Notes
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[1]
J. Claretie, « Charcot, le consolateur », Les Annales politiques et littéraires, 20 septembre 1903, n° 21, p. 180 et p. 208.
-
[2]
Voir par exemple J. Claretie, La vie à Paris, 1881, Victor Havard, 1882, p. 135 : « je me demandais si, après le verdict jeté par Gavarni à la tête de nos contemporains : “– Toqués ! toqués ! tous toqués ! ”, on ne pouvait pas dire, justement et plus cruellement, devant la grande névrose dont souffre la société moderne : – Hystériques ! hystériques ! tous hystériques ! ».
-
[3]
Voir sur ce point B. Marquer, Les Romans de la Salpêtrière. Réception d’une scénographie clinique : Jean-Martin Charcot dans l’imaginaire fin-de-siècle, Genève, Droz, 2008, p. 176-203.
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[4]
J.-M. Charcot, Leçons du mardi à la Salpêtrière, Progrès médical, Lecrosnier & Babé, t. 1, 1887-1888, p. 231.
-
[5]
J. Goldstein, Consoler et classifier, Les Empêcheurs de penser en rond, 1997, p. 473.
-
[6]
D.-M. Bourneville, P. Regnard, Iconographie photographique de la Salpêtrière, Le Progrès médical, 1879-1880, t. 3, p. 227.
-
[7]
Jacques Noiray précise, dans son édition du roman, que « Zola cite Charcot dans les dossiers préparatoires » et qu’il rencontre en octobre 1893 Gilles de La Tourette. Voir Émile Zola, Lourdes, éd. présentée et établie par J. Noiray, Gallimard, coll. « Folio Classique », 1995 [1894], p. 594.
-
[8]
J.-M. Charcot et P. Richer, Les Démoniaques dans l’art, suivi de « La Foi qui guérit », présentation par P. Fédida et G. Didi-Huberman, Macula, coll. « Scènes », 1984 [1887 et 1892], p. XV.
-
[9]
G. Didi-Huberman, « Charcot, l’histoire et l’art. Imitation de la croix et démon de l’imitation », postface aux Démoniaques dans l’art, éd. citée, p. 126.
-
[10]
J.-M. Charcot et P. Richer, ouvr. cité, p. 56.
-
[11]
J. Claretie, Les Amours d’un interne, E. Dentu, 1881 [1880], p. 122.
-
[12]
P. Richer, L’Art et la médecine, Gaultier, Magnier et Cie, 1902, p. 3-4. Voir sur ce point B. Marquer, « Charcot et Rubens : l’art de la clinique », dans P. Tortonese (dir.), Image et pathologie au XIXe siècle, Cahiers de littérature française, VI, Bergamo University Press/L’Harmattan, 2008, p. 93-113.
-
[13]
Si l’opposition de Huysmans à la « foi qui guérit » et à sa transposition zolienne est bien connue, l’écrivain semble avoir toujours porté crédit au diagnostic de Charcot, même après sa conversion. Interrogé en 1905 à propos des crucifiements pratiqués par une secte du Colorado, l’écrivain catholique, citant Saint-Médard, rétorque ainsi au journaliste que « c’est, tout simplement, de l’hystérie. […] Il est évident que l’on a affaire à des gens qui se trouvent dans un état cataleptique. Il n’y a presque pas de sang perdu et aucune sensation réelle de douleur » (La Petite République, 26 avril 1905, dans Interviews, textes réunis, présentés et annotés par J.-M. Seillan, Honoré Champion, 2002, p. 459-460).
-
[14]
J.-K. Huysmans, Là-bas, éd. établie par P. Cogny, Garnier-Flammarion, 1978 [1891], p. 246-247.
-
[15]
Ibid., p. 86.
-
[16]
Ibid., p. 152-153.
-
[17]
Il s’agit manifestement de Richer, co-auteur des Démoniaques dans l’art.
-
[18]
La Justice, 2 avril 1892, dans Interviews, éd. citée, p. 118.
-
[19]
J.-K. Huysmans, Là-bas, éd. citée, p. 122.
-
[20]
Ibid.
-
[21]
Là-bas semble en effet illustrer les propos tenus par Huysmans dans une lettre du 10 janvier 1882 adressée à Henry Kistemaeckers, qui lui avait fait parvenir un exemplaire de La Philosophie dans le boudoir : « Un homme comme Charcot devrait faire une préface aux œuvres du joli marquis et expliquer médicalement l’aberration furieuse de cette cervelle » (cité par P. Lambert, Lettres inédites à Edmond de Goncourt, Nizet, 1956, p. 74). Préfacier potentiel d’une œuvre littéraire diabolique, Charcot incarne indéniablement une posture face à laquelle l’écrivain ne cesse de se prononcer, sans pouvoir réellement l’évacuer. S’attaquant à Gilles de Rais, héros sadien s’il en est, Huysmans ne fait que prolonger l’optique qu’il prête lui-même au Maître de la Salpêtrière.
-
[22]
J.-K. Huysmans, L’Art moderne. Certains, U. G. E., coll. « 10/18 », 1975, p. 292 et 315. À cette époque, Charcot fait déjà figure, pour Huysmans, de potentiel critère d’évaluation esthétique, sanctionnant les peintures « monomanisées » des impressionnistes. Voir L’Art moderne, p. 96.
