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Article de revue

Quand Zola devenait sérieusement pornographe Étude des enjeux de l’écriture pornographique à la fin du XIXe siècle

Pages 76 à 85

Notes

  • [1]
    Louis Ulbach, « La littérature putride », Le Figaro, 23 janvier 1868, n° 23, p. 1 ; Albert Millaud, « Lettres fantaisistes sur Paris : M. Émile Zola », Le Figaro, 1er septembre 1876, n° 245, p. 1-2 ; Ambroise Macrobe, La Flore pornographique : glossaire de l’école naturaliste, extrait des œuvres de M. Émile Zola et de ses disciples, Paris, Doublelzévir éditeur, 1883. Pour l’étude des caricatures, on renverra à Bertrand Tillier, Cochon de Zola ! ou les infortunes caricaturales d’un écrivain engagé, Biarritz, Séguier, 1998, p. 121-127 notamment. Ces critiques ne renvoient pas qu’à la sexualité, mais aussi à tout ce qui contrevient aux valeurs bourgeoises. La Flore pornographique présente ainsi des entrées correspondant à d’autres sujets jugés inconvenants tels que la digestion ou la boisson.
  • [2]
    Émile Zola, « La littérature obscène » dans Le Roman expérimental, Œuvres complètes, Henri Mitterand (dir.), Paris, Nouveau Monde Éditions, 2002-2010, IX, p. 485. Les autres citations des œuvres de Zola sont tirées de cette édition.
  • [3]
    Émile Zola, [Scénario d’une scène d’amour], BnF MS. NAF 18896, MF. 3656. Il s’agit de quatorze feuillets dont le verso constitue des bribes de Son Excellence Eugène Rougon, ce qui permet de proposer la date de 1876. Il a été édité sous le titre [Scénario d’une nouvelle érotique], O. C., VII, p. 463-466 et présenté par Henri Mitterand. On notera que les deux titres retenus édulcorent fortement le contenu du texte. On précisera aussi que les passages en italique dans cette édition sont soulignés sur le manuscrit.
  • [4]
    Ibid., p. 463.
  • [5]
    Alain Pagès et Owen Morgan, Guide Émile Zola, Paris, Ellipses, 2002, p. 61-65. Zola s’était notamment souvenu d’une liaison avec une certaine Berthe pour écrire La Confession de Claude ; pourquoi n’aurait-il pas réitéré le procédé pour écrire sa nouvelle ?
  • [6]
    Zola semble s’être vanté, lors d’un dîner, d’avoir eu avec l’une de ses premières amantes la même pratique que dans le scénario de sa nouvelle : « J’ai fait minette à la femme avec laquelle j’ai perdu mon pucelage, avant de la baiser. » Edmond et Jules de Goncourt, Journal : Mémoires de la vie littéraire, 1866-1886, texte établi par Robert Ricatte, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1989, p. 699.
  • [7]
    Ce dernier mot est plutôt illisible ; en se proposant de lire « musqués », au sens de précieux, on s’autoriserait à y voir un clin d’œil de l’auteur à sa production poétique rapidement abandonnée. Émile Zola, [ « Lettre-préface aux poèmes de jeunesse »], O. C., I, p. 23 : « Au demeurant, je n’ai pu relire mes vers sans sourire. Ils sont bien faibles, et de seconde main, pas plus mauvais pourtant que les vers des hommes de mon âge qui s’obstinent à rimer. » Comme dans La Confession de Claude déjà écrite ou dans L’Œuvre à venir, on hésite plus que jamais à savoir s’il s’agit d’une simple manière de s’identifier au personnage ou s’il y a là trace de vécu.
  • [8]
    Edmond et Jules de Goncourt, ouvr. cité, p. 701. La citation prouve qu’il faut prendre avec précaution les confessions de Zola, enclin à se vanter pour ne pas faire mauvaise figure.
  • [9]
    Henri Mitterand, Zola : l’homme de Germinal, Paris, Fayard, 2001, p. 367.
  • [10]
    Dominique Maingueneau, La littérature pornographique, Paris, Armand Colin, coll. « Lettres et linguistique », 2007, p. 107.
  • [11]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 464 : « Elle ne me permet encore que cela. Elle veut être couverte ; nous faisons cela sous les draps, et sans qu’elle me laisse trop toucher. Cela mettra de la gradation. Un coup bourgeois, la première jouissance. Mais contenue. »
  • [12]
    Ibid., p. 463.
  • [13]
    Peter Cryle, La Crise du plaisir, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Objet », 2003, p. 91-100.
  • [14]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 463.
  • [15]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 463 et 466.
  • [16]
    La thématique de l’itération érotique appartient à tout le XIXe siècle ; Peter Cryle, ouvr. cité, p. 205.
  • [17]
