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Article de revue

Une réforme politique ancrée dans la longue durée : le Grand atour de Metz (1405)

Pages 9 à 26

Notes

  • [1]
    Paris, Bibliothèque nationale de France (= BnF), ms. fr. 18905, fol. 96r.
  • [2]
    J’utilise ici ce terme parfois contesté avec d’autant moins de scrupules que le patriciat messin, sous la forme des paraiges, possède une cohérence statutaire particulièrement forte ; les débats suscités par le terme à propos des villes d’Empire sont résumés par G. Chaix, Le patriciat urbain dans l’historiographie allemande contemporaine, Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains de l’Antiquité au xxe siècle, éd. C. Petitfrère, Tours, 1999, p. 537–549.
  • [3]
    Sur les manuscrits de ce patricien messin, voir M. Chazan, À propos des relations culturelles entre la Champagne et la Lorraine à la fin du Moyen Âge. Le cas du recueil de la famille Desch (Ms Épinal 217), Annales de l’Est, no spécial, 2009, p. 139–166, notamment p. 143 pour Jacques III Desch. Le manuscrit d’Épinal, qui est également un manuscrit composite où Desch tire profit de la bibliothèque familiale, comprend au moins un texte en commun avec le manuscrit cité ici, une mise en vers en français des dix commandements (respectivement fol. 159r–160r et 107r–108r).
  • [4]
    Voir la vaste étude de P. Mendel, Les atours de la ville de Metz. Étude sur la législation municipale de Metz au Moyen Âge, Annales de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Lorraine, t. 42, 1933, p. 105–143 ; t. 43, 1934, p. 1–221 (paru également sous forme de monographie, Metz, 1932). Le mot « atour » vient d’attornare, dans le sens de disposer, décréter. Voir Dictionnaire du moyen français, 1330–1500, Nancy, 2015 [En ligne]. URL : http://www.atilf.fr/dmf/
  • [5]
    Voir sur tous ces sujets J. Schneider, La ville de Metz aux xiiie et xive siècles, Nancy, 1950, passim.
  • [6]
    Voir les listes de membres des paraiges en 1250, 1388, 1399 et 1533. Metz, Archives Municipales (= AM), BB 92 (éd. [J. François, N. Tabouillot], Histoire de Metz par des religieux bénédictins de la congrégation de Saint-Vanne, t. 4, Nancy, Hoener, 1781, p. 200–207, avec d’autres années).
  • [7]
    A. Schubert, Zwischen Zunftkampf und Thronstreit. Nürnberg im Aufstand 1348/49, Bamberg, 2009.
  • [8]
    Schneider, Ville de Metz, p. 464–471 (les princes sont les ducs de Lorraine et de Bar, le comte de Luxembourg et son oncle Baudouin, archevêque de Trèves). Une abondante littérature polémique est alors produite (Jaique Dex [Jacques D’Esch], Die Metzer Chronik über die Kaiser und Könige aus dem Luxemburger Hause, éd. G. Wolfram, Leipzig, [1906], p. 214–292.
  • [9]
    Sur l’histoire des Métiers, voir Schneider, Ville de Metz, p. 472–485.
  • [10]
    Ibid., p. 488–491.
  • [11]
    Ibid., p. 493–498.
  • [12]
    Jaique Dex [Jacques D’Esch], Die Metzer Chronik, p. 433 (Desch attribue la mort de Groignat à l’hostilité d’un voisin marchand de toile de lin à son égard) et l’ample argumentation justificative de la charte du 6 janvier 1407 citée n. suiv.
  • [13]
    Voir sur la répression Metz, AM, FF 203, liasses 5–8 (nombreuses ventes de biens de bannis) ; FF 202, liasse 6 (charte du 6 janvier 1407 : plusieurs dizaines de noms de bannis, qui sont aussi bien marchands qu’artisans, bouchers, boulangers, mais aussi peintres, clercs, écrivains). Voir aussi Jaique Dex [Jacques D’Esch], Die Metzer Chronik, p. 310–312, qui identifie les meneurs comme deux bouchers ; voir aussi, en 1409 encore, François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 662, contre sept personnes, deux Escripvains, un clerc, un marchand, un charpentier, un revendeur de cuir et un boucher. Une charte d’amnistie pour le reste de la population est promulguée le 16 janvier 1407 (Ibid., p. 598–600).
  • [14]
    Le Grand atour est cité dans une seule chronique, celle dite de Praillon, passage éd. par J.F. Huguenin, Les chroniques de la ville de Metz, Metz, 1838, p. 133 : l’auteur, qui écrit au milieu du xvie siècle (C. Reutenauer-Corti, La Chronique de Jean Praillon, Écrire l’histoire de Metz au Moyen Âge, éd. M. Chazan, G. Nauroy, Berne–New York, 2011, p. 251–280), interprète l’atour comme une réaction des autorités municipales face à icelle mutinerie et jaicquerie ; on peut supposer qu’il a pu prendre connaissance du texte par l’édition de 1542.
  • [15]
    Statutz et ordonnances faictz entre les Seigneurs gouverneurs de la noble & Imperialle Cite de Metz & les bourgeois (quon dict en langue vulgaire du pais, Le grand Atour de la Cite) par lesquelz est notoire a tous combien grande et honneste liberte ont eu du passe, les bourgeois de ladicte Cite de Metz, s. l., 1542 ; exemplaire consulté : Metz, Bibliothèque Municipale (= BM), Rés. LS G 49 (le seul conservé à ma connaissance), 32 fol., 14,1 x 9 cm, sous reliure en parchemin blanc, sans trace d’une reliure antérieure. L’exemplaire a appartenu au pasteur Paul Ferry dont la marque de possession est conservée sur la page de titre, ce qui permet d’identifier cet exemplaire comme celui décrit par [G.F. Teissier], Essai philologique sur les commencemens de la typographie à Metz et sur les imprimeurs de cette ville, Metz, 1828, p. 33–37 (Teissier le consulte dans la bibliothèque du Baron Marchant, ancien maire de Metz mort en 1833 : c’est sans doute à cette date que l’exemplaire est entré dans les collections de la bibliothèque ; cette hypothèse de datation est compatible avec la graphie de l’inscription relatant cette entrée). Teissier attribue cette édition à l’imprimeur messin Jean Pal(l)ier dit Marchand.
  • [16]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 564–580.
  • [17]
    F. des Robert, Le grand atour de Metz, L’Austrasie, nlle sér., t. 1, 1905–1906, p. 7–31, 171–183, 323–341, d’après un exemplaire appartenant à Maurice du Coëtlosquet (mort en 1904), que je n’ai pas pu retrouver.
  • [18]
    É.J. Lecouteux, Catalogue des manuscrits et documents originaux relatifs à l’histoire de la ville de Metz et du pays messin… provenant du cabinet de feu M. le C[om]te Emmery, Metz 1850, p. 122, no 623, décrit comme un « in-folio de 25 feuillets », ce qui ne correspond pas à l’exemplaire conservé à Metz, petit in-octavo de 32 folios ; il renvoie cependant à la notice de l’ouvrage par Teissier (voir n. 13) : sans doute faut-il y voir une confusion avec la version manuscrite du texte que possédait aussi Emmery (voir n. 20). La dispersion des sources messines à la suite de la Révolution française, aujourd’hui réparties essentiellement entre Bibliothèque nationale de France, Archives et bibliothèque municipales de Metz, Archives départementales de la Moselle, est une difficulté persistante de l’historiographie messine ; le rôle d’érudits comme le juriste et homme politique J.L. Emmery ou l’historien A. Prost dans la transmission d’une partie de la documentation est essentiel, mais leurs collections n’ont pas été conservées en l’état après leur mort.
  • [19]
    Des Robert, Grand atour, p. 11, évoque une cérémonie où les paraiges auraient déclaré « aboli le grand Atour, qu’on enleva de l’arche du grand moustier [qui abritait les archives de la ville] et qu’on lacéra » : malgré l’effort d’archaïsme linguistique, cette indication dépourvue de toute référence à une source est sans doute à mettre au crédit des ambitions littéraires plutôt que scientifiques de la revue L’Austrasie.
  • [20]
    Paris, BnF, ms. Naf 22659, fol. 91r–103v, consulté sous forme numérisée. Le cahier semble très abîmé, seuls les fol. 96–97 étant encore solidaires, les autres bifolios étant assemblés par une bande de papier moderne. Le fol. 90, vierge (à l’exception de titres et indications diverses datant sans doute de l’entrée du document à la BnF), est ainsi le pendant du fol. 103 et faisait donc partie du cahier : sans doute le copiste a-t-il dû rajouter ce bifolio faute d’avoir justement estimé la longueur du texte.
  • [21]
    Ibid., ms. fr. 5396, fol. 1r–11v. Le manuscrit comprend trois parties, qui ne correspondent pas à celles annoncée par le catalogue de la BnF qui lui donne le titre Coutumes de Metz divisée en trois parties, comme le montre l’étude des filigranes :