-
[23]
J.-K. Huysmans, Là-bas, éd. citée, p. 36.
-
[24]
Ibid., p. 37-38.
-
[25]
Ibid., p. 38.
-
[26]
Ibid., p. 40.
-
[27]
Ibid.
-
[28]
Sur ce point, voir B. Marquer, ouvr. cité, p. 133-134.
-
[29]
J.-K. Huysmans, À rebours, éd. établie par M. Fumaroli, Gallimard, coll. « Folio », 1977 [1re éd. de 1929], p. 253.
-
[30]
À ce titre, En rade semble bien assurer la transition entre À rebours et Là-bas : la « déesse de l’immortelle hystérie » (ibid., p. 145) prend, le temps d’un rêve, les traits de Séléné, pour renvoyer au même mystère fondamental : « Il réfléchissait, se demandant à la suite de quels cataclysmes ces ouragans s’étaient congelés, ces cratères éteints ? à la suite de quelle formidable compression d’ovaires avait été enrayé le mal sacré, l’épilepsie de ce monde, l’hystérie de cette planète, crachant du feu, soufflant des trombes, se cabrant, bouleversée sur son lit de laves ? à la suite de quelle irrécusable adjuration, la froide Séléné était tombée en catalepsie dans cet indissoluble ténèbre d’un incompréhensible ciel ? » (J.-K. Huysmans, En rade, Gallimard, coll. « Folio », 1984 [1886], p. 113). Ce mystère « rêvé » se fait en outre lui-même l’écho de la mystérieuse maladie « nerveuse » de Louise, qui esquisse déjà l’argumentaire de Là-bas, en pointant avec véhémence les limites de l’optique clinique.
-
[31]
É. Zola, ouvr. cité, p. 441.
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[32]
Ibid., p. 442.
-
[33]
Ibid., p. 216.
-
[34]
Ibid.
1 Réformateur éclairé de l’enseignement et des institutions médicales, pilier d’une IIIe République dont la Science constitue la colonne vertébrale, personnage médiatique ayant construit un empire tout à la fois collégial et pluridisciplinaire, ami des puissants et des lettrés, portraituré et caricaturé, Charcot jouit d’une indéniable aura auprès de ses contemporains et d’une reconnaissance excédant très largement le canal médical et ses organes de diffusion traditionnels. Si la notoriété acquise par Charcot auprès d’un public lettré est une chose avérée, l’impact littéraire de ses théories sur l’hystérie semble quant à lui bien moindre, les représentations littéraires de la maladie demeurant, dans leur immense majorité, tributaires d’un imaginaire que le médecin de la Salpêtrière s’est évertué à discréditer. Le savoir clinique construit par Charcot était, il est vrai, peu enclin à susciter un enthousiasme auprès des hommes de lettres, dans la mesure où la neurologisation de l’hystérie visait à enlever à la maladie son aura fantasmatique, en niant son origine sexuelle : victime d’un organisme défaillant, l’hystérique, homme ou femme, devient avec Charcot un objet d’étude digne de considération – médicale et donc sociale – régi par des règles dont la dimension psychologique et l’accusation de simulation sont bannies.
2 L’imaginaire scandaleux entourant la maladie était néanmoins renouvelé grâce au rituel des leçons, qui permettait à un public non médical de contempler des sujets hystériques majoritairement féminins, et souvent appétissants, à l’image de la jeune Blanche Wittmann, représentée en état d’abandon cataleptique dans le tableau d’André Brouillet intitulé Une leçon à la Salpêtrière. L’amphithéâtre de la Salpêtrière pouvait apparaître aux contemporains de Charcot comme un temple dédié à la science, mais également comme un lieu autre, à mi-chemin entre l’Enfer et le lupanar. En exhibant des jeunes femmes totalement soumises à l’emprise médicale, rendues dociles et malléables par l’intermédiaire de l’hypnose, le spectacle de la Salpêtrière permettait en effet au visiteur de déplacer l’enjeu médical de la représentation, pour en faire la scène de ses propres fantasmes. Comme en témoignent les récits de visite à la Salpêtrière (de Mirbeau, d’Alphonse Daudet, ou du médecin belge Joseph Delbœuf), ou des romans comme Suggestion d’Henri Nizet et L’Hystérique de Camille Lemonnier, il ne fait aucun doute que le succès littéraire de Charcot est en grande partie, et si ce n’est prioritairement, dû à l’ambiguïté de la nature du spectacle qu’il donnait à voir. Pour ses contemporains, le maître de la Salpêtrière apparaît en effet davantage comme un metteur en scène que comme un théoricien. Metteur en scène de ses hystériques, dont le ballet nosologique est enfin codifié, et incessamment répété au cours de séances hebdomadaires ouvertes à un public habitué à l’appréciation théâtrale. Metteur en scène du « musée pathologique vivant » de la Salpêtrière, comparé par Jules Claretie à une « citta dolorosa », ou à « l’emboucher d’un égout où viennent se dégorger toutes les misères parisiennes » [1]. Metteur en scène donc des idéologies, fantasmes et angoisses de son époque, à laquelle les tableaux vivants de la Salpêtrière fournissent une idole labellisée (le type de la Grande Hystérie) renvoyant alternativement à l’ordure prolétaire et aux promesses de plaisirs inédits affinés par la maladie, à un éternel féminin, et à un péril nosologique résolument moderne [2]. Spectacle à la fois codifié dans sa forme, mais laissant la place à l’improvisation sur le fond, l’hystérie de Charcot fournit donc à la littérature un corpus d’images estampillées, adossé à un corps de doctrine quant à lui beaucoup plus flou.
