Introduction
Définition et substrats neuro-anatomiques de la théorie de l’esprit
1Le terme « théorie de l’esprit » (theory of mind [TOM] [1]) désigne la capacité que nous avons à attribuer aux autres des états mentaux distincts de notre propre vécu mental, et à comprendre et prédire leurs comportements sur la base de ces états mentaux. La TOM permet donc d’appréhender nos semblables comme des individus dont les conduites observables sont déterminées par des dispositions psychologiques, comme des intentions ou des sentiments. Ces états mentaux peuvent être de différentes natures. Les données anatomiques et comportementales ont amené à distinguer deux grandes composantes de la TOM. La TOM cognitive concerne les états mentaux de nature épistémique (croyances, connaissances) ou volitionnelle (intentions), tandis que la TOM affective concerne les émotions, les sentiments et les désirs.
2La TOM est sous-tendue par un réseau cérébral largement distribué, impliquant notamment les structures corticales fronto-temporopariétales et les boucles fronto-sous-corticales. Un modèle neurofonctionnel intégratif de la TOM a récemment été proposé [2, 3]. Le cortex préfrontal médian permettrait de générer et de traiter simultanément nos états mentaux et les états mentaux de l’autre, avec une implication du cortex préfrontal ventromédian (CPFVM) dans la génération de nos propres états mentaux, et du cortex préfrontal dorsomédian (CPFDM) dans la génération des états mentaux de l’autre. Par ailleurs, la génération d’états mentaux cognitifs serait sous-tendue par le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL), le cortex cingulaire antérieur dorsal et le striatum dorsal, tandis que les états mentaux affectifs dépendraient du cortex préfrontal ventromédian (CPFVM), du cortex orbitofrontal, du cortex cingulaire antérieur ventral et du striatum ventral. Les structures préfrontales de la TOM sont fonctionnellement connectées aux structures temporopariétales, notamment la jonction temporopariétale (JTP), le sulcus temporal supérieur (STS), le cortex cingulaire postérieur/précuneus et le lobule pariétal inférieur. Ces structures seraient impliquées dans le sentiment d’agentivité (c’est-à-dire, le sentiment d’être l’initiateur et l’auteur de nos propres actions et pensées). Elles permettraient aussi la distinction entre les représentations que nous formons de nos propres états mentaux et de ceux des autres, grâce à des activations cérébrales distinctes, notamment au niveau de la JTP et du cortex cingulaire postérieur/précuneus.
Description des tâches de théorie de l’esprit
3Nous avons choisi de décrire les différentes épreuves d’attribution d’états mentaux selon la distinction, classique et largement utilisée dans la littérature, entre épreuves cognitives et affectives. Toutefois, la classification d’une épreuve comme sollicitant l’un ou l’autre type d’état mental peut faire l’objet de débat. De plus, ces épreuves se distinguent par d’autres aspects que la seule nature affective ou cognitive des états mentaux. Elles sont ainsi largement multi-déterminées, elles explorent probablement différents aspects de la TOM, au-delà de la distinction entre états mentaux affectifs et cognitifs. Il semble donc nécessaire d’affiner la nomenclature des épreuves de TOM pour déterminer plus précisément quels processus sont évalués par quelles épreuves. Il est par exemple possible d’évoquer le fait que les épreuves de TOM affective et cognitive font appel, respectivement, à des processus de décodage perceptif des états mentaux (par exemple, décodage des indices faciaux dans le Reading the Mind in the Eye Test [RMET]), et à des processus de raisonnement inférentiel sur les états mentaux (par exemple, inférer l’intention d’un interlocuteur ayant commis un faux pas social) [4]. En outre, les épreuves de TOM affective et cognitive pourraient différer dans leurs niveaux de difficulté. En effet, si l’on considère que les processus d’inhibition de son propre état mental sont essentiels pour l’attribution d’états mentaux et dysfonctionnels dans la pathologie, alors les épreuves cognitives dans lesquelles le participant possède un état mental en concurrence avec l’état mental d’autrui, comme la tâche des fausses croyances, pourraient être plus difficiles que les épreuves affectives, comme le RMET, où le déroulement du test ne permet pas au sujet de mettre en concurrence son état mental et celui à inférer chez l’autre. Enfin, certains travaux ont proposé de distinguer les tâches de TOM selon les différentes sources d’informations qu’elles comportent [5]. Il apparaît donc qu’une lecture à la fois plus fine et plus intégrée des processus mobilisés par les épreuves de TOM, à la lumière des différents modèles disponibles, soit nécessaire dans les travaux futurs.
4Pour étudier l’attribution d’états mentaux affectifs, l’épreuve la plus utilisée dans la littérature internationale consiste à faire reconnaître au participant des émotions sociales complexes, à partir de photographies de regards, avec le RMET. Une autre épreuve couramment employée est le jugement de préférence basé sur la direction du regard (judgement of preference based on eye gaze), dans laquelle le sujet doit déterminer, parmi plusieurs objets proposés, lequel correspond à la préférence d’un personnage, en se basant sur l’expression de son visage (le personnage sourit) et la direction de son regard. Dans ce test, la nécessité d’inférer l’état mental semble cependant assez limitée, puisque celui-ci est indiqué au sujet dans la consigne. Le sujet doit donc seulement déterminer sur quel objet porte cet état mental affectif, à partir des indices faciaux du personnage. Il doit déterminer vers quel objet se porte l’attention du personnage, en se basant sur la direction de son regard. Cette épreuve pourrait donc mobiliser des capacités à décoder des états mentaux cognitifs plutôt qu’affectifs. D’autres épreuves classiques de TOM affective sont les épreuves d’attribution d’émotions à des personnages vivant des situations sociales à forte valence émotionnelle.
5L’attribution d’états mentaux cognitifs est classiquement étudiée avec le paradigme des fausses croyances. La tâche des fausses croyances permet d’évaluer l’attribution d’états mentaux de premier ordre (inférer la croyance d’un personnage) et de deuxième ordre (inférer la croyance d’un personnage sur la croyance d’un autre personnage). Des épreuves d’interprétation libre d’histoires basées sur l’humour, le mensonge, la coopération, etc., et nécessitant la compréhension des croyances et intentions des personnages, ont également été développées. La compréhension des intentions peut être spécifiquement évaluée avec les épreuves dans lesquelles le sujet doit déterminer la fin d’une histoire ou reconstituer la séquence logique d’une histoire. Par exemple, dans l’épreuve non verbale proposée par Brunet et al. [6], qui permet d’évaluer l’attribution d’états mentaux cognitifs de premier ordre, on présente au sujet le début d’une histoire sous forme de bande dessinée, qui donne des indications sur les intentions du personnage. Sans être questionné explicitement sur les intentions du personnage, le sujet doit les inférer afin de choisir, parmi trois proposées, la carte qui continue logiquement l’histoire car elle met en action ces intentions (par exemple, un prisonnier regarde à sa fenêtre en agrippant les barreaux, puis le sujet doit choisir si le prisonnier va fabriquer une corde pour s’échapper, se coucher ou crier). Brüne [7] a proposé une adaptation de cette épreuve, dans laquelle le sujet doit remettre dans l’ordre des cartes mélangées pour reconstituer une histoire. Ces histoires peuvent comporter un personnage qui coopère avec un autre, un personnage qui en trompe un autre, ou deux personnages qui coopèrent pour en tromper un troisième. Cette tâche permet donc d’évaluer spécifiquement des intentions sociales de coopération et de tromperie, et elle permet d’évaluer l’attribution d’états mentaux cognitifs de premier et de deuxième ordre.