    Le grand atour, fol. 1r–12v (12r–v vide) : lettre P gothique, fleuronnée ; les pages du dernier cahier sont un peu plus étroites que celles des deux autres parties. Deux mains s’y succèdent, avec des habitudes graphiques sensiblement différentes (par exemple pour la première Citez, pour la seconde cite ; abréviation différente pour et…).
    Collection d’atours divers, le plus récent daté de 1533, fol. 13r–82r : armes couronnées avec trois fleurs de lys couronnées.
    Stille du pallaix et Du stille de la mandellerie (formulaires d’actes juridiques), fol. 83r–122v (l’ensemble de cette partie est d’une même main) : main bénissante surmontée d’un fleuron. Au moment de la reliure, le haut des pages a été rogné au point d’entamer parfois la première ligne de texte.
    La consultation de la base de données en ligne http://www.wasserzeichen-online.de/ (consultée le 30 mars 2019) indique pour la première partie une datation au cours des années 1480 (par exemple FR5460-PO-110919, 110926, 110927, 112932 et suivants, nombreux exemples messins des années 1480–1486) ; il est probable que seule la reliure actuelle a réuni ces trois parties en un seul volume.
  • [22]
    Paris, BnF, ms. fr. 18905, fol. 96r–104r ; le texte s’interrompt après un passage sur le salaire des maires, après ne le puisse plus iamais estre (p. 176 de l’édition de des Robert, p. 572 chez les bénédictins), ce qui correspond à une petite moitié du texte complet. Ce manuscrit présente un grand nombre de mains et de filigranes différents et nécessiterait une étude codicologique détaillée pour comprendre comment il a été constitué, certainement par Jacques Desch lui-même. Il semble s’agir de la réunion de papiers de provenance diverse, sous forme de feuillets isolés ou de cahiers ; le filigrane des pages où est copié le Grand atour se retrouve du fol. 83 au fol. 133, et l’écriture de cette partie du manuscrit, qui n’est pas celle d’un professionnel, pourrait être celle de Desch, connue aussi par le manuscrit d’Épinal (voir n. 2).
  • [23]
    L’aspect moral des textes du manuscrit de la BnF est commun avec le manuscrit d’Épinal (voir n. 2), mais ce complexe de textes politiques et administratifs n’a pas d’équivalent dans ce dernier.
  • [24]
    Paris, BnF, ms. fr. 18905, fol. 105r.
  • [25]
    Ibid., fol. 109r.
  • [26]
    Schneider, Ville de Metz, p. 490–491, avec le chiffre faux de 30 000 florins (voir la charte éd. dans François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 539, et Jaique Dex [Jacques D’Esch], Die Metzer Chronik, p. 342).
  • [27]
    Statutz et ordonnances, fol. A3v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 565 ; Des Robert, Grand atour, p. 17.
  • [28]
    Statutz et ordonnances, fol. A3r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 564–565 ; Des Robert, Grand atour, p. 16.
  • [29]
    Voir mon article Penser la politique dans les villes allemandes à la fin du Moyen Âge. Traités de gouvernement et réalités urbaines, Histoire urbaine, t. 38, 2013, p. 175–194.
  • [30]
    Voir P. Monnet, Les révoltes urbaines en Allemagne au xive siècle : un état de la question, Rivolte urbane e rivolte contadine nell’Europa del Trecento. Un confronto, éd. M. Bourin, G. Cherubini, G. Pinto, Florence, 2008, p. 105–152, qui résume les débats intenses et très politiques de l’après-guerre tout en signalant leur dépassement par l’historiographie récente.
  • [31]
    Statutz et ordonnances, fol. D2v–D3r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 577–578 ; Des Robert, Grand atour, p. 333–334.
  • [32]
    Paris, BnF, ms. fr. 5396, fol. 1r.
  • [33]
    A. Prost, Les institutions judiciaires dans la cité de Metz, Paris, 1893. Prost, qui cherche à établir une sorte d’ordre juridique de long terme, ne s’intéresse guère aux éphémères réformes de 1405. Son travail offre encore aujourd’hui un tableau complexe mais exhaustif des institutions messines, mais il ne permet pas de comprendre les processus de la prise de décision politique.
  • [34]
    Statutz et ordonnances, fol. D2v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 577 ; Des Robert, Grand atour, p. 332.
  • [35]
    Statutz et ordonnances, fol. D4r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 578 ; Des Robert, Grand atour, p. 335.
  • [36]
    D. Adrian, Les chartes constitutionnelles dans les villes d’Allemagne du Sud, Turnhout, à paraître.
  • [37]
    Schneider, Ville de Metz, p. 224–241, 472–480.
  • [38]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 575–576.
  • [39]
    Prost, Institutions judiciaires, p. 71.
  • [40]
    Ibid., p. 123.
  • [41]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 362.
  • [42]
    Ibid., p. 568.
  • [43]
    Prost, Institutions judiciaires, p. 109–114.
  • [44]
    Statutz et ordonnances, fol. A7v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 567 ; Des Robert, Grand atour, p. 23.
  • [45]
    Voir aussi les modalités de contrôle des comptes des Treize, Statutz et ordonnances, fol. C6r–C8r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 575 ; Des Robert, Grand atour, p. 326–328.
  • [46]
    Statutz et ordonnances, fol. C2r–v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 573 ; Des Robert, Grand atour, p. 180.
  • [47]
    Prost, Institutions judiciaires, p. 118–122.
  • [48]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 38–40 (février 1327) et 41–43 (juin 1327 : charte de paix rétablissant la situation antérieure à la commune dans de nombreux domaines).
  • [49]
    Il n’est pas impossible que le souvenir de la commune précédente, même éloignée dans le temps, ait joué : les atours de février 1327 avaient été copiés dans le cartulaire en parchemin qui continue au xve siècle à accueillir les copies des principaux actes législatifs municipaux (Metz, BM, ms. 751, fol. 12r, commencé en 1372, éd. François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 39–40 ; le ms. a été détruit en 1944, mais il avait été largement exploité dans les Preuves de l’Histoire de Metz des bénédictins).
  • [50]
    Statutz et ordonnances, fol. A7r–v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 567; Des Robert, Grand atour, p. 24.
  • [51]
    Statutz et ordonnances, fol. A8v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 568 ; Des Robert, Grand atour, p. 25.
  • [52]
    Statutz et ordonnances, fol. C1v–C2r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 572–573 ; Des Robert, Grand atour, p. 179–180.
  • [53]
    Statutz et ordonnances, fol. B6v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 571 ; Des Robert, Grand atour, p. 174.
  • [54]
    Statutz et ordonnances, fol. D7v–D8r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 580 ; Des Robert, Grand atour, p. 340–341.
  • [55]
    Schneider, Ville de Metz, p. 100–101.
  • [56]
    Voir les suscriptions des atours et autres actes juridiques des années précédant le Grand atour. François, Tabouillot, Histoire de Metz, passim.
  • [57]
    Cité d’après Paris, BnF, ms. fr. 18905, fol. 96r (voir aussi Ibid., ms. fr. 5896, fol. 1r ; Ibid., ms. Naf 22659, fol. 91r). Les trois éditions imprimées (Statutz et ordonnances, fol. A2 ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 564 ; Des Robert, Grand atour, p. 15) portent toutes les trois Commune.
  • [58]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 580. Le seul autre acte de la période de la commune qu’éditent les bénédictins (p. 585) présente une suscription similaire, si ce n’est que le pour est remplacé par un simple et ; il est vrai que les bénédictins, contrairement à l’acte cité ci-dessus, ont recouru pour celui-ci à une copie qui a pu introduire cette variante.
  • [59]
    Reformation Kaiser Siegmunds, éd. H. Koller, Stuttgart, 1964.
Atour du maistre eschevins et dez trezes Su la Reformalcion de la Justice et conceille & officiers qui solloient governeir en la citeit de mecs bien maluaixement & faussement & de vollanteiz par coy la Commune Resbellit & desobeyt a ycelluy gouernement & acomplirent la Rebellion, Et san allirent biacop dez sires governeurs hors de la citeiz de mecs fuant Et fut prin sire nicolle grongnat le viez & ly firent tranchier la teste devan la grant esglise de mets & ce f. lan m iiijc et v le xvije jours de novambre[1].