3 Le savoir médical peut, dans cette perspective, ne constituer qu’un prétexte au déploiement d’un imaginaire préexistant, ou, au mieux, l’amorce d’une reconfiguration de cet imaginaire. Les œuvres littéraires mettant à profit le halo fantasmatique entourant le spectacle de la Salpêtrière ne conservent en effet du savoir médical que la structure de sa mise en scène, tout comme bon nombre de romans de l’hystérie ne gardent des théories de Charcot que ses effets de modernité, afin de réactualiser une figure éternelle de l’Hystérique – principalement une psychologie réaffirmant que toute femme est une hystérique en puissance –, ou une sexualisation hyperbolique de l’hystérie toujours associée à la nymphomanie ou à l’abstinence [3].
4 Pourtant, si Charcot ne parvient pas à renouveler réellement un fond littéraire dont la « clinique » demeure essentiellement féminine, il en infléchit la forme, en proposant une structure rhétorique particulièrement efficace. Si elle est en premier lieu vouée à soutenir une idéologie scientifique violemment anticléricale, elle est également, et peut-être avant tout, associée à un savoir-faire, vite converti en un « savoir-représenter ». Qualité éminemment esthétique, qui renvoie, dans la nosographie de Charcot, au pouvoir de révélation, voire d’existence, que le médecin prête à une « description bien faite » :
Vous savez – dit Charcot – qu’il y a dans une description bien faite une puissance de propagation remarquable. À un moment donné, la lumière est telle qu’elle frappe les esprits les moins préparés ; ce qui était jusque-là resté dans le néant commence à vivre et c’est une grande chose, une très grande chose en pathologie, que la description d’une espèce morbide jusque-là inconnue. [4]
6 Autrement dit, le savoir médical dont la littérature placée sous les auspices de Charcot fera véritablement œuvre n’est pas tant un ensemble de conceptions définies (une théorie de l’hystérie), qu’un art de la description validant l’existence de l’objet décrit. Non une conception médicale, mais un art de la conception médicalement assistée, en somme.
CHARCOT ET L’ANALOGIE HYSTÉRIQUE-DÉMONIAQUE
7 Cette structure rhétorique efficace faisant le lien entre une idéologie et un savoir-faire scientifiques repose essentiellement sur l’exploitation de l’analogie pratiquée par Charcot entre démoniaques et hystériques. Au cœur de la rhétorique anticléricale de la Salpêtrière, elle est également à l’origine de la construction du type pathologique de la Grande Hystérie. À la fois véhicule de l’idée (c’est elle qui donne sa forme à la démonstration des dangers de la religion) et de l’objet (c’est elle qui permet la description, et valide par conséquent l’existence de la Grande Hystérie), elle constitue une matrice dont un certain nombre d’écrivains vont s’emparer pour en faire une « forme-sens ».
8 Cette équation hystérique-démoniaque n’est certes pas une invention de la Salpêtrière, et s’inscrit dans la tradition d’un discours médical visant à pathologiser la religion pour, en retour, asseoir l’autorité du médecin dans sa charge toute nouvelle de directeur de conscience. L’innovation de la Salpêtrière est néanmoins, comme en témoigne l’ouvrage de Jan Goldstein, de « démontrer cette équation avec une rigueur positiviste et de la rendre publique à une grande échelle » [5]. Si Charcot était loin de faire partie des médecins les plus virulents envers l’Église, la Salpêtrière a en effet joué un rôle essentiel dans la lutte anticléricale sous la IIIe République, par l’intermédiaire, notamment, de Désiré Magloire Bourneville, sorte d’ombre militante du Maître de la Salpêtrière. Fondateur du Progrès médical en 1873 et collaborateur de nombreuses autres revues scientifiques relayant une idéologie positiviste et anticléricale, il publie, de 1876 à 1880, la fameuse Iconographie photographique de la Salpêtrière, dont le but revendiqué est de libérer de l’obscurantisme religieux « ces phénomènes morbides qui ont conduit au bûcher un nombre, hélas ! trop considérable de malheureuses femmes atteintes à des degrés divers d’hystérie » [6]. En immortalisant les « attitudes passionnelles » des malades ou leurs grimaces contracturées, ces photographies médicales substituent à l’iconographie des images pieuses et à la représentation codifiée de la possession, l’exhibition, naturalisée par l’objectif, d’un seul et même phénomène pathologique, dont l’extase et la possession ne sont que deux phases symptomatiques. En soulignant le parallèle entre l’exorcisme et le miracle, entre la démoniaque et la sainte, la Salpêtrière pathologise donc le mystère religieux dans son ensemble, et récupère sa symbolique et son iconographie. La perversité dévastatrice du prêtre s’en trouve alors associée à une déviance généralisée du système qui l’a fait naître, système dont l’hystérique est la première victime. Dans L’Hystérique de Lemonnier, les parentés entre les personnages d’Orléa et de Vignas, l’un partisan de la sanctification, l’autre tentant de prouver la possession de sœur Humilité, témoignent ainsi de l’absurdité du système axiologique exploité par l’Église. Dans Lourdes, œuvre directement inspirée de « La Foi qui guérit » [7], la mise en scène zolienne des hystériques superpose également l’extase et la possession, afin de neutraliser, par le spectacle objectif d’une seule et même pathologie, toute axiologie du sublime, et rendre ainsi caduque la lecture éthique qui en découlait.
