Couverture de ROM_124

Article de revue

Lamartine et le «philosophe mourant». Méditations poétiques, impressions philosophiques

Pages 43 à 52

Notes

  • [1]
    Ce titre fait écho à l’article de José-Luis Diaz, «Lamartine et le poète mourant», paru dans Romantisme, n° 67, 1990-I, p. 52.
  • [2]
    Le poème placé en tête du recueil s’appelle «L’Isolement».
  • [3]
    Jean des Cognets note, dans son introduction des Recueillements poétiques (Paris, Classiques Garnier, 1954), que ce titre «se trouve tomber un peu à faux sur celui qui y correspond le moins et qui rassemble ses poésies les moins «recueillies», les plus volontairement impersonnelles et les plus évidemment destinées à retentir sur la place publique.»
  • [4]
    Jean Delabroy, «La Poésie à l’abandon», Un Ange passe, Lamartine et le féminin, Klincksieck, 1997, p. 28.
  • [5]
    La périphrase est empruntée à Charles Alexandre, Souvenirs sur Lamartine par son secrétaire intime, G. Charpentier et Cie, 1884, p. 10.
  • [6]
    Alexandre Vinet, Le Semeur XIV, 6 août 1845, article repris dans les Études sur la littérature française au xixe siècle, t. II, Lamartine et Victor Hugo, Librairie Fischbacher, 1915, p. 189.
  • [7]
    «La poésie de Lamartine est une sublime berceuse, une Dalila; elle a des impressions plutôt que des pensées, et l’impression est la pensée à l’état d’évanouissement.» (A. Vinet, ouvr. cité, p. 184.)
  • [8]
    Marc Citoleux, La Poésie philosophique au xixe siècle: Lamartine, Plon-Nourrit, 1905.
  • [9]
    Baudelaire, Un Mangeur d’opium, Œuvres Complètes, I, texte établi, annoté et présenté par Claude Pichois, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1975, p. 467.
  • [10]
    Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain, 1750-1830, Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, Corti, 1985, p. 20.
  • [11]
    A. Vinet, p. 189.
  • [12]
    «Dieu», Méditations poétiques, Œuvres poétiques complètes, Paris, Gallimard, bibliothèque de La Pléiade, édition établie, présentée et annotée par Marius-François Guyard, 1963, p. 71.
  • [13]
    Cette image se retrouve dans l’aspiration qui conclut la méditation «La Prière»: «Et, comme le soleil aspire la rosée,/Dans ton sein, à jamais, absorbe ma pensée.» (ouvr. cité, p. 48.)
  • [14]
    «Philosophie», p. 57.
  • [15]
    Ponce-Denis Ecouchard-Lebrun, La Nature, ou le Bonheur philosophique, poème en quatre chants commencé en 1760 et dont il n’existe que des fragments.
  • [16]
    Charles Bruneau, Histoire de la langue française, t. XII, «l’Époque romantique», Armand Colin, 1948, p. 31-33.
  • [17]
    «La Foi», p. 49-53.
  • [18]
    «Dieu», v. 79-80.
  • [19]
    C’est en ces termes que Lamartine décrit son projet épique d’envergure qui contient Jocelyn (1836) et La Chute d’un Ange (1838).
  • [20]
    Voir par exemple Jean Roudaut, Poètes et Grammairiens du xviiie siècle, anthologie, [préface de 1959], NRF Gallimard, 1971, p. 65-76.
  • [21]
    «L’Homme», p. 7.
  • [22]
    «Philosophie», Méditations, p. 58.
  • [23]
    Lamartine développe cette image quand il relate sa première visite d’enfant au cabinet de lecture de Mâcon: «le moment où cet Eden me fut ouvert, où j’entrai pour la première fois dans une bibliothèque circulante, où je pus à mon gré étendre la main sur tous ces fruits mûrs, verts ou corrompus de l’arbre de la science, me donna le vertige.» (Cours familier, entretien X, p. 245.)
  • [24]
    C’est ce que Ballanche par exemple appelle la «toute vue» de Dieu (voir A.-J. L. Busst, «Ballanche et le poète voyant», «L’Harmonie», Romantisme n° 5, Flammarion, 1973, p. 87).
  • [25]
    «La Foi», Méditations poétiques, p. 52.
  • [26]
    Voir «La Foi», p. 51:
    Rassemblant les rayons de l’antique sagesse,
    Socrate te cherchait aux beaux jours de la Grèce;
    Platon à Sunium te cherchait après lui;
    Deux mille ans sont passés, je te cherche aujourd’hui;
  • [27]
    Avertissement de La Mort de Socrate.
  • [28]
    C’est le thème du dernier paragraphe de cet avertissement qui rend hommage à l’entreprise de Victor Cousin. «Trouvant la philosophie de nos jours encore toute souillée des lambeaux du matérialisme, il lui montre Socrate, et semble lui dire: «Voilà ce que tu es, et voilà ce que tu as été!» Espérons qu’en achevant son bel ouvrage, il la dégagera aussi des nuages dont Kant et quelques autres disciples l’ont enveloppée, et nous la fera apparaître enfin toute resplendissante de la pure lumière du christianisme.»
  • [29]
    Les lignes de points de suspension envahissent la fin du poème. Ainsi le style entrecoupé des derniers vers:
    Comme un astre bercé dans un ciel sans nuage
    Aime à voir dans les flots briller sa chaste image!
    …………………………………………………
    …………………………………………………
    ………………………………………………….
    On n’entendait autour ni plaintes, ni soupirs !….
    C’est ainsi qu’il mourut!… si c’était là mourir!…
  • [30]
    Frank Paul Bowman, Le Christ romantique, Genève, Droz, 1973, p. 143.
  • [31]
    Platon, Phédon, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1950, p. 769-770.
  • [32]
    C’est ce sens que développe Fabre d’Olivet, dans un traité rédigé vers 1815, quand il définit la musique, «dans sa partie spéculative», comme «la connaissance de l’ordre de toutes choses, la science des rapports harmoniques de l’univers.» (La Musique expliquée comme science et comme art et considérée dans ses rapports analogiques avec les mystères religieux, la mythologie ancienne et l’histoire de la terre, Chacornac, 1910.)
  • [33]
    «Le Poète mourant», Nouvelles Méditations poétiques, p. 144.
  • [34]
    Voir l’avertissement de La Mort de Socrate, qui commence ainsi: «si la poésie n’est pas un vain assemblage de sons, elle est sans doute la forme la plus sublime que puisse revêtir la pensée humaine: elle emprunte à la musique cette qualité indéfinissable de l’harmonie qu’on a appelée céleste, faute de pouvoir lui lui trouver un autre nom: parlant aux sens par la cadence des sons, et à l’âme par l’élévation et l’énergie du sens, elle saisit à la fois tout l’homme; elle le charme, le ravit, l’enivre; elle exalte en lui le principe divin; elle lui fait sentir pour un moment ce quelque chose de plus qu’humain qui l’a fait nommer la langue des dieux.»
  • [35]
    Véronique Dufief-Sanchez, «Lamartine, du catéchisme des Méditations au chant de la pensée dans les Harmonies», Lamartine, La Toison d’or n° 2, revue semestrielle d’études bourguignonnes, nov. 2002, p. 117-139.

