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Article de revue

Avatars d'un griffonnage à succès : L'Epitaphe du duc Philippe de Bourgogne de Jean Molinet

Pages 25 à 44

Notes

  • [1]
    G. GROS, Le poète marial et l’art graphique. Étude sur les jeux de lettres dans les poèmes pieux du Moyen Âge, Caen, 1993, p. 45.
  • [2]
    Voir surtout P. ZUMTHOR, Le masque et la lumière. La poétique des grands rhétoriqueurs, Paris, 1978.
  • [3]
    J. DEVAUX, Jean Molinet, indiciaire bourguignon, Paris, 1996.
  • [4]
    Cette interprétation avait déjà été celle de C. THIRY dans deux articles importants : Rhétorique et genres littéraires au XVe siècle, Sémantique lexicale et sémantique grammaticale en moyen français. Colloque organisé par le Centre d’Études Linguistiques et Littéraires de la Vrije Universiteit Brussel (28-29 septembre 1978), éd. M. WILMET, Bruxelles, 1979, p. 23-50 ; ID., La poétique des grands rhétoriqueurs. À propos d’un ouvrage récent, Le Moyen Âge, t. 86,1980, p. 117-133. Voir aussi l’étude importante de F. CORNILLIAT, Or ne mens. Couleurs de l’éloge et du blâme chez les Grands Rhétoriqueurs, Paris, 1994.
  • [5]
    Cette approche a été tentée dans A. ARMSTRONG, The Practice of Textual Transmission : Jean Molinet’s Ressource du Petit Peuple, Forum for Modern Language Studies, t. 33,1997, p. 270-282.
  • [6]
    JEAN MOLINET, Les Faictz et dictz de Jean Molinet, éd. N. DUPIRE, t. 1, Paris, 1936, p. 34-35.
  • [7]
    Le texte imprimé (voir les témoins 35-37 ci-dessous) ajoute le couplet suivant après le v. 10 : Par trois fois fus requis pour gouverner l’empire ; Ceux qui me meurent guerre, ils en eurent du pire. (cité d’après ibid., t. 3, p. 930)
  • [8]
    Le texte imprimé ajoute le couplet suivant après le v. 24 : Du benoist saint Sepulchre freres et edifi ces J’ay bien entretenus en leur estat propices. (cité d’après ibid., t. 3, p. 930)
  • [9]
    Ibid., t. 1, p. 34 ; N. DUPIRE, Étude critique des manuscrits et éditions des poésies de Jean Molinet, Paris, 1932, p. 54,60,74,76,91. Nous préparons une nouvelle édition critique de la poésie de Molinet pour les Éditions H. Champion, ainsi qu’une bibliographie des manuscrits et éditions anciennes qui la transmettent.
  • [10]
    Ce manuscrit, recueil de documents historiques relatifs à la ville de Dijon, ne peut nous renseigner en rien sur la réception de l’Epitaphe dans la période qui nous intéresse, du fait qu’il est datable à la fi n du XVIIe siècle ; voir H. MARTIN, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de l’Arsenal, t. 3, Paris, 1887, p. 441-442.
  • [11]
    Voir DUPIRE, Étude critique, p. 9-48, et A. ARMSTRONG, Technique and Technology : Script, Print, and Poetics in France, 1470-1550, Oxford, 2000, p. 22-34. Le ms. de Gonville and Caius College (9) contient aussi de très nombreux textes de Molinet, mais n’est pas entièrement consacré à cet auteur : quelque 70 pièces occupent les deux tiers du volume. Voir ARMSTRONG, The Practice, p. 274, et infra.
  • [12]
    Il faut toutefois noter qu’il manque – ou manquait – quelques feuillets aux mss Tournai 105 et Rothschild 471 : voir DUPIRE, Étude critique, p. 10-28,37.
  • [13]
    Pour le contenu des éditions – dont celles de 1537 et de 1540 reproduisent le texte de 1531 – voir ibid., p. 87-98, et ARMSTRONG, Technique and Technology, p. 61-62.
  • [14]
    Le Trosne paraît dans JEAN MOLINET, Faictz et dictz, t. 1, p. 36-58.
  • [15]
    Sur le contenu du ms., voir infra, n. 29. À part les deux couplets supplémentaires qui se trouvent dans la version des Faictz et dictz (voir les n. 7-8 supra), le texte du ms. 13 contient des leçons frappantes telles que Contrariez si m’ont (v. 7) et Le concille de Basle (v. 29). Le premier couplet supplémentaire se retrouve aussi dans le ms. 3, transcrit apparemment après la parution des éditions (voir infra), avec des variantes intéressantes : Par trois fois refusay couronne d’empire, Contens des biens de Dieu : plus n’en vouloye eslire (fol. 18 v°). Le deuxième couplet supplémentaire n’est présent dans aucune autre version manuscrite.
  • [16]
    Voir A. ARMSTRONG, Two more rebus-poems by Jean Molinet ?, Scriptorium, t. 51,1997, p. 76-80, et ID., Technique and Technology, p. 36-37.
  • [17]
    Voir PARIS, Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, Section romane, Notice 2070.
  • [18]
    Voir Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, t. 32, Paris, 1897, p. 798-799.
  • [19]
    Sur cette invective et d’autres poèmes consacrés à la campagne bourguignonne contre Liège, voir C. THIRY, Les poèmes de langue française relatifs aux sacs de Dinant et de Liège 1466-1468, Liège et Bourgogne. Actes du colloque tenu à Liège les 28,29 et 30 octobre 1968, Paris, 1972, p. 101-127.
  • [20]
    Pour le Lyon Coronné, voir Le Lyon Coronné, éd. K. URWIN, Genève, 1958. Sur ce ms., voir Charles le Téméraire. Exposition organisée à l’occasion du cinquième centenaire de sa mort, éd. P. COCKSHAW, C. LEMAIRE et A. ROUZET, Bruxelles, 1977, p. 93-94 ; GEORGE CHASTELAIN, Le Temple de Bocace, éd. S. BLIGGENSTORFER, Berne, 1988, p. *52-*56.
  • [21]
    Voir L’Abuzé en court, éd. R. DUBUIS, Genève, 1973.
  • [22]
    Voir ARMSTRONG, The Practice, p. 279.
  • [23]
    Voir Quinze années d’acquisitions. De la pose de la première pierre à l’inauguration offi cielle de la Bibliothèque, Bruxelles, 1969, p. 108.
  • [24]
    Voir J. LEMAIRE, Meschinot, Molinet, Villon : témoignages inédits. Étude du Bruxellensis IV 541, suivie de l’édition de quelques ballades, Archives et Bibliothèques de Belgique, numéro spécial 20,1979.
  • [25]
    Voir L. THORPE, Two Epitaphs by Jean Molinet, Scriptorium, t. 8,1954, p. 283-288, et ID., Nicaise Ladam and Manuscript 283/2 of the Fitzwilliam Museum, Nottingham mediæval Studies, t. 2,1958, p. 67-85 ; F. WORMALD et P.M. GILES, A Descriptive Catalogue of the Additional Illuminated Manuscripts in the Fitzwilliam Museum acquired between 1895 and 1979, t. 1, Cambridge, 1982, p. 244-249.
  • [26]
    Voir K.M. MUNN, A Contribution to the Study of Jean Lemaire de Belges : A Critical Study of Bio-bibliographical Data, Including a Transcript of Various Unpublished Works, Scottdale, 1936, p. 184-185 ; JEAN MOLINET, Les Pronostications Joyeuses, éd. J. KOOPMANS et P. VERHUYCK, Genève, 1998, p. 17. Nous préparons une étude détaillée de ce manuscrit.
  • [27]
    Voir P. FAIDER, P.P. DEBBAUDT et A.M. FAIDER-FEYTMANS, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de Belgique, t. 3, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque publique de la ville de Courtrai, Gembloux, 1936, p. 192-193.
  • [28]
    Voir F. AVRIL et N. REYNAUD, Les manuscrits à peintures en France 1440-1520, Paris, 1993, p. 100-101 ; MARTIN LE FRANC, Le Champion des Dames, éd. R. DESCHAUX, t. 1, Paris, 1999, p. XIV.
  • [29]
    Voir JEAN LEMAIRE DE BELGES, Traicté de la différence des schismes et des conciles de l’Église, avec l’Histoire du Prince Sophy et autres œuvres, éd. J. BRITNELL, Genève, 1997, p. 40 n. 80 ; Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, t. 26, Paris, 1897, p. 445-452.
  • [30]
    Voir A Catalogue of the Harleian Manuscripts in the British Museum, t. 3, Londres, 1808, p. 162.
  • [31]
    Sur ce manuscrit, acquis par l’Université de Manchester en 1997, voir C. CREW, A Study of Rylands French MS 144, Mém. de Maîtrise, Université de Manchester, 2000.
  • [32]
    Voir A. LOUANT, Le Livre de Ballades de Jehan et Charles Bocquet, bourgeois de Mons au XVIe siècle, Bruxelles, 1954.
  • [33]
    Voir P. FAIDER et A.M. FAIDER-FEYTMANS, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque publique de la ville de Mons, Gand-Paris, 1931, p. 269-270.
  • [34]
    Bibliothèque Nationale – Département des manuscrits, Catalogue des manuscrits français, t. 3, Paris, 1881, p. 110-113.
  • [35]
    Voir G. HALLIGAN, La Chronique de Mathieu d’Escouchy, Romania, t. 90,1969, p. 100-101.
  • [36]
    Voir Bibliothèque Nationale – Département des manuscrits, Catalogue des manuscrits français, t. 4, p. 500-501.
  • [37]
    Voir JEAN ROBERTET, Œuvres, éd. M. ZSUPPÁN, Genève, 1970, p. 33.
  • [38]
    Voir H. OMONT, C. COUDERC, L. AUVRAY et C. DE LA RONCIÈRE, Bibliothèque Nationale, Catalogue général des manuscrits français : Ancien Saint-Germain français, t. 1, Paris, 1898, p. 14-16.
  • [39]
    Voir ibid., t. 3, p. 429.
  • [40]
    Voir Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, t. 24, Paris, 1894, p. 248-250 ; M.R. JUNG, Simon Gréban, rhétoriqueur, Rhétorique et mise en prose au XVe siècle. Actes du VIe colloque international sur le moyen français. Milan, 4-6 mai 1988, éd. S. CIGADA et A. SLERCA, t. 2, Milan, 1991, p. 62 n. 19.
  • [41]
    Voir Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, t. 9, Paris, 1888, p. 2.
  • [42]
    Voir PARIS, Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, Section romane, Notice 1647.
  • [43]
    Voir JEAN LEMAIRE DE BELGES, Épistre du roy à Hector et autres pièces de circonstance 1511-1513, et JEAN D’AUTON, Épistre d’Hector au roy, éd. A. ARMSTRONG et J. BRITNELL, Paris, 2000, p. LII-LIV.
  • [44]
    Voir L’Abuzé en court, p. XII-XIII.
  • [45]
    Voir H. HAGEN, Catalogus Codicum Bernensium, Berne, 1875, p. 256-260.
  • [46]
    Voir DUPIRE, Étude critique, p. 56-66.
  • [47]
    Voir Bibliothèque Nationale – Département des manuscrits, Catalogue des manuscrits français, t. 3, p. 173-179.
  • [48]
    Voir ARMSTRONG, Technique and Technology, p. 59-62. La succession des éditions, leur publication par divers libraires et le privilège de quatre ans qui accompagne la première indiquent que ces recueils représentaient des affaires bien rentables, dont les prévisions de vente justifi aient l’investissement initial (voir ibid., p. 56-57). La suppression de la dimension politique des œuvres n’y est sans doute pas pour rien : voir A. ARMSTRONG, Cosmetic surgery on Gaul : The printed reception of Burgundian writing in France before 1550, Print and Power in France and England, 1500-1800, éd. D. ADAMS et A. ARMSTRONG, Aldershot, 2006, p. 18-22.
  • [49]
    Trois de ces mss n’ont pas été décrits ci-dessus : 10 Manuscrit sur papier du XVe siècle consacré à l’Arbre des batailles d’Honoré Bouvet : voir Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, t. 34, Paris, 1901, p. 215-216 ; 28 Manuscrit sur papier du XVe siècle, dont 80 % sont occupés par une traduction française des Trionfi de Pétrarque : voir É. PELLEGRIN, Manuscrits de Pétrarque dans les bibliothèques de France. III, Italia medioevale e umanistica, t. 7,1964, p. 481-483 ; 32 Manuscrit du début du XVIe siècle sur parchemin, consacré au Roman de la Rose : voir E. LANGLOIS, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. 33/2, Notices des manuscrits français et provençaux de Rome antérieurs au XVIe siècle, Paris, 1889, p. 284-286.
  • [50]
    Dans toutes les citations de manuscrits et d’éditions anciennes, nous avons modernisé la ponctuation et l’emploi des majuscules. Les crochets indiquent des abréviations résolues.
  • [51]
    Nous citons d’après op. cit., p. 284.
  • [52]
    La date est précisée dans une variante du v. 31 dans le ms. 9 : En l’an lxvij de juing xve tampz (fol. 87 r°).
  • [53]
    Voir A. VIAENE, Bij een vijfhonderdste verjaring : De grote dode van het Prinsenhof. Uitvaart en bijzetting van hertog Filips de Goede, Brugge 1467, Biekorf, t. 68,1967, p. 321-332.
  • [54]