9 Mais l’innovation de la Salpêtrière dans son utilisation de cette analogie repose également et surtout sur une perception esthétique des similitudes qui fait du tableau de Maître (en l’occurrence celui de Rubens) l’archétype d’un savoir clinique. Qualifiée d’ « étude médico-artistique », Les Démoniaques dans l’art veut ainsi « montrer la place que les accidents extérieurs de la névrose hystérique ont prise dans l’Art, alors qu’ils étaient considérés non point comme une maladie, mais comme une perversion de l’âme due à la présence du démon et à ses agissements » [8]. Le discrédit que Les Démoniaques dans l’art porte sur les thèses religieuses de la possession s’organise alors autour d’une relecture de l’iconographie picturale, à la lumière des connaissances médicales de la Salpêtrière. Dans ce que Georges Didi-Huberman nomme « une inédite clinique de la peinture » [9], les tableaux de Rubens, et en particulier le Miracle de Saint Ignace, font figure de chef-d’œuvre, et marquent le point d’orgue de la démonstration : « Tel de ses possédés offre des caractères si vrais et si saisissants, que nous ne saurions rencontrer ou imaginer une représentation plus parfaite des crises que nous avons longuement décrites dans des ouvrages récents, et dont nos malades de la Salpêtrière nous offrent journellement des exemples typiques » [10]. L’argumentaire des Démoniaques dans l’art est d’ailleurs restitué fidèlement dans le roman de Claretie, laissant à penser qu’il fit une forte impression :
Les peintres italiens ont peint des hystériques, en veux-tu en voilà. Dans l’église de l’Annunziata, à Florence, il y a un Saint-Philippe guérissant une indemoniata. Les démoniaques du temps passé, ce sont tout simplement des hystériques du temps présent. Le Dominiquin a représenté un fameux médecin avec son saint Nil mettant les deux doigts dans la bouche d’un petit possédé. C’est exact comme une photographie. Et la sainte Catherine de Sienne en extase, c’est une de nos hystériques à l’état de crise, pas autre chose. On ne se doute guère du soin que mettaient les anciens peintres, particulièrement les primitifs, à copier toutes ces choses-là sur nature. Raphaël a serré de moins près la vérité dans son tableau de Saint-Pierre de Rome, vous savez ? le petit épileptique. Mais ce diable de Rubens, qu’on prendrait volontiers pour un chiqueur, si l’on n’avait pas vu sa Kermesse du Louvre, […] eh bien ! Rubens a laissé l’esquisse d’une démoniaque, les yeux en l’air, la face convulsée, le cou gonflé, jetant un grand cri terrible, dans le renversement de la tête. Oh ! c’est exact comme une description médicale ! [11]
11 À travers cette reconnaissance clinique de la vérité d’une description artistique, Charcot en vient même à inverser, de manière paradoxale, le rapport entre la réalité et sa représentation, en laissant courir la légende que son tableau nosologique (la Grande Hystérie) serait la conséquence d’une révélation esthétique :
Un jour – confie Richer – notre illustre et regretté maître, le professeur Charcot, visitant à Gênes l’église Saint-Ambroise, s’arrêtait saisi à la vue d’une peinture de Rubens représentant une scène d’exorcisme. Il était frappé du spectacle que lui offrait la possédée, tableau criant de vérité et paraissant emprunté trait pour trait aux scènes convulsives qui se passaient journellement dans son service de la Salpêtrière. J’avais à ce moment l’honneur d’être son interne. Tel fut le point de départ de nos communes recherches médico-artistiques sur la grande névrose. [12]
13 Autrement dit, le tableau de Rubens est pour Charcot une modalité épistémologique non tant parce qu’il reproduit des symptômes que parce qu’il commande leur révélation. Rubens incarne ainsi à la perfection la « puissance de propagation » que Charcot prête à une « description bien faite », et qu’il va lui-même attribuer à son type pathologique.
14 Or, c’est bien de ce savoir-là, scientifiquement légitimé, mais esthétiquement éprouvé, dont vont s’emparer les écrivains, pour reproduire à leur tour une description éloquente exploitant les vertus de l’analogie.