1Les Méditations poétiques, autoportrait du poète en penseur. À l’affiche de ce titre fondateur, en 1820, de la poésie moderne, un genre inédit, la méditation, décline le nouveau signalement du poète et définit sa méthode d’écriture et de lecture: la pratique du poème circonscrit d’emblée le lieu pluriel, ascétique, séparé [2], de l’exercice spirituel, à quoi les Recueillements poétiques de 1839 semblent faire écho (à supposer que le recueil remplisse le programme de cet intitulé [3]).

2Selon Jean Delabroy [4], cette promotion apparente de la philosophie, abandon de la poésie à la pensée, masque plutôt, de façon très paradoxale, son abandon de la pensée:

3

Ce que les Méditations ont peut-être eu d’inouï, ce fut d’engager une poésie qui devait en finir avec la pensée, et ce fut d’identifier la poésie à l’injonction de penser moins. […] C’était lancer un changement radical de politique extérieure: la poésie passait à l’âme, elle délaissait l’alliance avec l’intellect, elle commençait par une mise en sommeil du signifier.

4Nous nous proposons d’interroger la revendication romantique d’un sacerdoce intellectuel pour évaluer si elle ne dissimule pas, dans le cas très symptomatique de Lamartine, une sorte d’escamotage, par «l’enchanteur mélodieux» [5], de la philosophie dans le poème telle que la concevaient l’Antiquité ou les Lumières: révolution tacite qui déconstruit de l’intérieur le didactisme du texte et fait osciller son fond entre l’en-deçà d’un système cohérent et son au delà ouvert par la poésie et par la foi.

5Ainsi le critique qui tenterait de formaliser la pensée lamartinienne se heurte vite non pas à une limite mais justement à l’absence de limite: face à cette poésie instable, vaporeuse, comment parvenir à « tailler un édifice dans un nuage» [6]? Car le vers pulvérise la pensée, la vulgarise et la relègue à n’être plus que le témoignage sensible et l’inscription pathétique d’une inquiétude de la pensée, formulée inlassablement dans la modalité interrogative qui fait retentir le «cri de l’âme» résistant à sa mise en traités. À une philosophie savante, approfondie, Lamartine substitue sa hantise, flux cérébral et sensible qui inscrit l’être dans le monde et dit sa vérité dépouillée. Déplacement qui fait date. Dans les Méditations, le cogito cartésien s’éprouve réversible: je suis donc je pense. L’expérience de l’être, première, légitime l’exténuation de la pensée dans son impression pure [7]. Un poème comme «La Mort de Socrate» (1823) peut alors être interprété comme un texte emblématique, non seulement parce qu’il illustre la fusion entre métaphysique et poésie (acte postulé par l’Avertissement) mais plus profondément, et plus secrètement, parce qu’il met en scène le sacrifice symbolique du philosophe éternellement agonisant dans et par le rituel du chant lamartinien.

«Tailler un édifice dans un nuage»?

