Couverture de ROM_127

Article de revue

Les censures romaines de Balzac

Pages 29 à 44

Notes

  • [1]
    Je remercie très chaleureusement Fabien Archambault et Laurine Lavieille pour la relecture attentive et judicieuse de ce texte, ainsi que Philippe Boutry, qui m’a donné l’occasion de présenter un premier travail sur les censures romaines de Balzac au séminaire «Croyance et incroyance dans l’Europe de la Révolution et du xixe siècle» qu’il anime à l’EHESS.
  • [2]
    P. Boutry, Souverain et pontife. Recherches prosopographiques sur la curie romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846), Rome, École Française de Rome, 2002, p. 56.
  • [3]
    J.-M. de Bujanda, Index librorum prohibitorum, 1600-1966, Montréal/Genève, Médiaspaul/ Librairie Droz, 2002, p. 30.
  • [4]
    Archivio della Congregazione per la Dottrina della Fede (ACDF), Index, II.a.113, 2 mai 1840.
  • [5]
    ACDF, Index, I.XIX.
  • [6]
    Voir O. Poncet, «L’ouverture des archives du Saint-Office et de l’Index, échos d’une journée de présentation», Revue d’histoire de l’Église de France, t. 84, 1998.
  • [7]
    On trouve ainsi mention de L’Ami de la religion quand il s’agit d’examiner La Chute d’un ange et Jocelyn d’Alphonse de Lamartine, tandis que la Bibliographie catholique est utilisée par les lecteurs romains d’Eugène Sue.
  • [8]
    L. Artiaga, 5281 «Histoires religieuses francophones et proto-histoire de la culture médiatique», Revue d’histoire du xixe siècle, n° 25, 2003.
  • [9]
    L. Artiaga, «Les catholiques et la littérature industrielle au xixe siècle», dans J. Migozzi et P. Le
    Guern (dir.), Production(s) du populaire, Limoges, Pulim, 2005, p. 231-243.
  • [10]
    Sollicita ac provida, § 16.
  • [11]
    Avant-propos, t. I, p. 13. Les citations de l’œuvre d’Honoré de Balzac renvoient, sauf mentions contraires, à La Comédie humaine, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», P.-G. Castex (éd.), 1976.
  • [12]
    Dans une lettre à Mme Hanska datée du 31 mars 1837, Balzac parle au pluriel de ses religions. Cité par K.-E. Sjöden, «Swedenborg in France. Three examples of “literary swedenborgianism ”», The New Philosophy, vol. 100, nos 1-2, 1997.
  • [13]
    Pour R. Pierrot, Balzac cherche avec cet Avant-propos à se prémunir contre de nouvelles censures religieuses. Le 13 juillet 1842, il écrit: «Je viens de relire l’Avant-propos qui commence La Comédie humaine. Il a 26 pages, et ces 26 pages m’ont donné plus de mal qu’un ouvrage, car elles prennent, par la circonstance, un caractère de solennité qui effraie celui qui prononce ces quelques paroles en tête d’une collection si volumineuse. […] Quand vous lirez ces pages, vous ne me demanderez plus si je suis catholique et quelles sont mes opinions, elles ne sont que trop tranchées dans un siècle aussi éclectique que le nôtre» (Honoré de Balzac, Librairie Arthème Fayard, 1994, p. 376-377).
  • [14]
    M. Andreoli, Le Système balzacien. Essai de description synchronique, Berne, Éditions Peter Lang, 1983, t. I, p. 160.
  • [15]
    ACDF, Index, II.a.113.561.
  • [16]
    ACDF, Index, II.a.113.562.
  • [17]
    ACDF, Index, II.a.113.568-607.
  • [18]
    ACDF, Index, II.a.113.566.
  • [19]
    Leibniz entre indirectement à l’Index avec l’ouvrage publié par P. des Maizeaux, Recueil de diverses pièces sur la philosophie, la religion naturelle, l’histoire, les mathématiques etc. par messieurs Leibniz, Clarke, Newton et autres auteurs célèbres condamné en 1742. Spinoza est mis à l’Index en 1679 et Swedenborg en 1738.
  • [20]
    ACDF, Index, II.a.113.633.
  • [21]
    ACDF, Index, II.a.122 et Le Cousin Pons, t. VII, p. 587.
  • [22]
    ACDF, Index, II.a.113.567.
  • [23]
    Séraphîta, t. XI, p. 777.
  • [24]
    M. Andreoli, ouvr. cité, p. 64.
  • [25]
    «Balzac n’était pas de ceux qui servent de disciple ; et, malgré sa très grande fierté, il était trop malin pour se présenter lui-même comme un prophète. Il n’y avait qu’un rôle pour lui à jouer ; celui de l’apostat», estime Karl-Erick Sjöden jugeant de l’ambition du projet de l’écrivain. Voir K.-E. Sjöden, loc. cit.
  • [26]
    Louis Lambert, t. XI, p. 1481.
  • [27]
    ACDF, Index, II.a.113.567.
  • [28]
    ACDF, Index, II.a.113.566.
  • [29]
    Séraphîta, t. XI, p. 825.
  • [30]
    Franz-Anton Mesmer n’est pas alors interdit par la congrégation, mais en 1851 sont condamnés deux ouvrages de Louis-Alphonse Cahagnet, et un périodique, Le Magnétiseur spiritualiste.
  • [31]
    Louis Lambert, t. XI, p. 623 et Séraphîta, t. XI, p. 766.
  • [32]
    Louis Lambert, t. XI, p. 626-627.
  • [33]
    ACDF, Index, II.a.113.569.
  • [34]
    «Dilectae dicatum Et nunc et semper. 1822-1832». Dans la version indexée, p. 273, on trouve effectivement «Le Roi», marqué comme un titre, sur la page précédant la Notice biographique sur Louis Lambert dans l’édition indexée. La mention disparaît dans les autres versions du texte.
  • [35]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [36]
    ACDF, Index, II.a.113.558 et Physiologie du mariage, t. XI, p. 1146.
  • [37]
    ACDF, Index. II, a 113.555.
  • [38]
    J. Malavié, «Le sentiment religieux dans Le Lys dans la vallée de Balzac», Studi francesi, vol. 40, 1996. Voir en annexe les pages relevées à la lecture du Lys par les lecteurs romains.
  • [39]
    P.-A. McEachern, «La Vierge et la bête. Marian Iconographies and Bestial Effigies in Nineteenth-Century French Narratives», Nineteenth-Century French Studies, vol. 31, n° 1-2, 2002-2003.
  • [40]
    Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1112.
  • [41]
    On peut penser notamment au symbolisme érotique particulièrement appuyé dans le Lys. Sur ce sujet voir L. Perrone-Moises, «Balzac et les fleurs de l’écritoire», Poétique, n° 43, 1980.
  • [42]
    ACDF, Index, II.a.113.629.
  • [43]
    ACDF, Index, II.a.113.632.
  • [44]
    ACDF, Index, II.a.114.13.
  • [45]
    ACDF, Index, II.a.114.13.
  • [46]
    Ouvr. cité, p. 1144, 1145 et 1148.
  • [47]
    S. Ducas, «Critique littéraire et critiques de lecteurs en 1836: Le Lys dans la vallée, roman illisible?», dans Balzac. Le Lys dans la vallée «cet orage de choses célestes». Actes du colloque d’agrégation des 26 et 27 novembre 1993, réunis par J.-L. Diaz, SEDES, 1993, p. 23.
  • [48]
    ACDF, Index, II.a.114.100.
  • [49]
    ACDF, Index, II.a.114.100. Le consulteur ne donne pas de citations précises, mais renvoie aux pages 373, 377, 378, 394, 400, 422, 450, 451, 464 et 473 du 2e tome de l’édition Werdet (1839) de La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille.
  • [50]
    ACDF, Index, II.a.114.99.
  • [51]
    ACDF, Index, II.a.114.43.
  • [52]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [53]
    ACDF, Index, II.a.113.632.
  • [54]
    ACDF, Index, II.a.113.617.
  • [55]
    ACDF, Index, II.a.113.633.
  • [56]
    ACDF, Index, II.a.113.611.
  • [57]
    ACDF, Index, II.a.113.612.
  • [58]
    F. Girault, «Les romanciers. Honoré de Balzac», Le Bibliographe, 13 mai 1841.
  • [59]
    C. Foucart, L’aspect méconnu d’un grand lutteur: Louis Veuillot devant les arts et les arts et les lettres, Lille, ANRT, 1978, t. II, p. 753-755.
  • [60]
    ACDF, Index, II.a.113.555.
  • [61]
    ACDF, Index, II.a.113.558.
  • [62]
    ACDF, Index, II.a.113.617.
  • [63]
    ACDF, Index, II.a.113.609.
  • [64]
    ACDF, Index. II.a.113.558.
  • [65]
    ACDF, Index, II.a.122.
  • [66]
    P. Bourdieu, La Distinction, critique sociale du jugement, Minuit, 1979.
  • [67]
    ACDF, Index, II.a.113.395 et 611.
  • [68]
    ACDF, Index, II.a.114.12.
  • [69]
    ACDF, Index, II.a.113.609.
  • [70]
    ACDF, Index, II.a.113.609.
  • [71]
    ACDF, Index, II.a.113.556.
  • [72]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [73]
    ACDF, Index, II.a.113.557.
  • [74]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [75]
    La bibliothèque du Saint-Office conserve l’exemplaire de Mademoiselle La Quintinie de George Sand, qui garde en marge les remarques et coups de crayons laissés à la lecture par le censeur.
  • [76]
    ACDF, Index, II.a.113.566.
  • [77]
    ACDF, Index, II.a.114.13.
  • [78]
    A. Cabantous, Histoire du blasphème en Occident, xvie-xixe siècle, Albin Michel, 1998, p. 171.
  • [79]
    Voir dans les colonnes de la Revue des bibliothèques paroissiales entre avril et novembre 1853 la polémique qui oppose les prêtres sur la question du «roman religieux».
  • [80]
    Cité par L. Bethléem, Romans à lire et romans à proscrire, Cambrai, Octave Masson, 1908 (1re éd. 1904), p. 213.
  • [81]
    H.-R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, Gallimard, 1990 (éditions originales, 1972-1975), p. 271-272.
  • [82]
    Balzac, L’Église, édition critique publiée par J. Pommier, Genève, Librairie Droz, 1947, p. 33.
  • [83]
    ACDF, Index, II.a.114.12.
  • [84]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [85]
    ACDF, Index, II.a.122.

