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Article de revue

Médecine et philosophie chez Huarte de San Juan

Pages 399 à 405

Notes

  • [1]
    HUARTE de SAN JUAN, Examen de los ingenios para las ciencias, édition de Guillermo Serès, Madrid, Catedra, 1989, p. 237-238. Toutes nos références vont à cette édition.
  • [2]
    Ibid., p. 240.
  • [3]
    Ibid., p. 242.
  • [4]
    Ibid., p. 167.
  • [5]
    Ibid., p. 244 et 293.
  • [6]
    Ibid., p. 244.
  • [7]
    Ibid., p. 253.
  • [8]
    Ibid., p. 302.
  • [9]
    Ibid., p. 323.
  • [10]
    Ibid., p. 355.
  • [11]
    Ibid., p. 349.
  • [12]
    Ibid., p. 384.
English version

1De l’œuvre de Huarte, l’Examen des esprits pour les sciences, on a souvent retenu seulement le trait le plus saillant, le propos le plus explicite, celui qui est exprimé d’emblée dans le titre de l’ouvrage : Examen des esprits pour les sciences, dans lequel le lecteur trouvera le style de son esprit, afin de choisir la science dont il peut davantage profiter. Et la différence des aptitudes qui résident dans les hommes, et le genre de lettres et d’arts qui correspond à chacun en particulier. Et, soit que l’on ait félicité le médecin espagnol d’avoir conçu dès le XVIe siècle une théorie des aptitudes, soit que l’on ait stigmatisé la vision politique autoritaire que celle-ci implique, chacun ayant dans la société la place que lui assigne l’équilibre de ses humeurs, on est allé trop vite à cette théorie médico-politique des aptitudes et on s’est trop peu penché sur la conception philosophique qui la gouverne, sur la philosophie de la nature qui est ici à l’œuvre et sur la façon dont, chez Huarte, fonctionne le couple médecine/ philosophie.

2Cette conception est exposée en toute clarté dans le chapitre II (ou IV selon l’édition de 1594), intitulé : Donde se declara que Naturaleza es la que hace al muchacho hàbil para aprender. Autorisé comme il se doit par l’exemple vénérable d’Hippocrate parlant à Démocrite dans la Lettre à Damagète, Huarte note : « le vulgaire, qui ignore les causes particulières d’un certain effet, invoque sans cesse la cause universelle, à savoir Dieu ». Et il ajoute : « Mais quant à moi, à plusieurs reprises, j’ai entrepris de considérer pour quelle raison et pour quelle cause, il se fait que le peuple est si enclin à attribuer toute chose à Dieu, et à les ôter à la nature et abhorre les moyens naturels » [1]. Ce qu’expliquent plusieurs facteurs psychologiques : l’ignorance du peuple quant à la question de savoir quels effets il faut attribuer immédiatement à Dieu et quels effets à la nature; l’impatience, car les moyens naturels sont lents « y obran por discurso de tiempo » – « ils travaillent par l’intermédiaire du temps » –, alors que Dieu agit s’il le veut dans l’instant ; l’arrogance ou la vanité, qui fait que les hommes, dans leur for intérieur, désirent que Dieu leur fasse à eux une grâce particulière, étant entendu qu’une grâce générale est moins appréciable qu’une grâce particulière; la paresse, car il faut du travail pour connaître l’enchaînement des causes naturelles susceptibles de produire des effets et les hommes aiment le repos ; la religiosité, enfin, car les hommes s’imaginent que Dieu pourrait de nouveau produire des effets surnaturels, comme il l’a fait autrefois lorsqu’il s’agissait de révéler aux hommes son œuvre.