6Il convient d’abord de s’interroger sur les «conditions de possibilité» d’une pensée construite, voire d’un système, dans les poèmes lamartiniens. Optant pour un plan chronologique qui épouse les aspérités d’une évolution, Marc Citoleux, dans Lamartine philosophe, énumère d’abord les «antinomies» entre philosophie et poésie qui pourraient hypothéquer son enquête, avant de trancher en faveur d’une formalisation possible appuyée sur un truisme: «puisque la poésie philosophique existe, ne cherchons pas si elle peut exister» [8]. Il analyse ensuite les principales modalités d’une pensée pourtant particulièrement réticente à l’exposé discursif et clos. Car ce genre d’entreprise rencontre des obstacles liés à la nature même du texte poétique. La poésie s’apparente à la musique: «suggérant des idées, il est vrai, mais ne les contenant pas par elle-même» [9] – ce qui se vérifie d’autant mieux chez Lamartine qu’il veut restaurer la vocation du lyrisme à être une instrumentation de l’âme par les mots.

7En règle générale, il apparaît vain de chercher à réduire un poème à un traité, de l’arrêter en système stable: soumis à ses propres règles de justesse métrique, de cohésion rythmique et onirique, il n’est pas tenu à la non-contradiction, et sa cohérence esthétique ne coïncide pas toujours avec la logique d’un développement rationnel. Ajoutons à ces considérations sur l’épaisseur irréductible et la labilité du texte poétique par rapport à la doctrine ou l’idéologie qui le sous-tendent un soupçon porté sur Lamartine, susceptible de pervertir en profondeur la référence aux grands modèles du poème philosophique, encore empreints d’un prestige antique redoré par les Lumières. Puisqu’une «nouvelle législature de la pensée» [10] s’instaure, que le philosophe a succédé au théologien, «le poète est venu combiner à son ministère celui du penseur»: Lamartine proclame sa mission de porte-parole inspiré et de maître à penser dans la cité. Et en même temps ce sacerdoce masque peut-être un mensonge – le mirage du mage romantique.

8Dans un article du Semeur daté du 6 août 1845, Alexandre Vinet stigmatise, à propos des Recueillements poétiques, la facilité d’un auteur qui s’abandonne passivement à «l’impression» plutôt que de «s’articuler» en discours cohérent, plutôt que de produire la «pensée» par «réaction» à l’invasion du sensible:

9

Harpe d’éole, il frémit, il vibre, il exhale des sons, il articule peu, et son alphabet n’a guère que des voyelles. Il a reçu des impressions, il les a rarement transformées en véritables pensées. Il n’a pas résisté; or la pensée est essentiellement une résistance, une réaction de la liberté intérieure contre les impressions du dehors. Essayer de tailler un édifice dans un nuage et un système dans le volume de M. de Lamartine, c’est une seule et même chose. Et ce n’est pas, certes, la matière qui manque, mais la solidité qui manque à la matière. [11]

10Et le critique de s’interroger sur le lieu propre de la pensée lamartinienne: «il a, dit-on, dans ses courses errantes, perdu de vue le foyer; mais sa pensée a-t-elle jamais eu un foyer? a-t-elle jamais élu domicile quelque part?» Errance conceptuelle d’une pensée de prestidigitateur sans domicile fixe, non-lieu d’une poésie qui parvient à faire illusion, mais qui masque sous sa consommation fastueuse de grands mots un festin de vide – selon Vinet, «voluptueuse défaillance de tous les éléments de la vie morale», dissipation du nom de Dieu dans le «syncrétisme religieux» le plus indéfini, aberrations déclamatoires de «brillantes et vaines utopies». Extrayons quelques vers du début de «La Foi» [12]:

11

Mon âme est à l’étroit dans sa vaste prison:
Il me faut un séjour qui n’ait pas d’horizon.
Comme une goutte d’eau dans l’Océan versée,
L’infini dans son sein absorbe ma pensée;
Là, reine de l’espace et de l’éternité,
Elle ose mesurer le temps, l’immensité,
Aborder le néant, parcourir l’existence,
Et concevoir de Dieu l’inconcevable essence.

12Ce passage élargit démesurément le lieu à partir duquel «l’âme» pense et se pense par des noms qui inscrivent «l’inconcevable» sur la page et procèdent à la dissolution des repères, «séjour qui n’ait pas d’horizon», «l’Océan», «l’infini», «le néant». Émancipation de la pensée («il me faut», «reine», «elle ose»), qui distend donc cadre et support pour imposer ensuite son unité de «mesure» dans un travail d’arpentage céleste et de nomination induit par une représentation spatialisée du monde des Idées. Cependant la comparaison qui précède une telle description de l’activité cérébrale témoigne d’une sorte de régression à l’élémentaire qui nie la différence du sujet («comme une goutte d’eau», une parmi tant d’autres, ce qui contredit l’affirmation d’une royauté), qui ruine son autonomie et sa maîtrise («l’infini dans son sein absorbe ma pensée»). Réduite à une simple particule liquide, la pensée, au lieu d’être «réaction», se laisse boire et se confond à son objet [13].

13De là, la musique du vers serait un cache-misère de sa philosophie – «nous nous verrions forcés ici, dit Alexandre Vinet, d’appliquer le vieux dicton: ce qu’il ne vaut pas la peine de dire, on le chante.» Le poète aux champs de «Philosophie» décrit son état contemplatif, léthargie féconde de la pensée:

14

Ou dans le vague azur contemplant les nuages,
Je laisse errer comme eux mes flottantes images. [14]

15Merveilleux nuage, la méditation, prenant pour matière de «flottantes images» modelées et déconstruites au fil du texte, est par nature profonde et approximative, informe et protéiforme. L’harmonie lamartinienne vaporise la pensée: la fluidité du vers et le culte de la formule liquéfient le système. Comment s’inscrit ce flou artistique dans la matière même du poème? Il s’agit à présent d’exposer et d’approfondir l’omniprésence textuelle, à la fois lexicale et thématique, de la philosophie, en suivant l’hypothèse d’une faiblesse, ou même d’une faillite d’ordre conceptuel et structurel, opérée par cette autre «vérité» du poème.