6Les tâches mixtes mobilisent les états mentaux affectifs et cognitifs, et, selon les épreuves et les modes de cotation adoptés, elles permettent ou non de les distinguer. Elles ont l’avantage de permettre une comparaison plus directe des aspects affectifs et cognitifs de la TOM, en évaluant ces dimensions au sein d’un même paradigme, donc en gardant constants les aspects généraux de la tâche. Parmi ces épreuves, le paradigme des faux pas est de loin le plus utilisé. Le sujet doit détecter la présence d’une maladresse sociale et l’expliquer, en se basant sur les croyances et intentions de l’auteur du faux pas et sur les sentiments de la victime du faux pas. Le test de Yoni est inspiré du test de jugement de préférence basé sur la direction du regard, mais il permet d’évaluer l’attribution d’états mentaux cognitifs et affectifs, de premier et de deuxième ordre. Comme pour l’épreuve originale, nous pouvons objecter que l’état mental étant indiqué dans la phrase à compléter (« Yoni aime » pour la TOM affective et « Yoni pense à » pour la TOM affective), le sujet n’a pas besoin d’inférer cet état mental affectif ou cognitif pour répondre correctement aux questions. Il a seulement besoin de déterminer vers quel objet se porte l’attention du personnage en se basant sur la direction de son regard. Le Tom's taste[8], une autre variante du test original de jugement de préférence a été proposé comme tâche mixte et composite. En effet, le sujet doit inférer et prendre en considération à la fois les états mentaux affectifs et cognitifs du personnage, pour choisir le comportement adéquat dans une situation sociale donnée. Un intérêt majeur de cette épreuve est de placer le sujet dans une situation imaginaire d’interaction sociale à la première personne. Le sujet voit le personnage Tom, qui pense à un objet en souriant ou en ne souriant pas (par exemple, Tom pense à un bateau en ne souriant pas). L’expérimentateur place le sujet dans une situation d’interaction avec Tom, avec un court énoncé (par exemple, « Tom veut aller en vacances en Amérique du Sud, quel mode de transport lui conseilleriez-vous ? »). Le sujet a le choix entre quatre réponses. La réponse correcte prend en compte à la fois la préférence de Tom et le contexte (par exemple, l’avion). Les autres propositions sont erronées. L’une prend en compte la préférence de Tom mais pas le contexte (par exemple, le train), l’une prend en compte le contexte mais pas la préférence de Tom (par exemple, un bateau de croisière), et l’une ne prend en compte ni la préférence de Tom, ni le contexte (par exemple, un pédalo). À l’inverse du test de jugement de préférence basé sur la direction du regard et du test de Yoni, les états mentaux du personnage ne sont pas indiqués dans la consigne, et le sujet doit donc réellement les inférer. Toutefois, nous aurions tendance à penser que cette épreuve mobilise davantage l’attribution d’états mentaux affectifs que cognitifs, et n’est donc pas réellement une épreuve mixte. En effet, un seul objet est présent autour du personnage, et le personnage regarde systématiquement vers lui. Le contenu de l’état mental cognitif du personnage (l’objet auquel il pense) est donc contraint, le sujet n’a pas besoin de l’inférer. Dans cette épreuve, une réponse correcte du sujet ne dépend donc pas de sa capacité à identifier un état mental cognitif, mais seulement de sa capacité à identifier un état mental affectif, à savoir si le personnage aime ou n’aime pas l’objet auquel il pense. Des épreuves contrastant l’attribution d’intentions et d’émotions à partir d’histoires sont également disponibles. Les épreuves mixtes comportent aussi des tâches de compréhension de la signification non littérale et implicite de propos ambigus. Ce type de tâches permet notamment d’évaluer la compréhension du sarcasme, du mensonge, de la métaphore et des sous-entendus. Nous pouvons citer le TASIT (The Awareness of Social Inference Test) et le MSST (Metaphor and Sarcasm Scenario Test). Dans le TASIT, les stimuli sont des vidéos montrant des personnes qui interagissent. Dans la condition SI-M (Social Inference-Minimal), le sujet voit simplement les personnages interagir, et il ne peut s’appuyer que sur les indices linguistiques et paralinguistiques qu’ils fournissent (postures, prosodies, expressions faciales) pour déterminer la nature sarcastique ou non des propos tenus par l’un d’eux. Dans la condition SI-E (Social Inference-Enriched), en plus des indices linguistiques et paralinguistiques, la scène présentée comporte des indices contextuels verbaux (une déclaration du personnage en aparté de l’interaction) ou visuels (un objet présent dans la scène), qui rendent plus explicites les intentions et pensées réelles du personnage-cible.
7Avec la multiplication des travaux expérimentaux dans la pathologie neurologique, et notamment dans les affections neurodégénératives, l’évaluation des capacités de TOM a progressivement trouvé sa place dans la pratique clinique courante. Le clinicien francophone dispose ainsi actuellement de quelques outils. L’épreuve TOM-15 [9] permet d’évaluer l’attribution d’états mentaux cognitifs à travers quinze histoires de fausses croyances (huit histoires de premier ordre et sept histoires de deuxième ordre), présentées sous forme verbale et visuelle, afin de minimiser la charge en mémoire de travail. Elle a été normée chez des sujets sains âgés de 20 à 90 ans, et est aussi adaptée aux maladies neurodégénératives, y compris lorsque des difficultés de compréhension modérées sont présentes [9]. La batterie Mini-Social Cognition and Emotional Assessment (mini-SEA) permet d’évaluer la TOM avec des histoires de faux pas et la reconnaissance d’expressions faciales émotionnelles basiques. Les histoires de faux pas sont présentées sous forme verbale uniquement. Cette batterie dispose de normes établies chez le sujet sain ainsi que dans la variante frontale de la démence frontotemporale (vfDFT) et la maladie d’Alzheimer (MA). Elle a montré sa sensibilité aux dysfonctionnements du cortex orbitofrontal et ventromédian, et s’avère utile dans l’examen diagnostique de la vfDFT [10]. Citons aussi la batterie sociocognitive proposée par Ehrlé et al. [11], également destinée à l’évaluation de la vfDFT, qui comporte des épreuves de fausses croyances de premier et deuxième ordre, de faux pas, de compréhension de l’humour, et de compréhension du langage abstrait. Cette batterie a la spécificité de proposer également une évaluation des aspects moraux et normatifs de la cognition sociale. Aucune norme n’a cependant été établie pour cette batterie.
Intérêts de l’étude de la théorie de l’esprit dans les maladies neurodégénératives
8L’étude de la TOM dans les maladies neurodégénératives présente de multiples intérêts. Sur le plan théorique, ces maladies sont sous-tendues par des topographies lésionnelles différentes, dont certaines se confondent avec les régions impliquées dans la TOM. Il est ainsi légitime de rechercher des dysfonctionnements de cette capacité dans ces maladies, qui pourront être distincts, contribuant ainsi à spécifier la neuro-anatomie fonctionnelle de cette aptitude. Dans une perspective clinique, l’identification de différents profils de troubles pourrait par ailleurs fournir au clinicien un marqueur neuropsychologique supplémentaire lors de l’examen cognitif à visée diagnostique. Les pathologies neurodégénératives sont aussi caractérisées par des atteintes cognitives diverses. L’étude des capacités de TOM chez ces patients pourrait contribuer au débat, qui reste largement ouvert sur les liens entretenus avec les autres fonctions cognitives. Enfin, la TOM, par sa fonction intrinsèquement sociale, pourrait permettre d’expliquer la genèse des différents troubles du comportement et des interactions sociales qui peuvent accompagner, de manière plus ou moins proéminente et spécifique, les maladies neurodégénératives.