    Ibid., p. 328-331. C’est la Chartreuse que mentionne le titre de l’Epitaphe dans le ms. 33 : C’est l’epytaphe du bon duc Ph[ilipp]e de Bourg[og]ne, conte de Flandres etc., qui fut fi lz du duc Jehan de Bourg[og]ne, icelluy Jehan fi lz du duc de Bourg[og]ne Ph[ilippe] le Hardy, icelluy Ph[ilipp]e fi lz du roy de France et de madame Bonne de Lehanne [sc. Bonne de Luxembourg]. Et repose le corps dud[it] bon duc Ph[ilipp]e aux Chartreux de Dijon en la ducé de Bourg[og]ne (fol. 410 r°).
  • [55]
    Voir P. QUARRÉ, Les caveaux des ducs de Bourgogne à la chartreuse de Champmol, Revue belge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art, t. 22,1953, p. 115-121. Nous remercions N. GEIRNAERT, des Archives Municipales de Bruges, de nous avoir informé sur le tombeau ducal à Saint-Donatien.
  • [56]
    On trouve de semblables références déictiques à des tombeaux imaginaires dans les Anciennes et modernes genealogies des Roys de France du rhétoriqueur poitevin Jean Bouchet, entre autres ; voir ARMSTRONG, Technique and Technology, p. 198. À noter que ce vers ne peut impliquer de tombeau qu’à Dijon, où gisaient les pere et ave de Philippe.
  • [57]
    Deux manuscrits restent à décrire : il s’agit des mss 17 et 26, qui appartenaient tous les deux à la famille Robertet. Le ms. 17 fut transcrit au début du XVIe siècle, sans doute par Jean-Jacques Robertet, petit-fi ls du rhétoriqueur Jean, qui copia aussi deux volumes apparentés, B.N.F., mss fr. 1716 et 1721. Le ms. 26 est une copie directe ou indirecte des trois manuscrits transcrits par Jean-Jacques Robertet : il contient essentiellement les mêmes textes, dans le même ordre. Les deux volumes contiennent de nombreux poèmes, aux formes et orientations politiques diverses ; plusieurs textes portent des attributions explicites. Voir JEAN ROBERTET, Œuvres, p. 11-14,16-17.
  • [58]
    Les v. 5-6 résument un processus qui s’étend sur plus de vingt ans. Philippe acheta le comté de Namur en 1421, et conquit la Hollande, la Zélande et le Hainaut entre 1428 et 1433. Il acquit le duché de Brabant, ainsi que le Limbourg – rendu au Brabant par Philippe le Hardi en 1401 – en 1430, en faisant reconnaître son titre au duché par les États de Brabant. Enfi n, il conquit Luxembourg en 1443. R. VAUGHAN, Valois Burgundy, Londres, 1975, p. 14-22, raconte brièvement ces acquisitions, et observe qu’on ne devrait pas en attribuer le mérite à Philippe seul : « the way towards the acquisition of these lands had in every single case been prepared by his grandfather » (p. 18).
  • [59]
    Les v. 7-8 sont peu clairs, les hostilités entre Philippe, l’Angleterre et l’Empire étant rares. À moins que les événements auxquels ces vers font allusion ne soient les mêmes que ceux que mentionne le couplet suivant, il ne peut s’agir que de la déclaration de guerre impériale que fi t l’empereur Sigismond en 1434 – guerre qui resta à l’état virtuel – et des troupes de Humphrey, duc de Gloucester, qui combattirent contre Philippe en 1424-1426. Voir R. VAUGHAN, Philip the Good : The Apogee of Burgundy, Londres, 1970, p. 67-72,37-38,42-44. Les v. 9-10 font allusion à la période 1436-1438, où Philippe se vit assaillir de divers côtés. Après l’échec d’un siège bourguignon de Calais, Humphrey envahit la Flandre en été 1436 ; le combat continua jusqu’en 1438, sans grands succès du côté bourguignon (ibid., p. 73-85). En 1437 le Limbourg fut envahi par des troupes allemandes sous Louis de Hesse, avec le soutien de l’empereur Sigismond : l’entreprise fut un échec total (ibid., p. 73). L’agression française se manifesta dans les déprédations des « écorcheurs », qu’encourageait Charles VII, en Bourgogne à la fi n des années 1430 (ibid., p. 94-96).
  • [60]
    Il est diffi cile d’identifi er sept batailles auxquelles Philippe fut présent en personne. Les plus probables sont Mons-en-Vimeu (1421 : ibid., p. 12-14), Brouwershaven (1426 : ibid., p. 42-44), Rupelmonde (1453 : ibid., p. 321), et Gavre (1453 : ibid., p. 328-332). On pourrait peut-être citer les campagnes victorieuses qui assurèrent la conquête de Hollande (1425-1428 : ibid., p. 40-49) et du Luxembourg (1443 : ibid., p. 274-282), ainsi qu’une brève campagne en 1433 (ibid., p. 66-67). Le chiffre sept est peut-être employé pour sa valeur hautement symbolique, plutôt que pour son exactitude historique ; nous remercions G. SMALL de cette suggestion. Quoi qu’il en soit, il faut souligner le caractère partiel et partial de ce couplet. Non seulement Molinet ne mentionne pas certains échecs militaires où le duc est impliqué (p. ex. l’attaque sur Amersfoort en 1427 et le siège de Crotoy en 1437 : ibid., p. 48,84), mais le règne de Philippe était relativement paisible. D’ailleurs, Philippe ne fi t pas preuve d’une grande habileté de général à Gavre.
  • [61]
    Plusieurs révoltes éclatèrent en Flandre dans les années 1430, p. ex. à Gand, à Grammont et à Bruges, tandis qu’en 1452-1453 une révolte à Gand dégénéra en une guerre ouverte contre Philippe : ibid., p. 85-92,303-333. Pour les hostilités entre Philippe et Liège en 1429-1431, et les relations entre ces deux parties dans les années suivantes, voir ibid., p. 58-62,220-224. Les campagnes contre Liège et Dinant qui commencèrent en 1465 – matière d’actualité lors de la rédaction de ce poème – furent menées par Charles le Téméraire : voir C. BRUSTEN, Les campagnes liégeoises de Charles le Téméraire, Liège et Bourgogne, p. 81-99 ; P. GORISSEN, La politique liégeoise de Charles le Téméraire, Liège et Bourgogne, p. 129-145.
  • [62]
    Sur la Toison d’Or, voir M. VALE, War and Chivalry : Warfare and Aristocratic Culture in England, France and Burgundy at the End of the Middle Ages, Londres, 1981, p. 34-51. Sur l’importance de la croisade dans la politique et l’idéologie de la cour de Philippe, voir H. MÜLLER, Kreuzzugspläne und Kreuzzugspolitik des Herzogs Philippe des Guten von Burgund, Göttingen, 1993. Quelques échos littéraires de cette idéologie sont examinés dans J. DEVAUX, Le Saint Voyage de Turquie : croisade et propagande à la cour de Philippe le Bon (1463-1464), A l’heure encore de mon escrire. Aspects de la littérature de Bourgogne sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire, éd. C. THIRY, Les Lettres Romanes, hors série, 1995, p. 53-70. Le deuxième couplet supplémentaire dans la tradition imprimée renforce cet éloge d’un Philippe pilier de l’Église (voir supra, n. 8).
  • [63]
    Philippe défendit à ses sujets de tenir compte des décrets du concile, et envoya au synode de Ferrare des ambassadeurs qui jouèrent un rôle crucial dans la conclusion de l’union des églises latine et grecque, à la grande joie du pape. Voir J. TOUSSAINT, Les relations diplomatiques de Philippe le Bon avec le concile de Bâle (1431-1449), Louvain, 1942, p. 160-179.
  • [64]
    Sur la Paix d’Arras, voir surtout J.G. DICKINSON, The Congress of Arras 1435. A Study in Medieval Diplomacy, Oxford, 1955. Plusieurs historiographes bourguignons regardèrent la Paix de la même façon que Molinet : voir M. ZINGEL, Frankreich, das Reich und Burgund im Urteil der burgundischen Historiographie des 15. Jahrhunderts, Sigmaringen, 1995, p. 68,81-82,115,147.
  • [65]
    Voir P.M. KENDALL, Louis XI : « …the universal spider… », 2e éd., Londres, 1974, p. 94-126. Après la Guerre du Bien public de 1465, ce couplet ne pouvait que souligner l’ingratitude de Louis envers son oncle.
  • [66]
    Sur la victoire de Bulgnéville, voir B. SCHNERB, Bulgnéville (1431). L’État bourguignon prend pied en Lorraine, Paris, 1993. Sur le soutien quelque peu tiède qu’avait prêté Philippe à Édouard, comte de March (fi ls de Richard, duc d’York), et aux autres lords yorkistes réfugiés à Calais en 1459, voir M.R. THIELEMANS, Bourgogne et Angleterre. Relations politiques et économiques entre les Pays-Bas bourguignons et l’Angleterre 1435-1467, Bruxelles, 1966, p. 374-375. Des troupes bourguignonnes combattirent pour Édouard à Towton (C. ROSS, Edward IV, Londres, 1974, p. 35). Toutefois, on ne peut guère affi rmer que c’est ce soutien qui vaut à Édouard sa couronne, malgré ce qu’affi rme Édouard selon Chastelain (GEORGES CHASTELLAIN, Œuvres, éd. J.B.M.C. KERVYN DE LETTENHOVE, t. 4, Bruxelles, 1863, p. 156).
  • [67]
    Voir p. ex. ZINGEL, Frankreich, das Reich und Burgund, p. 87,171-173 ; J.C. DELCLOS, Le Témoignage de Georges Chastellain, historiographe de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire, Genève, 1980, p. 148-153. Sur les ambitions royales de Philippe lui-même, voir VAUGHAN, Valois Burgundy, p. 28-29 ; J. SCHNEIDER, Lotharingie, Bourgogne ou Provence ? L’idée d’un royaume d’entre-deux aux derniers siècles du Moyen Âge, Liège et Bourgogne, p. 28-32. On peut aussi considérer sous cette rubrique le premier couplet supplémentaire dans la version imprimée (voir supra, n. 7), qui reprend une tradition bien établie selon laquelle Philippe aurait refusé par trois fois le sacré sceptre imperial (JEAN MOLINET, Le Trosne d’Honneur, dans Les Faictz et dictz, t. 1, p. 53). Voir DEVAUX, Jean Molinet, p. 261 n. 356 ; ZINGEL, Frankreich, das Reich und Burgund, p. 22-23. Sur Philippe et l’Empire en général, voir Y. LACAZE, Philippe le Bon et l’Empire : bilan d’un règne, Francia, t. 9,1981, p. 133-175 ; t. 10,1982, p. 167-227.
  • [68]
    Sur Charles et l’Empire, voir R. VAUGHAN, Charles the Bold : The Last Valois Duke of Burgundy, Londres, 1973, p. 123-155. Non que Molinet dût donner son aval à toutes les visées de Charles ; voir DEVAUX, Jean Molinet, p. 260-261.
  • [69]
    Voir M.R. JUNG, L’Alexandrin au XVe siècle, Orbis Mediævalis. Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à Reto Raduolf Bezzola à l’occasion de son quatrevingtième anniversaire, éd. G. GUINTERT, M.R. JUNG et K. RINGGER, Berne, 1978, p. 215. La plupart des épitaphes en vers qui accompagnent l’Epitaphe dans le ms. 21 sont composées en alexandrins.
  • [70]
    Ibid., p. 205.
  • [71]
    Dans le ms. 8, l’approche inverse est adoptée dans une partie de la Cronique abregié de Nicaise Ladam (fol. 154 r°-180 v°). Les quatrains d’hexasyllabes sont copiés à raison de deux vers par ligne, comme si c’étaient des alexandrins à rime intérieure : voir THORPE, Nicaise Ladam, p. 82.
  • [72]
    Dans le ms. 30, le premier couplet cause plus de confusion : le copiste lit mal la référence initiale à Jean sans Peur et intitule le poème Epythaphe de feu Jehan duc de Bourg[og]ne (fol. 3 v°).
  • [73]
    JUNG, L’Alexandrin, p. 207.
  • [74]
    Pour cette distinction narratologique, voir G. GENETTE, Nouveau discours du récit, Paris, 1983, p. 10-15.
  • [75]
    Toponymes fort confus : primauté de l’écho sonore (-lande x 4) sur l’exactitude historique.
  • [76]
    Que l’on note l’erreur de fait dans ce vers.
  • [77]
    Le texte de ce vers (v. 34 dans la version type) répète en grande partie celui du v. 25 (v. 27 dans la version type) : la confusion dérive sans doute de la répétition du verbe (se) conclure.
  • [78]
    On verra qu’il manque à cette version les v. 8-10 et 15 de la version type. Le v. 16 suit ici le v. 7 ; les v. 17-18 et 19-20 sont intervertis pour constituer les v. 13-16 de cette version. Les v. 29-30 sont déplacés plus haut et constituent ici les v. 19-20 : il en résulte un lien direct fort commode entre la référence à la mort du duc et la date de cette mort (v. 28,31 ; v. 26-27 ici). Le texte du ms. 10 contient donc moins de détails des révoltes et confl its auxquels Philippe dut faire face, et présente les faits pieux du duc en ordre nettement chronologique (v. 19-26 ici). À noter que ni cette version ni la version type ne présente les détails du règne dans un ordre chronologique global.

