La création littéraire est œuvre d’imagination, l’activité critique est un
produit de la raison. Tel est le lien que souligne Jean-Pierre Martin lorsqu’il
évoque le « discrédit radical » jeté par nombre d’écrivains « sur une production
qu’ils jugent parasitaire ». Et c’est contre ce cliché que Friedrich Schlegel,
affirmant l’unité des facultés de l’homme et, derrière celle-ci, de ses productions, a défini le Wilhelm Meister de Goethe, par le discours critique contenu
dans le roman, comme « poésie de la poésie ». Tel est le sens de la fameuse
« ironie romantique », définie par Solger comme un « regard surplombant
qui anéantit tout », Schlegel la considérant à la fois comme « autocréation »
et « autodestruction », en ce qu’elle constituait l’œuvre comme telle tout en
en compromettant l’illusion.
À la même époque, Blake voyait dans l’imagination le socle de toute critique, et créait une symétrie entre un « Grand Code de l’Art » et un « Grand
Code de la Critique ». Après eux, en 1846, Baudelaire considérait que « la
critique doit être partiale, passionnée », et que « le meilleur compte rendu d’un
tableau pourra être un sonnet ou une élégie ». À la fin du siècle, décadents
et symbolistes estimaient que, le discours critique prenant pour objet une
œuvre, et non le monde, il s’engageait plus avant dans le processus de déréférentialisation qu’ils appelaient de leurs vœux. C’est dans cette perspective
qu’Oscar Wilde, par exemple, considérait « le critique comme artiste », selon
le titre de son célèbre essa…
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