

La Comédie de la gourmandise

5La présence d’une action tournant autour de la gourmandise d’un ou plusieurs personnages a pour effet de déclencher le rire du spectateur ou du lecteur. Ce comique naît d’une série de topoï et de situations empruntés au vaudeville [3] et à l’arlequinade [4] ou hérités de la comédie, voire de la farce, comme par exemple la surprise de Don César à la découverte d’un repas, à l’acte IV de Ruy Blas, la rivalité entre les deux fantoches d’On ne badine pas avec l’amour, la duperie dont est victime le naïf pâtissier Ragueneau ou encore la corruption de la duègne qui ne sait résister à son penchant pour les douceurs sucrées que lui offre Cyrano à l’acte II. Le motif de la gourmandise fonctionne donc comme un ressort comique qui contraste avec le ton plus sérieux du sujet amoureux des pièces dans lequel il apparaît. Et lorsque l’intrigue principale constitue déjà une comédie amoureuse, la gourmandise en accentue le rire par l’insertion d’un comique bouffon de nature plus farcesque. La fable centrée sur la gourmandise rompt l’unité d’action en engendrant une intrigue comique et marginale qui se greffe sur l’action principale. Mais c’est peut-être moins le comique inhérent à ces scènes que le décalage qu’il opère avec la tonalité de la pièce qui fait de la gourmandise ce contrepoint grotesque au sujet amoureux.

6En nous penchant plus spécifiquement sur le proverbe de Musset, nous constatons la présence de deux actions distinctes : la petite comédie amoureuse dont Rosette sera la tragique victime et l’affrontement de « deux formidables dîneurs [5] ». La première constitue bien sûr le sujet central de la pièce ; la seconde fonctionne comme une intrigue secondaire qui n’a finalement que peu de points de contact avec la première et semble surtout compenser l’absence de drame entre deux héros, Camille et Perdican, qui n’ont de cesse de se fuir. La gourmandise dispose alors d’une fonction dramatique de support à une action qui court en permanence le risque d’avorter. Le chœur ne manque d’ailleurs pas de remarquer l’intérêt que représente la comédie des gourmands, a fortiori lorsque celle des amoureux est au point mort. Juste après les retrouvailles glaciales entre Camille et Perdican, il paraît vouloir rattraper notre intérêt en le déplaçant vers le seul drame solide de la fable. Il décentre alors notre attention pour le sujet amoureux vers le sujet comique de la gourmandise :

7

Plusieurs choses me divertissent et excitent ma curiosité. Venez, mes amis, et asseyons-nous sous ce noyer. Deux formidables dîneurs sont en ce moment en présence au château, maître Bridaine et maître Blazius. […] Tous deux sont armés d’une égale impudence : tous deux ont pour ventre un tonneau ; non-seulement ils sont gloutons, mais ils sont gourmets ; tous deux se disputeront, à dîner, non-seulement la quantité, mais la qualité. Si le poisson est petit, comment faire ? et dans tous les cas une langue de carpe ne peut se partager, et une carpe ne peut avoir deux langues. […] Déjà je les vois accoudés sur la table, les joues enflammées, les yeux à fleur de tête, secouer pleins de haine leurs triples mentons. Ils se regardent de la tête aux pieds, ils préludent par de légères escarmouches ; bientôt la guerre se déclare ; les cuistreries de toute espèce se croisent et s’échangent, et, pour comble de malheur, entre les deux ivrognes s’agite dame Pluche, qui les repousse l’un et l’autre de ses coudes affilés [6].

8Le chœur dramatise la rencontre des deux fantoches dans la scène qui suit directement l’échec de la rencontre entre les deux amoureux, en s’imaginant tout le caractère agonistique de la scène du repas. La première phrase souligne en effet tout l’intérêt dramatique que doit susciter cette rivalité. La gourmandise apparaît ici comme une solution de secours, à la marge de la comédie de l’amour que tous étaient en droit d’attendre. Tout se passe comme si l’affrontement pour la « langue de carpe » devait suppléer un quelconque affrontement pour un cœur qui ne pourrait non plus « se partager ». La suite de la pièce rendra bien évidemment à l’amour la place qu’il doit occuper, néanmoins elle poursuivra la comédie des gourmands lancée au début de l’acte I comme une intrigue parallèle, dont le caractère parasite reflète parfaitement celui des deux personnages qui la composent.