1Parmi les historiens de la littérature française du bas Moyen Âge, Jean Molinet, indiciaire bourguignon de 1475 à 1507, est renommé surtout pour son « apostolat du style [1] », que les études de P. Zumthor ont monté en paradigme de la poétique des grands rhétoriqueurs [2]. Quelques ouvrages récents, en particulier un livre excellent de J. Devaux [3], ont nuancé cette image de technicien formaliste en soulignant les bases idéologiques qui sous-tendent l’écriture multiforme du chanoine de Valenciennes. Sa virtuosité formelle constituerait une exploration du langage poétique non pour miner le « discours de la gloire », comme le suggère P. Zumthor, mais pour chercher un mode d’expression qui convienne à l’importance des questions d’actualité qu’il traite en poésie, en prose et en théâtre [4]. Revalorisation fort judicieuse, à laquelle nous souscrivons très volontiers. Il n’empêche qu’un examen de la transmission textuelle des œuvres de Molinet peut parfois éclairer les choses davantage, tout en suggérant de nouvelles perspectives sur la relation entre forme et idéologie [5]. Aussi bizarre que cela puisse paraître à ceux qui croient en un Molinet-laborantin, voire en un Molinet-conscience de cour, le texte dont il reste le plus grand nombre de témoins est assez modeste sur le plan de l’élaboration formelle ainsi que sur celui du discours historico-didactique. Il s’agit de l’Epitaphe du duc Philippe de Bourgogne, court poème d’alexandrins en rimes plates [6]. En analysant la réception de ce texte à partir de ses témoins manuscrits et imprimés, nous espérons cerner la façon dont ce texte fut lu par les contemporains de Molinet, ainsi que les enjeux de sa versifi cation.

2Par souci de commodité, nous reproduisons ci-dessous le poème tel que le présente l’édition critique de N. Dupire :

3

Jehan fut né de Philippe, qui du roy Jehan fut fi lz,
Et de Jehan je Philippe, que mort tient en ses fi lz.
Mon pere me laissa Bourgoingne, Flandre, Artois,
4 Succeder y devoie par toutes bonnes loix.
J’ay creu ma seignourie de Brabant et Limbourg,
Namur, Hainau, Zelande, Hollande, Luxembourg.
Contraires m’ont esté Allemans et Englois,
8 Deboutez les en ay par armes et par drois ;
D’ung meismes tamps, Franchois, Englois me deffi erent,
Et l’empereur aussi : riens du mien ne gaignierent[7].
Mais par Charles septiesme j’euz guerre a grant desroy :
12 Il me requist de pais, dont il demoura roy.
Sept batailles soustins, desquelles j’eus victoire,
Oncque une n’en perdy : a Dieu en soit la gloire.
Contre moy se sont meus et Flamens et Liegeois,
16 Mais je les ay remis et vaincus plusieurs fois.
Par Barrois et Lorraine Regnier guerre me meut :
De Secille estoit roy, mais mon prisonnier fut.
Loÿs, le fi ls de Charle, fugitif et marry,
20 Fut par moy coronné, quand chincq ans l’eus nourry.
Edouart, duc d’Iorcq, decha vint en ma terre,
Par mon port et faveur, il fut roy d’Engleterre.
Pour deffendre l’Eglise, qu’est de Dieu la maison,
24 J’ai mis sus la noble orde, qu’on dit de la Toison[8]
Et pour la loy crestienne maintenir en vigour
J’envoyay mes gallees jusque a la mer Majour.
En mes vieulx jours j’avoie conclut et entreprins
28 Y aller en personne, se mort ne m’eust surprins.
Le conseil, par haïne, pape Eugene priva :
Telle faveur luy fi s que pape demoura.
En l’an soixante sept avec quatorze cens
32 Payai droit de nature a soixante et onze ans.
Avec mon pere et ave, je suis icy renclus,
Ainsi qu’en mon vivant m’y estoie conclus.
Le bon Jesus fut guide en tous mes faictz et dictz,
36 Priez lui, qui lisiés, qu’i me doint paradis.

4Dans son édition ainsi que dans son étude bibliographique, vieillie mais toujours indispensable, N. Dupire identifi e plusieurs manuscrits et éditions anciennes qui transmettent l’Epitaphe[9]. Toutefois, l’existence de nombreux autres témoins impose la mise à jour de ce dossier :
Manuscrits

  1. Berne, Bibliothèque municipale, ms. 211, fol. 160 r°
  2. Besançon, Bibliothèque municipale, ms. 588, fol. A r°-v° (feuillet de garde)
  3. Besançon, Bibliothèque municipale, ms. 1152, fol. 18 r°-v°
  4. Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, ms. 21521-21531. fol. 207 r°-v°
  5. Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, ms. 21551-21569, fol. 115 r°-116 r°
  6. Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, ms. IV, 144, fol. 110 v°-111 r°
  7. Bruxelles, Bibliothèque royale Albert Ier, ms. IV, 541, fol. 165 r°-v°
  8. Cambridge, Fitzwilliam Museum, ms. 283/2, fol. 114 r°
  9. Cambridge, Gonville and Caius College, ms. 187 : 220, fol. 86 v°-87 r°
  10. Carpentras, Bibliothèque Inguimbertine, ms. 409, feuillet de garde
  11. Courtrai, Stedelijke openbare bibliotheek, ms. 358 (XVI, 37), fol. 4 r°-v°
  12. Grenoble, Bibliothèque municipale, ms. 875, fol. 439 r°-v°
  13. Lille, Bibliothèque municipale, ms. 432 (anc. 622), fol. 28 v°
  14. Londres, British Library, ms. Harley 4476, fol. 332 v°-333 r°
  15. Manchester, John Rylands University Library, French MS 144, p. 45
  16. Mons, Archives de l’État, ms. divers 114, fol. 14 r°-v°
  17. Mons, Bibliothèque publique, ms. 226/124, fol. 151 r°-v° [Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 3617, p. 72-74] [10]
  18. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 1717, fol. 97 r°-v°
  19. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 2375, fol. 81 r°-v°
  20. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 3887, fol. 209 r°
  21. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 3939, fol. 5 r°-v°
  22. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 4907, fol. 113 v°
  23. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 5061, fol. 130 v°
  24. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 12788, fol. 128 v°
  25. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 15464, fol. 200 r°-201 r°
  26. Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 19894, fol. 47 r°-v°
  27. Paris, Bibliothèque nationale de France, n. a. fr. 10262, fol. 134 r°-v°
  28. Paris, Bibliothèque nationale de France, n. a. fr. 10867, fol. 83 v°
  29. Rennes, Bibliothèque municipale, ms. 594, fol. 101 v°
  30. Salins, Bibliothèque municipale, ms. 1, fol. 3 v°
  31. Valenciennes, Bibliothèque municipale, ms. 776, fol. 151 r°-152 r°
  32. Vatican, Biblioteca apostolica vaticana, ms. Ottoboni lat. 1212, fol. 1 v° (feuillet de garde)
  33. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. 2579, fol. 38 v°-40 r°
  34. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. 3391, fol. 410 r°-v° Éditions anciennes
  35. Les Faictz et dictz de feu de bonne memoire maistre Jehan Molinet, Paris, pour Jean Longis et la veuve Jean Saint-Denis, le 9 décembre 1531 (PARIS, B.N.F., Rés. Ye 41), fol. G5 r°-v°
  36. Les Faictz et dictz, Paris, pour Jean Longis (plusieurs libraires), 1537 (PARIS, B.N.F., Rés. Ye 1339), fol. H5 r°
  37. Les Faictz et dictz, Paris, pour Alain Lotrian (plusieurs libraires), 1540 (PARIS, B.N.F., Rés. Ye 1340), fol. i1 v°-i2 v°