Dégénérescences lobaires frontotemporales
Variante frontale de la démence frontotemporale
9La plupart des études ayant utilisé des tâches de TOM cognitive ont retrouvé des difficultés pour les patients ayant une vfDFT, aux histoires étranges et aux cartoons humoristiques [12, 13], et aux tâches de fausses croyances [14-19]. Si toutes les études ont observé des difficultés pour les fausses croyances de deuxième ordre, les résultats sont moins consistants pour les états mentaux de premier ordre, avec deux études sur cinq [15, 16] n’ayant pas retrouvé de déficit. Ces deux études peuvent toutefois soulever quelques réserves. Dans le travail de Freedman et al. [16], les performances des patients vfDFT à l’épreuve des fausses croyances de premier ordre étaient différentes des contrôles, avec un écart proche de la significativité statistique (p = 0,08), ce qui peut suggérer, qu’une étude ayant comporté plus de participants, ou avec des tâches plus sensibles, aurait malgré tout pu mettre en évidence un déficit. Les résultats apportés par Fernandez-Duque et al. [15], qui ont utilisé des tâches de fausses croyances parmi les plus simples de la littérature, afin de réduire au maximum les exigences cognitives de ces épreuves et de les rendre potentiellement moins dépendantes des fonctions cognitives générales, sont également équivoques. Ces auteurs ont conclu à une absence de déficit des patients vfDFT aux épreuves de fausses croyances de premier ordre, en les comparant aux performances d’un groupe de patients ayant une MA, et qui obtenaient des performances comparables aux vfDFT. Ils n’ont, en revanche, pas comparé ces deux groupes à un groupe de sujets sains. De plus, les auteurs ont conclu à un déficit pour la tâche des fausses croyances de deuxième ordre en comparant les patients vfDFT et MA à un groupe témoin sain, mais ils n’ont pas analysé séparément les performances des patients vfDFT. Les arguments rapportés par les auteurs quant à la nature du déficit observé à la tâche des fausses croyances de deuxième ordre nous semblent également poser question. Ils ont en effet évoqué l’intervention d’un déficit cognitif général, et notamment exécutif, plutôt que l’existence d’un réel déficit d’attribution d’états mentaux, mais n’ont pas analysé les corrélations entre les scores aux épreuves des fausses croyances et les scores aux tests cognitifs généraux. Au total, la littérature sur les performances des patients vfDFT aux épreuves de fausses croyances de premier et de deuxième ordre nous semble donc plutôt en faveur d’un déficit pour ces deux niveaux d’attribution. Aux histoires étranges et aux cartoons humoristiques, les patients avaient des performances inférieures aux contrôles pour les histoires de TOM, mais aussi pour quelques histoires contrôles, ce que certains auteurs [12, 13] ont interprété comme le reflet d’un déficit lié à la complexité de la tâche, qui aurait nécessité, notamment, des capacités exécutives dépassant les ressources des patients. À l’inverse, lorsque des tâches de fausses croyances de premier ordre simples et peu coûteuses en ressources cognitives étaient administrées, les patients pouvaient avoir des performances proches de la perfection (moyenne : 93,4 % de bonnes réponses) [15], et certains travaux ont observé une corrélation entre l’efficience cognitive globale évaluée par le MMSE et la performance à une épreuve de fausses croyances de premier ordre [16]. Ces différents résultats peuvent plaider en faveur d’une absence de réel déficit de TOM dans la vfDFT. Pour autant, les corrélations avec les fonctions exécutives, bien qu’existantes, sont loin d’être la règle, ce qui suggère malgré tout une certaine indépendance entre les performances de TOM et les performances exécutives. Les premiers travaux avaient d’ailleurs montré des déficits de TOM sans déficits exécutifs associés [18]. De plus, l’analyse de la nature des erreurs des patients, aux histoires étranges et aux cartoons humoristiques, a montré qu’ils avaient tendance à donner des explications plus concrètes et descriptives que les contrôles, et qu’ils avaient tendance, dans leurs réponses, à employer moins de termes relatifs aux états mentaux. Un déficit authentique de TOM cognitive semblerait donc exister dans la vfDFT. Le rôle potentiel des fonctions exécutives dans la TOM, et notamment dans la tâche des fausses croyances, a été précisé par Samson et al. [20]. Deux processus distincts seraient nécessaires pour réaliser cette tâche : l’inférence de l’état mental de l’autre et l’inhibition de son propre état mental, de sa propre perspective. Ces auteurs ont ainsi proposé une version modifiée de la tâche des fausses croyances de premier ordre, contrastant des vraies et des fausses croyances, et permettant de distinguer des difficultés d’inférence et d’inhibition. En référence à ce modèle et en utilisant le paradigme de Samson et al. [20], Le Bouc et al. [21] ont montré que le déficit des patients vfDFT était lié à des difficultés d’inhibition de leur propre perspective, plutôt qu’à des difficultés pour inférer un état mental, et que ce déficit était corrélé aux performances au test de Stroop. Ces résultats ont amené les auteurs à postuler l’existence d’un déficit d’inhibition, non spécifique aux processus sociocognitifs, plutôt qu’un déficit authentique de TOM chez les patients vfDFT à la tâche des fausses croyances. Une seule étude a utilisé un paradigme plaçant le sujet en situation d’interaction réelle [16]. Dans ce paradigme, il s’agit pour le sujet d’inférer un état mental cognitif, à savoir la connaissance ou non d’un évènement. Dans la condition d’inférence directe, le participant est placé face à un expérimentateur et séparé de lui par une sorte de fenêtre dotée d’un rideau. L’expérimentateur dispose de plusieurs gobelets et d’une balle, qu’il cache sous un des gobelets alors que le rideau est fermé et que le participant ne peut pas voir la scène. Deux autres expérimentateurs sont placés de chaque côté de celui qui cache la balle, de sorte qu’ils peuvent a priori voir la scène que le sujet ne peut pas voir. Le sujet devra donc se référer aux informations données par ces deux expérimentateurs pour deviner où aura été cachée la balle. L’un d’eux porte des lunettes normales, tandis que l’autre porte des lunettes opaques entravant sa vue. Ces deux types de lunettes ont été essayés par le sujet dans une phase préparatoire du protocole, de sorte qu’il a pu faire l’expérience de leurs effets sur la vue de celui qui les porte. Une fois que la balle a été cachée, le rideau est ouvert, et les deux expérimentateurs enlèvent leurs lunettes et pointent chacun un gobelet différent. Celui qui portait les lunettes opaques pointe vers un emplacement erroné, tandis que celui qui portait les lunettes normales pointe vers le gobelet sous lequel se trouve la balle. Dans une variante de cette première condition, la capacité des expérimentateurs à voir la scène est manipulée en plaçant l’un d’eux du côté des gobelets, et l’autre du côté du sujet, au moment où la balle est cachée. Les performances des patients vfDFT, analysées en tenant compte des variables susceptibles d’influencer ce score (âge, MMSE, erreurs persévératives au WCST), n’étaient pas significativement inférieures à celles des contrôles. Concernant les substrats cérébraux des performances des patients vfDFT aux tâches d’attribution d’états mentaux cognitifs, Snowden et al. [12] ont montré que les patients ayant une atrophie préfrontale étendue, intéressant les structures orbitofrontales et dorsolatérales, étaient moins performants que les patients ayant une atrophie plus circonscrite aux régions orbitofrontales, ce qu’ils ont interprété comme un argument supplémentaire à l’hypothèse d’une participation, au moins partielle, du fonctionnement exécutif aux performances de TOM. Peu de travaux ont investigué les substrats cérébraux des performances des patients vfDFT aux épreuves de fausses croyances. Le Bouc et al. [21] ont montré chez leurs patients, sans distinguer les sujets vfDFT et les sujets MA, que les difficultés d’attribution de fausses croyances de premier ordre liées à un déficit d’inhibition de la perspective personnelle étaient corrélées au degré d’hypométabolisme du gyrus frontal médian de l’hémisphère droit.
10Concernant les états mentaux affectifs, les patients vfDFT ont montré de moins bonnes performances que les contrôles au jugement de préférence basé sur la direction du regard [12] et au RMET [17, 18, 22, 23]. Le déficit à ce dernier test pouvait survenir avant même les troubles comportementaux et cognitifs [23]. Le déficit de TOM affective est apparu, en outre, plus précoce et plus prononcé que le déficit de TOM cognitive [23]. Peu d’études ont retrouvé un lien avec les mesures exécutives. Les performances au jugement de préférence n’étaient, par ailleurs, pas influencées par la présence d’un distracteur [12]. Néanmoins, les patients faisaient des choix en accord avec leurs préférences personnelles plutôt qu’avec celles du personnage, ce qui pouvait être rapproché, selon les auteurs, d’un déficit d’inhibition de la perspective personnelle. L’implication des structures préfrontales ventromédianes dans la performance au RMET chez les patients vfDFT a été démontrée par Couto et al. [22]. L’existence dans cette maladie de lésions ventromédianes, plus prononcées et plus précoces que les lésions dorsolatérales, pourrait expliquer le fait que la TOM affective, évaluée par le RMET, soit plus précocement et plus sévèrement déficitaire que la TOM cognitive [17, 23].
11Dans les tâches mixtes, les patients vfDFT ont manifesté des déficits d’attribution d’états mentaux à la tâche des faux pas [10, 17, 18] et à une tâche d’attribution d’intentions et d’émotions à partir d’histoires [24], avec un déficit plus prononcé et plus précoce pour la composante affective que cognitive [23-25]. Au test de Yoni, les patients n’étaient déficitaires que pour l’attribution d’états mentaux affectifs de deuxième ordre [25]. Les patients pouvaient aussi avoir des difficultés à identifier le caractère mensonger ou sarcastique d’un propos [14, 19, 26, 27]. Ces déficits ont pu être mis en lien avec des difficultés pour attribuer des états mentaux de deuxième ordre, relatifs à ce que pensait le personnage-cible des croyances du personnage auquel il mentait ou envers lequel il se montrait ironique [14], ainsi qu’à des difficultés d’identification des émotions négatives [26, 27]. Peu de liens ont été retrouvés avec le fonctionnement exécutif (voir [28] pour une méta-analyse récente), et lorsque ce fut le cas, il apparaissait que le fonctionnement exécutif était lié à la composante cognitive plutôt qu’affective [23, 24]. Bertoux et al. [29] et Ramanan et al. [30] ont montré une indépendance partielle, mais pas totale, entre fonctions exécutives et tâche des faux pas, en utilisant une analyse en clusters : certaines composantes de la tâche des faux pas étaient associées à certaines dimensions exécutives, tandis que certaines autres composantes du test des faux pas et certaines autres fonctions exécutives représentaient des clusters indépendants. Au test de Yoni, les patients étaient déficitaires aux items contrôles et leurs performances étaient corrélées à un test d’inhibition [25]. Concernant la compréhension des significations non littérales, celle-ci a été mise en lien avec les capacités de raisonnement et de flexibilité [14, 19]. La progression des lésions au sein du cortex préfrontal au cours de la vfDFT expliquerait, comme pour les résultats concernant le RMET, le déficit plus précoce et plus prononcé pour la composante affective que cognitive [23]. Peu d’études ont cependant investigué directement les liens entre performance à l’épreuve des faux pas et caractéristiques lésionnelles des patients. Bertoux et al. [29] ont montré que le score d’explication des faux pas (incluant indistinctement les composantes affectives et cognitives) était corrélé avec l’atrophie du cortex préfrontal rostromédian et insulaire. Outre les structures préfrontales, la capacité à comprendre le mensonge et le sarcasme impliquait également le cortex temporal dans sa portion antérosupérieure [14, 19, 27]. Un lien entre atrophie du cortex orbitofrontal et difficultés de compréhension du mensonge et du sarcasme a également été suggéré [26].