1Après avoir servi de rempart aux écrits protestants puis aux œuvres des Lumières [1], la congrégation de l’Index brille au xixe siècle en prononçant quelques interdits fameux, frappant Ernest Renan pour sa Vie de Jésus ou Pierre Larousse pour son Grand dictionnaire universel. À l’âge de la Restauration romaine, l’Index fait partie des vingt-cinq congrégations cardinalices permanentes. Instituée par les constitutions In Apostolicae du 4 avril 1571 et Ut pestiferatum opinionum du 13 septembre 1572, elle poursuit le travail effectué par la commission créée en 1562 par le concile de Trente afin de procéder à une révision de l’Index des livres prohibés, publié pour la première fois par Paul IV en 1559 [2]. Son fonctionnement est réglé par la constitution Sollicita ac provida, promulguée le 9 juillet 1753 par Benoît XIV. En sursis – la congrégation est supprimée en 1917 et ses prérogatives sont transférées au Saint-Office – l’Index n’en est pas moins encore puissant au xixe siècle. Il l’est d’autant plus que la disparition des Inquisitions d’Espagne et du Portugal renforce sa position dans la péninsule ibérique et dans ses colonies américaines, africaines et asiatiques. Jusqu’à sa suppression en 1966, l’Index librorum prohibitorum est régulièrement mis à jour, ses décisions étant considérées comme des mesures acceptables par une large partie des fidèles [3].

2S’intéressant en priorité au dogme, à l’histoire de l’Église, aux écrits de prêtres, l’Index n’a pas vocation à s’occuper de littérature. Pourtant, le 2 mai 1840, Antonio Garibaldi, internonce en France, envoie à Rome une caisse de livres choisis dans les librairies parisiennes. Elle est adressée au préfet de l’Index, sur demande du nonce apostolique à Vienne, Ludovic Altieri, alors qualificateur du Saint-Office. L’envoi se compose de dix volumes de George Sand et de quinze de Balzac [4]. À cette date, Pigault-Lebrun, Stendhal, Hugo et Lamartine ont déjà essuyé des condamnations du Saint-Siège. Pour Balzac, s’amorcent vingt années d’examens romains, provoquant quatre jugements pour dix-huit ouvrages. Le cas du romancier est évoqué en séance préparatoire le 28 juillet 1841 [5] ; suit une condamnation, le 16 septembre, qui porte sur Le Lys dans la vallée, Physiologie du mariage, Le Livre mystique, Les Cent contes drolatiques, Nouveaux contes philosophiques, Contes bruns pour une…, L’Israélite, L’Excommunié. De nouveaux titres sont proposés en séance le 7 décembre et un second décret, le 28 janvier 1842, ajoute trois ouvrages supplémentaires: Un grand homme de province, Berthe la repentie et Jane la pâle. Un troisième vient rapidement, le 5 avril 1842, en porter quatre autres, La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille, Le Vicaire des Ardennes. La publication de La Comédie humaine chez Furne, qui commence la semaine suivante, est ainsi entachée de trois interdits du Saint-Siège; les lectures balzaciennes de l’Index se clôturent le 20 juin 1864 par une sentence générale jetant un voile pudibond sur « toutes les histoires d’amour » – omnes fabulae amatoriae – de l’auteur.
L’ouverture récente des archives de l’Index conservées au Vatican permet aujourd’hui de rompre le secret qui a prévalu dans ces procédures [6]. On peut désormais connaître la composition des pareri, avis dressés pour juger les écrits des différents auteurs, qui constituent ici notre source principale. S’appuyant souvent sur la presse [7], ils indiquent le titre du ou des textes examinés, pour livrer ensuite une présentation succincte de l’auteur puis de l’ouvrage. Les passages les plus litigieux liés aux orientations religieuses, politiques ou morales de l’auteur sont soulignés, avant que le consulteur en charge de l’examen ne se prononce sur l’opportunité d’une prohibition. Qu’offrent ces sources à la connaissance de l’histoire littéraire? L’acharnement, des années 1840 aux années 1860, de la congrégation à lire l’œuvre de Balzac permet de faire le détail de ses critères de censure. La fécondité du romancier oblige les consulteurs à faire des choix significatifs à l’intérieur de sa production. Ils constituent ainsi, au fil des relievi, une lecture particulière de son travail, guidée par des impératifs religieux puis moraux. Le système philosophique de l’auteur forme le socle des analyses romaines. Les mots choisis et les personnages ambigus développés par l’auteur sont repris par des consulteurs soucieux d’éviter toute représentation hétérodoxe de figures pieuses. Ce travail de censure implique au Saint-Siège des lecteurs qui, de toute évidence, ont une culture scripturaire aux antipodes de celle des romantiques.

L’Index et le roman

Les romanciers français à l’Index, 1820-1898

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Les romanciers français à l’Index, 1820-1898

3Les censeurs de l’Index trient les sorties littéraires, entre ouvrages licites et interdits, au moment où fleurissent les guides, revues et autres filtres médiatiques face à une production imprimée désormais pléthorique. Contrecoups de la peur des « torrents» de papiers exprimée par les évêques francophones au tournant des années 1830 [8], instruments pratiques pour stigmatiser, dans les années 1860, une société française qui se détache de Rome, ou encore outils de publicité, par défaut, des «bons» livres sortis des presses catholiques [9], les interdits visant les fictions n’apparaissent que par intermittences. Le graphique précédent montre que les romanciers français ne sont examinés de manière continue qu’entre 1834 et 1842. Il faut ensuite attendre les années 1863-1864 pour voir réprouver en nombre des écrivains, puis 1894-1898 pour que se succèdent quatre décrets touchant Émile Zola. Les délais conduisant ces auteurs à l’Index sont d’ailleurs, comparativement aux autres types d’écrits examinés par Rome, souvent longs: sept ans pour condamner Lélia de George Sand, vingt-deux pour interdire les premières œuvres d’Eugène Sue. Balzac ne bénéficie pas d’un traitement plus rapide – quatre à douze ans selon les œuvres – et ne figure pas non plus parmi les priorités du Saint-Siège. À l’époque, pourtant, une large majorité des auteurs indexés l’est dans un laps de temps court. 67 % de ceux essuyant une première condamnation entre 1840 et 1864 sont examinés et prohibés en moins de quatre ans. Mais la congrégation réserve plus volontiers ses faveurs aux clercs ou aux apostats se plaçant en marge du catholicisme romain qu’aux écrivains à succès. Les historiens, les philosophes, les théoriciens politiques forment également des contingents jugés plus cruciaux – et en conséquence traités plus rapidement – que les hommes de lettres.