DU SAVOIR À L’ŒUVRE : CHARCOT ET HUYSMANS
15 Au-delà de la transposition romanesque d’un argumentaire anticlérical, le savoir véhiculé par la Salpêtrière a pu également valider un savoir-faire ne conservant de la structure scientifique que son impact analogique. Le traitement de choix que Huysmans réserve à Charcot, dont il semble véritablement être le plus proche des ennemis, est à ce titre particulièrement révélateur du rôle que ce savoir a pu jouer dans l’érection d’une œuvre qui lui est pourtant idéologiquement opposée. Si Là-bas fait certes de l’impasse clinique sa finalité, le roman ne remet en effet jamais en question la validité du diagnostic de la Salpêtrière [13]. Créature analogique censée se substituer au mystère de la possession, l’hystérique de Charcot demeure même l’instrument privilégié d’un renversement de l’optique clinique, et de sa rhétorique anticléricale. Centrale et véritable acmé du roman, la scène de la messe noire reproduit par exemple la nosographie de Charcot, le « ressort » clownique de la possédée comme sa « panse nue, météorisée » faisant clairement allusion au vocabulaire de la Salpêtrière :
Et soudain les enfants de chœur agitèrent des sonnettes.
Ce fut comme un signal ; des femmes tombées sur les tapis se roulèrent. L’une sembla mue par un ressort, se jeta sur le ventre et rama l’air avec ses pieds ; une autre, subitement atteinte d’un strabisme hideux, gloussa, puis, devenue aphone, resta, la mâchoire ouverte, la langue retroussée, la pointe dans le palais, en haut ; une autre, bouffie, livide, les pupilles dilatées, se renversa la tête sur les épaules puis la redressa d’un jet brusque, et se labourant en raclant la gorge avec ses ongles ; une autre encore, étendue sur les reins, défit ses jupes, sortit une panse nue, météorisée, énorme, puis se tordit en d’affreuses grimaces, tira, sans pouvoir la rentrer, une langue blanche déchirée sur les bords, d’une bouche en sang, hersée de dents rouges. [14]
17 De même, lorsqu’il fait allusion à « un cas très net de Possession », des Hermies fait de l’épisode de la nonne Cantianille un document semblant tout droit issu de l’Iconographie photographique de la Salpêtrière, avant de conclure qu’ « il y aurait, au point de vue de l’hystéro-épilepsie, d’une part, et du Diabolisme, de l’autre, beaucoup à dire » [15].
18 Certes l’analogie de la Salpêtrière semble être a priori essentiellement réutilisée afin d’en inverser, de manière assez conventionnelle, l’effet : « une femme est-elle possédée parce qu’elle est hystérique, ou est-elle hystérique parce qu’elle est possédée ? L’Église seule peut répondre, la science pas », affirme des Hermies, avant de constater, comme d’autres avant lui, le pouvoir essentiellement descriptif du Maître :
Non, quand on y réfléchit, l’aplomb des positivistes déconcerte ! Ils décrètent que le Satanisme n’existe point ; ils mettent tout sur le compte de la grande hystérie et ils ne savent même pas ce qu’est cet affreux mal et quelles en sont les causes ! Oui, sans doute, Charcot détermine très bien les phases de l’accès, note les attitudes illogiques et passionnelles, les mouvements clowniques ; il découvre les zones hystérogènes, peut, en maniant adroitement les ovaires, enrayer ou accélérer les crises, mais quant à les prévenir, quant à en connaître les sources et les motifs, quant à les guérir, c’est autre chose ! Tout échoue sur cette maladie inexplicable, stupéfiante, qui comporte par conséquent les interprétations les plus diverses, sans qu’aucune d’elles puisse jamais être déclarée juste ! car il y a de l’âme là-dedans, de l’âme en conflit avec le corps, de l’âme renversée dans de la folie de nerfs ! [16]
20 Ce pouvoir de description demeure néanmoins le principal critère lorsqu’il s’agit d’évaluer les phénomènes sataniques, puisque reconnaître l’hystérie, c’est justement constater la présence d’un invisible. Aussi ne s’agit-il pas, pour Huysmans, d’invalider le diagnostic de la Salpêtrière, mais d’en éprouver esthétiquement la déroute :
Et Louise Lataut [sic] ! En voilà une qui déroute aussi ! Cette fille est en extase, elle n’a pas conscience de ce qui se passe autour d’elle. On lui présente une hostie. Si l’hostie est consacrée, elle la reçoit et communie avec ravissement. Si l’hostie n’est pas consacrée, impossible de la lui faire accepter. Expliquez cela. Ce sont des faits indéniables. Il y a sur ce point et sur bien d’autres, relatifs à Louis Lataut, des rapports de plusieurs médecins. Et il est révoltant de voir la mauvaise foi de nos savants plus ou moins officiels, de Charcot et de Richet [sic] [17], par exemple. Quand on les met en présence d’un fait de ce genre, qui les embarrasse, qui contredit et dérange leur système, au lieu d’en chercher l’explication, ils le nient. C’est très expéditif, mais pas concluant du tout. [18]
22 Forme clinique de la possession, l’hystérie constitue l’indispensable point de vue à partir duquel envisager ce « là-bas » visé par Durtal, puisqu’elle en est tout à la fois le point de départ et la forme révélatrice. De manière significative, l’aporie à laquelle renvoie Gilles de Rais ramène des Hermies à l’hystérie, figure initiale d’une énigme indéchiffrable :
Toutes les théories modernes des Lombroso et des Maudsley ne rendent pas, en effet, compréhensibles les singuliers abus du Maréchal. […] Il est vraiment trop facile de déclarer qu’une perturbation des lobes cérébraux produit des assassins et des sacrilèges ; les fameux aliénistes de notre temps prétendent que l’analyse du cerveau d’une folle décèle une lésion ou une altération de la substance grise. Et quand même cela serait ! Il resterait à savoir, pour une femme atteinte de démonomanie par exemple, si la lésion s’est produite parce qu’elle est démonomane ou si elle est devenue démonomane par suite de cette lésion, – en admettant qu’il y en ait une ! [19]
24 Si Lombroso est invoqué, plutôt que Charcot, les « lésions de l’encéphale » [20] et la « perturbation des lobes cérébraux » rappellent davantage les travaux du neurologue, et permettent le glissement vers le contre-exemple final, l’hystérie mettant en échec, selon Huysmans, la lecture clinique d’un corps possédé par un mal non lésionnel. Plus qu’un modèle non pertinent [21], Charcot semble alors incarner une ambition scientifique dévoyée ou, pour employer un terme cher à Huysmans, allant à rebours des objectifs littéraires : au lieu de cerner l’inexplicable pour mieux le baliser, et sceller à tout jamais l’existence d’une zone franche sur laquelle il n’a pas d’emprise, le médecin fait le pari d’une fausse conquête risquant de faire disparaître la part d’un mystère revenant de droit à la littérature.