9L’exemple d’On ne badine pas avec l’amour illustre l’aspect à la fois parasite et comique du sujet gourmand. Dans cette perspective, Auguste Vacquerie dans son Tragaldabas reprend la dimension grotesque et marginale que suppose la présence de la gourmandise au sein du théâtre romantique, à ceci près qu’il s’agit pour lui de fonder une dramaturgie de la marginalité dans laquelle l’intrigue traditionnellement secondaire se retourne en sujet exhibé comme principal. Dans cette fantaisie dramatique, nous retrouvons bien la présence d’un sujet amoureux qui pourrait constituer à lui seul l’argument d’une comédie : Don Eliseo courtise Doña Caprina qu’il pense mariée, ce qui fait son affaire, lui qui prétend goûter les douceurs de l’amour sans la contrainte d’un engagement sous les lois du mariage ; de son côté, Doña Caprina emploie Tragaldabas pour jouer le rôle de son époux et ainsi attirer un plus grand nombre de prétendants que sa condition de femme mariée, selon la logique d’Eliseo, pourrait intéresser, et ce afin d’avoir plus de choix dans l’élection d’un futur mari. Dans cette configuration, le personnage éponyme ferait office de personnage secondaire subordonné à l’histoire du couple d’amoureux.

10Or Auguste Vacquerie a choisi délibérément de faire de ce personnage bouffon le protagoniste de sa pièce et partant, d’inverser le système hiérarchique de telle sorte que la gourmandise, tout en conservant son côté grotesque et marginal, en devienne paradoxalement le sujet central. La pièce suit moins les tribulations capricieuses du couple que les mésaventures d’un glouton que l’appétit conduit dans toute sorte de situations cocasses. Tel est le projet dramatique du poète fantaisiste : focaliser le drame sur la goinfrerie d’un personnage de parasite qui aurait dû être un personnage secondaire et qui vole la vedette aux amoureux, pour imposer sur le devant de la scène sa marginalité – et avec elle, celle de l’action dont il est le héros.

11L’action de l’acte IV est révélatrice de la place que dérobe la gourmandise à l’amour et elle prend en ce sens une valeur éminemment métathéâtrale : alors qu’Eliseo avait prévu « un en-cas [7] » pour celle qu’il courtise, ce sera finalement Tragaldabas qui honorera le « buffet [8] », une première fois tout seul, puis une seconde avec Jacintha, l’ouvrière en dentelle, avatar de la soubrette de comédie. En mangeant ce festin, Tragaldabas déclenche un imbroglio qui impose une fois de plus sa gloutonnerie comme sujet principal d’un acte qui aurait dû initialement être celui d’un rendez-vous d’amour nocturne. De maladresses en quiproquos, la comédie amoureuse se convertit en une farce dont le moteur est bien la gourmandise. Tragaldabas devient le héros malgré lui d’une action qui redouble et supplée la comédie qui n’a pas su se jouer pleinement et prend ainsi le rôle principal tenu par Eliseo. À travers le cas de Tragaldabas, il apparaît que le gourmand de l’action parallèle fait office de héros de substitution, de double du héros dont il devient le pendant grotesque, ou plus grotesque lorsque celui-ci l’est déjà.

Le Gourmand : un héros grotesque

12Le héros gourmand de l’action secondaire peut être perçu comme un double du personnage principal. Dans Tragaldabas, Auguste Vacquerie cherchait à rapprocher d’une certaine manière Eliseo et le personnage éponyme. Les rôles de prétendant et de faux mari de Caprina assimilent les deux personnages et tout au long de la pièce, le premier prend la place du second dans les duels, des duels causés par sa gloutonnerie, pour justement ne pas avoir à occuper une place d’époux laissée vacante. Le jeu des changements de place dans la comédie de l’amour et la comédie de la gourmandise provoque un effet de réversibilité qui apparie Eliseo et Tragaldabas. Tous deux filous, ils n’hésitent pas à tromper et à mentir pour satisfaire leur appétit – sexuel pour l’un, stomacal pour l’autre. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de lire au début de l’acte IV une réplique qui transfère l’isotopie de la gourmandise vers le personnage de l’amoureux : « Je n’ai faim que de vous [9]. » dit Eliseo en essayant de convaincre Caprina d’accepter cet « en-cas », comme si le sujet amoureux et le sujet gourmand avaient vocation à s’amalgamer.