    Il n’y a pas d’intrigue véritable, mais un enchaînement de scènes ; Dominique Maingueneau, ouvr. cité, p. 47. Cette simplicité correspond aussi à une évolution du genre qui voit les préliminaires s’amenuiser au profit d’un acte sexuel plus franc, voire brutal ; Peter Cryle, ouvr. cité, p. 121-122. On pourrait cependant nuancer cette simplicité en voyant la trace d’un enchâssement des récits lorsqu’Adèle parle de son mari, « comment il baise », ou que le narrateur compare son sexe à d’autres. Mais le scénario ne les mentionne que trop évasivement pour leur accorder une grande importance.
  • [18]
    La performance est à l’origine même de la pornographie, d’où ces coups répétés ; Dominique Maingueneau, ouvr. cité, p. 34.
  • [19]
    Même si aucun détail ne vient l’accréditer, il y aurait sans doute eu ici recherche d’une position extraordinaire, la course à l’innovation étant aussi caractéristique du roman pornographique.
  • [20]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 463. La présentation d’Adèle révèle les doutes de Zola qui a corrigé vingt-huit ans en vingt-cinq. Mais si Adèle est plus âgée que l’homme de deux ans, ce changement contrevient au début du manuscrit où son amant doit avoir entre vingt-cinq et trente ans. De même, Zola ne sait déterminer si elle est boutiquière, femme d’employé ou épouse d’un homme riche.
  • [21]
    Ibid., p. 465.
  • [22]
    Ibid., p. 463.
  • [23]
    Ibid., p. 463.
  • [24]
    Ibid., p. 466.
  • [25]
    Idem. Cette tension est perceptible dans d’autres manuscrits de Zola. Dans celui de Nana par exemple, on retrouve les initiales « p. » pour « putain », « b. » pour « baiser » ou les mots les plus crus. Philippe Hamon souligne la pudeur des dossiers préparatoires comme si quelqu’un avait dû les lire ; Émile Zola, Dossier préparatoire de Nana, BnF, MS. NAF 10313, f°65r, 69r, etc. ; Philippe Hamon (dir.), Le Signe et la Consigne. Essai sur la genèse de l’œuvre en régime naturaliste. Zola, Genève, Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire », 2009, p. 22.
  • [26]
    L’entrée « cochon » apparaît d’ailleurs, avec une citation de Zola, dans La Flore pornographique. Le mot lui-même était jugé typiquement naturaliste ; Ambroise Macrobe, ouvr. cité, p. 62.
  • [27]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 465.
  • [28]
    Ibid., p. 463 et 465.
  • [29]
    Comme pour les mots grossiers, Zola se refuse à décrire des « saletés », mais livre en même temps le détail de pratiques obscènes comme « le doigt dans le derrière, élastique » ou les lavages à propos desquels il avait écrit de les montrer « à peine » — remplacé finalement par « en plein même ». Au nom du réalisme, il s’agit là encore de tout montrer mais sans en faire trop pour ne pas écœurer.
  • [30]
    Ibid., p. 466.
  • [31]
    Émile Zola, « La littérature obscène » dans Le Roman expérimental, ouvr. cité, p. 484-485.
  • [32]
    Dominique Maingueneau, ouvr. cité, p. 26.
  • [33]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 464
  • [34]
    Ibid., p. 465 et 466.
  • [35]
    Jacqueline Carroy, « “Je ne veux pas faire rire” : la sexualité de et selon Zola », dans Zola et les historiens, Michèle Sacquin (dir.), Paris, Bibliothèque nationale de France, 2004, p. 104-117.
  • [36]
    Émile Zola, Une page d’amour, O. C., VIII, p. 439 ; Dominique Maingueneau analyse, p. 46, cette ellipse propice à l’irruption du récit pornographique.
  • [37]
    Ainsi lit-on, dans La Curée, « Ce fut le seul murmure de ses lèvres. Dans le grand silence du cabinet, où le gaz semblait flamber plus haut, elle sentit le sol trembler et entendit le fracas de l’omnibus des Batignolles qui devait tourner le coin du boulevard. Et tout fut dit. » ; dans Le Ventre de Paris, « Ils avaient bouleversé le lit, les draps pendaient, l’or, sur l’oreiller qui les séparait, faisait des creux, comme si des têtes s’y étaient roulées, chaudes de passion » ; dans La Faute de l’Abbé Mouret, « Albine se livra. Serge la posséda. Et le jardin entier s’abîma avec le couple, dans un dernier cri de passion ». Émile Zola, La Curée, O. C., V, p. 127 ; Le Ventre de Paris, O. C., V, p. 283 ; La Faute de l’Abbé Mouret, O. C., VII, p. 144.
  • [38]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 463.
  • [39]
    Jacqueline Carroy, « “Je ne veux pas faire rire” : la sexualité de et selon Zola », dans Zola et les historiens, ouvr. cité, p. 115.
  • [40]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 464.
  • [41]
    Émile Zola, L’Argent, O. C., XIV, p. 396.