25 Cette position, faisant de l’hystérie un mystère indéchiffrable auquel seul l’art peut apporter une réponse, structure déjà les commentaires élogieux de l’œuvre de Félicien Rops, dont l’art, produit d’une « hystérie mentale » pour les matérialistes, n’est que l’expression supérieure – et « l’exutoire spirituel » – de la délectation morose :
Loin du siècle, dans un temps où l’art matérialiste ne voit plus que des hystériques mangées par leurs ovaires ou des nymphomanes dont le cerveau bat dans les régions du ventre, il a célébré, non la femme contemporaine, non la Parisienne, dont les grâces minaudières, et les parures interlopes échappaient à ses apertises, mais la Femme essentielle et hors des temps, la Bête vénéneuse et nue, la mercenaire des Ténèbres, la serve absolue du Diable.
Il a, en un mot, célébré ce spiritualisme de la Luxure qu’est le Satanisme, peint, en d’imperfectibles pages, le surnaturel de la perversité, l’au-delà du Mal. [22]
27 Parce qu’il ne cherche pas à conclure, mais à restituer un mystère, l’auteur de La-bàs peut alors renouer avec l’ambition d’une évocation que seule l’œuvre littéraire rend possible, en adoptant la paradoxale mimesis d’une réalité qui lui échappe. Le document demeure dans cette perspective un parangon, parce qu’il interdit la « mauvaise foi » des savants et contre l’artifice d’une démonstration scientifique. Inclus dans une perspective esthétique, il peut à l’inverse alimenter l’œuvre littéraire, et dessiner les pourtours du vertigineux horizon qu’elle permet d’ouvrir :
Il faudrait, se disait-il, garder la véracité du document, la précision du détail, la langue étoffée et nerveuse du réalisme, mais il faudrait aussi se faire puisatier d’âme et ne pas vouloir expliquer le mystère par les maladies des sens ; le roman, si cela se pouvait, devrait se diviser de lui-même en deux parts, néanmoins soudées ou plutôt confondues, comme elles le sont dans la vie, celle de l’âme, celle du corps, et s’occuper de leurs réactifs, de leurs conflits, de leur entente. Il faudrait, en un mot, suivre la grande voie si profondément creusée par Zola, mais il serait nécessaire aussi de tracer en l’air un chemin parallèle, une autre route, d’atteindre les en deçà et les après, de faire, en un mot, un naturalisme spiritualiste. [23]
29 Parce qu’il a permis de réintroduire le merveilleux, et qu’il confronte l’observation clinique à ses manques, le document scientifique constitué par Charcot offre bien à cette nouvelle poétique sa forme métaphorique : à la fois méthode rigoureuse et impasse herméneutique, la Grande Hystérie figure l’insondable d’un corps résistant à la naturalisation, et dont la voie d’accès analogique ramène au mystère de la possession.
30 De manière emblématique, l’enquête sur le satanisme pratiquée par Huysmans propose en guise de frontispice, un Type esthétique reproduisant la « clinique de l’art » de Charcot et Richer, mais substituant à l’icône démoniaque de Rubens celle d’un Christ moribond et « salpêtré », symbole du naturalisme spiritualiste :
La révélation de ce naturalisme, Durtal l’avait eue, l’an passé, alors qu’il était moins qu’aujourd’hui pourtant excédé par l’ignominieux spectacle de cette fin de siècle. C’était en Allemagne, devant une crucifixion de Mathaeus Grünewald.