13Plus forte encore est l’analogie qui lie les héros et les gourmands de Ruy Blas et Cyrano de Bergerac[10]. Dans chacune de ces deux pièces, le héros est une figure de poète qui se dédouble dans un personnage d’ami avec lequel il partage un certain nombre de traits caractéristiques. Dans l’acte d’exposition, Ruy Blas fait mention de sa ressemblance avec Don César de Bazan dont il ne connaît pas la véritable identité, identité qu’il sera contraint de revêtir sur ordre de son maître :

14

Nous nous ressemblions au point qu’on nous prenait
Pour frères ; nous chantions dès l’heure où l’aube naît,
Et le soir devant Dieu, notre père et notre hôte,
Sous le ciel étoilé nous dormions côte à côte [11].

15En pointant à la fois cette ressemblance physique et ce mode de vie bohème commun, Ruy Blas établit une gémellité entre Don César et lui, gémellité qui se prolongera dans le plan diabolique de Don Salluste qui chargera son laquais de prendre la place de celui qu’on prenait pour son frère. De même, comme l’a montré Jean Bourgeois dans son article sur la pièce de Rostand [12], Cyrano et Ragueneau sont tous les deux amis, poètes et amoureux malheureux. Leur statut et leur rôle en font des doubles qu’un itinéraire commun accouple tout au long de la pièce. Nous pourrions ainsi envisager les membres de ces deux couples comme les deux faces du grotesque tel que le définit Hugo dans la Préface de Cromwell : « Dans la pensée des modernes, au contraire, le grotesque a un rôle immense. Il y est partout ; d’une part, il crée le difforme et l’horrible ; de l’autre, le comique et le bouffon [13]. » À la difformité du nez de Cyrano et des identités multiples de Ruy Blas et à l’horreur provoquée par l’assassinat de Salluste, répondent le comique et le bouffon qui caractérisent Ragueneau et Don César.

16Ces duos se construisent également autour d’une isotopie alimentaire dont le renversement prend une valeur éminemment comique : à la faim du héros s’oppose la gourmandise de son double. Dans chacune de ces deux pièces le protagoniste est un personnage de poète qui souffre ou a souffert de la faim. Dans l’acte d’exposition, Ruy Blas raconte ce qui l’a conduit à devenir laquais de Don Salluste : « Si bien qu’un jour, mourant de faim sur le pavé,/J’ai ramassé du pain, frère, où j’en ai trouvé :/Dans la fainéantise et dans l’ignominie [14] ». Le manque de nourriture est ce qui a plongé Ruy Blas dans la condition ancillaire qui lui est si douloureuse. Cyrano est de même un héros qui est représenté comme manquant de nourriture. Dans les deux actes qui encadrent la pièce, son dénuement ne lui permet pas de manger à sa faim. « Monsieur… Vous savoir jeûner… le cœur me fend [15]… » se lamente la Distributrice à l’acte I, et Le Bret de commenter à l’acte V : « Ce que je crains, ce n’est pas les attaques, c’est/La solitude, la famine, c’est Décembre/Entrant à pas de loup dans son obscure chambre [16] ». Quant à l’acte IV, le siège d’Arras réduit à l’état de famine l’ensemble du contingent des cadets de Gascogne, y compris donc Cyrano.