1 Tout au long de sa carrière, Zola fut taxé de pornographie par ses détracteurs qui entendaient sous cette accusation la représentation complaisante de détails obscènes sans que ceux-là aient trait à la seule sexualité. On connaît la célèbre critique de Louis Ulbach qui dénonçait dans Thérèse Raquin la « littérature putride » contemporaine, celle d’Albert Millaud qui voyait dans L’Assommoir non pas du réalisme et de la crudité, mais de la malpropreté et de la pornographie, celle signée Ambroise Macrobe dans sa Flore pornographique, ou encore les caricatures qui associèrent Zola à un porc pour faire de lui un auteur vulgaire écrivant des « cochonneries » naturalistes [1]. Face à ces attaques récurrentes, Zola adopta toujours l’ethos d’un homme pudique comme il en fit l’aveu dans une étude du Roman expérimental intitulée « La littérature obscène » : « Je ne me sens pas gai du tout, pas aimable, pas polisson, incapable de chatouiller les dames [2]. » Les charges à son encontre relèveraient donc de ce paradoxe injuste que l’auteur le plus prude fût celui à qui l’on fit le plus reproche d’indécence et de grossièreté.

2 À vrai dire, il importe peu de savoir si l’individu Zola fut d’humeur puritaine ou non. Comme il l’exigeait de ses adversaires, c’est sur son œuvre qu’il faut le juger. Or il existe de lui un texte explicitement pornographique au sens moderne d’évocation concrète et obscène de la sexualité. Il s’agit d’un manuscrit méconnu dont la composition remonte probablement à 1876, demeuré à l’état d’ébauche, jamais imprimé et qui constitue le scénario d’une nouvelle érotique [3]. Son texte, divisé en trois parties, expose d’abord les finalités d’écriture de l’auteur, puis l’intrigue à proprement parler avant de rappeler les détails à fournir. Toute l’action de la nouvelle tient en une seule nuit qu’un jeune homme partage avec une femme plus âgée et mariée, prénommée Adèle, et cette nuit adultérine devient prétexte à raconter les « sept coups tirés » par les deux protagonistes, à « aller jusqu’au bout des descriptions et des sensations, par-delà ce qui est permis à un romancier écrivant pour le public [4] ». Cette nuit d’amour se déroule dans une chambre de garçon ; le jeune homme est un employé de bureau et la femme l’épouse de son supérieur, faisant ainsi correspondre l’ébauche développée aux mœurs bourgeoises du temps.

3 Aussi ce scénario témoigne-t-il, par le dévoilement d’une situation intime où les interdits moraux les plus rigoristes sont levés, de l’écriture et de la possible réception d’une œuvre obscène dans la société du second XIXe siècle. Il nous permet par ailleurs d’approfondir notre connaissance de l’œuvre de Zola en relisant ce texte à l’aune de la carrière du romancier et en nous demandant pourquoi, vers 1876, celui-ci fut tenté d’expérimenter la littérature pornographique, ce qu’il chercha à en faire et en quoi ce texte avorté peut être relié à d’autres pages de ses romans, brûlantes ou non.

L’AMBITION DE PROVOQUER

4 Comment justifier cette étonnante entreprise ? Dans le contexte d’un rigorisme bourgeois triomphant, souvenons-nous que les années bohèmes du jeune Zola semblent avoir été ponctuées de relations passionnées dans les mansardes du Quartier latin [5] ; Adèle correspond ainsi à « la femme comme tout le monde en baise, que je baise comme tout le monde [6] », à qui tout amant novice s’adresse « d’un ton de poète récitant des vers musqués [7] ». Plus tard, le romancier fréquenta des auteurs rêvant de s’affranchir du puritanisme bien-pensant. Dans une rivalité à qui serait le plus indécent, le « dîner des cinq » donna lieu à des discussions graveleuses dont il ne fut pas en reste : « Zola est un cochon grossier et brut, dont la cochonnerie se dépense tout entière dans la copie [8]. » Si en 1877, il n’assista pas à la deuxième représentation de la libidineuse Feuille de rose de Maupassant [9], sans doute faut-il voir, dans ces moments de libération morale collectifs mais privés, une première motivation à s’essayer lui aussi à l’aventure pornographique. Comme pour les futures Soirées de Médan, le groupe fut peut-être à l’origine du projet d’écriture et Zola, de concert ou non avec les siens, aurait alors ambitionné des stupra, parce que ces mêmes stupra représentaient un moyen radical de rejeter une austère moralité qui risquait de s’imposer en littérature.

5 On peut penser qu’il fut lui aussi motivé par une volonté de braver les interdits touchant à l’intimité et la chasteté féminines, lui qui, de toute façon, avait déjà été jugé comme romancier de la bassesse à la parution de Thérèse Raquin. L’analyse de son scénario se prête volontiers à cette hypothèse où les vêtements de l’amante et l’état de la chambre sont autant d’indices de la déchirure des conventions bourgeoises et de la rupture des codes dominants devant l’expression du désir [10]. Le cloisonnement feutré de la garçonnière indique, à la manière d’un boudoir, la discrétion et la licence du commerce qui adviendra en ces lieux. Dès lors, tandis qu’à son arrivée Adèle ne « montre pas un bout de peau », son déshabillement est progressif : le premier « coup » s’opère encore vêtu, le deuxième en chemise et sous les draps [11], le troisième dans des dessous prêts à tomber pour de bon, si bien qu’il faut voir dans cette succession l’« étude de la femme qui enlève toute sa pudeur convenue et les conventions dans lesquelles on l’a connue jusque-là, en enlevant son dernier jupon [12] ». La nudité retrouvée coïncide avec le désordre croissant de la chambre. S’il est une nécessité du roman pornographique de malmener les affaires [13], le linge pêle-mêle, les cuvettes traînantes représentent ici autant de troubles de la bourgeoisie ordonnée.

6 En se souvenant que le mot « pornographie » dérive de la pornè — la prostituée —, une conclusion s’impose : cette Adèle « très gaie, très grasse, très bonne femme, très bourgeoise même, aimant ça et s’en mettant jusque-là, une nuit qu’elle fait la garce », est ici ravalée au rang de fille de joie [14] ; le scénario se fait dégradant en ce que la bourgeoise s’avilit d’elle-même pour se dénuder et se dénuer de toute morale. Et il n’est pas contradictoire que le fond de la nouvelle reste conservateur : les amants dorment ensemble, parlent des enfants et du mari qu’ils trompent, s’en tiennent à leur situation d’adultère par goût de l’interdit et du mensonge. À l’image de ses personnages, l’écriture licencieuse ne s’affranchit pas des codes sociaux, mais les pervertit.