1C’est ainsi que le patricien [2] messin Jacques Desch introduit le texte qu’il copie de sa propre main [3], un atour désignant à Metz une charte scellée à portée générale édictée par les autorités municipales [4] : mort en 1499, maître échevin en 1485 et 1493, il n’est pas un contemporain de la commune de 1405. Si éphémère qu’ait pu être cette commune et par conséquent la durée de validité de latour de la rebellion fait par la commune, le texte est assez singulier pour justifier un tel intérêt rétrospectif : il s’agit à la fois d’une mise en accusation des pratiques du gouvernement patricien en place et du reflet des conceptions des contestataires en matière de politique et de justice. Cette singularité vaut au texte d’être qualifié dès le xve siècle de Grand atour, souvent sans autre précision, aussi bien dans les sources contemporaines messines que dans l’historiographie ; le terme suffit à le distinguer de la masse considérable des atours conservés aujourd’hui.

2Metz, à la fin du Moyen Âge, est à la fois la plus importante des villes d’Empire francophones et, avec Nuremberg, l’un des exemples classiques de ces rares villes du sud de l’Empire qui n’ont pas cessé de faire du gouvernement de la cité la responsabilité exclusive d’un groupe restreint et délimité de bourgeois privilégiés. Dans le contexte messin, ces patriciens sont regroupés en associations dont la base est à la fois lignagère et géographique, les paraiges : les cinq plus anciens regroupent les plus anciennes familles de la ville ; le sixième, appelé « paraige du Commun », est destiné à intégrer au système politique les familles extérieures aux cinq paraiges patriciens mais parvenues à un degré de richesse, de prestige et d’ancrage social tel qu’il peut paraître dangereux pour le système en place de ne pas les y intégrer. Nés dans le contexte de l’exclusion progressive du pouvoir épiscopal [5] comme alliances de familles en concurrence pour la domination de la ville, les paraiges sont devenus à la fin du Moyen Âge de simples structures de partage du pouvoir, dont l’aspect familial passe alors au second plan et qui luttent vainement pendant toute la fin du Moyen Âge contre la réduction progressive de leurs effectifs [6].

3Pourtant, à Metz comme à Nuremberg, une pression difficile à mesurer s’exerce de manière plus ou moins intense pour que les « artisans », ou plus largement la partie non patricienne du corps civique, obtiennent une participation à l’exercice du pouvoir municipal : à Nuremberg, c’est dans le contexte de la fin du règne de Louis de Bavière et de l’élection de Charles IV que voit le jour un éphémère régime des métiers [7], ce qui ne signifie du reste nullement que les oppositions sociales ne soient qu’une façade derrière laquelle la grande politique serait la force motrice des soubresauts intérieurs des villes. À Metz, les métiers, même durablement exclus du pouvoir, constituent une force d’opposition à la politique du patriciat dans le cadre des différentes guerres que la ville doit mener contre princes et chevaliers plus ou moins proches de la cité, notamment à l’occasion de la guerre des Quatre seigneurs en 1326–1327 où elle est opposée aux quatre principaux princes de la région [8]. Leur position institutionnelle, qui place chaque corporation sous la tutelle d’un des membres des Treize, l’instance centrale du gouvernement messin, peut s’appuyer sur différents relais institutionnels, le Grand-maître des métiers d’abord, puis le Franc-métier qui regroupe sous la direction d’un patricien les huit métiers les plus importants. Les sources laissent aussi entrevoir une orientation oppositionnelle de longue haleine de la part de certains métiers comme les bouchers. Mais ces structures de mobilisation que sont les métiers dans de nombreuses villes de l’Empire ne parviennent pas à Metz à briser la position d’exclusivité des patriciens : conscients du danger, ceux-ci mènent pendant un demi-siècle une politique de long terme qui atteint son apogée en 1360 par la suppression du Franc-métier [9].

4La dernière des révoltes urbaines, qui met en péril de manière plus sérieuse le gouvernement patricien, a lieu en 1405, dans un contexte géopolitique particulièrement tendu pour Metz : la ville se voit écartelée entre l’influence française croissante dans tout l’espace lorrain et l’appartenance à l’Empire, qui peut apparaître comme une garantie d’autonomie pour la ville mais apporte peu de soutien concret (l’influence directe du souverain sur la ville est plus faible encore que dans les villes d’Empire de Souabe ou de Franconie) ; en outre, les seigneurs des environs font peser une menace constante sur les intérêts économiques de la ville [10]. L’épisode a déjà été étudié, en particulier par J. Schneider [11] : sa thèse fait toujours référence pour l’histoire de Metz à la fin du Moyen Âge, mais se limite sur ce point à une description événementielle en cherchant avant tout à déterminer les parties en présence, la chronologie et les conséquences, notamment la répression qui suit le retour des patriciens au pouvoir. Comme en 1326, le gouvernement patricien s’efforce d’écarter la menace immédiate en achetant la retraite de ses agresseurs, avec pour conséquence un endettement considérable que les citadins vont devoir rembourser. C’est, de manière on ne peut plus classique, ce poids financier qui sert de déclencheur au mécontentement populaire, qui trouve son point culminant dans l’exécution du patricien Nicole Groignat, accusé notamment de vouloir livrer la ville au duc de Lorraine [12]. Les révoltés mettent en place de nouveaux responsables politiques, ce que les patriciens jugent suffisamment contraire à leurs intérêts pour justifier leur immédiat exil, en général à destination de leurs possessions dans le pays messin. En privant la ville des ressources que les patriciens tiraient de ces possessions, cet exil condamnait à brève échéance le nouveau régime, et, dès le début de l’année 1406, la machine répressive de la justice patricienne montre que les paraiges avaient repris un contrôle suffisamment solide sur la ville pour ne pas les inciter à choisir la voie de la réconciliation [13]. Mais, plus encore que pour son déroulement ou ses acteurs, la commune de 1405 mérite notre attention parce qu’elle s’est immortalisée, elle et ses buts, dans cette sorte d’écrit programmatique qu’est le Grand atour. Face au témoignage de chroniques unanimement hostiles à la commune [14], ce texte exceptionnel vient donner une image étonnamment vive de ce qu’ont été les revendications des révoltés, et même au-delà : ce qu’on peut y lire, ce sont leurs émotions, leur mode de pensée, leur vision d’un gouvernement urbain idéal. Leur pensée politique est significative aussi bien des possibilités que des limites de l’imaginaire politique messin ; les voies par lesquelles le texte est parvenu jusqu’à nous sont révélatrices de la place singulière qu’il occupe dans les traditions politiques messines.

1 – Transmission du texte

5Le texte, connu depuis longtemps des historiens, l’est d’abord par trois éditions, qui témoignent bien de l’histoire complexe de la transmission du texte. Nous ne possédons pas de manuscrit émanant directement des protagonistes de la révolte, ou même de la période suivant immédiatement ces événements. Une première édition du texte a été imprimée en 1542, en guise d’arme politique contre le maître-échevin du moment [15]. Outre ce rare premier imprimé, deux éditions en ont mis le texte à disposition des historiens. La première, éditée en 1781 dans les vastes Preuves de l’Histoire de Metz jointes à leur histoire de la ville par dom Jean François et dom Jean Tabouillot [16], qualifie sa source de « copie du cabinet de M. le comte Emmery », érudit et collectionneur de sources originales messines avant et après la Révolution. La seconde, publiée en 1905 dans un périodique historique et identitaire local [17], invoque l’imprimé de 1542 pour justifier la supériorité du texte qu’elle offre sur celle des bénédictins, sans prendre en considération le fait que le comte Emmery, qui avait commencé à rassembler des sources messines dès les années 1760, possédait lui aussi un exemplaire de cet imprimé de 1542 [18] : les bénédictins auraient sans nul doute pu utiliser s’ils l’avaient jugé utile, et c’est en connaissance de cause qu’ils ont choisi de recourir à un manuscrit que des Robert, lui, n’a sans doute pas connu. L’une comme l’autre édition ne dépassent de toute façon pas le stade d’une simple transcription aussi méritoire que peu satisfaisante.

6J’ai pu identifier trois manuscrits du texte, tous trois conservés à la Bibliothèque nationale de France ; il s’agit de copies sur papier, et non d’un original muni des sceaux que le texte qu’ils transmettent annonce, sans qu’on puisse d’ailleurs affirmer avec certitude qu’une telle expédition ait bel et bien existé [19]. Celui que les bénédictins ont utilisé peut être identifié avec celui conservé aujourd’hui dans les volumes de la vaste collection Emmery [20], où il a été relié en compagnie de plusieurs documents relatifs à la commune de 1405, en original ou en copie. Il se présente sous la forme d’un cahier de papier, sans aucun titre ni élément de datation. L’écriture laisse supposer, sous réserve d’une analyse paléographique plus précise, une datation dans la première moitié du xve siècle. Copié par une main habituée à l’écrit, abrégeant souvent les mots et de plus en plus hâtive, le texte comporte quelques ratures ou ajouts marginaux, mais aucune annotation permettant de comprendre la position du copiste ou de son commanditaire par rapport au contenu du Grand atour, la fonction de cet exemplaire ou les étapes de sa transmission.

7Eux aussi plus proches du texte des bénédictins que de celui publié par des Robert, les deux autres peuvent être plus précisément datés, et ils sont nettement postérieurs aux événements de 1405, puisqu’ils ont très certainement été copiés dans les années 1480 : dans l’un [21], le texte figure, au début du manuscrit, sous le titre Le grand atour, sans autre précision, titre qui souligne donc qu’il était dès lors perçu comme exceptionnel et considéré comme connu des lecteurs potentiels ; il y est suivi par plusieurs textes fondamentaux de législation messine, avec lesquels il n’a peut-être été réuni que par la reliure actuelle du volume. Même tardif, ce rapprochement place le texte dans la vaste cohorte de la production législative messine : on conserve aujourd’hui encore des centaines d’atours, pour beaucoup édités par les bénédictins auteurs de la monumentale Histoire de Metz publiée à la fin du xviiie siècle et d’autres après eux, pour beaucoup sous forme d’originaux, mais aussi sous forme de recueils réalisés à diverses périodes pour toute sorte de commanditaires et d’usages, dont le manuscrit est un exemple. L’écriture du Grand atour est néanmoins très proche de celle des atours copiés ensuite, ce qui permet de penser que, à tout le moins, sa copie a été réalisée dans le même contexte et dans la même période que les autres textes du manuscrit.