17Hugo et Rostand ont placé face à ces deux héros, qu’ils représentent sous le signe de la faim, deux doubles gourmets et gourmands, dont la voracité et le raffinement culinaire somme toute un peu ridicule font l’objet de l’action d’un acte de chacune des deux pièces. L’acte IV de Ruy Blas est celui dans lequel Don César fait son retour après plus de deux actes d’absence et cette réapparition s’effectue justement autour d’une table bien garnie de mets dont il se sert copieusement. Véritable acte bouffon dans lequel tous les ingrédients grotesques de la farce sont présents – nourriture et gloutonnerie, ivrognerie [17], chutes et comique de geste en tous genres – l’acte IV de Ruy Blas, intitulé justement « Don César », fonctionne comme une parenthèse comique dans la construction dramatique de la pièce : tout se passe comme si Ruy Blas, présent à la scène 1 mais absent tout le reste de l’acte, au moment où revient celui à qui appartient son identité d’emprunt, cédait la vedette à son double comique. La gourmandise et la boisson remplacent alors temporairement l’amour et la politique qui dominent le reste de la pièce. De même, l’acte II de Cyrano de Bergerac, intitulé « La Rôtisserie des poètes », se déroule dans « la boutique de Ragueneau, rôtisseur-pâtissier [18] » et fait la part belle à ce personnage qui cumule toute une série de topoï de la farce : gourmand jusqu’au ridicule, dupé par les rimeurs qui profitent de sa générosité, trompé par sa femme qui le cocufie sous son nez, Ragueneau devient le héros d’une farce ou d’un vaudeville qui interrompt temporairement la « Comédie héroïque » de son double et ami Cyrano.

18Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas anodin que le changement de héros pour son double s’opère autour du motif de la gourmandise. Alors que le héros est représenté dans les autres actes comme souffrant de la faim, l’isotopie alimentaire retourne le manque en excès, de telle sorte que le drame sérieux de la faim s’inverse en une comédie de la gourmandise. Le mélange des genres si cher à ces dramaturgies romantiques du xixe siècle trouve ici son plein accomplissement, au travers de ces couples de doubles qui apparient comique et tragique, comme si au fond la gourmandise devenait une parodie du sujet pathétique, tout autant que de son mode d’expression privilégié, à savoir le lyrisme si caractéristique des dramaturgies romantiques.

Poésie et Parodie

19Le théâtre romantique – théâtre de poètes s’il en est – a coutume de faire de ses héros des figures de poètes, des poètes qui réfléchissent le caractère lyrique de la dramaturgie dont ils sont les incarnations métathéâtrales. Le héros romantique brille souvent par de grandes envolées lyriques, des méditations, des prières ou des lamentations insérées au sein du drame [19], et en tant que son double grotesque, le personnage gourmand a aussi droit à ses élans lyriques et autres morceaux de poésie, à ceci près que le sujet en est bien souvent la nourriture. Par là se manifeste particulièrement le processus parodique qui consiste à imiter de manière ludique un modèle tourné en dérision [20]. Rappelons que le mot parodie est une dérivation du mot grec ódè (le chant) et que son sens étymologique est contre-chant, autrement dit la parodie est bien à l’origine l’imitation comique d’une ode, d’un chant, soit d’une forme lyrique : l’utilisation du lyrisme de l’ode ou de l’élégie pour évoquer des gâteaux et des pâtés engendre un effet éminemment comique par le choc d’un ton lyrique et d’un registre de langue élevé rabaissés dans l’évocation de triviales et matérielles réalités. Et c’est précisément dans cette adjonction du discours parodique au discours lyrique, que la parodie retrouve pleinement son sens originel du chant comique à côté du chant lyrique.

20Au sein d’une pièce comme Cyrano de Bergerac qui affirme ostensiblement sa dimension lyrique par la performance de poèmes dans plusieurs de ses scènes, telle la fameuse « Ballade du duel », nous retrouvons ce décalage parodique dans un autre texte poétique récité au cours de la pièce et composé cette fois-ci par le poète pâtissier Ragueneau, à savoir la « recette en vers [21] » des tartelettes amandines :

21

Comment on fait des tartelettes amandines
Battez, pour qu’ils soient mousseux,
     Quelques œufs ;
Incorporez à leur mousse
Un jus de cédrat choisi ;
     Versez-y
Un bon lait d’amande douce ;
Mettez de la pâte à flan
     Dans le flanc
De moules à tartelette ;
D’un doigt preste, abricotez
     Les côtés ;
Versez goutte à gouttelette
Votre mousse en ces puits, puis
     Que ces puits
Passent au four, et, blondines,
Sortant en gais troupelets,
     Ce sont les
Tartelettes amandines [22] !