DEUX MAÎTRES MOTS : STYLE ET VÉRITÉ

7 Comme dans toute pornographie, le synopsis est secondaire. Zola lui-même n’en a qu’une vague idée : « détails très brefs. Pas d’histoire », note-t-il, « faire sentir ce qui a pu amener la nuit, uniquement pour donner un acte civil à la femme et avoir une base réelle », avant de reprendre plus loin, « peut-être une histoire parallèle qui filerait avec les coups, une affaire que je dois faire avec le mari, ou un mariage de parent ; enfin quelque chose à trouver, opposition. Mais très léger en tout cas, et uniquement pour servir de fond réel [15] ». L’histoire sera donc sommaire ; ce qui importe, c’est de créer un arrière-plan réaliste assez vague pour laisser libre champ au scénario pornographique. Ce dernier adopte la structure répétitive d’un récit à tiroirs, subdivisé en autant de moments que de « coups tirés ». Sept différents se succèdent ; contraints à réitérer leurs exploits, les protagonistes varient seulement les positions [16] ; logique élémentaire du roman pornographique où, par une juxtaposition de scènes [17], la performance sous-tend l’organisation du récit [18]. Non seulement les amants font l’amour sept fois dans une même nuit, mais leur vigueur est mise en avant puisque lui « bande comme un bœuf » et que l’intensité graduée des plaisirs est soulignée entre les corps qui se tordent, les jouissances criées d’une voix croissante jusqu’au dernier accouplement qui relève d’un « coup fou dans une position extraordinaire. Presque de la douleur [19] ». Il y a là un art du nombre : si aucune insistance n’est faite sur le chiffre des sept « coups » tirés, la symbolique n’en est pas moins forte et correspond à la volonté de multiplier les plaisirs pour atteindre précisément le septième ciel.

8 Le fond du scénario, quant à lui, repose, de façon canonique, sur l’éducation et l’épanouissement de ceux que la société et sa morale ont bridés. Qui dirige l’autre ? A priori, la femme laisse faire, fidèle en cela à maints écrits pornographiques où le prestige de l’homme dans l’enseignement sexuel est assuré. Dès la première ligne, le point de vue est masculin et généralisant ; il s’agit de raconter « la nuit que tout homme a eue, entre vingt-cinq et trente ans ». L’homme est plus entreprenant et brusque sa maîtresse qui peut montrer des regrets, voire du mécontentement, quoique l’acte viril paraisse nécessaire pour satisfaire celle qui a « des besoins de tempérament ». Pourtant, à y regarder de plus près, l’auteur semble avoir hésité entre ce choix et celui inverse : l’éducation du jeune amant. L’âge et la maturité tournent à l’avantage de la femme « plus âgée que l’homme de deux ans », d’une position sociale dominante et décrétée « savante en amour [20] ». La sexualité est tournée vers l’objet féminin comme le montrent les deux scènes de cunnilingus, prétexte à une étude physionomique du con découvert par l’homme. Aucune fellation au contraire : « Me prend-elle la p.?, à voir, mais je ne crois pas [21] » ; peu de remarques sur l’aspect, l’odeur, le goût du sexe mâle : Adèle sait de quoi il retourne et il est inutile d’insister. Est-ce alors la femme qui enseigne l’homme inexpérimenté ou l’homme qui libère la femme des contraintes qui pèsent sur elle ? Force est de reconnaître qu’en l’état de son texte Zola ne sut choisir et qu’il y mit un peu des deux. D’un côté, Adèle montre ses réticences avant de se lâcher complètement ; de l’autre, son séducteur fait preuve d’une impatience fébrile quitte à se jeter sur sa maîtresse. Zola perdait là en efficacité ; ces hésitations expliquent sans doute, entre autres raisons, l’abandon du manuscrit.

9 Quel est par ailleurs le vocabulaire employé et le ton adopté ? Sans analyser l’intégralité du lexique, deux éléments sont éclairants : l’onomastique limitée à un seul prénom mais à la signification riche dans l’univers zolien, et les mots crus sous forme abrégée ou complète. Le prénom est celui de la femme, Adèle, tandis que son amant demeure anonyme. Or il existe d’autres Adèle chez Zola : la domestique de Pot-Bouille, Madame Sourdis, la femme de chambre de Renée, la sœur de Ragu dans Travail. Surtout, ce prénom est celui auquel songeait l’auteur pour évoquer une liaison adultérine puisqu’au début de L’Assommoir — roman peu ou prou contemporain du manuscrit — Lantier trompe Gervaise avec une dénommée Adèle, sœur de Virginie Poisson. Ainsi le retour du même prénom, parmi les plus communs de l’époque, signifie que Zola cherchait la platitude pour sa nouvelle. Il s’y exhorte lui-même : « Je le répète, je fais l’ordinaire, sans rien de bizarre ni de monstrueux [22]. » Le portrait d’Adèle la montre quelconque, très « terre à terre, et dans la banalité grandiose [23] ». C’est une étude de mœurs entreprise pour dire « en un mot, la vérité sur une bourgeoise, comment ça se passe[24] ». Là résidait toute la difficulté du scénario pornographique souvent extravagant et improbable aux yeux d’un écrivain réaliste.