3A contrario, ces facteurs permettent de dessiner le portrait du « philosophe naturel », portrait qui sera de grande utilité au moment de diagnostiquer et de désigner dans ses fonctions celui qui en sera jugé capable. Patience, humilité, capacité au travail, et – comment dire ? – religiosité bien tempérée sont les traits qui signaleront le « philosophe naturel ». Ce que dit Huarte très nettement : « L’indice dont je me sers le plus pour déterminer si un homme n’a pas l’esprit qui convient à la philosophie naturelle, est de le voir enclin à renvoyer toutes choses au miracle, sans distinction aucune; et au contraire, ceux qui n’ont de cesse de connaître la cause particulière de l’effet, il ne faut pas douter de la bonté de leur esprit ». Il y a donc deux sortes d’effets et deux sortes de causes ; et le philosophe naturel en connaît la juste distribution : « Ceux-là savent bien qu’il y a des effets qu’il faut immédiatement rapporter à Dieu, comme les miracles, et d’autres à la nature, à savoir : ceux qui naissent ordinairement de causes ordonnées (aquellos que tienen causas ordenadas de donde suelen nacer) » [2]. L’adverbe immédiatement n’est pas là par hasard : car, médiatement, tous les effets doivent être rapportés à Dieu qui est cause universelle.

4Prudence de la part de Huarte, ou bien conviction sincère ? Il n’y a pas de raison forte, me semble-t-il, de supposer que Huarte avance ici masqué. Mais de toutes manières, le fait que Dieu soit en dernière instance cause universelle n’a aucune incidence sur le déroulement du propos, qui réinvestit la vieille comparaison nomos/phusis mais au profit – du moins est-ce ma thèse – de la phusis.

5Soit l’exemple du roi et du droit civil. Le droit légifère, décrète illégal tel ou tel acte; mais personne ne songe à dire que la juridiction du droit soit indépendante de celle du roi. « Droit » est un concept qui désigne les lois et l’ordonnancement imposés par le roi pour conserver en paix son royaume. Le droit n’est rien d’autre que la légalité ayant cours dans un État ; un système de lois. Mais il va sans dire que le roi a ses « cas réservés », des situations graves ou exceptionnelles qui échappent au droit en ce qu’il a de régulier et qui demandent par conséquent un traitement direct et à part.

6La transposition dans le domaine de la philosophie de la nature est aisée. Dieu a ses miracles comme le roi a ses œuvres : ce sont des événements « pour la production desquels il n’a donné ni ordre ni pouvoir aux causes naturelles ». Des événements, donc, qui échappent à la légalité instaurée par lui.

7La part de Dieu – ou du roi – étant ainsi réservée, il n’est pas interdit de se demander quelle est l’étendue du reste. Si un roi demeure à tout moment susceptible d’intervenir par des actions directes, en va-t-il de même en ce qui concerne Dieu ? Il ne semble pas, puisque les Écritures ont achevé la Révélation et, avec elle, la série des actions extraordinaires par lesquelles Dieu fait entendre aux humains le contenu de sa Sagesse. Si les miracles sont terminés, il reste la nature, c’est-à-dire l’ordre instauré une fois pour toutes par Dieu et auquel il ne semble plus avoir de raison de toucher. D’où les expressions par lesquelles Huarte définit, ou caractérise la nature : c’est « l’ordre et l’harmonie que Dieu maintient dans la composition du monde afin que se produisent les effets nécessaires à sa conservation »; c’est « l’ordre naturel de tout l’univers » [3].

8Être un philosophe naturel, c’est donc apprendre à connaître la connexion des causes et des effets naturels, c’est découvrir l’ordre que Dieu a fait en faisant le monde; la nécessité, en quelque sorte. Mais, chez Spinoza à qui ces analyses font souvent songer, l’ordre et la connexion des choses, d’une part, et Dieu d’autre part, ne sont pas séparés : connaître la nécessité, c’est connaître Dieu. Rien de tel, et pour cause, chez le médecin espagnol : la légalité naturelle est bien le fruit de la sagesse divine, mais la nature n’est pas Dieu. Et par conséquent, la connaissance des enchaînements naturels ne prélude à aucune expérience libératrice, elle permet seulement de savoir comment marche le monde, une fois qu’on en a débarrassé l’explication de l’hypothèque qui l’obérait.