22Ce texte perçu comme fortement poétique, tant par sa récitation que par le choix de vers qui le démarquent du courant de l’alexandrin, est source de rire parce qu’il célèbre un sujet qui n’aurait pas la dignité de la forme qu’il emploie. Cette « recette en vers » s’inscrit pourtant dans une tradition de la poésie didactique, et plus spécifiquement de la littérature gourmande qui cherche à donner à la gastronomie ses lettres de noblesse par le truchement de la poésie. Il faut replacer le poème de Ragueneau dans la lignée de ceux de Charles Monselet et Achille Ozanne [23], deux de ses représentants les plus fameux, et convenir que, si pour le spectateur le poème de Ragueneau est quelque peu ridicule, pour ce dernier, comme pour le gastronome et le cuisinier qu’étaient Monselet et Ozanne, la poésie gourmande serait plutôt une célébration à prendre au premier degré, ce qu’atteste la valeur métapoétique que le personnage attribue au motif de la cuisine. Il n’y a pour lui aucune différence entre la poésie et la pâtisserie, lui que les rimeurs paient en poèmes et qui a coutume d’utiliser le vocabulaire poétique pour parler de ses créations culinaires : « Vous avez mal placé la fente de ces miches :/Au milieu la césure, – entre les hémistiches [24] ! » À l’image de cette réplique, il conçoit la recette de cuisine comme un véritable art poétique.

23Le pâtissier ne croit pas moins aux « tartelettes amandines » que Cyrano en son amour pour Roxane et c’est précisément la mise en parallèle de ces deux sincérités – celle de la lyrique amoureuse et celle de la poésie gastronomique – qui confèrent à la gourmandise sa valeur parodique. Dans un acte que le héros pensait être celui de la déclaration d’amour, la passion des gâteaux déclenche un contre-chant – une parodie – d’autant plus comique qu’il s’élève, avec la même emphase, tout contre celui de Cyrano.

24Or ce sont les poètes romantiques eux-mêmes qui pratiquent la parodie de ce qui constitue la spécificité de leur propre esthétique. Tout comme Cyrano se moquait de lui-même dans la célèbre tirade du nez, Rostand convoque la référence à la poésie gourmande pour rire des recettes d’un certain lyrisme romantique [25] dont lui-même se sert copieusement. L’utilisation du motif de la gourmandise dans un dispositif parodique relèverait en ce sens de l’autodérision et partant, d’une forme d’ironie si chère aux romantiques [26].

25Le cas d’un monologue lyrique de Maître Bridaine dans On ne badine pas avec l’amour va dans le sens de cette lecture de la gourmandise comme détournement ironique de la grande expression lyrique. À la scène 2 de l’acte II, le curé se lamente sur la perte de la place d’honneur qu’il occupait avant l’arrivée de Maître Blazius :

26

[…] Ô malheureux que je suis ! Un âne bâté, un ivrogne sans pudeur, me relègue au bas bout de la table ! Le majordome lui versera le premier verre de malaga, et lorsque les plats arriveront à moi, ils seront à moitié froids, et les meilleurs morceaux déjà avalés ; il ne restera plus autour des perdreaux ni choux ni carottes. Ô sainte Église catholique ! […] Dieu ! comme il dévorait ! Non, rien ne me restera que des os et des pattes de poulet. Je ne souffrirai pas cet affront. Adieu, vénérable fauteuil où je me suis renversé tant de fois gorgé de mets succulents ! Adieu, bouteilles cachetées, fumet sans pareil de venaisons cuites à point ! Adieu, table splendide, noble salle à manger, je ne dirai plus le bénédicité [27] !