10 Ce souci de vérité poussa Zola à s’interroger sur la nécessité de figurer des obscénités. Nouvelle hésitation, voire contradiction de l’auteur qui cherche à faire vrai, à montrer la poussée brutale des corps, mais aussi à faire sérieux et non vulgaire. S’il s’astreint au départ à ne pas prononcer de mots crus, cette consigne est impossible à tenir. Lui-même le sait bien, « la difficulté est de tout nommer sans sortir du vocabulaire chaste [25] ». Aussi ne s’étonne-t-on pas de voir apparaître des mots sales sous formes d’abréviations pudiques comme « c. », « g. », « p. », de mots complets comme « con », de tournures argotiques comme « faire mimi », « tirer un coup », d’expressions sans équivoque comme « je ne débande pas », « une nuit de cul ». Certes, il n’y a là qu’ébauche d’une œuvre de toute façon avortée, rien ne dit que les termes employés dans le manuscrit auraient été ceux du texte définitif ; mais la dernière partie intitulée « les détails à répartir » aurait en tout cas figuré et développe justement une série de clichés obscènes parmi lesquels la physionomie des sexes, la comparaison des ardeurs sexuelles, les pratiques perverses et les mots « cochons ».

11 Au final, les vulgarités foisonnent, il y a écart entre le projet d’écriture et le ton adopté. Car le mot cru, moins symptomatique d’un délire verbal pervers que d’une intensité des plaisirs, relève d’un vocabulaire spécifique au genre avec lequel il faut composer : « Je suis pris du besoin de lui dire des mots cochons [26] », souligne le narrateur. Bribe d’un discours intimiste érotique profondément stimulant, il équivaut à une exclamation. Lorsqu’Adèle craint de réveiller les voisins, qu’elle ne peut s’empêcher de clamer « oh ! C’est bon, c’est bon », « pas si fort ! on va t’entendre [27] », nul doute qu’il s’agit encore d’un marqueur de vérité. Tout dire par le pouvoir de l’écriture, y compris la part indicible de la jouissance sexuelle, et le dire au plus près de la réalité est un idéal zolien récurrent : loin d’être signe de débauche, les mots sales sont au contraire un moyen d’exprimer les pulsions obscènes, de nommer l’innommable, quitte à sacrifier la bienséance. Ils permettent l’exhaustivité, ils sont l’expression ultime du réalisme.

12 Cette volonté de faire vrai rejaillit sur le style que Zola veut sérieux et pur. « Le mot cru fait rire, dit-il d’emblée, et je ne veux pas faire rire. Je ne veux pas non plus faire cochon, tout en faisant très ardent » ; il s’agit de « faire irrésistible. Très châtié. Éviter qu’on rie. En style d’une pureté irréprochable [28] ». Sérieux et pureté sont ici synonymes d’austérité et de naturel. Tout se passe comme si l’auteur était tiraillé entre une écriture outrancière et la volonté de demeurer sobre [29]. Lui-même semble en être conscient et ne paraît pas percevoir l’écriture pornographique comme un exercice facile, mais comme un grand écart périlleux entre les contraintes du genre et les siennes propres : « La difficulté sera de garder le ragoût du style, sans tomber dans la description complaisante des ordures [30]. » Aspirait-il à écrire une nouvelle impudique sérieuse ? Voulait-il faire de la pornographie artiste ? Autrement dit, le texte, s’il avait été mené à terme, aurait-il cessé d’être de l’ordre des curiosa pour être de l’ordre de la littérature ? L’interrogation est là encore révélatrice de ses ambitions : Zola fut tenté par une nouvelle érotique qui lui aurait sans doute permis de déployer toute l’amplitude de son talent, mais qui en aucun cas ne l’aurait discrédité. La différence entre une pornographie médiocre et une autre respectable résidait dans la qualité de l’écriture. On pouvait tout écrire du moment que l’on écrivait bien. Quelques années plus tard, il défendit le Gil Blas et ses articles à connotation polissonne ; contre ceux qui hurlaient à l’obscénité, il déclara :

13

[I] l y a eu des histoires absolument grossières ; non pas que j’en blâme l’inspiration, car je condamnerais par là même Rabelais, La Fontaine et d’autres encore que j’estime ; mais en vérité ces histoires étaient trop mal écrites. Telle est toute ma querelle. On est très coupable, quand on écrit mal ; en littérature, il n’y a que ce crime qui tombe sous mes sens, je ne vois pas où l’on peut mettre la morale, lorsqu’on prétend la mettre ailleurs. Une phrase bien faite est une bonne action [31].

LA PLACE DU SCÉNARIO DANS L’ŒUVRE DE ZOLA

14 Par sa présentation directe du sexe, par le point de vue masculin adopté, la quantité brutale des actes et l’évocation de sujets bas, le scénario de Zola est clairement pornographique [32]. On ne peut parler de grivoiserie à la différence de L’Assommoir où l’épisode de l’oie mêle la sexualité au repas partagé, ni d’érotisme plus ambivalent et poétique comme dans La Curée. Pourtant, ce scénario reste original car l’auteur, s’il veut écrire simplement, ne veut pas écrire facilement, visant non pas un vulgaire texte mais bien une œuvre littéraire. Dès lors, son étude n’a de sens qu’en lien avec d’autres titres de Zola, nous permettant d’élargir notre connaissance de l’auteur pour mieux comprendre la construction intellectuelle de passages de ses romans les plus célèbres. Loin d’être un raté de sa production, ce scénario participe en réalité de son évolution.