La philosophie pulvérisée dans le poème

16De Chénier, de Delille ou d’Écouchard-Lebrun [15], Lamartine hérite d’une tradition vivace qui a donné ses lettres de noblesse à la poésie philosophique. Cet ancrage se donne à lire le plus immédiatement par le recours à des allégories qui animent de vastes psychomachies dans les Méditations; suivant Charles Bruneau [16], «la personnification est un des procédés favoris de l’école ancienne; l’école nouvelle ne dédaignera pas de l’employer et même de le développer. Lamartine personnifie L’Espoir, le Doute, la Raison» [17]; il va même jusqu’à décrire ainsi le catéchisme des idoles:

17

Ce Dieu par l’homme fabriqué,
Ce Dieu par l’imposture à l’erreur expliqué [18]

18Le poème lamartinien deviendrait, d’après ces indices qui décèlent une scénographie poétique d’Ancien Régime, le lieu circonscrit et tout désigné des problèmes les plus généraux, insolubles et donc indéfiniment reconduits.

19Pourtant, en dépit même de la présence de ces topoi éternels et datés de la philosophie tripartite (physique, morale, métaphysique), une faille se creuse, la définition de la poésie se métamorphose: les contemporains eux-mêmes ont la conviction inexplicable qu’elle a soudain changé de nature. Nous postulons que ce clivage tient au rôle dévolu au texte poétique, projeté idéalement à la fin du siècle des Lumières comme une épopée de la connaissance, et promu à un statut tout autre sous la plume de Lamartine, intime «épopée de l’âme» [19]. La philosophie incluse dans ses lignes et entre ses lignes change aussi par contrecoup: d’objet de savoir positif, dont les séductions du vers doivent attiser le désir, elle se met à signifier autre chose d’imprécis mais capable d’excéder par la poésie la linéarité du discours et ses taxinomies.

20Le poète, au xviiie siècle, pour le dire à grands traits, veut se ranger dans la catégorie des savants et des initiés. L’une de ses ambitions majeures consiste à écrire un De natura rerum, en enduisant les bords d’une coupe amère, la science, avec le miel de la poésie. Une structure cohérente doit se dégager du chaos, et cette organisation se répercute par analogie entre les lois du monde et les lois du poème [20] ; l’élan qui porte à connaître promeut l’idée d’un dévoilement progressif des mystères de la création, contemporain du progrès des sciences. Lamartine cristallise cette tentation dans un nom propre, Newton:

21

J’étudiai la loi par qui roulent les cieux:
Dans leurs brillants déserts Newton guida mes yeux. [21]

22Cette idée culmine avec L’Hermès inachevé de Chénier, qui apparaît comme le point d’aboutissement de cette poésie désireuse de dresser l’inventaire du réel. Cet orphisme qui perce et révèle les secrets du cosmos persiste dans la poésie romantique et gagne encore en amplitude, mais l’accent se déplace d’un savoir positif sur le monde, impersonnel, transmissible, à l’idée de l’expérience singulière d’un «je» anonyme, le poète, dont l’enthousiasme se répercute dans tout lecteur. Pédagogie minimale et musicale mise en forme par le lyrisme lamartinien.

23Considérons la méditation XX, «Philosophie» [22]: l’absence d’article renforce l’impression d’un bloc compact attaqué par le poème. Car ce récit autobiographique, récurrent dans de nombreuses Méditations, raconte une désillusion. Héritier humaniste nourri des grands textes, le jeune poète a cherché; les sinuosités de l’écriture esquissent le tracé d’un dédale plein d’obscure clarté pour l’esprit «égaré dans les cieux»:

24

Aux douteuses clartés de l’humaine raison,
Égaré dans les cieux sur les pas de Platon,
Par ma propre vertu je cherchais à connaître
Si l’âme est en effet un souffle du grand être;
Si ce rayon divin, dans l’argile enfermé,
Doit être après la mort éteint ou rallumé;
S’il doit après mille ans revivre sur la terre;
Ou si, changeant sept fois de destins et de sphère,
Et montant d’astre en astre à son centre divin,
D’un but qui fuit toujours il s’approche sans fin?
Si dans ces changements nos souvenirs survivent?
Si nos soins, nos amours, si nos vertus nous suivent?
S’il est un juge assis aux portes des enfers,
Qui sépare à jamais les justes des pervers?