27Si nous pouvons observer ici toute l’expressivité élégiaque de la plainte de celui qui a perdu sa place à table, nous pouvons également y déceler une réécriture parodique de la fin des Caprices de Marianne qu’établit tout particulièrement la série d’anaphores des « Adieu » :

28

Adieu la gaieté de ma jeunesse ; l’insouciante folie, la vie libre et joyeuse au pied du Vésuve ! Adieu les bruyants repas, les causeries du soir, les sérénades sous les balcons dorés ! Adieu Naples et ses femmes, les mascarades à la lueur des torches, les longs soupers à l’ombre des forêts ! Adieu l’amour et l’amitié ! ma place est vide sur la terre [28].

29Au-delà de la structure anaphorique commune, il est frappant de remarquer que la réplique d’Octave est déjà une longue plainte qui déplore la perte d’un mode de vie tourné vers la bonne chère : « les bruyants repas », « les mascarades » et « les longs soupers à l’ombre des forêts » convoquent le motif des plaisirs de la table pour lui opposer l’austérité d’une vie sans Cœlio. Le processus d’imitation est à son comble et la dimension parodique du discours de Bridaine d’autant plus forte qu’il reprend les éléments les plus saillants de celui d’Octave, un personnage qui porte le même prénom que son héros autobiographique de La Confession d’un enfant du siècle. Dans ce jeu de réécriture, la gourmandise devient le truchement de l’autodérision d’un poète qui rit des codes qui fondent sa propre esthétique.

30La gourmandise au théâtre est propice au rire ; elle s’insère parfaitement dans le projet duel de la dramaturgie romantique qui prône le mélange des genres comique et sérieux. Les couples que forment Eliseo et Tragaldabas, Ruy Blas et Don César et plus encore Cyrano et Ragueneau doivent s’interpréter comme la projection métathéâtrale de cette dualité inhérente au théâtre romantique, une dualité qui est aussi duplicité du fait de l’ironie dont elle est porteuse. Dans cette dramaturgie le lyrisme est bien souvent accompagné d’un rire qui le suit comme son ombre – que ce rire soit foncièrement comique ou parfois beaucoup plus sombre. La dualité du romantisme s’exprime dans le dédoublement du héros tout autant que dans la réversibilité du gourmand, qui est certes un être grotesque mais aussi un avatar de l’artiste romantique. La gourmandise met en lumière la tendance de l’esthétique romantique à intégrer sa propre dérision et le gourmand serait alors cette figure métapoétique, dans un perpétuel mouvement de retournement du bouffon au poète et du poète au bouffon.


Date de mise en ligne : 22/01/2020.