15 Comme souvent, il y a d’abord échos avec d’autres adultères où la même banalité est recherchée. L’arrivée d’Adèle sous la pluie évoque celle de Christine dans L’Œuvre, la liaison avec l’épouse d’un supérieur celle d’Octave Mouret dans Pot-Bouille, les propos sur le mari ceux de Jacques et de Séverine dans La Bête humaine. Mais derrière ces situations anodines, on retrouve surtout les pulsions érotiques dans ce qu’elles ont de plus sombre. Deux détails du manuscrit relèvent de leitmotive bien connus. Le premier accouplement est le « premier coup du mâle, sans raffinement [33] » caractéristique de la sauvagerie atavique de nombre d’amants zoliens ; Adèle, quant à elle, a « de la bête entre les cuisses », sa voracité à « manger la p. [34] » de son compagnon annonce déjà l’appétit bestial d’une Nana.

16 Jacqueline Carroy relie, pour sa part, le texte à Une page d’amour en avançant que dans l’un, Zola écrit ce qu’il élude dans l’autre [35]. La fin de la quatrième partie du roman voit en effet deux adultères — ceux de Juliette Deberle et Malignon, d’Henri Deberle et Hélène Mouret — se dérouler, un jour d’averse, dans une semblable alcôve capitonnée, agrémentée de rideaux et d’un feu de cheminée. Si le premier rendez-vous échoue in extremis, le second a bien lieu concrétisant la liaison jusque-là platonique des personnages. Mais surtout la scène se conclut par une ellipse sur cette concrétisation, laissant Hélène à la porte de la chambre et ne la retrouvant que plus tard à sa sortie [36]. L’histoire d’Une page d’amour ne coïncide certes pas avec tous les détails de notre scénario, mais montre que notre nouvelle dévoile au grand jour ce que Zola passait sous silence dans sa production. Ses romans écrits jusque dans les années 1875-1880, loin de montrer des scènes sexuelles explicites, les cachaient sous des phrases laconiques, lourdes de sous-entendus ou détournées de leur sujet [37]. En un mot, le début de la carrière de Zola sonne comme un moment de non-dit sexuel où chaque scène est éludée, à la différence de la fin où il n’y a plus d’hésitation à montrer les réalités du plaisir. Notre scénario, laissant dire ce qui ne pouvait être dit ailleurs mais qui devait être dit un jour, aurait alors permis de suppléer les séquences pornographiques avortées, réduites à de seules micro-séquences par la longueur et le degré d’explicitation. « Dans nos histoires d’amour, écrit Zola, quand nous arrivons au dénouement final, à l’acte sexuel, nous nous arrêtons, nous ne mettons qu’un mot ; eh bien ! tout dire, continuer à décrire et à analyser la jouissance, avec mes procédés de romancier réaliste et coloriste [38]. » La visée n’est pas tant celle de l’écrivain cherchant la pornographie pour elle seule, mais voulant servir ses objectifs réalistes : « Zola refuse de susciter le rire. Il s’agit plutôt pour lui d’aller jusqu’au bout du propos naturaliste de tout dire, en transgressant les interdits portant sur la description de l’acte sexuel. C’est donc un défi de romancier réaliste plus qu’un défi grivois que Zola cherche à relever [39]. »

17 Allons plus loin pour finir en tâchant de voir là un tournant de l’écriture zolienne. Si les romans ultérieurs montrent la sexualité de manière explicite et choquante, cela coïncide avec l’abandon du genre pornographique. Autrement dit, Zola, renonçant à rédiger une œuvre obscène à part entière, décida de l’inclure dans ses œuvres, ce qui lui permettait de préserver son image de sérieux, d’aller au bout de son idéal d’écriture et de vendre. De fait, les exemples ne manquent pas dans les romans tardifs, du viol incestueux de La Terre à celui in fine consenti de Travail. Le passage le plus représentatif en est sans doute dans L’Argent où, dans un même décor, le cunnilingus du manuscrit devient une fellation interrompue. En comparant les deux extraits on est frappé de la ressemblance des positions, des regards, du vocabulaire. Quand il s’agit de « faire mimi », Adèle

18

n’a plus que sa chemise et se renverse en riant au bord du lit. Alors la femme pâmée au bord du lit, la chemise roulée et retroussée jusqu’aux seins, les jambes traînant à terre sur le tapis, la tête renversée et cachée sous ses bras repliés. On voit des bouts de pieds jusqu’au-dessous des seins, le ventre, les hanches, les cuisses, etc. Le con, à demi ouvert, entrevu pour la première fois [40].

19 Quand il s’agit de s’adonner à la pratique inverse,

20

devant le grand feu, aux braises ardentes, Saccard était sur le dos, couché au bord de la chaise longue, n’ayant gardé que sa chemise, qui, roulée, remontée jusqu’aux aisselles, découvrait, de ses pieds à ses épaules, sa peau brune, envahie avec l’âge d’un poil de bête ; tandis que la baronne, entièrement nue, toute rose des flammes qui la cuisaient, était agenouillée ; et les deux grosses lampes les éclairaient d’une clarté si vive, que les moindres détails s’accusaient, avec un relief d’ombre excessif [41].

21 La similitude est notable, il n’y eut qu’à transposer et à varier une scène avortée pour en faire une autre définitive.

22 Ainsi le manuscrit de Zola est bel et bien représentatif de la littérature pornographique où la sexualité est montrée sans ambages ni ambiguïtés. Loin de la posture de chasteté, le naturalisme de l’écrivain impliquait une écriture de l’obscénité. Aboutissement logique de sa méthode, il fallait représenter le corps et ses pudenda. Alors même qu’il fustigeait à cette époque les débauches secrètes de la bourgeoisie, Zola n’en demeurait pas moins fasciné par les relâchements honteux que le plaisir suscite, par cette bestialité banale et extraordinaire à la fois qui fait se métamorphoser l’individu dès qu’il s’agit de sexe. Mieux, on sent sa chair frissonner quand il écrit ces lignes, on sent l’auteur faire corps avec ce « je » et devenir véritablement pornographe. S’il est des livres qu’on ne lit que d’une main, il est des textes qu’on écrit pareillement.