5 Outre ces trente-sept témoins, il faut aussi signaler trois absences signifi - catives. L’Epitaphe n’est pas conservée dans les mss Tournai, Bibliothèque communale, 105 (perdu en 1940), Arras, Bibliothèque municipale, 619, ni B.N.F., coll. Rothschild, ms. 471. Détail frappant, car ces manuscrits sont les seuls que l’on puisse qualifi er d’anthologies consacrées à la poésie de Molinet [11]. Ces trois volumes conservant tous les types de poèmes qu’a produits notre chanoine – politiques, religieux, ludiques, grivois – il est vraiment surprenant qu’on n’y trouve aucune trace d’un texte par ailleurs si répandu [12]. Serait-on en droit de supposer que l’attribution de l’Epitaphe à Molinet serait abusive ? Tentation d’autant plus forte que le ms. 13 est le seul témoin, à part les trois éditions posthumes, à signaler que Molinet en est l’auteur, le nom Molinet étant écrit au-dessous du poème. Même les éditions n’attribuent le poème que de façon implicite, de par leur qualité d’« œuvres poétiques [presque] complètes [13] ». En effet, l’Epitaphe n’est guère visible dans les éditions, où elle n’a ni titre ni mention dans la table des matières ; elle suit directement le Trosne d’Honneur, ample commémoration allégorique du règne de Philippe, dont l’Epitaphe semble constituer un simple épilogue [14]. Qui plus est, l’attribution dans le ms. 13 n’a sans doute pas de grande valeur en elle-même, car le texte manuscrit dérive de toute évidence de la tradition imprimée : non seulement l’Epitaphe partage les leçons des éditions, mais le manuscrit contient quelques textes portant sur les années 1530 et 1540, indice qu’il est bien postérieur aux Faictz et dictz[15].

6Il serait pourtant téméraire de douter de la paternité de l’Epitaphe en raison du manque d’attributions. Rappelons-nous que, même à cette étape très tardive de la culture manuscrite, les copistes n’attribuaient un texte à un auteur nommé qu’assez rarement. Dans le milieu littéraire qui nous intéresse, il n’y a qu’à signaler le ms. B.N.F. fr. 19165, recueil important des poèmes de Molinet, qui occupent trois cahiers reliés devant un exemplaire du roman de Cléomadès, et qui sont tous adespotes [16]. De toute façon, dans plusieurs manuscrits la proximité de l’Epitaphe avec des poèmes explicitement attribués à Molinet a pu au moins suggérer que ce dernier en est l’auteur. Dans 7, par exemple, l’Epitaphe est transcrite entre La tresdesirée et prouffi table Naissance de Charles d’Austrice et La Journée de Therouenne, tous deux attribués à maistre Jehan Molinnet (fol. 165 v°), tandis que dans 9 elle fait partie d’un groupe important de textes par Molinet (bien que ceux qui se trouvent immédiatement avant et après l’Epitaphe soient adespotes). Autant dire qu’il n’y a pas de bonnes raisons de douter que Molinet soit l’auteur du texte qui nous occupe. Toutefois, il importe de se demander pourquoi cette question avait de toute évidence si peu d’importance aux yeux des copistes.

7Le manque d’attributions suggère d’abord que les renseignements fournis sur Philippe le Bon étaient considérés comme plus importants que l’identité du poète. En effet, les manuscrits où paraît l’Epitaphe sont très souvent consacrés pour l’essentiel à l’histoire récente, surtout bourguignonne, ou ils sont produits dans le milieu bourguignon :
2. Recueil sur papier de pièces surtout historiques et didactiques, datant de la fi n du XVe ou du début du XVIe siècle. On trouve des essais de plume d’une main contemporaine sur un feuillet de garde, dont Vive Bourgoingne et Felix Burgundia vivat[17].

83. Manuscrit sur papier qui recueille de nombreux textes portant sur l’histoire, spécialement sur les relations franco-bourguignonnes (p. ex. Paix d’Arras de 1435, Paix de Péronne de 1468 ; l’Epitaphe s’insère entre ces deux pièces). Le volume date du milieu du XVIe siècle, la main originale ayant transcrit des textes qui couvrent les événements jusqu’à 1544 ; des mains postérieures mettent à jour les entrées [18].

94. Recueil sur papier datant de ca 1480, qui rassemble surtout des textes composés en milieu bourguignon ou concernant l’histoire des Pays-Bas bourguignons. L’on y trouve une lettre de Jean de Lannoy à son fi ls, le Temple de Bocace et le Miroir de Mort de George Chastelain, l’anonyme Correxion des Liégois[19], et deux amples textes qui commémorent Philippe le Bon et pleurent son décès : l’anonyme Lyon Coronné et le Trosne d’Honneur de Molinet, que suit l’Epitaphe[20].

105. Recueil factice sur papier datant des années 1520-1530. Trois mains distinctes : la première transcrit des textes portant sur le thème de la noblesse, la deuxième reproduit l’Abuzé en court[21], et la troisième copie des pièces de circonstance, dont plusieurs sont des réactions bourguignonnes à la bataille de Pavie célébrant la défaite de François Ier. L’Epitaphe est le premier texte transcrit par cette troisième main [22].

116. Recueil sur papier de textes divers : poésie de circonstance, textes moraux et religieux, etc. Le volume semble avoir été copié dans le dernier quart du XVe siècle en Auvergne ou Bourgogne ; plusieurs textes concernent les Pays-Bas méridionaux [23].

127. Copie datée de 1568 d’un manuscrit produit après 1525, ce ms. sur papier contient 258 textes extrêmement divers, dont quatorze de Molinet. Plusieurs textes commentent des événements politiques concernant le Nord de la France ou les Pays-Bas bourguignons, ou soutiennent la cause bourguignonne [24].

138. Recueil sur papier de textes transcrits par diverses mains ca 1527, ce ms. fait pendant à un volume (ms. 283/1) qui transmet Le Romant de Jehan, duc de Bourgongne. Il contient aussi une partie des Croniques d’Enguerrand de Monstrelet (copiée de l’édition de 1518), des comptes rendus de traités signés au XVe siècle concernant les ducs de Bourgogne, et plusieurs poèmes de circonstance par Molinet et Nicaise Ladam (dont une version ample de la Cronique abregié de ce dernier) [25].

149. Manuscrit sur papier copié pour la plupart au début des années 1520 par Jean Hanon, natif sans doute de Beauvais, et son fi ls Arturus. Les nombreux textes dans ce recueil (voir ci-dessus n. 11) se concentrent sur le nord-est de la France [26].

1511. Petit recueil (8 fol.) sur papier de lettres et d’inscriptions historiques, dont une lettre à Philippe le Bon racontant le déroulement de la bataille de Montlhéry, et une inscription qui fait allusion à la destruction de Liège par Charles le Téméraire : l’Epitaphe s’insère entre ces deux textes [27].

1612. Manuscrit sur papier consacré surtout au Champion des dames de Martin Le Franc, poème offert à Philippe le Bon ; le volume est richement illustré par un artiste travaillant dans le sud des Pays-Bas bourguignons [28].

1713. Compilé par Antoine le Karon, moine de l’abbaye de Cysoing mort en 1547, ce ms. sur papier rassemble des extraits de l’histoire récente et contemporaine, concernant pour la plupart le nord de la France et les Pays-Bas bourguignons [29].

1814. Manuscrit sur papier qui contient les Mémoires (1448-1467) de Jacques Du Clercq, chroniqueur bourguignon ; le premier livre en fut copié environ pasques 1571 (fol. 66 r°) [30].

1915. Recueil sur papier du XVIe siècle, qui contient, outre la Cronique abregié de Nicaise Ladam (p. 133-327), divers poèmes de circonstance relatifs au nord-est de la France et aux Pays-Bas bourguignons, dont cinq poèmes de Molinet [31].

2016. Recueil très hétérogène sur papier appartenant à Jean et Charles Bocquet, bourgeois de Mons, et contenant 145 textes transcrits par diverses mains du XVIe siècle (la période de transcription semble s’étendre de 1529 à 1600). Plusieurs pièces traitent d’événements d’intérêt local, ou de la rivalité entre la France et l’Empire : quelques pièces célébrant la bataille de Pavie se trouvent aussi dans notre ms. 5[32].

2117. Manuscrit sur papier du XVIe siècle, consacré surtout à des pronostications et des textes astrologiques (fol. 2 r°-90 v°) ; l’Epitaphe suit deux autres épitaphes, dont la première traite de Philippe le Beau (fol. 148 r°) [33].

2220. Grand recueil sur papier de courts textes, pour la plupart historiques et didactiques. Plusieurs pièces traitent du confl it entre le Téméraire et Louis XI, ou concernent la ville de Dijon [34].

2322. Manuscrit du XVe siècle sur papier qui reproduit un ample fragment de la Chronique de Matthieu d’Escouchy [35].

2423. Recueil du XVe siècle sur parchemin qui se concentre sur le confl it entre Jean Sans Peur et Louis d’Orléans, surtout sur les conséquences légales du meurtre de ce dernier [36].

2524. Manuscrit sur papier exécuté sans doute pour Guillaume Cousinot, qui comprend plusieurs textes concernant l’histoire politique du XVe siècle [37].

2625. Recueil sur papier de pièces concernant l’histoire et la diplomatie à la fi n du XVe et au début du XVIe siècles [38].

2726. Manuscrit sur parchemin du XVe siècle comprenant un résumé des statuts de l’Ordre de la Toison d’Or et le texte de la paix de Gavre (1453). L’Epitaphe a été ajoutée par la même main sur un bifolium supplémentaire [39].