8L’autre manuscrit ne présente que le début du texte [22] mais le contexte très différent dans lequel le texte est placé peut aider à comprendre sa survie, exceptionnelle pour un texte aussi polémique et aussi hostile au pouvoir en place. Le volume copié en partie par Jacques Desch s’ouvre sous sa forme actuelle par une compilation de textes fondamentaux de la justice et du gouvernement messin, de l’époque de l’évêque Bertram à la fin du xiie siècle jusqu’au début du xve siècle, qui rappelle que Desch a été lui-même partie prenante du gouvernement de sa ville, ce qui lui donne sans doute l’occasion d’accéder à ces textes tout en justifiant son intérêt pour eux [23]. C’est en relevant une inscription latine trouvée, dit-on, en 1235 sous la Porte Moselle que Desch introduit le texte du Grand atour : c’est à cause du default de Justice que le noble édifice, témoin de la dignité antique de Metz, a été détruit par les gens villains. Il peut alors insérer le Grand atour, avec le prologue cité en ouverture de cet article, comme un second exemple plus contemporain des conséquences d’un mauvais gouvernement. Après le Grand atour, il copie une sedulle écrite de la main d’un de ses parents et composée d’aphorismes et fragments moraux divers, qui illustrent l’idée que la corruption des puissants les entraîne à leur perte : ces fragments sont certes hostiles à un gouvernement populaire (les pauvres ont tousiours envie dez Riches et Eslieuent lez maluais) mais la Signorie du commun peuples est corrompue quant ceulx que le governent ne veullent uzeir lez droit que sont bon & loialz[24]. Ce sont, certes, des topoì familiers, mais ils entrent profondément en résonance avec la description du texte citée en ouverture de cet article, dans une vision morale très critique du fonctionnement du gouvernement messin qui voit dans les oppositions populaires une conséquence de la corruption des gouvernants naturels que sont les membres des paraiges.

9L’inachèvement de la copie de ce texte peut donc s’expliquer par son contenu : dans la première partie de l’atour, les révoltés dressent la liste des graves manquements dont se sont rendus coupables les membres du gouvernement précédent, et c’est ce qui a intéressé Desch. Quand, par la suite, le document en vient à établir de nouvelles règles de fonctionnement caduques depuis longtemps au moment où il les lit, l’intérêt du copiste non professionnel qu’est Desch a dû trop faiblir pour qu’il ait jugé bon de continuer, d’autant que les réformes proposées n’étaient guère conformes à ses propres conceptions politiques.

10Sauf à découvrir de nouveaux témoins, la « forme originelle » du Grand atour est destinée à rester inconnue, aussi bien dans le détail de sa rédaction, dans sa réalisation matérielle que dans sa diffusion immédiate et donc dans son lectorat. La survie d’un texte aussi polémique, des décennies après sa rédaction, alors que le règne de ses initiateurs a si peu duré, est quoi qu’il en soit un fait remarquable. L’absence de contexte pour les deux premières copies – un cahier isolé dans un recueil factice, sans annotations ni marques d’usage – ne facilite pas l’interprétation mais la simple existence de telles copies, d’apparence soignée, voire professionnelle, laisse entendre que le texte avait pour le copiste ou son commanditaire un intérêt particulier lié à sa nature de texte juridique. Le Grand atour est bien moins riche en informations sur les événements que les chroniques, il a perdu toute valeur pratique. Il faut donc supposer que ses lecteurs de la fin du xve siècle y voyaient bien la même chose que nous, le résultat d’une pensée déviante remettant en cause le régime politique existant jusque dans ses fondements.

11Le troisième manuscrit est produit dans un contexte privé, celui d’une bibliothèque patricienne constituée et enrichie sur plusieurs générations, qui témoigne de l’intérêt multiforme des différents membres de la famille, au fait du droit urbain mais ouverts à une culture savante dépassant l’horizon de leur ville, comme le montre par exemple une référence assez précise au Digeste [25]. Jacques Desch intègre ce texte dans une réflexion historique au service d’une critique morale de son temps. Ces deux transmissions si différentes montrent bien la diversité des usages et des interprétations que permettait le texte ; elles indiquent à tout le moins une présence, une disponibilité du texte qui va au-delà du simple hasard de sa préservation dans le cadre intime d’une bibliothèque patricienne, où sa survie pourrait s’expliquer par le fait qu’il y était en quelque sorte à l’écart des regards indiscrets.

2 – La pensée politique des auteurs du Grand atour

12La rédaction de ce texte justificatif sous forme d’atour, de charte donc, conditionne la structure de l’argumentation des révoltés. La dénonciation des méfaits du gouvernement des paraiges, méfaits qui justifient la mise en place d’un nouveau système politique, constitue en termes diplomatiques l’exposé de la charte, un exposé dont la longueur est sans commune mesure avec les atours produits habituellement par les gouvernements patriciens. Ce n’est qu’ensuite que, dans le dispositif, les rédacteurs du texte proposent sans mise en ordre systématique des réformes structurelles dans les institutions messines destinées à empêcher le retour de cette situation.

13Une partie de l’argumentation des révoltés est purement conjoncturelle : l’année précédente, la ville avait – une fois de plus – acheté le départ de plusieurs chevaliers en guerre contre elle en leur versant la somme considérable de 13 000 florins [26], avec les conséquences inévitables pour la population que sont taxes et emprunts forcés. Cette situation est un effet de la réorientation des investissements du patriciat, délaissant une activité marchande en déclin à Metz au profit de la terre : les possessions foncières des patriciens dans la campagne messine sont la colonne vertébrale du « Pays messin », important territoire urbain dont la ville s’entoure progressivement. Les patriciens qui détiennent par l’intermédiaire des paraiges, associations à base mi-lignagère mi-géographique, la totalité du gouvernement de la ville, font de la défense de ce territoire où sont l’essentiel de leurs intérêts économiques un objectif primordial de la politique extérieure de la ville ; celle-ci entre donc en contradiction flagrante avec les intérêts des marchands, parce qu’elle entraîne une ponction fiscale douloureuse et parce que la défense urbaine, centrée sur le pays messin, ne prend pas assez en compte la sécurisation des routes commerciales au-delà des environs immédiats de la ville. Les patriciens ne prennent pas même la peine, écrivent les révoltés, de s’employer à délivrer les marchands messins pris en otage par les seigneurs voisins [27].

14L’autre thème de la mise en accusation qui ouvre le texte est celui du refus de justice : plusieurs de la Justice, & aultres de leurs amys […] alloient par maniere de force batre, fraper hommes & femmes, & lesdictes femmes contraindroient par force, comme maniere d’elles corrompre & violer[28]. Plus largement, c’est le refus de la justice patricienne d’engager des poursuites sur quelques affaires relevant du plus simple droit commun qui suscite la contestation : faut-il y voir le reflet de réels dysfonctionnements du système judiciaire, dans une ville où la séparation entre pouvoir judiciaire et pouvoir politique est particulièrement peu marquée ou plutôt une manière de marquer du sceau de l’infamie l’ensemble du groupe social patricien ? Nous n’avons aucun moyen de le savoir, mais l’essentiel n’est pas là : dans ce texte où la mise en accusation est sans doute aussi importante que l’ambition législative, ce qu’on pourrait qualifier en termes modernes d’exposé des motifs n’est que la strate la plus superficielle de l’argumentation des révoltés. Ce n’est ni par une analyse des structures du pouvoir patricien, ni par la construction d’un modèle idéal de gouvernement que les révoltés justifient la grande réforme qu’ils entreprennent : à Metz comme dans beaucoup de villes de l’Empire tout au moins [29] les élites urbaines n’ont que des rapports épisodiques et ambigus avec la culture savante de leur temps ; c’est donc dans la litanie des mesures concrètes qu’on peut parvenir à comprendre la pensée politique des révoltés. Si abstraites que puissent paraître les mesures prises pour réorganiser les pouvoirs municipaux, elles constituent une réponse ambitieuse aux problèmes concrets et quotidiens qui ont entraîné la commune.

15Dans les révoltes urbaines des villes d’Empire [30], l’idée d’obtenir un meilleur contrôle de la politique suivie par les instances municipales est souvent essentielle ; la présence de ce thème dans le texte messin n’est pas moins importante, mais elle prend des formes très différentes. Le point commun le plus saillant avec les villes germaniques est le partage des postes dans certaines institutions politiques spécialisées, notamment les commissions de sept membres chargées de certains secteurs de l’administration et de la politique messine, jusqu’alors exclusivement aux mains des patriciens : parmi les Sept de la guerre, le texte stipule que trois membres des paraiges y côtoieront quatre de la commune, et de même pour les Sept du trésor ou des murs [31].