23 Cependant, l’écrivain semble aussi avoir voulu donner ses lettres de noblesse à la pornographie en soignant le style et le réalisme de son texte. Il se heurtait là à une aporie, d’autant que traitée seule la pornographie allait à l’encontre du projet de publier massivement. Sans renoncer à l’ambition de montrer le corps dans sa vérité, Zola n’avait d’autre choix que d’associer cette audace à ses romans à venir. Dès lors, ceux-ci, avec leur cortège d’incestes, de viols, d’inversion des rôles et de sadisme doivent beaucoup à ce texte moins mineur qu’il n’y paraît en termes d’évolution d’écriture et de stratégie de carrière. Son ébauche s’approche d’autres passages achevés et jugés scandaleux parce que Zola y avait déjà pressenti l’importance du sexe. Il fut tenté de le traiter explicitement et à part pour décider finalement de le fondre dans ses autres textes. Sous couvert de réalisme se concrétisait l’intuition que la sexualité devait parsemer un roman pour contribuer à son succès — preuve, s’il en était encore besoin, de la modernité de l’écriture zolienne.

Notes

  • [1]
    Louis Ulbach, « La littérature putride », Le Figaro, 23 janvier 1868, n° 23, p. 1 ; Albert Millaud, « Lettres fantaisistes sur Paris : M. Émile Zola », Le Figaro, 1er septembre 1876, n° 245, p. 1-2 ; Ambroise Macrobe, La Flore pornographique : glossaire de l’école naturaliste, extrait des œuvres de M. Émile Zola et de ses disciples, Paris, Doublelzévir éditeur, 1883. Pour l’étude des caricatures, on renverra à Bertrand Tillier, Cochon de Zola ! ou les infortunes caricaturales d’un écrivain engagé, Biarritz, Séguier, 1998, p. 121-127 notamment. Ces critiques ne renvoient pas qu’à la sexualité, mais aussi à tout ce qui contrevient aux valeurs bourgeoises. La Flore pornographique présente ainsi des entrées correspondant à d’autres sujets jugés inconvenants tels que la digestion ou la boisson.
  • [2]
    Émile Zola, « La littérature obscène » dans Le Roman expérimental, Œuvres complètes, Henri Mitterand (dir.), Paris, Nouveau Monde Éditions, 2002-2010, IX, p. 485. Les autres citations des œuvres de Zola sont tirées de cette édition.
  • [3]
    Émile Zola, [Scénario d’une scène d’amour], BnF MS. NAF 18896, MF. 3656. Il s’agit de quatorze feuillets dont le verso constitue des bribes de Son Excellence Eugène Rougon, ce qui permet de proposer la date de 1876. Il a été édité sous le titre [Scénario d’une nouvelle érotique], O. C., VII, p. 463-466 et présenté par Henri Mitterand. On notera que les deux titres retenus édulcorent fortement le contenu du texte. On précisera aussi que les passages en italique dans cette édition sont soulignés sur le manuscrit.
  • [4]
    Ibid., p. 463.
  • [5]
    Alain Pagès et Owen Morgan, Guide Émile Zola, Paris, Ellipses, 2002, p. 61-65. Zola s’était notamment souvenu d’une liaison avec une certaine Berthe pour écrire La Confession de Claude ; pourquoi n’aurait-il pas réitéré le procédé pour écrire sa nouvelle ?
  • [6]
    Zola semble s’être vanté, lors d’un dîner, d’avoir eu avec l’une de ses premières amantes la même pratique que dans le scénario de sa nouvelle : « J’ai fait minette à la femme avec laquelle j’ai perdu mon pucelage, avant de la baiser. » Edmond et Jules de Goncourt, Journal : Mémoires de la vie littéraire, 1866-1886, texte établi par Robert Ricatte, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1989, p. 699.
  • [7]
    Ce dernier mot est plutôt illisible ; en se proposant de lire « musqués », au sens de précieux, on s’autoriserait à y voir un clin d’œil de l’auteur à sa production poétique rapidement abandonnée. Émile Zola, [ « Lettre-préface aux poèmes de jeunesse »], O. C., I, p. 23 : « Au demeurant, je n’ai pu relire mes vers sans sourire. Ils sont bien faibles, et de seconde main, pas plus mauvais pourtant que les vers des hommes de mon âge qui s’obstinent à rimer. » Comme dans La Confession de Claude déjà écrite ou dans L’Œuvre à venir, on hésite plus que jamais à savoir s’il s’agit d’une simple manière de s’identifier au personnage ou s’il y a là trace de vécu.
  • [8]
    Edmond et Jules de Goncourt, ouvr. cité, p. 701. La citation prouve qu’il faut prendre avec précaution les confessions de Zola, enclin à se vanter pour ne pas faire mauvaise figure.
  • [9]
    Henri Mitterand, Zola : l’homme de Germinal, Paris, Fayard, 2001, p. 367.
  • [10]
    Dominique Maingueneau, La littérature pornographique, Paris, Armand Colin, coll. « Lettres et linguistique », 2007, p. 107.
  • [11]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 464 : « Elle ne me permet encore que cela. Elle veut être couverte ; nous faisons cela sous les draps, et sans qu’elle me laisse trop toucher. Cela mettra de la gradation. Un coup bourgeois, la première jouissance. Mais contenue. »
  • [12]
    Ibid., p. 463.
  • [13]
    Peter Cryle, La Crise du plaisir, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Objet », 2003, p. 91-100.