25L’accumulation d’interrogations au style indirect libre (elle se poursuit ensuite) crée l’impression d’un cliquetis de systèmes hétéroclites, désactivés par leur nombre et la distance qu’a pris soin de creuser d’abord le poète par la mise en scène d’un récit de formation. Expérience décevante: jamais le résumé de la philosophie n’a tant ressemblé à un ramassis de mythes dépassés (tel ce «juge assis aux portes des enfers», ombre parmi les ombres, spectre d’une poétique anachronique). La déperdition de sens se marque par l’alternative sceptique, («S’il doit […] ou si»), par l’anaphore du «si» hypothétique qui scande le rythme effréné des questions métaphysiques jusqu’à produire un effet de saturation sonore: pris à parti, submergé, perdu lui aussi, le lecteur sent que désormais la mécanique verbale tourne à vide. Fatras, et presque fatrasie. Car l’histoire de la philosophie se recompose en une histoire individuelle («par ma propre vertu je cherchais à connaître») qui, annulant à la fois la perspective temporelle, les particularités des systèmes, les noms propres des penseurs (hormis Platon à la rime), et le jargon des notions-clefs – on peut constater que les concepts passent au crible de la langue poétique, ainsi «rayon», «argile», «destins», «sphère», «astre», etc. – réactualise tous les débats avec ses quelques mots; se les approprie en masse pour mieux les désamorcer, avant de les abandonner.

26Car en contrepartie, la sagesse sera capitulation, reconnaissance d’une impuissance native à répondre. Ces questions se trouvent suspendues aussitôt qu’évoquées, révoquées en «doute». Se résigner à ne pas savoir, c’est consentir à être, et le présent remplace le passé de la quête philosophique, la leçon la question:

27

Ami ! je n’irai plus ravir si loin de moi,
Dans les secrets de Dieu ces comment, ces pourquoi,
Ni du risible effort de mon faible génie,
Aider péniblement la sagesse infinie!
Vivre est assez pour nous; un plus sage l’a dit :
Le soin de chaque jour à chaque jour suffit.

28Procéder à ce deuil cérémonial de la pensée, c’est demander enfin, comme la chute du poème, «si l’art d’être heureux n’est pas tout l’art de vivre». La morale du poème s’écarte du problème: elle est sciemment restrictive. Une fois surmontée la tentation du fruit défendu, le savoir livresque [23], l’idée se fait jour qu’un paradis terrestre est peut-être à nouveau possible, qu’il se recrée au quotidien par un art qui rejoint la nature dans l’équivalence restituée entre «l’art d’être heureux» et «l’art de vivre» – et tout le reste est littérature. Par la frappe d’une ultime maxime, Lamartine cherche à communiquer l’émotion de la pensée, une philosophie (c’est bien encore de la philosophie) qui se construit contre l’édifice philosophique et le destitue, pour exhumer suivant cette méthode de la table rase un plus large lieu commun – car telle est la passion lamartinienne, une archéologie des principaux lieux communs qui permettent au public de communier, simplement, au texte. La sagesse que prescrit le poème peut s’énoncer comme l’amour du désir de penser demeuré pensée de ce désir.

29Dans la démonstration rhétorique qui structure un certain nombre de méditations, la philosophie assume la vertu hégélienne de l’antithèse, travail du négatif; mais la conclusion aboutit à la synthèse opérée par la foi, qui aspire et absorbe le sujet lyrique en ce point panoptique [24], Dieu. Seul, en surplomb, il peut édicter et dire le sens; le savoir poétique dépend donc de cette élévation spirituelle qui consacre provisoirement le don de voyance. La philosophie doit s’exhausser en métaphysique pour devenir vérité absolue. Comparons aux vers cités de «Philosophie» ces vers de «La Foi»:

30

Mais tandis qu’exhalant le doute et le blasphème,
Les yeux sur mon tombeau, je pleure sur moi-même,
La foi, se réveillant, comme un doux souvenir,
Jette un rayon d’espoir sur mon pâle avenir,
Sous l’ombre de la mort me ranime et m’enflamme,
Et rend à mes vieux jours la jeunesse de l’âme.
Je remonte aux lueurs de ce flambeau divin,
Du couchant de ma vie à son riant matin;
J’embrasse d’un regard la destinée humaine;
À mes yeux satisfaits tout s’ordonne et s’enchaîne;
Je lis dans l’avenir la raison du présent ;
L’espoir ferme après moi les portes du néant,
Et rouvrant l’horizon à mon âme ravie,
M’explique par la mort l’énigme de la vie. [25]

31En état de déréliction, le poète que l’élan de la pensée n’a su que confronter au spectacle insoutenable de sa mortalité («les yeux sur mon tombeau») se vide à la fois de sens («exhalant le doute») et de larmes («je pleure sur moi-même»), mais la perte de soi dans l’extériorité, ainsi que l’épanchement par le texte, s’accompagnent d’un mouvement de repli narcissique. Le lieu de la pensée, cet «infini» expansif et fusionnel des premiers vers de «Dieu», n’a fait que resserrer dramatiquement l’être dans sa condition, «vaste prison». Mais intervient une visitation lumineuse, lucide, la foi, «rayon d’espoir», comme un ange passe, qui régénère et «explique». Alors c’est le signal: l’élégie se convertit en hymne et le chaos s’organise suivant une nouvelle genèse d’abord intérieure qui «remonte […] du couchant de ma vie à son riant matin». Renaissance au sens par ce «lait de l’âme», dit ensuite le poète, qui restaure «l’enfant» en chacun, car la «vérité» «a reçu ce simple caractère». Il s’agit donc de réapprendre sans le doute: la «foi» permet de déchiffrer («je lis») le monde et de le com-prendre («j’embrasse d’un regard», «à mes yeux satisfaits tout s’ordonne et s’enchaîne»), savoir du passé et du présent éclairés par l’eschatologie.
Aussi la religion s’offre-t-elle comme le havre anti-scientifique et anti-philosophique d’une pensée qui se résout à penser moins, condition pour quitter le champ du savoir incertain, fragmenté, et pour accéder à la vue d’ensemble, c’est-à-dire à l’utopie d’une explication universelle – le lieu de la pensée poétique coïncidant de façon spectaculaire («blasphème»?) avec la place aussi centrale qu’insituable de Dieu même. Mise en pièces, la méditation philosophique de Lamartine se fait théodicée; mais, avocate de Dieu, elle réactualise à perpétuité à travers Socrate son propre procès masqué.