12Pour ce qui concerne les liens avec les troubles du comportement et des interactions sociales, dans l’une des études princeps sur la TOM dans la vfDFT, Gregory et al. [17] ont administré le Neuropsychiatric Inventory (NPI) à leurs patients. Le score au NPI était corrélé aux performances aux tâches de fausses croyances de deuxième ordre et de faux pas : plus les performances à ces tâches étaient faibles, plus le score au NPI était élevé. Les performances à la tâche des faux pas expliquaient 41 % de la variance du score au NPI. Certains auteurs ont employé des outils plus spécifiquement liés à la notion de TOM. Le questionnaire Interpersonnal Reactivity Index (IRI) permet d’apprécier la qualité des relations interpersonnelles d’un individu, notamment en termes de communication émotionnelle. Il permet d’appréhender les capacités d’empathie cognitive et affective, qui peuvent être rapprochées par certains aspects de la notion de TOM [31]. Les proches de patients vfDFT, qui présentaient des difficultés de TOM cognitive et affective, ont rapporté une diminution significative des capacités à faire preuve d’empathie et à adopter la perspective de quelqu’un d’autre au questionnaire IRI [13]. Les auteurs n’ont cependant pas analysé les liens entre ces différents aspects. Narme et al. [25] ont montré un lien entre le score global d’empathie à l’IRI et l’importance des difficultés aux tâches d’attribution d’états mentaux affectifs et cognitifs. Ces auteurs ont également administré un autre questionnaire comportemental, spécifiquement dédié à l’évaluation du syndrome dysexécutif comportemental (Inventaire du syndrome dysexécutif et comportemental [ISDC]). Ils ont montré que le score à l’item « désintérêt » était corrélé aux difficultés aux tâches de TOM. Un lien entre IRI (score global et score d’empathie affective) et attribution d’états mentaux affectifs a aussi été retrouvé par Dodich et al. [24].
13En conclusion, la vfDFT est associée à des perturbations de l’attribution d’états mentaux affectifs et cognitifs [32], dont l’importance et l’étendue semblent s’accentuer avec l’évolution de la maladie [28] et l’extension des lésions au sein du cortex préfrontal [17]. Le déficit de TOM affective semble plus précoce et plus prononcé, ce qui semble refléter l’atteinte lésionnelle préfrontale initialement ventromédiane, puis secondairement dorsolatérale. Les patients vfDFT pourraient présenter un déficit général à mettre en œuvre des raisonnements inférentiels et avoir tendance à ne pas se détacher des éléments factuels directement observables. Le test du RMET et le test des faux pas semblent particulièrement sensibles aux déficits de TOM dans la vfDFT. Les difficultés d’attribution d’états mentaux semblent partiellement dissociables des capacités exécutives. La TOM cognitive serait davantage associée au fonctionnement exécutif que la TOM affective, ce qui est, là encore, cohérent avec l’implication commune du CPFDL dans la TOM cognitive et les fonctions exécutives. Les fonctions exécutives semblent jouer, dans l’attribution d’états mentaux, un rôle à la fois général, lié aux caractéristiques de la tâche, et spécifique, lié aux processus d’inhibition de la perspective personnelle. Enfin, les troubles de la TOM semblent pouvoir rendre compte de certaines des perturbations comportementales observables chez ces patients, en particulier les difficultés d’empathie et de prise de perspective.
14La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie dégénérative du motoneurone central et périphérique. Certaines formes de SLA sont associées à la vfDFT. Ces deux entités peuvent partager certaines caractéristiques cliniques, neuropathologiques et génétiques, et pourraient représenter les deux extrêmes d’un continuum pathologique pouvant associer, dans des proportions diverses, des déficits moteurs et cognitivocomportementaux. Les études sur les capacités de TOM dans la SLA ont montré des similitudes avec les difficultés observées dans la vfDFT. Aux épreuves cognitives, les patients ont ainsi manifesté un déficit à se détacher des éléments factuels et concrets pour générer des inférences [33]. Des difficultés de TOM affective ont aussi été fréquemment retrouvées [34], et ces dernières semblaient plus précoces et plus prononcées que pour la composante cognitive [35]. Les déficits de TOM, comme pour la vfDFT, ont pu être observés en l’absence de troubles exécutifs ou de corrélations avec les mesures exécutives [33, 34], mais un lien partiel semble tout de même exister, notamment avec des difficultés d’inhibition de la perspective personnelle [34]. Par rapport à la vfDFT, les déficits semblent donc qualitativement semblables, mais ils sont moins marqués et les performances individuelles sont plus hétérogènes [34]. Cette hétérogénéité reflèterait une atteinte préfrontale ventromédiane et/ou dorsolatérale plus variable que dans la vfDFT. Certaines études ont montré des difficultés plus prononcées et plus systématiques chez les patients ayant une forme bulbaire de SLA, par rapport à la forme spinale [34]. Concernant les substrats cérébraux de ces perturbations, Carluer et al. [33] ont montré que les patients présentaient un hypométabolisme du cortex préfrontal médian, et que leurs performances de TOM cognitive, évaluées par le TOM-15 [9], étaient corrélées au métabolisme du cortex préfrontal médian et dorsolatéral. À une tâche contrastant l’attribution d’intentions et d’émotions de premier ordre, Cerami et al. [35] ont montré que la performance de TOM affective, mais pas cognitive, était corrélée avec l’atrophie du cortex fronto-insulaire et du cortex cingulaire antérieur. En regard des liens avec les troubles du comportement et des interactions sociales, les difficultés aux RMET n’étaient pas corrélées avec les troubles comportementaux [34]. En revanche, des liens ont pu être observés entre le degré d’apathie, d’une part, et les performances au jugement de préférence basé sur la direction du regard [34] et au test de Yoni [36], d’autre part. Les difficultés d’attribution d’états mentaux émotionnels étaient corrélées à l’item « santé mentale » de l’échelle SF-36, mais pas aux troubles comportementaux [37], tandis que Cerami et al. [35] n’ont pas retrouvé de liens entre attribution d’émotions et troubles du comportement. Il pourrait donc exister un lien entre la présence de troubles de la TOM affective et la qualité de vie, ainsi que la présence d’une apathie, qui est l’un des signes comportementaux les plus fréquemment observés dans la SLA.
Variantes temporales de la démence frontotemporale
15Dans la démence sémantique (DS), concernant les états mentaux cognitifs, des difficultés ont été observées aux tâches d’attribution d’intentions [8] et aux épreuves des fausses croyances, avec des perturbations plus importantes pour les fausses croyances de deuxième ordre [8, 38, 39]. Cependant, les études de corrélation n’ont pas montré de liens avec le fonctionnement exécutif, mais avec une épreuve de mémoire épisodique visuelle [8]. Un lien avec l’atrophie des pôles temporaux, et, plus largement, avec l’atrophie et le défaut de connectivité d’un vaste réseau cortical médian fronto-temporopariétal [39], a été observé.
16Pour ce qui est de la TOM affective, Couto et al. [22] ont montré que les patients atteints d’aphasie progressive non fluente (APNF) avaient des résultats inférieurs aux contrôles au RMET, mais aussi pour la reconnaissance des visages, en lien avec un probable double déficit de traitement basique des visages et de traitement des informations émotionnelles véhiculées par les visages. Ces déficits seraient consécutifs à l’atteinte de plusieurs structures impliquées dans le traitement des visages et la reconnaissance des émotions, notamment les régions temporales et le gyrus fusiforme [40]. Au RMET, les patients DS ont manifesté des difficultés, plus importantes pour les émotions complexes que basiques [8, 39]. Ce déficit a été mis en lien avec l’atrophie du cortex temporal médian et du gyrus fusiforme, ainsi qu’avec une baisse de connectivité entre les structures temporales et certaines structures préfrontales et pariétales, connues pour être impliquées dans la TOM [38]. Au jugement de préférence basé sur la direction du regard et sa version modifiée, le Tom's taste, les patients DS étaient moins performants que les contrôles, avec des choix basés sur leurs préférences personnelles ou le contexte, plutôt que sur les préférences des personnages, et sans lien avec le fonctionnement exécutif, ce qui a pu être interprété comme un déficit à se décentrer de sa propre expérience [8, 39].