9Les bénéfices théoriques en sont évidents, notamment dans le champ anthropologique qui est l’objet principal du livre de Huarte. Car, dès lors que la nature est identifiée à la légalité et la philosophie naturelle à la connaissance de cette légalité, il devient loisible de poser le problème des rapports du corps et de l’âme, ou du corps et des aptitudes, d’une manière qui en rende la solution possible. La question est posée dès le Prologue de la seconde édition, sous une forme aporétique qui invite à penser qu’il faudra en inverser les termes pour pouvoir y répondre. Comment se fait-il, demande Huarte, que tous les hommes jugent diversement d’une même chose, étant entendu qu’ils sont d’une « espèce indivisible » – entendons : d’une espèce semblable – et que toutes les facultés de leur âme rationnelle sont égales en tous ; étant entendu, surtout, que l’âme est une « puissance spirituelle et séparée des organes corporels (una potencia espiritual y apartada de los órganos del cuerpo) » [4]. Bien évidemment, aucune de ces prémisses n’exprime la pensée de Huarte; en tout cas pas celle qui fait des facultés de l’âme des puissances égales ni celle qui fait de l’âme une puissance spirituelle. Et l’on sait que l’aporie initiale sera dépassée au profit de l’affirmation explicite de la singularité absolue des individus.

10C’est que, en effet, nature (naturaleza) est susceptible aussi d’une deuxième définition assez différente de la première par la légalité et qui en limite le champ à l’un des objets de ce monde : l’être humain. Ce que nous appelons nature, dit Huarte, c’est le tempérament des quatre qualités primitives [5] : le chaud, le froid, le sec et l’humide. Certes, il se réfère là à Aristote : mais c’est à l’Aristote du Problème XXX, et non à l’Aristote du De Anima dont il égratigne au passage la définition de la nature comme forme substantielle : si nature veut dire forme substantielle, c’est l’âme rationnelle qui est nature, et alors, la diversité radicale des êtres humains est de nouveau inintelligible. Tandis que, si c’est le tempérament des quatre qualités qui est la nature, la diversité et l’hétérogénéité sont d’emblée inscrites dans la définition de l’homme. « Le tempérament des quatre qualités (chaleur, froideur, humidité et sécheresse) doit être appelé nature, car c’est de là que naissent toutes les aptitudes de l’homme, tous les vices et les vertus, et cette grande variété d’esprits que nous voyons » [6]. Si la première définition du terme nature désignait l’ordre et la légalité universels, la seconde renvoie au contraire à la singularité.

11La singularité individuelle est le fait de l’intempérance des quatre humeurs, de leur inévitable défaut d’équilibre. Inévitable à cause d’Adam et de la Chute. Car, après avoir été chassé du Paradis, Adam a dû travailler, dormir sur des sols froids ou être exposé à la chaleur. Le pays où il a vécu n’était pas tempéré, et il a mangé et bu des aliments qui n’ont pas favorisé l’équilibre des humeurs. « Il a dû aller nu-pieds et mal habillé, suant et travaillant pour gagner de quoi manger, sans maison ni manteau, errant de région en région ». C’est ainsi qu’il ne lui est demeuré aucun organe corporel tempéré ; et c’est dans cet état de dyscrasie qu’il a connu Ève et donné naissance à une progéniture mal tempérée.

12La singularité humaine serait donc une maladie. Mais ce statut calamiteux conféré à la singularité, s’il exprime vraiment l’opinion de Huarte, est en tout cas aussitôt renversé et porté au crédit de l’espèce. Car, en débilitant une fonction, la dyscrasie et la maladie en renforcent une autre et permettent l’éclosion d’un talent, d’une aptitude. Un homme tempéré – Adam peut-être ? – serait capable de toutes les sciences, mais médiocrement ; s’il y a au contraire de l’excellence dans le monde, c’est au déséquilibre humoral qu’on le doit. Assurément, Huarte peut s’autoriser d’une longue tradition médico-philosophique en vertu de laquelle la mélancolie rend possible le génie; cette tradition est désormais bien connue grâce notamment aux travaux de H. Flashar, de R. Klibansky, E. Panofsky et F. Saxl, et de J. Starobinski. Mais Huarte généralise ce qui demeurait lié dans cette tradition au fait particulier de la mélancolie ; il généralise et il systématise. Chaque science – l’éloquence, la théologie, la médecine, etc. – suppose, au titre de ses conditions de possibilité, une dyscrasie déterminée et par conséquent, ne peut naître qu’en une région déterminée du monde. Adam n’aurait rien inventé. Seuls des hommes mal tempérés, donc malades, peuvent découvrir des disciplines nouvelles.