[…]
Démanchés, presque arrachés des épaules, les bras du Christ paraissaient garrottés dans toute leur longueur par les courroies enroulées des muscles. L’aisselle éclamée craquait ; les mains grandes ouvertes brandissaient des doigts hagards qui bénissaient quand même, dans un geste confus de prières et de reproches ; les pectoraux tremblaient, beurrés par les sueurs ; le torse était rayé de cercles de douves par la cage divulguée des côtes ; les chairs gonflaient, salpêtrées et bleuies, persillées de morsures et de puces, mouchetées comme de coups d’aiguilles par les pointes des verges qui, brisées sous la peau, la lardaient encore, çà et là, d’échardes. [24]
32 Ce Christ souffrant, « dont les genoux rapprochés de force heurtaient leurs rotules, et les jambes tordues s’évidaient jusqu’aux pieds », dont « la bouche descellée riait avec sa mâchoire contractée par des secousses tétaniques » [25], reproduit une pathologie proprement artistique, dont les contorsions et les dislocations rappellent la phase épileptoïde de la Grande Hystérie. Répétant la « révélation » de Charcot devant le tableau de Rubens, Huysmans en inverse néanmoins les termes : à la fidélité de la représentation succède l’éloge de sa démesure – « C’était excessif et c’était terrible » –, tandis que l’oxymore remplace l’analogie, pour signifier l’échec salutaire de la description : « Grünewald était le plus forcené des réalistes. […] Grünewald était le plus forcené des idéalistes. […] Non, cela n’avait d’équivalent dans aucune langue » [26]. L’impasse descriptive affirme, dans le même temps, la supériorité de la représentation artistique, et sa capacité à signifier un mystère ne renvoyant à un rien d’autre qu’à lui-même, et dont le corps du Christ, comme le corps des hystériques, constituent les documents. Ce « Dieu de morgue » [27] devient ainsi la figure symbolique d’un palimpseste : ses « chairs mouchetées de coups d’aiguilles » (qui rappellent les expériences d’ « inscription » pratiquées sur les hystériques [28]) substituent à l’écriture de la Salpêtrière celle du naturalisme spiritualiste, et érigent, sur les vestiges de l’hystérie, un « tétanos mystique » [29].
33 L’analogie pratiquée par Charcot et la vision esthétique qui est à l’origine de son efficacité informent donc bien l’œuvre satanique de Huysmans, en faisant de la description clinique l’horizon d’attente d’un objet la transcendant de part en part [30]. Bien que le projet de Lourdes s’inscrive dans l’optique anticléricale de la Salpêtrière, Zola semble d’ailleurs rejoindre, comme malgré lui, la voie littéraire revendiquée par Huysmans. De manière significative, l’entreprise zolienne de démolition des récits de miracle se heurte en effet à une certaine fascination pour leur description, car si un miracle prévu n’est plus un miracle, les faits conservent leur part de mystère :
… si Bernadette n’était qu’une hallucinée, une folle, est-ce que l’aventure ne serait pas plus étonnante, plus inexplicable encore ? Comment ! le rêve d’une folle aurait suffi pour remuer ainsi les nations ! [31]
35 Il s’agit certes là des paroles de Chassaigne le croyant. Mais Pierre, porte-parole de Zola, n’y répond que par un « doute » [32] : doute sur une quelconque intervention divine, mais doute affectant également les capacités explicatives de la raison scientifique, qui se borne à décrire les modalités d’une guérison.
36 Le « pouvoir d’une description bien faite » que Charcot reconnaît à son hystérie devient donc, chez des écrivains se revendiquant du « document » clinique, l’indice d’un ordre que l’optique scientifique peine à naturaliser. Suggestives, les représentations de la Grande Hystérie semblent ainsi hâter cette « marche à l’inconnu » [33] dont parle fébrilement Pierre, non pour préparer, comme le personnage le laisse entendre sans trop y croire, une « victoire lente de la raison » [34], mais parce qu’elles signifient, du fait même de leur fondement analogique, un inconnu en puissance.
Notes
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[1]
J. Claretie, « Charcot, le consolateur », Les Annales politiques et littéraires, 20 septembre 1903, n° 21, p. 180 et p. 208.
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[2]
Voir par exemple J. Claretie, La vie à Paris, 1881, Victor Havard, 1882, p. 135 : « je me demandais si, après le verdict jeté par Gavarni à la tête de nos contemporains : “– Toqués ! toqués ! tous toqués ! ”, on ne pouvait pas dire, justement et plus cruellement, devant la grande névrose dont souffre la société moderne : – Hystériques ! hystériques ! tous hystériques ! ».
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[3]
Voir sur ce point B. Marquer, Les Romans de la Salpêtrière. Réception d’une scénographie clinique : Jean-Martin Charcot dans l’imaginaire fin-de-siècle, Genève, Droz, 2008, p. 176-203.
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[4]
J.-M. Charcot, Leçons du mardi à la Salpêtrière, Progrès médical, Lecrosnier & Babé, t. 1, 1887-1888, p. 231.
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[5]
J. Goldstein, Consoler et classifier, Les Empêcheurs de penser en rond, 1997, p. 473.
-
[6]
D.-M. Bourneville, P. Regnard, Iconographie photographique de la Salpêtrière, Le Progrès médical, 1879-1880, t. 3, p. 227.
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[7]
Jacques Noiray précise, dans son édition du roman, que « Zola cite Charcot dans les dossiers préparatoires » et qu’il rencontre en octobre 1893 Gilles de La Tourette. Voir Émile Zola, Lourdes, éd. présentée et établie par J. Noiray, Gallimard, coll. « Folio Classique », 1995 [1894], p. 594.
-
[8]
J.-M. Charcot et P. Richer, Les Démoniaques dans l’art, suivi de « La Foi qui guérit », présentation par P. Fédida et G. Didi-Huberman, Macula, coll. « Scènes », 1984 [1887 et 1892], p. XV.