  • [14]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 463.
  • [15]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 463 et 466.
  • [16]
    La thématique de l’itération érotique appartient à tout le XIXe siècle ; Peter Cryle, ouvr. cité, p. 205.
  • [17]
    Il n’y a pas d’intrigue véritable, mais un enchaînement de scènes ; Dominique Maingueneau, ouvr. cité, p. 47. Cette simplicité correspond aussi à une évolution du genre qui voit les préliminaires s’amenuiser au profit d’un acte sexuel plus franc, voire brutal ; Peter Cryle, ouvr. cité, p. 121-122. On pourrait cependant nuancer cette simplicité en voyant la trace d’un enchâssement des récits lorsqu’Adèle parle de son mari, « comment il baise », ou que le narrateur compare son sexe à d’autres. Mais le scénario ne les mentionne que trop évasivement pour leur accorder une grande importance.
  • [18]
    La performance est à l’origine même de la pornographie, d’où ces coups répétés ; Dominique Maingueneau, ouvr. cité, p. 34.
  • [19]
    Même si aucun détail ne vient l’accréditer, il y aurait sans doute eu ici recherche d’une position extraordinaire, la course à l’innovation étant aussi caractéristique du roman pornographique.
  • [20]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 463. La présentation d’Adèle révèle les doutes de Zola qui a corrigé vingt-huit ans en vingt-cinq. Mais si Adèle est plus âgée que l’homme de deux ans, ce changement contrevient au début du manuscrit où son amant doit avoir entre vingt-cinq et trente ans. De même, Zola ne sait déterminer si elle est boutiquière, femme d’employé ou épouse d’un homme riche.
  • [21]
    Ibid., p. 465.
  • [22]
    Ibid., p. 463.
  • [23]
    Ibid., p. 463.
  • [24]
    Ibid., p. 466.
  • [25]
    Idem. Cette tension est perceptible dans d’autres manuscrits de Zola. Dans celui de Nana par exemple, on retrouve les initiales « p. » pour « putain », « b. » pour « baiser » ou les mots les plus crus. Philippe Hamon souligne la pudeur des dossiers préparatoires comme si quelqu’un avait dû les lire ; Émile Zola, Dossier préparatoire de Nana, BnF, MS. NAF 10313, f°65r, 69r, etc. ; Philippe Hamon (dir.), Le Signe et la Consigne. Essai sur la genèse de l’œuvre en régime naturaliste. Zola, Genève, Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire », 2009, p. 22.
  • [26]
    L’entrée « cochon » apparaît d’ailleurs, avec une citation de Zola, dans La Flore pornographique. Le mot lui-même était jugé typiquement naturaliste ; Ambroise Macrobe, ouvr. cité, p. 62.
  • [27]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 465.
  • [28]
    Ibid., p. 463 et 465.
  • [29]
    Comme pour les mots grossiers, Zola se refuse à décrire des « saletés », mais livre en même temps le détail de pratiques obscènes comme « le doigt dans le derrière, élastique » ou les lavages à propos desquels il avait écrit de les montrer « à peine » — remplacé finalement par « en plein même ». Au nom du réalisme, il s’agit là encore de tout montrer mais sans en faire trop pour ne pas écœurer.
  • [30]
    Ibid., p. 466.
  • [31]
    Émile Zola, « La littérature obscène » dans Le Roman expérimental, ouvr. cité, p. 484-485.
  • [32]
    Dominique Maingueneau, ouvr. cité, p. 26.
  • [33]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 464
  • [34]
    Ibid., p. 465 et 466.
  • [35]
    Jacqueline Carroy, « “Je ne veux pas faire rire” : la sexualité de et selon Zola », dans Zola et les historiens, Michèle Sacquin (dir.), Paris, Bibliothèque nationale de France, 2004, p. 104-117.
  • [36]
    Émile Zola, Une page d’amour, O. C., VIII, p. 439 ; Dominique Maingueneau analyse, p. 46, cette ellipse propice à l’irruption du récit pornographique.
  • [37]
    Ainsi lit-on, dans La Curée, « Ce fut le seul murmure de ses lèvres. Dans le grand silence du cabinet, où le gaz semblait flamber plus haut, elle sentit le sol trembler et entendit le fracas de l’omnibus des Batignolles qui devait tourner le coin du boulevard. Et tout fut dit. » ; dans Le Ventre de Paris, « Ils avaient bouleversé le lit, les draps pendaient, l’or, sur l’oreiller qui les séparait, faisait des creux, comme si des têtes s’y étaient roulées, chaudes de passion » ; dans La Faute de l’Abbé Mouret, « Albine se livra. Serge la posséda. Et le jardin entier s’abîma avec le couple, dans un dernier cri de passion ». Émile Zola, La Curée, O. C., V, p. 127 ; Le Ventre de Paris, O. C., V, p. 283 ; La Faute de l’Abbé Mouret, O. C., VII, p. 144.
  • [38]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 463.
  • [39]
    Jacqueline Carroy, « “Je ne veux pas faire rire” : la sexualité de et selon Zola », dans Zola et les historiens, ouvr. cité, p. 115.
  • [40]
    Émile Zola, [Scénario d’une nouvelle érotique], ouvr. cité, p. 464.
  • [41]
    Émile Zola, L’Argent, O. C., XIV, p. 396.
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