13Le rapport de conditionnalité ainsi instauré entre la particularité physiologique et l’aptitude intellectuelle donne le ton de l’ensemble de l’ouvrage du médecin espagnol et le principe de l’explication des rapports du corps et de l’âme. Renversons donc l’aporie initiale. Au lieu de dire : puisque l’âme est une puissance spirituelle égale en tous, comment se fait-il que les hommes soient différents les uns des autres ?, disons : puisque les hommes sont différents et ont des aptitudes diverses, est-il certain que l’entendement soit une puissance spirituelle ?

14Un pas important est fait en direction d’une réponse négative à cette question, lorsque Huarte aborde le problème des vertus et des vices, derrière lequel se cache à peine celui de la liberté. Contre Aristote, mais avec Hippocrate et Galien, Huarte réfute la thèse selon laquelle les vertus seraient des dispositions spirituelles installées dans l’âme rationnelle, et il affirme que, mis à part les vertus surnaturelles – et les vertus parfaites dont il ne dira d’ailleurs presque rien –, il n’y a ni vertu ni vice en l’homme qui n’ait son tempérament dans le corps, tempérament qui l’aide ou l’entrave dans ses agissements. C’est donc, selon les propos du médecin espagnol, improprement que les « philosophes moraux » nomment vertu ou vice ce qui n’est qu’habitudes (costumbres) inscrites dans le tempérament corporel : « los hombres no tienen otras costumbres sino aquellas que apunta su temperamento » [7]. Soit l’exemple de la chasteté. Si les testicules de l’ascète qui s’y astreint sont froids et humides, qualités que Galien dit être contraires à la génération, il obtiendra ce qu’il veut « con mucha suavidad », avec aisance. D’où suit une réinterprétation organiciste de l’Épître aux Romains, VII, 22 : video aliam legem in membris meis, repugnantem legi mentis meae : si saint Paul avait eu dans son corps la disposition humorale qui convenait à la sainteté qu’il désirait en esprit, il n’aurait pas parlé des contradictions de la chair, ni de son corps de mort, et ne se serait pas écrié : Infelix ego homo ! Et, aux philosophes moraux, le philosophe naturel Huarte reproche de ne pas se servir de la médecine pour parvenir à leur fin à eux, philosophes moraux. Il en donne d’ailleurs un exemple fort clair. Voici un homme de luxure, buveur et amateur de bonne chère. Que fait le philosophe moral pour transformer en vertueux ce vicieux ? Il lui parle du danger que court son âme, de la nécessité de faire pénitence, du charme de la vertu, etc. En outre, il lui conseille de jeûner, de méditer, de prier et d’éviter les femmes. En peu de temps, l’intempérant devient maigre, jaune et modeste. Mais ces vertus sont-elles venues, comme le croit le philosophe moral, par les airs et sont-elles passées en l’âme sans passer par le corps ? Le médecin sait que le jeûne et l’abstinence modifient la crase des humeurs et refroidissent le tempérament. Il aurait obtenu les mêmes vertus sans le prêche grâce à des remèdes réfrigérants.

15Ce rapport de conditionnalité, entre l’organisme et les fonctions intellectuelles, Huarte ne le pose pas seulement en termes généraux, ou plutôt, indifférenciés ; il le détaille, ou plutôt, il le spécifie. De même que le tempérant ne saurait être tempérant sans testicules froids et humides, de même les fonctions cognitives et perceptives ne sont diversifiées que parce que les organes le sont. S’il n’y avait dans le corps des organes sensoriels spécifiques, il n’y aurait pas de sensations différenciées : il n’y aurait qu’une sensorialité générale, une sorte de toucher indistinct. L’organisation corporelle conditionne les fonctions de l’âme sensitive comme de l’âme rationnelle, ou plutôt, de l’âme tout court qui agit comme sensitive ou comme rationnelle [8]. Car la diversité sensorielle se poursuit au niveau cérébral, si l’on peut dire : dans la longue polémique qui oppose ceux qui assurent que le cerveau fonctionne comme un tout et ceux qui le découpent en territoires fonctionnels hétérogènes, Huarte est évidemment du côté des seconds : « car si tout le cerveau était organisé de la même manière, tout serait mémoire ou bien tout serait entendement, ou imagination. Et puisque nous voyons qu’il y a des opérations très différentes, il doit y avoir nécessairement une variété d’instruments » [9]. On notera que c’est toujours du fait de la variété que Huarte tire une conclusion en faveur de l’organicisme. La variété – qu’elle soit celle des individus au sein de l’espèce, ou celle des fonctions dans un individu donné – n’est donc pas seulement le trait le plus visible, l’aspect le plus saillant de l’Examen des esprits; c’est aussi et surtout le principe argumentatif constamment à l’œuvre dans l’ouvrage, son nervus probandi.