-
[9]
G. Didi-Huberman, « Charcot, l’histoire et l’art. Imitation de la croix et démon de l’imitation », postface aux Démoniaques dans l’art, éd. citée, p. 126.
-
[10]
J.-M. Charcot et P. Richer, ouvr. cité, p. 56.
-
[11]
J. Claretie, Les Amours d’un interne, E. Dentu, 1881 [1880], p. 122.
-
[12]
P. Richer, L’Art et la médecine, Gaultier, Magnier et Cie, 1902, p. 3-4. Voir sur ce point B. Marquer, « Charcot et Rubens : l’art de la clinique », dans P. Tortonese (dir.), Image et pathologie au XIXe siècle, Cahiers de littérature française, VI, Bergamo University Press/L’Harmattan, 2008, p. 93-113.
-
[13]
Si l’opposition de Huysmans à la « foi qui guérit » et à sa transposition zolienne est bien connue, l’écrivain semble avoir toujours porté crédit au diagnostic de Charcot, même après sa conversion. Interrogé en 1905 à propos des crucifiements pratiqués par une secte du Colorado, l’écrivain catholique, citant Saint-Médard, rétorque ainsi au journaliste que « c’est, tout simplement, de l’hystérie. […] Il est évident que l’on a affaire à des gens qui se trouvent dans un état cataleptique. Il n’y a presque pas de sang perdu et aucune sensation réelle de douleur » (La Petite République, 26 avril 1905, dans Interviews, textes réunis, présentés et annotés par J.-M. Seillan, Honoré Champion, 2002, p. 459-460).
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[14]
J.-K. Huysmans, Là-bas, éd. établie par P. Cogny, Garnier-Flammarion, 1978 [1891], p. 246-247.
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[15]
Ibid., p. 86.
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[16]
Ibid., p. 152-153.
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[17]
Il s’agit manifestement de Richer, co-auteur des Démoniaques dans l’art.
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[18]
La Justice, 2 avril 1892, dans Interviews, éd. citée, p. 118.
-
[19]
J.-K. Huysmans, Là-bas, éd. citée, p. 122.
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[20]
Ibid.
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[21]
Là-bas semble en effet illustrer les propos tenus par Huysmans dans une lettre du 10 janvier 1882 adressée à Henry Kistemaeckers, qui lui avait fait parvenir un exemplaire de La Philosophie dans le boudoir : « Un homme comme Charcot devrait faire une préface aux œuvres du joli marquis et expliquer médicalement l’aberration furieuse de cette cervelle » (cité par P. Lambert, Lettres inédites à Edmond de Goncourt, Nizet, 1956, p. 74). Préfacier potentiel d’une œuvre littéraire diabolique, Charcot incarne indéniablement une posture face à laquelle l’écrivain ne cesse de se prononcer, sans pouvoir réellement l’évacuer. S’attaquant à Gilles de Rais, héros sadien s’il en est, Huysmans ne fait que prolonger l’optique qu’il prête lui-même au Maître de la Salpêtrière.
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[22]
J.-K. Huysmans, L’Art moderne. Certains, U. G. E., coll. « 10/18 », 1975, p. 292 et 315. À cette époque, Charcot fait déjà figure, pour Huysmans, de potentiel critère d’évaluation esthétique, sanctionnant les peintures « monomanisées » des impressionnistes. Voir L’Art moderne, p. 96.
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[23]
J.-K. Huysmans, Là-bas, éd. citée, p. 36.
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[24]
Ibid., p. 37-38.
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[25]
Ibid., p. 38.
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[26]
Ibid., p. 40.
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[27]
Ibid.
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[28]
Sur ce point, voir B. Marquer, ouvr. cité, p. 133-134.
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[29]
J.-K. Huysmans, À rebours, éd. établie par M. Fumaroli, Gallimard, coll. « Folio », 1977 [1re éd. de 1929], p. 253.
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[30]
À ce titre, En rade semble bien assurer la transition entre À rebours et Là-bas : la « déesse de l’immortelle hystérie » (ibid., p. 145) prend, le temps d’un rêve, les traits de Séléné, pour renvoyer au même mystère fondamental : « Il réfléchissait, se demandant à la suite de quels cataclysmes ces ouragans s’étaient congelés, ces cratères éteints ? à la suite de quelle formidable compression d’ovaires avait été enrayé le mal sacré, l’épilepsie de ce monde, l’hystérie de cette planète, crachant du feu, soufflant des trombes, se cabrant, bouleversée sur son lit de laves ? à la suite de quelle irrécusable adjuration, la froide Séléné était tombée en catalepsie dans cet indissoluble ténèbre d’un incompréhensible ciel ? » (J.-K. Huysmans, En rade, Gallimard, coll. « Folio », 1984 [1886], p. 113). Ce mystère « rêvé » se fait en outre lui-même l’écho de la mystérieuse maladie « nerveuse » de Louise, qui esquisse déjà l’argumentaire de Là-bas, en pointant avec véhémence les limites de l’optique clinique.
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[31]
É. Zola, ouvr. cité, p. 441.
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[32]
Ibid., p. 442.
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[33]
Ibid., p. 216.
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[34]
Ibid.