Délai entre parution et première condamnation de romancier au xixe siècle

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AUTEURS PUBLICATION INDEX DÉLAIS Pigault-Lebrun, Le citateur 1803 1820 17 ans Stendhal, Rome, Naples et Florence 1827 1828 1 an Victor Hugo, Notre-Dame de Paris 1831 1834 3 ans Alphonse de Lamartine, Souvenirs, impressions, pensées et paysages […], Jocelyn 1835-1836 1836 <1-1 an George Sand, Omnes fabulae amatoriae 1831 1840 9 ans Balzac, Le Lys dans la vallée, Physiologie du mariage, Le Livre mystique, Les Cent contes drolatiques, Nouveaux contes philosophiques, Contes bruns, l ’Israélite, L ’Excommunié 1829-1837 1841 4-12 ans Eugène Sue, Opera omnia quocumque idiomate exarata 1830-… 1852 <1-22 ans Alexandre Dumas, père et fils, Opera omnia romanensia 1825-… 1863 <1-38 ans Champfleury, Les Bourgeois de Molinchart, Les Aventures de mademoiselle Mariette, Le Réalisme 1853-1857 1864 7-11 ans Ernest Feydeau, Fanny, étude ; Daniel, étude, Catherine d ’Overmeyre, étude, et similia ejusdem auctoris 1858-1864 1864 1-6 ans Gustave Flaubert, Mme Bovary, Salammbô 1857-1863 1864 1-7 ans Henry Murger, Omnes fabulae amatoriae 1851-… 1864 <1-13 ans Frédéric Soulié, Omnes fabulae amatoriae 1824-… 1864 <1-40 ans Émile Zola, Opera Omnia 1864-1894 1894 <1-30 ans

Délai entre parution et première condamnation de romancier au xixe siècle

4Un autre élément permet de confirmer cette distance structurelle entre l’Index et le monde du roman: l’absence de spécialiste parmi les examinateurs et consulteurs de l’Index. L’adéquation entre les compétences et l’ouvrage considéré est pourtant expressément préconisée par Sollicita ac provida qui demande à ce «qu’aucun [consulteur] ne porte un jugement sur une matière qu’il ne possède pas». La constitution précise: «On a pris soin jusqu’ici, et nous ne doutons pas qu’il n’en soit pas ainsi dans l’avenir, de n’admettre comme rapporteurs et consulteurs des hommes familiarisés par de longues études avec les diverses matières qui font l’objet des livres déférés à cette congrégation ; c’est en effet aux artistes qu’il appartient de juger les œuvres d’art.» [10] Écrite en 1753, cette dernière phrase prend une résonance particulière un siècle plus tard, lorsqu’il s’agit justement pour l’Index d’évaluer la dangerosité des idées développées par le maître d’œuvre de La Comédie humaine. L’exercice s’avère d’autant plus difficile que les liens entretenus par Balzac avec le catholicisme sont troubles. S’il déclare dans son célèbre Avant-propos écrire «à la lueur de deux Vérités éternelles: la Religion, la Monarchie, deux nécessités que les événements contemporains proclament et vers lesquelles tout écrivain de bon sens doit essayer de ramener notre pays» [11], on sait que son attachement au catholicisme est, comme il l’affirme dans sa correspondance, d’abord politique, sa spiritualité se faisant volontiers multiple [12]. Balzac est tour à tour – et parfois en même temps – rationaliste, pyrrhonien, mystique, et prend comme sources des écrits aussi divers que ceux de Saint-Simon, Lamennais, Swedenborg, de Maistre ou Bonald. La profession de foi placée dès l’incipit de La Comédie humaine ne suffit pas à mettre l’auteur à l’abri des foudres vaticanes [13]. Au contraire, sa proximité avec le catholicisme conditionne sa censure, Balzac ne respectant l’orthodoxie religieuse que lorsqu’elle se plie à son système [14].

Swedenborgianisme et autres sacrilèges

5Les thèmes philosophiques et religieux apparaissent dans différents pareri. Pio Bighi évaluant Le Lys dans la vallée relève l’allusion à Saint-Martin, le «philosophe inconnu». Dans l’examen du Livre mystique, le père Zechinelli fait la remarque suivante: «Bien qu’il ne semble écrire que de simples romans, il apparaît néanmoins clairement, qu’avec astuce, l’auteur vient développer un système religieux, dont il ne voudrait pas apparaître partisan, mais que néanmoins il propose comme préférable aux autres, y compris le catholicisme.» [15] La seule préface, où l’auteur expose le projet de l’ouvrage – l’apparition du mysticisme dans son «naïf triomphe» au Moyen Âge avec Les Proscrits, le «mysticisme pris sur le fait » avec Louis Lambert et «le mysticisme tenu pour vrai» avec Séraphîta – suffirait aux yeux du consulteur Michele Zechinelli à faire condamner l’œuvre entière [16]. Les trois histoires sont cependant analysées en détail par le jésuite. Au printemps 1841, il fait une expertise préparatoire comptant une trentaine de feuillets recto verso[17]. Ses idées sont ensuite condensées en quinze pages imprimées. Le consulteur émet quelques doutes: «le système est impossible à réfuter, parce qu’il ne se définit pas, ni ne se distingue […] et ne fait que se perdre en de vaines peintures poétiques» [18]. Il éclaire la congrégation sur les liens entre Balzac et quelques-uns de ses inspirateurs: Leibniz, Spinoza, Swedenborg, tous trois à l’Index [19]. La référence à Swedenborg semble capitale pour l’Index, et Giovanni Cannella, scrutant les Nouveaux contes philosophiques où figure la Notice sur Louis Lambert[20], insiste à son tour sur les passages où sont développées ses idées. Même dans le parere très expéditif du 20 juin 1864 qui ramasse en une page à peine l’examen du Cousin Pons, le lecteur romain relève la mention faite au philosophe suédois, dont le nom n’apparaît pourtant qu’une seule fois dans l’ouvrage [21]. En 1841, le père Zechinelli précise que «parmi l’embarras des idées exposées dans ce Livre mystique, celle qui est, de ce que l’on puisse en déduire, la plus importante (quel que soit le sens mystérieux que l’auteur veuille y cacher), est […] la voie qui est présentée pour aller au Ciel» [22]. Balzac avance l’idée, inspirée de Swedenborg, selon laquelle l’homme s’élève vers Dieu de cercles en cercles, la terre étant « la pépinière du ciel » [23]. L’ange serait alors un homme chez lequel l’être intérieur aurait réussi à triompher. Séraphîta développe ce thème, mettant en scène le personnage double de Séraphîta/Séraphîtüs, synthèse de l’être terrestre et de l’être immortel. «Disciple peu scrupuleux» [24], Balzac ne semble pas avoir lu avec la meilleure attention les œuvres du théosophe scandinave et en déforme certains aspects. Le swedenborgianisme «à la Balzac» se résume à un projet de religion pour l’élite, abandonnant le catholicisme aux masses [25].