16Le pas suivant dans la démonstration du lien indéfectible que l’âme entretient avec le corps, est fait par Huarte à propos de l’entendement lui-même. Il ne lui suffit pas, en effet, d’inscrire la mémoire et l’imagination dans la dépendance stricte de zones cérébrales ; la même inscription organique doit être faite pour l’entendement, au nom du même argument de la diversité empirique des entendements [10]. D’où il résulte qu’il faut, contre l’avis d’Aristote dans le De Anima, faire de l’entendement une « puissance organique » dont l’instrument est le cerveau [11]. Que Huarte soit parfaitement conscient des implications de cette thèse, apparaît immédiatement, dans la précision qu’il apporte à son propos : en faisant de l’entendement une puissance spirituelle, séparée de l’organe corporel, les philosophes moraux n’avaient aucune peine à décréter immortelle l’âme. Ce que, pour sa part, Huarte refuse d’affirmer, montrant d’une part que l’âme elle-même, substantiellement prise, épouse le corps auquel elle est inhérente, et en suit les particularités humorales au même titre que le diable – qui est pourtant une substance d’un rang supérieur à l’âme [12]; d’autre part, que l’affirmation de l’immortalité de l’âme est du registre d’une science supérieure à la médecine ou à la philosophie naturelle. Avec ses arguments et avec la certitude dont elle est capable, la médecine n’a rien à dire sur l’immortalité de l’âme; en revanche, elle a d’innombrables faits à alléguer en faveur de la dépendance stricte de l’âme à l’égard du corps.

17En faisant de l’entendement, au moyen d’une argumentation fondée sur la physiologie, une puissance organique, et en renvoyant hors de la philosophie la question de l’immortalité de l’âme, Huarte met en œuvre une certaine conception des rapports entre médecine et philosophie, dans laquelle c’est la médecine qui donne aux philosophes des leçons de philosophie, ou pour dire les choses autrement, conteste à la philosophie le monopole d’une réflexion sur un objet qu’elles ont en commun : l’homme. Non pas que Huarte soit le premier – déjà Hippocrate – ni le seul à la Renaissance chez qui la médecine joue ce rôle moteur : pensons par exemple à Jean Wier, ou à Jacques Grévin, qui, à la même époque, s’efforcent d’établir pour la médecine le droit de contredire les allégations des théologiens superstitieux. Mais Huarte le fait avec une acuité philosophique que n’ont généralement pas ses confrères. Et ce faisant, il ouvre une période durant laquelle le combat entre philosophie et médecine deviendra constitutif d’une nouvelle discipline, qui prendra le nom de « science de l’homme » dans le sillage du cartésianisme. Dans ce domaine, la discussion sur les frontières disciplinaires et sur les légitimités d’appartenance sera, non pas accidentelle ou inutile, mais proprement instauratrice. Prenons donc au sérieux l’Examen des esprits du médecin Huarte : car il n’est pas excessif de dire qu’il contribue à donner le coup d’envoi d’une dispute particulièrement féconde.


Date de mise en ligne : 01/11/2007

https://doi.org/10.3917/rmm.013.0399

Notes

  • [1]
    HUARTE de SAN JUAN, Examen de los ingenios para las ciencias, édition de Guillermo Serès, Madrid, Catedra, 1989, p. 237-238. Toutes nos références vont à cette édition.
  • [2]
    Ibid., p. 240.
  • [3]
    Ibid., p. 242.
  • [4]
    Ibid., p. 167.
  • [5]
    Ibid., p. 244 et 293.
  • [6]
    Ibid., p. 244.
  • [7]
    Ibid., p. 253.
  • [8]
    Ibid., p. 302.
  • [9]
    Ibid., p. 323.
  • [10]
    Ibid., p. 355.
  • [11]
    Ibid., p. 349.
  • [12]
    Ibid., p. 384.

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