https://doi.org/10.3917/rom.186.0040

Notes

  • [1]
    Stendhal, Racine et Shakespeare, Paris, GF, 1970, p. 73.
  • [2]
    J’emploie le terme de théâtre romantique étendu, afin de ne pas circonscrire le théâtre romantique à la seule dramaturgie et à la seule décennie du drame romantique des années 1830. J’inclus dans le théâtre romantique des formes qui ne sont pas à proprement parler des drames romantiques tels que les conçoivent Victor Hugo ou Alexandre Dumas. C’est la raison pour laquelle je m’intéresserai aux proverbes d’Alfred de Musset et à la fantaisie dramatique d’Auguste Vacquerie qui eux aussi appartiennent au théâtre romantique. Cette extension du théâtre romantique n’est pas seulement formelle, mais également temporelle. Les bornes du théâtre qui nous intéresse ici vont largement au-delà de la stricte période qui se situerait entre Cromwell et Les Burgraves. Voilà pourquoi j’inclus également le drame flamboyant d’Edmond Rostand que Gérard Gengembre considérait à la fois comme « fin » et « apothéose » du drame romantique (voir à ce propos Le Théâtre français au xixsiècle, Paris, Armand Colin, 1999, p. 157.).
  • [3]
    Au xixe siècle, la scène de repas ou le motif de la cuisine se rencontrent plus souvent dans les genres comiques, comme le vaudeville, même si la question de la gourmandise n’y est pas forcément abordée frontalement. Citons à titre d’exemples Un dîner à Pantin, ou l’Amphytrion à la diète (1820) de Désaugiers, Gersin et Genty, La Cuisinière mariée (1834) de Louis Couailhac et Marc Michel, Le Quart d’heure de Rabelais (1848) de Jules Verne ou encore Un garçon de chez Véry (1850) d’Eugène Labiche.
  • [4]
    Nous retrouvons de même le motif alimentaire dans au moins deux arlequinades du corpus romantique, sans que les mangeurs y soient nécessairement des gourmands : le Pierrot posthume (1847) de Théophile Gautier et Les Deux Pierrots ou le Souper blanc (1891) d’Edmond Rostand.
  • [5]
    Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, dans Théâtre complet, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1990, p. 260.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    Auguste Vacquerie, Tragaldabas, dans Théâtre complet, t. I, Paris, Calman Lévy, 1879, p. 91.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Ibid., p. 97.
  • [10]
    De nombreuses similitudes rapprochent ces deux pièces. Au-delà des liens qui unissent le drame romantique hugolien et le drame flamboyant rostandien, elles se ressemblent encore davantage par les jeux de rôles auxquels s’adonnent leurs héros respectifs et par la dimension métathéâtrale que cela suppose.
  • [11]
    Victor Hugo, Ruy Blas, dans Théâtre complet I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1963, p. 1517.
  • [12]
    Jean Bourgeois, « La nourriture et la faim dans Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand », dans RHLF, 2010/1, vol. 110, p. 83-92. Voir en particulier la note de la page 90, qui explique avec force détails les points communs entre Cyrano et Ragueneau.
  • [13]
    Victor Hugo, Préface de Cromwell, dans Théâtre complet I, ouvr. cité, p. 418.
  • [14]
    Victor Hugo, Ruy Blas, ouvr. cité, p. 1517.
  • [15]
    Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, dans Théâtre, Paris, Omnibus, 2006, p. 44.
  • [16]
    Ibid., p. 179-180.
  • [17]
    L’ivrognerie apparaît souvent comme le corollaire de la goinfrerie, en raison de l’excès grotesque qui met les deux comportements en parallèle.
  • [18]
    Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, ouvr. cité, p. 55.
  • [19]
    Sur le lyrisme dans le théâtre romantique, voir Ludmila Charles-Wurtz, « Le lyrisme dans Hernani et Ruy Blas : l’anti-théâtre ? », dans Hugo sous les feux de la rampe, Arnaud Laster et Bertrand Marchal (dir.), Paris, Presses Universitaires Paris Sorbonne, 2008 et Nicolas Diassinous, Crise de scène : dramaturgies poétiques du romantisme au symbolisme, Thèse de doctorat sous la direction de Jean-Christophe Cavallin, Aix-Marseille Université, 2018.
  • [20]
    Sur la parodie, voir notamment Gérard Genette, Palimpsestes. La Littérature au second degré, Paris, Le Seuil, coll. « Points essais », 1992.
  • [21]
    Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, ouvr. cité, p. 64.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Voir l’anthologie de Charles Monselet, La Cuisinière poétique, Leipzig, Alphonse Durr, 1859 et le recueil posthume d’Achille Ozanne, Poésies gourmandes. Recettes culinaires en vers, Paris, Lacam, 1900.
  • [24]
    Ibid., p. 56.
  • [25]
    Au-delà de la seule expression lyrique, souvenons-nous aussi de l’importance que le romantisme accorde au mot propre et aux réalités qu’il désigne. Dans cette perspective, la poésie de choses de Ragueneau n’est peut-être que le prolongement parodique d’une littérature qui ambitionnait de faire de la poésie avec du réel, aussi trivial soit-il. Sur le mot propre, voir notamment Le Mot propre et la Périphrase. Du tour précieux à « l’objet tu », Jean-Christophe Cavallin et Jean-Damien Mazaré (dir.), Paris, Classiques Garnier, 2014.
  • [26]
    Sur l’ironie romantique, voir René Bourgeois, L’Ironie romantique. Spectacle et jeu de Mme de Staël à G. de Nerval, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1974 et Pierre Schoentjes, Poétique de l’ironie, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 2001.
  • [27]
    Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, ouvr. cité, p. 268-269.
  • [28]
    Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne, dans Théâtre complet, ouvr. cité, p. 101.
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