17En ce qui concerne les tâches de TOM mixtes, Eslinger et al. [14] ont comparé, comme un seul groupe, des patients DS et APNF à un groupe témoin, à des tâches de compréhension de situations sociales impliquant le mensonge ou la plaisanterie, et nécessitant des attributions d’états mentaux épistémiques de premier et de deuxième ordre. Cette étude comportait également des patients vfDFT et était en réalité focalisée sur cette maladie. Bien que l’article ne décrive pas les résultats des analyses statistiques concernant les performances de TOM du groupe DS/APNF, les auteurs ont indiqué que, comparés aux patients vfDFT, « les déficits dans les variantes temporales de la démence frontotemporale étaient moins sévères et moins fréquents » (p. 459). Rankin et al. [27] ont comparé les performances de patients ayant différentes maladies neurodégénératives, notamment la DS, l’APNF, la vfDFT et la MA, au subtest SI-M du TASIT. Seul le groupe de patients DS manifestait des difficultés à cette épreuve. Par ailleurs, les auteurs ont montré un lien entre la compréhension du sarcasme et la capacité à identifier des émotions exprimées par des personnes dans de courtes vidéos. Enfin, ce déficit de détection du sarcasme était associé à l’atrophie des gyri para-hippocampiques, du gyrus frontal supérieur droit et des pôles temporaux.
18Concernant les liens avec les troubles du comportement et des interactions sociales, Bon et al. [39] se sont intéressés, dans leur étude de cas, à la contribution éventuelle d’un déficit d’attribution d’états mentaux à l’existence de l’égocentrisme comportemental dans la DS. Les auteurs ont conçu une échelle inédite, inspirée de l’IRI, et qui évalue quatre types de conduites reflétant un égocentrisme comportemental : le monologue égocentré, le manque d’empathie et l’indifférence affective, l’imposition des préférences propres à la famille, et la non-prise en compte des autres dans les actions ou les paroles. Le patient LG présentait des scores significativement supérieurs aux sujets témoins aux dimensions relatives au manque d’empathie et à la non-prise en compte des autres. Il manifestait aussi des difficultés aux épreuves de TOM. Ce travail a permis d’émettre l’hypothèse d’un rôle éventuel de ces déficits dans la genèse de l’égocentrisme comportemental dans la DS.
19Au total, les études sur les variantes temporales de la démence frontotemporale sont assez peu nombreuses. La DS semble pouvoir s’accompagner d’une perturbation des composantes affective et cognitive de la TOM, en partie indépendante des difficultés exécutives, en lien notamment avec des anomalies cérébrales au niveau des pôles temporaux, du CPFVM, du cortex cingulaire antérieur et de l’amygdale. Il semblerait aussi exister un déficit spécifique d’identification du sarcasme. Le lien entre certains signes comportementaux spécifiques à la DS, notamment l’égocentrisme comportemental, et un trouble de la TOM, reste à déterminer. Dans l’APNF, le déficit observé au RMET serait secondaire à une atteinte des processus de traitement perceptif des visages, en lien avec une atteinte du gyrus fusiforme.
Trouble cognitif léger amnésique et maladie d’Alzheimer
Trouble cognitif léger amnésique
20Concernant l’attribution d’états mentaux cognitifs, les patients présentant un trouble cognitif léger amnésique (amnestic mild cognitive impairment [aMCI]) ont montré des difficultés aux histoires étranges, qui étaient corrélées à leurs performances à une épreuve d’intelligence fluide [41]. Aux épreuves des fausses croyances, les patients ont montré un déficit sélectif aux questions de deuxième ordre [41, 42]. L’intervention sélective de processus cognitifs généraux dans la TOM de deuxième ordre mais pas de premier ordre a aussi été montrée [41]. Moreau et al. [43] ont utilisé le paradigme proposé par Samson et al. [20], permettant de différencier les difficultés d’inférence et d’inhibition dans la situation d’attribution de croyances de premier ordre. Les résultats ont montré une hétérogénéité des performances, certains patients ayant fait peu ou pas d’erreurs, et d’autres en ayant fait beaucoup. De plus, les patients ne commettaient pas un type d’erreur en particulier, leurs performances suggérant à la fois des difficultés d’inférence et d’inhibition. Enfin, le rôle de processus cognitifs généraux a été suggéré, car les patients qui faisaient le plus d’erreurs étaient aussi ceux qui avaient les déficits cognitifs les plus étendus. Moreau et al. [43] ont observé que ces déficits étaient cohérents avec les études ayant retrouvé, dans le aMCI, des anomalies cérébrales touchant différentes structures associées aux capacités de TOM, à savoir le cortex cingulaire postérieur/précuneus, l’hippocampe et le cortex préfrontal médian. Baglio et al. [41] ont directement recherché des corrélations entre performances aux épreuves des fausses croyances de premier et de deuxième ordre et activité cérébrale, et ont ainsi apporté une confirmation expérimentale à cette hypothèse. Ils ont montré des corrélations avec l’activité du cortex cingulaire postérieur/précuneus, du gyrus frontal médian droit et du gyrus fusiforme bilatéral. Le paradigme de la communication référentielle, qui place le sujet dans une situation réelle d’interaction avec un expérimentateur, a été employé chez les patients aMCI par Moreau et al. [43]. Cette tâche permet d’investiguer, à travers l’analyse de certains marqueurs linguistiques (l’usage d’articles indéfinis ou définis pour référer aux objets au sujet desquels les protagonistes interagissent), dans quelle mesure le patient prend en compte l’évolution des états mentaux épistémiques de son partenaire, au cours d’une activité conjointe réalisée en plusieurs sessions successives (arrangement de tangrams). Des difficultés de prise en compte des états mentaux de l’interlocuteur ont été objectivées par le fait que, contrairement aux contrôles, les patients n’utilisaient pas de moins en moins d’articles indéfinis (« un », « une ») et de plus en plus d’articles définis (« le », « la ») au fil des différents essais, ce qui traduirait la non-prise en compte par les patients des échanges antérieurs et des termes adoptés avec leur partenaire. Bien que les liens avec les capacités exécutives n’aient pas été directement recherchés, les auteurs ont fait l’hypothèse qu’un déficit exécutif ne semblait pas pouvoir rendre compte de ces difficultés, car parmi les patients qui échouaient la tâche, certains avaient des difficultés exécutives et d’autres non. En revanche, un rôle de la mémoire de travail et de la mémoire épisodique, déficitaires chez tous les patients, a été suggéré, car l’emploi de termes définis nécessitait probablement que le sujet se souvienne de ses interactions antérieures avec son partenaire.
21Pour ce qui est de la TOM affective, les patients ont manifesté au RMET des difficultés par rapport aux contrôles [41], qui n’étaient que partiellement liées à d’autres troubles cognitifs, et qui restaient significatives après prise en compte de ces derniers. Au jugement de préférence, les patients aMCI avaient des performances comparables aux contrôles et ces performances n’étaient pas corrélées aux capacités cognitives générales, notamment exécutives [41]. Baglio et al. [41] ont soumis leurs sujets à une IRMf pendant la réalisation du RMET. Il est apparu que, par rapport aux sujets témoins, les patients aMCI présentaient une activation moins étendue du STS postérieur droit, une moindre activation du gyrus temporal supérieur droit, et une absence d’activation du cortex temporopariétal. En revanche, ils activaient plus que les contrôles le gyrus frontal inférieur et médian gauche, le cortex cingulaire antérieur et postérieur, et le gyrus temporal médian gauche. Ces résultats ont amené les auteurs à formuler l’hypothèse de l’existence de mécanismes neurocognitifs compensatoires. Ainsi, le déclin du réseau de la mentalisation, sous-tendu notamment par les structures temporopariétales, serait compensé par une mobilisation accrue des régions préfrontales, donc un recrutement plus important des processus exécutifs, ce qui permettrait de mobiliser les ressources liées à la réserve cognitive de l’individu. Ainsi, en lien avec la théorie « frontale » du vieillissement cognitif réussi [44], les patients aMCI mobiliseraient davantage leurs capacités exécutives pour tenter de maintenir des capacités de TOM efficientes.