La mise à mort de Socrate

32«La Mort de Socrate», datée de 399 avant notre ère ou de 1823 [26], fait immanquablement penser d’abord à un exercice d’école: sujet antique et somptueux morceau de bravoure, long poème rhétorique en lourds alexandrins classiques qui réactive l’antique rivalité entre poésie et philosophie pour mieux les réunir («la métaphysique et la poésie sont donc sœurs ou plutôt ne sont qu’une» [27]), comme il réconcilie encore esprit et corps, bien et mal, vie et mort. Le poète chassé de la République avec ses couronnes, obsession amère des rimeurs du xviiie siècle, revient parler au nom du philosophe condamné à mort: cette résurrection d’une parole essentielle cache par la convention de la prosopopée une provocation qui marquerait dans son projet le sacre intempestif de la pensée en un temps jugé matérialiste et anti-poétique [28]. Mais ce faisant, les ultima verba de Socrate interrompus par la mort suivant un rituel programmé par avance inscrivent dans le poème la vision vague de l’agonisant: la ciguë du vers dépossède le philosophe de sa parole, empoisonne en profondeur jusqu’à la possibilité d’un discours sur la mort et l’au-delà. Il n’en reste plus, vérité nue, suspendue et pour finir silencieuse [29], qu’un chant du cygne, musique d’une expérience mystique.

33Il s’agit donc de réécrire un dialogue de Platon. Lamartine a pour cela de bons guides, son ami Fréminville, les traductions récentes de Victor Cousin. Son texte épouse docilement les plis narratifs du texte originel: le Phédon, cette bible profane de la pensée, dicte le testament de Socrate, préfiguration du Christ dans la théorie romantique de la révélation progressive [30]. D’abord la gageure tient à ce passage d’une prose philosophique tendue vers le concept à une poésie qui pense, sans doute, mais qui se décharge sans cesse de sa rigueur et de son abstraction dans l’émotion d’un drame et le plaisir du texte. Comment rendre l’aridité d’un débat sur l’union de l’âme et du corps, sur l’immortalité, dans la langue poétique du xixe siècle et dans le flux et reflux d’une parole qui peu à peu s’efface?

34Le choix lamartinien consiste à respecter la trame narrative ramenée aux dimensions du poème, et à présenter les débats sous la forme de la répétition (le dialogue platonicien instaure et autorise cette construction en écho), ce qui donne au texte un aspect de litanie et permet d’apprivoiser l’idée dans la forme du vers. Ainsi de l’union du corps et de l’âme, qui met en jeu l’immortalité:

35

Ou si l’âme est aux sens ce qu’est à cette lyre
L’harmonieux accord que notre main en tire,
Quand le temps ou les vers en ont usé le bois

36Le débat se réanime sous les yeux du lecteur, avec son risque, son suspens:

37

Se parlant l’un à l’autre ils murmuraient tout bas:
Quand la lyre n’est plus, où donc est l’harmonie?
Et Socrate semblait attendre son génie!

38Et la réponse reprend mot à mot:

39

L’âme n’est pas aux sens ce qu’est à cette lyre
L’harmonieux accord que notre main en tire;
Elle est le doigt divin qui seul la fait frémir !

40À la faveur de cette grande métaphore filée (le corps comme la lyre), Lamartine après Platon noue l’interrogation métaphysique à l’enjeu esthétique de la musique, qui investit l’ensemble du texte et s’offre alors comme son expérience cruciale.

41En effet, la philosophie grecque, à travers le personnage de Socrate qui incarne à la fois la naissance de la philosophie, une vie philosophique et une philosophie de la mort, offre un mythe qui permet de réconcilier méditation et poésie, cela à la faveur d’une ambiguïté liée au mot musique. Cébès chez Platon interroge Socrate «au sujet, oui, de ces poèmes de ta composition, où tu as mis en vers les contes d’Ésope, ainsi que de ton Prélude à Apollon» [31]: Socrate, qui n’écrit rien, compose donc? Car l’oracle lui a dit, «fais de la musique! produis! » Il a d’abord cru que la musique signifiait la philosophie, «en ce sens que la musique est la plus haute philosophie»; puis un doute lui est venu: et s’il s’agissait de la musique suivant une acception plus restreinte, la «composition de poèmes»? En faisant de la mort de Socrate un poème (permission de polysémie), Lamartine s’attache fidèlement à réunifier les différentes facettes du mot musique, syntaxe des sons et science totale [32]. Au lieu de reproduire le choix entre philosophie et poésie (présent même dans l’alternative de Socrate), il se fie à l’harmonie du vers pour que les motifs musicaux se superposent et donnent au philosophe une mort de poète.