2829. Recueil du XVe siècle sur papier, consacré surtout au roman en prose Baudouin de Flandre (fol. 3 r°-101 r°) mais contenant aussi plusieurs pièces historiques, surtout des épitaphes : on y trouve la Complainte d’Hector de George Chastelain et les Épitaphes de Charles VII de Simon Gréban [40].

2930. Manuscrit sur papier consacré à la Vita Jesu Christi e quatuor Evangeliis et scriptoribus orthodoxis concinnata de Ludolphe de Saxe. Copié par Jean Perrot, chapelain de l’hôpital du Saint-Sépulcre de Salins [41].

3031. Manuscrit sur papier postérieur à 1473, écrit à Valenciennes. Textes divers, surtout historiques et d’orientation bourguignonne ; la plupart du volume contient des pièces d’Olivier de la Marche et de Michault Taillevent [42].

3133. Recueil sur parchemin produit et transmis en milieu bourguignon : les commanditaires en furent sans doute Jean de Pontallier et Antoinette de Vergy. De nombreux textes très divers, dont plusieurs concernent l’histoire et les ducs de Bourgogne [43].

3234. Très ample recueil sur parchemin des XVe et XVIe siècles (diverses mains), consacré essentiellement à des pièces didactiques en vers ou en prose : l’Abuzé en court, le Chevalier délibéré d’Olivier de la Marche, etc. Plusieurs textes par des auteurs bourguignons : La Marche, Chastelain, Jean Lemaire de Belges [44].

33Trois autres manuscrits, sans orientation historique ou bourguignonne marquée, contiennent plusieurs épitaphes ou pièces de circonstance, ce qui les relie au groupe ci-dessus :
1. Recueil sur papier du XVe siècle contenant, entre autres, des pièces de circonstance en latin et français, ainsi que plusieurs épitaphes [45].

3418. Manuscrit sur papier du XVIe siècle qui rassemble de nombreux textes fort divers, dont des pièces de circonstance d’orientations politiques contrastées (française et bourguignonne). N. Dupire choisit ce ms. comme texte de base pour son édition de l’Epitaphe[46].

3520. Encore un recueil très hétérogène du XVIe siècle, sur papier : l’Epitaphe fait partie d’un groupe d’épitaphes en vers (fol. 1 r°-8 v°) [47].

36Il n’est pas surprenant que la diffusion de l’Epitaphe soit en grande partie bourguignonne, malgré la diversité chronologique et physique des témoins. Ce qui se laisse peut-être prévoir plus diffi cilement, c’est la fréquence d’un contexte codicologique dominé par l’historiographie – que les textes historiographiques soient anonymes, ou les chroniques et mémoires d’écrivains importants tels Jacques Du Clercq (14), Nicaise Ladam (8, 15), Enguerrand de Monstrelet (8), ou Matthieu d’Escouchy (22). Ces tendances nettes sont en contraste avec la publication des Faictz et dictz, qui parurent à une distance considérable – distance spatiale ainsi que temporelle – de l’activité de Molinet. Dans les recueils imprimés, les poèmes religieux et didactiques sont concentrés au début du volume et, partant, privilégiés aux dépens des textes plus engagés où Molinet exprime des sentiments pro-bourguignons (et souvent vigoureusement anti-français). Le paratexte contribue à cette présentation : une préface éditoriale présente Molinet comme un poète essentiellement moralisant, et ne mentionne nullement son dévouement à la cause austro-bourguignonne [48].

37À la prépondérance de manuscrits historiques et/ou bourguignons s’ajoute que l’Epitaphe fut souvent copiée dans des manuscrits après coup. Cette insertion postérieure, parfois sur des feuillets de garde, est en général due à des mains nouvelles. Les cas les plus évidents sont les mss 2, 10, 17, 22, 23, 26, 28, 30 et 32[49]. Que l’Epitaphe fût copiée fréquemment de cette façon – tantôt dans des recueils historiques qui se prêtent bien à la mise à jour continue, tantôt dans n’importe quel livre disponible – implique qu’elle est entrée en circulation assez tôt après la mort de Philippe, et qu’elle a été transcrite avec enthousiasme comme bilan opportun et utile de sa carrière. Non que ce fût toujours le cas : comme l’a démontré G. Small dans son étude des Chroniques de Chastelain, des textes bourguignons peuvent être transmis bien après leur composition, acquérant ainsi une certaine valeur nostalgique pour de nouvelles générations de lecteurs. Néanmoins, on rencontre la plupart de ces transcriptions « opportunistes » dans des manuscrits datables du XVe siècle plutôt que du XVIe.

38En outre, quelques témoins sont essentiellement des recueils de transcriptions de documents historiques, des pièces justifi catives pour ainsi dire : voir les mss 3, 11 et 26. La transcription de l’Epitaphe dans de tels volumes suggère qu’elle était considérée, du moins par certains lecteurs, comme un authentique témoignage historique, ou même une vraie inscription funéraire. Les titres qui introduisent le poème dans quelques manuscrits indiquent clairement que cette dernière interprétation était assez répandue [50] :

39

4 : Il est escript sur le tombe de monsigneur le Duc de Bourgoingne, darrain
trespassée [sic] en la ville de Brugez (fol. 207 r°) ;
11 : S’ensieut che q[ue] l’en mettera sur le sepulture du duc Phelippe duc de
Bourg[og]ne dont Dieux ayt l’ame (fol. 3 v°) ;
14 : S’ens[uiven]t les vers mis par escript autour du tombeau Ph[i]l[ipp]es
grand duc de Bou[r]g[og]ne (fol. 332 v°) ;
16 : Coppie de l’epitaphe escript sur le tombeau et sepulcre de feu
mons[eigneu]r le bon duc Ph[i]l[ipp]e dont Dieu ait l’a[m]me (fol. 14 r°) ;
32 : S’ensuit che que on mettra sur la sepulture du feu le duc Philipe en
Bourgogne (fol. 1 v°) [51].

40Le cas du ms. 15 est quelque peu différent : ici, l’Epitaphe est suivie immédiatement de quelques lignes qui ressemblent fortement à une inscription tombale. Puisque ces lignes ne sont précédées d’aucun titre, le lecteur a l’impression que celles-ci et l’Epitaphe font partie d’une seule et même inscription :

41

Chy gist Ph[i]l[ipp]es de Walloys, duc
de Bourgoigne, de Lothar, de Brabant,
de Lembourch, de Luxembourch,
conte de Flandres et d’Arthoys,
de Bourgoigne, de Pallatin, de Haynau,
de Zellande et Hollande et de Namur,
Marcquis du s[ain]t Empire, signeur de Frise,
de Salines, de Malines, quy trespassa en
l’an de grace mil iiijc. [et] soizante sept le xve jour
de Jung. Priés Dieu pour son ame. Amen (p. 46).

42La question de l’inscription mérite un bref commentaire. Philippe mourut le 15 juin 1467 à Bruges [52]. Il avait demandé qu’on inhumât son corps dans la chartreuse de Champmol à Dijon, avec ses père et grand-père ; pourtant, c’est à Bruges qu’eurent lieu les obsèques de Philippe, les 21 et 22 juin ; son corps fut inhumé à l’église Saint-Donatien [53]. Ce n’est qu’en 1474 que son corps fut transporté à Dijon ; les entrailles du duc, prélevées le lendemain de sa mort, restèrent à Saint-Donatien jusqu’à la destruction de l’église en 1798 [54]. Il n’existe pas de preuve que l’Epitaphe ait orné le tombeau à Saint-Donatien ; de toute façon, elle ne semble pas avoir orné celui de Dijon [55]. Quelques copistes ont pu simplement supposer que l’embrayeur icy au v. 33, élément conventionnel de l’épitaphe poétique, faisait référence à un tombeau historique [56]. Néanmoins, la relative fréquence de titres suggérant l’inscription du poème est signifi cative, et implique au moins que le caractère « inscriptionnel » du texte, même s’il est entièrement fi ctif, était reconnu. Certains manuscrits soulignent l’aspect matériel de l’Epitaphe sur la page, mettant ainsi en valeur ce statut potentiel d’inscription. Dans le ms. 10 le texte commence avec une énorme initiale à cadeaux ; dans le ms. 25 il est transcrit d’une écriture plus posée que celle de bien des autres textes du volume.

43Les manuscrits qui transmettent l’Epitaphe témoignent donc d’une réception qui a tendance à privilégier son contenu documentaire [57]. Non qu’une dimension idéologique n’existe pas ; le poème contient trois types d’éléments de propagande. D’abord, il y a les références fl atteuses à la prouesse guerrière et aux conquêtes territoriales du duc. Philippe acquiert plusieurs terres (v. 5-6) [58], et se défend contre d’autres pays (v. 7-10) [59]. Non seulement il remporte la victoire dans sept batailles rangées (v. 13-14) [60], mais il réprime des révoltes urbaines (v. 15-16) [61]. Un deuxième type de références concerne la piété de Philippe : Molinet souligne la dimension religieuse de l’Ordre de la Toison d’Or (v. 23-24), ainsi que les projets de croisade que nourrissait le duc (v. 25-28) [62]. Bien plus, il fait allusion (v. 29-30) au soutien que prêta Philippe au pape Eugène IV après la décision du concile de Bâle, en janvier 1438, de le suspendre et de lui substituer Amédée VIII, duc de Savoie [63]. Enfi n, ce qui est plus frappant, plusieurs vers font allusion au statut quasiment royal dont jouit le duc. C’est Philippe qui, grâce à la Paix d’Arras de septembre 1435, assure le règne de Charles VII en lui permettant de reconquérir les terres françaises sous domination anglaise (v. 12) [64]. C’est Philippe qui héberge à Genappe son neveu, le futur Louis XI, réfugié à Bruxelles après s’être brouillé avec son père, et qui fi nit par couronner Louis à Reims (v. 19-20) [65]. Enfi n, c’est Philippe qui vainc René d’Anjou, roi titulaire de Naples, à Bulgnéville en 1431 (v. 17-18), et qui infl uence le destin de la couronne anglaise (v. 21-22) [66]. Il convient de s’attarder un peu sur cette image de Philippe, image renforcée par son ascendance royale, que mettent en valeur les v. 1-2 en rappelant que le duc est l’arrière-petit-fi ls du roy Jehan, c’est-à-dire de Jean II le Bon. Bien que la Paix d’Arras ait mis fi n à la suzeraineté de Charles VII sur Philippe, ce dernier n’était en fi n de compte qu’un duc. Ce qui donnait bien du souci aux écrivains bourguignons : poètes et chroniqueurs peinaient pour démontrer que le prince bourguignon avait toutes les qualités d’un roi et/ou que les ducs de Bourgogne avait un rang égal à celui des rois français [67]. En présentant Philippe comme roi au moins en titre, l’Epitaphe semble être le symptôme de ces soucis ; et une nouvelle génération bourguignonne peut bien avoir lu le poème comme l’écho des visées plus séparatistes, voire impériales, de Charles le Téméraire, fi ls de Philippe [68].

44L’orientation bourguignonne de bon nombre des manuscrits de l’Epitaphe met naturellement en lumière ces aspects propagandistes et didactiques. Néanmoins, le poids de l’historiographie dans les manuscrits, ainsi que la fréquence de l’insertion postérieure, indiquent que c’est la valeur documentaire du poème qui occupe le devant de la scène dans de nombreux cas. Ce qui n’empêche pas une présentation sélective, sinon confuse, des détails historiques dont fourmille le texte : la version conservée par le ms. 10 en constitue un exemple frappant. Certains détails manquent, d’autres sont fautifs, tandis que l’ordre des vers diffère de celui de la version type. Une discussion exhaustive de la variation textuelle de l’Epitaphe dépasserait les bornes de la présente étude ; toutefois, pour indiquer la forme que peut prendre cette variation, nous avons cru utile de reproduire en annexe le texte du ms. 10, accompagné de quelques remarques sur la sélection et l’ordre des allusions historiques.

45Malgré l’importance évidente des aspects documentaires et propagandistes, il ne faut pas négliger les implications qu’a la forme de l’Epitaphe. L’emploi d’alexandrins est lié intimement à ce genre : quoique rare au XVe siècle, il fut fréquemment choisi pour les épitaphes et d’autres poèmes à caractère « inscriptionnel » [69]. Qui plus est, les couplets d’alexandrins posent parfois des problèmes aux copistes, comme l’indiquent les différentes mises en page qu’adoptent ceux-ci. Le texte est normalement écrit en un seul bloc de vers, mais la longueur et la rareté relative de l’alexandrin provoquent quelquefois des écarts par rapport à cette norme, même dans un manuscrit aussi tardif que 7. Dans ce volume, les sept premiers vers sont écrits comme de la prose, la correspondance entre vers et ligne écrite n’étant pas respectée : c’est probablement parce que le copiste a eu d’abord du mal à faire tenir un alexandrin complet sur une seule ligne.

46D’autres manuscrits présentent le texte de l’Epitaphe en huitains ou quatrains. Dans 12 les quatre premiers vers sont séparés des autres ; dans 16 et 34 le poème prend la forme de quatre huitains suivis d’un quatrain qui tient lieu d’envoi ; 8, 28 et 30 présentent une séquence de quatrains. Les co-pistes suivent peut-être un précédent dans l’emploi de l’alexandrin, qui se trouve souvent en quatrains dans la poésie du XVe siècle [70]. D’autres copistes, apparemment trompés par la rime intérieure au premier couplet, divisent chaque alexandrin en deux et transcrivent la pièce comme si elle consistait en quatrains d’hexasyllabes. Cette mise en page est adoptée dans 2, 4, 25 et 31 ; dans 33 les demi-vers sont présentés en huitains suivis d’un quatrain fi nal ; dans 15 on trouve un seul bloc de demi-vers transcrit à deux colonnes [71]. Donc, bien que l’Epitaphe ait été considérée comme un document d’intérêt essentiellement historique, sa versifi cation semble avoir été suffi samment inhabituelle pour semer une certaine confusion dans les rangs des copistes [72]. En effet, ce n’est qu’au XVIe siècle que les « arts de seconde rhétorique » mentionnent les alexandrins en rimes plates [73].

47Nous ne croyons pas avoir dit le dernier mot sur ce poème court mais très apprécié aux XVe et XVIe siècles, dont un texte critique exhaustif reste à établir. Étant donné la brièveté de l’Epitaphe, et son insertion postérieure dans des recueils hétérogènes à caractère souvent anonyme, on ne peut exclure la possibilité d’éventuels témoins non encore identifi és. Néanmoins, au terme de cette étude, la diffusion et la réception de l’Epitaphe s’avèrent triplement ironiques. Première ironie : écho du séparatisme politique de la génération qui suivit Philippe, à côté de textes nettement pro-bourguignons et parfois anti-français, le poème semble pourtant servir principalement de document historique dans bien des cas. Deuxième ironie : bien que ce soit le sujet du poème, plus que son auteur, qui intéresse les lecteurs, les effets de l’alexandrin révèlent que l’on ne pouvait nullement – au XVe siècle comme au XXIe – lire l’Epitaphe comme histoire à l’état pur, en faisant abstraction du niveau du récit, de l’élaboration linguistique des « faits » [74]. Troisième ironie : un poème qui se veut monument est fréquemment transmis sous une forme peu monumentale, griffonné sur des feuillets de garde, annexé à des pièces plus considérables, noyé dans des recueils. Mais c’est là une ironie à double tranchant. Car ce sont en partie ces griffonnages qui gardent le souvenir du grand duc du Ponant.


48Appendice

49

Texte du ms. CARPENTRAS, Bibliothèque Inguimbertine, 409
Jeh[an] fut né de Phelippe, qui du roy Jehan fut fi lz,
Et de Jehan moy Phelippe, que mort tient en ses fi lz.
Mon pere me laissa Flandres, Bourgongne, Arthoix :
4 Succeder y devoye par toutes bonnes loix.
J’acreu ma seigneurie de Brebant et Lambourg,
Holande, Irlande, Elende, Zelande et Luxambourg[75].
Moult m’ont contrarié Allemans et Angloys,
8 Mais je les ay remis et vaincuz maintesfois.
Le Roy Charles septiesme me fi st guerre à desroy,
Mais il me requist paix, dont il demoura roy.
Sept batailles conquis, desquelles j’eu victoire.
12 Onc une n’en perdis : a Dieu en soit la gloire.
Loÿs, le fi lz de Charles, fut fuitif et marry :
Par moy fut couronné quant l’eu cinq ans noury.
Par Barroys et Lorrains René guerre m’esmeut :
16 De Secille estoyt rois, mais mon prisonnier fut.
Odoart duc d’Yort passant vint en ma terre :
Par mon port et faveur, il fut roy d’Angleterre.
Le consille de Balle pape Eugene priva,
20 Mais tel faveur luy fi s que pape demoura.
Pour maintenir l’eglise, qui est de Dieu maison,
Je mis sus la noble ordre que l’on dit la Toyson,
Et po[ur] la foy crestienne maintenir en vigour
24 J’envoyé mes gallées jusques en mer Majour.
En mes vieulx jours j’avoye conclut et ent[re]prins
D’y aller en personne, se mort ne m’eust seurprins.
En l’an soixante et sept avecques quatre cens
28 Poyé [sic] droit de nature a soixante et troys ans[76].
Avec mon pere ayeul je gis icy reclus,
Ainsi qu’en mes vieulx jours le l’avoye conclus[77].
Entre vous qui lisez cy mes faiz et mes dis
Priez le doulx Jehus qu’il me doint paradis[78].

Notes

  • [1]
    G. GROS, Le poète marial et l’art graphique. Étude sur les jeux de lettres dans les poèmes pieux du Moyen Âge, Caen, 1993, p. 45.
  • [2]
    Voir surtout P. ZUMTHOR, Le masque et la lumière. La poétique des grands rhétoriqueurs, Paris, 1978.
  • [3]
    J. DEVAUX, Jean Molinet, indiciaire bourguignon, Paris, 1996.
  • [4]
    Cette interprétation avait déjà été celle de C. THIRY dans deux articles importants : Rhétorique et genres littéraires au XVe siècle, Sémantique lexicale et sémantique grammaticale en moyen français. Colloque organisé par le Centre d’Études Linguistiques et Littéraires de la Vrije Universiteit Brussel (28-29 septembre 1978), éd. M. WILMET, Bruxelles, 1979, p. 23-50 ; ID., La poétique des grands rhétoriqueurs. À propos d’un ouvrage récent, Le Moyen Âge, t. 86,1980, p. 117-133. Voir aussi l’étude importante de F. CORNILLIAT, Or ne mens. Couleurs de l’éloge et du blâme chez les Grands Rhétoriqueurs, Paris, 1994.
  • [5]
    Cette approche a été tentée dans A. ARMSTRONG, The Practice of Textual Transmission : Jean Molinet’s Ressource du Petit Peuple, Forum for Modern Language Studies, t. 33,1997, p. 270-282.
  • [6]
    JEAN MOLINET, Les Faictz et dictz de Jean Molinet, éd. N. DUPIRE, t. 1, Paris, 1936, p. 34-35.
  • [7]
    Le texte imprimé (voir les témoins 35-37 ci-dessous) ajoute le couplet suivant après le v. 10 : Par trois fois fus requis pour gouverner l’empire ; Ceux qui me meurent guerre, ils en eurent du pire. (cité d’après ibid., t. 3, p. 930)
  • [8]
    Le texte imprimé ajoute le couplet suivant après le v. 24 : Du benoist saint Sepulchre freres et edifi ces J’ay bien entretenus en leur estat propices. (cité d’après ibid., t. 3, p. 930)
  • [9]
    Ibid., t. 1, p. 34 ; N. DUPIRE, Étude critique des manuscrits et éditions des poésies de Jean Molinet, Paris, 1932, p. 54,60,74,76,91. Nous préparons une nouvelle édition critique de la poésie de Molinet pour les Éditions H. Champion, ainsi qu’une bibliographie des manuscrits et éditions anciennes qui la transmettent.
  • [10]
    Ce manuscrit, recueil de documents historiques relatifs à la ville de Dijon, ne peut nous renseigner en rien sur la réception de l’Epitaphe dans la période qui nous intéresse, du fait qu’il est datable à la fi n du XVIIe siècle ; voir H. MARTIN, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de l’Arsenal, t. 3, Paris, 1887, p. 441-442.
  • [11]
    Voir DUPIRE, Étude critique, p. 9-48, et A. ARMSTRONG, Technique and Technology : Script, Print, and Poetics in France, 1470-1550, Oxford, 2000, p. 22-34. Le ms. de Gonville and Caius College (9) contient aussi de très nombreux textes de Molinet, mais n’est pas entièrement consacré à cet auteur : quelque 70 pièces occupent les deux tiers du volume. Voir ARMSTRONG, The Practice, p. 274, et infra.
  • [12]
    Il faut toutefois noter qu’il manque – ou manquait – quelques feuillets aux mss Tournai 105 et Rothschild 471 : voir DUPIRE, Étude critique, p. 10-28,37.
  • [13]
    Pour le contenu des éditions – dont celles de 1537 et de 1540 reproduisent le texte de 1531 – voir ibid., p. 87-98, et ARMSTRONG, Technique and Technology, p. 61-62.
  • [14]
    Le Trosne paraît dans JEAN MOLINET, Faictz et dictz, t. 1, p. 36-58.
  • [15]
    Sur le contenu du ms., voir infra, n. 29. À part les deux couplets supplémentaires qui se trouvent dans la version des Faictz et dictz (voir les n. 7-8 supra), le texte du ms. 13 contient des leçons frappantes telles que Contrariez si m’ont (v. 7) et Le concille de Basle (v. 29). Le premier couplet supplémentaire se retrouve aussi dans le ms. 3, transcrit apparemment après la parution des éditions (voir infra), avec des variantes intéressantes : Par trois fois refusay couronne d’empire, Contens des biens de Dieu : plus n’en vouloye eslire (fol. 18 v°). Le deuxième couplet supplémentaire n’est présent dans aucune autre version manuscrite.
  • [16]
    Voir A. ARMSTRONG, Two more rebus-poems by Jean Molinet ?, Scriptorium, t. 51,1997, p. 76-80, et ID., Technique and Technology, p. 36-37.
  • [17]
    Voir PARIS, Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, Section romane, Notice 2070.
  • [18]
    Voir Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, t. 32, Paris, 1897, p. 798-799.
  • [19]
    Sur cette invective et d’autres poèmes consacrés à la campagne bourguignonne contre Liège, voir C. THIRY, Les poèmes de langue française relatifs aux sacs de Dinant et de Liège 1466-1468, Liège et Bourgogne. Actes du colloque tenu à Liège les 28,29 et 30 octobre 1968, Paris, 1972, p. 101-127.
  • [20]
    Pour le Lyon Coronné, voir Le Lyon Coronné, éd. K. URWIN, Genève, 1958. Sur ce ms., voir Charles le Téméraire. Exposition organisée à l’occasion du cinquième centenaire de sa mort, éd. P. COCKSHAW, C. LEMAIRE et A. ROUZET, Bruxelles, 1977, p. 93-94 ; GEORGE CHASTELAIN, Le Temple de Bocace, éd. S. BLIGGENSTORFER, Berne, 1988, p. *52-*56.
  • [21]
    Voir L’Abuzé en court, éd. R. DUBUIS, Genève, 1973.
  • [22]
    Voir ARMSTRONG, The Practice, p. 279.
  • [23]
    Voir Quinze années d’acquisitions. De la pose de la première pierre à l’inauguration offi cielle de la Bibliothèque, Bruxelles, 1969, p. 108.
  • [24]
    Voir J. LEMAIRE, Meschinot, Molinet, Villon : témoignages inédits. Étude du Bruxellensis IV 541, suivie de l’édition de quelques ballades, Archives et Bibliothèques de Belgique, numéro spécial 20,1979.
  • [25]
    Voir L. THORPE, Two Epitaphs by Jean Molinet, Scriptorium, t. 8,1954, p. 283-288, et ID., Nicaise Ladam and Manuscript 283/2 of the Fitzwilliam Museum, Nottingham mediæval Studies, t. 2,1958, p. 67-85 ; F. WORMALD et P.M. GILES, A Descriptive Catalogue of the Additional Illuminated Manuscripts in the Fitzwilliam Museum acquired between 1895 and 1979, t. 1, Cambridge, 1982, p. 244-249.
  • [26]
    Voir K.M. MUNN, A Contribution to the Study of Jean Lemaire de Belges : A Critical Study of Bio-bibliographical Data, Including a Transcript of Various Unpublished Works, Scottdale, 1936, p. 184-185 ; JEAN MOLINET, Les Pronostications Joyeuses, éd. J. KOOPMANS et P. VERHUYCK, Genève, 1998, p. 17. Nous préparons une étude détaillée de ce manuscrit.
  • [27]
    Voir P. FAIDER, P.P. DEBBAUDT et A.M. FAIDER-FEYTMANS, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de Belgique, t. 3, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque publique de la ville de Courtrai, Gembloux, 1936, p. 192-193.
  • [28]
    Voir F. AVRIL et N. REYNAUD, Les manuscrits à peintures en France 1440-1520, Paris, 1993, p. 100-101 ; MARTIN LE FRANC, Le Champion des Dames, éd. R. DESCHAUX, t. 1, Paris, 1999, p. XIV.
  • [29]
    Voir JEAN LEMAIRE DE BELGES, Traicté de la différence des schismes et des conciles de l’Église, avec l’Histoire du Prince Sophy et autres œuvres, éd. J. BRITNELL, Genève, 1997, p. 40 n. 80 ; Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, t. 26, Paris, 1897, p. 445-452.
  • [30]
    Voir A Catalogue of the Harleian Manuscripts in the British Museum, t. 3, Londres, 1808, p. 162.
  • [31]
    Sur ce manuscrit, acquis par l’Université de Manchester en 1997, voir C. CREW, A Study of Rylands French MS 144, Mém. de Maîtrise, Université de Manchester, 2000.
  • [32]
    Voir A. LOUANT, Le Livre de Ballades de Jehan et Charles Bocquet, bourgeois de Mons au XVIe siècle, Bruxelles, 1954.
  • [33]
    Voir P. FAIDER et A.M. FAIDER-FEYTMANS, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque publique de la ville de Mons, Gand-Paris, 1931, p. 269-270.
  • [34]
    Bibliothèque Nationale – Département des manuscrits, Catalogue des manuscrits français, t. 3, Paris, 1881, p. 110-113.
  • [35]
    Voir G. HALLIGAN, La Chronique de Mathieu d’Escouchy, Romania, t. 90,1969, p. 100-101.
  • [36]
    Voir Bibliothèque Nationale – Département des manuscrits, Catalogue des manuscrits français, t. 4, p. 500-501.
  • [37]
    Voir JEAN ROBERTET, Œuvres, éd. M. ZSUPPÁN, Genève, 1970, p. 33.
  • [38]
    Voir H. OMONT, C. COUDERC, L. AUVRAY et C. DE LA RONCIÈRE, Bibliothèque Nationale, Catalogue général des manuscrits français : Ancien Saint-Germain français, t. 1, Paris, 1898, p. 14-16.
  • [39]
    Voir ibid., t. 3, p. 429.
  • [40]
    Voir Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, t. 24, Paris, 1894, p. 248-250 ; M.R. JUNG, Simon Gréban, rhétoriqueur, Rhétorique et mise en prose au XVe siècle. Actes du VIe colloque international sur le moyen français. Milan, 4-6 mai 1988, éd. S. CIGADA et A. SLERCA, t. 2, Milan, 1991, p. 62 n. 19.
  • [41]
    Voir Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, t. 9, Paris, 1888, p. 2.
  • [42]
    Voir PARIS, Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, Section romane, Notice 1647.
  • [43]
    Voir JEAN LEMAIRE DE BELGES, Épistre du roy à Hector et autres pièces de circonstance 1511-1513, et JEAN D’AUTON, Épistre d’Hector au roy, éd. A. ARMSTRONG et J. BRITNELL, Paris, 2000, p. LII-LIV.
  • [44]
    Voir L’Abuzé en court, p. XII-XIII.
  • [45]
    Voir H. HAGEN, Catalogus Codicum Bernensium, Berne, 1875, p. 256-260.
  • [46]
    Voir DUPIRE, Étude critique, p. 56-66.
  • [47]
    Voir Bibliothèque Nationale – Département des manuscrits, Catalogue des manuscrits français, t. 3, p. 173-179.
  • [48]
    Voir ARMSTRONG, Technique and Technology, p. 59-62. La succession des éditions, leur publication par divers libraires et le privilège de quatre ans qui accompagne la première indiquent que ces recueils représentaient des affaires bien rentables, dont les prévisions de vente justifi aient l’investissement initial (voir ibid., p. 56-57). La suppression de la dimension politique des œuvres n’y est sans doute pas pour rien : voir A. ARMSTRONG, Cosmetic surgery on Gaul : The printed reception of Burgundian writing in France before 1550, Print and Power in France and England, 1500-1800, éd. D. ADAMS et A. ARMSTRONG, Aldershot, 2006, p. 18-22.
  • [49]
    Trois de ces mss n’ont pas été décrits ci-dessus : 10 Manuscrit sur papier du XVe siècle consacré à l’Arbre des batailles d’Honoré Bouvet : voir Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Départements, t. 34, Paris, 1901, p. 215-216 ; 28 Manuscrit sur papier du XVe siècle, dont 80 % sont occupés par une traduction française des Trionfi de Pétrarque : voir É. PELLEGRIN, Manuscrits de Pétrarque dans les bibliothèques de France. III, Italia medioevale e umanistica, t. 7,1964, p. 481-483 ; 32 Manuscrit du début du XVIe siècle sur parchemin, consacré au Roman de la Rose : voir E. LANGLOIS, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. 33/2, Notices des manuscrits français et provençaux de Rome antérieurs au XVIe siècle, Paris, 1889, p. 284-286.
  • [50]
    Dans toutes les citations de manuscrits et d’éditions anciennes, nous avons modernisé la ponctuation et l’emploi des majuscules. Les crochets indiquent des abréviations résolues.
  • [51]
    Nous citons d’après op. cit., p. 284.
  • [52]
    La date est précisée dans une variante du v. 31 dans le ms. 9 : En l’an lxvij de juing xve tampz (fol. 87 r°).
  • [53]
    Voir A. VIAENE, Bij een vijfhonderdste verjaring : De grote dode van het Prinsenhof. Uitvaart en bijzetting van hertog Filips de Goede, Brugge 1467, Biekorf, t. 68,1967, p. 321-332.
  • [54]