22Aux épreuves mixtes de TOM, Dodich et al. [24] ont montré une performance normale des patients aMCI lors d’une tâche d’attribution d’intentions et d’émotions à partir de cartoons. Maki et al. [45] ont comparé les capacités à comprendre la métaphore, qui nécessite des processus inférentiels de premier ordre sur les états mentaux, et le sarcasme, qui nécessite des inférences plus complexes de deuxième ordre. Les patients avaient des difficultés pour les deux types d’intentions communicatives, mais elles étaient plus importantes pour le sarcasme. Ces résultats ont été corroborés par une autre étude, contrastant la compréhension du sarcasme et du mensonge, ce dernier faisant appel à des inférences de premier ordre. Les patients ne montraient des difficultés que pour la compréhension du sarcasme, et celles-ci étaient corrélées à leur capacité à attribuer des fausses croyances de deuxième ordre [42]. Cette étude a également montré un lien entre les capacités exécutives et la compréhension du sarcasme, ce qui apporte un élément supplémentaire à l’hypothèse d’une intervention des processus exécutifs dans les tâches complexes d’attribution d’états mentaux.
23 Au total, le aMCI semble pouvoir s’accompagner de modifications des capacités de TOM, pouvant affecter les deux composantes, affective et cognitive, mais ce résultat n’est pas systématiquement observé. Ces perturbations, dans le aMCI, suivent une involution développementale. Les tâches les plus complexes et réussies le plus tardivement au cours du développement de l’enfant sont l’objet des perturbations les plus précoces et les plus prononcées. De plus, les données comportementales ont apporté peu d’arguments convaincants en faveur d’un déficit authentique, et semblent plutôt supporter l’hypothèse d’un lien étroit entre les performances aux tâches de TOM, le fonctionnement cognitif global, et de manière plus spécifique les capacités exécutives. En revanche, au niveau neurophysiologique, des modifications de l’activité du réseau cérébral de la mentalisation sociale ont été démontrées au cours des tâches de TOM, ce qui appuie l’hypothèse d’un réel déficit. L’ensemble de ces éléments amène à penser qu’il existerait un déclin des capacités d’attribution d’états mentaux au cours du aMCI, qui peut être contourné par la mise en place de mécanismes compensatoires, liés à la réserve cognitive de l’individu, et basés sur la mobilisation des processus cognitifs généraux, notamment exécutifs.
Maladie d’Alzheimer
24Dans la MA, de nombreuses études sur les capacités de TOM cognitive ont mis en évidence leur lien étroit avec les capacités cognitives générales. Une hypothèse longtemps prépondérante a été que, dans la MA, il n’existe pas de perturbation authentique de l’attribution d’états mentaux, mais plutôt une altération cognitive générale qui entrave les performances aux épreuves. Ainsi, aux histoires étranges, les difficultés observées ont été mises sur le compte de la complexité de la tâche et d’une perturbation exécutive [46, 47]. De même, de nombreuses études ayant utilisé le paradigme des fausses croyances ont orienté les chercheurs vers l’hypothèse d’un déficit en lien avec des perturbations cognitives générales, plutôt qu’avec un déficit de TOM, car les difficultés apparaissaient plus systématiquement pour les fausses croyances de deuxième ordre que de premier ordre, et car elles étaient fréquemment associées aux capacités cognitives générales ou à la complexité de la tâche [17, 19, 45-48]. Néanmoins, d’autres travaux plaident pour un authentique affaiblissement des capacités de TOM dans la MA. Ainsi, lorsque les exigences mnésiques de la tâche étaient réduites ou que l’influence des facteurs cognitifs généraux était contrôlée, les patients présentaient toujours des difficultés par rapport aux contrôles [16, 21, 49, 50]. L’intrication des troubles cognitifs, notamment exécutifs, et des performances de TOM peut être difficile à articuler de manière cohérente si l’on adopte, comme ce fut le cas dans les travaux cités, une approche exclusive. Selon cette approche, l’implication de processus exécutifs dans les performances de TOM signifierait que le déficit n’est pas authentique, mais lié à d’autres fonctions cognitives qui ne font pas partie des fonctions sociocognitives. Or, comme nous l’avons évoqué précédemment, plusieurs modèles suggèrent une participation conjointe de processus sociocognitifs spécifiques (inférence d’un état mental) et de processus exécutifs généraux (inhibition et sélection des états mentaux) dans les capacités de TOM [20, 51]. Par ailleurs, à l’instar du aMCI, certains travaux ont suggéré que la mobilisation du fonctionnement exécutif pouvait intervenir comme un mécanisme compensatoire aux difficultés intrinsèques de mentalisation [52]. Les auteurs de cette étude ont expliqué leurs résultats selon le cadre interprétatif du modèle de German et Hehman [51], qui propose que les capacités d’attribution d’états mentaux nécessitent à la fois des processus sociocognitifs spécifiques (génération et inférence d’un état mental) et des processus exécutifs généraux (inhibition de la perspective personnelle, sélection de la bonne représentation parmi plusieurs possibles). Le déclin des performances de TOM dans la MA serait donc lié à deux facteurs. Il existerait tout d’abord un déficit intrinsèque d’inférence sur les états mentaux, probablement initial, compte tenu des données anatomiques sur la MA, puis secondairement, un déclin des fonctions exécutives. L’intégrité initiale des fonctions exécutives permettrait de maintenir une performance normale chez les MA ayant une maladie à un stade léger, du moins pour les tâches d’attribution d’états mentaux de premier ordre. Lorsque la maladie a progressé vers un stade d’évolution modéré, un déficit exécutif vient s’ajouter au déficit d’inférence d’état mental, ne permettant plus de compenser les difficultés d’inférence, entraînant alors un échec pour les tâches, relativement simples, de TOM de premier ordre. La plupart des travaux évoqués ont utilisé des stimuli peu écologiques, basés sur des situations sociales narrées sur un support écrit, ou représentées sous forme de dessins. Une étude a utilisé des stimuli plus écologiques, avec un format de présentation vidéo. Les patients n’avaient pas de difficultés pour l’attribution d’états mentaux de premier et de deuxième ordre [19]. Quelques travaux ont employé des paradigmes plaçant le sujet en situation réelle d’interaction. Dans leur étude, Freedman et al. [16] ont observé, outre des difficultés à des épreuves classiques de fausses croyances de premier et deuxième ordre, des difficultés importantes des patients MA à une tâche nécessitant d’inférer la perspective visuelle de différents protagonistes pour déterminer lequel avait vu où une balle avait été cachée. Comme pour les performances aux épreuves de fausses croyances, ces difficultés étaient présentes malgré la prise en compte de facteurs généraux tels que l’âge, le score au MMS ou les difficultés exécutives, ce que les auteurs ont interprété comme un argument supplémentaire en faveur d’un authentique déficit d’attribution d’états mentaux chez ces patients. Il est intéressant de noter qu’à cette épreuve, les patients vfDFT avaient, eux, des performances normales. Le paradigme de la communication référentielle a été récemment employé dans la MA [53]. Les patients manifestaient un déficit, qui semblait authentique car il n’était pas corrélé aux mesures cognitives. Malgré l’existence de nombreuses études sur les capacités de TOM cognitive dans la MA, très peu de travaux se sont attachés à investiguer leurs substrats cérébraux. Comme l’ont souligné Laisney et al. [50], les lésions cérébrales de la MA intéressent de nombreuses régions cérébrales connues pour être impliquées dans la TOM, à savoir le cortex préfrontal médian et le CPFVM, le cortex cingulaire postérieur/précuneus, et la JTP. À l’appui de cette hypothèse, Le Bouc et al. [21] ont montré que, chez les patients vfDFT/MA, le déficit d’inférence d’états mentaux lors de l’attribution de croyances (qui caractérisait les erreurs des patients MA mais pas vfDFT) était corrélé avec la diminution du métabolisme cérébral au niveau de la JTP gauche [21].