16Le texte, malgré ses volontés réformatrices, ne fait souvent que confirmer quelques éléments structurants du système institutionnel messin et avant tout la prééminence de la justice sur la politique, jusqu’à des détails de procédure dont on peine à voir quelle résonance politique ou sociale ils pouvaient avoir. La prééminence des griefs judiciaires qui apparaît dans la première partie trouve naturellement sa correspondance dans la seconde : de nombreux Item concernent la procédure judiciaire, avec des déclinaisons pour la plupart des actes que prescrit la pratique héritée des patriciens. Le système institutionnel messin ne distingue guère, à vrai dire, le domaine judiciaire du domaine politique, à tel point que la distinction pourrait ici paraître oiseuse ; le texte nomme ce système Justice, officiers et conseille[32]. L’historiographie messine depuis A. Prost [33] a d’ailleurs largement étudié cet aspect judiciaire, au détriment du domaine politique auquel les sources municipales refusent toute autonomie. La fonction judiciaire, dans les villes germanophones de l’Empire, est certes détenue par le Conseil, mais celui-ci en délègue généralement l’exercice à un petit nombre de juges pris en son sein et souvent spécialisés dans cette fonction, tandis que le Conseil en tant que tel s’occupe essentiellement de la gestion des intérêts communs. À Metz au contraire, c’est l’exercice de la fonction judiciaire qui continue à fonder la légitimité des institutions, en masquant leur rôle dans la prise des décisions relevant de l’intérêt commun, la formulation presque invariable des instances au nom desquelles sont rédigés les atours l’atteste. La logique suivie par les nouveaux maîtres de la ville n’est donc pas différente de celle du régime des paraiges : c’est dans le juste fonctionnement de la justice que la légitimité des institutions se construit.

17L’article disposant que la justice doit se tenir de plain iour en publique deuant le peuple[34] montre cependant bien que la justice n’est pas seulement affaire de procédure et de droit : il est frappant de constater que l’idée d’un droit positif accessible à tous, par exemple par le biais d’un code de droit, est absente du texte, peut-être faute de modèles accessibles, mais l’exercice public de la justice est un premier pas vers l’idée d’un contrôle du pouvoir judiciaire par la communauté citadine. Un texte fondamental, cependant, est destiné à devenir public, celui du Grand atour lui-même : il doit être montré et lu chaque année au iour qu’on faict les preudhommes, affinque chascun en ait mémoire[35]. Ce type de lecture annuelle est fréquent dans les villes allemandes [36], où on lit chaque année soit une récapitulation du droit en vigueur (« lois jurées » de Constance), soit la charte définissant les institutions urbaines et assurant la participation politique de l’ensemble des bourgeois (« chartes jurées » d’Ulm ou de Strasbourg). Même si le Grand atour ne prévoit pas explicitement de serment, cette manière de rappeler à la communauté civique les principes fondateurs de son gouvernement relève d’une même logique.

18Le domaine institutionnel, qui dans l’Empire est souvent au cœur des chartes de pacification qui marquent fréquemment l’établissement d’un nouveau pouvoir municipal après une révolte, n’est pourtant pas absent ici, et même s’il occupe une place plus discrète, il fait l’objet de notations de grande portée. Certes, il n’est pas question de rendre une partie du pouvoir aux métiers, qui avaient joué un rôle dans les « communes » précédentes, mais avaient été neutralisés par les patriciens au cours du xive siècle [37], ce qui suffit à exclure ici toute idée d’une influence directe des régimes de métiers communs dans l’Empire méridional et notamment dans diverses villes alsaciennes. Les métiers sont cependant mentionnés dans le Grand atour [38], qui prévoit que les profits liés au droit d’apprentissage, à l’acquisition de la maîtrise et aux amendes infligées par les métiers seraient partagés par moitié entre la ville et les métiers pour entretenir leurs tours & artilleries : les métiers ont peut-être ainsi tiré un profit financier d’un mouvement qu’ils ont peut-être soutenu, mais on est très loin de toute participation institutionnelle. Certes, la représentativité comme principe constitutif des instances politiques n’occupe pas dans cette nouvelle ère la place à laquelle on pourrait s’attendre. Surtout, il n’est pas question de remettre en cause ni la composition, ni le rôle des Treize, cœur du pouvoir municipal. Et pourtant les modifications de détail apportées par le Grand atour témoignent des ambitions des réformateurs, à défaut de démontrer leur capacité à repenser plus radicalement le sens d’un tel système politique.

19L’institution centrale de ce gouvernement urbain est un collège de treize membres, les Treize, apparu dès le début du xiiie siècle [39] et composé comme la plupart des institutions messines exclusivement de membres des paraiges. Les Treize sont sans doute pour les contestataires munis d’une légitimité sanctionnée par le temps : il n’était dans ces conditions pas question d’une remise en cause de leur existence, ni même de leurs fonctions ou de leur influence. S’ils sont cités régulièrement dans le Grand atour, aucune mesure ne porte spécifiquement sur eux : ce sont d’autres institutions, plus secondaires dans la pratique du pouvoir, qui sont au cœur de l’attention des auteurs du Grand atour, qui les utilisent notamment pour introduire ou renforcer un contrôle des actions des Treize. Les prudhommes et les comtes jurés ne sont en effet dans le gouvernement patricien que des institutions marginales, mais elles ont un double intérêt pour les réformateurs : d’une part, elles sont les dépositaires d’une légitimité populaire renforcée par leur ancienneté ; d’autre part leur mode d’élection fait des titulaires de ces offices les vecteurs idéaux pour revivifier l’idée même d’un ancrage populaire, voire représentatif, des institutions politiques.

20Dans les décennies précédant la Commune de 1405, le terme prudhommes n’était pas employé pour désigner les détenteurs d’un office ; il l’avait été à de nombreuses reprises entre 1254 et 1325 [40] pour désigner une instance de contrôle des Treize. En 1385, une nouvelle institution, les eswardours, est créé par un atour [41] avec des attributions similaires : ils sont treize, issus des paraiges comme les Treize dont ils constituent comme un second collège chargé de contrôler leur action, mais aussi à l’occasion de les remplacer. Dans le Grand atour, les eswardours ne sont pas cités une seule fois, alors que le texte donne une place de choix aux prudhommes, qui sont extérieurs aux paraiges. Comme leurs fonctions sont similaires, on peut sans doute comprendre qu’ils les remplacent, mais le changement de nom est significatif. Il faut sans doute y voir le résultat d’une mémoire politique distincte de celle des paraiges et fondée sur l’idée d’une participation politique plus large plutôt que sur l’accumulation de droits positifs qui fonde la légitimité des Treize.

21Ce rôle même de contrôle et de limitation du pouvoir des Treize est présent à plusieurs reprises dans le texte, mais les auteurs du Grand atour l’étendent au-delà de la sphère judiciaire qui était leur raison d’être. Le texte stipule par exemple qu’une clef détenue par les Treize et une clef détenue par les prudhommes doivent être nécessaires pour accéder aux sceaux de la ville, et un contrôle similaire est mis en place pour les sceaux des paraiges, qui sont d’autant plus importants qu’ils doivent être apposés à chaque atour et ne sont donc pas simplement les sceaux d’associations privées [42].

22Mais le rôle attribué aux prudhommes ne se limite pas à des fonctions secondaires dans la justice : les prudhommes sont aussi mis en relation avec le conseil, dont l’existence est certes attestée depuis le xiiie siècle, mais qui n’est connu que par des sources rares, et celles-ci n’indiquent pas que son rôle ait été particulièrement grand [43]. Sa composition était avant tout patricienne ; le Grand atour prévoit au contraire que les prudhommes ou aultres qui y seront commis par eulx allent et soient au Conseil pour ayder à gouverner la ville. Et que rien ne se puisse faire ne passer que ce ne soit par les preud’hommes esleuz. Aussi qu’ilz scachent les receptes & les mises, et comment largent que on recepuera sera mis & distribuez pour la ville[44]. Cette fois, il n’est pas question de justice, mais bien de politique, et l’exigence d’un contrôle des finances urbaines [45] est sans doute l’un des thèmes les plus constants des objectifs des mouvements de contestation populaire bien au-delà de Metz. Quelques pages plus loin, le Grand atour interdit aux Treize de convoquer au conseil quiconque appartiendrait aux paraiges ou en descendrait, tout en réaffirmant la liberté de choix des prudhommes quant à la composition du conseil ; on le voit, il ne s’agit donc que partiellement d’une institution représentative, dès lors que les prudhommes, certes élus des paroissiens, peuvent compléter leurs rangs ad libitum ; surtout, ce passage laisse penser que les réunions du conseil restent tributaires d’une convocation par les Treize. Toujours est-il que, même si le Grand atour ne précise pas plus avant les fonctions du conseil, le simple fait qu’il soit ici conçu comme un lieu central de pouvoir pour les prudhommes laisse penser que ses auteurs entendaient donner un rôle croissant au conseil, autrement dit à un processus délibératif plus ouvert que l’administration des Treize.

23Cette importance politique nouvelle de la délibération est confirmée par une autre compétence des prudhommes, cette fois sans relation avec les Treize : à eux seuls, avec les comtes jurés, appartient le droit de convoquer une assemblée des bonnes gens de la Commune, dans le but de parler ou remonstrer aulcunes choses[46]. Il ne s’agit certes pas de donner à cette assemblée générale de bourgeois un rôle décisionnel similaire à celui du conseil, mais il n’est sans doute pas excessif d’y voir une manière de s’appuyer sur la légitimité collective des bourgeois ; une telle assemblée, qui permet d’obtenir le consentement du corps civique à des décisions difficiles, ouvre une situation de communication qui peut échapper au contrôle de ceux qui la créent, mais elle est de nature à renforcer la légitimité des prudhommes par l’assentiment populaire.

24Les comtes jurés sont l’autre magistrature que le Grand atour met en avant, de façon plus effacée. Plus anciens encore, ils exercent des fonctions peut-être plus secondaires, toujours aux côtés des Treize, auxquels ils apportent en quelque sorte le consentement de la communauté urbaine. Plus que leurs attributions, c’est sans doute leur mode de désignation qui justifie l’attention des auteurs du Grand atour, là encore sans doute avec une référence volontaire à un long terme institutionnel. Ils constituent au cœur de la domination patricienne la seule fonction municipale accessible aux non-patriciens [47] : la commune de 1326–1327 avait déjà décidé de leur élection directe dans le cadre de chaque paroisse. Dès la commune tombée, un atour avait instauré ou rétabli un système indirect où les paroissiens proposaient une liste de quatre noms entre lesquels le choix était fait par des patriciens qui en possédaient à titre individuel le privilège [48]. Le rétablissement de l’élection directe n’est ici sans doute pas un réel enjeu de pouvoir, les comtes ne voyant pas véritablement leur pouvoir résiduel étendu. Au-delà de leur place aux côtés des Treize et, désormais, des prudhommes, ce renforcement de la libre élection ressort d’une déconstruction à la fois méthodique et prudente des privilèges patriciens [49], qui montre bien à quel point la logique du texte n’est pas de repenser l’architecture générale des institutions.

25La mise en avant des paroisses comme cadre électoral est, pour les comtes, conforme à la tradition ; le recours à une assemblée paroissiale pour élire les prudhommes est au contraire un élément nouveau et central de la réforme. Ce n’est certainement pas un hasard si c’est ce thème qui ouvre le dispositif de l’atour. Le texte est court mais révélateur, en ce qu’il met en avant le principe de majorité numérique comme règle électorale, par laccord du plus desdicts paroissiens, tout en excluant entièrement les patriciens [50]. Le fait qu’il s’agisse, comme souvent à Metz, d’une dignité annuelle n’est pas négligeable : la réunion annuelle que cela suppose, avec les tensions inhérentes au processus électoral, constitue un lieu politique, un espace public dont le contrôle n’est jamais total. Le rôle structurant de la paroisse et de la communauté de ses membres est mis en avant également dans le cas des amans, qui constituent une sorte de notariat présent dans chaque paroisse. Il n’est pas question d’élection, mais seulement qu’on face les Amantz par la relation des paroissiens[51], parce qu’il s’agit d’une fonction qui nécessite des compétences développées. Il est d’autant moins question de retirer cette fonction aux paraiges qu’elle est rémunératrice et le texte du Grand atour s’abstient généralement d’aller contre les intérêts fondamentaux des patriciens. Le fait que le texte précise que les amans doivent être résidents dans la paroisse où ils exercent montre cependant une forme de contrôle, qu’on pourrait appeler un contrôle social.

26Ces innovations proprement politiques, on en conviendra, ne sont pas négligeables, même si la brève durée de la Commune de 1405 et le manque de sources ne permettent pas de connaître si et comment elles sont même brièvement entrées en pratique. Reste que, dans l’économie globale du texte, elles ne couvrent que quelques courts paragraphes qui peuvent facilement passer inaperçus au milieu d’un océan de procédure judiciaire. La politique messine, depuis longtemps, n’avait pas été économe en nouvelles institutions au fil des tensions internes de la société urbaine ; les réformateurs de 1405, on le voit, ne suivent pas cette piste, mais préfèrent s’appuyer sur la légitimité des institutions existantes.

27Autre grief essentiel des acteurs de la commune, le coût et les périls de la politique étrangère du gouvernement patricien suscitent également de nombreuses dispositions réformatrices dans le Grand atour. Ses auteurs suivent en la matière une logique similaire à celle qui les guide sur le plan politique : on retrouve notamment la question de la publicité, exigée pour tout ce qui concerne la hantise majeure des révoltés, c’est-à-dire le coûteux et inefficace achat de la paix auprès des seigneurs ennemis. Le texte prévoit l’affichage de la liste des ennemis de la ville et la proclamation publique de leurs noms et la présence aux côtés du maître échevin et des Treize de représentants des comtes et des prudhommes lors de la réception de missives et de l’envoi de réponses, de façon à garantir par cette forme de publicité restreinte la prise en compte des intérêts collectifs de la ville au-delà de ceux des paraiges [52] ; les comtes doivent également assister, aux côtés des Treize et des prudhommes, aux « journées », c’est-à-dire aux négociations de paix avec les seigneurs, dans l’idée sans doute d’empêcher le versement de contreparties trop élevées [53].

28Toutes ces mesures, on l’a dit, sont présentées sous la forme d’un atour, d’un acte législatif comme le gouvernement patricien en produisait régulièrement, et les révoltés prennent grand soin de reproduire l’ensemble du formulaire diplomatique attendu, à défaut de pouvoir juger à partir du texte tel qu’il nous a été transmis de la forme matérielle que les membres du nouveau gouvernement avaient pu lui donner. Cette continuité ne saurait être le fruit du hasard : alors que plusieurs mesures visent explicitement à restreindre le poids des paraiges dans la vie publique, la clause de corroboration annonce les sceaux des cinq anciens paraiges en plus de celui de la ville, qui tient lieu de sceau pour le paraige du Commun, conformément à la pratique diplomatique messine. On prend aussi la peine de recueillir, ou du moins de noter, à la fin de l’acte, le consentement des principaux dignitaires ecclésiastiques présents à Metz, nommément cités, qui, dit le texte, y ont placé leur sceau [54]. Rien ne dit qu’ils aient en effet été consultés, puisque rien ne dit que le Grand atour ait réellement existé sous la forme annoncée d’une charte scellée, mais le choix des rédacteurs est d’autant plus significatif qu’elle contrevient à la pratique de la chancellerie pendant les décennies précédentes. Les six clercs cités sont ceux à qui l’évêque de Metz, en tant que seigneur de la ville, avait confié en 1181 l’élection du maître-échevin [55]. Depuis les années 1230, l’évêque a perdu toute influence politique sur sa ville, et les six clercs n’avaient de toute façon pas d’autre rôle que cette élection ; en outre, ce rôle est devenu purement formel, puisqu’ils ne font qu’entériner le choix effectué au préalable par les paraiges. Si les meneurs de la commune de 1405 ont recouru à leur consentement, ce n’est donc en aucune façon par une nécessité institutionnelle ou juridique : peut-être les rédacteurs du Grand atour ont-ils voulu s’assurer que leurs réformes ne seraient pas interprétées comme une infraction aux droits de l’évêque, qui n’avait pas renoncé à reconquérir sa ville. Plus certainement, cette clause montre que l’acte en question avait pour eux une valeur singulière : non pas un atour parmi d’autres, mais un acte fondamental dépassant le cadre habituel de la libre administration urbaine.

29Il y a cependant, dans la suscription de l’acte, une différence légère mais significative. Le maître échevin, les Treize sont cités dans tous les actes ; les comtes jurés le sont dans la plupart des atours ; quant aux paraiges, ils sont habituellement cités par une formule qui détaille souvent le nom des cinq anciens paraiges auxquels s’ajoute toute la communauté de Metz : le paraige du Commun n’est donc pas explicitement cité, mais sans doute « la communauté » désigne-t-elle alors pour l’essentiel ce sixième paraige dépourvu de sceau propre, très restrictive pars pro toto de la communauté civique [56]. Dans le Grand atour, au contraire, la liste des cinq anciens paraiges est suivie de la mention ly paraige du communs, avec toute la communalteiz de la citeiz de Mecs[57] : le paraige du Commun replacé du côté des paraiges. Pendant les quelques mois de la commune, la suscription des actes semble avoir évolué en conséquence : peu d’actes semblent avoir été conservés, mais l’un d’eux, le contrat d’engagement d’un maître des monnaies, s’ouvre par une très significative formule de suscription : Nous, li maistre Eschevings, li Treses, li Contes Jureiz, & les Eslus pour la Communaltey de la Citeit de Mets[58]. Les paraiges ne sont plus mentionnés, et les eslus, qui sont ceux que le Grand atour nomme prudhommes, y apparaissent avec pour raison d’être de représenter la communauté civique au sein des instances dirigeantes. Le retour au pouvoir des patriciens dès le 19 mai 1406 s’accompagne sans surprise d’un retour aux pratiques antérieures à la commune.

3 – Conclusion

30Les rédacteurs du Grand atour montrent un fort souci d’affirmer la légitimité du nouveau gouvernement en le plaçant dans la tradition messine : une réforme en guise de purification morale, dont les ambitions à l’échelle locale ne sont pas loin de ce que sera trois décennies plus tard, à l’échelle de l’Empire, la Reformatio Sigismundi[59], ce vaste projet de réforme de l’Empire aux accents messianiques écrit vers 1439 dans le contexte du concile de Bâle, y compris dans cette manière idéaliste d’envisager la politique, d’abord comme apothéose de la Justice, sans développer une véritable réflexion sur la dévolution et l’exercice du pouvoir. La relative modération de leur projet de réforme était sans doute destinée à le rendre acceptable aux paraiges, sans succès ; mais, même en l’absence de toute radicalité, même sans pouvoir contester le cœur des institutions messines – entre autres faute de pouvoir contrevenir aux privilèges épiscopaux sur lesquels elles étaient appuyées –, les rédacteurs ont fait une place, même limitée et provisoire, à des principes étrangers aux traditions du gouvernement patricien, le principe de représentation, celui d’une légitimité populaire. Pour le faire, ils avaient à leur disposition un imaginaire politique qui était essentiellement celui de leur propre ville : le recours à un modèle extérieur n’est jamais chose facile en matière politique, et le Grand atour ne porte à aucun moment la trace d’influences qui auraient pu venir, après tout, de ces villes d’Empire qui, au xive siècle, ont fait des corps de métier les instruments d’une large participation politique – Strasbourg n’est pas très loin – ou de ces villes d’Italie du Nord avec lesquelles Metz a des liens économiques anciens. Les patriciens eux-mêmes ne semblaient pas concevoir leur pratique du pouvoir par comparaison avec d’autres systèmes similaires, à Venise ou à Nuremberg.

31La conservation jusqu’à aujourd’hui de ce texte singulier, après tout, renvoie elle-même à ce regard de long terme des Messins sur l’histoire de leur ville. Qu’un texte subversif rédigé par les perdants de l’histoire ait ainsi survécu peut paraître surprenant, mais la manière dont ses rédacteurs ont pu faire d’un souvenir politique aussi lointain que celui des prudhommes abolis à la chute de la commune de 1326/1327 un élément déterminant de leur projet de réforme montre que la culture politique, à Metz, n’était ni le seul fait des élites qui participaient directement au gouvernement des paraiges, ni limitée à l’instant présent. Cet ancrage dans le long terme est ainsi confirmé par les choix des rédacteurs du Grand atour ; quant aux vecteurs de cette transmission, une appréhension beaucoup plus large des sources messines, que l’historiographie est loin d’offrir, serait nécessaire pour les comprendre.


Mots-clés éditeurs : révolte urbaine, institutions politiques, Metz, théorie politique

Mise en ligne 10/08/2020

https://doi.org/10.3917/rma.261.0009

Notes

  • [1]
    Paris, Bibliothèque nationale de France (= BnF), ms. fr. 18905, fol. 96r.
  • [2]
    J’utilise ici ce terme parfois contesté avec d’autant moins de scrupules que le patriciat messin, sous la forme des paraiges, possède une cohérence statutaire particulièrement forte ; les débats suscités par le terme à propos des villes d’Empire sont résumés par G. Chaix, Le patriciat urbain dans l’historiographie allemande contemporaine, Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains de l’Antiquité au xxe siècle, éd. C. Petitfrère, Tours, 1999, p. 537–549.
  • [3]
    Sur les manuscrits de ce patricien messin, voir M. Chazan, À propos des relations culturelles entre la Champagne et la Lorraine à la fin du Moyen Âge. Le cas du recueil de la famille Desch (Ms Épinal 217), Annales de l’Est, no spécial, 2009, p. 139–166, notamment p. 143 pour Jacques III Desch. Le manuscrit d’Épinal, qui est également un manuscrit composite où Desch tire profit de la bibliothèque familiale, comprend au moins un texte en commun avec le manuscrit cité ici, une mise en vers en français des dix commandements (respectivement fol. 159r–160r et 107r–108r).
  • [4]
    Voir la vaste étude de P. Mendel, Les atours de la ville de Metz. Étude sur la législation municipale de Metz au Moyen Âge, Annales de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Lorraine, t. 42, 1933, p. 105–143 ; t. 43, 1934, p. 1–221 (paru également sous forme de monographie, Metz, 1932). Le mot « atour » vient d’attornare, dans le sens de disposer, décréter. Voir Dictionnaire du moyen français, 1330–1500, Nancy, 2015 [En ligne]. URL : http://www.atilf.fr/dmf/
  • [5]
    Voir sur tous ces sujets J. Schneider, La ville de Metz aux xiiie et xive siècles, Nancy, 1950, passim.
  • [6]
    Voir les listes de membres des paraiges en 1250, 1388, 1399 et 1533. Metz, Archives Municipales (= AM), BB 92 (éd. [J. François, N. Tabouillot], Histoire de Metz par des religieux bénédictins de la congrégation de Saint-Vanne, t. 4, Nancy, Hoener, 1781, p. 200–207, avec d’autres années).
  • [7]
    A. Schubert, Zwischen Zunftkampf und Thronstreit. Nürnberg im Aufstand 1348/49, Bamberg, 2009.
  • [8]
    Schneider, Ville de Metz, p. 464–471 (les princes sont les ducs de Lorraine et de Bar, le comte de Luxembourg et son oncle Baudouin, archevêque de Trèves). Une abondante littérature polémique est alors produite (Jaique Dex [Jacques D’Esch], Die Metzer Chronik über die Kaiser und Könige aus dem Luxemburger Hause, éd. G. Wolfram, Leipzig, [1906], p. 214–292.
  • [9]
    Sur l’histoire des Métiers, voir Schneider, Ville de Metz, p. 472–485.
  • [10]
    Ibid., p. 488–491.
  • [11]
    Ibid., p. 493–498.
  • [12]
    Jaique Dex [Jacques D’Esch], Die Metzer Chronik, p. 433 (Desch attribue la mort de Groignat à l’hostilité d’un voisin marchand de toile de lin à son égard) et l’ample argumentation justificative de la charte du 6 janvier 1407 citée n. suiv.
  • [13]
    Voir sur la répression Metz, AM, FF 203, liasses 5–8 (nombreuses ventes de biens de bannis) ; FF 202, liasse 6 (charte du 6 janvier 1407 : plusieurs dizaines de noms de bannis, qui sont aussi bien marchands qu’artisans, bouchers, boulangers, mais aussi peintres, clercs, écrivains). Voir aussi Jaique Dex [Jacques D’Esch], Die Metzer Chronik, p. 310–312, qui identifie les meneurs comme deux bouchers ; voir aussi, en 1409 encore, François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 662, contre sept personnes, deux Escripvains, un clerc, un marchand, un charpentier, un revendeur de cuir et un boucher. Une charte d’amnistie pour le reste de la population est promulguée le 16 janvier 1407 (Ibid., p. 598–600).
  • [14]
    Le Grand atour est cité dans une seule chronique, celle dite de Praillon, passage éd. par J.F. Huguenin, Les chroniques de la ville de Metz, Metz, 1838, p. 133 : l’auteur, qui écrit au milieu du xvie siècle (C. Reutenauer-Corti, La Chronique de Jean Praillon, Écrire l’histoire de Metz au Moyen Âge, éd. M. Chazan, G. Nauroy, Berne–New York, 2011, p. 251–280), interprète l’atour comme une réaction des autorités municipales face à icelle mutinerie et jaicquerie ; on peut supposer qu’il a pu prendre connaissance du texte par l’édition de 1542.
  • [15]
    Statutz et ordonnances faictz entre les Seigneurs gouverneurs de la noble & Imperialle Cite de Metz & les bourgeois (quon dict en langue vulgaire du pais, Le grand Atour de la Cite) par lesquelz est notoire a tous combien grande et honneste liberte ont eu du passe, les bourgeois de ladicte Cite de Metz, s. l., 1542 ; exemplaire consulté : Metz, Bibliothèque Municipale (= BM), Rés. LS G 49 (le seul conservé à ma connaissance), 32 fol., 14,1 x 9 cm, sous reliure en parchemin blanc, sans trace d’une reliure antérieure. L’exemplaire a appartenu au pasteur Paul Ferry dont la marque de possession est conservée sur la page de titre, ce qui permet d’identifier cet exemplaire comme celui décrit par [G.F. Teissier], Essai philologique sur les commencemens de la typographie à Metz et sur les imprimeurs de cette ville, Metz, 1828, p. 33–37 (Teissier le consulte dans la bibliothèque du Baron Marchant, ancien maire de Metz mort en 1833 : c’est sans doute à cette date que l’exemplaire est entré dans les collections de la bibliothèque ; cette hypothèse de datation est compatible avec la graphie de l’inscription relatant cette entrée). Teissier attribue cette édition à l’imprimeur messin Jean Pal(l)ier dit Marchand.
  • [16]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 564–580.
  • [17]
    F. des Robert, Le grand atour de Metz, L’Austrasie, nlle sér., t. 1, 1905–1906, p. 7–31, 171–183, 323–341, d’après un exemplaire appartenant à Maurice du Coëtlosquet (mort en 1904), que je n’ai pas pu retrouver.
  • [18]
    É.J. Lecouteux, Catalogue des manuscrits et documents originaux relatifs à l’histoire de la ville de Metz et du pays messin… provenant du cabinet de feu M. le C[om]te Emmery, Metz 1850, p. 122, no 623, décrit comme un « in-folio de 25 feuillets », ce qui ne correspond pas à l’exemplaire conservé à Metz, petit in-octavo de 32 folios ; il renvoie cependant à la notice de l’ouvrage par Teissier (voir n. 13) : sans doute faut-il y voir une confusion avec la version manuscrite du texte que possédait aussi Emmery (voir n. 20). La dispersion des sources messines à la suite de la Révolution française, aujourd’hui réparties essentiellement entre Bibliothèque nationale de France, Archives et bibliothèque municipales de Metz, Archives départementales de la Moselle, est une difficulté persistante de l’historiographie messine ; le rôle d’érudits comme le juriste et homme politique J.L. Emmery ou l’historien A. Prost dans la transmission d’une partie de la documentation est essentiel, mais leurs collections n’ont pas été conservées en l’état après leur mort.
  • [19]
    Des Robert, Grand atour, p. 11, évoque une cérémonie où les paraiges auraient déclaré « aboli le grand Atour, qu’on enleva de l’arche du grand moustier [qui abritait les archives de la ville] et qu’on lacéra » : malgré l’effort d’archaïsme linguistique, cette indication dépourvue de toute référence à une source est sans doute à mettre au crédit des ambitions littéraires plutôt que scientifiques de la revue L’Austrasie.
  • [20]
    Paris, BnF, ms. Naf 22659, fol. 91r–103v, consulté sous forme numérisée. Le cahier semble très abîmé, seuls les fol. 96–97 étant encore solidaires, les autres bifolios étant assemblés par une bande de papier moderne. Le fol. 90, vierge (à l’exception de titres et indications diverses datant sans doute de l’entrée du document à la BnF), est ainsi le pendant du fol. 103 et faisait donc partie du cahier : sans doute le copiste a-t-il dû rajouter ce bifolio faute d’avoir justement estimé la longueur du texte.
  • [21]
    Ibid., ms. fr. 5396, fol. 1r–11v. Le manuscrit comprend trois parties, qui ne correspondent pas à celles annoncée par le catalogue de la BnF qui lui donne le titre Coutumes de Metz divisée en trois parties, comme le montre l’étude des filigranes :
    Le grand atour, fol. 1r–12v (12r–v vide) : lettre P gothique, fleuronnée ; les pages du dernier cahier sont un peu plus étroites que celles des deux autres parties. Deux mains s’y succèdent, avec des habitudes graphiques sensiblement différentes (par exemple pour la première Citez, pour la seconde cite ; abréviation différente pour et…).
    Collection d’atours divers, le plus récent daté de 1533, fol. 13r–82r : armes couronnées avec trois fleurs de lys couronnées.
    Stille du pallaix et Du stille de la mandellerie (formulaires d’actes juridiques), fol. 83r–122v (l’ensemble de cette partie est d’une même main) : main bénissante surmontée d’un fleuron. Au moment de la reliure, le haut des pages a été rogné au point d’entamer parfois la première ligne de texte.
    La consultation de la base de données en ligne http://www.wasserzeichen-online.de/ (consultée le 30 mars 2019) indique pour la première partie une datation au cours des années 1480 (par exemple FR5460-PO-110919, 110926, 110927, 112932 et suivants, nombreux exemples messins des années 1480–1486) ; il est probable que seule la reliure actuelle a réuni ces trois parties en un seul volume.
  • [22]
    Paris, BnF, ms. fr. 18905, fol. 96r–104r ; le texte s’interrompt après un passage sur le salaire des maires, après ne le puisse plus iamais estre (p. 176 de l’édition de des Robert, p. 572 chez les bénédictins), ce qui correspond à une petite moitié du texte complet. Ce manuscrit présente un grand nombre de mains et de filigranes différents et nécessiterait une étude codicologique détaillée pour comprendre comment il a été constitué, certainement par Jacques Desch lui-même. Il semble s’agir de la réunion de papiers de provenance diverse, sous forme de feuillets isolés ou de cahiers ; le filigrane des pages où est copié le Grand atour se retrouve du fol. 83 au fol. 133, et l’écriture de cette partie du manuscrit, qui n’est pas celle d’un professionnel, pourrait être celle de Desch, connue aussi par le manuscrit d’Épinal (voir n. 2).
  • [23]
    L’aspect moral des textes du manuscrit de la BnF est commun avec le manuscrit d’Épinal (voir n. 2), mais ce complexe de textes politiques et administratifs n’a pas d’équivalent dans ce dernier.
  • [24]
    Paris, BnF, ms. fr. 18905, fol. 105r.
  • [25]
    Ibid., fol. 109r.
  • [26]
    Schneider, Ville de Metz, p. 490–491, avec le chiffre faux de 30 000 florins (voir la charte éd. dans François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 539, et Jaique Dex [Jacques D’Esch], Die Metzer Chronik, p. 342).
  • [27]
    Statutz et ordonnances, fol. A3v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 565 ; Des Robert, Grand atour, p. 17.
  • [28]
    Statutz et ordonnances, fol. A3r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 564–565 ; Des Robert, Grand atour, p. 16.
  • [29]
    Voir mon article Penser la politique dans les villes allemandes à la fin du Moyen Âge. Traités de gouvernement et réalités urbaines, Histoire urbaine, t. 38, 2013, p. 175–194.
  • [30]
    Voir P. Monnet, Les révoltes urbaines en Allemagne au xive siècle : un état de la question, Rivolte urbane e rivolte contadine nell’Europa del Trecento. Un confronto, éd. M. Bourin, G. Cherubini, G. Pinto, Florence, 2008, p. 105–152, qui résume les débats intenses et très politiques de l’après-guerre tout en signalant leur dépassement par l’historiographie récente.
  • [31]
    Statutz et ordonnances, fol. D2v–D3r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 577–578 ; Des Robert, Grand atour, p. 333–334.
  • [32]
    Paris, BnF, ms. fr. 5396, fol. 1r.
  • [33]
    A. Prost, Les institutions judiciaires dans la cité de Metz, Paris, 1893. Prost, qui cherche à établir une sorte d’ordre juridique de long terme, ne s’intéresse guère aux éphémères réformes de 1405. Son travail offre encore aujourd’hui un tableau complexe mais exhaustif des institutions messines, mais il ne permet pas de comprendre les processus de la prise de décision politique.
  • [34]
    Statutz et ordonnances, fol. D2v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 577 ; Des Robert, Grand atour, p. 332.
  • [35]
    Statutz et ordonnances, fol. D4r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 578 ; Des Robert, Grand atour, p. 335.
  • [36]
    D. Adrian, Les chartes constitutionnelles dans les villes d’Allemagne du Sud, Turnhout, à paraître.
  • [37]
    Schneider, Ville de Metz, p. 224–241, 472–480.
  • [38]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 575–576.
  • [39]
    Prost, Institutions judiciaires, p. 71.
  • [40]
    Ibid., p. 123.
  • [41]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 362.
  • [42]
    Ibid., p. 568.
  • [43]
    Prost, Institutions judiciaires, p. 109–114.
  • [44]
    Statutz et ordonnances, fol. A7v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 567 ; Des Robert, Grand atour, p. 23.
  • [45]
    Voir aussi les modalités de contrôle des comptes des Treize, Statutz et ordonnances, fol. C6r–C8r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 575 ; Des Robert, Grand atour, p. 326–328.
  • [46]
    Statutz et ordonnances, fol. C2r–v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 573 ; Des Robert, Grand atour, p. 180.
  • [47]
    Prost, Institutions judiciaires, p. 118–122.
  • [48]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 38–40 (février 1327) et 41–43 (juin 1327 : charte de paix rétablissant la situation antérieure à la commune dans de nombreux domaines).
  • [49]
    Il n’est pas impossible que le souvenir de la commune précédente, même éloignée dans le temps, ait joué : les atours de février 1327 avaient été copiés dans le cartulaire en parchemin qui continue au xve siècle à accueillir les copies des principaux actes législatifs municipaux (Metz, BM, ms. 751, fol. 12r, commencé en 1372, éd. François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 39–40 ; le ms. a été détruit en 1944, mais il avait été largement exploité dans les Preuves de l’Histoire de Metz des bénédictins).
  • [50]
    Statutz et ordonnances, fol. A7r–v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 567; Des Robert, Grand atour, p. 24.
  • [51]
    Statutz et ordonnances, fol. A8v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 568 ; Des Robert, Grand atour, p. 25.
  • [52]
    Statutz et ordonnances, fol. C1v–C2r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 572–573 ; Des Robert, Grand atour, p. 179–180.
  • [53]
    Statutz et ordonnances, fol. B6v ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 571 ; Des Robert, Grand atour, p. 174.
  • [54]
    Statutz et ordonnances, fol. D7v–D8r ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 580 ; Des Robert, Grand atour, p. 340–341.
  • [55]
    Schneider, Ville de Metz, p. 100–101.
  • [56]
    Voir les suscriptions des atours et autres actes juridiques des années précédant le Grand atour. François, Tabouillot, Histoire de Metz, passim.
  • [57]
    Cité d’après Paris, BnF, ms. fr. 18905, fol. 96r (voir aussi Ibid., ms. fr. 5896, fol. 1r ; Ibid., ms. Naf 22659, fol. 91r). Les trois éditions imprimées (Statutz et ordonnances, fol. A2 ; François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 564 ; Des Robert, Grand atour, p. 15) portent toutes les trois Commune.
  • [58]
    François, Tabouillot, Histoire de Metz, p. 580. Le seul autre acte de la période de la commune qu’éditent les bénédictins (p. 585) présente une suscription similaire, si ce n’est que le pour est remplacé par un simple et ; il est vrai que les bénédictins, contrairement à l’acte cité ci-dessus, ont recouru pour celui-ci à une copie qui a pu introduire cette variante.
  • [59]
    Reformation Kaiser Siegmunds, éd. H. Koller, Stuttgart, 1964.
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