    Ibid., p. 328-331. C’est la Chartreuse que mentionne le titre de l’Epitaphe dans le ms. 33 : C’est l’epytaphe du bon duc Ph[ilipp]e de Bourg[og]ne, conte de Flandres etc., qui fut fi lz du duc Jehan de Bourg[og]ne, icelluy Jehan fi lz du duc de Bourg[og]ne Ph[ilippe] le Hardy, icelluy Ph[ilipp]e fi lz du roy de France et de madame Bonne de Lehanne [sc. Bonne de Luxembourg]. Et repose le corps dud[it] bon duc Ph[ilipp]e aux Chartreux de Dijon en la ducé de Bourg[og]ne (fol. 410 r°).
  • [55]
    Voir P. QUARRÉ, Les caveaux des ducs de Bourgogne à la chartreuse de Champmol, Revue belge d’Archéologie et d’Histoire de l’Art, t. 22,1953, p. 115-121. Nous remercions N. GEIRNAERT, des Archives Municipales de Bruges, de nous avoir informé sur le tombeau ducal à Saint-Donatien.
  • [56]
    On trouve de semblables références déictiques à des tombeaux imaginaires dans les Anciennes et modernes genealogies des Roys de France du rhétoriqueur poitevin Jean Bouchet, entre autres ; voir ARMSTRONG, Technique and Technology, p. 198. À noter que ce vers ne peut impliquer de tombeau qu’à Dijon, où gisaient les pere et ave de Philippe.
  • [57]
    Deux manuscrits restent à décrire : il s’agit des mss 17 et 26, qui appartenaient tous les deux à la famille Robertet. Le ms. 17 fut transcrit au début du XVIe siècle, sans doute par Jean-Jacques Robertet, petit-fi ls du rhétoriqueur Jean, qui copia aussi deux volumes apparentés, B.N.F., mss fr. 1716 et 1721. Le ms. 26 est une copie directe ou indirecte des trois manuscrits transcrits par Jean-Jacques Robertet : il contient essentiellement les mêmes textes, dans le même ordre. Les deux volumes contiennent de nombreux poèmes, aux formes et orientations politiques diverses ; plusieurs textes portent des attributions explicites. Voir JEAN ROBERTET, Œuvres, p. 11-14,16-17.
  • [58]
    Les v. 5-6 résument un processus qui s’étend sur plus de vingt ans. Philippe acheta le comté de Namur en 1421, et conquit la Hollande, la Zélande et le Hainaut entre 1428 et 1433. Il acquit le duché de Brabant, ainsi que le Limbourg – rendu au Brabant par Philippe le Hardi en 1401 – en 1430, en faisant reconnaître son titre au duché par les États de Brabant. Enfi n, il conquit Luxembourg en 1443. R. VAUGHAN, Valois Burgundy, Londres, 1975, p. 14-22, raconte brièvement ces acquisitions, et observe qu’on ne devrait pas en attribuer le mérite à Philippe seul : « the way towards the acquisition of these lands had in every single case been prepared by his grandfather » (p. 18).
  • [59]
    Les v. 7-8 sont peu clairs, les hostilités entre Philippe, l’Angleterre et l’Empire étant rares. À moins que les événements auxquels ces vers font allusion ne soient les mêmes que ceux que mentionne le couplet suivant, il ne peut s’agir que de la déclaration de guerre impériale que fi t l’empereur Sigismond en 1434 – guerre qui resta à l’état virtuel – et des troupes de Humphrey, duc de Gloucester, qui combattirent contre Philippe en 1424-1426. Voir R. VAUGHAN, Philip the Good : The Apogee of Burgundy, Londres, 1970, p. 67-72,37-38,42-44. Les v. 9-10 font allusion à la période 1436-1438, où Philippe se vit assaillir de divers côtés. Après l’échec d’un siège bourguignon de Calais, Humphrey envahit la Flandre en été 1436 ; le combat continua jusqu’en 1438, sans grands succès du côté bourguignon (ibid., p. 73-85). En 1437 le Limbourg fut envahi par des troupes allemandes sous Louis de Hesse, avec le soutien de l’empereur Sigismond : l’entreprise fut un échec total (ibid., p. 73). L’agression française se manifesta dans les déprédations des « écorcheurs », qu’encourageait Charles VII, en Bourgogne à la fi n des années 1430 (ibid., p. 94-96).
  • [60]
    Il est diffi cile d’identifi er sept batailles auxquelles Philippe fut présent en personne. Les plus probables sont Mons-en-Vimeu (1421 : ibid., p. 12-14), Brouwershaven (1426 : ibid., p. 42-44), Rupelmonde (1453 : ibid., p. 321), et Gavre (1453 : ibid., p. 328-332). On pourrait peut-être citer les campagnes victorieuses qui assurèrent la conquête de Hollande (1425-1428 : ibid., p. 40-49) et du Luxembourg (1443 : ibid., p. 274-282), ainsi qu’une brève campagne en 1433 (ibid., p. 66-67). Le chiffre sept est peut-être employé pour sa valeur hautement symbolique, plutôt que pour son exactitude historique ; nous remercions G. SMALL de cette suggestion. Quoi qu’il en soit, il faut souligner le caractère partiel et partial de ce couplet. Non seulement Molinet ne mentionne pas certains échecs militaires où le duc est impliqué (p. ex. l’attaque sur Amersfoort en 1427 et le siège de Crotoy en 1437 : ibid., p. 48,84), mais le règne de Philippe était relativement paisible. D’ailleurs, Philippe ne fi t pas preuve d’une grande habileté de général à Gavre.
  • [61]
    Plusieurs révoltes éclatèrent en Flandre dans les années 1430, p. ex. à Gand, à Grammont et à Bruges, tandis qu’en 1452-1453 une révolte à Gand dégénéra en une guerre ouverte contre Philippe : ibid., p. 85-92,303-333. Pour les hostilités entre Philippe et Liège en 1429-1431, et les relations entre ces deux parties dans les années suivantes, voir ibid., p. 58-62,220-224. Les campagnes contre Liège et Dinant qui commencèrent en 1465 – matière d’actualité lors de la rédaction de ce poème – furent menées par Charles le Téméraire : voir C. BRUSTEN, Les campagnes liégeoises de Charles le Téméraire, Liège et Bourgogne, p. 81-99 ; P. GORISSEN, La politique liégeoise de Charles le Téméraire, Liège et Bourgogne, p. 129-145.
  • [62]
    Sur la Toison d’Or, voir M. VALE, War and Chivalry : Warfare and Aristocratic Culture in England, France and Burgundy at the End of the Middle Ages, Londres, 1981, p. 34-51. Sur l’importance de la croisade dans la politique et l’idéologie de la cour de Philippe, voir H. MÜLLER, Kreuzzugspläne und Kreuzzugspolitik des Herzogs Philippe des Guten von Burgund, Göttingen, 1993. Quelques échos littéraires de cette idéologie sont examinés dans J. DEVAUX, Le Saint Voyage de Turquie : croisade et propagande à la cour de Philippe le Bon (1463-1464), A l’heure encore de mon escrire. Aspects de la littérature de Bourgogne sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire, éd. C. THIRY, Les Lettres Romanes, hors série, 1995, p. 53-70. Le deuxième couplet supplémentaire dans la tradition imprimée renforce cet éloge d’un Philippe pilier de l’Église (voir supra, n. 8).
  • [63]
    Philippe défendit à ses sujets de tenir compte des décrets du concile, et envoya au synode de Ferrare des ambassadeurs qui jouèrent un rôle crucial dans la conclusion de l’union des églises latine et grecque, à la grande joie du pape. Voir J. TOUSSAINT, Les relations diplomatiques de Philippe le Bon avec le concile de Bâle (1431-1449), Louvain, 1942, p. 160-179.
  • [64]
    Sur la Paix d’Arras, voir surtout J.G. DICKINSON, The Congress of Arras 1435. A Study in Medieval Diplomacy, Oxford, 1955. Plusieurs historiographes bourguignons regardèrent la Paix de la même façon que Molinet : voir M. ZINGEL, Frankreich, das Reich und Burgund im Urteil der burgundischen Historiographie des 15. Jahrhunderts, Sigmaringen, 1995, p. 68,81-82,115,147.
  • [65]
    Voir P.M. KENDALL, Louis XI : « …the universal spider… », 2e éd., Londres, 1974, p. 94-126. Après la Guerre du Bien public de 1465, ce couplet ne pouvait que souligner l’ingratitude de Louis envers son oncle.
  • [66]
    Sur la victoire de Bulgnéville, voir B. SCHNERB, Bulgnéville (1431). L’État bourguignon prend pied en Lorraine, Paris, 1993. Sur le soutien quelque peu tiède qu’avait prêté Philippe à Édouard, comte de March (fi ls de Richard, duc d’York), et aux autres lords yorkistes réfugiés à Calais en 1459, voir M.R. THIELEMANS, Bourgogne et Angleterre. Relations politiques et économiques entre les Pays-Bas bourguignons et l’Angleterre 1435-1467, Bruxelles, 1966, p. 374-375. Des troupes bourguignonnes combattirent pour Édouard à Towton (C. ROSS, Edward IV, Londres, 1974, p. 35). Toutefois, on ne peut guère affi rmer que c’est ce soutien qui vaut à Édouard sa couronne, malgré ce qu’affi rme Édouard selon Chastelain (GEORGES CHASTELLAIN, Œuvres, éd. J.B.M.C. KERVYN DE LETTENHOVE, t. 4, Bruxelles, 1863, p. 156).
  • [67]
    Voir p. ex. ZINGEL, Frankreich, das Reich und Burgund, p. 87,171-173 ; J.C. DELCLOS, Le Témoignage de Georges Chastellain, historiographe de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire, Genève, 1980, p. 148-153. Sur les ambitions royales de Philippe lui-même, voir VAUGHAN, Valois Burgundy, p. 28-29 ; J. SCHNEIDER, Lotharingie, Bourgogne ou Provence ? L’idée d’un royaume d’entre-deux aux derniers siècles du Moyen Âge, Liège et Bourgogne, p. 28-32. On peut aussi considérer sous cette rubrique le premier couplet supplémentaire dans la version imprimée (voir supra, n. 7), qui reprend une tradition bien établie selon laquelle Philippe aurait refusé par trois fois le sacré sceptre imperial (JEAN MOLINET, Le Trosne d’Honneur, dans Les Faictz et dictz, t. 1, p. 53). Voir DEVAUX, Jean Molinet, p. 261 n. 356 ; ZINGEL, Frankreich, das Reich und Burgund, p. 22-23. Sur Philippe et l’Empire en général, voir Y. LACAZE, Philippe le Bon et l’Empire : bilan d’un règne, Francia, t. 9,1981, p. 133-175 ; t. 10,1982, p. 167-227.
  • [68]
    Sur Charles et l’Empire, voir R. VAUGHAN, Charles the Bold : The Last Valois Duke of Burgundy, Londres, 1973, p. 123-155. Non que Molinet dût donner son aval à toutes les visées de Charles ; voir DEVAUX, Jean Molinet, p. 260-261.
  • [69]
    Voir M.R. JUNG, L’Alexandrin au XVe siècle, Orbis Mediævalis. Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à Reto Raduolf Bezzola à l’occasion de son quatrevingtième anniversaire, éd. G. GUINTERT, M.R. JUNG et K. RINGGER, Berne, 1978, p. 215. La plupart des épitaphes en vers qui accompagnent l’Epitaphe dans le ms. 21 sont composées en alexandrins.
  • [70]
    Ibid., p. 205.
  • [71]
    Dans le ms. 8, l’approche inverse est adoptée dans une partie de la Cronique abregié de Nicaise Ladam (fol. 154 r°-180 v°). Les quatrains d’hexasyllabes sont copiés à raison de deux vers par ligne, comme si c’étaient des alexandrins à rime intérieure : voir THORPE, Nicaise Ladam, p. 82.
  • [72]
    Dans le ms. 30, le premier couplet cause plus de confusion : le copiste lit mal la référence initiale à Jean sans Peur et intitule le poème Epythaphe de feu Jehan duc de Bourg[og]ne (fol. 3 v°).
  • [73]
    JUNG, L’Alexandrin, p. 207.
  • [74]
    Pour cette distinction narratologique, voir G. GENETTE, Nouveau discours du récit, Paris, 1983, p. 10-15.
  • [75]
    Toponymes fort confus : primauté de l’écho sonore (-lande x 4) sur l’exactitude historique.
  • [76]
    Que l’on note l’erreur de fait dans ce vers.
  • [77]
    Le texte de ce vers (v. 34 dans la version type) répète en grande partie celui du v. 25 (v. 27 dans la version type) : la confusion dérive sans doute de la répétition du verbe (se) conclure.
  • [78]
    On verra qu’il manque à cette version les v. 8-10 et 15 de la version type. Le v. 16 suit ici le v. 7 ; les v. 17-18 et 19-20 sont intervertis pour constituer les v. 13-16 de cette version. Les v. 29-30 sont déplacés plus haut et constituent ici les v. 19-20 : il en résulte un lien direct fort commode entre la référence à la mort du duc et la date de cette mort (v. 28,31 ; v. 26-27 ici). Le texte du ms. 10 contient donc moins de détails des révoltes et confl its auxquels Philippe dut faire face, et présente les faits pieux du duc en ordre nettement chronologique (v. 19-26 ici). À noter que ni cette version ni la version type ne présente les détails du règne dans un ordre chronologique global.
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