42

Les poètes ont dit qu’avant sa dernière heure,
En sons harmonieux le doux cygne se pleure;
Amis, n’en croyez rien! l’oiseau mélodieux
D’un plus sublime instinct fut doué par les dieux!
Du riant Eurotas près de quitter la rive,
L’âme, de ce beau corps à demi fugitive,
S’avançant pas à pas vers un monde enchanté,
Voit poindre le jour pur de l’immortalité,
Et, dans la douce extase où ce regard la noie,
Sur la terre en mourant elle exhale sa joie.
Vous qui près du tombeau venez pour m’écouter,
Je suis un cygne aussi; je meurs, je puis chanter !

43«Je suis un cygne aussi»: quand il décline ainsi son identité, à la faveur d’un «aussi» insistant et ambigu, le philosophe Socrate change de plumage et de ramage, il mue en Lamartine, le «Cygne de Saint-Point». Il devient une réplique du «poète mourant» tel qu’il agonise dans les Nouvelles Méditations poétiques[33] :

44

Chantons, puisque mes doigts sont encor sur la lyre;
Chantons, puisque la mort, comme au cygne, m’inspire
Aux bords d’un autre monde un cri mélodieux.
C’est un présage heureux donné par mon génie,
Si notre âme n’est rien qu’amour et qu’harmonie,
Qu’un chant divin soit ses adieux!
L’imminence de la mort sert à redéfinir le philosophe dans une expérience limite de sa pensée, cristallisation autour d’un vécu hypertrophié par son impossible pérennisation et promotion inestimable du chant poétique: «je meurs, je puis chanter!» Dans l’exaltation de Socrate se dit l’extase de cette libération. Parole interdite, la philosophie se déplace vers la poésie et se met à puiser dans les ressources sotériologiques du langage conçu comme musique ineffable, «langue des dieux» [34], «sublime», «céleste», capable de transcender la matière, corps et mots, pour suggérer par-delà l’exposé du maître et son didactisme inspiré l’immortalité de l’âme.
Dans le texte lamartinien, la philosophie, objet traditionnel d’une poésie savante, initiatrice sans doute mais normative, consensuelle, se décompose à travers le prisme du «je» en une expérience (négative) de toute philosophie constituée. Le sujet ne veut plus accorder foi à un système quelconque mais seulement à la foi même. La philosophie s’exténue donc dans la méditation, école de spiritualité qui procède subrepticement à un déclassement de la pensée dans son décalque approximatif, l’impression performative qu’elle produit (lieu commun à communiquer) et qui plaît «universellement et sans concept»: nous pouvons reprendre la distinction de Véronique Dufief-Sanchez [35] qui oppose avec Lamartine «la pensée spéculative de la philosophie, qui à ses yeux reste en deçà de son objet parce qu’elle cherche trop à le circonscrire» et « la pensée pensive ou contemplative de la poésie, qui reste flottante, en suspens, pour mieux laisser venir à elle et donner à voir, ou à entendre, une réalité elle-même flottante, dont le mystère tient peut-être précisément à ce flottement, irréductible». Un tel renouveau convertit la poésie philosophique en désir de musique; le chant lyrique permet d’approcher une expérience de la mort et de l’immortalité, comme dans La Mort de Socrate, qui dépeint triomphalement l’agonie incantatoire du philosophe mourant en même temps que le poème en acte la perpètre et la perpétue.