25Concernant l’attribution d’états mentaux affectifs, parmi les cinq études ayant utilisé le RMET ou un paradigme s’en inspirant, trois n’ont pas retrouvé de difficultés des patients pour identifier les émotions sociales complexes [17, 49, 52], ou les émotions basiques [49, 52]. Cependant, Laisney et al. [50] ont pu mettre en évidence des difficultés pour les émotions complexes, et Castelli et al. [47] pour les émotions complexes et basiques. Une minorité de ces travaux n’a pas retrouvé de lien avec le fonctionnement exécutif [17, 50]. La plupart ont montré que les performances au RMET étaient corrélées à différentes fonctions exécutives et au fonctionnement cognitif global [47, 49, 52]. Par ailleurs, le niveau d’éducation était corrélé à la performance au RMET, et pouvait prédire la performance à cette épreuve. Le niveau d’éducation pouvant refléter le niveau de réserve cognitive d’un individu, Fliss [49] a postulé que les capacités de réserve cognitive des patients MA pouvaient influer sur la dégradation des capacités de reconnaissance des émotions complexes au RMET. Au jugement de préférence basé sur la direction du regard, les patients présentaient des performances inférieures aux contrôles [47, 50]. De plus, ils avaient tendance à produire significativement plus d’erreurs en lien avec leurs préférences personnelles que les contrôles. Cependant, Laisney et al. [50] ont montré que les patients commettaient aussi, et dans les mêmes proportions, des erreurs persévératives et des erreurs liées au hasard, et ont ainsi pointé du doigt le fait que cette épreuve permet de faire ressortir des profils différents entre la MA et la vfDFT. En effet, si les patients MA font des erreurs de tous types, les patients vfDFT manifestent une nette tendance à privilégier leurs préférences personnelles. Au Tom's taste, une différence similaire dans la nature des erreurs entre patients MA et vfDFT a pu être suggérée. Fliss [49] et Fliss et al. [52] ont ainsi montré que les patients MA pouvaient correctement identifier la préférence du personnage, mais qu’ils commettaient des erreurs quand ils devaient choisir d’adopter un comportement en adéquation avec cette préférence, ce choix étant plutôt basé sur leurs préférences personnelles, mais aussi sur le contexte social associé à l’item. Ainsi, Fliss [49] a proposé de préciser davantage les spécificités des erreurs des patients MA à ces épreuves, par rapport aux patients vfDFT. Si les patients vfDFT font essentiellement des erreurs en lien avec leurs préférences personnelles, ce qui semble traduire une incapacité à se décentrer de leur propre perspective, les erreurs des patients MA sont moins systématiquement égocentrées (basées sur la préférence personnelle du sujet), et elles peuvent aussi être contextuelles (basées sur le contexte de l’interaction avec Tom mais sans tenir compte de sa préférence), ce qui évoque l’existence d’un déficit de TOM dans lequel la référence à soi est moins proéminente, et dans lequel existe un mécanisme compensatoire aux difficultés de prise en compte des états mentaux affectifs de l’autre. Les patients MA sembleraient ainsi conserver une capacité à se décentrer d’eux-mêmes, et ils tenteraient de contourner leurs difficultés intrinsèques à adopter le point de vue d’autrui, en se basant sur le contexte social dans lequel est présentée l’interaction. D’autres paradigmes, moins répandus, ont été utilisés dans la littérature. Ainsi, l’attribution d’états mentaux émotionnels a été étudiée à travers l’identification de l’émotion basique suscitée dans différentes situations pouvant se produire dans la vie courante. À l’aide d’une version « papier-crayon » de ce paradigme (les situations étaient présentées sous forme de récits), Castelli et al. [47] ont observé des performances normales pour l’attribution d’états mentaux de premier ordre. Zaitchik et al. [48], qui ont, eux, étudié l’attribution d’états mentaux émotionnels de premier et de deuxième ordre, ont également retrouvé une performance normale pour l’attribution d’états mentaux de premier ordre, mais ils ont en revanche observé un déficit pour l’attribution d’états mentaux de deuxième ordre, en lien avec la complexité de la tâche. En utilisant une version similaire à celle utilisée par Castelli et al. [47], mais dans un format de présentation en vidéo, plus écologique, Freedman et al. [16] n’ont pas retrouvé de déficit.
26Concernant les épreuves mixtes, au test des faux pas, les patients MA avaient des performances normales pour la détection des histoires avec un faux pas et le rejet des histoires qui n’en contenaient pas [10, 17]. Lorsque les composantes affectives et cognitives de l’épreuve étaient considérées, il apparaissait que les patients avaient des difficultés spécifiques pour la composante cognitive [25]. Les difficultés à l’épreuve des faux pas étaient moins importantes pour la MA que pour la vfDFT [30]. Les fonctions exécutives expliquaient une part importante de la performance de TOM dans la MA, mais il existait malgré tout une certaine indépendance entre fonctions exécutives et attribution d’états mentaux. Ramanan et al. [30] ont également mis en évidence une influence des capacités de mémoire épisodique sur la performance à la tâche des faux pas dans la MA, mais de manière moins importante et moins consistante que pour les fonctions exécutives. Le déficit sélectif pour la composante cognitive observé au test des faux pas n’a pas été retrouvé avec d’autres paradigmes. Au test de Yoni, seule la composante affective était perturbée [25], tandis que Dodich et al. [24] ont mis en évidence des difficultés pour attribuer des intentions et des émotions. Cuerva et al. [46] ont administré le Pragmatic Test, dans lequel le participant doit comprendre le sous-entendu implicite d’une phrase qui lui est adressée. Les patients MA étaient moins performants que les contrôles. De plus, les patients qui échouaient à la tâche des fausses croyances de deuxième ordre avaient de plus faibles performances que les patients qui avaient réussi cette tâche, et la performance au test de compréhension du sous-entendu était corrélée à la performance au test des fausses croyances de deuxième ordre. Les patients MA ont aussi manifesté des difficultés pour comprendre les métaphores et le sarcasme [45], avec une tendance à fournir des explications littérales. Les auteurs ont postulé un déficit des patients à inhiber l’interprétation littérale au profit d’une interprétation alternative non littérale. La comparaison de ces résultats à ceux obtenus chez les patients aMCI, les sujets âgés sains et les sujets jeunes sains, dans la même étude, a montré un déclin progressif de la compréhension de la métaphore et du sarcasme dès le vieillissement normal, des inférences les plus complexes vers les inférences les moins complexes. Ces premières études ont employé des stimuli peu écologiques, les histoires ayant été présentées sous forme de récits écrits. Les patients ne pouvaient alors se référer qu’au contexte de l’histoire pour comprendre le sens des propos. Or, la capacité à comprendre le sarcasme passe également par l’analyse des indices vocaux de la phrase. Kipps et al. [26] et Rankin et al. [27] ont ainsi administré à leurs patients le subtest SI-M du TASIT. Contrairement aux épreuves classiques papier-crayon, à cette épreuve, les patients MA ne montraient pas de difficultés. Shany-Ur et al. [19] ont aussi retrouvé des performances normales, au subtest SI-E du TASIT.
27À propos des liens avec les troubles du comportement et des interactions sociales, Cuerva et al. [46] ont observé une absence de lien entre les déficits de TOM cognitive et les idées délirantes, l’apathie et l’irritabilité. En effet, ils n’ont pas observé de différence significative dans l’intensité de ces différents signes neuropsychiatriques entre les patients MA qui échouaient ou qui réussissaient une tâche de fausses croyances de deuxième ordre. Une absence de lien entre troubles comportementaux et TOM affective a aussi été rapportée [17]. Rowse et al. [54] se sont intéressés aux capacités de TOM chez les patients MA, en comparant ceux qui présentaient des idées délirantes de persécution et ceux qui n’en présentaient pas. Ils ont montré que les deux groupes étaient moins performants que les contrôles à la tâche des fausses croyances de premier ordre, mais que les patients ayant des idées de persécution avaient des scores inférieurs à ceux sans idées de persécution. Les auteurs ont émis l’hypothèse du rôle d’un déficit de la capacité à attribuer des états mentaux dans la genèse des idées délirantes de persécution chez les patients MA. En se basant sur un score composite obtenu à partir des performances à différentes épreuves de TOM affective et cognitive de premier et de deuxième ordre, Narme et al. [25] ont mis en évidence un lien entre le score de TOM et la présence d’un manque d’intérêt et d’empathie rapportée à des échelles comportementales. À notre connaissance, une seule étude a employé une approche longitudinale pour étudier les relations entre les capacités sociocognitives, la dépendance fonctionnelle et certains troubles du comportement. Dans un article décrivant les résultats d’une étude sur plusieurs années (suivi tous les six mois pendant cinq ans et demi) et multicentrique, regroupant 517 sujets ayant une MA modérée, Cosentino et al. [55] ont montré que le degré d’apathie était corrélé au degré de fonctionnement sociocognitif, mais pas au degré de fonctionnement cognitif général. Il se pourrait ainsi, que chez un patient MA, le degré d’apathie puisse être lié davantage aux capacités sociocognitives qu’aux fonctions cognitives générales. Malheureusement, ces investigations n’ont pas porté sur d’autres troubles du comportement. Par ailleurs, les capacités sociocognitives ont été évaluées de manière indirecte à l’aide de certains items de la Blessed Dementia Rating Scale (BDRS) administrée à un proche, dont il a été démontré qu’ils constituaient un facteur indépendant des autres items de cette échelle, relatif au fonctionnement sociocognitif. Les auteurs n’ont pas administré de tâches de TOM. Les items retenus concernaient : le fait d’être plus têtu et moins capable de s’adapter au changement, d’être plus autocentré, d’être moins concerné par les sentiments des autres, d’être incapable de contrôler ses émotions, de se mettre facilement en colère, et d’avoir tendance à faire des plaisanteries étranges ou à rire de manière inappropriée. Un autre apport de cette étude, est d’avoir démontré que le fonctionnement sociocognitif était lié au niveau de dépendance fonctionnelle, et que, de manière indépendante, le fonctionnement cognitif général était aussi lié au niveau de dépendance fonctionnelle. Autrement dit, le fonctionnement sociocognitif d’un patient MA était un facteur d’explication de la dépendance fonctionnelle, indépendamment du fonctionnement cognitif général. Cette étude pointe donc l’importance, lorsqu’il s’agit de s’interroger sur les raisons expliquant la dépendance d’un patient, de s’intéresser à la fois au fonctionnement cognitif général de ce patient, mais également à son fonctionnement sociocognitif, ces deux dimensions pouvant expliquer, indépendamment l’une de l’autre, le niveau de dépendance fonctionnelle du patient.
28En résumé, les études sur la MA mettent en avant, comme dans le aMCI, l’existence d’une altération progressive des tâches de TOM selon leur niveau de complexité, ainsi que la présence de mécanismes compensatoires basés sur la réserve cognitive. Les troubles sont plus importants que dans le aMCI, mais moins importants que dans la vfDFT [28]. Les preuves de leur authenticité sont aussi plus clairement établies que dans le aMCI. La composante cognitive semble affectée plus précocement et de manière plus prononcée que la composante affective, probablement en lien avec une atteinte préfrontale dorsolatérale plutôt que ventromédiane dans la MA. L’apparition de perturbations de la TOM serait sous-tendue par l’expansion des lésions neuronales des régions hippocampiques vers les régions néocorticales temporopariétales, notamment la JTP, le STS et le cortex préfrontal. Il semble exister un lien entre les perturbations de la TOM et les troubles comportementaux et des interactions sociales des patients MA, notamment l’apathie et le manque d’empathie.
Conclusion
29Les perturbations de la TOM au cours des maladies neurodégénératives corticales semblent fréquentes, même si leur authenticité est plus solidement démontrée dans certaines étiologies que dans d’autres. Ce constat apparaît peu surprenant, compte tenu du vaste réseau cortical impliqué dans la TOM.
30Selon les étiologies, les différentes maladies neurodégénératives engendrent des troubles de l’attribution d’états mentaux en partie distincts, en lien avec les topographies lésionnelles et le statut du fonctionnement cognitif général. Il est ainsi possible d’identifier différents profils de troubles (tableau 1). Dans le cas des maladies corticales, dont l’expression est principalement cognitive, l’examen des capacités de TOM peut ainsi fournir au clinicien un marqueur neuropsychologique supplémentaire, permettant de contribuer au diagnostic différentiel. Ainsi, de nombreuses données mettent en évidence l’importance particulière que revêt l’évaluation de la cognition sociale, et en particulier de l’attribution d’états mentaux, dans le cadre du diagnostic précoce et différentiel de la vfDFT [10, 24-26, 28]. En particulier, il existerait des différences à la fois quantitatives et qualitatives dans les déficits de TOM présents dans la vfDFT et la MA. Les patients vfDFT auraient des déficits précoces et plus prononcés. Les difficultés seraient plus importantes pour la TOM affective que cognitive dans la vfDFT, mais plus importantes pour la composante cognitive qu’affective dans la MA. Les patients vfDFT pourraient avoir des difficultés globales à générer des inférences ainsi que, comme l’a suggéré Fliss [49], des difficultés particulières à se décentrer d’eux-mêmes, tandis que les patients MA conserveraient une certaine capacité à se décentrer d’eux-mêmes pour tenter de comprendre leurs partenaires, notamment en s’appuyant sur le contexte de l’interaction. Notons toutefois qu’aucune étude n’a exploré cette hypothèse en utilisant le Tom's taste chez les patients vfDFT. Le RMET et le paradigme des faux pas semblent particulièrement indiqués pour détecter les perturbations sociocognitives précoces, voire prodromales, dans la vfDFT. Le RMET pourrait également constituer une mesure intéressante dans une optique de dépistage global des perturbations cognitives dans la SLA, dont les troubles de la TOM présentent par ailleurs des caractéristiques similaires à ceux observés dans la vfDFT. Concernant la DS, elle semble se caractériser par des difficultés particulières d’identification du sarcasme, capacité qui semble de plus particulièrement liée aux structures corticales temporales, ce qui pourrait constituer, là encore, un marqueur neuropsychologique spécifique. Il se pourrait par ailleurs qu’un mécanisme compensatoire similaire à celui postulé dans la MA par Fliss [49] puisse exister dans la DS. En effet, au Tom's taste, les patients DS commettaient, comme les patients MA, des erreurs à la fois égocentrées et contextuelles [8, 39]. Les patients DS pourraient donc conserver, comme les patients MA, une certaine capacité à se décentrer d’eux-mêmes et à s’appuyer sur le contexte de l’interaction pour tenter de comprendre les états mentaux de leurs partenaires, contrairement aux patients vfDFT. Cet élément pourrait ainsi constituer un critère intéressant dans le diagnostic différentiel entre vfDFT et DS.
Tableau 1
Tableau 1
Profils des troubles de la theory of mind (TOM) dans les maladies neurodégénératives corticales.31L’étude des capacités d’attribution d’états mentaux dans les maladies neurodégénératives corticales a permis de préciser leurs liens avec le fonctionnement cognitif global, notamment exécutif. De manière générale, il semble exister une indépendance seulement partielle entre la TOM et les fonctions exécutives. Ramanan et al. [30] se sont intéressés aux liens entre fonctions exécutives et performance au test des faux pas dans la MA et la vfDFT, et ils ont montré, grâce à une analyse en clusters hiérarchiques, que les fonctions exécutives semblaient plus associées à la TOM dans la MA que dans la vfDFT. Les fonctions exécutives expliquaient ainsi une part importante de la performance de TOM dans la MA mais pas dans la vfDFT. L’implication des fonctions exécutives dans la TOM relèverait à la fois de processus généraux, en lien avec les caractéristiques et la complexité de la tâche, et de processus spécifiques à la cognition sociale, notamment d’inhibition de la perspective personnelle. Le rôle général des fonctions exécutives dans les performances aux tâches de TOM est aussi à rapprocher de la notion de réserve cognitive et de mécanismes de compensation, notamment dans le cadre du aMCI et de la MA. Ainsi, dans ces maladies, un déficit d’attribution d’états mentaux pourrait être compensé, au moins pendant un certain temps, par une mobilisation accrue ou différente des ressources cognitives du patient, principalement des fonctions exécutives. Il est intéressant de noter que de tels mécanismes compensatoires ne semblent pas exister dans la vfDFT, ou, s’ils existent, qu’ils semblent insuffisants, puisque les patients peuvent présenter des difficultés de TOM malgré un fonctionnement exécutif normal [18]. Il est possible que l’intensité des difficultés de TOM dans la vfDFT compromette précocement l’efficacité d’éventuels mécanismes compensatoires. Toutefois, à notre connaissance, la question de l’existence de tels mécanismes compensatoires n’a pas été directement étudiée dans la vfDFT. Un déficit spécifique d’inhibition de ses propres états mentaux a donc été suggéré pour rendre compte des perturbations de la TOM dans plusieurs maladies, notamment dans le cas de la vfDFT. Des liens entre performances de TOM et mémoire épisodique ont également été observés. Plusieurs explications peuvent rendre compte de cette association. Comme pour les fonctions exécutives, les caractéristiques des tâches de TOM, notamment en termes de charge mnésique, peuvent influencer les performances des patients. De plus, il peut être nécessaire, pour attribuer des états mentaux à quelqu’un, de se référer à des expériences antérieures d’interactions avec cette personne, nécessitant la récupération de souvenirs épisodiques. Enfin, la TOM et la mémoire épisodique reposent sur des structures qui font partie du réseau cérébral par défaut. Ce réseau par défaut serait impliqué dans un ensemble d’activités cognitives nécessitant des processus de projection de soi dans des réalités alternatives à la réalité du moment présent, dont les activités mnésiques et d’attribution d’états mentaux [56].
32Bien que les liens supposés avec les troubles du comportement et des interactions sociales soient fréquemment invoqués pour justifier de l’intérêt d’étudier la TOM dans les maladies neurodégénératives, cette investigation a été jusqu’à présent loin d’être systématique. Par ailleurs, les échelles comportementales employées sont souvent des outils non spécifiquement construits en référence au concept de TOM, et peuvent donc probablement manquer de validité théorique et de pertinence écologique. Il apparaît néanmoins que les perturbations de la TOM puissent être liées à certains troubles comportementaux, notamment l’apathie et le manque d’empathie. Dans certaines pathologies, comme la MA, les déficits sociocognitifs pourraient par ailleurs contribuer à l’installation d’une dépendance fonctionnelle, indépendamment du fonctionnement cognitif général des patients.
Liens d’intérêts
33Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.
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Mots-clés éditeurs : théorie de l’esprit, comportement, interactions sociales, maladies neurodégénératives corticales
Mise en ligne 09/10/2017
https://doi.org/10.1684/nrp.2017.0428