6Dans les moutures successives de l’histoire de Louis Lambert, l’auteur hésite à propos de l’orientation philosophique de son héros, entre spiritualisme, matérialisme, ou fusion des deux grands principes, conduisant à partir de la version de l’histoire telle qu’elle est publiée en 1833 à un renoncement à Swedenborg [26]. La variante condamnée par la congrégation de l’Index voit le jeune homme affirmer son orientation swedenborgienne plus nettement que dans les précédentes ; à la fin de l’ouvrage, il reste décrit comme un fou, donnant à l’histoire une certaine ambiguïté. Cependant, quel que soit le penchant de Louis Lambert, spiritualisme et matérialisme – ce dernier étant assumé dans le roman par le narrateur – sont tous deux relevés par l’examinateur. «L’orribile sistema della sostanza unica» inspiré de Spinoza fait horreur au consulteur [27]. De même, il juge sévèrement le recours à la dottrina materialistica, considérant «qu’elle aurait mérité d’être longuement réfutée, plutôt que simplement censurée». Il ajoute que «l’auteur veut que le lecteur tire la conséquence [de son discours] que les prophéties, les miracles, les mystères, et toutes les autres opérations que l’on croit supranaturelles, ne soient pas que manifestations de l’incommensurable, mais entièrement physique puissance de la Pensée, ou bien effets du magnétisme animal, et d’autres causes purement naturelles» [28]. Dans Séraphîta et Louis Lambert, plusieurs passages attestent de cette représentation rationaliste du miraculeux. Balzac écrit notamment : «Croyez-moi, les miracles sont en nous et non au dehors. Ainsi se sont accomplis les faits naturels que les peuples ont crus surnaturels» [29]. La mention du magnétisme animal, thème jugé important par l’Index [30], finit de rendre l’ouvrage coupable, même si le terme «magnétisme» n’apparaît qu’une fois dans Louis Lambert et deux dans Séraphîta[31].
Le consulteur notant le caractère obscur de certains développements de Balzac, il reste difficile de savoir dans quelle proportion sa spiritualité est jugée dangereuse par Michele Zechinelli. Beaucoup d’arguments de l’écrivain sont perçus comme une «répétition confuse» des auteurs matérialistes. Relevant les considérations sur «la Volonté» et «la Pensée» contenues dans l’ouvrage, le consulteur se moque de l’auteur. Celui-ci, pour illustrer «les sentiments méconnus à exhaler » ou la «surabondance de force à perdre», évoque les «étincelles électriques jaillissant de la chevelure de [la] mère» de Louis Lambert [32]. Zechinelli ironise: «grand argument pour établir le matérialisme de la Volonté et de la Pensée!». Néanmoins, ne se résignant pas à l’idée que son parere voyage jusqu’à Rome en compagnie des deux volumes du Livre mystique, il juge préférable de les brûler [33].

La bataille des mots

7Opposés aux idées développées par Balzac, les lecteurs romains se trouvent aussi souvent désarmés face aux mots que choisit l’auteur. La dédicace de la Notice biographique sur Louis Lambert, adressée à la dilecta Laure de Berny [34], est interprétée comme une épigraphe au roi. Le consulteur s’emporte: «[…] ne serait-ce pas pour montrer que l’auteur considère [son livre] comme un travail de premier plan, que parmi ses productions il mérite la première place […] ?» [35]. Lorsque, pour réserver son jugement sur la question, Balzac s’amuse à écrire dans un incompréhensible sabir le paragraphe intitulé «Des religions et de la confession, considérées dans leurs rapports avec le mariage» de sa Physiologie du mariage, le consulteur déplore ne pas avoir compris le passage [36]. Cependant, plus que par les jeux de l’écriture, les mots de l’auteur choquent lorsqu’ils sont choisis dans le lexique religieux. Dans son rapport du Lys dans la vallée, Pio Bighi reproche essentiellement à l’écrivain l’usage de passages des Saintes Écritures, appliqués « aux sujets et aux actions les plus répugnantes» [37]. Après avoir fait le résumé de l’histoire, il cite seize passages où l’auteur se laisse aller au «flou du jargon de coloration mystique» qui caractérise bien des pages du livre [38]. Le consulteur privilégie des citations où le mélange des propos amoureux et du lexique religieux est parfaitement explicite. Comme le remarque Patricia McEachern, certains portraits angéliques de femmes dans la littérature du xixe siècle sont si exagérés qu’ils apparaissent interchangeables avec les descriptions des apparitions de la Vierge Marie. Ce recours à la symbolique mariale appliquée à la description des caractères féminins commence significativement avec Balzac [39]. On remarque dans l’examen du Lys que c’est seulement lorsque le détournement du lexique religieux se révèle sans équivoque que l’œuvre devient condamnable. Un long dialogue entre Mme de Mortsauf et Félix de Vandenesse est ainsi cité dans le parere: le jeune homme y avoue aimer Henriette «comme une vierge Marie visible» [40].
Cette lecture réductrice annonce les limites dans lesquelles les censeurs veulent circonscrire leur expertise. Il ne s’agit pas d’envisager le texte comme une œuvre littéraire et de se perdre dans les artifices du roman. Ainsi, alors que l’écriture se fait, plus qu’ailleurs dans La Comédie humaine, suggestive [41], ce sont les mots, plus que les images, qui sont au cœur de l’analyse. Des scènes particulières sont cependant notées dans les pareri balzaciens ; mais elles mettent en jeu, comme les passages du Lys, le détournement par l’auteur du lexique religieux. Dans L’Israélite, on relève une parodie de vêpres en l’honneur du saint patron des brigands, «le bon larron». On a remplacé les bibles par des gobelets, les cierges par des lances, on a dressé un autel, et en guise de crucifix on voit «l’image grossière d’un brigand en croix». Dans Maître Cornélius, la scène d’exposition est recopiée: l’auteur y explique qu’au Moyen Âge, l’église est propice aux rencontres entre les deux sexes, «l’âme d’une femme [étant] alors plus vivement remuée au milieu des cathédrales qu’elle ne l’est aujourd’hui dans un bal ou à l’opéra » [42]. Dans L’œil sans paupière, courte nouvelle écossaise des Contes bruns, le consulteur Giovanni Cannella indique le passage, fruit du délire d’un fermier, où des démons jouent, une nuit «d’Hallowe’en», une «abominable parodie des saints mystères» emportée par la symphonie infernale de l’orgue et des cornemuses, dans une église en ruines et en flammes [43]. De même, à la lecture d’Un grand homme de province à Paris, le consulteur relate le baptême des journalistes, en reprenant les paroles que Finot, grisé, prononce en versant sur la tête de Lucien quelques gouttes de Champagne: «Au nom du Timbre, du Cautionnement et de l’Amende, je te baptise journaliste. Que tes articles te soient légers!» [44]. Le consulteur conclut à «un abus de noms et de termes sacrés» [45].

Prêtres et fidèles indignes

8Dans l’examen des personnages comme pour le choix du vocabulaire, plus l’auteur s’approche du catholicisme, plus il est jugé dangereux. Dans Le Lys, ce n’est pas le personnage de lady Dudley, la protestante, qui entraîne la condamnation. Celle-ci, amante du jeune Félix lui révélant «la poésie des sens», décrite dans le roman comme «le démon sur le faîte du temple», amazone dont le corps «aspire le feu dans l’atmosphère» [46], n’est concernée que par un seul passage de l’examen du roman, parce qu’elle commet un blasphème. En revanche, dix extraits sont réservés à la pieuse Blanche de Morsauf. En 1836, la critique littéraire du Lys sanctionne déjà Balzac pour son ambiguïté subversive, l’auteur présentant une héroïne à la fois vertueuse et sensuelle [47]. L’analyse romaine de La Torpille est similaire à celle du Lys. À l’intérieur de La Comédie humaine, l’histoire prend place dans Splendeurs et misères des courtisanes: il s’agit du court épisode où Esther, «la Torpille», prostituée repentie, amoureuse de Lucien de Rubempré, est manipulée par un mystérieux prêtre espagnol, qui s’avère être l’inquiétant bandit Jacques Collin, le Vautrin du Père Goriot. Vincenzo Tizzani, en charge de l’examen de l’ouvrage, indique que celui-ci est «digne de censure, pour sa satire de l’honnêteté, pour ses abjectes descriptions amoureuses, pour l’exécrable tempérament du Jésuite, dans la bouche duquel sont placées des expressions déshonorantes pour un religieux, et même pour un chrétien» [48]. Il donne en référence dix pages du livre: trois concernent les activités de la Torpille, les sept autres le prétendu prêtre, «vieux lascar qui ne croit ni à Dieu ni au diable» comme le précise le romancier à la toute fin du roman [49].

9Pour l’Index, la description des vies dissolues pèse alors bien moins que le travestissement des ordres. En conséquence, toutes les figures d’ecclésiastiques dignes de commentaires sont rapportées par les consulteurs. C’est le cas du curé de Saint-Paul, recevant dans La Femme supérieure un riche ostensoir contre son soutien politique au donateur, M. Baudoyer, «un incapable» comme le note Vincenzo Tizzani dans son parere[50]. Berthe la repentie, extrait des paillards Cent contes drolatiques mérite «la plus sévère condamnation» parce qu’on y décrit un moine «de la manière la plus honteuse et obscène» [51]. Des personnages moins signifiants peuvent aussi être mentionnés dans les avis des consulteurs: un chanoine anonyme, entrevu le temps d’une page de Maître Cornélius, couvrant la fuite du jeune Georges d’Estouteville, poursuivi par un mari jaloux [52] ; les évêques, cardinaux et archevêques revêtus de leurs plus beaux atours que Sara la danseuse dans une nouvelle éponyme des Contes bruns croise en enfer [53]; les bénédictins de L’Excommunié, « toujours dépeints comme avides de richesses, calomniateurs, vengeurs, etc.» [54] ; le chapelain de l’hôpital de Tobias Guarnerius, trop «occupé à un discours tiré comme de coutume de ses prêches sur les sept péchés capitaux, et qui pendant ce temps laisse mourir [un] malade sans l’absolution» [55]. L’image du prélat-chevalier déplaît tout autant aux consulteurs. À l’examen de L’Israélite, on s’arrête sur le personnage d’Hilarion d’Aosti, l’évêque de Nicosie qui «a tout autre esprit que celui d’un ecclésiastique, et est dépeint comme un homme qui entendant parler des mérites et des aides que peut donner la religion du Christ coupe toujours les discours avec rouerie, au point d’apparaître ou comme un incrédule, ou comme un dépréciateur du culte» [56]. Que Balzac place à ses côtés le personnage «toujours chrétien» de Monestan, qui porte en permanence contradiction au prélat n’a que peu d’importance: pour Vincenzo Tizzani, il a trop tendance à la pinzocheria, à la bigoterie [57].

La question des mœurs

10L’accusation de corruption des bonnes mœurs, autant que d’impiété, forme un fil conducteur liant l’ensemble des examens romains de Balzac. Ce thème ne leur est pas exclusif. On le retrouve, comme beaucoup des griefs portés par la congrégation, dans la presse de l’époque. Dans Le Bibliographe du 13 mai 1841, Francis Girault écrit ainsi à propos des Cent contes drolatiques que «la nudité des expressions blesse à chaque instant les lois de la saine morale» [58]. Chez Louis Veuillot, l’argument est également développé, Balzac, « conteur obscène», produisant des livres « exécrables et honteux» [59]. Dans leurs avis adressés à la congrégation, les consulteurs commencent ou finissent par un constat lapidaire relevant le caractère scandaleux des ouvrages analysés: Le Lys dans la vallée est un «tissu d’obscénités du début à la fin et il suffit d’ouvrir le livre pour en être convaincu» [60], la Physiologie du mariage «un livre impie, séduisant et plus que tout nuisible aux bonnes mœurs» [61], L’Excommunié un ouvrage où «tout tend à rendre un homme irréligieux» [62]. Pour Vincenzo Tizzani jugeant les Cent contes drolatiques «dans chaque nouvelle […] l’auteur se répand dans la même luxure, […] réunissant toute l’obscénité, tous les vices, toute l’impudence dont la France depuis le début de ses révolutions jusqu’à aujourd’hui s’est rendue coupable devant les hommes et devant Dieu» [63].

11La collusion entre le romancier et la société qu’il entend décrire est ainsi amorcée dès les examens de 1841. À cet égard la condamnation de la Physiologie du mariage, ouvrage écrit en 1826 sur le modèle alors en vogue des Codes, est significative. Son examen, réalisé par Pio Bighi, est relativement court: trois pages, avec quelques longues citations du texte tirées pour la plupart de l’épilogue de la première partie de l’ouvrage. L’hypothèse qui effraie le plus est que «le mariage ne dérive point de la nature», et qu’il peut être l’objet d’évolutions. Pio Bighi remarque aussi que «la religion du Christ» est qualifiée de «code de morale et de politique». Il s’arrête sur la peinture que fait l’auteur des liens entre époux, notamment lorsqu’il assure, dans une grande comparaison entre Orient et Occident, que «l’homme n’est pas plus aimé par les femmes d’un harem que le mari n’est sûr d’être, en France, le père de ses enfants» [64]. Balzac s’attaque à l’hypocrisie de la société de Charles X, diagnostiquant une faillite presque générale du mariage et un penchant fréquent pour l’adultère, égratignant au passage, dans le dernier extrait du parere, l’institution des pensionnats. Occultant la position d’analyste que choisit l’auteur, l’Index l’assimile à ce qu’il décrit: à travers lui, on désavoue la France et ses transformations. La proscription de 1864, prise dans un vaste mouvement contre le second Empire, accentue cet aspect moral de la condamnation, au détriment des thèmes privilégiés en 1841 et 1842, liés au système philosophique et religieux de l’auteur.

12L’élément criminogène, absent ou peu développé dans les pareri balzaciens vingt ans plus tôt, est mis en évidence en 1864 dans l’examen d’Histoire des Treize. Douze citations sont extraites du texte par le consulteur. Il égrène les fautes correspondantes: homicide, vengeance, adultère [65]. La relecture d’Esther heureuse, déjà condamné en 1842 sous le titre de La Torpille pour le personnage du faux prêtre, témoigne également de cette évolution du regard porté sur les romans de Balzac. On privilégie désormais les évocations de l’amour charnel, la condition de courtisane – «Sans courtisane il n’y a pas de grand siècle» – ou les représentations du couple et du mariage peu conformes aux préceptes religieux: «La formule ils furent heureux fut encore plus explicite que dans les contes de fées ; car ils n’eurent pas d’enfants», «Les femmes lui étaient devenues parfaitement indifférentes, à plus forte raison la sienne», «Delphine espéra secrètement devenir veuve».

Les censeurs classés par leurs classements

13Dans La Distinction, Pierre Bourdieu estime que les acteurs sociaux, «classeurs classés par leurs classements», témoignent à travers leurs goûts et leurs choix culturels de déterminismes de classe [66]. Acte taxinomique par excellence, l’exercice de censure est aussi, à l’échelle des consulteurs, une expérience esthétique. Son analyse offre un renversement de perspective, plaçant sous la loupe non plus les auteurs accusés mais leurs juges. Les consulteurs émaillent leurs relievi des traces de leurs propres affects. Vincenzo Tizzani se lasse de L’Israélite, qualifié de «légende ennuyeuse» [67]. Souvent, la lecture des romans indigne, dégoûte, comme Un grand homme de province dont les chapitres sont jugés écœurants [68]. Pio Bighi avoue son embarras devant l’exercice du rapport public sur les Cent contes drolatiques : « Je n’insiste pas à vous reporter les principales choses lues impures et ouvertement obscènes, parce qu’il faudrait insérer dans toute leur intégralité les deux tomes, je ne peux en évoquer aucun, puisque ma main tremblerait en référant quae nec nominentur in nobis.» [69] Se refusant ainsi à relever ce qui ne peut être nommé devant la vénérable assemblée de la congrégation, le consulteur présente un avis étonnamment court sur l’ouvrage, se limitant à la présentation d’une page de notes, vierge d’extraits du livre incriminé. Paradoxe, le consulteur s’astreint à un travail de censure sur son propre parere dès le procès fait à l’ouvrage: «Pour ne pas offenser la pudeur et la délicatesse en usage dans de telles occasions, [il s’abstient] de relever les passages obscènes de l’œuvre.» [70] Il est vrai que la présentation en comité des avis ressemble parfois à une épreuve. Elle éreinte par exemple le consulteur en charge de l’examen du Lys dans la vallée. Celui-ci s’avoue «fatigué de transcrire autant de sottises, de blasphèmes et d’impiétés» et craint d’avoir également fatigué son auditoire en les rapportant [71]. De même, Giovanni Cannella souhaite en alignant les titres dans son avis «ne pas abuser à nouveau» de la patience de l’assemblée [72]. Dès lors, il ne semble souvent pas nécessaire – même si les consulteurs précisent généralement qu’ils le font pour honorer la charge qui leur a été confiée – de lire l’ensemble de l’ouvrage. Les premières lignes de la Physiologie du mariage sont déclarées suffisantes pour interdire le livre [73]. Le constat est le même pour L’Auberge rouge, qui «ne mérite pas d’observations détaillées pour être réprouvé» [74]. Passé l’effroi ou la gêne, les consulteurs peuvent laisser éclater leur indignation, multipliant les points d’exclamation en marge des ouvrages lus [75] ou dans leurs avis détaillés des œuvres. «Quelle témérité! Quelle horreur! Quelle impiété! » s’emporte Michele Zechinelli lorsque «la croix de Jérusalem» et «le sabre de La Mecque» sont placés sur un même plan [76]. Expressions de pudeur, ces impressions témoignent également d’un écart de culture – et de la volonté de l’exprimer – entre les consulteurs et l’univers romanesque. Il est renforcé par les lectures ostensiblement rapides ou partielles faites par les censeurs: il suffit, pour juger ce type d’écrits, d’en lire quelques pages, parfois les premières seulement. Les ecclésiastiques de la congrégation de l’Index «n’entrent pas» dans l’écriture balzacienne, leur propre corps exprimant des résistances devant ces textes: ils tremblent, ont l’estomac retourné, détruisent les volumes. Le rapport aux œuvres est frontal. Il reflète l’opposition entre deux mondes antithétiques, celui de la curie romaine et celui du roman.
Ainsi, à la distance initiale structurelle entre l’Index et les Lettres – la congrégation n’est pas initialement faite pour juger des œuvres de fiction – s’ajoute l’éloignement culturel que manifestent les pareri des consulteurs. Ils mettent en cause toute distorsion du réel, soulignant dans les textes les situations qui pourraient paraître plausibles parce qu’elles mettent en scène des personnages vraisemblables, comme les curés. Les prêtres que Balzac multiplie par la suite comme autant de Fénélon, les abbés Janvier du Médecin de campagne, Bonnet et Dutheil du Curé de village, Brossette des Paysans, Loraux d’Honorine, Chaperon d’Ursule Mirouët, l’abbé de Vèze du Prêtre catholique et de L’Envers de l’histoire contemporaine, ne peuvent sauver leur auteur de la condamnation, puisqu’on lui reproche d’être, dans ses thèmes, ses mots et ses personnages, trop proche de la religion. Il utilise le vocabulaire pieux et dilue ainsi son sens. Cette désacralisation des termes ressemble à une forme de dérision. On note ainsi à propos du romancier: «Il semble qu’il n’ait aucune religion, et qu’il se plaise à railler la nôtre.» [77] Les consulteurs de l’Index partagent de fait la vision extensive du blasphème du clergé contemporain [78]. L’attention de l’Église se fait d’autant plus forte sur ce contrôle du lexique de la Religion que la justice civile ne la prend plus en charge. Le problème relevé par les consulteurs n’est pas propre à Balzac, puisque les liens entre littérature et religion se resserrent au xixe siècle avec le Romantisme. La vie religieuse se modèle sur des exemples littéraires ; les romans racontent des parcours religieux individuels, fictifs, qui ne sont pas forcément exemplaires aux yeux de l’Église. La crispation à l’égard de Balzac, qui se répète et s’exerce même en direction d’auteurs de «bonnes» fictions catholiques [79], témoigne de l’échec de la définition d’une littérature chrétienne. À la même époque, Louis Veuillot étouffe de toute façon tout débat sur le sujet, en affirmant que «le roman, sans défaut et catholique, n’existe qu’à l’état de glorieuse exception» [80]. Le statut même de la fiction ne peut s’accorder avec la représentation de l’écrit qu’ont les clercs. Comme le souligne Hans-Robert Jauss, «le texte poétique n’est pas un catéchisme qui nous poserait des questions dont la réponse est donnée d’avance. À la différence du texte religieux canonique, qui fait autorité et dont le sens préétabli doit être perçu par “quiconque a des oreilles pour entendre ”, le texte poétique est conçu comme une structure ouverte où doit se développer, dans le champ libre d’une compréhension dialoguée, un sens qui n’est pas dès l’abord “révélé ” » [81]. Permettant des interprétations diverses sur les intentions de l’auteur – celles souvent au ras du texte des consulteurs en sont une parmi d’autres – le roman et ses équivoques heurtent une culture du texte dont le primat est l’expression de la Vérité. Peu importe alors les messages favorables au catholicisme que distille Balzac, tel fameux mot d’ordre (« Il faut défendre l’ÉGLISE» placé à la fin de Jésus-Christ en Flandre[82]), puisque la posture de l’écrivain en zélateur du culte n’est pas validée par les consulteurs de la congrégation. Tout juste Domenico Lo Jacono, dans l’introduction de son avis consacré à Un grand homme de province, avoue-t-il avoir trouvé quelques paroles justes dans le livre ; mais il ajoute immédiatement que celles-ci sont jointes à des idées fausses, impies, mauvaises [83]. Le doute n’est pas partagé dans les autres relievi de 1841 et 1842. Pour Giovanni Cannella, qui fait une lecture extrêmement ouverte de la fin de Maître Cornélius, histoire d’un somnambule qui se vole lui-même, Balzac est tout simplement un panégyriste de l’anarchie [84]. En 1864, l’introduction lapidaire à son ultime examen romain ramasse en quelques formules deux décennies de fiévreuses compulsions. Pour le consulteur, si Honoré de Balzac se dit fidèle au christianisme, il s’obstine dans l’incrédulité et l’athéisme. Classé en fin d’un parere collectif, il ferme, après Frédéric Soulié, Gustave Flaubert, Ernest Feydeau, Champfleury et Henry Murger «la longue cohorte des histoires pestilentielles, lui qui est, sans peine, le premier de tous [leurs auteurs] » [85].


ANNEXE

Pages relevées par les consulteurs romains à la lecture du Lys dans la vallée

141. «Lors de ma première communion, je me jetai donc dans les mystérieuses profondeurs de la prière, séduit par les idées religieuses dont les féeries morales enchantent les jeunes esprits. Animé d’une ardente foi, je priais Dieu de renouveler en ma faveur les miracles fascinateurs que je lisais dans le Martyrologe.» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 976).

152. «Amie intime de la duchesse de Bourbon, Mme de Verneuil faisait partie d’une société sainte dont l’âme était M. Saint-Martin, né en Touraine, et surnommé le Philosophe inconnu. Les disciples de ce philosophe pratiquaient les vertus conseillées par les hautes spéculations de l’illuminisme mystique. » (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1010. Dans la version de 1839 utilisée par l’Index, on trouve «madame d’Uxelle» à la place de Madame de Verneuil)

163. «Mais l’amour, comme le Dieu de Bossuet, met au-dessus des plus riches victoires le verre d’eau du pauvre, l’effort du soldat qui périt ignoré. La comtesse me jeta l’un de ces remerciements muets qui brisent un cœur jeune, elle m’accorda le regard qu’elle réservait à ses enfants! Depuis cette bienheureuse soirée, elle me regarda toujours en me parlant. Je ne saurais expliquer dans quel état je fus en m’en allant. Mon âme avait absorbé mon corps, je ne pesais pas, je ne marchais point, je volais. Je sentais en moi-même ce regard, il m’avait inondé de lumière, comme son adieu, monsieur! avait fait retentir en mon âme les harmonies que contient l’O filii o Filiae! de la résurrection pascale.» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1022)

174. «Peut-être, pensait cet ange, ces sévérités étaient-elles nécessaires? ne l’avaient-elles pas préparée à sa vie actuelle? En l’écoutant, il me semblait que la harpe de Job de laquelle j’avais tiré de sauvages accords, maintenant maniée par des doigts chrétiens, y répondait en chantant les litanies de la Vierge au pied de la croix.» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1029)

185. «Hé bien, monsieur m’aime autant qu’il peut m’aimer ; tout ce que son cœur enferme d’affection, il le verse à mes pieds, comme la Madeleine a versé le reste de ses parfums aux pieds du Sauveur.» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1033)

196. «Mon Dieu! ne m’entendez-vous pas ? repris-je en me servant du langage mystique auquel notre éducation religieuse nous avait habitués. Voyez par quelles voies nous avons marché l’un vers l’autre? quel aimant nous a dirigés sur l’océan des eaux amères, vers la source d’eau douce, coulant au pied des monts sur un sable pailleté, entre deux rives vertes et fleuries? N’avons-nous pas, comme les Mages, suivi la même étoile? Nous voici devant la crèche d’où s’éveille un divin enfant qui lancera ses flèches au front des arbres nus, qui nous ranimera le monde par ses cris joyeux, qui par des plaisirs incessants donnera du goût à la vie, rendra aux nuits leur sommeil, aux jours leur allégresse. » (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1034)

207. «Voici, lui dis-je, la première, la sainte communion de l’amour. Oui, je viens de participer à vos douleurs, de m’unir à votre âme, comme nous nous unissons au Christ en buvant sa divine substance.» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1036)

218. «Sa pureté m’arracha une larme d’admiration que l’égoïsme de la passion rendit bien amère. En faisant un retour sur moi, je songeai qu’elle ne m’aimait pas assez pour souhaiter sa liberté. Tant que l’amour recule devant un crime, il nous semble avoir des bornes, et l’amour doit être infini.» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1043)

229. «Quelle singulière et mordante puissance est celle qui perpétuellement jette au fou un ange, à l’homme d’amour sincère et poétique une femme mauvaise, au petit la grande, à ce magot une belle et sublime créature ; à la noble Juana le capitaine Diard, de qui vous avez su l’histoire à Bordeaux ; à Mme de Beauséant un d’Ajuda, à Mme d’Aiglemont son mari, au marquis d’Espard sa femme? J’ai cherché longtemps le sens de cette énigme, je vous l’avoue. J’ai fouillé bien des mystères, j’ai découvert la raison de plusieurs lois naturelles, le sens de quelques hiéroglyphes divins ; de celui-ci, je ne sais rien, je l’étudie toujours comme une figure du casse-tête indien dont les brames se sont réservé la construction symbolique. Ici le génie du mal est trop visiblement le maître, et je n’ose accuser Dieu.» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1079. Dans la version de 1839, le nom des personnages cités est différent : «à lady Brandon le colonel Franchessini, à la noble Juana de Mancini le capitaine Diard de qui vous avez su l’histoire de Bordeaux, à madame de Beauséant M. d’Ajuda, à madame d’Aiglemont son mari?»)

2310. « — Henriette, idole dont le culte l’emporte sur celui de Dieu, lys fleur de ma vie, comment ne savez-vous donc plus, vous qui êtes ma conscience, que je me suis si bien incarné à votre cœur que mon âme est ici quand ma personne est à Paris? Faut-il donc vous dire que je suis venu en dix-sept heures, que chaque tour de roue emportait un monde de pensées et de désirs qui a éclaté comme une tempête aussitôt que je vous ai vue…

24— Dites, dites! Je suis sûre de moi, je puis vous entendre sans crime. Dieu ne veut pas que je meure ; il vous envoie comme il dispense son souffle à ses créations, comme il épand la pluie des nuées sur une terre aride ; dites! dites! m’aimez-vous saintement?

25— Saintement.

26— À jamais?

27— À jamais.

28— Comme une vierge Marie, qui doit rester dans ses voiles et sous sa couronne blanche?

29— Comme une vierge Marie visible. » (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1112)

3011. «La comtesse avait repris son auguste sérénité ; elle se repentait presque de m’avoir dévoilé ses douleurs et d’avoir crié comme Job, au lieu de pleurer comme la Madeleine, une Madeleine sans amours ni fêtes, ni dissipations, mais non sans parfums ni beautés. » (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1125)

3112. «Si Henriette aimait, elle ne connaissait rien, (ni) des plaisirs de l’amour ni de ses tempêtes. Elle vivait du sentiment même, comme une Sainte avec Dieu. » (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1126)

3213. «Oui, repris-je, car je donnerais l’éternité pour un seul jour de bonheur, et vous!…» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1136).

3314. «O, vous qui aimez! imposez-vous de ces belles obligations, chargez-vous de règles à accomplir comme l’Église en a donné pour chaque jour aux chrétiens. C’est de grandes idées que les observances rigoureuses créées par la Religion romaine, elles tracent toujours plus avant dans l’âme les sillons du devoir par la répétition des actes qui conservent l’espérance et la crainte […]» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1139).
15. «Souvent, au milieu de mes joies, une soudaine douleur me glaçait, j’entendais le nom d’Henriette prononcé par une voix d’en haut comme le: — “Caïn, où est Abel ? ” de l’Écriture.» (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1149)
16. «Je n’aime pas la morale. Mais pour te plaire, je suis capable des plus grands efforts. Allons, tais-toi, je m’y mettrai! Je tâcherai de devenir prêcheuse. Auprès de moi, Jérémie ne sera bientôt qu’un bouffon. Je ne me permettrai plus de caresses sans les larder de versets de la Bible. » (Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1176. Dans la version de 1839, Balzac écrit «pas de caresses» p. 308)

Notes

  • [1]
    Je remercie très chaleureusement Fabien Archambault et Laurine Lavieille pour la relecture attentive et judicieuse de ce texte, ainsi que Philippe Boutry, qui m’a donné l’occasion de présenter un premier travail sur les censures romaines de Balzac au séminaire «Croyance et incroyance dans l’Europe de la Révolution et du xixe siècle» qu’il anime à l’EHESS.
  • [2]
    P. Boutry, Souverain et pontife. Recherches prosopographiques sur la curie romaine à l’âge de la Restauration (1814-1846), Rome, École Française de Rome, 2002, p. 56.
  • [3]
    J.-M. de Bujanda, Index librorum prohibitorum, 1600-1966, Montréal/Genève, Médiaspaul/ Librairie Droz, 2002, p. 30.
  • [4]
    Archivio della Congregazione per la Dottrina della Fede (ACDF), Index, II.a.113, 2 mai 1840.
  • [5]
    ACDF, Index, I.XIX.
  • [6]
    Voir O. Poncet, «L’ouverture des archives du Saint-Office et de l’Index, échos d’une journée de présentation», Revue d’histoire de l’Église de France, t. 84, 1998.
  • [7]
    On trouve ainsi mention de L’Ami de la religion quand il s’agit d’examiner La Chute d’un ange et Jocelyn d’Alphonse de Lamartine, tandis que la Bibliographie catholique est utilisée par les lecteurs romains d’Eugène Sue.
  • [8]
    L. Artiaga, 5281 «Histoires religieuses francophones et proto-histoire de la culture médiatique», Revue d’histoire du xixe siècle, n° 25, 2003.
  • [9]
    L. Artiaga, «Les catholiques et la littérature industrielle au xixe siècle», dans J. Migozzi et P. Le
    Guern (dir.), Production(s) du populaire, Limoges, Pulim, 2005, p. 231-243.
  • [10]
    Sollicita ac provida, § 16.
  • [11]
    Avant-propos, t. I, p. 13. Les citations de l’œuvre d’Honoré de Balzac renvoient, sauf mentions contraires, à La Comédie humaine, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», P.-G. Castex (éd.), 1976.
  • [12]
    Dans une lettre à Mme Hanska datée du 31 mars 1837, Balzac parle au pluriel de ses religions. Cité par K.-E. Sjöden, «Swedenborg in France. Three examples of “literary swedenborgianism ”», The New Philosophy, vol. 100, nos 1-2, 1997.
  • [13]
    Pour R. Pierrot, Balzac cherche avec cet Avant-propos à se prémunir contre de nouvelles censures religieuses. Le 13 juillet 1842, il écrit: «Je viens de relire l’Avant-propos qui commence La Comédie humaine. Il a 26 pages, et ces 26 pages m’ont donné plus de mal qu’un ouvrage, car elles prennent, par la circonstance, un caractère de solennité qui effraie celui qui prononce ces quelques paroles en tête d’une collection si volumineuse. […] Quand vous lirez ces pages, vous ne me demanderez plus si je suis catholique et quelles sont mes opinions, elles ne sont que trop tranchées dans un siècle aussi éclectique que le nôtre» (Honoré de Balzac, Librairie Arthème Fayard, 1994, p. 376-377).
  • [14]
    M. Andreoli, Le Système balzacien. Essai de description synchronique, Berne, Éditions Peter Lang, 1983, t. I, p. 160.
  • [15]
    ACDF, Index, II.a.113.561.
  • [16]
    ACDF, Index, II.a.113.562.
  • [17]
    ACDF, Index, II.a.113.568-607.
  • [18]
    ACDF, Index, II.a.113.566.
  • [19]
    Leibniz entre indirectement à l’Index avec l’ouvrage publié par P. des Maizeaux, Recueil de diverses pièces sur la philosophie, la religion naturelle, l’histoire, les mathématiques etc. par messieurs Leibniz, Clarke, Newton et autres auteurs célèbres condamné en 1742. Spinoza est mis à l’Index en 1679 et Swedenborg en 1738.
  • [20]
    ACDF, Index, II.a.113.633.
  • [21]
    ACDF, Index, II.a.122 et Le Cousin Pons, t. VII, p. 587.
  • [22]
    ACDF, Index, II.a.113.567.
  • [23]
    Séraphîta, t. XI, p. 777.
  • [24]
    M. Andreoli, ouvr. cité, p. 64.
  • [25]
    «Balzac n’était pas de ceux qui servent de disciple ; et, malgré sa très grande fierté, il était trop malin pour se présenter lui-même comme un prophète. Il n’y avait qu’un rôle pour lui à jouer ; celui de l’apostat», estime Karl-Erick Sjöden jugeant de l’ambition du projet de l’écrivain. Voir K.-E. Sjöden, loc. cit.
  • [26]
    Louis Lambert, t. XI, p. 1481.
  • [27]
    ACDF, Index, II.a.113.567.
  • [28]
    ACDF, Index, II.a.113.566.
  • [29]
    Séraphîta, t. XI, p. 825.
  • [30]
    Franz-Anton Mesmer n’est pas alors interdit par la congrégation, mais en 1851 sont condamnés deux ouvrages de Louis-Alphonse Cahagnet, et un périodique, Le Magnétiseur spiritualiste.
  • [31]
    Louis Lambert, t. XI, p. 623 et Séraphîta, t. XI, p. 766.
  • [32]
    Louis Lambert, t. XI, p. 626-627.
  • [33]
    ACDF, Index, II.a.113.569.
  • [34]
    «Dilectae dicatum Et nunc et semper. 1822-1832». Dans la version indexée, p. 273, on trouve effectivement «Le Roi», marqué comme un titre, sur la page précédant la Notice biographique sur Louis Lambert dans l’édition indexée. La mention disparaît dans les autres versions du texte.
  • [35]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [36]
    ACDF, Index, II.a.113.558 et Physiologie du mariage, t. XI, p. 1146.
  • [37]
    ACDF, Index. II, a 113.555.
  • [38]
    J. Malavié, «Le sentiment religieux dans Le Lys dans la vallée de Balzac», Studi francesi, vol. 40, 1996. Voir en annexe les pages relevées à la lecture du Lys par les lecteurs romains.
  • [39]
    P.-A. McEachern, «La Vierge et la bête. Marian Iconographies and Bestial Effigies in Nineteenth-Century French Narratives», Nineteenth-Century French Studies, vol. 31, n° 1-2, 2002-2003.
  • [40]
    Le Lys dans la vallée, t. IX, p. 1112.
  • [41]
    On peut penser notamment au symbolisme érotique particulièrement appuyé dans le Lys. Sur ce sujet voir L. Perrone-Moises, «Balzac et les fleurs de l’écritoire», Poétique, n° 43, 1980.
  • [42]
    ACDF, Index, II.a.113.629.
  • [43]
    ACDF, Index, II.a.113.632.
  • [44]
    ACDF, Index, II.a.114.13.
  • [45]
    ACDF, Index, II.a.114.13.
  • [46]
    Ouvr. cité, p. 1144, 1145 et 1148.
  • [47]
    S. Ducas, «Critique littéraire et critiques de lecteurs en 1836: Le Lys dans la vallée, roman illisible?», dans Balzac. Le Lys dans la vallée «cet orage de choses célestes». Actes du colloque d’agrégation des 26 et 27 novembre 1993, réunis par J.-L. Diaz, SEDES, 1993, p. 23.
  • [48]
    ACDF, Index, II.a.114.100.
  • [49]
    ACDF, Index, II.a.114.100. Le consulteur ne donne pas de citations précises, mais renvoie aux pages 373, 377, 378, 394, 400, 422, 450, 451, 464 et 473 du 2e tome de l’édition Werdet (1839) de La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille.
  • [50]
    ACDF, Index, II.a.114.99.
  • [51]
    ACDF, Index, II.a.114.43.
  • [52]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [53]
    ACDF, Index, II.a.113.632.
  • [54]
    ACDF, Index, II.a.113.617.
  • [55]
    ACDF, Index, II.a.113.633.
  • [56]
    ACDF, Index, II.a.113.611.
  • [57]
    ACDF, Index, II.a.113.612.
  • [58]
    F. Girault, «Les romanciers. Honoré de Balzac», Le Bibliographe, 13 mai 1841.
  • [59]
    C. Foucart, L’aspect méconnu d’un grand lutteur: Louis Veuillot devant les arts et les arts et les lettres, Lille, ANRT, 1978, t. II, p. 753-755.
  • [60]
    ACDF, Index, II.a.113.555.
  • [61]
    ACDF, Index, II.a.113.558.
  • [62]
    ACDF, Index, II.a.113.617.
  • [63]
    ACDF, Index, II.a.113.609.
  • [64]
    ACDF, Index. II.a.113.558.
  • [65]
    ACDF, Index, II.a.122.
  • [66]
    P. Bourdieu, La Distinction, critique sociale du jugement, Minuit, 1979.
  • [67]
    ACDF, Index, II.a.113.395 et 611.
  • [68]
    ACDF, Index, II.a.114.12.
  • [69]
    ACDF, Index, II.a.113.609.
  • [70]
    ACDF, Index, II.a.113.609.
  • [71]
    ACDF, Index, II.a.113.556.
  • [72]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [73]
    ACDF, Index, II.a.113.557.
  • [74]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [75]
    La bibliothèque du Saint-Office conserve l’exemplaire de Mademoiselle La Quintinie de George Sand, qui garde en marge les remarques et coups de crayons laissés à la lecture par le censeur.
  • [76]
    ACDF, Index, II.a.113.566.
  • [77]
    ACDF, Index, II.a.114.13.
  • [78]
    A. Cabantous, Histoire du blasphème en Occident, xvie-xixe siècle, Albin Michel, 1998, p. 171.
  • [79]
    Voir dans les colonnes de la Revue des bibliothèques paroissiales entre avril et novembre 1853 la polémique qui oppose les prêtres sur la question du «roman religieux».
  • [80]
    Cité par L. Bethléem, Romans à lire et romans à proscrire, Cambrai, Octave Masson, 1908 (1re éd. 1904), p. 213.
  • [81]
    H.-R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, Gallimard, 1990 (éditions originales, 1972-1975), p. 271-272.
  • [82]
    Balzac, L’Église, édition critique publiée par J. Pommier, Genève, Librairie Droz, 1947, p. 33.
  • [83]
    ACDF, Index, II.a.114.12.
  • [84]
    ACDF, Index, II.a.113.630.
  • [85]
    ACDF, Index, II.a.122.
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