Notes

  • [1]
    Ce titre fait écho à l’article de José-Luis Diaz, «Lamartine et le poète mourant», paru dans Romantisme, n° 67, 1990-I, p. 52.
  • [2]
    Le poème placé en tête du recueil s’appelle «L’Isolement».
  • [3]
    Jean des Cognets note, dans son introduction des Recueillements poétiques (Paris, Classiques Garnier, 1954), que ce titre «se trouve tomber un peu à faux sur celui qui y correspond le moins et qui rassemble ses poésies les moins «recueillies», les plus volontairement impersonnelles et les plus évidemment destinées à retentir sur la place publique.»
  • [4]
    Jean Delabroy, «La Poésie à l’abandon», Un Ange passe, Lamartine et le féminin, Klincksieck, 1997, p. 28.
  • [5]
    La périphrase est empruntée à Charles Alexandre, Souvenirs sur Lamartine par son secrétaire intime, G. Charpentier et Cie, 1884, p. 10.
  • [6]
    Alexandre Vinet, Le Semeur XIV, 6 août 1845, article repris dans les Études sur la littérature française au xixe siècle, t. II, Lamartine et Victor Hugo, Librairie Fischbacher, 1915, p. 189.
  • [7]
    «La poésie de Lamartine est une sublime berceuse, une Dalila; elle a des impressions plutôt que des pensées, et l’impression est la pensée à l’état d’évanouissement.» (A. Vinet, ouvr. cité, p. 184.)
  • [8]
    Marc Citoleux, La Poésie philosophique au xixe siècle: Lamartine, Plon-Nourrit, 1905.
  • [9]
    Baudelaire, Un Mangeur d’opium, Œuvres Complètes, I, texte établi, annoté et présenté par Claude Pichois, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1975, p. 467.
  • [10]
    Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain, 1750-1830, Essai sur l’avènement d’un pouvoir spirituel laïque dans la France moderne, Corti, 1985, p. 20.
  • [11]
    A. Vinet, p. 189.
  • [12]
    «Dieu», Méditations poétiques, Œuvres poétiques complètes, Paris, Gallimard, bibliothèque de La Pléiade, édition établie, présentée et annotée par Marius-François Guyard, 1963, p. 71.
  • [13]
    Cette image se retrouve dans l’aspiration qui conclut la méditation «La Prière»: «Et, comme le soleil aspire la rosée,/Dans ton sein, à jamais, absorbe ma pensée.» (ouvr. cité, p. 48.)
  • [14]
    «Philosophie», p. 57.
  • [15]
    Ponce-Denis Ecouchard-Lebrun, La Nature, ou le Bonheur philosophique, poème en quatre chants commencé en 1760 et dont il n’existe que des fragments.
  • [16]
    Charles Bruneau, Histoire de la langue française, t. XII, «l’Époque romantique», Armand Colin, 1948, p. 31-33.
  • [17]
    «La Foi», p. 49-53.
  • [18]
    «Dieu», v. 79-80.
  • [19]
    C’est en ces termes que Lamartine décrit son projet épique d’envergure qui contient Jocelyn (1836) et La Chute d’un Ange (1838).
  • [20]
    Voir par exemple Jean Roudaut, Poètes et Grammairiens du xviiie siècle, anthologie, [préface de 1959], NRF Gallimard, 1971, p. 65-76.
  • [21]
    «L’Homme», p. 7.
  • [22]
    «Philosophie», Méditations, p. 58.
  • [23]
    Lamartine développe cette image quand il relate sa première visite d’enfant au cabinet de lecture de Mâcon: «le moment où cet Eden me fut ouvert, où j’entrai pour la première fois dans une bibliothèque circulante, où je pus à mon gré étendre la main sur tous ces fruits mûrs, verts ou corrompus de l’arbre de la science, me donna le vertige.» (Cours familier, entretien X, p. 245.)
  • [24]
    C’est ce que Ballanche par exemple appelle la «toute vue» de Dieu (voir A.-J. L. Busst, «Ballanche et le poète voyant», «L’Harmonie», Romantisme n° 5, Flammarion, 1973, p. 87).
  • [25]
    «La Foi», Méditations poétiques, p. 52.
  • [26]
    Voir «La Foi», p. 51:
    Rassemblant les rayons de l’antique sagesse,
    Socrate te cherchait aux beaux jours de la Grèce;
    Platon à Sunium te cherchait après lui;
    Deux mille ans sont passés, je te cherche aujourd’hui;
  • [27]
    Avertissement de La Mort de Socrate.
  • [28]
    C’est le thème du dernier paragraphe de cet avertissement qui rend hommage à l’entreprise de Victor Cousin. «Trouvant la philosophie de nos jours encore toute souillée des lambeaux du matérialisme, il lui montre Socrate, et semble lui dire: «Voilà ce que tu es, et voilà ce que tu as été!» Espérons qu’en achevant son bel ouvrage, il la dégagera aussi des nuages dont Kant et quelques autres disciples l’ont enveloppée, et nous la fera apparaître enfin toute resplendissante de la pure lumière du christianisme.»
  • [29]
    Les lignes de points de suspension envahissent la fin du poème. Ainsi le style entrecoupé des derniers vers:
    Comme un astre bercé dans un ciel sans nuage
    Aime à voir dans les flots briller sa chaste image!
    …………………………………………………
    …………………………………………………
    ………………………………………………….
    On n’entendait autour ni plaintes, ni soupirs !….
    C’est ainsi qu’il mourut!… si c’était là mourir!…
  • [30]
    Frank Paul Bowman, Le Christ romantique, Genève, Droz, 1973, p. 143.
  • [31]
    Platon, Phédon, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 1950, p. 769-770.
  • [32]
    C’est ce sens que développe Fabre d’Olivet, dans un traité rédigé vers 1815, quand il définit la musique, «dans sa partie spéculative», comme «la connaissance de l’ordre de toutes choses, la science des rapports harmoniques de l’univers.» (La Musique expliquée comme science et comme art et considérée dans ses rapports analogiques avec les mystères religieux, la mythologie ancienne et l’histoire de la terre, Chacornac, 1910.)
  • [33]
    «Le Poète mourant», Nouvelles Méditations poétiques, p. 144.
  • [34]
    Voir l’avertissement de La Mort de Socrate, qui commence ainsi: «si la poésie n’est pas un vain assemblage de sons, elle est sans doute la forme la plus sublime que puisse revêtir la pensée humaine: elle emprunte à la musique cette qualité indéfinissable de l’harmonie qu’on a appelée céleste, faute de pouvoir lui lui trouver un autre nom: parlant aux sens par la cadence des sons, et à l’âme par l’élévation et l’énergie du sens, elle saisit à la fois tout l’homme; elle le charme, le ravit, l’enivre; elle exalte en lui le principe divin; elle lui fait sentir pour un moment ce quelque chose de plus qu’humain qui l’a fait nommer la langue des dieux.»
  • [35]
    Véronique Dufief-Sanchez, «Lamartine, du catéchisme des Méditations au chant de la pensée dans les Harmonies», Lamartine, La Toison d’or n° 2, revue semestrielle d’études bourguignonnes, nov. 2002, p. 117-139.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.170

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions